ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
18 mars 2004 (*)
« Fonctionnaires – Transfert du forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté acquis au titre d'activités professionnelles antérieures à l'entrée au service des Communautés – Calcul des annuités – Article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut – Dispositions générales d'exécution – Principe d'égalité de traitement – Libre circulation des travailleurs »
Dans l'affaire T-67/02,
Léopold Radauer, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l'Union européenne, représenté par M. F. Anton, en qualité d'agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Conseil du 17 avril 2001 portant calcul des annuités de pension du requérant à la suite du transfert, vers le régime communautaire, du forfait de rachat des droits à pension acquis par celui-ci au titre du régime autrichien,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,
greffier : M. J. Plingers, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 1 juillet 2003,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 L’article 77 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :
« Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d’ancienneté. […]
Le montant maximal de la pension d’ancienneté est fixé à 70 % du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an. Il est acquis au fonctionnaire comptant [35] annuités calculées conformément aux dispositions de l’article 3 de l’annexe VIII. Si le nombre de ces annuités est inférieur à [35] ans, le montant maximal visé ci-dessus est réduit proportionnellement.
[…]
Le droit à pension d’ancienneté est acquis à l’âge de 60 ans. »
2 L’article 83 du statut prévoit :
« 1. Le paiement des prestations prévues au présent régime de pensions constitue une charge du budget des Communautés. Les États membres garantissent collectivement le paiement de ces prestations selon la clé de répartition fixée pour le financement de ces dépenses.
[…]
2. Les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement [du] régime de pensions [communautaire] […]
3. […]
4. Si l’évaluation actuarielle du régime de pensions effectuée par un ou plusieurs experts qualifiés à la demande du Conseil révèle que le montant de la contribution des fonctionnaires est insuffisant pour assurer le financement du tiers des prestations prévues au régime de pensions, les autorités budgétaires, statuant selon la procédure budgétaire et après avis du comité du statut prévu à l’article 10, fixent les modifications à apporter aux taux des contributions ou à l’âge de la retraite. »
3 L’article 2 de l’annexe VIII du statut prévoit :
« La pension d’ancienneté est liquidée sur la base du nombre total d’annuités acquises par le fonctionnaire. Chaque année prise en compte dans les conditions fixées à l’article 3 donne droit au bénéfice d’une annuité, chaque mois entier au douzième d’une annuité.
Le nombre maximal des annuités susceptibles d’être prises en compte pour la constitution du droit à pension d’ancienneté est fixé à [35]. »
4 L’article 5 de l’annexe VIII du statut dispose :
« Indépendamment des dispositions prévues à l’article 2, le fonctionnaire comptant moins de 35 annuités à l’âge de 60 ans et continuant à acquérir des droits à pension au titre de l’article 3 bénéficie, pour chaque année de service accomplie entre 60 ans et l’âge où il est appelé à jouir de sa pension d’ancienneté, d’une majoration de pension égale à 5 % du montant des droits à pension qu’il avait acquis à l’âge de 60 ans sans que le total de sa pension puisse excéder 70 % de son dernier traitement de base au sens, selon le cas, du deuxième ou du troisième alinéa de l’article 77 du statut.
[…] »
5 L’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut dispose que le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir cessé ses activités auprès d’une administration, d’une organisation nationale ou internationale, ou après avoir exercé une activité salariée ou non salariée, a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés l’équivalent actuariel ou le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’il a acquis au titre des activités susvisées. Cette même disposition ajoute que, dans ce cas, l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat.
6 Par décision du 13 juillet 1992, le Conseil a fixé les dispositions générales d’exécution de l’article 11, paragraphes 1 et 2, de l’annexe VIII du statut, modifiées ultérieurement par décision du Conseil du 19 décembre 1994 (ci-après les « DGE »).
7 Aux termes de l’article 10, paragraphe 2, des DGE :
« Le nombre d’annuités à prendre en compte est calculé sur la base de la totalité du montant transféré, déduction faite d’un intérêt simple de 3,5 % l’an pour la période allant :
– de la date de titularisation à la date du transfert effectif du montant précité au compte de la Communauté en ce qui concerne le fonctionnaire ou
– de la date de la fin de stage ou, à défaut, de l’entrée en service, à la date du transfert effectif du montant précité au compte de la Communauté en ce qui concerne l’agent temporaire.
L’intérêt visé au premier alinéa n’est pas déduit pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n’a pas été revalorisé ou majoré d’intérêts par la caisse de pensions dont relevait l’intéressé avant l’entrée au service des Communautés. »
8 L’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE (il sera fait référence aux deux formules mentionnées ci-après par la « formule de conversion ») dispose :
« 3. Le nombre d’annuités à prendre en compte est calculé :
– par conversion du montant transféré (M) en rente théorique ® en fonction des valeurs actuarielles (V) prévues à l’article 39 de l’annexe VIII [du statut], selon la formule R = M/V,
– par conversion de cette rente ® en annuités (N) de pension statutaire en fonction du traitement de base annuel (T) correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire ou au grade à la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, à la date d’entrée en service aux Communautés de l’agent temporaire, selon la formule N = Rx100/Tx2.
Toutefois, le nombre d’annuités à prendre en compte ne peut en aucun cas dépasser le nombre d’années durant lesquelles l’intéressé avait été affilié à des régimes non complémentaires avant sa prise de fonctions dans les Communautés.
4. Le montant transféré au compte des Communautés dans une monnaie autre que le franc belge est − pour la détermination du nombre d’annuités − converti en francs belges conformément aux modalités suivantes :
a) […]
b) pour le fonctionnaire titularisé après le 31 décembre 1971, ou l’agent temporaire dont la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, la date d’entrée en service aux Communautés se situe après le 31 décembre 1971, le montant transféré est divisé au prorata des périodes au cours desquelles ont été acquis les droits à pension correspondant à ce montant, à savoir, d’une part, de la durée de la période antérieure au 1er janvier 1972 et, d’autre part, de celle de la période postérieure au 31 décembre 1971.
La partie du montant correspondant à la période antérieure au 1er janvier 1972 est convertie sur la base des parités acceptées par le Fonds monétaire international et qui étaient en vigueur au 31 décembre 1971.
