Affaire T-282/02

Cementbouw Handel & Industrie BV

contre

Commission des Communautés européennes

«Concurrence — Contrôle des opérations de concentration d'entreprises — Articles 2, 3 et 8 du règlement (CEE) nº 4064/89 — Notion de concentration — Création d'une position dominante — Autorisation soumise au respect de certains engagements — Principe de proportionnalité»

Arrêt du Tribunal (quatrième chambre élargie) du 23 février 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Concurrence — Concentrations — Notion

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3; communication de la Commission 98/C 66/02, point 19)

2.     Concurrence — Concentrations — Notion

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3, § 2)

3.     Concurrence — Concentrations — Acquisition d'un contrôle conjoint indirect sur une entreprise commune

(Règlement nº 4064/89, art. 3, § 1, b), et 4, b))

4.     Droit communautaire — Principes — Protection de la confiance légitime — Conditions

5.     Concurrence — Concentrations — Notion

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3)

6.     Concurrence — Concentrations — Existence — Concentration relevant de la compétence exclusive de la Commission — Conditions

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3)

7.     Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 1er et 5)

8.     Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 6)

9.     Concurrence — Concentrations — Concentration résultant de plusieurs transactions juridiques ayant un caractère unitaire du fait de leur interdépendance

(Règlement du Conseil nº 4064/89)

10.   Concurrence — Concentrations — Appréciation de la compatibilité avec le marché commun — Création ou renforcement d'une position dominante

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2, § 2 et 3)

11.   Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission — Appréciations d'ordre économique

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2)

12.   Concurrence — Position dominante — Existence — Obstacles à l'entrée sur le marché

(Art. 82 CE)

13.   Concurrence — Position dominante — Existence — Incidence de la puissance d'achat des clients à l'égard du fournisseur

(Art. 82 CE)

14.   Concurrence — Concentrations — Appréciation de la compatibilité avec le marché commun — Création ou renforcement d'une position dominante

(Règlement du Conseil nº 4064/89)

15.   Concurrence — Concentrations — Examen par la commission — Engagements des entreprises concernées de nature à rendre l'opération notifiée compatible avec le marché commun

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2, § 2, et 8, § 2)

1.     Il découle de l'article 3 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, intitulé «Définition de la concentration», qu'une opération de concentration est, notamment, réalisée par l'acquisition du contrôle d'une ou plusieurs entreprises, soit par une entreprise agissant seule, soit par deux ou plusieurs entreprises agissant conjointement, étant entendu que, quelle que soit la forme que revêt la prise de contrôle, celle-ci, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres à chaque espèce, doit conférer la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise acquise découlant de droits, de contrats ou de tout autre moyen.

Conformément au point 19 de la communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement nº 4064/89, un contrôle en commun existe lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, c'est-à-dire le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise. Ainsi, le contrôle en commun permet la survenance d'une situation de blocage du fait du pouvoir, détenu par deux ou plusieurs entreprises, de rejeter les décisions stratégiques proposées. Ces actionnaires doivent donc nécessairement s'entendre sur la politique commerciale de l'entreprise commune.

Si l'influence déterminante, au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, ne doit pas nécessairement être exercée pour exister, en revanche, pour qu'il existe un contrôle au sens de l'article 3 du règlement, la possibilité d'exercer cette influence doit être effective.

(cf. points 41-42, 58)

2.     Le fait qu'une entreprise commune puisse être une entreprise de plein exercice et donc, du point de vue fonctionnel, économiquement autonome ne signifie pas qu'elle jouisse d'une autonomie pour ce qui concerne l'adoption de ses décisions stratégiques. Une conclusion inverse aboutirait à la situation qu'il n'existerait jamais de contrôle conjoint sur une «entreprise commune», dès lors qu'elle serait économiquement autonome. Or, la condition posée par l'article 3, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises - afin que la création d'une entreprise commune, c'est-à-dire contrôlée par deux ou plusieurs entreprises, soit considérée comme réalisant une concentration - selon laquelle cette entreprise commune doit «accompli[r] de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome», prouve que tel n'est pas le cas.

(cf. point 62)

3.     L'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, précise que le contrôle peut être acquis «directement ou indirectement» par une ou plusieurs personnes, et l'article 3, paragraphe 4, sous b), de ce même règlement admet que les détenteurs du contrôle peuvent également être les personnes qui, bien que n'étant pas titulaires des droits ou bénéficiaires des contrats, ont le pouvoir d'exercer les droits qui en découlent.

Peuvent acquérir un contrôle indirect au sens dudit article 3 les actionnaires des membres d'une entreprise commune, même s'ils ne sont pas directement titulaires des droits de vote dans l'assemblée générale de cette dernière, ceux-ci étant exercés par les membres eux-mêmes.

En effet, dès lors que les sociétés commerciales se conforment en toute hypothèse aux décisions de leurs actionnaires exclusifs, majoritaires, ou qui exercent le contrôle en commun de la société, il s'ensuit nécessairement que, dans l'hypothèse où les sociétés membres de l'entreprise commune sont toutes des filiales détenues soit à titre exclusif, soit en commun par deux actionnaires, la nomination aux organes de décision de ladite entreprise commune suppose l'accord de ces deux actionnaires. À défaut, les membres ne pourront pas procéder à la nomination des organes de décision de l'entreprise commune et celle-ci ne sera pas en mesure de fonctionner.

La circonstance que des représentants des sociétés mères ne puissent pas siéger au conseil d'administration de l'entreprise commune ou qu'ils ne puissent représenter qu'une minorité au sein du conseil de surveillance de cette entreprise n'emporte pas de conséquence sur le fait que ce sont les membres de cette entreprise qui décident de la composition des organes de décision et, par le truchement de ces membres, leurs deux actionnaires.

En outre, s'agissant de la composition des deux organes de décision de l'entreprise commune, si ses statuts n'excluent pas que toutes les personnes siégeant au sein de ces organes exercent elles-mêmes des fonctions au sein des organes de décision des entreprises membres de l'entreprise commune, ces représentants auront nécessairement, dans leurs fonctions au sein des entreprises membres de l'entreprise commune, dû être nommés par les actionnaires des membres de cette dernière et devront nécessairement, dans leurs fonctions au sein des organes de décision de l'entreprise commune, prendre en compte le point de vue de ces actionnaires.

(cf. points 72-74)

4.     Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l'intéressé par l'administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l'esprit de celui auquel elles s'adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables.

(cf. point 77)

5.     Alors que l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, qualifie d'opération de concentration un phénomène relativement simple et identifiable - celui de la fusion entre deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes -, cette disposition, sous b), vise à englober toutes les autres situations dans lesquelles une ou plusieurs entreprises acquièrent le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises. Cette définition générale et finaliste d'une opération de concentration - le résultat étant le contrôle d'une ou plusieurs entreprises - implique qu'il est indifférent que l'acquisition, directe ou indirecte, de ce contrôle ait été réalisée en une, deux ou plusieurs étapes par le biais d'une, deux ou plusieurs transactions, pour autant que le résultat atteint constitue une seule opération de concentration.

Que les parties, lorsqu'elles notifient une concentration à la Commission, projettent de conclure deux ou plusieurs transactions ou qu'elles les aient déjà conclues préalablement à leur notification est également indifférent. Il revient à la Commission, dans tous les cas de figure, d'apprécier si ces transactions présentent un caractère unitaire de sorte qu'elles constituent une seule opération de concentration au sens de l'article 3 du règlement nº 4064/89.

Une telle démarche vise à identifier, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à chaque cas d'espèce et dans un souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations, la finalité économique poursuivie par les parties, en examinant, en présence de plusieurs transactions juridiquement distinctes, si les entreprises concernées auraient été disposées à conclure chaque transaction prise isolément ou si, au contraire, chaque transaction ne constitue qu'un élément d'une opération plus complexe, sans laquelle elle n'aurait pas été conclue par les parties. En d'autres termes, afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il s'agit, dans chaque cas d'espèce, d'apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l'une n'aurait pas été réalisée sans l'autre.

Cette démarche tend, d'une part, à assurer aux entreprises qui notifient une opération de concentration le bénéfice de la sécurité juridique pour l'ensemble des transactions qui réalisent cette opération et, d'autre part, à permettre à la Commission d'exercer un contrôle efficace sur les opérations de concentration qui sont susceptibles d'entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces deux buts constituent, au demeurant, l'objectif principal du règlement nº 4064/89.

Il s'ensuit qu'une opération de concentration, au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement nº 4064/89, peut se réaliser même en présence d'une pluralité de transactions juridiques formellement distinctes dès lors que ces transactions sont interdépendantes de sorte qu'elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres et dont le résultat consiste à conférer à une ou à plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l'activité d'une ou de plusieurs autres entreprises.

(cf. points 103-109)

6.     L'article 3 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, définit les conditions d'existence d'une «opération de concentration» et se limite à définir, d'une manière générale et matérielle, ce qu'il faut entendre par une «concentration»; cette disposition ne règle pas la question de la compétence de la Commission sur les opérations de concentration. Parmi les opérations qui répondent à la définition de l'article 3 du règlement nº 4064/89, seules les opérations dites de «dimension communautaire», telles que définies à l'article 1er de ce règlement, relèveront de la compétence exclusive de la Commission, sauf disposition contraire dudit règlement. Par conséquent, ce n'est pas parce qu'une opération répond à la définition de l'article 3 du règlement nº 4064/89 que cette opération tombe nécessairement dans le champ de la compétence exclusive de la Commission; encore faut-il que cette transaction soit de «dimension communautaire».

(cf. point 114)

7.     Il résulte de l'économie générale de l'article 5 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, que le législateur communautaire a entendu préciser le champ d'application de ce règlement en définissant, notamment, le chiffre d'affaires des participants à une opération de concentration qui doit être pris en considération aux fins de déterminer sa «dimension communautaire», au sens de l'article 1er du règlement nº 4064/89. Ainsi, il résulte de l'article 5, paragraphe 2, dudit règlement que, dans le cadre de l'acquisition de parties d'une entreprise, seul le chiffre d'affaires se rapportant à ces parties de l'entreprise effectivement acquises doit être pris en compte pour apprécier la dimension de l'opération en cause.

Cette appréciation englobe également l'interprétation de l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, de sorte que, lorsque l'acquisition de parties d'une ou de plusieurs entreprises se déroule en plusieurs transactions au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises, le chiffre d'affaires doit se rapporter à ces parties acquises considérées conjointement. Le motif qui préside à l'insertion de l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 est celui d'éviter que les mêmes entreprises ou les mêmes personnes fragmentent artificiellement une opération en plusieurs cessions partielles d'actifs, échelonnées dans le temps, dans l'objectif d'échapper aux seuils établis par le règlement nº 4064/89 qui déterminent la compétence de la Commission en application de ce règlement.

Dès lors, le fait que l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 permette à la Commission de considérer deux ou plusieurs transactions comme constituant une seule opération de concentration aux fins du calcul du chiffre d'affaires des entreprises concernées dans le but d'éviter un contournement de la compétence que lui attribue le règlement ne signifie pas que cette disposition prive la Commission du droit de déterminer, en amont, en application de l'article 3 dudit règlement, si plusieurs transactions qui lui sont notifiées réalisent une seule opération de concentration ou si, au contraire, ces transactions doivent être considérées comme réalisant une pluralité d'opérations de concentration.

S'il ressort de l'examen auquel procède la Commission que deux transactions notifiées à la Commission ne sont pas interdépendantes, ces transactions seront appréciées individuellement. Si l'une et/ou l'autre n'a pas de dimension communautaire, la Commission déclinera sa compétence pour apprécier l'une et/ou l'autre. S'il ressort de cet examen que les transactions présentent un caractère unitaire permettant de les considérer comme une seule opération de concentration, en application de l'article 3 du règlement nº 4064/89, la Commission vérifiera ensuite si l'opération ainsi identifiée est de dimension communautaire, aux fins d'établir sa compétence et d'apprécier les effets de l'opération sur la concurrence.

(cf. points 115-120)

8.     La position défendue par chacune des parties procédant à la notification d'une opération de concentration est, par définition, subjective et reflète nécessairement ses propres intérêts. Néanmoins, cette circonstance ne saurait entraîner la Commission, dans son souci de rechercher la réalité économique d'une opération de concentration, à se priver des explications des parties lui permettant d'identifier quelle était réellement, au moment de la conclusion des transactions en cause, la finalité économique poursuivie par ces parties. Bien que les explications non contestées d'une des parties ayant procédé à la notification ne sauraient en soi être déterminantes, la Commission doit toutefois être habilitée à se fonder sur ces explications lorsqu'elles lui permettent de conforter les éléments d'appréciation sur lesquels repose son analyse.

(cf. point 147)

9.     En examinant globalement avec une transaction ultérieure dont elle est indissociable une transaction qui, prise isolément, ne remplissait pas les critères de la dimension communautaire et qui, de ce fait, avait été examinée par l'autorité nationale de la concurrence compétente, laquelle l'avait avalisée, la Commission ne méconnaît pas la répartition des compétences entre autorités nationales et communautaire de la concurrence opérée par le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, dès lors que les deux transactions, en raison de leur caractère unitaire, réalisent une opération de concentration unique de dimension communautaire.

(cf. points 158-161)

10.   La position dominante, visée à l'article 2 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, concerne une situation de puissance économique détenue par une ou plusieurs entreprises qui leur donnerait le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs.

À cet égard, l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative et le rapport entre les parts de marché détenues par la ou par les entreprises parties à la concentration et par leurs concurrents, en particulier ceux qui les suivent immédiatement, constitue un indice valable de l'existence d'une position dominante. En effet, ce facteur permet d'évaluer la capacité concurrentielle des concurrents de l'entreprise en cause. En outre, une part de marché particulièrement élevée peut en elle-même constituer la preuve de l'existence d'une position dominante, surtout lorsque les autres opérateurs sur le marché ne détiennent que des parts beaucoup moins importantes.

De même, la présence de concurrents ne peut, d'une manière générale, constituer un facteur de nature, le cas échéant, à tempérer, voire à éliminer, la position dominante de l'entité en cause que dans l'hypothèse où ces concurrents détiendraient une position forte de nature à exercer un contrepoids réel.

Enfin, l'absence de pression concurrentielle importante peut aussi, en partie, se déduire du caractère différencié des produits du marché en cause. En effet, le caractère différencié des produits signifie que chaque produit n'est pas un substitut parfait de l'autre et que, par conséquent, l'augmentation du prix de l'un n'a pas nécessairement pour effet que l'entreprise procédant à cette augmentation perde des parts de marché au profit de ses concurrents qui produisent l'autre produit, comme cela serait le cas pour des produits parfaitement substituables.

(cf. points 195, 198, 201, 212-213)

11.   Les règles de fond posées par le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, en particulier en son article 2, confèrent à la Commission un certain pouvoir d'appréciation, notamment pour ce qui est des appréciations d'ordre économique. En conséquence, le contrôle par le juge communautaire de l'exercice d'un tel pouvoir, qui est essentiel dans l'application des règles en matière de concentration, doit être effectué compte tenu de la marge d'appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations.

Il s'ensuit que le contrôle exercé par le juge communautaire sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère le règlement nº 4064/89 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au juge communautaire de substituer son appréciation économique à celle de la Commission.

(cf. points 196-197)

12.   Constituent des obstacles à l'entrée sur le marché des éléments de nature diverse, en particulier d'ordre économique, commercial ou financier, qui sont susceptibles de faire supporter au concurrent potentiel des entreprises en place des risques et des coûts suffisamment élevés pour le dissuader d'entrer sur le marché dans un délai raisonnable ou pour rendre cette entrée particulièrement difficile, le privant de la capacité d'exercer une contrainte concurrentielle sur le comportement des entreprises en place.

(cf. point 219)

13.   La puissance d'achat des clients d'un fournisseur est susceptible de compenser le pouvoir de marché de ce dernier si ces clients ont la capacité de recourir, dans un délai raisonnable, à des sources alternatives crédibles d'approvisionnement si le fournisseur décide d'augmenter ses prix ou de détériorer les conditions de livraison.

À cet égard, la dispersion des opérateurs sur le marché concerné et l'absence d'alternative crédible d'approvisionnement pour ces opérateurs sur ce marché sont deux critères qui, sans être nécessairement exhaustifs pour accréditer ou infirmer l'existence d'une puissance d'achat de clients de nature à contrecarrer la puissance économique d'un fournisseur, sont très pertinents. En effet, d'une part, le critère du degré de concentration du marché des acheteurs signifie que leur nombre limité peut être de nature à leur permettre de renforcer leur pouvoir de négociation à l'égard du fournisseur. D'autre part, le critère de la présence d'alternatives crédibles d'approvisionnement permet de déterminer s'il existe une forte probabilité que le fournisseur soit contraint de limiter toute hausse de prix, voire de s'en abstenir.

(cf. points 230-232)

14.   Le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, n'interdit pas d'examiner, au regard de ses propres dispositions, les éventuels aspects de coordination verticale entre l'entreprise commune et l'une ou l'autre de ses entreprises fondatrices qui résultent d'une opération de concentration, sans d'ailleurs, pour autant, préjuger de l'autonomie de l'entreprise commune.

(cf. point 250)

15.   Dans le cadre du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la Commission n'est habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l'opération de concentration compatible avec le marché commun. En d'autres termes, les engagements proposés par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que l'opération de concentration en cause ne créerait ou ne renforcerait pas une position dominante au sens de l'article 2, paragraphe 2, de ce règlement.

Ainsi, pour pouvoir être acceptés par la Commission dans l'optique de l'adoption d'une décision au titre de l'article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, de tels engagements doivent non seulement être proportionnés au problème de concurrence identifié par la Commission dans sa décision, mais le résoudre intégralement.

Cependant, les parties procédant à une notification ne sont nullement contraintes de se limiter à proposer des engagements visant strictement à rétablir la situation de concurrence antérieure à l'opération de concentration, de telle sorte que la Commission puisse déclarer cette opération compatible avec le marché commun. En effet, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, la Commission est habilitée à accepter tous les engagements des parties lui permettant d'adopter une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.

Au demeurant, en présence d'engagements allant au-delà du rétablissement de la situation antérieure à l'opération de concentration, la Commission n'a pas la latitude de les refuser et d'adopter soit une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun, au titre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, soit une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun, au titre de l'article 8, paragraphe 2, de ce règlement, mais assortie de conditions visant au rétablissement de la situation antérieure à l'opération de concentration qu'elle imposerait unilatéralement.

En effet, dans le premier cas de figure - celui de l'adoption d'une décision négative -, la Commission méconnaîtrait les dispositions de l'article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, qui la contraignent à adopter une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun si elle constate que l'opération, le cas échéant après modifications par les entreprises concernées, répond au critère défini à l'article 2, paragraphe 2, du même règlement. Dans le second cas de figure - celui d'une décision positive assortie de conditions visant au rétablissement strict de la situation antérieure - la Commission se heurterait également au libellé de l'article 8, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, qui ne prévoit pas que la Commission puisse subordonner sa déclaration de compatibilité d'une opération de concentration à des conditions qu'elle a unilatéralement imposées, indépendamment des engagements pris par les parties procédant à une notification.

(cf. points 294, 307-311)




ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

23 février 2006 (*)

« Concurrence – Contrôle des opérations de concentration d’entreprises − Articles 2, 3 et 8 du règlement (CEE) n° 4064/89 − Notion de concentration − Création d’une position dominante − Autorisation soumise au respect de certains engagements − Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire T-282/02,

Cementbouw Handel & Industrie BV, établie à Le Cruquius (Pays‑Bas), représentée par Mes W. Knibbeler, O. Brouwer et P. Kreijger, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. A. Nijenhuis, K. Wiedner et W. Mölls, puis par MM. Nijenhuis, É. Gippini Fournier et A. Whelan, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de la décision 2003/756/CE de la Commission, du 26 juin 2002, relative à une procédure d’application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.2650 − Haniel/Cementbouw/JV [CVK]) (JO 2003, L 282, p. 1, rectificatif au JO 2003, L 285, p. 52),


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de M. H. Legal, président, Mme P. Lindh, M. P. Mengozzi, Mme  I. Wiszniewska-Białecka et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 24 janvier 2002, l’entreprise Franz Haniel & Cie GmbH (ci-après « Haniel ») et la requérante ont notifié à la Commission, conformément à l’article 4 du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1, publié à nouveau, après rectifications, au JO 1990, L 257, p. 13), modifié par le règlement (CE) n°1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1), une opération de concentration. D’après cette notification, Haniel et la requérante ont acquis, en 1999, le contrôle en commun, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 4064/89, de l’entreprise néerlandaise Coöperatieve Verkoop- en Produktievereniging van Kalkzandsteenproducenten (ci‑après « CVK ») et de ses onze entreprises membres par contrat et achat de parts sociales détenues par l’entreprise allemande RAG AG (ci-après « RAG »).

2       Haniel est une holding allemande diversifiée qui, dans le secteur des matériaux de construction, produit et distribue des matériaux de construction de murs, tels que des briques silico-calcaires, du béton cellulaire et du béton prêt à l’emploi. Haniel exerce ses activités essentiellement en Allemagne. S’agissant des Pays-Bas, avant l’opération de concentration, Haniel possédait des participations dans plusieurs entreprises productrices de briques silico-calcaires, membres de CVK.

3       La requérante, qui faisait auparavant partie du groupe néerlandais NBM Amstelland BV, exerce ses activités aux Pays-Bas sur le marché des matériaux de construction et, plus généralement, sur les marchés de la construction, de la logistique et du négoce des matières premières. Au moment de l’adoption de la décision 2003/756/CE relative à une procédure d’application du règlement n° 4064/89 déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et l’accord EEE (affaire COMP/M.2650 − Haniel/Cementbouw/JV [CVK]) (ci-après la « décision attaquée »), la requérante était détenue par CVC Capital Partners Group Ltd, une société de portefeuille.

4       CVK existe depuis 1947 et était initialement chargée de la vente de la production de ses entreprises membres, les producteurs néerlandais de briques silico‑calcaires. En 1989, CVK a été transformée en coopérative de droit néerlandais afin d’améliorer la coopération entre ses membres.

5       Avant la réalisation de l’opération de concentration, cinq des onze entreprises membres de CVK – Kalkzandsteenfabriek De Hazelaar BV (ci-après « De Hazelaar »), Kalkzandsteenindustrie Loevestein BV (ci-après « Loevestein »), Steenfabriek Boudewijn BV (ci-après « Boudewijn »), Kalkzandsteenfabriek Hoogdonk BV (ci-après « Hoogdonk ») et Kalkzandsteenfabriek Rijsbergen BV (ci-après « Rijsbergen ») – étaient des filiales de Haniel. Trois briqueteries – Kalkzandsteenfabriek Harderwijk BV (ci‑après « Harderwijk »), Kalkzandsteenfabriek Roelfsema BV (ci-après « Roelfsema ») et Kalkzandsteenfabriek Bergumermeer BV (ci-après « Bergumermeer ») – étaient des filiales de la requérante, alors que deux producteurs – Anker Kalkzandsteenfabriek BV (ci-après « Anker ») et Vogelenzang Fabriek van Bouwmaterialen BV (ci-après « Vogelenzang ») – étaient des filiales de RAG. Enfin, un producteur, l’entreprise Van Herwaarden Hillegom BV (ci-après « Van Herwaarden »), était conjointement détenu par Haniel ([confidentiel] %) (1), la requérante ([confidentiel] %) et RAG ([confidentiel] %).

6       En 1998, la Nederlandse Mededingingsautoriteit (autorité néerlandaise de la concurrence, ci-après la « NMa ») a reçu notification d’un projet de concentration par lequel CVK envisageait de prendre le contrôle de ses entreprises membres. Le contrôle devait être transféré dans le cadre de la conclusion d’un contrat de mise en commun ainsi que d’une modification des statuts de CVK. Le 23 avril 1998, la NMa a décidé d’ouvrir la procédure dite de « deuxième phase ». Par décision du 20 octobre 1998, la NMa a clos la procédure de deuxième phase et a autorisé le projet en cause.

7       Avant que cette opération ne soit réalisée, RAG a pris la décision de vendre à Haniel et à la requérante les participations qu’elle détenait dans les entreprises membres de CVK. En mars 1999, les parties ont fait part de leurs intentions à la NMa. Celle-ci, par lettre du 26 mars 1999, leur a indiqué que la cession envisagée ne constituerait pas une opération de concentration au sens de l’article 27 de la wet van 22 mei 1997 houdende nieuwe regels omtrent de economische mededinging (Mededingingswet) (loi du 22 mai 1997 fixant de nouvelles règles concernant la concurrence économique) (Stb. 1997, n° 242), pour autant que l’opération autorisée par la décision du 20 octobre 1998 ait été réalisée au plus tard au moment de ladite cession.

8       Le 9 août 1999, CVK et ses entreprises membres ont conclu le contrat de mise en commun visé au point 6 ci-dessus. Les statuts de CVK ont été modifiés ce même jour pour prendre en compte les stipulations du contrat de mise en commun (ces deux transactions sont désignées ci‑après comme constituant le « premier groupe de transactions »). Ce jour-là également, RAG a cédé les participations qu’elle détenait dans trois des entreprises membres de CVK (Anker, Vogelenzang et Van Herwaarden) à Haniel et à la requérante (ci-après la « transaction RAG »), lesquelles ont, par ailleurs, conclu un contrat de coopération régissant leur coopération au sein de CVK (ces deux transactions, prises ensemble, sont désignées ci-après comme constituant le « second groupe de transactions »).

9       Ayant pris connaissance de l’opération du 9 août 1999 à l’occasion de l’examen de deux autres opérations de concentration notifiées par Haniel (affaires COMP/M.2495 – Haniel/Fels et COMP/M.2568 – Haniel/Ytong), la Commission a, par lettre du 22 octobre 2001, signalé à la requérante ainsi qu’aux autres entreprises participantes que l’opération devait lui être notifiée au titre de l’article 4 du règlement nº 4064/89.

10     Ainsi qu’il a été indiqué au point 1 ci-dessus, le 24 janvier 2002, Haniel et la requérante ont notifié l’opération au titre de l’article 4 du règlement nº 4064/89.

11     Le 25 février 2002, la Commission a arrêté une décision en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 4064/89, considérant que l’opération de concentration notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et avec l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’« accord EEE »).

12     Le 25 avril 2002, la Commission a adressé aux parties ayant procédé à la notification une communication des griefs. La requérante y a répondu par lettre du 13 mai 2002.

