ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 octobre 2005(*)

« Concurrence – Article 81 CE – Système de cartes de paiement Visa – Règle ‘pas d’acquisition sans émission’ – Attestation négative – Règle supprimée en cours d’instance – Intérêt à agir – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T-28/02,

First Data Corp., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis),

FDR Ltd, établie à Dover, Delaware (États-Unis),

First Data Merchant Services Corp., établie à Sunrise, Floride (États-Unis),

représentées initialement par Mes P. Bos et M. Nissen, puis par Me Bos, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. R. Wainwright, W. Wils et Mme V. Superti, puis par MM. Wainwright et T. Christoforou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er, cinquième tiret, de la décision 2001/782/CE de la Commission, du 9 août 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/29.373 – Visa International) (JO L 293, p. 24),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du recours

1       First Data Corp. est la société mère de FDR Ltd, par l’intermédiaire de sa filiale First Data Resources Inc. Elle est également la société mère de First Data Merchant Services Corp. par l’intermédiaire de sa filiale First Financial Management Corp. L’ensemble de ces sociétés forme le groupe First Data (ci-après « First Data »).

2       FDR exerce son activité dans le secteur des cartes de paiement en Europe sous le nom de First Data Europe. Aux États-Unis, sa société mère, First Data Resources, est l’un des principaux fournisseurs de services pour les émetteurs desdites cartes. Par ailleurs, First Data Merchant Services est l’un des acteurs les plus importants sur le marché américain du traitement des opérations dites « d’acquisition ».

3       Visa International Service Association (ci-après « Visa ») est une entreprise privée à but lucratif détenue par quelque 20 000 institutions financières qui en sont membres, réparties dans le monde entier. Elle exploite le système de cartes du même nom (ci-après le « système de cartes Visa »).

4       Le 31 janvier 1977, Visa (sous son ancienne dénomination, Ibanco Ltd) a notifié à la Commission les différentes règles et réglementations régissant Visa et ses membres, afin d’obtenir soit une attestation négative, soit une exemption en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE.

5       Après avoir adressé à ladite entreprise, le 29 avril 1985, une lettre de classement, la Commission, saisie d’une plainte contre les commissions multilatérales d’interchange du système de cartes Visa, a rouvert son instruction et retiré la lettre de classement le 4 décembre 1992.

6       Le 14 octobre 2000, la Commission a publié une communication, en vertu de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), invitant les tiers intéressés à présenter leurs observations au sujet de son intention d’adopter une position favorable notamment à l’égard de la règle de non-discrimination, des règles modifiées applicables aux services transfrontaliers et de la règle « pas d’acquisition sans émission » (no-acquiring-without-issuing rule) (JO C 293, p. 18). Les requérantes n’ont pas présenté d’observations à la suite de cette communication.

7       Le 22 mai 2001, des représentants de First Data ont rencontré des représentants de Visa, afin de présenter leur projet de développer une activité d’acquisition en Europe et d’obtenir le statut de membre de Visa. À cette occasion, Visa a indiqué à First Data que, pour obtenir le statut de membre, deux conditions devaient être respectées. D’une part, le demandeur doit être une institution financière et, d’autre part, il doit être un émetteur avant de commencer à acquérir.

8       Le 11 juillet 2001, First Data a écrit à Visa pour recevoir un dossier de demande d’adhésion à Visa.

9       Le 20 juillet 2001, Visa a répondu à First Data en rappelant les conditions pour obtenir le statut de membre présentées lors de la réunion du 22 mai 2001.

10     Le 9 août 2001, la Commission a adopté la décision 2001/782/CE relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/29.373 – Visa International) (JO L 293, p. 24, ci-après « la décision attaquée »).

11     Le dispositif de la décision attaquée énonce :

« Article premier

Sur la base des éléments de fait dont elle dispose, la Commission estime n’avoir aucune raison d’intervenir en application de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE ou de l’article 53 de l’accord EEE à l’égard des dispositions suivantes des règles et règlements régissant le système de cartes de paiement Visa International :

[…]

- la règle subordonnant l’acquisition à l’émission ([n]o-acquiring-without-issuing rule) prévue à l’article 2.04-2.07 des statuts […] » (ci-après la « règle en cause »).

 La procédure

12     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2002, les requérantes ont introduit le présent recours.

13     Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2002, la défenderesse a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

14     Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2002, Visa a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

15     Par lettre du 4 juillet 2002, les requérantes ont demandé, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, qu’un traitement confidentiel soit réservé aux données figurant au paragraphe 6, quatrième à septième phrases, au paragraphe 7, troisième phrase, et au paragraphe 13, troisième et quatrième phrases, de leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, qui contiendraient des secrets d’affaires.