La partie du montant correspondant à la période postérieure au 31 décembre 1971 est convertie sur la base du taux actualisé moyen fixé par la Commission pour la période du 1er janvier 1972 jusqu’à la date de la titularisation du fonctionnaire ou à la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, la date d’entrée en service aux Communautés de l’agent temporaire. » [Ci-après la « variante i) ».]
9 En outre, l’article 10, paragraphe 4, sous b), des DGE précise :
10 « Toutefois, à la demande du fonctionnaire ou de l’agent temporaire, le montant (M) pris en compte pour le calcul est converti sur la base du taux actualisé en vigueur à la date du transfert. Dans ce cas, le traitement (T) et la valeur actuarielle (V) à prendre en compte pour le calcul des annuités sont, respectivement, le traitement correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire ou au grade à la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, à la date d’entrée en service aux Communautés de l’agent temporaire en vigueur à la date du transfert et la valeur actuarielle correspondant à l’âge atteint par le fonctionnaire ou par l’agent temporaire à cette date. » [Ci-après la « variante ii) ».]
11 Aux termes de l’article 31 du statut :
« 1. Les candidats ainsi choisis sont nommés :
– fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique : au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,
– […]
2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes :
a) pour les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3, à raison :
– de la moitié s’il s’agit de postes rendus disponibles,
– des deux tiers s’il s’agit de postes nouvellement créés ;
b) pour les autres grades, à raison :
– d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,
– de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.
– [...] »
12 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 626/95 du Conseil, du 20 mars 1995, instituant, à l’occasion de l’adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes (JO L 66, p. 1), prévoit :
« Jusqu’au 31 décembre 1999, il peut être pourvu à des emplois vacants par la nomination de ressortissants autrichiens, finlandais et suédois, par dérogation à l’article 4, deuxième et troisième alinéas, à l’article 5, paragraphe 3, à l’article 7, paragraphe 1, à l’article 27, troisième alinéa, à l’article 29, paragraphe 1, [sous] a), b) et c), et à l’article 31 du [statut], dans la limite des emplois prévus à cet effet dans le cadre des délibérations budgétaires au sein des institutions compétentes. »
Faits à l’origine du recours
13 Le requérant, de nationalité autrichienne, est entré au service du Conseil le 1er septembre 1996. À cette date, il a été titularisé dans son emploi et classé au grade A 2, échelon 4.
14 Avant d’entrer au service du Conseil, le requérant a travaillé en Autriche pendant 18 ans et 11 mois. Durant cette période, il a cotisé au régime de pensions autrichien.
15 Le 13 avril 1999, le requérant a sollicité, sur la base de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, le transfert, vers le régime de pensions communautaire, du forfait de rachat des droits à pension qu’il avait acquis au titre du régime autrichien.
16 Le 18 mai 2000, la caisse de pensions autrichienne a informé le requérant que le montant du forfait de rachat de ses droits à pension autrichiens avait été fixé provisoirement, en date du 1er mai 2000, à 1 851 458,64 schillings autrichiens (ATS).
17 Le 13 juillet 2000, le service « Pensions » du secrétariat général du Conseil a adressé une note au requérant, à laquelle était jointe une fiche de calcul intitulée « Calcul d’annuités de pension statutaire à prendre en compte selon l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ». Il ressort de cette fiche que les annuités correspondant au montant transférable étaient de trois ans, dix mois et trois jours.
18 Par note du 13 octobre 2000, le requérant a indiqué au service « Pensions » qu’il marquait son « accord de principe » sur le transfert du forfait de rachat de ses droits à pension autrichiens.
19 Le 15 février 2001, la caisse de pensions autrichienne a fixé le montant transférable à 1 905 232,95 ATS. Le 19 mars 2001, elle a augmenté ce montant de 12 255,27 ATS, le portant ainsi à 1 917 488,2 ATS.
20 Par note du 17 avril 2001, reçue par le requérant le 22 avril suivant, ce dernier a été informé que le service « Pensions » avait fixé définitivement ses annuités à trois ans, dix mois et dix jours (ci-après la « décision litigieuse »).
21 Le 17 juillet 2001, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision litigieuse.
22 Le 15 novembre 2001, le Conseil a pris une décision explicite de rejet de la réclamation. Cette décision, notifiée au requérant le 20 novembre 2001, est motivée comme suit :
« [T]ous les moyens que vous invoquez pour attaquer […] la décision [litigieuse] à votre égard reposent sur la prétendue illégalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ainsi que des dispositions de l’article 10, paragraphe 4, et paragraphe 3 des DGE. Or, il y a lieu de rappeler que la disposition de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ainsi que les [DGE] adoptées dans le cadre de l’article 110, premier alinéa, du statut par la décision du Conseil du 13 juillet 1992 représentent des actes ayant une portée générale. La décision [litigieuse] fait application de ces actes à votre situation individuelle sans que l’AIPN dispose d’un pouvoir d’appréciation à cet égard.
Faute de compétence pour juger de la légalité de ces actes de portée générale adoptés par le Conseil, je ne dispose donc d’aucun moyen pour donner droit à votre demande de ne pas appliquer l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut ainsi que les DGE dans votre cas. »
Procédure et conclusions des parties
23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2002, le requérant a introduit le présent recours.
24 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Celles-ci ont répondu à ces questions dans les délais impartis.
25 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 1er juillet 2003.
26 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision litigieuse ;
– pour autant que de besoin, annuler la décision portant rejet explicite de sa réclamation ;
– condamner le Conseil à procéder, sur une base juridique corrigée, à une nouvelle fixation du nombre d’annuités statutaires à prendre en compte pour sa pension communautaire ;
– condamner le Conseil aux dépens.
27 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner chacune des parties à ses propres dépens.
En droit
Observations liminaires
28 Le requérant soulève, en substance, deux moyens à l’appui de son recours. Le premier est tiré de l’illégalité de l’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE et le second de l’illégalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. Il fait valoir que la première disposition est contraire au principe d’égalité de traitement et la seconde au même principe ainsi qu’à celui de la libre circulation des travailleurs.
29 Avant d’examiner le bien-fondé de ces deux moyens, il convient de relever que le système de transfert de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté acquis par un fonctionnaire au titre d’activités professionnelles antérieures à son entrée au service des Communautés, comme le prévoit l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, comporte deux phases principales distinctes.