13     Le 16 mai 2002, la Commission a procédé à l’audition des parties concernées.

14     À la suite d’un premier projet d’engagements présenté le 28 mai 2002 et considéré par la Commission comme étant insuffisant pour régler le problème en matière de concurrence qu’elle avait constaté, Haniel et la requérante ont présenté des engagements définitifs le 5 juin 2002.

15     Le 26 juin 2002, la Commission a adopté la décision attaquée par laquelle elle a considéré que la concentration notifiée était compatible avec le marché commun et avec le fonctionnement de l’accord EEE (article 1er de la décision attaquée), pour autant que Haniel et la requérante respectent pleinement les engagements indiqués aux points 27, 28, 32 à 35 et 40 de l’annexe de ladite décision (article 2 de la décision attaquée) et pour autant qu’elles respectent pleinement les autres engagements de l’annexe (article 3 de la décision attaquée). Au titre des engagements visés à l’article 2 de la décision attaquée figure notamment la dissolution de CVK dans un délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée. La décision attaquée, privée de ses données confidentielles, a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 30 octobre 2003 (JO L 282, p. 1, rectificatif au JO L 285, p. 52).

 Procédure et conclusions des parties

16     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 septembre 2002, la requérante a introduit le présent recours en vertu de l’article 230 CE.

17     En application de l’article 14 du règlement de procédure du Tribunal et sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51 dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

18     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et a, au titre des mesures d’organisation de la procédure, demandé aux parties de répondre par écrit à certaines questions et de fournir certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

19     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 6 juillet 2005.

20     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

21     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22     La requérante soulève, en substance, trois moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré de l’incompétence de la Commission pour examiner les transactions en cause en vertu de l’article 3 du règlement nº 4064/89. Le deuxième moyen est tiré d’erreurs d’appréciation de la Commission relatives à la création d’une position dominante par l’opération de concentration, en violation de l’article 2 du règlement nº 4064/89. Enfin, le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 ainsi que du principe de proportionnalité.

1.     Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de la Commission pour examiner les transactions en cause en vertu de l’article 3 du règlement nº 4064/89

23     Ce moyen se divise en trois branches. La première branche est prise de l’incompétence de la Commission pour examiner la transaction RAG au motif de l’absence d’une modification du contrôle de CVK. La deuxième branche est prise de l’incompétence de la Commission pour qualifier d’opération de concentration unique deux transactions distinctes et de l’inexistence, en l’espèce, d’une opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89. La troisième branche est prise de l’incompétence de la Commission pour examiner la prise de contrôle par CVK de ses entreprises membres, en raison de l’autorisation de celle-ci par la NMa.

 Sur la première branche du premier moyen, prise de l’incompétence de la Commission pour examiner la transaction RAG au motif de l’absence d’une modification du contrôle de CVK

 Arguments des parties

24     La requérante soutient que la Commission est incompétente, au titre du règlement nº 4064/89, pour examiner la transaction RAG, dans la mesure où cette opération n’a pas entraîné l’établissement d’un contrôle en commun de Haniel et d’elle‑même sur CVK.

25     Premièrement, la requérante conteste l’affirmation contenue dans la décision attaquée selon laquelle, préalablement à la transaction RAG, un changement de majorité au sein de l’assemblée des sociétaires de CVK était possible.

26     Tout d’abord, la requérante considère cette affirmation comme surprenante, puisque les décisions de la NMa en date du 23 avril et du 20 octobre 1998 ne mentionnent aucunement cette éventualité.

27     Ensuite, la requérante s’étonne que la décision attaquée ne contienne aucune analyse sur le point de savoir si, in concreto, un changement de majorité était possible au sein de l’assemblée des sociétaires de CVK avant la transaction RAG. La Commission ne saurait, de l’avis de la requérante, se borner, ainsi qu’elle l’a fait dans la décision attaquée, à déclarer qu’il existait un changement de majorité avant cette transaction sans apporter le moindre élément de preuve quant à l’absence d’intérêts solides communs aux actionnaires ou à l’absence d’une majorité stable, conformément au point 35 de la communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement nº 4064/89 (JO 1998, C 66, p. 5). De l’avis de la requérante, la Commission n’est pas parvenue à établir que, préalablement à la transaction RAG, il existait une situation « d’absence de contrôle » de CVK. Or, la requérante précise qu’il incombait à la Commission de démontrer l’absence de contrôle avant la transaction RAG, compte tenu de la forte communauté d’intérêts qui existait entre les « actionnaires » de CVK avant cette transaction, en particulier sur le fondement du contrat de mise en commun.

28     Deuxièmement, la requérante estime que les prétendus droits de veto que, selon la décision attaquée, elle détiendrait avec Haniel ne débouchent pas sur un contrôle en commun de CVK, laquelle est une entité économique indépendante.

29     En premier lieu, la Commission se serait contentée de présumer l’existence de droits de veto de la requérante et de Haniel au sein des organes de décision de CVK.

30     Ainsi, tout d’abord, la requérante affirme que la Commission a méconnu les garanties que la requérante et Haniel auraient données à la NMa dans le cadre de la notification du projet de contrat de mise en commun approuvée par la décision du 20 octobre 1998. Ces garanties prévoyaient, d’une part, que le conseil d’administration de CVK devait se composer exclusivement de représentants des membres de CVK ou de personnes indépendantes et ne pouvait comprendre aucun représentant des sociétés appartenant à un groupe auquel la société mère d’un ou de plusieurs membres de CVK appartenait. D’autre part, s’agissant du conseil de surveillance de CVK, celui-ci devait être composé d’une majorité de membres indépendants. Selon la requérante, ces règles garantissent que ni la requérante ni Haniel ne sont en mesure d’influencer les décisions commerciales stratégiques de CVK.

31     Ensuite, la requérante soutient que, selon le code civil néerlandais, les organes de décision d’une coopérative telle que CVK doivent arrêter leurs décisions dans le seul intérêt de l’entreprise et non de celui de ses actionnaires. Par conséquent, aux dires de la requérante, ni celle-ci ni Haniel n’étaient en mesure, en droit ou en fait, d’influencer les décisions commerciales stratégiques des organes de décision de CVK. Il s’ensuit que, selon la requérante, la décision du 20 octobre 1998, acceptant les garanties offertes par elle-même et par Haniel, a fait naître une confiance légitime dans son chef, alors qu’il revenait à la Commission de démontrer concrètement la possibilité pour Haniel et pour elle d’exercer une influence décisive sur les décisions de CVK.

32     En second lieu, la requérante conteste la conclusion à laquelle est parvenue la Commission au considérant 19 de la décision attaquée selon laquelle l’accord de coopération conclu entre elle-même et Haniel, la fermeture de trois entreprises de production de briques silico-calcaires, membres de CVK, et certains documents à usage interne de Haniel constituaient des éléments révélateurs du contrôle en commun qu’elle-même et Haniel exerçaient sur CVK. S’agissant du contrat de coopération conclu entre Haniel et la requérante, celle-ci indique que les stipulations citées par la décision attaquée ne concernent que l’utilisation de [confidentiel], ce qui ne saurait être automatiquement considéré comme impliquant des décisions stratégiques de CVK. Pour ce qui concerne la fermeture de trois entreprises membres de CVK, la requérante rappelle qu’aucun accord n’a été conclu entre elle et Haniel à ce sujet et que, après la signature de l’accord de mise en commun, c’est CVK qui, se fondant sur ses propres analyses commerciales, a décidé de procéder à cette fermeture. Quant aux documents à usage interne de Haniel, la requérante soutient que, ayant été autorisée à prendre connaissance de ces documents, elle est en mesure d’affirmer que ces derniers ne démontrent pas l’existence ou l’absence d’un contrôle en commun aux fins de l’application du règlement nº 4064/89, mais exposent les intérêts subjectifs et non pertinents en l’espèce de Haniel.

33     Enfin, troisièmement, la requérante considère que la Commission a manqué à son obligation de suffisamment motiver la décision attaquée à trois égards : tout d’abord, quant à la prétendue existence d’une modification des coalitions au sein de CVK avant la transaction RAG, en particulier en n’exposant pas les raisons pour lesquelles la Commission a adopté une position différente de celle retenue par la NMa ; ensuite, quant aux raisons pour lesquelles la Commission considère que les garanties offertes par Haniel et par elle-même à la NMa sont insuffisantes pour supprimer la possibilité d’un contrôle en commun et, enfin, quant à la constatation que l’accord de coopération entre Haniel et elle-même, la fermeture de certaines entreprises de production de briques silico-calcaires et les documents à usage interne de Haniel seraient révélateurs d’un contrôle en commun de CVK.

34     La Commission rappelle, à titre liminaire, que, dans la décision attaquée, elle n’a pas considéré la transaction RAG comme une opération distincte. Le contrat de mise en commun, c’est-à-dire la prise de contrôle de CVK sur ses entreprises membres, et la transaction RAG, à savoir la prise de contrôle de Haniel et de la requérante sur CVK par l’acquisition des parts sociales précédemment détenues par RAG dans le capital des sociétés membres de CVK, constitueraient une seule et même opération de concentration.

35     Cela étant, la Commission rétorque, tout d’abord, que, en règle générale, lorsque deux actionnaires se partagent à parité les droits de vote d’une entreprise, cette situation, décrite au point 20 de la communication de la Commission concernant la notion de concentration citée au point 27 ci-dessus, leur confère un droit de veto et, partant, le contrôle en commun de l’entreprise. En l’espèce, avant l’opération de concentration, ni la requérante, ni Haniel, ni RAG ne détenaient de droit de veto. De plus, la Commission souligne que, s’il n’est pas exclu que, dans des circonstances très exceptionnelles, des actionnaires – minoritaires – n’étant pas titulaires d’un droit de veto puissent exercer un contrôle en commun de facto d’une entreprise, la requérante n’a pas soutenu dans sa requête que de puissants intérêts communs existaient entre les trois actionnaires précités avant que l’opération de concentration ne soit réalisée. À cet égard, la Commission relève également que la tentative d’argumentation en ce sens esquissée par la requérante dans sa réplique, selon laquelle il aurait existé de tels intérêts communs, compte tenu, en particulier, du contrat de mise en commun, fait abstraction du fait que ce dernier est partie intégrante de l’opération de concentration et n’est donc pas pertinente pour la période antérieure au 9 août 1999. Dans ces conditions, force est de considérer, selon la Commission, que les trois actionnaires avaient des intérêts différents et de supposer que des changements de majorité au sein de CVK étaient possibles avant l’opération de concentration.

36     Ensuite, quant à l’argument tiré de la méconnaissance de la décision de la NMa du 20 octobre 1998 et des garanties que lui ont offertes la requérante et Haniel, la Commission souligne que la NMa a examiné une autre opération de concentration au regard d’autres règles de droit. D’une part, l’opération de concentration notifiée à la NMa n’a pas été mise en œuvre en tant que telle et une autre opération de concentration – comprenant les premier et second groupes de transactions –, qui aurait dû être soumise à l’obligation de notification en vertu du règlement nº 4064/89, a été conclue le 9 août 1999. D’autre part, la NMa a apprécié la notion de contrôle au regard du droit néerlandais de la concurrence, alors que la Commission l’a fait au regard des dispositions du règlement nº 4064/89. Ainsi, aux dires de la Commission, si la question des changements de majorité n’a pas été pertinente pour la NMa, en revanche, en appliquant le règlement nº 4064/89 à une autre opération de concentration, elle-même a attaché de l’importance à ces changements de majorité, estimant que le fait qu’ils soient devenus possibles du fait de l’opération excluait tout contrôle en commun antérieur de CVK. Les garanties évoquées par la requérante ne changent rien à cette conclusion, dans la mesure où elles ont uniquement pour objet de restreindre la possibilité pour les personnes qui exercent des fonctions au sein des « actionnaires finals » de CVK de siéger dans ses organes de direction. Les membres de ces organes sont toutefois nommés par l’assemblée des membres de CVK, sur proposition des directeurs de ces derniers, eux-mêmes nommés par leurs actionnaires respectifs. Dès lors, la Commission soutient qu’il n’est guère probable que les membres des organes de direction de CVK agissent sans tenir compte des intérêts de ceux qui décident en dernier ressort de leur nomination ou de leur révocation – c’est-à-dire la requérante et Haniel, en tant qu’« actionnaires finals ».

37     De plus, la Commission souligne que les dispositions du code civil néerlandais ne modifient pas la conclusion selon laquelle la requérante et Haniel détiennent le contrôle en commun de CVK. En effet, la Commission soutient, d’une part, que, s’il est vrai que, en droit néerlandais, les décisions des organes de direction d’une entreprise doivent être prises dans l’intérêt de cette dernière, l’intérêt des actionnaires est toujours un facteur à prendre en considération pour établir ce qui est dans l’intérêt de l’entreprise. D’autre part, la Commission indique que les relations entre CVK et la requérante sont assimilables à celles qu’entretiennent une filiale et sa société mère ; or, dans la mesure où le droit néerlandais des sociétés oblige les filiales à suivre les instructions de la société mère, il devrait en être de même dans le cas où deux entreprises – la requérante et Haniel – contrôlent conjointement une entreprise commune.

38     De même, la Commission conteste les critiques de la requérante à l’égard du considérant 19 de la décision attaquée selon lequel le contrat de coopération, la fermeture de trois entreprises membres de CVK et les documents internes de Haniel constituent des éléments révélateurs du contrôle en commun exercé par la requérante et par Haniel sur CVK. À cet égard, la Commission rappelle que ces éléments ne servent qu’à illustrer l’existence du contrôle en commun, démontrée aux considérants 13 à 17 de la décision attaquée, ce que la requérante a d’ailleurs admis dans sa réplique. Dès lors, les droits de veto que possèdent la requérante et Haniel sur la nomination des organes d’administration de CVK seraient suffisants en eux-mêmes pour établir leur contrôle en commun de CVK. En tout état de cause, la Commission considère que les deux premiers éléments sont effectivement révélateurs de la possibilité pour la requérante et pour Haniel d’intervenir dans les activités et dans les décisions stratégiques de CVK. S’agissant des documents internes de Haniel, la Commission considère qu’ils corroborent sa thèse selon laquelle Haniel et la requérante avaient l’intention de prendre conjointement le contrôle de CVK.

39     Enfin, la Commission réfute également les allégations de la requérante quant à l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

–       Remarques liminaires

40     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 3 du règlement nº 4064/89, intitulé « Définition de la concentration »,

« 1. Une opération de concentration est réalisée :

a)       lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent,

ou

b)       lorsque :

–       une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins,

ou

–       une ou plusieurs entreprises,

acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises.


2. La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une opération de concentration au sens du paragraphe 1, [sous] b).

3. Aux fins de l’application du présent règlement, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment :

a)       des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d’une entreprise ;

b)       des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise.

4. Le contrôle est acquis par la ou les personnes ou entreprises :

a)       qui sont titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats

ou

b)       qui, n’étant pas titulaires de ces droits ou bénéficiaires de ces contrats, ont le pouvoir d’exercer les droits qui en découlent.

[…] »

41     Il s’ensuit qu’une opération de concentration est, notamment, réalisée par l’acquisition du contrôle d’une ou plusieurs entreprises, soit par une entreprise agissant seule, soit par deux ou plusieurs entreprises agissant conjointement, étant entendu que, quelle que soit la forme que revêt la prise de contrôle, celle-ci, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres à chaque espèce, doit conférer la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité de l’entreprise acquise découlant de droits, de contrats ou de tout autre moyen.

42     Ainsi que l’a précisé la Commission au point 19 de sa communication concernant la notion de concentration citée au point 27 ci-dessus – repris, en substance, par le considérant 14 de la décision attaquée et non contesté par la requérante –, il existe un contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d’exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, c’est‑à‑dire le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d’une entreprise. Ainsi, le contrôle en commun permet la survenance d’une situation de blocage du fait du pouvoir, détenu par deux ou plusieurs entreprises, de rejeter les décisions stratégiques proposées. Ces actionnaires doivent donc nécessairement s’entendre sur la politique commerciale de l’entreprise commune.

43     En l’espèce, la Commission a apporté, aux considérants 15 à 17 de la décision attaquée, les précisions suivantes :

« (15) En faisant l’acquisition des parts de RAG, Haniel et Cementbouw ont acquis le contrôle commun de CVK. Leurs participations indirectes de 50 % respectivement dans CVK donnent à Haniel et à Cementbouw la possibilité d’exercer des droits de veto lors de l’assemblée des membres (ledenvergadering) de CVK. Ces droits de veto sont nés du retrait de RAG, dont la présence au sein de l’assemblée des membres aurait permis des changements de majorité et, partant, aurait exclu l’éventualité d’une prise de contrôle de l’assemblée des membres par les actionnaires.

(16) L’assemblée des membres de CVK décide de la composition des organes de décision de CVK, à savoir, du conseil d’administration (Raad van Bestuur) et du conseil de surveillance (Raad van Commissarissen). Les statuts et le contrat de mise en commun lui imposent des restrictions au niveau de ce choix, dans la mesure où aucun membre du conseil d’administration ne peut simultanément exercer des fonctions au sein des sociétés des actionnaires des membres de CVK et une minorité seulement des membres du conseil de surveillance y sont autorisés.

(17) Le pouvoir de décider de la composition des organes de décision des entreprises est une décision stratégique essentielle. Au sens du règlement sur les concentrations, un droit de veto sur une telle décision confère par conséquent à son titulaire le contrôle d’une entreprise, de CVK en l’espèce. En effet, lorsqu’ils prennent leurs propres décisions, les membres de ces organes de décision prennent en compte les points de vue des titulaires des droits de veto. »

44     Au considérant 19 de la décision attaquée, la Commission a également indiqué ce qui suit :

« (19) L’acquisition du contrôle de CVK par Haniel et Cementbouw se traduit également par le contrat de coopération conclu par ces entreprises dans le cadre du contrat de mise en commun. Haniel et Cementbouw y précisent certains aspects de leur coopération au sein de CVK (considérant 11). Avant l’opération déjà, Haniel et Cementbouw avaient débattu en détail de certaines décisions stratégiques prises par la direction de CVK après la mise en œuvre de l’opération en cause en l’espèce, en particulier de la fermeture de trois des onze usines de production de briques silico-calcaires ; les parties se sont donc manifestement fondées sur ces décisions pour conclure le contrat de mise en commun. D’une manière générale, les documents rédigés à l’intention de la direction du groupe Haniel aux fins de décision interne concernant la présente opération font apparaître que, du point de vue de Haniel en tout cas, la conclusion du contrat de mise en commun donnera aux parties la possibilité de contrôler en commun CVK ».

45     Il ressort des passages précités de la décision attaquée que la Commission a retenu l’existence d’une prise de contrôle de CVK par Haniel et par la requérante, indépendamment de la question, soulevée dans la deuxième branche du présent moyen, de savoir s’il existait en l’espèce, une ou plusieurs opérations de concentration. Dès lors, même si la Commission fait remarquer dans ses écritures qu’elle ne s’est pas exclusivement prononcée, dans la décision attaquée, sur la transaction RAG mais sur une opération de concentration comprenant les premier et second groupes de transactions mentionnés au point 8 ci-dessus, force est toutefois de constater que, pour déterminer la prise de contrôle en commun de CVK par Haniel et par la requérante, la Commission s’est uniquement fondée sur le second groupe de transactions.

46     Il y a lieu de préciser que, en substance, la requérante laisse entendre, dans un premier temps, qu’il existait, avant la conclusion du second groupe de transactions, et notamment avant la transaction RAG, un contrôle en commun de CVK exercé par ses trois actionnaires, à savoir la requérante, Haniel et RAG – comme l’implique son allégation selon laquelle il existait « une forte communauté d’intérêts entre les actionnaires de CVK » (voir point 27 ci-dessus), du type de celle indiquée aux points 30 à 35 de la communication de la Commission sur la notion de concentration précitée – et reproche à la Commission de ne pas avoir démontré « l’absence d’intérêts communs » aux actionnaires de CVK avant la conclusion du second groupe de transactions, préalablement à la constatation d’une « prise de contrôle » de CVK par Haniel et la requérante. Dans un second temps, la requérante soutient que les garanties offertes à la NMa, dans le cadre de la notification du projet du premier groupe de transactions mentionné au point 8 ci‑dessus, en ce qui concerne la composition des conseils d’administration et de surveillance de CVK, excluraient tout contrôle en commun de cette dernière, à savoir l’absence de droits de veto détenus par Haniel et par la requérante sur les décisions stratégiques de l’entreprise.

47     L’examen qui suit portera donc, en premier lieu, sur l’allégation de la requérante selon laquelle il existait un contrôle en commun de CVK par ses trois actionnaires avant la conclusion du second groupe de transactions. Dans l’hypothèse d’une réponse négative, le Tribunal appréciera, en deuxième lieu, si, comme l’a retenu la décision attaquée, le second groupe de transactions, notamment la transaction RAG, a entraîné la prise de contrôle conjoint de CVK par Haniel et la requérante. Enfin, en troisième lieu, le Tribunal examinera les griefs soulevés par la requérante quant à l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée concernant la constatation de la prise de contrôle conjoint de CVK.

–        Sur les allégations de la requérante relatives à l’existence d’un contrôle en commun de CVK avant la conclusion du second groupe de transactions

48     Il y a lieu de relever que la constatation, faite au considérant 15 de la décision attaquée, selon laquelle la présence de RAG au sein de l’assemblée des membres de CVK aurait permis des changements de majorité et exclu l’éventualité d’une prise de contrôle des membres par les actionnaires, repose nécessairement sur l’interprétation des données relatives à la répartition du capital social et des droits de vote correspondants qui figurent au considérant 5 de la décision attaquée.

49     Ces données, reproduites ci-après, représentent la part, en points de pourcentage, que chacun des onze membres de CVK détient dans le capital social de cette dernière – et les droits de vote y afférents –, conformément aux statuts de CVK :

–      De Hazelaar          [confidentiel] %

–      Loevestein          [confidentiel] %

–      Boudewijn          [confidentiel] %

–      Hoogdonk          [confidentiel] %

–      Rijsbergen          [confidentiel] %

–      Harderwijk          [confidentiel] %

–      Roelfsema          [confidentiel] %

–      Bergumermeer          [confidentiel] %

–      Anker                   [confidentiel] %

–      Vogelenzang          [confidentiel] %

–      Van Herwaarden [confidentiel] %

50     Il convient de rappeler que, avant la conclusion du second groupe de transactions, Haniel était propriétaire des cinq premières entreprises mentionnées ci-dessus, la requérante était la société mère de Harderwijk, Roelfsema et Bergumermeer, alors que RAG détenait Anker et Vogelenzang. Quant à l’entreprise Van Herwaarden, Haniel détenait [confidentiel] % de son capital social, la requérante [confidentiel] % et RAG [confidentiel] %.

51     Il s’ensuit que, avant la conclusion du second groupe de transactions, Haniel détenait, indirectement, [40 à 45] (2) % du capital social de CVK ([confidenti el] % correspondant à la part cumulée des cinq premières entreprises + [confidentiel] % correspondant à sa participation de [confidentiel] % dans Van Herwaarden), alors que la requérante et RAG en détenaient respectivement [40 à 45] % ([confidentiel] % correspondant à la part cumulée de ses trois filiales + [confidentiel] % correspondant à sa participation de [confidentiel] % dans Van Herwaarden) et [15 à 20] % ([confidentiel] % correspondant à la part cumulée de ses deux filiales + [confidentiel] % correspondant à sa participation de [confidentiel] % dans Van Herwaarden).

52     Compte tenu des modalités de vote au sein de l’assemblée des membres de CVK, il en aurait résulté, en principe, que, si RAG avait conservé ses participations au sein de CVK, aucun des trois actionnaires de CVK n’aurait détenu la possibilité de bloquer l’adoption des décisions de cette assemblée, en particulier celle des décisions stratégiques de CVK.

53     Cette constatation n’est pas mise en échec par l’allégation de la requérante selon laquelle il existait des intérêts communs importants entre les actionnaires, semblables à ceux indiqués par la Commission dans sa communication sur la notion de concentration précitée, de sorte qu’il existait, en fait, un contrôle en commun de CVK par les trois actionnaires avant cette transaction.

54     Il convient de souligner que, au point 30 de la communication précitée, la Commission a exposé que, même en l’absence de droits de veto spécifiques, deux ou plusieurs entreprises qui acquièrent une participation minoritaire dans une autre entreprise peuvent en prendre le contrôle en commun. Il ressort de cette communication qu’un tel cas de figure suppose une concertation entre ces actionnaires minoritaires qui découle soit d’un accord juridiquement contraignant, soit de circonstances factuelles. Selon la communication, le moyen juridique de garantir l’exercice commun de droits de vote peut revêtir diverses formes, comme un holding ou un accord par lequel les actionnaires s’engagent à agir dans le même sens (contrat de mise en commun des voix). S’agissant des circonstances factuelles démontrant une action concertée, la communication indique, en son point 32, que, à titre très exceptionnel, une telle action des actionnaires minoritaires peut être démontrée lorsque des intérêts communs qui unissent ces actionnaires sont si puissants qu’ils ne vont pas s’opposer les uns aux autres dans l’exercice de leurs droits dans l’entreprise commune.

55     La communication précise, d’une part, que, dans le cas de l’acquisition de participations minoritaires dans une entreprise commune préexistante, l’existence antérieure de liens entre les actionnaires minoritaires ou l’acquisition de participations au moyen d’une action concertée sera susceptible d’indiquer un intérêt commun de cette nature. D’autre part, dans le cas de la création d’une nouvelle entreprise commune, il existe une plus forte probabilité que, lors de l’acquisition de participations minoritaires dans une entreprise préexistante, les entreprises fondatrices mènent, de propos délibéré, une politique commune, notamment lorsque chaque entreprise fondatrice fait à l’entreprise commune un apport qui est vital pour son exploitation (technologies particulières, savoir-faire, contrats d’approvisionnement, etc.). Enfin, la communication relève, en son point 35, que, en l’absence d’intérêts communs importants tels que décrits ci-dessus, la naissance possible d’alliances fluctuantes entre les actionnaires minoritaires conduit normalement à rejeter l’hypothèse d’un contrôle commun. Dès lors qu’il n’y a pas de majorité stable dans la procédure de prise de décision et qu’une majorité peut se dégager au coup par coup suivant les combinaisons possibles des voix des actionnaires minoritaires, il n’est pas possible de présumer que les actionnaires minoritaires vont contrôler conjointement l’entreprise cible.

56     La requérante ne conteste pas les appréciations générales sur l’existence d’intérêts communs portées par la Commission dans sa communication sur la notion de concentration précitée, mais soutient que, en l’espèce, avant la conclusion du second groupe de transactions, les trois actionnaires possédaient déjà de tels intérêts, au sens de cette communication.