16     Par ordonnance du Tribunal du 7 janvier 2003, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

17     Par ordonnance du 20 janvier 2003, Visa a été admise à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission. Les versions non confidentielles des mémoires lui ont été transmises.

18     Par acte déposé le 12 février 2003, Visa a présenté des objections sur la demande de traitement confidentiel. Par acte enregistré le 10 avril 2003, les requérantes ont déposé leurs observations sur lesdites objections.

19     Par ordonnance du Tribunal du 14 août 2003, le traitement confidentiel a été accordé concernant les données figurant au paragraphe 6, quatrième à septième phrases, au paragraphe 7, troisième phrase, ainsi qu’au paragraphe 13, troisième et quatrième phrases, des observations des requérantes sur l’exception d’irrecevabilité. Les dépens ont été réservés.

20     La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

21     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit plusieurs questions.

22     Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la règle en cause ;

–       enjoindre à la Commission et à Visa de fournir les informations et/ou documents relatifs à la définition du nombre raisonnable de cartes visé au considérant 18 et dans la note 21 en bas de page de la décision attaquée ;

–       enjoindre à la Commission ou à Visa de fournir une copie du « Cross-border Acquiring Planning and Implementation Guide » (guide de planification et de mise en œuvre de l’acquisition transfrontalière) mentionné dans le mémoire en défense ;

–       condamner la Commission aux dépens ;

–       condamner Visa aux dépens liés à l’intervention.

23     La Commission, soutenue par Visa, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le présent recours comme irrecevable et/ou comme non fondé ;

–       condamner les requérantes aux dépens.

24     Par lettre du 28 janvier 2005, Visa a informé le Tribunal de sa décision de supprimer la règle en cause avec effet immédiat dans la zone européenne du système de cartes Visa. En outre, Visa s’est désistée de son intervention.

25     Par lettre du 3 février 2005, le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur le désistement de Visa ainsi que sur la question de savoir si l’objet du recours avait disparu. Les parties ont également été informées de la décision du président de la troisième chambre de reporter l’audience, qui avait été fixée au 24 février 2005, à une date ultérieure.

26     Par ordonnance du 6 avril 2005, Visa a été, à la suite de son désistement, radiée du registre du Tribunal en tant qu’intervenante.

 En droit

27     En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal, se prononçant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment, d’office, examiner les fins de non-recevoir d’ordre public, ou constater, les parties entendues, que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. L’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

28     Les parties ayant été entendues sur l’effet de la suppression de la règle en cause sur la suite de la procédure, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé et décide que la procédure orale qui avait été ouverte doit être close.

 Arguments des parties

29     La Commission estime que l’objet du recours a disparu et que les requérantes n’ont plus d’intérêt à agir.

30     Les requérantes soutiennent que ni la suppression par Visa de la règle en cause ni son désistement en tant qu’intervenante ne sont des raisons suffisantes pour mettre fin à la procédure. Elles s’appuient sur trois arguments.

31     En premier lieu, elles font valoir qu’il n’existe aucune garantie que Visa n’instituera pas de nouveau la règle en cause ou n’adoptera pas une règle similaire produisant un effet équivalent. Selon les requérantes, le maintien en vigueur de la décision attaquée facilitera une telle démarche. Elles estiment que, sans une décision de principe du Tribunal, Visa pourra essayer d’empêcher l’entrée de First Data en tant qu’acquéreur dans la zone européenne du système de cartes Visa.

32     En deuxième lieu, les requérantes soutiennent avoir un intérêt à poursuivre le présent recours en ce que le Tribunal pourrait éventuellement statuer en leur faveur, notamment parce que la Commission a erronément admis la règle en cause sans mener sa propre enquête sur l’objet et les effets de celle-ci, y compris sur la condition d’admission exigeant une licence bancaire. Les requérantes précisent que le recours n’est pas devenu sans objet, car cette dernière exigence est restée en vigueur après la suppression par Visa de la règle en cause. Or, les requérantes considèrent que pour devenir un simple acquéreur, l’exigence d’une licence bancaire n’est pas justifiée.

33     En troisième lieu, les requérantes estiment qu’une décision du Tribunal, en particulier une décision jugeant fondé le troisième moyen de leur requête, tiré d’une erreur de droit et/ou de fait dans la considération de la Commission selon laquelle il n’y avait pas de restriction sensible de la concurrence, pourra servir de fondement à une éventuelle action en dommages-intérêts de leur part contre Visa. En effet, les requérantes sont d’avis qu’une décision du Tribunal constatant le caractère infondé de l’acceptation par la Commission de la règle en cause et, par voie de conséquence, de l’exigence d’une licence bancaire aboutira inévitablement à la conclusion que ces deux conditions étaient illicites au moment et après l’adoption de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

34     Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, non encore publié au Recueil, point 44, et la jurisprudence citée).