30 La première phase consiste en l’établissement de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat par l’autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pensions auquel l’intéressé était affilié antérieurement à son entrée au service des Communautés. Le calcul de l’équivalent actuariel a pour fonction de capitaliser la valeur d’une prestation périodique future et éventuelle et résulte donc d’un calcul du capital correspondant à la pension, à laquelle l’intéressé aura droit dans le cadre du régime de pensions national ou international concerné, en y appliquant un intérêt d’escompte, en raison du caractère anticipé du versement par rapport à l’échéance, ainsi qu’un coefficient de réduction proportionné au risque de décès du bénéficiaire avant la date d’échéance et déterminé en fonction de l’âge de l’assuré et des taux de mortalité, les deux éléments étant calculés selon le temps appelé à s’écouler entre le moment de la liquidation de l’équivalent actuariel et celui de l’octroi de la pension. Le calcul du forfait de rachat peut se caractériser dans les régimes d’assurance de caractère contributif par l’addition des cotisations versées par l’assuré et éventuellement de celles versées par son employeur, cotisations auxquelles peuvent être ajoutés des intérêts (arrêt de la Cour du 18 mars 1982, Bodson, 212/81, Rec. p. 1019, points 7 et 8).
31 La seconde phase consiste en la conversion, par l’institution communautaire concernée, du capital correspondant à l’équivalent actuariel ou au forfait de rachat en annuités à prendre en compte dans le régime de pensions communautaire, annuités qui viendront s’ajouter à celles auxquelles le fonctionnaire aura droit en raison de ses activités auprès des Communautés.
32 Il importe de souligner d’emblée que les deux décisions relatives, d’une part, au calcul de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat et, d’autre part, à la conversion de ces actifs en annuités se situent dans des ordres juridiques différents et relèvent chacune de contrôles juridictionnels propres. Ainsi, les modalités de calcul du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat relèvent de la seule compétence de l’autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pensions antérieur de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottilli e.a./Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, Rec. p. 3599, point 19, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 1998, Bang-Hansen/Commission, T-233/97, RecFP p. I-A-625 et II‑1889, point 39). Ce montant fait ensuite l’objet d’une réappréciation par l’institution communautaire concernée, et ce en fonction des règles valables pour le système de pensions communautaire. Dès lors que ces deux opérations reposent sur des données et des facteurs d’appréciation différents en ce qui concerne les antécédents des intéressés, leurs perspectives d’avenir, le niveau des contributions, la nature et le montant des prestations, il est tout à fait possible que la détermination des annuités à prendre en compte pour la pension communautaire aboutisse à un nombre différent de celui des annuités prises en compte par l’autorité nationale ou internationale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 octobre 1983, Celant e.a./Commission, 118/82 à 123/82, Rec. p. 2995, point 28, et arrêt du Tribunal du 10 novembre 1999, Kristensen e.a./Conseil, T-103/98, T-104/98, T-107/98, T‑113/98 et T‑118/98, RecFP p. I-A-215 et II-1111, point 34).
Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE
Arguments des parties
33 Le requérant avance que l’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE viole le principe d’égalité de traitement sous quatre aspects.
34 En premier lieu, il critique le fait que l’article 10, paragraphe 3, second tiret, des DGE « prévoit la prise en compte du grade de titularisation dans la méthode de calcul du nombre d’annuités de la même façon pour tous les fonctionnaires ».
35 Il rappelle que, conformément au régime particulier prévu pour les ressortissants autrichiens, finlandais et suédois par l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 626/95, il a été titularisé au grade A 2, à savoir à un grade supérieur au grade de base de sa catégorie. Il soutient que les fonctionnaires bénéficiant de ce régime particulier sont désavantagés, pour ce qui est du calcul des annuités de pension, par rapport aux autres fonctionnaires du même grade, mais titularisés au grade A 7 conformément à l’article 31, paragraphe 1, du statut, et ayant fait transférer les droits à pension acquis au titre d’un régime national. S’agissant de la première catégorie de fonctionnaires, c’est le traitement correspondant au grade A 2 qui serait pris en considération pour le calcul des annuités, tandis que pour ce qui est de la seconde catégorie de fonctionnaires, il serait tenu compte, pour ce calcul, du traitement correspondant au grade A 7. Or, selon le requérant, « le traitement correspondant au grade du fonctionnaire est pris en considération dans [la formule de conversion] de façon telle que plus le montant du traitement est élevé, plus le nombre des annuités sera réduit ».
36 Le requérant ajoute que cette discrimination est d’autant plus flagrante que, pour pouvoir bénéficier du régime particulier et être recruté au grade A 2, il a dû justifier d’une expérience professionnelle antérieure « sérieuse[,] c’est-à-dire notamment longue » et équivalente à celle d’un fonctionnaire de la catégorie A. Il considère qu’« il est […] singulier que le fait que [sa] carrière […] correspondait à celle d’un fonctionnaire de grade A 2 ait été pris en considération afin qu’il puisse bénéficier du régime [particulier], mais que par contre cet élément n’ait pas été pris en considération pour le calcul de ses annuités de pension [statutaire] ».
37 Le requérant fait également valoir que le Conseil ne saurait tirer argument des prescriptions de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut. En effet, cette disposition laisserait une certaine marge d’appréciation à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et le fait qu’elle mentionne la prise en compte du grade de titularisation n’imposerait pas que « ce grade soit en toute hypothèse celui appliqué à toute situation ou que la conversion de la rente théorique en annuités se fasse ‘en fonction du traitement de base annuel (T) correspondant au grade de titularisation’ ». Il ajoute que le « calcul de la conversion [de ses] droits s’est fondé sur la variante ii), qui [ne] prend en considération ni le traitement de base ni l’âge […] correspondant au grade de titularisation mais celui correspondant au grade et à l’âge du transfert ». Or, le statut ne permettrait pas l’ « existence de deux variantes et en tous cas pas d’une variante qui reposerait sur le grade de transfert ». Le requérant précise que, à supposer que l’AIPN ne dispose d’aucune marge d’appréciation en la matière et que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut impose que le calcul des annuités se fasse en fonction du traitement de base correspondant au grade de titularisation de l’intéressé, c’est cette dernière disposition qui serait illégale.