57     Or, il convient de relever que, dans ses écritures, la requérante n’avance aucun élément de preuve permettant d’étayer concrètement son affirmation. Tout au plus indique-t-elle que ces intérêts communs seraient fondés sur le contrat de mise en commun, c’est-à-dire sur l’une des transactions faisant partie du premier groupe de transactions. Toutefois, à cet égard, il importe de rappeler qu’il est constant que le contrat de mise en commun n’a été conclu que le 9 août 1999, soit le même jour que le second groupe de transactions. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, ce contrat ne saurait constituer le fondement de la démonstration de l’existence d’intérêts communs aux trois actionnaires, avant la conclusion du second groupe de transactions, permettant de déterminer s’il existait, à cette époque, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur les décisions stratégiques de l’entreprise CVK. Le fait que le projet de contrat de mise en commun ait été notifié à la NMa ne modifie aucunement cette affirmation, puisque la possibilité, découlant dudit contrat, pour la requérante et pour Haniel, d’exercer une influence déterminante sur les décisions stratégiques de CVK n’était pas effective avant la conclusion du second groupe de transactions.

58     Il y a en effet lieu de relever que si l’influence déterminante, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, ne doit pas nécessairement être exercée pour exister, en revanche, pour qu’il existe un contrôle au sens de l’article 3 du règlement, la possibilité d’exercer cette influence doit être effective. Or, le simple fait que le projet de contrat de mise en commun ait été notifié à la NMa ne prouve pas que les trois actionnaires auraient acquis du fait de cette notification la possibilité d’exercer une influence déterminante sur CVK, avant la conclusion du second groupe de transactions.

59     Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ne peut être reproché à la Commission, en l’espèce, de n’avoir pas démontré l’absence d’intérêts communs importants entre les actionnaires minoritaires de l’entreprise commune CVK avant la conclusion du second groupe de transactions, puisque, même devant le Tribunal, la requérante n’a pu indiquer les éléments de preuve sur lesquels ces prétendus intérêts communs reposeraient.

60     Par ailleurs, est inopérante la prétention de la requérante selon laquelle les décisions des 23 avril et 20 octobre 1998 de la NMa ne mentionnaient pas l’éventualité d’une modification des coalitions entre les actionnaires et considéraient CVK comme étant une entité économique autonome.

61     En effet, d’une part, même à supposer que les décisions de la NMa puissent être opposées à la Commission, il y a lieu de constater que la NMa s’est prononcée dans ces décisions sur la question de savoir si l’opération projetée, faisant l’objet du contrat de mise en commun, constituait une concentration au sens de la loi néerlandaise. La NMa n’était donc pas invitée à se prononcer sur le second groupe de transactions, dont elle n’avait pas connaissance au moment d’adopter les décisions précitées. En tout état de cause, pas plus qu’elle ne mentionne les changements de coalition, la NMa n’indique, dans sa décision finale du 20 octobre 1998, qu’il existait un contrôle en commun de CVK par les trois actionnaires, avant la conclusion du second groupe de transactions, thèse que la requérante avance dans le cadre de la présente branche.

62     D’autre part, la requérante se méprend sur la notion d’entité économique autonome. Le fait qu’une entreprise commune puisse être une entreprise de plein exercice et donc, du point de vue fonctionnel, économiquement autonome ne signifie pas qu’elle jouisse d’une autonomie pour ce qui concerne l’adoption de ses décisions stratégiques. Une conclusion inverse aboutirait à la situation qu’il n’existerait jamais de contrôle conjoint sur une « entreprise commune », dès lors qu’elle serait économiquement autonome. Or, la condition posée par l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 − afin que la création d’une entreprise commune, c’est-à-dire contrôlée par deux ou plusieurs entreprises, soit considérée comme réalisant une concentration − selon laquelle cette entreprise commune doit « accompli[r] de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome », prouve que tel n’est pas le cas.

63     Par conséquent, sur la base des données figurant dans la décision attaquée et des éléments du dossier disponibles au moment de l’adoption de cette dernière, la requérante n’a pas démontré qu’il existait un contrôle en commun de CVK par ses trois actionnaires avant la conclusion du second groupe de transactions dont la Commission aurait méconnu, à tort, l’existence.

64     Il y a donc lieu de vérifier si la conclusion du second groupe de transactions a entraîné la prise de contrôle par Haniel et par la requérante de CVK, en leur octroyant un droit de veto sur les décisions stratégiques de cette dernière.

–       Sur la prise de contrôle en commun de CVK par Haniel et par la requérante lors de la conclusion du second groupe de transactions

65     Tout d’abord, il est constant que, par la transaction RAG, Haniel et la requérante ont pris le contrôle conjoint des trois entreprises Anker, Vogelenzang et Van Herwaarden, toutes membres de CVK. Cette opération, constituée par le rachat des participations, respectivement exclusives et minoritaire, de RAG dans ces entreprises, constitue une opération de concentration en soi. Le contrat de cession comporte, en outre, des clauses restrictives typiquement liées aux opérations de concentration, telle qu’une clause de non-concurrence, à laquelle s’engage RAG pour l’ensemble des entreprises de son groupe, sur le marché néerlandais de la production de matériaux de construction de murs porteurs.

66     Ensuite, il y a lieu de relever que, compte tenu de la répartition du capital social de CVK entre ses membres figurant au considérant 5 de la décision attaquée, Haniel et la requérante ont, en acquérant, d’une part, chacune [confidentiel] % des parts sociales de Anker et Vogelenzang et, en s’accordant, d’autre part, sur le rachat par la requérante des [confidentiel] % que RAG détenait dans le capital social de Van Herwaarden, chacune indirectement acquis 50 % du capital social de CVK.

67     Or, la détention à parité du capital social et des droits de vote qui lui sont attachés dans CVK permet, en principe, à chacun des actionnaires de bloquer les décisions stratégiques de l’entreprise commune, telles que celles relatives à la nomination des organes de décision de l’entreprise commune que sont le conseil d’administration et le conseil de surveillance. Afin d’éviter qu’une telle situation de blocage se présente au moment de l’adoption des décisions stratégiques de l’entreprise commune, les actionnaires sont donc tenus de coopérer de manière permanente.

68     À cet égard, la requérante soutient, premièrement, que les garanties accordées à la NMa quant à la composition des organes de décision de CVK excluent un droit de veto par chacun des actionnaires sur ces décisions. Elle considère, deuxièmement, que le code civil néerlandais imposerait aux organes de décision de CVK de prendre leurs décisions dans le seul intérêt de cette dernière et non dans celui des actionnaires. Troisièmement, elle conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle le contrat de coopération qu’elle a conclu avec Haniel et les autres exemples, figurant au considérant 19 de la décision attaquée, traduisent l’existence d’un contrôle en commun de CVK.

69     Ces arguments ne sauraient prospérer.

70     S’agissant de la première allégation, il convient de souligner que, conformément aux articles 9 et 12 des statuts de CVK, tels que modifiés, adoptés le 9 août 1999, chaque membre des conseils d’administration et de surveillance est choisi par l’assemblée générale des membres. Ces statuts, conformément aux garanties accordées à la NMa, prévoient certaines restrictions tenant aux personnes pouvant siéger dans les organes de décisions. Ainsi, pour ce qui concerne le conseil d’administration, l’article 9, paragraphe 1, des statuts prévoit que cet organe sera uniquement constitué de représentants des membres de CVK ou de personnes indépendantes et ne comprendra aucun représentant de groupes de sociétés auxquels la société mère d’un ou de plusieurs membres de CVK appartient. S’agissant du conseil de surveillance, l’article 12, paragraphe 2, des statuts indique que la majorité des membres de cet organe, son président y compris, est constituée de représentants des membres ou de personnes indépendantes, une minorité de membres pouvant être constituée de représentants de groupes de sociétés auxquels la société mère d’un ou de plusieurs membres de CVK appartient.

71     Or, ce type de restrictions ne portant que sur le choix des personnes qui siègent dans les organes de décision de CVK, il ne saurait exclure toute possibilité pour les actionnaires des membres de CVK d’exercer une influence déterminante sur cette dernière.

72     Certes, il y a lieu d’admettre que les actionnaires des membres de CVK ne sont pas directement titulaires des droits de vote dans l’assemblée générale de CVK, lesquels sont exercés par les membres eux-mêmes. Néanmoins, il importe de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 4064/89 précise que le contrôle peut être acquis « directement ou indirectement » par une ou plusieurs personnes, alors que l’article 3, paragraphe 4, sous b), de ce même règlement admet que les détenteurs du contrôle peuvent également être les personnes qui, bien que n’étant pas titulaires des droits ou bénéficiaires des contrats, ont le pouvoir d’exercer les droits qui en découlent. Or, d’une part, les sociétés commerciales se conformant en toute hypothèse aux décisions de leurs actionnaires exclusifs, majoritaires, ou exerçant le contrôle en commun de la société et, d’autre part, en l’espèce, les sociétés membres de CVK étant toutes des filiales détenues soit à titre exclusif, soit en commun par la requérante et par Haniel, il s’ensuit nécessairement que la nomination aux organes de décision de CVK suppose l’accord des deux actionnaires. À défaut, les membres ne pourront pas procéder à la nomination des organes de décision de CVK et l’entreprise commune ne sera pas en mesure de fonctionner.

73     La circonstance que des représentants des sociétés mères ne puissent pas siéger au conseil d’administration de CVK ou qu’ils ne puissent représenter qu’une minorité au sein du conseil de surveillance de cette entreprise n’emporte pas de conséquence sur le fait que ce sont les membres de CVK qui décident de la composition des organes de décision et, par le truchement de ces membres, leurs deux actionnaires.

74     Il convient en outre de relever que, s’agissant de la composition des deux organes de décision de CVK, il n’est pas exclu que toutes les personnes siégeant au sein de ces organes exercent elles-mêmes des fonctions au sein des organes de décision des entreprises membres de CVK, comme le permet la formule alternative des articles 9 et 12 des statuts de CVK, selon laquelle les organes de décision de CVK « seront composés uniquement de membres de CVK ou de personnes indépendantes ». Or, si tel est le cas, ces représentants auront nécessairement, dans leurs fonctions au sein des entreprises membres de CVK, dû être nommés par les actionnaires des membres de CVK et devront nécessairement, dans leurs fonctions au sein des organes de décision de CVK, prendre en compte le point de vue de ces actionnaires.

75     Dans ces conditions, la requérante n’a produit aucun élément de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle toute possibilité d’exercer une influence déterminante sur CVK par Haniel et par la requérante, à la suite de la conclusion du second groupe de transactions, n’est pas exclue.

76     Par ailleurs, la requérante ne saurait opposer à la Commission une prétendue confiance légitime qui serait fondée sur l’interprétation de la notion de contrôle qu’aurait retenue la NMa en application de la loi néerlandaise de la concurrence.

77     À cet égard, il y a lieu de rappeler que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, non encore publié au Recueil, point 102, et la jurisprudence citée).

78     En l’espèce, il suffit de relever que la requérante n’a reçu aucune assurance précise de la part de l’administration communautaire selon laquelle la Commission, à supposer qu’elle fût légalement fondée à se lier de la sorte, apprécierait la notion de contrôle, au titre du règlement nº 4064/89, d’une manière identique à celle retenue par la NMa dans la décision du 20 octobre 1998, en application de la loi néerlandaise sur la concurrence. En outre, la requérante n’a pas non plus reçu d’assurances précises de la part de la NMa, en particulier dans la lettre du 26 mars 1999 citée au point 7 ci-dessus, auxquelles la Commission aurait acquiescé et aux termes desquelles la Commission adopterait une approche identique à celle contenue dans cette lettre, après que fut conclu le second groupe de transactions. En tout état de cause, à supposer même que la requérante ait reçu de telles assurances, celles-ci n’auraient pu faire naître des espérances fondées dans son chef, car selon le raisonnement exposé précédemment, de telles assurances n’auraient pas reposé sur une appréciation conforme à l’article 3 du règlement nº 4064/89.

79     Le deuxième argument, tiré de l’application du code civil néerlandais, n’emporte pas davantage la conviction. En effet, si, ainsi que le soutient la requérante, le code civil néerlandais prévoit que les décisions d’une société coopérative doivent être prises dans l’intérêt de cette société, il n’en demeure pas moins que ce sont les personnes qui détiennent, directement ou indirectement, les droits de vote dans cette société qui ont le pouvoir d’adopter ces décisions. Dès lors, les arguments de la requérante tirés des dispositions du code civil néerlandais ne remettent pas en cause l’existence d’une influence déterminante de Haniel et de la requérante sur CVK après la conclusion du second groupe de transactions.

80     Enfin, pour ce qui concerne la troisième allégation, ainsi que l’admet la requérante dans sa réplique, le contrat de coopération qu’elle a conclu avec Haniel, la fermeture de trois entreprises membres de CVK et certains documents internes de Haniel, auxquels se réfère le considérant 19 de la décision attaquée, ne constituent pas l’essentiel de la motivation juridique de la décision attaquée relative au contrôle en commun de CVK – qui est centrée sur l’existence des droits de veto au profit de Haniel et la requérante – mais servent à l’illustrer. En conséquence, même à supposer que, ainsi que le fait valoir la requérante, ces exemples ne démontrent pas l’exercice d’une influence déterminante sur CVK – dont la possibilité découle de l’existence des droits de veto, préalablement constatée aux considérants 13 à 17 de la décision attaquée et analysée ci-dessus – et que, partant, la décision attaquée soit entachée d’erreurs d’appréciation à l’égard de ces éléments présentés à titre d’exemple, cela n’entraînerait toutefois pas l’annulation de la décision attaquée, le principe de la possibilité d’une influence déterminante sur CVK restant tout à fait valide.

81     À titre surabondant, le Tribunal relève que la fermeture des trois entreprises membres de CVK (Boudewijn, Bergumermeer et Vogelenzang), dont la requérante ne conteste pas sérieusement qu’elle constitue une décision stratégique, permet d’illustrer à suffisance la prise de contrôle de CVK par Haniel et par la requérante.

82     En effet, s’agissant plus particulièrement de l’entreprise Vogelenzang − qui, avant la transaction RAG, était une filiale de cette dernière − à compter de la conclusion du second groupe de transactions, ni Haniel ni la requérante ne pouvait décider seule de la fermeture de cette entreprise, dont les parts sociales sont détenues à parité par ses deux actionnaires. Par ailleurs, à aucun moment durant la procédure devant le Tribunal, la requérante n’a pu étayer l’allégation selon laquelle ce serait CVK, sur la base de sa propre politique commerciale, qui aurait décidé de la fermeture de cette entreprise. Il en découle que seules Haniel et la requérante ont pu décider de la fermeture de l’entreprise Vogelenzang.

83     Pour l’ensemble de ces motifs, il convient de constater que c’est à bon droit que la Commission a considéré que, par la conclusion du second groupe de transactions, Haniel et la requérante ont pris le contrôle en commun de CVK, au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89.

–       Sur l’insuffisance de la motivation alléguée

84     La requérante invoque trois griefs portant sur l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée quant à la constatation de la prise de contrôle conjoint de CVK par Haniel et par elle-même (voir point 33 ci-dessus).

85     Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si l’acte est fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité et, d’autre part, à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, point 155, et la jurisprudence citée ).

86     En l’espèce, malgré la motivation implicite de la décision attaquée quant à l’absence d’un contrôle en commun de CVK par les trois actionnaires, avant la conclusion du second groupe de transactions et, en particulier, de la transaction RAG, la décision attaquée pouvait se comprendre dans le contexte dans lequel elle a été adoptée, en particulier sur la base des données figurant au considérant 5 de la décision attaquée, des statuts de CVK et des contrats conclus le 9 août 1999. Ainsi que l’analyse effectuée ci-dessus le met en exergue, la motivation de la décision attaquée sur ce point n’entrave pas non plus le contrôle de légalité exercé par le Tribunal.

87     La requérante ne saurait davantage reprocher à la Commission d’avoir insuffisamment expliqué les raisons pour lesquelles cette dernière estimait que les garanties offertes à la NMa n’étaient pas suffisantes. En effet, il ressort des considérants 25 et 27 de la décision attaquée que la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle ne pouvait étendre l’interprétation de la notion de contrôle, retenue par la NMa, notamment dans la décision du 20 octobre 1998, sur la base de la législation néerlandaise de la concurrence, à l’interprétation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, dont la compétence échoit à la Commission, sous réserve du contrôle exercé par le juge communautaire. Ces explications étaient, en soi, suffisantes. De plus, le contrôle de légalité n’est pas non plus entravé sur cette question, comme le démontrent les développements précédents.

88     Une conclusion identique s’impose en ce qui concerne les exemples révélant l’existence d’un contrôle en commun mentionnés au considérant 19 de la décision attaquée. Bien que la motivation de la décision attaquée soit, sur ce point, succincte, la requérante a tout à fait pu comprendre les raisons qui entraînaient la Commission à croire que ces éléments pouvaient traduire l’existence d’un contrôle en commun sur CVK par elle-même et par Haniel, sans que, par ailleurs, le contrôle juridictionnel soit entravé.

89     Dans ces conditions, les griefs tirés de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée doivent être rejetés.

90     Partant, il y a également lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, prise de l’incompétence de la Commission pour qualifier d’opération de concentration unique deux transactions et de l’inexistence, en l’espèce, d’une opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89

 Arguments des parties

91     Premièrement, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré, dans la décision attaquée, que la prise de contrôle par CVK sur ses entreprises membres, par le biais de la conclusion du contrat de mise en commun, d’une part, et de la transaction RAG, d’autre part, constituaient une seule et même opération de concentration, en raison de leur interdépendance d’un point de vue temporel et économique. Or, selon les écritures de la requérante, le règlement nº 4064/89 ne conférerait aucune compétence générale à la Commission pour décider que deux transactions distinctes doivent être considérées comme une seule opération de concentration.

92     À cet égard, la requérante relève que seul l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 – qui autorise, dans certaines conditions, la Commission à considérer deux ou plusieurs transactions comme une seule opération de concentration aux fins du calcul du chiffre d’affaires des entreprises concernées qui acquièrent des parties d’une ou de plusieurs entreprises – fait allusion à une telle situation. Toutefois, la requérante souligne que cette disposition n’est pas pertinente en l’espèce. D’une part, l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 vise à éviter que des entreprises éludent l’application dudit règlement en scindant artificiellement une opération en plusieurs transactions de sorte que cette opération tomberait en dessous des seuils de chiffre d’affaires prévus par ce règlement. Or, en l’espèce, la décision attaquée ne contiendrait aucun élément de preuve indiquant que la requérante ou Haniel ait tenté de contourner l’application du règlement nº 4064/89. D’autre part, la requérante relève que, au considérant 23 de la décision attaquée, la Commission conclut que l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 n’est pas directement applicable en l’espèce. En tout état de cause, la requérante soutient que les limites actuelles du champ d’application du règlement nº 4064/89 auraient été reconnues par la Commission elle‑même dans le Livre vert relatif à l’examen du règlement nº 4064/89 [COM (2001) 745 final] et dans la proposition de règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2003, C 20, p. 4), présentée par la Commission et visant à modifier ledit règlement.

93     Deuxièmement, la requérante souligne que, même à supposer que le règlement nº 4064/89 confère compétence à la Commission pour qualifier des transactions multiples d’opération de concentration unique, la Commission n’a pas étayé à suffisance son appréciation selon laquelle, en l’espèce, il existerait une interdépendance entre les deux groupes de transactions en cause de sorte qu’il conviendrait de les considérer comme une seule opération de concentration.

94     Selon la requérante, le fait que les premier et second groupes de transactions aient été conclus le même jour − le 9 août 1999 − devant le même notaire ne revêt pas une importance particulière quant à leur interdépendance. La requérante souligne à cet égard qu’elle avait déjà signalé à la Commission que tant la mise en commun des bénéfices et des pertes au sein de CVK, impliquant plusieurs opérations techniques et commerciales de grande envergure, que diverses études écologiques avaient retardé la conclusion du contrat de mise en commun jusqu’au 9 août 1999.

95     De plus, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle la conclusion du contrat de mise en commun aurait été subordonnée à la réalisation du second groupe de transactions, plus particulièrement à la transaction RAG. À ce propos, la requérante rappelle, tout d’abord, que le contrat de mise en commun avait été notifié le 26 février 1998 à la NMa, ce qui implique que l’intention de conclure ce contrat était suffisamment précise, sans que, à l’époque, la vente des parts sociales de RAG dans les entreprises membres de CVK lui soit connue et, par conséquent, soit pertinente quant à l’interdépendance des deux transactions. La requérante souligne ensuite qu’il n’existe aucun accord contractuel obligatoire ou autre arrangement liant les deux transactions. Enfin, la requérante fait valoir qu’il convient également de considérer comme non pertinente l’opinion de Haniel selon laquelle il existe une interdépendance entre les transactions, dans la mesure où la Commission doit, pour apprécier une telle interdépendance, se fonder sur des faits et non sur les appréciations subjectives d’une des parties et où, compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit la présente affaire, Haniel pouvait avoir un intérêt à la dissolution de CVK, telle qu’elle a été exigée par la décision attaquée. De l’avis de la requérante, il existe donc bien deux opérations de concentration distinctes.

96     S’agissant, en premier lieu, de l’argument relatif à la compétence générale de la Commission pour traiter plusieurs transactions comme une opération de concentration unique, la Commission rétorque que l’article 3 du règlement nº 4064/89, qui porte sur la notion de concentration, n’exclut pas qu’une concentration puisse recouvrir plus d’une transaction. En effet, une opération de concentration peut consister, en fonction de la réalité économique, en une ou plusieurs transactions. Selon la Commission, sa propre pratique décisionnelle fait apparaître plusieurs exemples allant dans ce sens.

97     De plus, selon la Commission, la référence faite par la requérante à l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 n’est pas pertinente. Cette disposition concerne uniquement le calcul du chiffre d’affaires en vue de déterminer si une opération de concentration est de dimension communautaire ou non et vise à empêcher les entreprises d’échapper à l’application du règlement nº 4064/89 en fragmentant leurs transactions en plusieurs opérations de concentration distinctes réalisées au cours d’une période de deux années et n’atteignant pas individuellement les seuils de chiffre d’affaires. La notion de concentration relèverait, quant à elle, de l’article 3 du règlement nº 4064/89.

98     La Commission conteste également le renvoi fait par la requérante au Livre vert précité et à la proposition de la Commission visant à modifier le règlement nº 4064/89. Selon la Commission, le Livre vert, bien qu’il ait proposé d’étendre la compétence de la Commission à certains types particuliers de transactions, a confirmé la définition générale et large de la notion d’opération de concentration, alors que la proposition de la Commission visait seulement à clarifier la pratique décisionnelle existante.

99     En second lieu, la Commission ne souscrit pas au reproche de la requérante selon lequel elle n’aurait pas démontré à suffisance l’interdépendance entre les deux transactions principales en cause.

100   Selon la Commission, trois éléments, considérés globalement, permettent de conclure à une telle interdépendance, ainsi qu’il a été démontré aux considérants 20 à 22 de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

101   Dans le cadre de la présente branche, et bien qu’elle ait nuancé sa position à l’audience, la requérante conteste, en premier lieu, la compétence générale de la Commission pour qualifier d’opération de concentration unique plusieurs transactions, en application de l’article 3 du règlement nº 4064/89. En second lieu, la requérante considère que l’appréciation de la Commission, selon laquelle les transactions conclues le 9 août 1999 étaient interdépendantes et constituaient un tout d’un point de vue économique, est erronée.

–       Sur la possibilité pour la Commission de qualifier d’opération de concentration unique plusieurs transactions, en application de l’article 3 du règlement nº 4064/89

102   Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 4064/89, une opération de concentration est réalisée soit lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent [article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 4064/89], soit lorsqu’une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises [article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89].

103   Alors que l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 4064/89 qualifie d’opération de concentration un phénomène relativement simple et identifiable – celui de la fusion entre deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes –, cette disposition, sous b), vise à englober toutes les autres situations dans lesquelles une ou plusieurs entreprises acquièrent le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises.

104   Cette définition générale et finaliste d’une opération de concentration – le résultat étant le contrôle d’une ou plusieurs entreprises – implique qu’il est indifférent que l’acquisition, directe ou indirecte, de ce contrôle, ait été réalisée en une, deux ou plusieurs étapes par le biais d’une, deux ou plusieurs transactions, pour autant que le résultat atteint constitue une seule opération de concentration.

105   Que les parties, lorsqu’elles notifient une concentration à la Commission, projettent de conclure deux ou plusieurs transactions ou qu’elles les aient déjà conclues préalablement à leur notification est également indifférent. Il revient à la Commission, dans tous les cas de figure, d’apprécier si ces transactions présentent un caractère unitaire de sorte qu’elles constituent une seule opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89.

106   Une telle démarche vise à identifier, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à chaque cas d’espèce et dans un souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations, la finalité économique poursuivie par les parties, en examinant, en présence de plusieurs transactions juridiquement distinctes, si les entreprises concernées auraient été disposées à conclure chaque transaction prise isolément ou si, au contraire, chaque transaction ne constitue qu’un élément d’une opération plus complexe, sans laquelle elle n’aurait pas été conclue par les parties.

107   En d’autres termes, afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il s’agit, dans chaque cas d’espèce, d’apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre.

108   Cette démarche tend, d’une part, à assurer aux entreprises qui notifient une opération de concentration le bénéfice de la sécurité juridique pour l’ensemble des transactions qui réalisent cette opération et, d’autre part, à permettre à la Commission d’exercer un contrôle efficace sur les opérations de concentration qui sont susceptibles d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces deux buts constituent, au demeurant, l’objectif principal du règlement nº 4064/89 (arrêt du Tribunal du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 109 ; ordonnance du président du Tribunal du 2 décembre 1994, Union Carbide/Commission, T‑322/94 R, Rec. p. II‑1159, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, T‑3/93, Rec. p. II‑121, point 48).

109   Il s’ensuit qu’une opération de concentration, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 4064/89, peut se réaliser même en présence d’une pluralité de transactions juridiques formellement distinctes dès lors que ces transactions sont interdépendantes de sorte qu’elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres et dont le résultat consiste à conférer à une ou à plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l’activité d’une ou de plusieurs autres entreprises.

110   Cette appréciation n’est pas infirmée par les différents arguments invoqués par la requérante.

111   En premier lieu, quant à l’allégation tirée de l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, lequel, parce qu’il serait le seul à viser explicitement les transactions multiples et parce que la Commission aurait considéré cette disposition comme non directement applicable en l’espèce, priverait la Commission de la compétence pour qualifier d’opération de concentration unique, au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89, deux ou plusieurs transactions, il y a lieu de la rejeter comme non fondée.