35     À cet égard, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité du recours s’apprécient, sous réserve de la question différente de la perte de l’intérêt à agir, au moment de l’introduction du recours (voir arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T‑131/99, Rec. p. II‑2023, point 29, et la jurisprudence citée).

36     Toutefois, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, cette considération relative au moment de l’appréciation de la recevabilité du recours ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans l’hypothèse où un requérant qui avait initialement intérêt à agir a perdu tout intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée en raison d’un événement intervenu postérieurement à l’introduction dudit recours.

37     En effet, pour qu’un requérant puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (voir arrêt du Tribunal du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, point 30, et la jurisprudence citée).

38     Dans le même sens, la Cour a considéré, concernant la recevabilité d’un pourvoi, qu’elle pouvait soulever d’office le défaut d’intérêt d’une partie à introduire ou à poursuivre un pourvoi, en raison d’un fait postérieur à l’arrêt du Tribunal de nature à enlever à celui-ci son caractère préjudiciable pour le demandeur au pourvoi, et déclarer le pourvoi irrecevable ou sans objet pour ce motif. En effet, l’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt de la Cour du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, Rec. p. I‑3319, point 13).

39     Il y a donc lieu d’examiner si l’annulation éventuelle de l’article 1er, cinquième tiret, de la décision attaquée après le retrait de la règle en cause pourrait avoir des conséquences juridiques au bénéfice des requérantes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T‑204/97 et T‑270/97, Rec. p. II‑2267, point 154).

40     En l’espèce, il y a lieu de considérer que l’intérêt à agir des requérantes, pour autant qu’il ait existé, a disparu du fait de la suppression de la règle en cause. En effet, un éventuel arrêt du Tribunal annulant l’article 1er, cinquième tiret, de la décision attaquée ne pourrait plus conduire aux conséquences prévues par l’article 233 CE. Ainsi, même en cas d’annulation de la décision attaquée, la Commission ne pourrait pas prendre une nouvelle décision exempte des éventuelles erreurs constatées par le Tribunal, car la règle en cause n’existe plus (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 13 juin 1997, TEAM et Kolprojekt/Commission, T‑13/96, Rec. p. II‑983, points 27 et 28).

41     Cette considération n’est pas infirmée par les arguments des requérantes.

42     En premier lieu, quant aux allégations des requérantes selon lesquelles Visa pourrait adopter une règle semblable à la règle en cause, il y a lieu de rappeler qu’un opérateur économique doit justifier d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II‑2181, point 33) et que tel n’est pas le cas en l’espèce.

43     En effet, si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, il doit être établi que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. Tel n’est pas le cas en l’espèce, car l’adoption d’une règle similaire par Visa n’est qu’un évènement éventuel qui dépend de la seule volonté de Visa. Ainsi, il s’agit d’un intérêt simplement hypothétique et donc insuffisant pour constater que la situation juridique des requérantes se trouverait affectée par l’absence d’annulation de la décision attaquée.

44     En deuxième lieu, les requérantes estiment qu’une éventuelle décision favorable du Tribunal aurait également pour effet de modifier l’exigence de Visa selon laquelle ses membres doivent avoir une licence bancaire.

45     À cet égard, il suffit de rappeler que la règle de Visa exigeant une licence bancaire ne fait pas l’objet de la décision attaquée. Même à supposer que la Commission ait dû examiner la règle en cause en prenant en compte, au titre des circonstances du marché, l’existence de l’exigence d’une licence bancaire, cela n’affecterait pas le fait que cette dernière ne fait pas l’objet de la décision attaquée. En conséquence, même si l’article 1er, cinquième tiret, de la décision attaquée était annulé et si la Commission devait réexaminer la compatibilité de la règle en cause avec l’article 81 CE, cette situation n’aurait pas d’effets automatiques sur les autres règles régissant le système de cartes Visa.

46     En outre, rien n’empêche les requérantes de contester, par le biais d’une plainte devant la Commission, les règles d’adhésion au système Visa, dont notamment l’exigence tenant à la qualité d’institution bancaire, comme le fait valoir d’ailleurs la Commission dans ses observations sur le désistement de la partie intervenante.

47     En troisième lieu, en ce qui concerne les arguments des requérantes selon lesquels l’annulation de la décision attaquée serait nécessaire pour fonder leur éventuel recours en indemnité contre Visa devant les juridictions nationales, il y a lieu de remarquer, tout d’abord, qu’il s’agit également d’une circonstance future et hypothétique.