38 Par ailleurs, le requérant procède à une comparaison entre, d’une part, le montant qui avait été transféré par sa caisse de pensions autrichienne, à savoir 1 917 488,2 ATS ou 5 621 336,8271 francs belges (BEF), et, d’autre part, le montant total des contributions versées par un fonctionnaire recruté au grade A 7 et atteignant le grade A 2, échelon 4, après 18 ans et 11 mois de service, à savoir 3 723 187,4 BEF. Il estime qu’il n’est pas justifié que 18 ans et 11 mois de contributions dans le régime communautaire équivalent à 3 723 187,4 BEF alors que le montant transféré par sa caisse de pensions représente une fois et demie cette somme et ne corresponde, dans le même régime, qu’à 3 ans, 10 mois et 10 jours.
39 Enfin, le requérant estime que la discrimination critiquée ne saurait être objectivement justifiée ni par la nécessité d’assurer à tous les fonctionnaires la prise en compte de leurs droits acquis, quelle que soit la nature du régime au titre duquel ils ont cotisé et quelles que soient les différences entre les régimes en cause, ni par des motifs tirés de l’équilibre budgétaire.
40 En deuxième lieu, le requérant soutient que l’article 10, paragraphe 4, des DGE est illégal en ce qu’il prévoit la conversion en francs belges, pour la détermination du nombre d’annuités, du montant transféré au compte des Communautés dans une monnaie autre que le franc belge. Selon lui, cette conversion « entraîne une différence de traitement entre les fonctionnaires en fonction de la monnaie dans laquelle ils ont acquis leur droit à pension et donc du pays à partir duquel le transfert est effectué ». Plus particulièrement, elle désavantagerait les fonctionnaires ressortissants des pays dits « à monnaie forte », comme l’Autriche.
41 À l’appui de ses affirmations, il fournit un tableau comparant la situation de deux fonctionnaires de grade A 5, l’un ayant cotisé auprès d’une caisse de pensions autrichienne et l’autre auprès d’une caisse de pensions espagnole, étant entendu que, dans le premier cas, le montant transféré a été converti sur la base de la variante ii) alors que, dans le second cas, la conversion a été effectuée sur la base de la variante i). Il ressortirait de ce tableau que, bien que le montant transféré soit presque le même dans les deux cas, « le fonctionnaire qui a cotisé dans un pays dit ‘à monnaie forte’ […] bénéficie d’un nombre d’annuités ne correspondant qu’à une fraction des périodes de cotisation acquises précédemment à son entrée au service des Communautés européennes alors que pour le ressortissant d’un pays dit ‘à monnaie faible’ (en l’espèce, l’Espagne) sont prises en compte toutes les périodes de cotisation acquises avant son entrée au service des Communautés européennes et augmentées même de ‘bonifications’ ».
42 Le requérant procède également à une comparaison du nombre d’annuités obtenu après conversion en francs belges du montant transféré par sa caisse de pensions autrichienne, à savoir 1 917 488,2 ATS, mais exprimé dans différentes monnaies communautaires. La conversion est effectuée sur la base de la variante i) pour une période d’activités antérieures à l’entrée au service des Communautés s’étendant du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1998. Cette comparaison démontrerait que « les périodes de cotisation précédemment accomplies dans des ‘pays à monnaie forte’ avant l’entrée au service des Communautés européennes sont […] réduites dans une proportion qui est sans aucune mesure avec les cotisations effectivement versées et les années d’activités effectivement intervenues ». Elle démontrerait également que, selon la devise dans laquelle le transfert a été effectué, certains fonctionnaires peuvent obtenir une bonification d’annuités cinq fois supérieure à celle afférente au transfert effectué par d’autres fonctionnaires.
43 Le requérant estime que ces «différences» ne sauraient être justifiées ni par un « prétendu objectif de réinstaurer l’égalité là où les variations de valeur des monnaies nationales auraient conduit à une discrimination », ni par la nécessité de maintenir l’équilibre budgétaire. Sur ce dernier point, il relève que la conversion en francs belges du montant transféré dans une autre monnaie peut avoir pour effet un dépassement du plafonnement des annuités à prendre en compte et, dès lors, nécessiter un remboursement de l’excédent pécuniaire à l’intéressé. À cet égard, il donne l’exemple d’un fonctionnaire portugais, dont le montant transférable s’élèverait à 91 095 993,00 escudos portugais (PTE). La conversion de ce montant aboutirait à un nombre d’annuités s’élevant à 74 ans, 5 mois et 16 jours, soit un nombre supérieur au nombre d’années durant lesquelles ce fonctionnaire a été affilié au régime de pensions portugais (21 ans et 17 jours), et, en conséquence, un montant de 65 347 229,8 PTE devrait être remboursé à ce fonctionnaire. La conversion du même montant transférable, exprimé en ATS et « calculé sur la base du taux de change ATS vers BEF », aboutirait à un nombre d’annuités ne s’élevant qu’à 20 ans environ et n’entraînerait donc aucun remboursement.
44 En fait, selon le requérant, les règles appliquées par le Conseil conduisent, dans le cas où la conversion est effectuée sur la base de la variante ii), à faire supporter par le fonctionnaire la charge de la variation des taux de change pour la période antérieure à l’entrée dans le régime communautaire et pour la période allant de la date de titularisation jusqu’à celle du transfert effectif. Il souligne que ces règles ont été établies à une époque où les taux de change étaient relativement stables. Par ailleurs, il fait remarquer que, dans le cas où la conversion est effectuée sur la base de la variante i), la charge de la variation des taux de change est supportée par le budget communautaire pour la période s’étendant entre la date de titularisation et celle du transfert effectif.
45 Enfin, le requérant avance que la conversion en francs belges est d’autant moins compréhensible que, depuis le 1er janvier 1999, les taux de conversion des monnaies nationales par rapport à l’euro sont irrévocablement fixés.