112   Il importe de rappeler que l’article 5 du règlement nº 4064/89, intitulé « Calcul du chiffre d’affaires », dispose :

« 1. Le chiffre d’affaires total visé à l’article 1er, paragraphe 2, comprend les montants résultant de la vente de produits et de la prestation de services réalisées par les entreprises concernées au cours du dernier exercice et correspondant à leurs activités ordinaires, déduction faite des réductions sur ventes ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’autres impôts directement liés au chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires total d’une entreprise concernée ne tient pas compte des transactions intervenues entre les entreprises visées au paragraphe 4 du présent article.

[...]

2. Par dérogation au paragraphe 1, lorsque la concentration consiste en l’acquisition de parties, constituées ou non en entités juridiques, d’une ou de plusieurs entreprises, seul le chiffre d’affaires se rapportant aux parties qui sont l’objet de la transaction est pris en considération dans le chef du ou des cédants.

Toutefois, deux ou plusieurs transactions, telles que visées au premier alinéa, qui ont lieu au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule opération de concentration intervenant à la date de la dernière transaction.

[…] »

113   Il résulte du libellé même de cette disposition qu’elle régit une question différente de celle visée par l’article 3 du règlement nº 4064/89.

114   Alors que l’article 3 du règlement nº 4064/89 définit les conditions d’existence d’une « opération de concentration » et se limite à définir, d’une manière générale et matérielle, ce qu’il faut entendre par une « concentration », cette disposition ne règle pas la question de la compétence de la Commission sur les opérations de concentration (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Kesko/Commission, T‑22/97, Rec. p. II‑3775, point 138). Parmi les opérations qui répondent à la définition de l’article 3 du règlement nº 4064/89, seules les opérations dites de « dimension communautaire », telles que définies à l’article 1er de ce règlement, relèveront de la compétence exclusive de la Commission, sauf disposition contraire dudit règlement. Par conséquent, ce n’est pas parce qu’une opération répond à la définition de l’article 3 du règlement nº 4064/89 que cette opération tombe nécessairement dans le champ de la compétence exclusive de la Commission ; encore faut-il que cette transaction soit de « dimension communautaire ».

115   Il découle de l’article 1er du règlement nº 4064/89 que le législateur communautaire a entendu que, dans le cadre de la mission qui lui est conférée en matière de concentrations, la Commission n’intervienne que si l’opération projetée − ou déjà réalisée − atteint une certaine taille économique et étendue géographique, c’est-à-dire une « dimension communautaire ». En outre, il résulte de l’économie générale de l’article 5 du règlement nº 4064/89 que le législateur communautaire a entendu préciser le champ d’application de ce règlement en définissant, notamment, le chiffre d’affaires des participants à une opération de concentration qui doit être pris en considération aux fins de déterminer sa « dimension communautaire », au sens de l’article 1er du règlement nº 4064/89.

116   Ainsi, il résulte de l’article 5, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 que, dans le cadre de l’acquisition de parties d’une entreprise, seul le chiffre d’affaires se rapportant à ces parties de l’entreprise effectivement acquises doit être pris en compte pour apprécier la dimension de l’opération en cause (arrêt Air France/Commission, point 108 supra, point 103).

117   Cette appréciation englobe également l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, de sorte que lorsque l’acquisition de parties d’une ou de plusieurs entreprises se déroule en plusieurs transactions au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises, le chiffre d’affaires doit se rapporter à ces parties acquises considérées conjointement.

118   Le motif qui préside à l’insertion de l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 − dont l’analyse, au demeurant, est commune aux parties au présent litige − est celui d’éviter que les mêmes entreprises ou les mêmes personnes fragmentent artificiellement une opération en plusieurs cessions partielles d’actifs, échelonnées dans le temps, dans l’objectif d’échapper aux seuils établis par le règlement nº 4064/89 qui déterminent la compétence de la Commission en application de ce règlement.

119   Dès lors, le fait que l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 permette à la Commission de considérer deux ou plusieurs transactions comme constituant une seule opération de concentration aux fins du calcul du chiffre d’affaires des entreprises concernées dans le but d’éviter un contournement de la compétence que lui attribue le règlement ne signifie pas que cette disposition, contrairement à ce que soutient la requérante, prive la Commission du droit de déterminer, en amont, en application de l’article 3 dudit règlement, si plusieurs transactions qui lui sont notifiées réalisent une seule opération de concentration ou si, au contraire, ces transactions doivent être considérées comme réalisant une pluralité d’opérations de concentration.

120   S’il ressort de l’examen auquel procède la Commission que deux transactions notifiées à la Commission ne sont pas interdépendantes, ces transactions seront appréciées individuellement. Si l’une et/ou l’autre n’a pas de dimension communautaire, la Commission déclinera compétence pour apprécier l’une et/ou l’autre. S’il ressort de cet examen que les transactions présentent un caractère unitaire permettant de les considérer comme une seule opération de concentration, en application de l’article 3 du règlement nº 4064/89, la Commission vérifiera ensuite si l’opération ainsi identifiée est de dimension communautaire, aux fins d’établir sa compétence et d’apprécier les effets de l’opération sur la concurrence.

121   En toute hypothèse, l’application à un cas d’espèce de l’article 3 du règlement nº 4064/89 n’a ni pour objet ni pour effet de permettre de conclure sur la compétence de la Commission pour examiner les opérations de concentration identifiées, mais de vérifier si les transactions qui font l’objet d’une notification constituent une ou plusieurs opérations de concentration.

122   Dans ces conditions, l’argument de la requérante fondé sur l’article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 n’emporte pas de conséquence quant à l’interprétation de l’article 3 du règlement nº 4064/89 permettant à la Commission d’examiner si les transactions en cause relevaient du champ d’application de cette disposition en raison de leur caractère unitaire.

123   En second lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission a, dans le contexte de la révision du règlement nº 4064/89, reconnu son incompétence pour qualifier d’opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89 deux ou plusieurs transactions, il suffit de relever que, quand bien même ce serait le cas, une telle position de la Commission est sans préjudice de l’interprétation de l’article 3 du règlement nº 4064/89 retenue ci-dessus par le Tribunal.

124   Il s’ensuit que le grief tiré par la requérante de l’incompétence de la Commission pour qualifier d’opération de concentration unique, en application de l’article 3 du règlement nº 4064/89, plusieurs transactions doit être rejeté.

–       Sur le caractère interdépendant des transactions conclues le 9 août 1999

125   La requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, les premier et second groupes de transactions conclus le 9 août 1999, mentionnés au point 8 ci-dessus, étaient interdépendants de sorte qu’ils constituaient un tout du point de vue économique.

126   Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a apporté les précisions suivantes :

« (20) […] Ces diverses opérations se sont déroulées de manière étroitement liée, dans le temps et du point de vue économique. Tant les actes juridiques qui ont conduit à la prise de contrôle de CVK par Haniel et Cementbouw que ceux, également, qui ont abouti à la prise de contrôle des onze briqueteries par CVK, ont été établis le même jour, le 9 août 1999, et ont été consignés par le notaire dans un seul et même document. Les parties ont aussi voulu lier ces deux prises de contrôle de manière que l’une n’ait pas lieu sans l’autre. La conclusion des accords présentés à la NMa a été reportée jusqu’à la clôture des négociations sur la cession des parts de RAG. Cette décision a été prise pour tenir compte du souhait exprimé entre-temps par RAG de se retirer de CVK, cette dernière n’étant en effet plus disposée à participer à la nouvelle structure envisagée pour l’entreprise CVK. En termes économiques également, ces deux prises de contrôle doivent donc être considérées comme une seule et même opération. Même en partant du principe qu’il s’agit de deux opérations distinctes, séparées par un ‘instant logique’, celles-ci sont tellement interdépendantes qu’il faudrait les considérer comme une seule et même opération de concentration.

(21) Haniel également a défendu cette position dans ses observations sur la communication des griefs et lors de l’audition. À l’inverse, Cementbouw a soutenu que si le retrait de RAG devait être qualifié d’acquisition du contrôle commun de CVK par Haniel et Cementbouw − ce que Cementbouw conteste − la compétence de la Commission ne pourrait, en tout état de cause, s’étendre qu’à cette prise de contrôle. Elle considère que l’acquisition du contrôle, par CVK, de ses entreprises membres constitue, en revanche, une opération de concentration juridiquement distincte. Selon elle, le fait que le contrat de mise en commun et [la transaction RAG] aient été conclus le même jour ne saurait aboutir à la conclusion qu’il s’agit d’une seule et même procédure juridique ou économique ; ce sont juste plutôt des problèmes pratiques qui n’ont pas été davantage détaillés qui ont empêché la conclusion du contrat de mise en commun immédiatement après la décision d’autorisation de la NMa du 20 octobre 1998. La décision arrêtée par la NMa le 20 octobre 1998, qui fait autorité, a toutefois légalisé la prise de contrôle de CVK sur ses entreprises membres, de sorte que l’examen de la Commission dans la présente affaire ne saurait, en aucun cas, s’étendre à cette opération.

(22) La Commission ne saurait souscrire à la thèse de Cementbouw. L’ensemble des contrats passés le 9 août 1999 constitue une seule et même opération économique, car ils ont eu pour effet de transformer une organisation commerciale commune constituée de onze entreprises de production de briques silico-calcaires jusqu’ici autonomes juridiquement, appartenant au total à trois différentes sociétés fondatrices, en une entreprise de plein exercice contrôlée en commun par Haniel et Cementbouw. Haniel a confirmé à plusieurs reprises que pour les parties à l’opération du 9 août 1999, Haniel, Cementbouw et RAG, tous ces contrats étaient interdépendants et constituaient un tout du point de vue économique. Interrogée à ce sujet, Cementbouw n’a pas non plus donné d’explication concluante sur la raison pour laquelle la mise en œuvre de la décision autorisée par la NMa a été reportée de plus de neuf mois et n’est devenue effective qu’avec le retrait de RAG. La Commission part donc du principe que RAG n’aurait pas été disposée à participer à l’exécution du contrat de mise en commun en tant qu’actionnaire indirect de CVK.

(23) Certes, d’un point de vue formel, RAG a encore souscrit au contrat de mise en commun avant que la cession de ses parts à Haniel et à Cementbouw ne soit réalisée. Toutefois, il ressort de la constatation authentique sous forme notariée du contrat de mise en commun et de la modification des statuts, effectuées juste avant la constatation par écrit de la cession des parts de RAG au cours de la même réunion, par le même notaire, qui a rédigé à ce sujet un seul et même protocole, que l’on peut, tout au plus en apparence et d’un point de vue formel, considérer que la nouvelle structure de CVK autorisée par la NMa a été mise en œuvre avec la participation de RAG. Cette manière purement formelle de considérer la situation ne peut être déterminante pour apprécier, conformément au règlement sur les concentrations, la question de savoir si une ou plusieurs opérations d’acquisition économiques constituent une opération de concentration soumise au contrôle communautaire. De même, l’article 5, paragraphe 2, [second alinéa], du règlement sur les concentrations, qui n’est pas directement applicable en l’espèce, montre qu’une approche économique s’impose. Il convient en conséquence de partir du principe que les contrats souscrits le 9 août 1999 constituent une seule et même opération de concentration par laquelle CVK a acquis le contrôle de ses entreprises membres pendant que Haniel et Cementbouw prenaient en même temps le contrôle de CVK. »

127   Il résulte des motifs précités de la décision attaquée que la Commission a conclu à l’interdépendance des transactions sur le fondement des trois facteurs suivants : l’interdépendance économique, la simultanéité de la conclusion des transactions devant le même officier de l’état civil et la confirmation par Haniel du caractère interdépendant des transactions.

128   Il est constant que la requérante ne conteste pas que le second groupe de transactions (transaction RAG et contrat de coopération entre Haniel et la requérante) soit subordonné à la réalisation du premier. Dès lors, il y a lieu de constater que le second groupe de transactions n’aurait pas été conclu en l’absence du premier.

129   En revanche, la requérante fait grief à la Commission d’avoir considéré, de manière erronée, que le premier groupe de transactions était dépendant du second. La requérante rappelle que, au moment de la notification du projet de contrat de mise en commun de CVK avec ses entreprises membres à la NMa au mois de février 1998, RAG possédait des participations dans trois des entreprises membres. La requérante se fonde sur cet élément pour soutenir que, à ce moment, elle ignorait que RAG allait vouloir se séparer de ses participations dans ces entreprises, ce qui démontrerait que le premier groupe de transactions, dans lequel est compris le contrat de mise en commun, est une opération de concentration autonome. Par ailleurs, la requérante soutient que, au moment de la conclusion de l’ensemble des opérations, le 9 août 1999, le contrat par lequel la transaction RAG a été conclue a précisé que les parties l’avaient souscrit après la conclusion de l’accord de mise en commun entre CVK et les entreprises membres, dans le but de se conformer − au moins formellement −, à la position de la NMa, exprimée dans la lettre du 26 mars 1999, selon laquelle, pour que la transaction RAG ne soit pas considérée comme une concentration, au sens de la loi néerlandaise de la concurrence, le contrat de mise en commun entre CVK et ses entreprises membres devait être conclu, au plus tard, au moment de la transaction RAG.

130   Ces arguments ne sauraient être retenus.

131   Premièrement, s’il y a, certes, lieu d’admettre qu’aucun élément du dossier ne permet d’infirmer l’assertion de la requérante selon laquelle elle ignorait, au moment de la notification du projet de premier groupe de transactions à la NMa, au mois de février 1998, que RAG allait vouloir céder ses participations dans trois des entreprises membres de CVK, il n’en demeure pas moins que cette transaction n’a été conclue que le 9 août 1999, soit le même jour que la conclusion du second groupe de transactions. Or, à cette date, non seulement il était clair que RAG avait décidé de céder ses participations dans les entreprises membres de CVK à Haniel et à la requérante, mais, de plus, le premier groupe de transactions avait subi une modification sensible en raison de la conclusion, le même jour, du second groupe de transactions, dont, en particulier, la transaction RAG, par laquelle Haniel et la requérante prenaient le contrôle en commun de CVK.

132   Face à cette situation, la Commission était fondée à s’interroger sur les raisons pour lesquelles le premier groupe de transactions n’avait pas été conclu avant le 9 août 1999, ainsi qu’elle l’a fait lors de la procédure administrative et de nouveau, en l’absence de réponse satisfaisante de la part des parties, dans les motifs précités de la décision attaquée.

133   En effet, si, d’une manière générale, la simultanéité de la conclusion de plusieurs transactions n’est pas nécessairement déterminante afin d’identifier leur caractère interdépendant, en revanche, en l’espèce, le report de la conclusion du premier groupe de transactions au moment de la conclusion du second est un facteur important dans la mesure où il peut signifier que RAG n’était pas disposée à participer au premier et que, pour que ce groupe de transactions puisse néanmoins être conclu, il devait forcément être subordonné au retrait de RAG du capital social de CVK soit, en d’autres termes, à la conclusion du second groupe de transactions.

134   Pour expliquer le report de la conclusion du premier groupe de transactions au moment de la conclusion du second, la requérante évoque, dans ses écritures, les difficultés techniques et commerciales liées à la mise en commun des pertes et profits entre les entreprises membres. Dans sa réplique, la requérante mentionne également que diverses études écologiques devaient être effectuées et que les vacances d’été dans le secteur de la construction auraient aussi retardé cette conclusion.

135   Ces raisons ne peuvent toutefois être retenues pour expliquer le report de plus de neuf mois à compter de l’autorisation de la NMa d’une décision aussi importante que celle visant à la conclusion du regroupement de l’ensemble des activités des entreprises membres de CVK au sein d’une structure commune.

136   D’une part, s’agissant des prétendues études écologiques et des vacances d’été qui auraient retardé la conclusion du premier groupe de transactions, ces justifications, au demeurant uniquement évoquées par la requérante au stade de sa réplique, ne sont pas étayées.

137   D’autre part, quant à l’allégation relative aux difficultés techniques et commerciales liées à la mise en commun des pertes et profits des entreprises membres de CVK, il convient de relever que, outre le fait que cette prétention demeure également non étayée, l’importance de cette justification apparaît nettement affaiblie par les éléments du dossier eux-mêmes. En effet, il y a lieu de noter − et sans que cela ait été contesté par la requérante, interrogée spécifiquement sur ce point à l’audience par le Tribunal − que, même au moment de la conclusion de l’ensemble des transactions, le 9 août 1999, le contrat de coopération entre Haniel et la requérante exposait que la mise en commun des comptes et fonds propres des entreprises membres de CVK n’était pas entièrement réglée, notamment pour les entreprises dont RAG était l’ancien propriétaire. Or, si cette question avait été à tel point importante qu’elle nécessitait le report de la conclusion du premier groupe de transactions, elle aurait certainement dû justifier le report de la conclusion de ce groupe de transactions au-delà même de la date du 9 août 1999. Tel n’a assurément pas été le cas, en raison même de l’indice significatif qu’un tel report, au-delà de la date de la conclusion du second groupe de transactions, aurait également constitué quant à la dépendance du premier groupe de transactions à l’égard du second.

138   En l’absence d’autres motifs invoqués par la requérante, force est donc de constater que l’élément qui conditionnait la conclusion du premier groupe de transactions était la conclusion du second groupe de transactions, c’est-à-dire le retrait de RAG du capital social de CVK.

139   Deuxièmement, le fait que le contrat par lequel la transaction RAG a été conclue mentionne la conclusion préalable du contrat de mise en commun ne saurait entraîner à reconnaître l’autonomie du premier groupe de transactions par rapport au second et, par voie de conséquence, à constater une erreur d’appréciation de la part de la Commission.

140   Certes, il convient de relever que, contrairement à ce qu’a indiqué la Commission au considérant 23 de la décision attaquée, le notaire devant lequel les contrats ont été conclus n’a pas rédigé un seul et même protocole.

141   Toutefois, cette erreur n’est pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée.

142   En effet, en l’espèce, cette erreur ne saurait affaiblir l’importance de la constatation fondamentale selon laquelle les contrats ont été conclus le même jour, en raison du fait que RAG n’était pas prête à donner son accord à la conclusion du premier groupe de transactions indépendamment de la conclusion du second, laquelle mettait fin à sa participation au premier. Du point de vue de l’appréciation économique de l’interdépendance entre les transactions, le fait que le premier groupe de transactions ait précédé de quelques minutes, voire de quelques heures, le second n’est pas pertinent.

143   À cet égard, la requérante ne saurait opposer à la Commission une prétendue confiance légitime dans la lettre de la NMa du 26 mars 1999 selon laquelle cette modalité de mise en œuvre des deux groupes de transactions lui aurait été suggérée par cette dernière afin que le second groupe de transactions, y compris la transaction RAG, ne constitue pas une concentration au sens de la loi néerlandaise sur la concurrence.

144   Sans qu’il soit besoin de prendre en considération le raisonnement tenu par la NMa dans cette lettre, il y a lieu de constater que la requérante n’a jamais reçu d’assurances précises selon lesquelles l’opération comprenant les deux groupes de transactions échapperait au champ d’application du règlement nº 4064/89 et à la compétence de la Commission. Dans la mesure où la compétence de la Commission n’est pas uniquement déterminée par les opérations qui lui sont préalablement notifiées (arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, non encore publié au Recueil, point 93), il appartenait aux parties, afin de pouvoir éventuellement bénéficier de la sécurité juridique liée aux décisions d’approbation de la Commission, de lui faire part de leur intention de conclure l’opération de concentration du 9 août 1999. Or, tel n’a pas été le cas.

145   Troisièmement, bien qu’elle soutienne que le premier groupe de transactions est une opération de concentration autonome, la requérante n’a pas expliqué quelles auraient été la finalité et la logique économiques poursuivies par les trois actionnaires à consentir que les entreprises membres de CVK soient réunies au sein d’une unité économique sous la direction de CVK, sans que ces actionnaires puissent prendre le contrôle de cette entreprise, alors que la conclusion du premier groupe de transactions prenait tout son sens économique dès lors que, en raison du retrait de RAG du capital social de CVK, Haniel et la requérante prenaient le contrôle en commun de CVK.

146   Quatrièmement, il y a lieu de remarquer qu’il ressort du contrat de coopération conclu entre Haniel et la requérante que ces entreprises estimaient toutes deux qu’une fusion de droit des entreprises membres et de CVK en une entreprise unique était souhaitable et qu’elles examineraient attentivement la possibilité d’une telle fusion, de sorte que CVK serait transformée en une seule et même entreprise, détenue conjointement par Haniel et la requérante. Cet élément vient conforter la thèse de la Commission, en mettant en exergue que le premier groupe de transactions n’était, en définitive, qu’une étape d’une opération plus vaste, sans autonomie réelle.

147   Enfin, cinquièmement, vient également conforter l’analyse de la Commission la circonstance que Haniel a soutenu, durant la procédure administrative, que les transactions étaient interdépendantes, sans que la requérante ait contesté la matérialité de ces affirmations rapportées dans la décision attaquée. Certes, il y a lieu d’admettre, ainsi que la requérante le soutient, que la position défendue par chacune des parties procédant à la notification est, par définition, subjective et qu’elle reflète nécessairement ses propres intérêts. Néanmoins, cette circonstance ne saurait entraîner la Commission, dans son souci de rechercher la réalité économique d’une opération de concentration, à se priver des explications des parties lui permettant d’identifier quelle était réellement, au moment de la conclusion des transactions en cause, la finalité économique poursuivie par ces parties. Bien que les explications non contestées d’une des parties ayant procédé à la notification ne sauraient en soi être déterminantes, la Commission doit toutefois, comme en l’espèce, être habilitée à se fonder sur ces explications lorsqu’elles lui permettent de conforter les éléments d’appréciation sur lesquels repose son analyse.

148   Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur d’appréciation en concluant, dans la décision attaquée, que les deux groupes de transactions en cause en l’espèce étaient interdépendants de sorte qu’ils constituaient conjointement une seule et même opération de concentration, au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89.

149   Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du premier moyen, prise de l’incompétence de la Commission pour examiner la prise de contrôle par CVK de ses entreprises membres, en raison de l’autorisation de celle-ci par la NMa

 Arguments des parties

150   Dans le cadre de cette branche, la requérante considère, d’une part, que, même à supposer que la Commission soit compétente pour examiner, au titre de l’article 3 du règlement nº 4064/89, la transaction RAG, la Commission ne saurait examiner la prise de contrôle par CVK de ses entreprises membres par le biais du contrat de mise en commun, dans la mesure où cette opération a déjà été autorisée par la NMa.

151   Au soutien de sa thèse, la requérante indique, tout d’abord, que contrairement à ce que prétend la Commission dans la décision attaquée, il n’existe aucune différence entre l’opération telle qu’elle avait été notifiée, puis approuvée, par la NMa le 20 octobre 1998 et l’opération finalement conclue le 9 août 1999. D’ailleurs, la requérante note que la Commission a reconnu que l’opération ne présentait pas de dimension communautaire et n’a pas officiellement contesté la décision de la NMa, comme elle aurait dû le faire au titre des articles 226 CE et 228 CE, ce qui a crée une confiance légitime dans le chef de la requérante. Ensuite, la requérante considère comme peu convaincant l’argument de la Commission selon lequel la décision de la NMa n’aurait aucune pertinence au motif qu’elle serait fondée sur une législation nationale. En effet, c’est oublier, selon la requérante, que les dispositions de la législation néerlandaise sur la concurrence dérivent de celles du droit communautaire et doivent être interprétées conformément à ce dernier. Enfin, la requérante conteste l’insinuation de la Commission, contenue au considérant 30 de la décision attaquée, selon laquelle les parties concernées n’auraient pas respecté les garanties qu’elles avaient offertes à la NMa pour que cette dernière autorise l’opération en cause. De l’avis de la requérante, cette insinuation est dépourvue de fondement.

152   D’autre part, la requérante soutient que la Commission a manqué à son obligation d’exposer les raisons pour lesquelles elle considérait la décision de la NMa comme étant erronée.

153   La Commission rejette l’ensemble de ces arguments et estime qu’elle n’a ni méconnu l’article 3 du règlement nº 4064/89 ni manqué à son obligation de motiver la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

154   En premier lieu, ainsi qu’il a été jugé dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, examinée ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant que les premier et second groupes de transactions visés au point 8 ci-dessus constituaient une seule et même opération de concentration au sens du règlement nº 4064/89.

155   Par conséquent, l’autorisation donnée par la NMa à la réalisation du premier groupe de transactions ne permettait assurément pas aux parties de réaliser l’opération de concentration conclue le 9 août 1999. En raison de la dimension communautaire de l’opération de concentration réalisée par l’ensemble des transactions conclues le 9 août 1999, appréciation figurant au considérant 33 de la décision attaquée et qui n’est pas contestée par la requérante, la Commission était dès lors la seule autorité compétente pour examiner et, le cas échéant, autoriser cette opération.

156   En deuxième lieu, la requérante ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime tirée de ce que la Commission n’a pas contesté l’autorisation accordée par la NMa à la réalisation du premier groupe de transactions.

157   En effet, l’autorisation accordée par la NMa à la réalisation du premier groupe de transactions, sur le fondement d’une interprétation des dispositions de la loi néerlandaise de la concurrence, n’est nullement constitutive d’un droit de réclamer la protection de la confiance légitime auprès de la Commission, cette autorisation n’émanant pas de l’administration communautaire en conformité avec les dispositions applicables en l’espèce, à savoir notamment avec l’article 3 du règlement nº 4064/89 (voir, en ce sens, arrêt Branco/Commission, point 77 supra, point 102). En tout état de cause, le premier groupe de transactions n’a pas été conclu dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il avait été notifié à la NMa. Le report de sa conclusion jusqu’au jour où le second groupe de transactions a lui-même été conclu a entraîné une modification sensible des éléments de fait et de droit sur lesquels s’était fondée la NMa pour autoriser le premier groupe de transactions projeté. Ainsi que la Commission l’a défendu à juste titre, par l’opération de concentration conclue le 9 août 1999, les parties n’ont pas uniquement réalisé une opération de fusion de fait entre les membres de CVK et cette dernière, mais ont créé une entreprise commune de plein exercice contrôlée conjointement par Haniel et par la requérante. En définitive, la NMa a autorisé la réalisation d’un groupe de transactions, lequel n’a effectivement pas été réalisé sous cette forme.

158   Dans la mesure où les deux groupes de transactions ne peuvent être scindés en raison de leur caractère unitaire, la Commission ne pouvait se prononcer que sur l’opération de concentration dans sa globalité, en raison de sa dimension communautaire.