48     En effet, la prise en compte de l’appréciation de la Commission quant à l’applicabilité de l’article 81, paragraphe 1, CE, par une juridiction nationale statuant sur un éventuel recours en indemnité formé contre Visa n’est qu’aléatoire.

49     Il est certes vrai que les actes des institutions communautaires jouissent, en principe, d’une présomption de légalité aussi longtemps qu’ils n’ont pas été annulés ou retirés (arrêts de la Cour du 1er avril 1982, Dürbeck/Commission, 11/81, Rec. p. 1251, point 17, et du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB, C‑344/98, Rec. p. I‑11369, point 53). Ainsi, lorsque les juridictions nationales se prononcent sur des accords ou des pratiques qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent pas prendre de décisions allant à l’encontre de celle de la Commission (arrêt Masterfoods et HB, précité, point 52).

50     Toutefois, une attestation négative ne s’impose pas aux juridictions nationales, même si elle constitue un élément de fait que les juridictions nationales peuvent prendre en compte dans leur examen. En effet, il ressort de l’article 2 du règlement n° 17 que les attestations négatives expriment seulement, pour la Commission, d’après les éléments dont elle a connaissance, qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. Elles ne traduisent donc pas une appréciation définitive, ni en particulier une prise de position qui relèverait de la compétence exclusive de la Commission. Comme l’article 81, paragraphe 1, CE est directement applicable, ainsi que la Cour l’a déjà jugé à diverses reprises, si bien que les particuliers peuvent s’en prévaloir devant les tribunaux nationaux et en tirer des droits, et comme les juridictions nationales peuvent aussi disposer éventuellement d’autres informations sur les particularités du cas d’espèce, elles sont naturellement tenues de se faire une opinion propre, en fonction des éléments dont elles ont connaissance, sur l’applicabilité de l’article 81, paragraphe 1, CE à certains accords (conclusions de l’avocat général M. Reischl sous l’arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Marty/Lauder, 37/79, Rec. p. 2481, 2502, 2507 ; voir également, en ce sens, arrêt Marty/Lauder, point 13, et arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Prodifarma e.a./Commission, T‑116/89, Rec. p. II‑843, point 70).

51     Ensuite, il appartient aux juridictions nationales, en cas de doute sur la légalité de la décision de la Commission, de procéder à un renvoi préjudiciel au titre de l’article 234 CE pour remettre en cause la validité de la décision attaquée, de telle sorte que, de toute façon, les requérantes ne seraient nullement privées, en cas d’éventuel litige, de la possibilité de faire valoir leurs droits devant le juge national (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, non encore publié au Recueil, point 40).

52     En tout état de cause, la situation juridique des requérantes ne serait pas modifiée par l’annulation de la partie de la décision attaquée concernant la règle en cause. En effet, comme l’ont fait valoir les requérantes elles-mêmes, dans leurs réponses aux questions écrites du Tribunal, une éventuelle annulation de la décision attaquée ne donnerait pas aux requérantes accès au système d’acquisition du réseau Visa, puisqu’elles ne possèdent pas de licence bancaire, comme il ressort de leur mémoire en réplique. Or, étant donné que l’exigence d’une licence bancaire pour devenir membre de Visa ne fait pas l’objet de la décision attaquée et que le Tribunal ne peut pas substituer son appréciation à celle de la Commission, une éventuelle annulation de la partie de la décision attaquée relative à la règle en cause n’aurait pas d’effets directs quant à la légalité de la règle selon laquelle les membres de Visa doivent être des institutions bancaires. En effet, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du recours en annulation visé à l’article 230 CE, la Cour et le Tribunal sont compétents pour censurer l’incompétence, la violation des formes substantielles, la violation du traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou le détournement de pouvoir. L’article 231 CE prévoit que, si le recours est fondé, l’acte contesté est déclaré nul et non avenu (arrêt de la Cour du 27 janvier 2000, DIR International Film e.a./Commission, C‑164/98 P, Rec. p. I‑447, point 38).

53     Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner si les requérantes disposaient au moment de l’introduction du recours d’un intérêt à la solution du litige, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, les requérantes n’ont plus d’intérêt à poursuivre le présent recours. Faute d’un intérêt à agir actuel et certain, il n’y a dès lors plus lieu de statuer sur le recours.

 Sur les dépens

54     Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

55     En l’espèce, les circonstances ayant conduit au non-lieu à statuer ayant pour cause un événement indépendant du comportement des parties principales au litige, il y a lieu de condamner chaque partie principale à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Les requérantes et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 octobre 2005.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.