46 En troisième lieu, le requérant critique le fait que l’article 10, paragraphe 3, des DGE prévoit, pour le calcul des annuités, l’application de valeurs actuarielles, fixées dans le tableau figurant à l’annexe II des DGE et variant selon le sexe et l’âge de l’intéressé, en ce sens notamment qu’elles augmentent en fonction de l’âge. Or, plus le montant de la valeur actuarielle est élevé, plus le nombre des annuités serait réduit. Selon le requérant, cette situation crée une discrimination en fonction de l’âge non objectivement justifiée et disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.
47 Le requérant estime que les paramètres de l’âge et du sexe ne sauraient être justifiés par la nécessité de tenir compte du facteur de l’espérance de vie dans le calcul des annuités. En effet, ce facteur serait déjà pris en considération par l’organisme assureur national lorsqu’il détermine le montant transférable. Par ailleurs, l’équilibre budgétaire et financier du régime de pensions communautaire étant déjà garanti par l’évaluation actuarielle prévue à l’article 83, paragraphe 4, du statut, il ne saurait être question d’une « deuxième évaluation actuarielle des montants [transférables] ». Le requérant ajoute que, en appliquant des critères actuariels au montant transféré, le Conseil lui a imposé une charge qui dépasse celle supportée par les fonctionnaires qui ont contribué « directement » au régime communautaire pour une période de service équivalente, la « contribution individuelle » de ces derniers n’étant pas soumise une seconde fois à de tels critères.
48 En quatrième lieu, le requérant relève que la formule de conversion intègre notamment les paramètres de l’âge et du traitement de l’intéressé. Il critique le fait que, à l’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE, ces paramètres soient pris en considération par référence à des dates différentes, suivant que le montant transféré est converti en francs belges sur la base de la variante i) ou de la variante ii). Il serait, en effet, tenu compte, dans le premier cas, de la date de titularisation du fonctionnaire et, dans le second, de la date du transfert effectif du montant concerné. Or, à cette dernière date, le fonctionnaire serait plus âgé et bénéficierait d’un traitement plus élevé qu’à la date de sa titularisation (à la suite de promotions ou d’avancements dans les échelons), ce qui aboutirait à une réduction du nombre de ses annuités. Il explique, à cet égard, que les variables « V » et « T » de la formule de conversion sont, par nature, toujours plus élevées dans le second cas que dans le premier, alors que la variable « M » et la constante « 100 » sont les mêmes dans les deux cas. Selon le requérant, rien ne justifie objectivement l’application de ces deux dates différentes et rien, dans les DGE, ne permet de comprendre les raisons d’une telle différenciation.
49 Le Conseil conteste que l’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE viole le principe d’égalité de traitement.
50 En premier lieu, s’agissant des critiques du requérant relatives à la prise en compte du grade de titularisation, le Conseil considère qu’elles ne sont pas « juridiquement admissible[s] », celui-ci ne pouvant « se placer dans la situation d’un fonctionnaire recruté au grade A 7 puisqu’il a été de fait recruté au grade A 2 ».
51 Le Conseil fait également remarquer que cette prise en compte est prévue par l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et que, partant, les DGE sont conformes au statut.
52 Par ailleurs, il estime qu’« il n’est pas anormal que la formule de [conversion] ait pour résultat, pour un montant transféré identique entre deux fonctionnaires en provenance de la même caisse au même moment, [d’]octroyer un nombre d’annuités bonifiées moins élevé au fonctionnaire qui a été titularisé au grade plus élevé, puisque la pension communautaire est fondée sur le traitement communautaire perçu par le fonctionnaire en fin de carrière ». Il précise, à cet égard, que l’application du régime particulier est favorable au requérant, « puisque ses chances d’arriver en fin de carrière [au] grade terminal le plus élevé, déterminant pour le niveau de sa pension, sont objectivement supérieures en ayant été recruté au grade A 2 plutôt qu’au grade A 7 » et estime que le requérant ne présente aucun argument sérieux en sens contraire. Il soutient que le montant de 3 723 187,4 BEF indiqué par le requérant dans son tableau comparatif doit être écarté, au motif qu’il résulte de l’addition de cotisations annuelles reconstituées fictivement mais non actualisées. Le Conseil ajoute que l’article 31, paragraphe 2, du statut permet à l’AIPN de nommer un fonctionnaire nouvellement recruté au grade supérieur des carrières de base et des carrières intermédiaires. Il fait valoir que le législateur communautaire n’était pas tenu de d’effectuer une compensation en faveur des fonctionnaires recrutés au grade A 2 en vertu du régime particulier en permettant que leurs annuités soient calculées « comme s’ils avaient été recrutés au grade A 7 » puisqu’il n’a pas prévu une telle « compensation » pour les fonctionnaires nommés au grade supérieur en application de l’article 31, paragraphe 2, du statut. Enfin, le Conseil souligne que la formule de conversion est invariable, quels que soient le grade et la nationalité de l’intéressé, et que si le « mécanisme » avait pris en compte un « grade unique indépendant du fonctionnaire concerné » il aurait été par principe discriminatoire et non justifié.
53 En deuxième lieu, le Conseil soutient que les critiques du requérant relatives à la conversion en francs belges du montant transféré au compte des Communautés dans une autre monnaie sont non fondées. Premièrement, il fait observer que le requérant ne se place pas sur le terrain de la discrimination en fonction de la nationalité. La prise en compte du taux de change d’une monnaie ne viserait qu’à « neutraliser les variations de valeur dans le temps entre deux monnaies » et ne saurait avoir pour but ou pour effet de discriminer les ressortissants d’un État membre par rapport à ceux d’un autre. Deuxièmement, le Conseil admet que les calculs auraient dû être communiqués au requérant en euros mais relève qu’il ne s’agit là que d’une question de présentation, la conversion se faisant d’ailleurs actuellement directement en euros. La présentation des calculs, qu’elle soit effectuée directement en euros ou d’abord en francs belges, n’influencerait nullement la bonification d’annuités. Troisièmement, le Conseil estime que les tableaux comparatifs fournis par le requérant doivent être écartés dès lors que, d’une part, ils ne sont pas susceptibles de contrôle puisqu’ils sont « fictifs » et, d’autre part, ils montrent seulement que la valeur du shilling autrichien par rapport à celle des autres monnaies européennes a évolué dans le temps avant l’introduction de l’euro.