159   Il convient d’ajouter qu’une telle approche n’emporte pas pour conséquence la méconnaissance de la répartition des compétences entre les autorités nationales de la concurrence et la Commission, telle qu’elle est prévue par le règlement nº 4064/89.

160   Certes, le résultat auquel est susceptible d’aboutir la démarche de la Commission peut, dans certaines situations, avoir pour conséquence qu’une transaction, bien que ne remplissant pas les critères de la dimension communautaire, au sens du règlement nº 4064/89, entre tout de même dans le champ d’application de ce dernier, en raison de l’interdépendance qui la lie à une ou plusieurs autres transactions.

161   Néanmoins, dans ce cas de figure, il est artificiel de considérer que la première transaction est, du point de vue économique, autonome.

162   En troisième lieu, est inopérant l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû engager une procédure en manquement, au titre de l’article 226 CE. Premièrement, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la Commission ait contesté la compétence de la NMa pour se prononcer, dans la décision du 20 octobre 1998, adoptée sur le fondement de la législation nationale, sur le premier groupe de transactions, de sorte que cette décision puisse éventuellement constituer un manquement au droit communautaire dans le chef du royaume des Pays-Bas. Bien au contraire, la Commission a admis une telle compétence et a souligné à plusieurs reprises que la décision attaquée ne portait pas sur la même opération de concentration, en raison du report de la conclusion du premier groupe de transactions au jour de la conclusion du second groupe de transactions, soit le 9 août 1999. Deuxièmement, compte tenu de la marge d’appréciation dont dispose la Commission quant à l’utilisation de ses ressources et à son action, rien n’oblige la Commission à ouvrir une procédure en application de l’article 226 CE à l’encontre d’un État membre avant d’adopter une décision portant sur l’appréciation d’une opération de concentration de dimension communautaire.

163   Enfin, en quatrième lieu, quant aux autres remarques de la requérante exposées au point 151 ci-dessus, relatives, d’une part, à la similitude des dispositions de la législation néerlandaise de la concurrence et celles du règlement nº 4064/89 et, d’autre part, au respect des garanties offertes à la NMa par les parties ayant procédé à la notification, ces remarques, rejetées dans le cadre de la première branche du présent moyen (voir points 70 à 78 ci-dessus), ne sauraient, en tout état de cause, entraîner l’annulation de la décision attaquée. De plus, l’allégation de la requérante selon laquelle la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit aussi être écartée. En effet, compte tenu des circonstances de l’espèce, la Commission n’était pas soumise à l’obligation d’expliquer les raisons pour lesquelles la décision de la NMa, adoptée sur la base de la législation nationale, aurait été prétendument erronée.

164   Par conséquent, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée ainsi que ce moyen dans son intégralité.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation de la Commission relatives à la création d’une position dominante par l’opération de concentration, en violation de l’article 2 du règlement nº 4064/89

165   Le présent moyen se divise en deux branches. La première branche est prise d’erreurs d’appréciation de la Commission quant à l’existence d’une position dominante de CVK. La seconde branche est prise de l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre l’opération de concentration et la création de la position dominante alléguée par la Commission.

 Sur la première branche du deuxième moyen, prise d’erreurs d’appréciation de la Commission quant à l’existence d’une position dominante de CVK

 Arguments des parties

166   La requérante conteste l’appréciation effectuée par la Commission de cinq facteurs qui ont amené celle-ci à constater l’existence d’une position dominante de CVK sur le marché néerlandais des matériaux de construction de murs porteurs (ci-après le « marché en cause »).

167   En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir apprécié erronément le rôle exercé par les matériaux concurrents à la brique silico-calcaire pour la construction de murs porteurs.

168   D’une part, la requérante considère que la constatation de la Commission, exposée au considérant 96 de la décision attaquée, selon laquelle CVK est le seul producteur et fournisseur de briques silico-calcaires aux Pays-Bas méconnaît le fait que des produits silico-calcaires sont importés à partir de l’Allemagne et que, selon la décision attaquée elle-même, il n’existe pas de marché des briques silico‑calcaires.

169   D’autre part, la requérante conteste la conclusion de la Commission, formulée au considérant 97 de la décision attaquée, selon laquelle le secteur du béton ne peut être considéré comme exerçant une pression concurrentielle sur CVK. La requérante soutient que les informations communiquées par des tiers sur la stabilité de la part de marché du béton sur le marché des matériaux de construction de murs ne peuvent, en elles-mêmes, aboutir à une telle conclusion. Selon la requérante, la Commission n’a ni procédé à un examen de l’évolution progressive des parts de marché afin de déterminer la pression concurrentielle exacte exercée sur CVK, ni pris en compte la taille du secteur du béton et les capacités financières et économiques importantes des opérateurs actifs dans ce secteur. Ces éléments, de l’avis de la requérante, contraignent CVK à tenir compte du secteur du béton afin de déterminer son comportement sur le marché en cause. Enfin, pour évaluer la pression concurrentielle exercée par le secteur du béton coulé sur place, la requérante fait valoir, dans sa réplique, qu’il convient de prendre en considération la part de marché du béton coulé sur place sur le marché en cause ([10 à 15] %) et non uniquement celle détenue par le producteur concurrent de béton coulé sur place le plus important ([2 à 5] %).

170   En deuxième lieu, la requérante conteste l’appréciation de la Commission, contenue aux considérants 99 à 101 de la décision attaquée, selon laquelle il existe d’importants obstacles à l’entrée sur le marché en cause. Dans son analyse, la Commission, aux dires de la requérante, aurait dû procéder à un examen de l’ensemble des coûts et des autres obstacles potentiels en ce qui concerne l’ensemble des produits concurrents à la brique silico-calcaire. Au contraire, la requérante soutient que la Commission a essentiellement limité son analyse aux coûts d’investissements et aux longs délais nécessaires pour la construction et le fonctionnement d’usines de production de briques silico-calcaires. La requérante conteste d’ailleurs que les délais et les besoins d’équipement puissent constituer de véritables obstacles à l’entrée sur le marché, aux fins de l’application du règlement nº 4064/89, en particulier si les marchés de capitaux fonctionnent efficacement. De plus, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir clairement examiné les coûts que d’autres producteurs de matériaux de construction auraient encouru s’ils avaient dû remplacer une partie de leur production par des matériaux concurrençant les briques silico-calcaires, alors même qu’elle avait indiqué en réponse à la communication des griefs que le béton pouvait être produit pour divers usages, y compris la construction de murs, tout comme les autres matériaux que sont la brique, le plâtre et le bois. Enfin, la requérante relève que le simple fait qu’il subsiste, comme l’indique le considérant 101 de la décision attaquée, des surcapacités de production de briques silico‑calcaires, rendant moins intéressant l’accès au marché, ne suffit pas à qualifier ces surcapacités d’obstacles à l’entrée sur le marché en cause.

171   En troisième lieu, la requérante conteste plusieurs éléments de l’appréciation de la Commission développée dans la décision attaquée selon laquelle ni les distributeurs de matériaux de construction ni les entrepreneurs ne disposent d’une puissance d’achat susceptible de compenser la position dominante de CVK du côté de l’offre.

172   S’agissant de la puissance d’achat des distributeurs, la requérante rappelle que ceux-ci appartiennent à des groupes internationaux ou sont constitués en coopératives d’achat, situation qui leur confère une position de force à l’égard de CVK. La requérante ajoute que le fait, indiqué au considérant 102 de la décision attaquée, que les cinq principaux distributeurs en gros de matériaux de construction aux Pays-Bas représentent près de [60 à 80] % des ventes de CVK, dont [20 à 30] % pour le plus important d’entre eux, démontre à l’évidence que les distributeurs en gros disposent d’une puissance d’achat importante et, à l’exception du béton coulé sur place, peuvent se tourner vers des produits substituables aux briques silico-calcaires. D’ailleurs, selon la requérante, l’impossibilité, pour les distributeurs en gros, de proposer à la revente le béton coulé sur place inciterait ceux-ci à obtenir de la part de CVK des prix et des conditions leur permettant de concurrencer les producteurs de béton. Enfin, la requérante maintient que les distributeurs en gros sont aussi en mesure d’importer des matériaux silico-calcaires à partir de l’Allemagne.

173   S’agissant des relations entre CVK, les distributeurs en gros et les entrepreneurs, la requérante conteste plusieurs des appréciations faites aux considérants 75 et 103 de la décision attaquée. La requérante contredit ainsi l’affirmation de la Commission selon laquelle CVK est généralement bien informée de l’identité des utilisateurs et de la destination de ses produits, notamment par un accès aux plans des architectes, pour des livraisons de matériaux de construction représentant la moitié de son chiffre d’affaires. De plus, bien que la requérante admette que CVK approvisionne directement certaines entreprises de construction, elle conteste que CVK puisse connaître l’utilisation à laquelle les produits livrés sont affectés, y compris lorsqu’elle a connaissance de l’épaisseur des produits silico-calcaires livrés. En outre, la requérante indique que les remises accordées par CVK aux distributeurs en gros, en fonction des ventes pour certains projets ou pour certaines entreprises de construction, ne se présentent que rarement et incidemment. Elle ajoute que cette circonstance ne remet pas en cause, de toute façon, l’existence d’une puissance d’achat de la part des distributeurs en gros.

174   En quatrième lieu, la requérante maintient que l’analyse effectuée par la Commission quant à l’absence d’influence exercée par le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs, sur lequel CVK détient une position plus faible, est erronée. D’une part, la requérante souligne que CVK est dans l’incapacité de connaître la destination de ses produits pour la construction de murs porteurs ou de murs non porteurs. Selon la requérante, CVK serait donc dans l’obligation de tenir compte de sa situation concurrentielle sur le marché de murs non porteurs pour déterminer son comportement sur le marché en cause, indépendamment du fait que CVK écoule [60 à 80] % de ses briques silico‑calcaires sur ce dernier marché. D’autre part, la requérante soutient qu’un « effet de contrainte » exercé par le marché des matériaux de construction de murs non porteurs sur le marché en cause ressortirait de l’analyse économique effectuée dans le rapport des professeurs von Wieszäcker et Elberfeld, qui a été communiqué à la Commission, mais auquel la décision attaquée ne se réfère pas.

175   En cinquième lieu, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle la position dominante de CVK serait renforcée par les liens structurels existant entre cette société et la requérante. Tout d’abord, la requérante rappelle qu’elle ne contrôle pas CVK, laquelle exerce son activité en toute indépendance. La requérante soutient ensuite que la Commission lui a erronément attribué une « position forte » sur le marché néerlandais de la fourniture des matériaux de construction de murs, dans la mesure où sa part de marché, de [2 à 5] %, est comparable à celle détenue par plusieurs autres opérateurs et ne saurait lui conférer une telle position. Il en irait de même pour ce qui concerne les activités de la requérante sur le marché de la distribution en gros des matériaux de construction, la Commission s’étant contentée à cet égard de simples allégations et suppositions, notamment quant à la référence au rapport annuel de NBM Amstelland, groupe auquel appartenait la requérante, alors que la part de marché de cette dernière ne serait que de [2 à 5] %. Enfin, la requérante nie que CVK lui accorde un traitement privilégié au stade de la distribution en gros des matériaux de construction, contrairement aux affirmations de parties tierces rapportées dans la décision attaquée. En tout état de cause, même à supposer qu’un tel traitement privilégié existe, la requérante soutient que les éléments de preuve émanant de ces tiers ne sont pas aptes en eux-mêmes à faire présumer l’existence d’une position dominante aux fins de l’application du règlement nº 4064/89.

176   Enfin, en sixième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée quant aux raisons qui l’ont amenée à se départir de la conclusion retenue par la NMa dans la décision du 20 octobre 1998 quant à l’absence d’une position dominante de CVK, alors même que cette décision et les études de marché de la NMa remontaient à moins de trois ans avant l’adoption de la décision attaquée.

177   À titre liminaire, la Commission remarque que la requérante n’a pas contesté le facteur concernant la structure du marché examiné aux considérants 90 à 95 de la décision attaquée. Or, selon la Commission, les éléments retenus quant aux parts de marché de CVK, de la requérante et de Haniel constitueraient déjà, en eux‑mêmes, un indice clair de l’existence d’une position dominante.

178   Cette remarque étant faite, la Commission conteste l’ensemble des critiques formulées par la requérante à l’encontre de l’appréciation des autres facteurs sur lesquels repose la conclusion selon laquelle CVK occupe une position dominante sur le marché en cause.

179   Premièrement, d’une part, s’agissant du rôle des différents matériaux de construction de murs, la Commission relève que la requérante ne conteste ni que le marché géographique se limite aux Pays-Bas, les importations de briques silico‑calcaires en provenance de l’Allemagne n’ayant qu’un caractère marginal, ni que CVK est l’unique producteur de briques silico-calcaires aux Pays-Bas, matériau de construction le plus populaire dans cet État, ainsi que cela est indiqué au considérant 98 de la décision attaquée. Cette situation, selon la Commission, contribue à renforcer la position de CVK sur le marché en cause, le béton coulé sur place, si l’on suppose qu’il relève du même marché, en raison des coûts d’investissement fixes élevés, ne faisant concurrence aux produits silico‑calcaires que pour les grands projets de construction.

180   D’autre part, la Commission réfute l’allégation de la requérante selon laquelle la décision attaquée n’aurait pas démontré à suffisance que le secteur du béton n’exerçait pas de pression concurrentielle sur CVK. À cet égard, la Commission fait observer que le libellé du considérant 97 de la décision attaquée fait uniquement référence à l’absence de pression concurrentielle importante de la part du béton coulé sur place et non du secteur du béton en général. La Commission précise aussi que cette conclusion ne se fonde pas sur la seule prise en considération du secteur du béton coulé sur place. Pour l’examen de la pression concurrentielle exercée par les producteurs de béton coulé sur place, la Commission réitère sa position, indiquée dans les motifs de la décision attaquée, selon laquelle il importe de prendre en compte les parts de marché des producteurs concurrents de béton coulé sur place, dont aucune n’excède [2 à 5] % sur le marché en cause, et non la part du secteur du béton coulé sur place, en tant que produit ([10 à 15] %), sur ce marché. Une telle approche se justifie notamment, selon la Commission, en raison du fait que le marché en cause est un marché différencié de produits et que le pourcentage de [10 à 15] % « de parts de marché » tend à surestimer la pression concurrentielle sur CVK, dans la mesure où elle inclut la part de marché détenue par la requérante elle-même dans le secteur du béton coulé sur place. Cette précision faite, la Commission soutient que, durant les trois années précédant l’adoption de la décision attaquée, aucun fournisseur de béton n’a pu obtenir une part de marché supérieure à [2 à 5] %, alors que la part de marché de CVK est restée de [50 à 60] % sur le marché en cause. La Commission conteste ainsi l’argument de la requérante selon lequel l’importance du secteur du béton et le poids des opérateurs de ce secteur pourraient affecter l’activité de producteur de briques silico-calcaires de CVK et la position de celle‑ci sur le marché en cause.

181   Deuxièmement, la Commission rejette les allégations de la requérante selon lesquelles elle n’aurait pas correctement apprécié les obstacles à l’entrée sur le marché mis en exergue dans la décision attaquée.

182   Tout d’abord, la Commission rappelle que, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision attaquée a fait référence aux obstacles existant pour la production de tous les matériaux de construction pour murs porteurs, et non uniquement pour les produits silico-calcaires.

183   Ensuite, la Commission réfute l’affirmation de la requérante selon laquelle les coûts d’investissement et les délais pour entrer sur le marché ne constituent pas de véritables obstacles à l’entrée, aux fins de l’application du règlement nº 4064/89. Selon la Commission, ainsi que la décision attaquée l’a précisé, ces coûts et délais sont considérables. Dans sa duplique, la Commission rappelle que les entrées sur le marché ont été rares et limitées au secteur du béton, constatation qui n’a pas été contestée par la requérante. De plus, la Commission estime que le reproche de la requérante selon lequel elle n’aurait pas effectué une analyse des coûts éventuels encourus par d’autres entreprises produisant des matériaux de construction pour transférer une partie de leur production (brique, plâtre, bois) vers des produits concurrents, tels que le béton, aux produits silico-calcaires est infondé. En effet, la Commission soutient que cette analyse n’était pas pertinente, puisque, en raison de la structure et des caractéristiques du secteur de la construction aux Pays-Bas, les producteurs de matériaux de construction autres que le béton n’auraient pas simplement dû transférer leur production, mais bien partir de zéro pour produire des matériaux en concurrence avec les produits silico-calcaires.

184   Enfin, à la différence de la requérante, la Commission considère que l’existence de surcapacités sur un marché donné joue un rôle important afin de déterminer si une entrée sur ce marché peut être envisageable, c’est-à-dire si elle sera suffisamment rentable. Or, en l’espèce, selon la Commission, les surcapacités considérables sur le marché en cause, dues à CVK, rendent une telle entrée peu attractive.

185   Troisièmement, la Commission maintient que l’analyse effectuée dans la décision attaquée selon laquelle la position dominante de CVK n’est pas compensée par une puissance d’achat des distributeurs en gros de matériaux de construction est correcte.

186   Tout d’abord, d’une manière générale, la Commission considère que, dans le contexte du règlement nº 4064/89, la puissance d’achat doit être entendue comme étant la capacité de gros clients - en l’occurrence, les distributeurs en gros de matériaux de construction - de recourir, dans un délai raisonnable, à des alternatives crédibles si le fournisseur décide d’augmenter ses prix ou de détériorer les conditions de livraison. En l’espèce, la Commission souligne que, même si les distributeurs en gros de matériaux de construction peuvent être incités à ce que CVK offre des prix compétitifs par rapport à ceux pratiqués par les producteurs de béton, ces distributeurs ne disposent d’aucune alternative, puisqu’ils ne commercialisent pas le béton coulé sur place, qui représente [10 à 15] % du marché en cause, et ne possèdent donc pas la puissance d’achat nécessaire à l’égard de CVK.

187   Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les distributeurs pourraient importer des produits silico-calcaires en provenance d’Allemagne, la Commission rappelle que la requérante n’a pas contesté que ces importations étaient marginales et que, lors de l’audition, un distributeur avait indiqué que ces importations étaient entravées par Haniel ou par CVK.

188   Enfin, la Commission réitère son appréciation selon laquelle CVK est généralement informée de l’identité des utilisateurs et de la destination de ses produits, contrairement à ce que soutient, non sans quelques contradictions et imprécisions, la requérante. Dans ce contexte, la Commission souligne que les remises consenties par CVK aux distributeurs en gros pour l’approvisionnement de projets de construction ou d’entreprises de construction spécifiques montrent que CVK est en mesure d’exercer une influence sur la politique des prix des distributeurs à l’égard des entreprises clientes et, donc, sur leurs marges dans le cadre de projets déterminés, ce qui limite, voire exclut, leur capacité d’utiliser leur volume d’achat pour exercer une pression globale sur la politique des prix de CVK.

189   Quatrièmement, quant aux critiques de la requérante relatives à l’influence de la concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs, la Commission considère qu’elle a suffisamment démontré que, d’une part, CVK était en mesure de déterminer ou de prévoir si ses produits seraient utilisés pour des murs porteurs ou non porteurs et que, d’autre part et en tout état de cause, CVK établissait sa stratégie en matière de prix principalement au regard du marché en cause. S’agissant du rapport des professeurs von Wieszäcker et Elberfeld qui, aux dires de la requérante, démontrerait un effet de discipline exercé par la position de CVK sur le marché des matériaux de construction de murs non porteurs sur sa position sur le marché en cause, la Commission, tout en admettant ne pas avoir examiné expressément ce rapport dans la décision attaquée, présente trois observations. En premier lieu, elle souligne que le modèle d’évaluation des prix présenté dans ce rapport ne constitue pas une description appropriée du marché en cause, notamment en ce qu’il partirait du postulat que CVK devait appliquer les mêmes prix dans les marchés en cause et celui des matériaux de construction de murs non porteurs. En deuxième lieu, la Commission indique que le rapport examine la question, qu’elle juge non pertinente, de savoir dans quelles circonstances CVK fixerait ses prix à un niveau tellement élevé qu’elle ne réaliserait plus aucune vente sur le marché des matériaux de construction de murs non porteurs. En troisième lieu, la Commission souligne que, à supposer que les mêmes prix soient pratiqués sur les deux marchés, le rapport correspond pleinement aux conclusions de la décision attaquée selon lesquelles CVK établit ses prix principalement en fonction de sa position sur le marché en cause. C’est pourquoi, selon la Commission, il n’était pas nécessaire d’examiner expressément ce rapport dans la décision attaquée.

190   Cinquièmement, la Commission maintient son analyse effectuée dans la décision attaquée selon laquelle la position dominante de CVK est renforcée par les liens structurels existant entre celle-ci et la requérante.

191   Sixièmement, la Commission conteste aussi l’argument de la requérante pris de l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

–       Remarques préliminaires

192   Préalablement à l’examen de la position dominante de CVK, il convient de relever tout d’abord que la requérante ne conteste pas la délimitation du marché en cause retenu par la décision attaquée, à savoir le marché des matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas, délimitation qui se justifie en raison de la fonction portante des murs. Il y a lieu de préciser à cet égard que la décision attaquée a laissé ouverte la question de savoir si le béton coulé sur place − en raison notamment des coûts d’investissements élevés que son utilisation entraîne (voir considérant 77 de la décision attaquée), impliquant que ce matériau ne concurrence les briques silico-calcaires qu’à l’exception de certains projets de grande importance − devait entrer dans la définition du marché des produits en cause, dans la mesure où la Commission a estimé que cette question n’avait pas d’effet sur l’appréciation de l’opération de concentration (voir considérant 81 de la décision attaquée).

193   Il importe aussi de noter qu’il résulte de la décision attaquée − et sans que cette constatation ait été infirmée par la requérante − que les matériaux les plus utilisés sur le marché en cause sont, dans l’ordre décroissant, les suivants : la brique silico-calcaire ([50 à 60] % de l’ensemble des murs porteurs étant construits avec ce matériau), le béton coulé sur place ([10 à 15] %), les éléments préfabriqués en béton ([5 à 10] %), la brique ([2 à 5] %) et le béton cellulaire ([0 à 2] %).

194   Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’article 2 du règlement n° 4064/89, intitulé « Appréciation des opérations de concentration », dispose :

« 1. Les opérations de concentration visées par le présent règlement sont appréciées en fonction des dispositions qui suivent en vue d’établir si elles sont ou non compatibles avec le marché commun.

Dans cette appréciation, la Commission tient compte :

a)       de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun, au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises situées à l’intérieur ou à l’extérieur de la Communauté ;

b)       de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources d’approvisionnement ou aux débouchés, de l’existence en droit ou en fait de barrières à l’entrée, de l’évolution de l’offre et de la demande des produits et services concernés, des intérêts des consommateurs intermédiaires et finals ainsi que de l’évolution du progrès technique et économique pour autant que celle-ci soit à l’avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence.

2. Les opérations de concentration qui ne créent pas ou ne renforcent pas une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées compatibles avec le marché commun.

3. Les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun. »

195   La position dominante, visée à l’article 2 du règlement n° 4064/89, concerne une situation de puissance économique détenue par une ou plusieurs entreprises qui leur donnerait le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs (arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 200 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 38).

196   Il est de jurisprudence constante que les règles de fond posées par le règlement n° 4064/89, en particulier en son article 2, confèrent à la Commission un certain pouvoir d’appréciation, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique. En conséquence, le contrôle par le juge communautaire de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans l’application des règles en matière de concentration, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous‑tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations [arrêts de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission (Kali und Salz), C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, points 223 et 224, et du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, non encore publié au Recueil, point 38 ; arrêts du Tribunal Gencor/Commission, point 195 supra, points 164 et 165, et du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, Rec. p. II‑2585, point 64].

197   Il s’ensuit que le contrôle exercé par le juge communautaire sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère le règlement n° 4064/89 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt du Tribunal du 3 avril 2003, Petrolessence et SG2R/Commission, T‑342/00, Rec. p. II‑1161, point 101).

198   Enfin, doit également être relevé que, aux considérants 90 à 108 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur six facteurs pour constater la position dominante de CVK. Ces facteurs sont : premièrement, la structure du marché ; deuxièmement, l’absence de pression concurrentielle importante exercée sur CVK par les producteurs de béton coulé sur place, alors que CVK est l’unique producteur et fournisseur de briques silico-calcaires, traditionnellement utilisées aux Pays-Bas pour la construction de murs ; troisièmement, l’existence d’importants obstacles à l’entrée sur le marché ; quatrièmement, l’absence de puissance d’achat des clients de CVK ; cinquièmement, l’absence de limitation de la marge de manœuvre de CVK sur le marché en cause par les conditions de concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs et, sixièmement, l’existence d’un lien structurel entre CVK et la requérante leur permettant, tant au niveau de l’offre que de la distribution des matériaux de construction de murs porteurs, de bénéficier d’une marge de manœuvre sensiblement plus large que celle dont leurs concurrents bénéficient.

199   À cet égard, il est constant que la requérante ne conteste aucune des appréciations exposées aux considérants 90 à 95 de la décision attaquée relatives au premier facteur, concernant la structure du marché, c’est-à-dire aux parts de marché de CVK, des parties ayant procédé à la notification ainsi que de leurs concurrents.

200   Il y a lieu de préciser qu’il résulte des motifs susmentionnés de la décision attaquée que CVK détient plus de [50 à 60] % de parts de marché sur le marché en cause, pour autant que ce marché inclue le béton coulé sur place, alors que, dans cette même délimitation du marché, le deuxième opérateur est la requérante avec environ [2 à 5] % de parts de marché, le concurrent principal des parties ayant procédé à la notification ne détenant qu’une part de marché d’environ [2 à 5] % et les autres concurrents ne possédant que des parts de marché inférieures à [0 à 2] %. Il ressort des données exposées au considérant 91 de la décision attaquée que cette situation est celle qui est la plus favorable aux parties ayant procédé à la notification, puisque, à supposer que le béton coulé sur place soit totalement exclu du marché en cause, la part de marché de CVK atteindrait plus de [60 à 70] %, alors que les parts de marché de tous ses concurrents culmineraient, au maximum, à [0 à 2] %. Il est également constant que la configuration du marché en cause n’a pas substantiellement changé aux cours des dernières années.