54 Le Conseil ajoute que les éventuelles « distorsions » qui résulteraient des opérations de conversion en francs belges seraient en tout état de cause justifiées « par l’exigence de traduire en euros d’aujourd’hui des cotisations nationales réglées dans une devise nationale dans le passé ».
55 En troisième lieu, le Conseil affirme que les « équivalents actuariels » prévus par le législateur communautaire sont objectivement justifiés pour garantir l’équilibre du régime communautaire (arrêt Kristensen e.a./Conseil, précité, point 34). Il explique que « les équivalents actuariels de l’article 10, paragraphe 3, des DGE sont pris en application de ceux demandés par l’article 11 de l’annexe VIII du statut et représentent les valeurs actuarielles des avantages octroyés par le système ». Selon le Conseil, « [l]orsque le fonctionnaire entre dans le système communautaire et apporte un actif résultant des cotisations effectivement versées à la caisse dont il relevait, il obtient en échange un droit de tirage sur un avantage futur du système communautaire » et « [ce système] valorise cet apport en prenant en considération la durée qui sépare l’entrée du fonctionnaire dans le système de la date de prise du bénéfice (retraite) et la probabilité de la prise de bénéfice de cet avantage ». Dans ces circonstances, il serait clair que, pour garantir tant les droits acquis du fonctionnaire au titre du régime national antérieur que l’équilibre du système communautaire, « l’âge du fonctionnaire à l’entrée, son sexe et le niveau de la prise de bénéfice » doivent être pris en considération.
56 Selon le Conseil, il est justifié que les valeurs actuarielles diffèrent selon le sexe et l’âge de l’intéressé, puisque, « pour déterminer aujourd’hui la valeur de la pension qui sera probablement payée dans le futur, il faut […] tenir compte aujourd’hui de la durée pendant laquelle cette pension sera payée, durée statistiquement différente selon les hommes et les femmes, et tenir compte du facteur ‘avancement’ dans la carrière et de la probabilité de paiement de cette pension, puisque le fonctionnaire peut décéder avant d’avoir atteint l’âge de 60 ans ».
57 Le Conseil ajoute que l’existence de valeurs actuarielles différenciées selon le sexe et l’âge n’est pas non plus contraire au principe d’égalité de traitement. En effet, ce principe, s’il exige que des agents placés dans des situations identiques soient régis par les mêmes règles, n’interdirait toutefois pas au législateur communautaire de tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles les intéressés se trouvent.
58 Quant à l’argument du requérant tiré de ce que l’espérance de vie a déjà été prise en considération par l’organisme assureur national, le Conseil estime qu’il est non fondé dès lors que les modalités de calcul du montant transféré relèvent de la seule compétence de l’autorité nationale qui administre le régime de pensions auquel l’intéressé était affilié antérieurement à son entrée en service auprès des Communautés (arrêt Bonazzi-Bertottilli e.a./Commission, précité).
59 En quatrième lieu, le Conseil avance que l’argument du requérant tiré de ce que l’article 10, paragraphes 3 et 4, envisage deux dates différentes pour la prise en considération des paramètres de l’âge et du traitement est non fondé. Il expose que le nombre d’annuités peut être calculé selon deux méthodes différentes, la première étant prévue à l’article 10, paragraphes 2 et 3, des DGE et la seconde à l’article 10, paragraphe 4, dernier alinéa, des DGE. Il fait valoir que chacune de ces méthodes « vise à arrêter les calculs à une date déterminée et tire les conséquences des valeurs à cette date ». Il estime qu’« [i]l est normal de se placer à la même date au sein de chacune des deux [méthodes] » et qu’il est « abusif de tirer argument des différences entre [celles-ci] pour tenter de faire croire à une inégalité de traitement entre personnes placées dans la même situation ».
Appréciation du Tribunal
60 S’agissant, en premier lieu, des critiques du requérant relatives au fait que, dans la formule de conversion, le grade de titularisation est pris en considération de la même manière pour les fonctionnaires qui sont recrutés au grade de base de leur catégorie que pour ceux qui le sont à un grade supérieur, il convient de considérer qu’elles ne sont pas fondées et qu’elles ne démontrent nullement une quelconque violation du principe d’égalité de traitement.
61 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’annexe VIII du statut dispose que « l’institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu’elle prend en compte d’après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat ». C’est ainsi qu’il a été jugé que, pour un fonctionnaire qui demande le transfert de ses droits à pension nationaux vers le régime communautaire, c’est le grade de titularisation, à savoir le grade attribué à la date de la titularisation, qui doit être pris en compte pour le calcul de la bonification d’annuités (arrêt du Tribunal du 13 juin 2002, Youssouroum/Conseil, T-106/01, RecFP p. I-A-93 et II‑435, point 34, et la jurisprudence citée).
62 Dès lors que les DGE portent exécution, notamment, de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, elles doivent, dans le système de calcul de la bonification d’annuités qu’elles instituent, nécessairement tenir compte du grade attribué à la date de la titularisation.
63 Le statut, y compris son annexe VIII, ne contient aucune disposition régissant spécifiquement, pour ce qui concerne le transfert de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension acquis avant l’entrée au service des Communautés, la situation d’un nouveau fonctionnaire recruté au grade supérieur de sa catégorie. En l’absence d’une telle disposition spécifique, le transfert de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension de ce fonctionnaire est, comme pour tout autre fonctionnaire, régi par les dispositions de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut et de l’article 10, paragraphe 3, des DGE, selon lesquelles la bonification d’annuités est calculée en fonction du grade de titularisation du fonctionnaire (voir, par analogie, arrêt Youssouroum/Conseil, précité, point 41).
64 Certes, ainsi que le relève le requérant, l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’impose pas que la conversion de la rente théorique en annuités de pension soit réalisée en fonction du « traitement de base annuel » correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire. Toutefois, le fait, pour les DGE, d’avoir retenu, dans la formule de conversion, le critère du traitement de base de l’intéressé pour mettre en œuvre l’obligation de tenir compte du grade de titularisation de celui-ci ne saurait nullement être critiqué. Ce critère, outre qu’il présente l’avantage d’être parfaitement objectif, est particulièrement approprié dans le contexte du transfert des droits à pension dès lors que, dans le régime de pensions communautaire, c’est précisément le traitement des intéressés qui sert tant d’assiette pour la fixation de leurs contributions que de base de calcul pour les prestations leur revenant.