201   Or, l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative et le rapport entre les parts de marché détenues par la ou par les entreprises parties à la concentration et par leurs concurrents, en particulier ceux qui les suivent immédiatement, constitue un indice valable de l’existence d’une position dominante. En effet, ce facteur permet d’évaluer la capacité concurrentielle des concurrents de l’entreprise en cause (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, point 195 supra, points 39, 40 et 48, et arrêt Gencor/Commission, point 195 supra, points 201 et 202). En outre, une part de marché particulièrement élevée peut en elle-même constituer la preuve de l’existence d’une position dominante, surtout lorsque les autres opérateurs sur le marché ne détiennent que des parts beaucoup moins importantes (arrêt du Tribunal du 28 avril 1999, Endemol/Commission, T‑221/95, Rec. p. II‑1299, point 134).

202   Pour l’ensemble de ces raisons, la détention par CVK d’une part de marché au moins quatorze fois supérieure à celle de son concurrent le plus important, ce que la requérante ne conteste pas, constitue un indice fort que CVK occupe une position dominante sur le marché en cause.

203   Il convient d’examiner si la requérante a néanmoins pu démontrer que la Commission avait effectué une appréciation manifestement erronée des cinq autres facteurs analysés dans la décision attaquée, susceptible d’entraîner l’annulation de celle-ci.

–       Sur le facteur pris de l’absence de pression concurrentielle importante exercée sur CVK par les producteurs de béton coulé sur place

204   Il convient de rappeler que, aux considérants 96 à 98 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que ni le béton coulé sur place ni les producteurs de ce matériau ne pouvaient exercer de pression concurrentielle importante sur CVK, laquelle est l’unique producteur de briques silico-calcaires aux Pays-Bas, matériau traditionnel pour la construction de murs et utilisé massivement pour la construction de murs porteurs. Cette appréciation se fonde notamment sur les parts de marché des concurrents de CVK et sur la nature différenciée des produits du marché en cause, permettant à une entreprise telle que CVK de renforcer son influence au-delà de sa part de marché apparente, en raison de ce qu’elle est la seule à offrir un produit particulièrement apprécié des consommateurs ou pour certaines applications.

205   En substance, sans contester la pertinence du facteur retenu par la Commission, la requérante soutient, d’une part, que la constatation, exposée au considérant 97 de la décision attaquée, selon laquelle CVK est le seul producteur de briques silico‑calcaires méconnaît le fait que des produits silico-calcaires sont importés à partir de l’Allemagne, et qu’il n’existe pas de marché de briques silico-calcaires. D’autre part, la requérante réfute la conclusion de la Commission, formulée au considérant 97 de la décision attaquée, selon laquelle le secteur du béton n’exercerait pas de pression concurrentielle sur CVK. La Commission aurait, selon la requérante, dû examiner l’évolution des parts de marché et prendre notamment en compte les capacités financières et économiques des opérateurs de ce secteur. Par ailleurs, la requérante considère qu’il ne faut pas uniquement prendre en compte la part de marché ([2 à 5] %) du concurrent le plus important qui produit du béton coulé sur place.

206   Ces allégations doivent être écartées.

207   En premier lieu, s’agissant de la prétendue méconnaissance de la part de la Commission du fait que des produits silico-calcaires sont importés aux Pays-Bas à partir de l’Allemagne, il convient de constater que, au considérant 84 de la décision attaquée, la Commission a, dans le cadre de la délimitation du marché géographique, précisé ce qui suit :

« Il est manifeste que des matériaux de construction de murs sont importés […] d’Allemagne aux Pays-Bas dans les zones frontalières, mais ces importations restent marginales, de sorte qu’elles ne justifient pas que des parties d[u] territoire […] allemand soient intégrées au marché géographique en cause. L’étude du marché a révélé l’existence d’obstacles à l’entrée sur le marché, dus notamment aux différences dans les législations relatives à la construction et à la sécurité du travail […] en Allemagne par exemple, les épaisseurs de murs comparables sont, conformément aux normes de construction, plus importantes et, étant donné la plus grande quantité de matériaux qui doivent être employés, les murs ont par conséquent un coût de revient plus élevé qu’aux Pays-Bas […] »

208   Or, il convient également de rappeler que la requérante ne conteste ni la définition du marché pertinent ni la constatation selon laquelle CVK est l’unique producteur de briques silico-calcaires aux Pays-Bas. Par ailleurs, la requérante se borne à indiquer que les grossistes en matériaux de construction écoulent des produits silico-calcaires sur le marché néerlandais, sans apporter aucune précision quant au volume et à la valeur de ces importations, la requérante s’étant limitée, dans sa réponse à la communication des griefs à laquelle elle a renvoyé dans ses écritures, à exposer que l’éventail des produits silico-calcaires offert par l’un de ces grossistes ou importateurs et celui offert par CVK étaient très similaires.

209   En second lieu, la requérante procède à une lecture erronée de la décision attaquée lorsqu’elle considère que cette dernière a constaté l’absence de pression concurrentielle du secteur du béton. En effet, il y a lieu de relever que le considérant 97 de la décision attaquée indique, plus précisément, qu’il n’existe pas de pression concurrentielle importante du secteur du béton coulé sur place et de ses producteurs et non du secteur du béton. Par conséquent, dans les motifs pertinents de la décision attaquée, la Commission n’a pas nié l’existence d’une pression concurrentielle du béton coulé sur place, mais l’a jugée insuffisante au regard de la position de CVK. À cet égard, il importe de relever que l’analyse de la Commission, centrée sur le béton coulé sur place, se justifie par le fait que, à tout le moins, les deux concurrents immédiats de CVK sur le marché en cause ne produisent que du béton coulé sur place, circonstance qui devait permettre à la Commission d’examiner si la position de CVK, telle que reflétée par ses parts de marché, pouvait être contrebalancée par la présence de concurrents offrant sur le marché en cause ce type de matériau.

210   C’est également à juste titre que la Commission n’a pas uniquement retenu la part que représente le secteur du béton coulé sur place en général ([10 à 15] %) dans la construction de murs porteurs aux Pays-Bas, mais a également pris en considération la part de marché du premier concurrent de CVK ([2 à 5] %). En effet, la première donnée ([10 à 15] %) incluant également la part de marché de la requérante, laquelle, en raison du contrôle − constaté ci-dessus − qu’elle exerce sur CVK ne saurait être considérée comme une entreprise concurrente de cette dernière, il y avait lieu de pondérer ce pourcentage en prenant également en considération la part de marché du concurrent immédiat de CVK, afin de ne pas surestimer l’éventuelle pression concurrentielle exercée sur CVK.

211   Par ailleurs, quant à l’allégation selon laquelle la Commission devait prendre en compte l’évolution des parts de marché du secteur du béton, pour autant que cet argument se rapporte au béton coulé sur place, il suffisait à la Commission, ainsi qu’elle l’a indiqué au considérant 97 de la décision attaquée, qu’elle précise que la part du béton coulé sur place semblait être demeurée stable, selon les données fournies par une association professionnelle néerlandaise, ou semblait même avoir légèrement diminué selon certains opérateurs, sans que cela puisse conduire à conclure que la pression concurrentielle de ce segment du marché sur CVK était importante. De plus, s’agissant des parts des entreprises sur le marché, il est constant que, de l’année 2000 jusqu’à l’adoption de la décision attaquée, la position de CVK ainsi que celle de ses concurrents, rappelées ci-dessus, étaient elles aussi demeurées pratiquement inchangées, ainsi que le souligne le considérant 95 de la décision attaquée. Or, cette appréciation se réfère nécessairement au segment du béton coulé sur place, segment dans lequel, ainsi qu’il ressort du tableau figurant au considérant 91 de la décision attaquée, les deux concurrents les plus importants de CVK étaient actifs, mais détenaient, pour l’un, une part de marché inférieure à [2 à 5] % et, pour l’autre, une part de marché inférieure à [0 à 2] %.

212   À cet égard, il y a lieu de souligner que, d’une manière générale, la présence de concurrents ne peut constituer un facteur de nature, le cas échéant, à tempérer, voire à éliminer, la position dominante de l’entité en cause que dans l’hypothèse où ces concurrents détiendraient une position forte de nature à exercer un contrepoids réel (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, Rec. p. II‑1279, point 329). Or, la requérante n’a pas fourni d’éléments probants permettant d’infirmer l’appréciation qui ressort du considérant 97 de la décision attaquée selon laquelle les producteurs de béton coulé sur place − au demeurant concurrents immédiats de CVK sur le marché en cause − n’exercent pas un tel contrepoids.

213   Enfin, il convient de constater que l’absence de pression concurrentielle importante de la part du secteur du béton coulé sur place peut aussi, en partie, se déduire du caractère différencié des produits du marché en cause, ainsi que l’a mis en exergue la Commission au considérant 98 de la décision attaquée. En effet, le caractère différencié des produits signifie que chaque produit n’est pas un substitut parfait de l’autre et que, par conséquent, l’augmentation du prix de l’un n’a pas nécessairement pour effet que l’entreprise procédant à cette augmentation perde des parts de marché au profit de ses concurrents qui produisent l’autre produit, comme cela serait le cas pour des produits parfaitement substituables. Le fait que le béton coulé sur place ne soit pas parfaitement substituable aux briques silico-calcaires, notamment en raison des coûts élevés que l’utilisation du premier matériau entraîne, tel que cela est exposé aux considérants 58 et 77 de la décision attaquée, et sans que cela soit contesté par la requérante, permet donc aussi de relativiser la pression concurrentielle qu’exerceraient ce matériau et ses producteurs sur CVK.

214   Au surplus, à supposer même que l’appréciation de la Commission ait porté sur le secteur du béton en général, la requérante est toutefois restée dans l’incapacité de démontrer, à l’aide d’indices précis et concordants, que les producteurs sur ce segment du marché en cause étaient en mesure d’exercer un contrepoids réel à la position de CVK.

215   Il s’ensuit que l’appréciation par la Commission du deuxième facteur retenu dans la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur manifeste.

–       Sur le facteur pris de l’existence d’importants obstacles à l’entrée sur le marché

216   Aux considérants 99 à 101 de la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :

« (99) Malgré les observations présentées par les parties et CVK sur la communication des griefs et les explications données lors de l’audition, la Commission estime qu’il existe d’importants obstacles à l’entrée sur le marché. CVK contrôle toutes les usines de production de briques silico-calcaires aux Pays‑Bas et, partant, la production du matériau de construction de murs de loin le plus important sur le marché de produits en cause. L’étude du marché réalisée par la Commission a montré que les producteurs d’autres matériaux de construction de murs ne pouvaient s’engager dans la production de produits silico-calcaires qu’après un long délai et au prix de lourds investissements. C’est également le cas pour d’autres matériaux de construction de murs, comme le béton cellulaire. Les processus de production et, partant, les sites de production, sont différents pour chaque matériau de construction de murs.

(100) Haniel a évalué les coûts d’investissement pour une usine de production de briques silico-calcaires à quelque( [confidentiel] euros seulement. Le coût de construction d’une nouvelle usine de béton prêt à l’emploi s’élève à [confidentiel] euros selon Haniel ; Cementbouw a cependant estimé, quant à elle, que ces coûts d’investissement étaient sensiblement plus élevés. En outre, les concurrents contactés dans le cadre de l’étude du marché estiment, en général, ne pouvoir que très difficilement accroître leurs capacités de production existantes ou même lancer la production d’un autre matériau de construction de murs. Une entreprise interrogée a précisé que la création d’une nouvelle usine de production de briques silico-calcaires nécessite un investissement de [confidentiel]  [à] [confidentiel]  euros, que l’autorisation administrative nécessaire est difficile à obtenir et que la simple construction de l’installation dure deux ans. Contrairement à l’opinion exprimée par les parties selon laquelle les obstacles à l’entrée sur le marché décrits seraient insignifiants, la Commission estime, dans ces circonstances, que les possibles entrées sur le marché n’exerçaient pas une pression concurrentielle suffisante pour limiter la marge de manœuvre de CVK sur le marché en cause. Dans les derniers temps, quelques rares entrées sur le marché, entièrement limitées au secteur du béton, ont été constatées.

(101) En ce qui concerne les briques silico-calcaires, d’importantes surcapacités subsistent et rendent une entrée sur le marché moins attrayante et ce, même après la fermeture de trois des onze usines de production de briques silico-calcaires initiales par CVK. Les sites de production restants de CVK sont en outre également répartis sur le territoire des Pays-Bas, de sorte que CVK peut approvisionner n’importe quel client au départ d’une usine proche. L’étude du marché effectuée par la Commission montre que ce facteur renforce également la position de CVK. »

217   Or, la requérante reproche à la Commission d’avoir essentiellement limité l’analyse précitée aux coûts d’investissement et aux longs délais pour la construction et le fonctionnement d’usines de production de briques silico‑calcaires, alors qu’elle aurait dû examiner l’ensemble des coûts et des autres obstacles potentiels en ce qui concerne l’ensemble des produits concurrents à la brique silico-calcaire. La requérante conteste aussi les allégations selon lesquelles les délais et les coûts exposés dans la décision attaquée constituent de véritables obstacles à l’entrée sur le marché, en particulier si les marchés de capitaux fonctionnent efficacement. Elle fait également grief à la Commission de ne pas avoir examiné les coûts que d’autres producteurs de matériaux de construction devraient encourir s’ils devaient remplacer une partie de leur production par des matériaux concurrençant les briques silico-calcaires, alors même que la requérante aurait indiqué, en réponse à la communication des griefs, que le béton pouvait être produit pour diverses applications, y compris la construction de murs. Enfin, la requérante conteste que les surcapacités existant dans le segment des briques silico-calcaires puissent constituer de véritables obstacles à l’entrée sur le marché en cause.

218   Tout d’abord, le grief de la requérante selon lequel la Commission aurait exclusivement examiné les délais et coûts nécessaires pour s’engager dans le segment des briques silico-calcaires doit être rejeté. En effet, l’analyse précitée de la Commission porte également sur les autres matériaux de construction de murs, tel que le béton coulé sur place, ainsi que cela résulte notamment du considérant 100 de la décision attaquée. Il ressort aussi du considérant 99 de la décision attaquée que la Commission a précisé que les longs délais et les lourds coûts d’investissement ne se limitaient pas à l’entrée sur le segment de la production de briques silico-calcaires, mais s’appliquaient également à l’entrée dans la production d’autres matériaux de construction du marché en cause, tel que le béton cellulaire. Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas limité son appréciation des obstacles à l’entrée sur le marché en cause au segment des briques silico-calcaires.

219   Ensuite, quant à la question relative à la nature d’« obstacles à l’entrée sur le marché » des coûts d’investissement et des longs délais cités dans la décision attaquée, le Tribunal considère, premièrement et de manière générale, que constituent de tels obstacles des éléments de nature diverse, en particulier d’ordre économique, commercial ou financier, qui sont susceptibles de faire supporter au concurrent potentiel des entreprises en place des risques et des coûts suffisamment élevés pour le dissuader d’entrer sur le marché dans un délai raisonnable ou pour rendre cette entrée particulièrement difficile, le privant de la capacité d’exercer une contrainte concurrentielle sur le comportement des entreprises en place.

220   Deuxièmement, s’il ne saurait être exclu, en principe, que, dans des secteurs à forte intensité capitalistique, les ressources financières nécessaires aux investissements puissent être acquises sur les marchés de capitaux, force est toutefois de constater que, en l’espèce, la requérante n’a pas réussi à démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant l’existence d’importantes barrières à l’entrée sur le marché en cause, au vu de l’ensemble des éléments retenus à l’appui de la décision attaquée.

221   S’agissant de l’entrée sur le segment des briques silico-calcaires, il y a lieu de relever que la Commission s’est fondée sur un ensemble d’éléments de nature réglementaire et économique, tenant à la nécessité d’obtenir une autorisation administrative, à la durée de deux ans nécessaire à la construction d’une installation de production et à l’importance des coûts d’investissements, tout en tenant compte du fait qu’il existait d’importantes surcapacités, même après la fermeture de trois des onze entreprises productrices membres de CVK (Boudewijn, Bergumermeer et Vogelenzang), rendant l’entrée sur le marché moins attrayante, CVK pouvant approvisionner n’importe quel client aux Pays‑Bas au départ des huit autres entreprises restantes.

222   Ces éléments, cumulés à la circonstance, non infirmée par la requérante, que les entreprises actives sur les autres segments du marché ne pouvaient que très difficilement se lancer dans la production d’un autre matériau de construction de murs, suffisent à exclure toute erreur manifeste de la Commission quant à la probabilité d’une entrée d’un concurrent potentiel de CVK sur ce segment. Au demeurant, en ce qui concerne les coûts d’investissements nécessaires pour la construction d’une usine complète, la requérante a, en réponse aux questions écrites du Tribunal, avancé le chiffre de [confidentiel] millions d’euros, une estimation se situant très précisément dans la fourchette indiquée au considérant 100 de la décision attaquée, sans qu’elle ait expliqué les raisons pour lesquelles l’investissement d’un montant inférieur, également exposé dans sa réponse, serait suffisant pour permettre l’entrée sur le marché en cause.

223   Quant aux autres segments du marché en cause, il y a lieu de constater, d’une part, que la requérante n’a pas critiqué l’appréciation, exposée au considérant 100 de la décision attaquée, selon laquelle seules quelques rares entrées sur le marché de référence, uniquement limitées au secteur du béton, avaient été constatées. Il ressort à cet égard des réponses de la Commission aux questions posées par le Tribunal, non contestées par la requérante, que ces nouveaux entrants, actifs dans le segment de la production du béton coulé sur place, n’ont pu acquérir, au maximum, que [0 à 2] % de parts de marché, alors même que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’opération de concentration avait été réalisée depuis plus de deux ans. D’autre part, et alors même qu’il ressort des éléments du dossier que la requérante a effectivement défendu la position selon laquelle les coûts d’investissement pour la construction d’une nouvelle usine de béton coulé sur place, de l’ordre de [confidentiel] millions d’euros, étaient sensiblement plus élevés que le chiffre avancé par Haniel ([confidentiel] millions d’euros) et repris par la décision attaquée, la requérante n’a pas contesté que même les concurrents actuels de CVK faisaient face à de très grandes difficultés pour accroître leur capacités de production, notamment en raison de surcapacités existantes, ou se lancer dans la production d’un autre matériau de construction de murs, circonstances qui ont été davantage précisées par la Commission dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal. L’ensemble de ces éléments permet de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il existait également d’importantes barrières à l’entrée sur les autres segments du marché en cause empêchant ainsi toute concurrence efficace à l’égard de CVK sur ce marché.

224   Au demeurant, il convient de relever que, de manière générale, si la requérante a refusé de qualifier d’obstacles à l’entrée sur le marché l’existence de surcapacités sur ce marché, elle a néanmoins admis à l’audience, en réponse à une question du Tribunal, que de telles capacités excédentaires possédaient « des effets comme une entrave à l’arrivée sur le marché ».

225   Troisièmement, est inopérante l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas examiné la capacité des producteurs de brique, de plâtre et de bois, utilisés pour d’autres applications que la construction de murs, d’entrer sur le marché de la construction de murs porteurs. En effet, compte tenu de la structure du marché des produits, il est constant que la brique n’est utilisée que de manière tout à fait secondaire dans la construction de murs porteurs (voir les considérants 61 et 66 de la décision attaquée), alors que ni le plâtre ni le bois ne sont des matériaux utilisés pour la construction de murs porteurs (voir les considérants 53 et 60 de la décision attaquée). Il s’ensuit que l’examen de la capacité des producteurs de briques, de plâtre et de bois d’utiliser ces matériaux pour la construction de murs porteurs n’aurait manifestement pas pu modifier l’appréciation, effectuée dans la décision attaquée, ayant conclu à l’existence d’importants obstacles à l’entrée sur le marché en cause.

226   Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu de rejeter les critiques formulées par la requérante à l’encontre de l’appréciation de la Commission relative au troisième facteur pris de l’existence d’importants obstacles à l’entrée sur le marché.

–       Sur le facteur pris de l’absence de puissance d’achat des clients de CVK

227   Aux termes des considérants 102 et 103 de la décision attaquée :

« (102) Malgré les observations présentées par les parties et CVK sur la communication des griefs, ainsi que les explications données lors de l’audition, la Commission estime que les clients de CVK ne disposent pas d’une puissance d’achat. Aucun client ne représente une partie substantielle du chiffre d’affaires de CVK. Les cinq principaux distributeurs de matériaux de construction représentent bien quelque [60 à 80] % des ventes de CVK et l’acheteur le plus important [20 à 30] %. Toutefois, même une telle part des ventes totales ne confère pas de puissance d’achat aux acheteurs les plus importants, car il existe suffisamment d’autres distributeurs de matériaux de construction. Certains d’entre eux sont en outre des groupements d’achats (« inkoopcombinaties » en néerlandais). Ce qui joue un rôle déterminant c’est que les distributeurs de matériaux de construction dépendent des produits de CVK. La brique silico-calcaire constitue en effet le plus important matériau de construction de murs aux Pays-Bas. Vient ensuite le béton. Il ne constitue cependant pas une alternative pour les distributeurs de matériaux de construction, car ni le béton coulé sur place ni les éléments préfabriqués en béton ne sont distribués, dans une mesure appréciable, par leur intermédiaire. Aucun autre matériau de construction ne peut donc remplacer la brique silico-calcaire pour les distributeurs de matériaux de construction. C’est ce qu’a également confirmé Raab Karcher lors de l’audition. Comme Haniel l’a expliqué, il se peut que les distributeurs de matériaux de construction perdent des projets au profit du béton si les prix qu’ils offrent pour les briques silico-calcaires ne sont pas intéressants. Toutefois, cela signifie simplement que le distributeur, avec son offre de briques silico-calcaires, et donc CVK indirectement, est en concurrence avec les fournisseurs de béton, mais pas que le distributeur est en mesure d’exercer de son côté sa puissance d’achat sur CVK.

(103) De plus, CVK exerce une influence importante en matière de fixation des prix envers les entrepreneurs. Il est vrai que les distributeurs de matériaux de construction supportent les risques financiers de la distribution. Ce ne sont cependant pas eux qui choisissent les matériaux de construction, mais les entrepreneurs. Comme la Commission l’a déjà expliqué en détail, CVK est généralement bien informée sur l’identité des utilisateurs et la destination de ses produits. Les livraisons sont effectuées directement par l’usine de production de briques silico-calcaires la plus proche d’un projet de construction donné. Selon les informations communiquées par CVK, des remises qui peuvent être liées à la livraison à certains entrepreneurs ou à certains projets de construction sont accordées aux distributeurs de matériaux de construction. Toutefois, les entrepreneurs sont très dispersés et ne sont pas en mesure de disposer eux-mêmes d’une puissance d’achat. La part dans la demande des grands groupes d’entreprises néerlandais du secteur de la construction tels que Bam Groep, Koninklijke Volker Wessels Stevin, Heijmans, Ballast Nedam et HBG est en soi trop petite pour que ces groupes puissent exercer une puissance d’achat susceptible de compenser la position dominante de CVK du côté de l’offre. »

228   La requérante soutient que les données chiffrées avancées par la Commission démontrent que les distributeurs exercent une puissance d’achat sur CVK, d’autant plus qu’ils appartiennent à des groupes internationaux ou sont constitués en coopératives d’achat. Selon la requérante, les distributeurs peuvent donc se tourner vers des produits concurrents de la brique silico-calcaire, à l’exception du béton coulé sur place. Le fait que les distributeurs ne distribuent pas du béton coulé sur place les inciterait encore davantage à obtenir des prix et conditions avantageux de la part de CVK pour concurrencer les producteurs de béton. La requérante réitère ses allégations selon lesquelles les distributeurs se fournissent également en matériaux silico-calcaires à partir de l’Allemagne. Enfin, elle conteste les appréciations de la Commission selon lesquelles CVK serait bien informée des utilisateurs et de la destination de ses produits et rejette également l’importance et la fréquence des remises accordées aux distributeurs, circonstance qui, en tout état de cause, n’altère pas l’existence d’une puissance d’achat de ces derniers à l’égard de CVK.

229   Ces prétentions ne peuvent être accueillies.

230   Il importe tout d’abord de remarquer que, ainsi que l’a fait valoir la Commission dans ses écritures et sans que cela soit contesté par la requérante, la puissance d’achat des clients d’un fournisseur est susceptible de compenser le pouvoir de marché de ce dernier si ces clients ont la capacité de recourir, dans un délai raisonnable, à des sources alternatives crédibles d’approvisionnement si le fournisseur décide d’augmenter ses prix ou de détériorer les conditions de livraison.

231   En l’espèce, afin d’écarter l’existence de puissance d’achat des distributeurs de matériaux de construction compensant la puissance de CVK telle qu’elle résulte notamment de ses parts de marché et de la structure de l’offre examinées plus haut, la Commission s’est fondée, d’une part, sur la dispersion de ces opérateurs sur le marché, c’est-à-dire sur la structure peu concentrée du marché de la distribution des matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas et, d’autre part, sur l’absence d’alternative crédible d’approvisionnement pour ces opérateurs sur le marché, c’est-à-dire, en définitive, sur la dépendance de ces opérateurs envers CVK.

232   Il y a lieu de relever que ces deux conditions, sans être nécessairement exhaustives pour accréditer ou infirmer l’existence d’une puissance d’achat de clients de nature à contrecarrer la puissance économique d’un fournisseur, sont très pertinentes. En effet, d’une part, le critère du degré de concentration du marché des acheteurs signifie que leur nombre limité peut être de nature à leur permettre de renforcer leur pouvoir de négociation à l’égard du fournisseur. D’autre part, le critère de la présence d’alternatives crédibles d’approvisionnement permet de déterminer s’il existe une forte probabilité que le fournisseur soit contraint de limiter toute hausse de prix, voire de s’en abstenir.

233   En l’espèce, s’agissant de la dispersion des distributeurs, et bien qu’il soit constant que les cinq principaux distributeurs de matériaux de construction aux Pays-Bas représentent près de [60 à 80] % des ventes de CVK, dont [20 à 30] % pour le plus important d’entre eux, le Tribunal considère que, contrairement à ce que soutient la requérante, ces données ne peuvent, en elles-mêmes, accréditer l’existence d’une puissance d’achat des distributeurs sur CVK. En effet, d’une part, il est tout aussi constant qu’aucun client ne représente une partie substantielle du chiffre d’affaires de CVK. D’autre part, la requérante ne conteste pas qu’il existe d’autres distributeurs, organisés en groupements d’achat, qui, partant, sont capables de s’approvisionner dans des volumes importants, vers lesquels CVK pourrait, le cas échéant, réorienter sa production, pas plus qu’elle n’a infirmé le fait selon lequel CVK approvisionne directement certaines entreprises de construction (les clients finals), ce qui augmente naturellement le nombre des entreprises vers lesquelles son offre de briques silico-calcaires peut être dirigée.

234   En outre, il convient de remarquer que, selon les indications de CVK qui ont été annexées à la duplique, la requérante elle-même figure parmi les cinq principaux distributeurs mentionnés dans la décision attaquée. Or, en raison du contrôle que la requérante exerce sur CVK, il est, à tout le moins, fort peu probable que la requérante participe à la mise en œuvre d’une éventuelle puissance d’achat des clients de CVK susceptible de contrebalancer la puissance économique de cette dernière.

235   Quant à l’absence de source alternative crédible d’approvisionnement, la requérante admet que les distributeurs de matériaux de construction ne distribuent pas, dans une mesure appréciable, le béton coulé sur place et n’a pas pris position sur l’indication selon laquelle ils ne distribuaient pas d’éléments préfabriqués en béton. Dans ces circonstances, s’agissant du béton coulé sur place, bien que les fournisseurs de ce matériau soient les principaux concurrents de CVK sur le marché en cause, ils ne peuvent constituer une alternative crédible pour les distributeurs. Il en va de même pour l’approvisionnement auprès des producteurs d’éléments préfabriqués en béton, matériau qui est utilisé à hauteur de [5 à 10] % de l’ensemble des murs porteurs aux Pays-Bas.

236   Cette appréciation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel les distributeurs auraient la possibilité de s’approvisionner en produits silico‑calcaires à partir de l’Allemagne. En effet, il suffit de constater qu’il est constant que les importations de matériaux silico-calcaires en provenance de cet État sont marginales et que la requérante n’avance aucune donnée concrète permettant d’étayer son allégation.

237   De surcroît, il convient de relever que l’un des principaux distributeurs de matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas, Raab Karcher, a confirmé, lors de l’audition devant la Commission le 16 mai 2002, que CVK n’était soumise à aucune puissance d’achat, sans que cette affirmation ait été démentie par la requérante, Raab Karcher ayant précisé que la recherche d’alternatives, mêmes minimes, qu’il avait pu entreprendre échouait, compte tenu de l’importance que représentaient les briques silico-calcaires sur le marché en cause.

238   Ensuite, pour ce qui concerne l’appréciation de la Commission selon laquelle CVK serait généralement bien informée de l’identité des utilisateurs et de la destination de ses produits, lui permettant d’exercer une influence importante en matière de fixation des prix envers les entrepreneurs (clients finals), cette possibilité n’a aucune influence sur l’éventuelle puissance d’achat que détiendraient les distributeurs sur CVK. Or, dans la mesure où c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu conclure qu’une telle puissance d’achat de la part des distributeurs n’existait pas, il suffit de constater que l’argument de la requérante est inopérant, sans d’ailleurs qu’ait été invoquée une éventuelle puissance d’achat sur CVK de la part des entrepreneurs eux-mêmes.

239   Il s’ensuit que les griefs de la requérante soulevés à l’encontre du quatrième facteur retenu dans la décision attaquée, pris de l’absence d’une puissance d’achat des clients de CVK, doivent être rejetés.

–       Sur le facteur pris de l’absence d’une limitation de la marge de manœuvre de CVK sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs par les conditions de concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs

240   Au considérant 104 de la décision attaquée, la Commission a exposé :

« (104) La marge de manoeuvre de CVK sur le marché [en cause] n’est pas davantage limitée par les conditions de concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs sur lequel la position de CVK est plus faible. La constatation de la Commission, dans la communication des griefs, selon laquelle CVK est en mesure de tenir compte, aux fins de la fixation des prix, du fait que ses produits sont utilisés pour des murs porteurs ou des murs non porteurs et fixe ses prix en fonction, en premier lieu, des conditions de concurrence sur le marché plus important pour CVK des murs porteurs, n’a pas été contestée par les parties et par CVK. À cet égard, la Commission renvoie aux explications données aux considérants 75 et 76 ».

241   Aux termes desdits considérants :

« (75) Lorsqu’elle fixe le prix de ses produits destinés aux murs porteurs, CVK − en tant qu’unique producteur de briques silico-calcaires des Pays-Bas − n’est pas limitée par les prix qui sont exigés sur le marché des matériaux pour murs non porteurs. L’étude du marché réalisée par la Commission montre que CVK connaît souvent l’utilisation concrète qui est faite de ses produits. D’une part, CVK connaît dans de nombreux cas la destination de ses produits, car elle est elle-même souvent responsable de la livraison de ses produits sur un chantier donné. En outre, dans le cas de la livraison des éléments qui représentent la moitié de son chiffre d’affaires, elle a accès aux plans des architectes. Haniel a également indiqué que l’épaisseur d’une grande partie des produits silico-calcaires permet de savoir s’ils seront utilisés pour des murs porteurs ou non porteurs. C’est ce qu’a également confirmé Raab Karcher lors de l’audition. La Commission estime par conséquent, malgré les observations présentées par les parties et CVK sur la communication des griefs, ainsi que les explications données sur ce point lors de l’audition, que CVK est en mesure de différencier ses prix en fonction de la situation concurrentielle considérée. À cet égard, elle peut établir une distinction implicite entre les grands projets et les petits projets en accordant des rabais de quantité et en appliquant des prix de transport uniques. CVK a d’ailleurs indiqué qu’elle accordait aux distributeurs de matériaux de construction des rabais liés au projet et à l’entrepreneur.

(76) Si tant est que CVK ne soit pas en mesure de pratiquer des prix différents pour les produits silico-calcaires destinés aux murs porteurs et les produits destinés aux murs non porteurs, CVK doit vraisemblablement aligner sa stratégie en matière de prix, en premier lieu, sur les exigences du marché [en cause], car elle vend [60 à 80] % de ses produits sur ce marché. »

242   La requérante allègue, d’une part, que CVK serait dans l’obligation de tenir compte de sa situation concurrentielle sur le marché des matériaux de construction des murs non porteurs, indépendamment du fait que CVK écoule [60 à 80] % de ses briques silico-calcaires sur le marché en cause. D’autre part, elle soutient qu’il existerait un « effet de contrainte » exercé par le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs sur le marché en cause, lequel ressortirait du rapport des professeurs von Wieszäcker et Elberfeld, qui a été communiqué à la Commission, mais auquel la décision attaquée ne se réfère pas.

243   Quant au premier argument, il importe de relever que, indépendamment de la question de savoir si CVK connaît ou non la destination de ses produits, et à supposer même que, comme le soutient la requérante, CVK ignore la destination de ses produits, cela ne signifie pas pour autant que CVK serait limitée, pour la fixation de ses prix sur le marché en cause, par sa situation concurrentielle sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs, puisqu’il est constant que CVK écoule [60 à 80] % de sa production de briques silico-calcaires sur le premier marché. Partant, il n’est pas manifestement erroné de constater, comme l’a fait la Commission au considérant 104 de la décision attaquée, en référence au considérant 76 de ladite décision, que CVK « fixe ses prix en fonction, en premier lieu, des conditions de concurrence sur le marché plus important pour CVK des murs porteurs ».

244   Quant à l’allégation de la requérante tirée de l’existence d’un « effet de contrainte » exercé par le marché des matériaux de construction de murs non porteurs aux Pays-Bas sur le marché en cause, tel que cela aurait été constaté par l’étude des professeurs von Wieszäcker et Elberfeld, il y a lieu de constater que cette étude n’a effectivement pas été citée dans la décision attaquée. Néanmoins, cette circonstance n’est pas de nature à altérer l’appréciation précitée figurant aux considérants 76 et 104 de la décision attaquée. En effet, il convient de remarquer que les analyses de cette étude correspondent à l’appréciation exposée dans la décision attaquée selon laquelle CVK fixe principalement ses prix en fonction du marché en cause. En particulier, il résulte de cette étude que, si la prise en compte des conditions de la demande sur le « segment marginal », à savoir sur le marché des matériaux de construction des murs non porteurs, conduit à un niveau des prix sur le « segment principal », à savoir sur le marché en cause, inférieur au prix qui résulterait de la prise en compte exclusive de ce dernier segment, il n’en demeure pas moins que CVK, même dans ces circonstances, fixe principalement ses prix en fonction de sa position sur le segment principal, à savoir sur le marché en cause.

245   Il convient d’ajouter que, dans sa réplique, la requérante, se bornant à des considérations générales déjà présentées dans sa requête, n’a pas sérieusement contesté les raisons, exposées par la Commission dans ses écritures et résumées au point 189 ci-dessus, pour lesquelles cette dernière avait justifié l’absence de référence à l’étude des professeurs von Wieszäcker et Elberfeld dans les motifs de la décision attaquée.

246   Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que l’analyse du cinquième facteur, pris de l’absence d’une limitation de la marge de manœuvre de CVK sur le marché en cause par les conditions de concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs, était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le facteur pris de l’existence d’un lien structurel entre CVK et la requérante leur permettant, tant au niveau de l’offre que de la distribution des matériaux de construction de murs porteurs, de bénéficier d’une marge de manœuvre sensiblement plus large que leurs concurrents

247   Il importe de rappeler que, au considérant 105 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la position dominante de CVK était caractérisée par le lien structurel avec la requérante, entreprise fondatrice qui la contrôle. En premier lieu, s’agissant du marché en cause, la décision attaquée a relevé, au considérant 106, que, compte tenu du fait que la requérante fournissait du béton coulé sur place et des éléments préfabriqués en béton, elle pouvait offrir avec CVK, selon la définition du marché retenue, deux ou trois des principaux matériaux de construction de murs porteurs. La Commission a estimé que cette situation était de nature à procurer à ces entreprises une marge de manœuvre plus étendue qu’aucun de leurs concurrents. En second lieu, pour ce qui concerne le marché voisin de la distribution de matériaux de construction, la Commission a précisé, au considérant 107 de la décision attaquée, que la requérante détenait l’un des grands commerces en gros aux Pays-Bas et que, selon certains distributeurs, la requérante serait préférée aux distributeurs indépendants par CVK.

248   Il convient également de rappeler que la requérante conteste détenir le contrôle de CVK et soutient qu’elle ne dispose pas d’une position forte sur le marché en cause, sa part de marché n’étant que de [2 à 5] %. Elle expose aussi que, s’agissant de ses activités de distribution de matériaux de construction, sa part de marché n’est que de [0 à 2] %, qu’elle ne bénéficie d’aucun traitement privilégié de la part de CVK et que, même si tel était le cas, les déclarations de tiers ne sont pas de nature à faire présumer l’existence d’une position dominante au sens du règlement nº 4064/89.

249   Ces allégations doivent être rejetées.

250   Il y a lieu tout d’abord d’écarter l’argument de la requérante selon lequel elle ne détient pas le contrôle de CVK, pour les raisons exposées dans le cadre de l’appréciation de la première branche du premier moyen. Il convient d’ajouter que rien ne s’oppose à ce que la Commission prenne en considération le lien structurel existant entre la requérante et CVK comme un élément caractérisant la puissance économique de CVK ou pouvant, dans une certaine mesure, la renforcer. En effet, dans la mesure où la requérante est présente sur le marché de l’entreprise commune ainsi que sur le marché, en aval, de la distribution en gros, le fait qu’elle contrôle l’entreprise commune peut permettre à CVK de bénéficier d’une puissance économique supplémentaire découlant nécessairement de la coordination qui s’opèrera entre ces deux entreprises sur le marché. Or, le règlement nº 4064/89 n’interdit pas d’examiner, au regard de ses propres dispositions, les éventuels aspects de coordination verticale entre l’entreprise commune et l’une ou l’autre de ses entreprises fondatrices qui résultent d’une opération de concentration, sans d’ailleurs, pour autant, préjuger de l’autonomie de l’entreprise commune.

251   Ensuite, s’agissant de la prétendue position forte de la requérante sur le marché en cause qu’aurait retenue la décision attaquée, la requérante procède à une lecture erronée du considérant 106 de la décision attaquée. En effet, la décision attaquée se limite à constater une position forte de la requérante sur le segment des petits éléments utilisés principalement dans le secteur de la construction résidentielle et non pas sur le marché en cause en général. En toute hypothèse, le fait que la requérante possède une part de marché de [2 à 5] % sur le marché en cause, grâce à son offre d’éléments préfabriqués en béton et de béton coulé sur place, alors que le concurrent immédiat de CVK ne détient environ que [2 à 5] % de parts de marché, autorisait la Commission à conclure, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, que CVK et la requérante pouvaient offrir une gamme de produits − selon la définition du marché en cause retenue − qu’aucun de leurs concurrents n’était en mesure de fournir.

252   Enfin, quant à la présence de la requérante sur le marché de la distribution en gros de matériaux de construction, que celle-ci ne conteste pas, il est permis de déduire, à défaut de démonstration contraire, que cette présence permet à CVK de profiter du réseau de distribution de son entreprise fondatrice, quelles que soient, par ailleurs, la taille et la position sur le marché de ce réseau, en particulier si les concurrents des parties ne bénéficient pas eux-mêmes d’une intégration verticale. Interrogée sur ce dernier point par le Tribunal, la Commission, sans être contredite par la requérante, a indiqué, à l’audience, que, sur la base des éléments du dossier, un seul producteur de briques bénéficiait d’un tel avantage. Il y a toutefois lieu de préciser que cette circonstance est dépourvue de signification réelle du point de vue concurrentiel, puisque, notamment, compte tenu de la structure du marché, les briques, qui représentent uniquement environ [2 à 5] % de l’ensemble des matériaux utilisés pour la construction de murs porteurs aux Pays-Bas, constituent un matériau tout à fait secondaire sur le marché en cause. En conséquence, l’appréciation de la Commission quant à la puissance du réseau de distribution de la requérante et au caractère préférentiel du traitement dont elle bénéficierait de la part de CVK ne peut être infirmée. En tout état de cause, à supposer même que cette appréciation soit entachée d’erreur, cette dernière ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée, une telle appréciation ayant été uniquement exposée à titre surabondant.

253   De surcroît, quant aux critiques exposées par la requérante portant sur l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée, dès lors qu’elle se démarquait de la conclusion de la NMa (voir point 176 ci-dessus), il suffit de rappeler, d’une part, qu’il résulte de la réponse apportée au premier moyen que les transactions conclues le 9 août 1999 constituaient une seule opération de concentration relevant de la compétence exclusive de la Commission et, d’autre part, que l’examen qui précède des facteurs retenus par la décision attaquée a permis de vérifier que la Commission n’avait pas commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant que CVK détenait une position dominante sur le marché en cause. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’avait pas à indiquer spécifiquement les raisons pour lesquelles elle ne partageait pas, le cas échéant, l’appréciation prétendument différente de la NMa.

254   Pour l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de constater que c’est à bon droit que la Commission a considéré que CVK détenait une position dominante sur le marché en cause.

255   Partant, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, prise de l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre l’opération de concentration et la création de la position dominante

 Arguments des parties

256   La requérante soutient, en premier lieu, que même à supposer, comme l’estime la Commission, que la transaction RAG constitue une opération de concentration, cette opération est distincte du contrat de mise en commun, notifié à la NMa, par lequel CVK a pris le contrôle de ses entreprises membres et, de toute évidence, n’entraîne pas la création d’une position dominante. En effet, selon la requérante, la transaction RAG aurait simplement entraîné une modification de la structure du contrôle de CVK, sans exercer d’effet sur la situation de cette dernière sur le marché.

257   En deuxième lieu, la requérante prétend que la Commission n’a pas démontré, contrairement à ce que lui impose l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, l’existence d’un lien de causalité entre l’opération de concentration en cause et la création ou le renforcement de la position dominante. Selon la requérante, même avant la transaction RAG, CVK, en tant que coopérative de droit néerlandais, exerçait ses activités en tant qu’entité économique unique et adoptait les décisions stratégiques affectant les entreprises membres regroupées en son sein qui touchaient non seulement la commercialisation des produits silico‑calcaires, mais aussi l’établissement des prix, les conditions de vente, la production et les achats.

258   Contrairement à ce qui est exposé dans la décision attaquée, la requérante considère que le fait qu’il soit plus simple de dénouer les liens économiques qui existent au sein d’une structure de distribution commune que ceux existant dans le cadre d’une entreprise commune polyvalente est un élément non pertinent quant à la question de savoir si l’opération de concentration a entraîné la création d’une position dominante. En revanche, la Commission doit, de l’avis de la requérante, démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’opération de concentration et la création de la position dominante. En l’espèce, la requérante relève que la décision attaquée n’a procédé à aucune analyse des parts de marché de CVK tant avant qu’après la transaction RAG. Selon la requérante, si la Commission avait procédé à une telle analyse, celle-ci aurait démontré que cette opération n’aurait eu aucun effet sur la part de marché de CVK, ainsi que l’illustre la comparaison de la décision de la NMa du 20 octobre 1998 et la décision attaquée.

259   Enfin, la requérante relève que les raisons pour lesquelles, selon la décision attaquée, il résulte de la transaction RAG que la part de marché détenue par la requérante sur le marché de la distribution en gros de matériaux de construction de murs doit être attribuée à CVK ne sont pas claires. De l’avis de la requérante, une appréciation semblable aurait tout aussi bien pu être faite avant la cession des parts sociales. En tout état de cause, la requérante estime que l’attribution à CVK des parts de marché de la requérante sur le marché de la distribution en gros des matériaux de construction de murs ne peut entraîner la création d’une position dominante.

260   En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas apporté les éléments de preuve supplémentaires révélant que la transaction RAG aurait débouché sur la création d’une position dominante.

261   Tout d’abord, la requérante conteste que les hausses de prix des briques silico‑calcaires, décrites au considérant 117 de la décision attaquée, puissent laisser apparaître la création d’une position dominante. À l’instar de la position défendue par CVK lors de l’audition du 16 mai 2002, la requérante soutient que ces hausses de prix sont imputables à la hausse des coûts et sont fonction des fluctuations générales des prix et non à la modification de la structure du marché entraînée par la transaction RAG. D’ailleurs, la requérante relève que les périodes prises en compte par la décision attaquée sont toutes postérieures à la transaction RAG, sans que la Commission ait tenté de comparer les prix antérieurs et postérieurs à cette opération, afin d’identifier le véritable effet que cette opération a pu engendrer sur les prix pratiqués par CVK. Dans sa réplique, la requérante ajoute que les déclarations des concurrents et acheteurs, reprises par la décision attaquée, selon lesquelles le prix des produits de CVK aurait augmenté anormalement depuis 1999, ne sont pas non plus décisives, dans la mesure où le dossier de la Commission auquel la requérante a eu accès ferait état de nombreuses déclarations d’opérateurs allant dans le sens contraire.

262   La requérante affirme ensuite que les déclarations d’opérateurs et de clients, évoquées aux considérants 119 à 121 de la décision attaquée, relatives au comportement de CVK, ne révèlent pas non plus que la transaction RAG ait entraîné la création d’une position dominante. De même, de l’avis de la requérante, les déclarations d’opérateurs relatives au comportement de Haniel, mentionnées au considérant 120 de la décision attaquée, sont non pertinentes puisque, bien que concernant un actionnaire de certaines sociétés membres de CVK, elles se rapportent à un tiers à la position dominante. De plus, dans la mesure où la transaction RAG n’a pas entraîné une augmentation de la part de marché de CVK, la requérante s’oppose à la conclusion de la Commission selon laquelle CVK possédait une plus grande liberté d’agir indépendamment de ses concurrents et de ses clients après cette opération.

263   Enfin, la requérante considère que la référence à la procédure en matière d’ententes devant la NMa, exposée au considérant 125 de la décision attaquée, constitue également un élément non pertinent afin de déterminer si la transaction RAG a entraîné la création d’une position dominante. La requérante relève que cette référence est, au demeurant, difficilement conciliable avec la position générale défendue par la Commission selon laquelle cette dernière estime qu’elle n’est pas liée par les décisions d’autres autorités adoptées en application d’autres législations.

264   Après avoir rappelé le contenu des motifs pertinents de la décision attaquée, la Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

265   Premièrement, la Commission considère que, si l’affirmation de la requérante selon laquelle CVK exerçait déjà ses activités sur le marché en cause comme une entité économique unique avant l’opération de concentration était correcte, cela priverait d’effet utile le contrôle postérieur de l’opération de concentration. En effet, selon la Commission, cela signifierait que, lorsque des entreprises indépendantes, faisant partie d’une structure de distribution commune, regroupent leurs activités au sein d’une entreprise commune de plein exercice, cette dernière n’entraînerait pas la création d’une position dominante. La Commission soutient que la transformation d’une structure de distribution commune en une entreprise commune de plein exercice constitue une modification structurelle sur le marché qui peut entraîner la création d’une position dominante et devrait, par conséquent, en principe, être soumise au contrôle des opérations de concentration.

266   En l’espèce, la Commission rappelle que, à la suite de l’opération de concentration, CVK exerce la direction unique des onze entreprises membres pour l’ensemble du secteur des produits silico-calcaires néerlandais, lui permettant d’orienter de manière centralisée l’ensemble des paramètres de la concurrence pour maximiser les recettes de l’entreprise commune, en intégrant nettement plus de fonctions que celles se rapportant à l’activité de commercialisation des produits que CVK exerçait avant l’opération de concentration. La Commission relève aussi que les allégations de la requérante selon lesquelles, avant l’opération de concentration, CVK regroupait, en particulier, les fonctions de production et d’achat sont imprécises et n’ont jamais été soutenues au cours de la procédure administrative. En outre, la Commission note que la requérante n’explique pas pourquoi si, comme elle le soutient, CVK constituait déjà une « entité économique unique » avant l’opération de concentration, il était alors nécessaire que la requérante conclue un accord de coopération avec Haniel et que les parties engagent une procédure de notification devant la NMa. La Commission relève que la différence en termes de stabilité entre l’entreprise commune et une structure de distribution est un facteur pertinent montrant que le marché connaît un changement structurel durable.

267   Deuxièmement, s’agissant du lien de causalité, la Commission rejette l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas analysé les parts de marché avant et après la transaction RAG. La Commission rappelle que cette transaction n’est pas distincte de l’opération de concentration et que CVK n’avait pas de part de marché avant l’opération de concentration. À cet égard, la Commission souligne que la part de marché calculée par la NMa dans la décision du 20 octobre 1998, à laquelle la requérante fait référence, constituait le total des parts des entreprises indépendantes avant toute concentration. De plus, selon la Commission, l’attribution à CVK des parts de marché de la requérante sur le marché de la distribution en gros de matériaux de construction s’explique par le fait que la requérante, en raison du contrôle conjoint qu’elle exerce sur CVK avec Haniel, ne peut être considérée comme un opérateur en concurrence avec CVK.

268   Troisièmement, quant aux éléments de « preuve supplémentaire » pour établir l’existence d’un lien de causalité entre l’opération de concentration et la création d’une position dominante, la Commission rappelle, de manière générale, que l’opération de concentration avait déjà été mise en œuvre au moment de l’adoption de la décision attaquée, ce qui explique qu’elle a pu effectuer, aux considérants 117 à 121 de la décision attaquée, une analyse ex post qui a confirmé que l’opération de concentration avait entraîné la création d’une position dominante. Pour le surplus, la Commission conteste les autres arguments avancés par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

269   Il importe de relever tout d’abord qu’il découle de l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 que, dès lors qu’une opération de concentration n’est pas la cause de la création ou du renforcement d’une position dominante affectant de manière significative la situation concurrentielle sur le marché en cause, il y a lieu de la déclarer compatible avec le marché commun (arrêt Kali und Salz, point 196 supra, points 109 et 110).

270   En l’espèce, il convient donc de vérifier si l’opération de concentration conclue le 9 août 1999 est la cause de la position dominante examinée dans la première branche du présent moyen. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le contrôle du Tribunal ne saurait uniquement porter sur le lien entre la position dominante de CVK et la transaction RAG, puisque, ainsi qu’il a été jugé dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du premier moyen, les premier et second groupes de transactions, visés au point 8 ci-dessus, possèdent un caractère unitaire du fait de leur interdépendance, de sorte qu’ils forment une seule opération de concentration. De plus, il y a lieu de remarquer que, dans la mesure où l’examen de la première branche du présent moyen a entraîné le Tribunal à constater l’existence d’une position dominante de CVK sur le marché en cause, écarter le lien de causalité entre la création de cette position dominante et l’opération de concentration, ainsi que le prétend la requérante, ne pourrait être en toute logique possible que si une éventuelle position dominante préexistait à la réalisation de l’opération du 9 août 1999.

271   Ensuite, il convient de rappeler que, aux considérants 110 à 115 de la décision attaquée, la Commission a écarté tant l’existence d’une position dominante individuelle de CVK que celle d’une position dominante collective des trois groupes de producteurs de briques silico-calcaires – à savoir les producteurs dont la requérante détenait le contrôle, ceux intégralement contrôlés par Haniel et ceux dont RAG possédait des parts sociales –, préalablement à l’opération de concentration du 9 août 1999, en précisant les parts de marché de ces trois groupes sur le marché en cause. En outre, il y a également lieu de souligner que, aux considérants 116 à 125 de la décision attaquée, la Commission a identifié certains éléments confirmant le lien de causalité entre l’opération de concentration et la position dominante de CVK.

272   En premier lieu, s’agissant des allégations de la requérante portant sur la prétendue position dominante individuelle de CVK avant l’opération de concentration, doivent être rejetées les prétentions qu’elle tire, d’une part, du défaut d’analyse dans la décision attaquée des parts de marché de CVK antérieurement à l’opération de concentration, et, d’autre part, du refus de la Commission, exposé notamment aux considérants 113 et 114 de la décision attaquée, de considérer CVK comme une entité économique indépendante avant l’opération de concentration.

273   Sur le premier point, il suffit de relever que le défaut d’analyse précité s’explique par la circonstance que la question de l’imputation de parts de marché à CVK est conditionnée par celle soulevée par le second point, à savoir si, préalablement à l’opération de concentration, cette entité devait être considérée comme une entreprise commune de plein exercice au sens du règlement nº 4064/89, et non pas uniquement comme un instrument de coopération entre ses membres portant sur la commercialisation des briques silico-calcaires aux Pays-Bas, situation dans laquelle les parts de marché doivent être imputées aux groupes auxquels appartenaient les membres de CVK.

274   Quant au second point, il importe de rappeler que, ainsi que le précise le contrat de mise en commun conclu le 9 août 1999, les « parties forment une entité économique, sous la conduite de CVK, ayant pour objet la production et la commercialisation des produits de briques silico-calcaires et de tout ce qui peut y aider au sens large » (considérant B du contrat de mise en commun). Il ressort de l’article 1er de ce contrat que la gestion est centralisée au niveau de CVK sous la direction du conseil d’administration, lequel se charge « de l’administration de CVK et des fabriques, au sens où, en ce qui concerne la totalité de la production et de la commercialisation des […] briques silico-calcaires et de tout ce qui peut y aider au sens large, le conseil d’administration est chargé de la direction centrale de CVK et des fabriques, selon sa propre appréciation, en tenant compte des intérêts de CVK et de ses membres ». Selon la même disposition, les tâches du conseil d’administration comprennent d’éventuelles instructions aux entreprises membres de CVK portant, en particulier, sur le développement des produits, la commercialisation et la vente, les achats, les investissements et les désinvestissements, les commandes, la mise en valeur du sable et le personnel. De plus, selon ses articles 5 et 6, les profits et les pertes des entreprises membres sont mis en commun.