65 Certes également, l’application de la formule de conversion a pour conséquence que plus le traitement de base est élevé, plus la bonification d’annuités est réduite. En d’autres termes, ainsi que le relève à juste titre le requérant, un fonctionnaire nouvellement recruté et classé au grade A 2 qui fait procéder au transfert de l’équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension qu’il a antérieurement acquis bénéficiera d’une bonification d’annuités moins importante qu’un fonctionnaire nouvellement recruté et classé au grade A 7.
66 Il ne saurait toutefois en être déduit l’existence d’un traitement discriminatoire, dès lors que ces deux fonctionnaires se trouvent dans des situations différentes. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, une discrimination ne peut consister que dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou dans l’application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêts de la Cour du 23 février 1983, Wagner, 8/82, Rec. p. 371, point 18 ; du 13 novembre 1984, Racke, 283/83, Rec. p. 3791, point 7, et du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland, C-311/97, Rec. p. I-2651, point 26).
67 En outre, il convient de relever qu’un nouveau fonctionnaire recruté au grade A 2 a la garantie que, même s’il ne fait l’objet d’aucune promotion avant d’atteindre l’âge de la retraite, il bénéficiera normalement d’une pension d’ancienneté fondée à tout le moins sur son traitement afférent à ce grade. Un nouveau fonctionnaire recruté au grade A 7 n’a, en revanche, que la garantie de se voir verser une pension d’ancienneté calculée sur son traitement afférent à ce grade.
68 L’argumentation du requérant omet, par ailleurs,de tenir compte du fait que la pension d’ancienneté communautaire est calculée sur la base du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an. Or, il est évident qu’un fonctionnaire qui est classé au grade A 2 dès son recrutement aura plus de chances de terminer sa carrière à un grade plus élevé qu’un fonctionnaire titularisé au grade A 7 et, par voie de conséquence, d’obtenir un traitement et des droits à pension plus importants que ce dernier.
69 S’agissant de la comparaison que le requérant effectue entre, d’une part, le montant transféré par sa caisse de pensions autrichienne et, d’autre part, le montant total des contributions versées par un fonctionnaire recruté au grade A 7 et atteignant le grade A 2, échelon 4, après 18 ans et 11 mois de service (voir point 38 ci-dessus), celle-ci est dénuée de toute pertinence. Les cotisations versées au titre du régime de pensions autrichien et les contributions effectuées au titre du régime de pensions communautaire ne sont, en effet, pas comparables entre elles, notamment en ce qu’elles ne sont pas fixées de la même manière et qu’elles ne donnent pas droit aux mêmes prestations.
70 Il convient de relever, en outre, que, alors que, pour ce qui est du montant transféré par sa caisse de pensions autrichienne, le requérant additionne les cotisations versées par lui-même et par son ancien employeur, dans l’exemple théorique du fonctionnaire qu’il invoque, il ne tient compte que de la seule contribution de ce dernier. Or, ainsi qu’il ressort de l’article 83, paragraphe 2, du statut, les fonctionnaires ne contribuent que pour un tiers au régime de pensions communautaire.
71 Quant à l’argument que le requérant tire du fait que la variante ii) se fonde sur le « grade de transfert » (voir point 37 ci-dessus), celui-ci repose sur une lecture erronée de l’article 10, paragraphe 4, sous b), des DGE. Le passage de cette disposition selon lequel « le traitement (T) […] à prendre en compte pour le calcul des annuités [est] le traitement correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire […] en vigueur à la date du transfert » doit se comprendre comme se référant au traitement correspondant au grade de titularisation, comme actualisé à la date du transfert effectif du montant en cause par la caisse de pensions nationale, et non, comme l’avance le requérant dans ses écritures, le traitement correspondant au grade de l’intéressé à la date de ce transfert. Lors de l’audience, le requérant a d’ailleurs « pris note » de la lecture correcte qui devait ainsi être faite de ce passage.
72 Enfin, pour ce qui est de l’illégalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, que le requérant invoque à titre subsidiaire dans le cadre de ce premier moyen (voir point 37 ci-dessus), il suffit de constater que ce dernier ne fait valoir à son appui aucun argument autre que ceux qui ont été examinés ci-dessus et qui ont été rejetés comme non fondés. Cette exception d’illégalité soulevée à titre subsidiaire doit donc être rejetée.
73 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier grief que le requérant invoque à l’appui du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
74 S’agissant, en deuxième lieu, des critiques que le requérant formule à l’encontre du fait que l’article 10, paragraphe 4, des DGE prévoit la conversion en francs belges, pour la détermination du nombre d’annuités, du montant transféré au compte des Communautés dans une monnaie autre que le franc belge, celles-ci sont également non fondées et ne démontrent nullement une quelconque violation du principe d’égalité de traitement.
75 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, jusqu’au 1er janvier 1999, les rémunérations, pensions et autres droits pécuniaires des fonctionnaires et agents étaient exprimés en francs belges et que, depuis cette date, ils le sont en euros. Lorsque, comme en l’espèce, le montant représentatif des droits à pension nationaux est transféré au compte des Communautés dans une autre monnaie, il est nécessaire de le convertir dans la monnaie utilisée dans le système communautaire, et ce, comme avancé à juste titre par le Conseil, afin de neutraliser les variations de valeur dans le temps entre ces deux monnaies. Certes, dans le cas présent, le forfait de rachat des droits à pension autrichiens du requérant a été converti en francs belges, et non en euros, alors que celui-ci avait présenté sa demande de transfert après le 1er janvier 1999. Toutefois, cette circonstance a été sans conséquence sur le calcul de sa bonification d’annuités, puisque, depuis le 1er janvier 1999, les taux de conversion entre l’euro et les monnaies des États membres ayant adopté l’euro, dont la Belgique, sont irrévocablement fixés.