275   En revanche, il ne ressort pas du dossier qu’une telle unité économique existait préalablement à l’opération du 9 août 1999. En effet, avant l’opération de concentration, CVK existait en tant que structure de distribution commune de la production de briques silico-calcaires des entreprises membres de CVK aux Pays‑Bas qui n’exerçait, par ailleurs, aucune autre fonction économique. Avant l’opération de concentration, CVK pouvait donc être assimilée par la Commission à un comptoir de vente au profit de ses membres. Bien que la requérante allègue, dans sa réplique, que CVK exerçait également, à cette époque, des fonctions relatives à la production des briques silico-calcaires, elle reste toutefois en défaut de démontrer que tel était réellement le cas.

276   Certes, de manière générale, il n’est pas exclu qu’une structure de distribution commune puisse éventuellement revêtir le caractère d’une entreprise de plein exercice si, à son niveau, les produits ou services qu’elle distribue acquièrent une forte valeur ajoutée ou si elle opère comme un véritable acteur du marché en s’approvisionnant, dans une proportion notable, auprès d’autres fournisseurs en concurrence avec ses propres entreprises membres.

277   Toutefois, tel n’est pas ce qui est soutenu en l’espèce par la requérante.

278   La requérante conteste en effet uniquement le caractère moins durable de la structure de distribution commune, retenu au considérant 114 de la décision attaquée, par rapport à une entreprise commune dite de « plein exercice ». À cet égard, il suffit de constater que l’appréciation exposée au considérant 114 précité, introduite par la locution adverbiale « [e]n outre », n’a été formulée qu’à titre surabondant. Pour le reste, la requérante est restée en défaut d’infirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle il découlait de l’opération de concentration que CVK était devenue une entreprise de plein exercice en charge des différentes fonctions des entreprises antérieurement distinctes, circonstance qui conditionnait l’imputation de parts de marché à cette nouvelle entité et, partant, son éventuelle position dominante sur le marché en cause.

279   En deuxième lieu, s’agissant de la question de l’absence de position dominante collective des trois groupes de producteurs de briques silico-calcaires, il suffit de constater que la requérante n’a pas allégué que les trois groupes détenaient une telle position. Il convient d’ajouter que les éléments du dossier, notamment les parts de marché attribuées aux trois groupes avant l’opération de concentration, à savoir respectivement [20 à 30] % pour Haniel et la requérante et [5 à 10] % pour RAG, ne permettent pas de conclure en eux-mêmes qu’une position dominante collective préexistait à l’opération de concentration du 9 août 1999.

280   En troisième lieu, quant aux éléments confirmant l’existence d’un lien de causalité entre l’opération de concentration du 9 août 1999 et la position dominante de CVK, le Tribunal estime que, si la Commission est en droit de prendre en compte de tels éléments dans une situation, telle que celle de l’espèce, où l’opération de concentration a déjà été réalisée au moment de l’adoption de la décision attaquée, de tels éléments ne sont pas, par définition, strictement nécessaires à la constatation critiquée par la requérante selon laquelle la position dominante de CVK résulte de l’opération de concentration du 9 août 1999. Il s’ensuit que, même à supposer les arguments de la requérante fondés, ceux-ci ne pourraient avoir pour effet d’infirmer l’appréciation qui résulte des points ci-dessus.

281   En tout état de cause, s’agissant notamment de l’analyse, exposée au considérant 117 de la décision attaquée, relative à l’attitude de CVK en matière de prix après l’opération de concentration, il convient de constater que la requérante n’a pas démontré à l’aide d’indices précis et concordants qu’elle était manifestement erronée.

282   Plus précisément, la requérante n’a, premièrement, pas contesté la matérialité des augmentations de prix pratiqués par CVK depuis la mise en œuvre de l’opération de concentration ([5 à 10] % en 2001 et [5 à 10] % en 2002) ni les précisions de la Commission, formulées dans ses écritures, selon lesquelles ses informations sur l’évolution des prix depuis 1997 étaient fondées sur une enquête méthodologique auprès de tous les producteurs et de 18 distributeurs de matériaux de construction de murs, explicitant dès lors que le niveau d’augmentation des prix pour les années 1999 et 2000 (0 à 5 %) constituaient des exemples reflétant la période antérieure à la date à laquelle les effets concrets de l’opération de concentration se sont fait ressentir sur le marché. La requérante n’a pas non plus contesté qu’il existe des surcapacités sur le segment des briques silico-calcaires, ni encore que la demande de matériaux de construction de murs a plutôt diminué durant la période de référence prise par la Commission. Dans ces circonstances, l’allégation non étayée de la requérante selon laquelle l’augmentation des prix aurait été uniquement due à l’augmentation des coûts de production et à l’évolution du niveau général des prix semble peu réaliste dès lors que, après la mise en œuvre de l’opération de concentration, il aurait été plus vraisemblable qu’une baisse de la demande et l’existence de surcapacités entraînent la baisse ou, à tout le moins, la stabilité des prix des briques silico-calcaires.

283   À cet égard, les critiques de la requérante qui portent sur la pertinence des déclarations recueillies par la Commission auprès des opérateurs du marché quant au niveau – stable ou en baisse – des prix d’autres matériaux de construction entre 1999 et 2002 ne sauraient être accueillies. En effet, il ressort notamment de la déclaration du mois de février 2002 du distributeur Stenncentrum Utrecht, contenue dans le dossier de la Commission et invoquée par la requérante dans ses écritures à l’appui de sa thèse selon laquelle les prix des briques silico-calcaires pratiqués par CVK n’auraient pas augmenté ou que, inversement, les prix des autres matériaux de construction auraient augmenté, que « les prix pratiqués par certains producteurs de briques avaient diminué de [20 à 30] % compte tenu des mécanismes de marché », que « la même chose s’était produite dans le secteur du béton prêt à l’emploi », alors que « pour CVK, unique fournisseur de briques silico-calcaires, cette entreprise ne connaissait pas ce handicap et avait augmenté ses prix de manière significative en 2001 et 2002 ». Cette déclaration n’étaye donc pas, à tout le moins, les prétentions de la requérante.

284   En outre, la requérante est également restée en défaut d’expliquer les raisons pour lesquelles les explications de Raab Karcher − fournies lors de l’audition devant la Commission le 16 mai 2002 −, selon lesquelles, avant l’opération de concentration, des négociations de prix avec des producteurs de briques silico‑calcaires individuels étaient encore possibles dans certains cas, alors que depuis l’opération, ces entreprises refusaient tout dialogue individuel avec les clients et les renvoyaient à CVK, étaient erronées.

285   Il s’ensuit que l’appréciation de la Commission relative au comportement de CVK en matière de prix après la mise en œuvre de l’opération de concentration confirme à suffisance de droit la création d’une position dominante par l’opération de concentration en cause, permettant à cette entreprise de se comporter, dans une large mesure, indépendamment de ses concurrents et de ses clients. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner les autres griefs de la requérante.

286   Dans ces conditions, c’est sans méconnaître l’article 2 du règlement nº 4064/89 que la Commission a conclu, au considérant 126 de la décision attaquée, que l’opération de concentration en cause avait entraîné la création d’une position dominante de CVK sur le marché en cause ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée d’une manière significative dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

287   Partant, la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée ainsi que ce moyen dans son intégralité.

3.     Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 ainsi que du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

288   La requérante soutient, premièrement, que la Commission était incompétente pour exiger des engagements supplémentaires, au titre du règlement nº 4064/89, au projet d’engagements proposé par Haniel et la requérante qui devait mettre fin au contrôle en commun que ces entreprises exerçaient sur CVK, en permettant le retour des changements de coalition au sein de CVK, étant donné que, par ce projet, la concentration qui devait être notifiée en vertu du règlement nº 4064/89 cessait d’exister. Selon la requérante, suite au projet d’engagements, la Commission, n’étant plus en présence d’une concentration, au sens du règlement nº 4064/89, ne pouvait plus exiger, au titre de ce règlement, des engagements supplémentaires conduisant au démantèlement de CVK, tel que cela résulte de la décision attaquée. Dans sa réplique, la requérante précise que cette règle est également valable dans le cas d’une concentration qui a déjà été réalisée, comme en l’espèce. La requérante met également en exergue que, contrairement à ce que soutient la Commission, le fait que, en dépit des premiers engagements, CVK détiendrait encore une position dominante sur le marché en cause n’est pas pertinent. En effet, selon la requérante, le règlement nº 4064/89 n’oblige à adopter des décisions juridiquement obligatoires qu’en ce qui concerne des opérations de concentration de dimension communautaire et n’autorise pas la Commission à arrêter des mesures visant au démantèlement de toute entreprise prétendument en position dominante. En conséquence, de l’avis de la requérante, en exigeant des engagements supplémentaires au projet d’engagements initial, la Commission a excédé sa compétence, en violation de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89.

289   Deuxièmement, la requérante considère que, en exigeant des engagements conduisant à la dissolution de CVK, allant au-delà du rétablissement de la situation antérieure à l’opération de concentration, la Commission a également violé le principe de proportionnalité. Selon la requérante, dans la mesure où des engagements répondent aux conditions prévues par le règlement nº 4064/89, la Commission est tenue d’accepter la série la moins restrictive des engagements proposés, ce qui, en l’espèce, a été méconnu.

290   S’agissant de la question relative à sa compétence, la Commission admet tout d’abord que, si des parties, lui ayant notifié une opération de concentration, décident de ne pas poursuivre cette opération et retirent la notification, elle n’a pas à insister sur la prise d’engagements.

291   Toutefois, en l’espèce, la Commission considère que la situation est différente, puisque l’opération en question a déjà été réalisée. Dans un tel cas, la Commission estime qu’elle doit agir au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89 en vue de dissoudre la concentration ou de rétablir une concurrence effective par d’autres actions appropriées. La Commission rappelle également que, en l’espèce, l’opération de concentration est composée de deux transactions. De l’avis de la Commission, l’abandon de la prise de contrôle conjoint de CVK par Haniel et par la requérante ne suffirait pas à rétablir des conditions de concurrence effective, puisque CVK continuerait à détenir une position dominante sur le marché en cause. Or, si les parties prenaient l’engagement de mettre fin au contrôle conjoint, la Commission estime qu’elle ne perdrait pas pour autant sa compétence pour examiner l’opération au titre du règlement nº 4064/89. En effet, selon la Commission, sa compétence est uniquement déterminée au regard de l’opération à l’origine de l’obligation de notification, et non par la présentation d’une proposition d’engagements. La Commission en conclut que, sous réserve du respect des engagements indiqués à l’annexe de la décision attaquée, elle était tenue de déclarer l’opération de concentration compatible avec le marché commun au regard de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89.

292   Quant à la violation alléguée du principe de proportionnalité, la Commission considère qu’elle a pleinement respecté ledit principe. Selon la Commission, la première série d’engagements ne lui permettait tout simplement pas de garantir une concurrence effective dans le marché commun, dans la mesure où CVK aurait toujours détenu une position dominante sur le marché en cause. Seule la seconde série d’engagements serait venue remédier à cette situation.

 Appréciation du Tribunal

293   À titre préliminaire, il importe tout d’abord de rappeler que l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 dispose :

« Lorsque la Commission constate qu’une opération de concentration notifiée, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, […] elle prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.

La Commission peut assortir sa décision de conditions et charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu’elles ont pris à son égard en vue de rendre la concentration compatible avec le marché commun [...] »

294   Il convient aussi de souligner que, dans le cadre du règlement nº 4064/89, la Commission n’est habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l’opération de concentration compatible avec le marché commun. En d’autres termes, les engagements proposés par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que l’opération de concentration en cause ne créerait ou ne renforcerait pas une position dominante au sens de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement (arrêt Gencor/Commission, point 195 supra, point 318).

295   Ensuite, en l’espèce, il ressort du considérant 127 de la décision attaquée et du point 13 de son annexe que la Commission a refusé, dans un premier temps, un projet d’engagements qui prévoyait que Haniel et la requérante résilient le contrat de coopération qu’elles avaient conclu, que leurs participations dans les entreprises Anker, Vogelenzang et Van Herwaarden, acquises suite à la transaction RAG, soient cédées à un tiers indépendant, alors que le contrat de mise en commun et les statuts de CVK seraient maintenus.

296   Au considérant 132 de la décision attaquée, la Commission a motivé ce refus de la manière suivante :

« La Commission estime que les engagements présentés dans un premier temps par les parties à titre de projet ne suffisent pas à mettre fin aux doutes en matière de concurrence concernant le marché [en cause]. En effet, le projet d’engagement met seulement fin au contrôle commun de CVK par Haniel et Cementbouw sans mettre fin en même temps à la position dominante de CVK créée par l’opération de concentration. Le projet d’engagement est basé sur la thèse réfutée, dans la partie II de la présente décision, selon laquelle le contrôle exercé par la Commission dans la présente procédure ne porterait que sur l’acquisition du contrôle commun de CVK par Haniel et Cementbouw, tandis que la prise de contrôle simultanée de ses entreprises membres par CVK ne relèverait plus de la compétence de la Commission en vertu de la décision de la NMa du 20 octobre 1998. »

297   La Commission a toutefois accepté les engagements définitifs décrits aux considérants 129 à 131 de la décision attaquée, estimant qu’ils étaient suffisants pour lui permettre de déclarer la concentration compatible avec le marché commun.

298   Le contenu de ces engagements est le suivant :

–       dans un délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée, résiliation du contrat de mise en commun, annulation des modifications apportées aux statuts de CVK et dissolution de cette dernière ;

–       résiliation avec effet immédiat du contrat de coopération ;

–       parallèlement à la résiliation du contrat de mise en commun, engagement de la requérante et de Haniel à mettre fin au contrôle en commun des entreprises Anker et Van Herwaarden, selon les modalités décrites au considérant 129 de la décision attaquée ;

–       engagement de la requérante et de Haniel à mettre fin au contrôle en commun de Vogelenzang selon les mêmes modalités que pour Anker et Van Herwaarden, dans l’hypothèse où Vogelenzang reprendrait ses activités ;

–       engagement de la requérante et de Haniel à [déclaration concernant l’organisation interne de CVK] (3) ;

–       nomination d’un mandataire chargé de contrôler le respect des engagements par les parties.

299   Sans contester que les parties ayant procédé à la notification aient été en mesure de proposer les mesures correctives adéquates susceptibles de mettre fin aux « problèmes de concurrence » identifiés par la Commission dans la communication des griefs, la requérante soutient, en substance, que, puisque seul le second groupe de transactions devait être notifié à la Commission en application du règlement nº 4064/89, le premier projet d’engagements, qui consistait à résilier le second groupe de transactions en rétablissant la situation antérieure à l’opération de concentration, telle que la requérante l’entend, entraîne la modification de l’opération de telle sorte que cette dernière n’existe plus. Dans ces conditions, la requérante soutient que la Commission n’avait plus compétence pour demander aux parties de proposer d’autres engagements, notamment la dissolution de CVK, dans la mesure où le fondement de sa compétence en application du règlement nº 4064/89 avait disparu. Corrélativement, la requérante soutient que la Commission avait l’obligation d’accepter le premier projet d’engagements, puisqu’il était suffisant et moins restrictif que les engagements définitifs. La requérante estime donc que la Commission a violé le principe de proportionnalité.

300   Cette argumentation doit toutefois être rejetée.

301   En premier lieu, il convient de constater que les prétentions de la requérante se fondent une nouvelle fois sur une prémisse erronée, rejetée par le Tribunal dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du premier moyen. En effet, il existe une seule opération de concentration, conclue le 9 août 1999, constituée des premier et second groupes de transactions, qui relève de la compétence de la Commission en application du règlement nº 4064/89. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, le premier projet d’engagements ne modifie pas l’opération de concentration de sorte que celle-ci n’existe plus.

302   Partant, l’argument pris de l’incompétence de la Commission doit être rejeté.

303   En second lieu, une même conclusion s’impose quant au grief tiré du caractère prétendument proportionné du premier projet d’engagements et du caractère disproportionné des engagements définitifs acceptés par la Commission, en particulier celui de la dissolution de CVK dans un délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée, au respect duquel la déclaration de compatibilité est subordonnée.

304   D’une part, il importe de relever que la requérante n’a pas expliqué comment le premier projet d’engagements, exposé au point 295 ci‑dessus, aurait pu permettre à la Commission de conclure à la compatibilité de l’opération de concentration, alors qu’il est constant que, dans le cadre de ce projet d’engagements, la position dominante de CVK, telle qu’elle résulte de l’opération de concentration conclue le 9 août 1999, serait demeurée inchangée. En effet, en particulier, malgré l’abandon du contrôle en commun de CVK, l’entreprise aurait, suivant la délimitation du marché, continué de détenir au moins [50 à 60] % du marché en cause, sans que, par ailleurs, les parts de marché de ses principaux concurrents augmentent.

305   Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’était pas tenue d’accepter le premier projet d’engagements, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, puisque ce projet ne lui permettait pas de conclure que l’opération de concentration du 9 août 1999 ne créerait pas une position dominante, au sens de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement.

306   Cette appréciation est d’ailleurs confortée par le libellé du considérant 8 du règlement (CE) nº 1310/97, cité par la requérante dans ses écritures, aux termes duquel « la Commission peut déclarer une concentration compatible avec le marché commun dans la seconde phase de la procédure, à la suite d’engagements pris par les parties qui sont proportionnels au problème de concurrence et qui le résolvent entièrement […] »

307   Ainsi, pour pouvoir être acceptés par la Commission dans l’optique de l’adoption d’une décision au titre de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, les engagements des parties doivent non seulement être proportionnés au problème de concurrence identifié par la Commission dans sa décision, mais le résoudre intégralement, objectif qui, en l’espèce, n’était manifestement pas atteint par le premier projet d’engagements proposé par les parties ayant procédé à la notification.

308   D’autre part, s’agissant de l’engagement définitif par lequel les parties ont proposé de dissoudre CVK dans un délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée − seul engagement véritablement débattu par les parties à la présente procédure −, s’il est vrai que cet engagement va au-delà du rétablissement de la situation antérieure à l’opération de concentration, puisque, à l’expiration dudit délai, CVK aura cessé d’exister même sous sa forme antérieure de comptoir de ventes, il n’en demeure pas moins que les parties procédant à une notification ne sont pas contraintes de se limiter à proposer des engagements visant strictement à rétablir la situation de concurrence antérieure à l’opération de concentration, afin de permettre à la Commission de déclarer cette opération compatible avec le marché commun. En effet, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, la Commission est habilitée à accepter tous les engagements des parties lui permettant d’adopter une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.

309   Au demeurant, il convient de remarquer que, en présence des engagements définitifs des parties ayant procédé à la notification, tels que résumés au point 298 ci-dessus, la Commission n’avait pas la latitude de les refuser et d’adopter soit une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun, au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, soit une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun, au titre de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, mais assortie de conditions visant au rétablissement de la situation antérieure à l’opération de concentration qu’elle aurait imposées unilatéralement.

310   En effet, dans le premier cas de figure – celui de l’adoption d’une décision négative –, la Commission aurait méconnu les dispositions de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, qui la contraignent à adopter une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun si elle constate que l’opération, le cas échéant après modifications par les entreprises concernées, répond au critère défini à l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89.

311   Dans le second cas de figure – celui d’une décision positive assortie de conditions visant au rétablissement strict de la situation antérieure – la Commission se serait également heurtée au libellé de l’article 8, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 qui ne prévoit pas que la Commission puisse subordonner sa déclaration de compatibilité d’une opération de concentration à des conditions qu’elle a unilatéralement imposées, indépendamment des engagements pris par les parties procédant à une notification.

312   Dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité. Au vu des circonstances de l’espèce, seuls les engagements définitifs souscrits par les parties ayant procédé à la notification pouvaient permettre à la Commission de déclarer l’opération de concentration en cause compatible avec le marché commun, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89.

313   Cette conclusion n’est pas infirmée par l’allégation de la requérante selon laquelle les parties ayant procédé à la notification auraient été arbitrairement contraintes par la Commission de proposer l’engagement de dissoudre CVK dans le délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée.

314   Certes, à la lecture de la communication des griefs et de la réponse de la requérante à celle-ci, il convient de reconnaître que la Commission a pu exercer une certaine influence sur le contenu des engagements proposés par les parties et qu’elle a finalement acceptés dans la décision attaquée. En effet, la communication des griefs indiquait que la Commission était prête, en application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 4064/89, à adopter des mesures propres à restaurer une concurrence effective, parmi lesquelles était envisagée la dissolution de CVK, si les parties ne proposaient pas des mesures correctives.

315   Il est également vrai que, pour ce qui concerne Haniel, la proposition de dissoudre CVK pouvait être motivée par le fait qu’elle était susceptible de lui permettre la prise de participations dans l’entreprise Ytong Netherlands, active dans la production de béton cellulaire, conformément aux considérants 141, 142 et 151 de la décision 2003/292/CE de la Commission, du 9 avril 2002, déclarant une opération de concentration compatible avec le marché commun et l’accord EEE (Affaire COMP/M.2568 – Haniel/Ytong) (JO 2003, L 111, p. 1).

316   Toutefois, il est constant que, ainsi que cela est exposé au considérant 138 de la décision attaquée, les parties ont souscrit l’engagement de la dissolution de CVK dans le délai précité « parce qu’elles estim[aient] qu’en cas de résiliation du contrat de mise en commun il n’était pas envisageable que CVK continue d’exister en tant que structure de distribution commune ».

317   De plus, s’agissant de la décision de la Commission du 9 avril 2002 (voir point 315 ci-dessus), qui concerne uniquement Haniel, cette décision n’impose aucune modalité particulière quant à la structure future de CVK, afin que la condition relative à la cession des participations de Haniel dans Ytong Netherlands soit levée. En effet, cette décision indique que l’engagement de cession souscrit par Haniel serait sans objet si CVK était dissoute ou si aucune société dans laquelle Haniel détenait une participation directe ou indirecte ne détenait plus de participation dans CVK (considérant 142). Le considérant 151 de la décision du 9 avril 2002 ajoute que l’engagement précité serait également sans objet si CVK était dissoute. En tout état de cause, il ne saurait être déduit des motifs de cette décision que celle-ci ait pu contraindre la requérante à proposer les engagements définitifs précités dans le cadre de la présente affaire, la requérante n’étant pas visée par la décision du 9 avril 2002.

318   Enfin, la requérante n’explique pas en quoi le délai de [confidentiel] pour dissoudre CVK à compter de l’adoption de la décision attaquée, accepté par la Commission compte tenu des circonstances exceptionnelles du cas d’espèce, aurait été proposé sous la contrainte arbitraire de la Commission et serait disproportionné.

319   Dès lors, force est de constater qu’il n’est pas établi que les parties ayant procédé à la notification auraient été arbitrairement contraintes par la Commission de proposer la mesure corrective consistant à dissoudre CVK dans un délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée. Il ne ressort pas non plus des éléments du dossier que lesdites parties auraient été arbitrairement contraintes de proposer les autres mesures correctives comprises dans leurs engagements définitifs ayant pour objectif de rétablir une concurrence effective.

320   Dans ces conditions, et dans la mesure où la requérante ne soutient pas que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les engagements définitifs proposés par les parties, y compris celui de dissoudre CVK dans un délai de [confidentiel] à compter de l’adoption de la décision attaquée, permettaient de rétablir une concurrence effective, il y a lieu de considérer que c’est à juste titre que la Commission a conclu que ces engagements, pour autant que les parties les respectent, lui permettaient de déclarer l’opération de concentration en cause compatible avec le marché commun et le fonctionnement de l’accord EEE.

321   Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté, ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

322   En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Lindh

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

 

       Vadapalas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le [23] février 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon             H. Legal


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence de la Commission pour examiner les transactions en cause en vertu de l’article 3 du règlement nº 4064/89

Sur la première branche du premier moyen, prise de l’incompétence de la Commission pour examiner la transaction RAG au motif de l’absence d’une modification du contrôle de CVK

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Remarques liminaires

–  Sur les allégations de la requérante relatives à l’existence d’un contrôle en commun de CVK avant la conclusion du second groupe de transactions

–  Sur la prise de contrôle en commun de CVK par Haniel et par la requérante lors de la conclusion du second groupe de transactions

–  Sur l’insuffisance de la motivation alléguée

Sur la deuxième branche du premier moyen, prise de l’incompétence de la Commission pour qualifier d’opération de concentration unique deux transactions et de l’inexistence, en l’espèce, d’une opération de concentration au sens de l’article 3 du règlement nº 4064/89

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la possibilité pour la Commission de qualifier d’opération de concentration unique plusieurs transactions, en application de l’article 3 du règlement nº 4064/89

–  Sur le caractère interdépendant des transactions conclues le 9 août 1999

Sur la troisième branche du premier moyen, prise de l’incompétence de la Commission pour examiner la prise de contrôle par CVK de ses entreprises membres, en raison de l’autorisation de celle-ci par la NMa

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation de la Commission relatives à la création d’une position dominante par l’opération de concentration, en violation de l’article 2 du règlement nº 4064/89

Sur la première branche du deuxième moyen, prise d’erreurs d’appréciation de la Commission quant à l’existence d’une position dominante de CVK

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Remarques préliminaires

–  Sur le facteur pris de l’absence de pression concurrentielle importante exercée sur CVK par les producteurs de béton coulé sur place

–  Sur le facteur pris de l’existence d’importants obstacles à l’entrée sur le marché

–  Sur le facteur pris de l’absence de puissance d’achat des clients de CVK

–  Sur le facteur pris de l’absence d’une limitation de la marge de manœuvre de CVK sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs par les conditions de concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs

–  Sur le facteur pris de l’existence d’un lien structurel entre CVK et la requérante leur permettant, tant au niveau de l’offre que de la distribution des matériaux de construction de murs porteurs, de bénéficier d’une marge de manœuvre sensiblement plus large que leurs concurrents

Sur la seconde branche du deuxième moyen, prise de l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre l’opération de concentration et la création de la position dominante

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3 et de l’article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89 ainsi que du principe de proportionnalité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.


2 – Données confidentielles occultées.


3 – Données confidentielles occultées.