76 Il ressort des écritures du requérant, ainsi que des explications qu’il a données lors de l’audience, que celui-ci ne conteste pas tant la nécessité de convertir en francs belges ou en euros le montant transféré par la caisse de pensions nationale dans une autre monnaie que les conséquences, en termes de nombre d’annuités, que cette conversion emporte suivant qu’il est fait usage, à cette fin, de la variante i) ou de la variante ii). Son argumentation consiste à soutenir que, lorsque le transfert est effectué à partir de la caisse de pensions d’un pays dit « à monnaie faible », comme l’Espagne, la Grèce ou le Portugal, la première variante est automatiquement appliquée, tandis que lorsqu’il intervient au départ d’une caisse de pensions d’un pays dit « à monnaie forte », comme l’Autriche, la seconde variante est automatiquement utilisée. Cela aurait pour résultat que, pour un même montant transféré, la bonification d’annuités de pension est sensiblement plus élevée dans le premier cas que dans le second.
77 Cette argumentation ne saurait être accueillie.
78 En effet, d’une part, les comparaisons auxquelles le requérant procède pour tenter de démontrer le bien-fondé de ses allégations ne sont nullement concluantes. Ainsi, dans le premier tableau qu’il fournit (voir point 41 ci-dessus), il compare la situation de deux fonctionnaires de grade A 5, mais dont le sexe, l’âge et le classement en échelon lors du recrutement sont différents, alors que ces éléments entrent en ligne de compte dans le calcul de la bonification d’annuités. En outre, ainsi que le relève à juste titre le Conseil dans sa réponse à l’une des questions écrites posées par le Tribunal, il n’est nullement établi que le requérant se soit placé à la même date pour effectuer les calculs contenus dans ce tableau. Les autres comparaisons réalisées par ce dernier (voir point 42 ci-dessus) ne sont pas davantage acceptables en ce qu’elles reposent sur des prémisses incorrectes. Ainsi, les calculs qu’il avance sont faussés par le fait qu’il applique la variante i) à des montants exprimés dans différentes monnaies nationales et obtenus en convertissant un même montant transféré exprimé en schillings autrichiens sur la base de « taux actuel[s] » correspondant apparemment aux taux de conversion entre l’euro et ces monnaies nationales applicables depuis le 1er janvier 1999. Or, il est évident que, au cours de la période de 27 ans d’activités antérieures à l’entrée au service des Communautés invoquée par le requérant, des modifications, parfois importantes, sont intervenues dans les cours de ces différentes monnaies nationales. Il y a lieu de remarquer en outre que, pour son exemple d’application de la variante i) au montant exprimé en francs belges, le requérant ne procède pas au préalable à une conversion sur la base du « taux actuel » et que, pour son exemple d’application de cette variante au montant exprimé en drachmes grecques, il semble utiliser le taux de conversion entre l’euro et la drachme grecque applicable depuis le 1er janvier 2001. Par ailleurs, dans le cas des montants convertis en drachmes grecques, en pesetas espagnoles et en escudos portugais, il semble effectuer ses calculs à la date du 1er janvier 1999.
79 D’autre part, il ressort des explications fournies par le Conseil que le fait que l’application de la variante i) à un montant transféré au départ d’une caisse de pensions d’un pays dit « à monnaie faible » peut être plus avantageuse que l’application de la variante ii) à un montant transféré au départ d’une caisse de pensions d’un pays dit « à monnaie forte » est la conséquence non des règles communautaires, mais de la fluctuation des différentes monnaies nationales, soit de circonstances extérieures à l’action des Communautés. Il y a lieu de faire remarquer, ainsi, que la peseta espagnole et l’escudo portugais, utilisés par le requérant dans ses exemples comparatifs, ont subi plusieurs dévaluations au cours des années 90.
80 Le second grief que le requérant invoque à l’appui de son premier moyen doit donc également être rejeté comme non fondé.
81 Concernant, en troisième lieu, les critiques du requérant tirées de la prise en compte de valeurs actuarielles dans la formule de conversion, celles-ci ne sont pas fondées non plus.
82 S’agissant, tout d’abord, du fait, à le supposer établi, que la caisse de pensions nationale utilise déjà, dans l’évaluation du montant à transférer, des facteurs actuariels fondés sur l’espérance de vie, celui-ci est dépourvu de toute pertinence. En effet, ainsi qu’il a déjà été exposé aux points 29 à 32 ci-dessus, les modalités de calcul de ce montant relèvent de la seule compétence de l’autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pensions auquel l’intéressé a été affilié antérieurement à son entrée en service auprès des Communautés. Une fois que ledit montant a été fixé, il appartient, conformément à l’article 11, paragraphe 2, second alinéa, de l’annexe VIII du statut, à l’institution communautaire concernée de le réapprécier en fonction des règles valables pour le système de pensions de la Communauté, lesquelles peuvent, en toute hypothèse, prévoir l’utilisation de facteurs actuariels.
83 Ensuite, le requérant ne saurait utilement tirer argument de ce que, dans le régime de pensions communautaire, aucune distinction selon l’âge et le sexe n’est faite en ce qui concerne les contributions des fonctionnaires.
84 Premièrement, il compare, de la sorte, deux catégories de fonctionnaires se trouvant dans des situations différentes, à savoir, d’une part, les fonctionnaires qui font verser aux Communautés l’équivalent actuariel ou le forfait de rachat des droits à pension d’ancienneté qu’ils ont acquis au titre d’activités antérieures à leur entrée au service des Communautés et, d’autre part, ceux qui contribuent au régime de pensions communautaire du fait de leurs activités auprès d’une institution communautaire.
85 Deuxièmement, et en tout état de cause, l’utilisation de facteurs différenciés selon le sexe et l’âge aux fins du calcul des bonifications d’annuités est objectivement justifiée par la nécessité de garantir une saine gestion financière du régime de pensions communautaire. En effet, lorsque, en application de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, un fonctionnaire fait transférer au budget communautaire, sous forme d’équivalent actuariel ou de forfait de rachat, un capital représentatif des droits à pension qu’il a acquis avant son entrée au service des Communautés, il obtient en échange un droit à des prestations futures au titre du régime de pensions communautaire, droit représenté par des annuités bonifiées et dont l’étendue est fonction du nombre de ces annuités qui lui est accordé. Pour déterminer la valeur actuelle de ce droit, l’institution communautaire concernée doit tenir compte d’une série d’éléments, dont la durée probable pendant laquelle le capital apporté par l’intéressé se trouvera dans le budget communautaire, l’avancement anticipé de sa carrière, la probabilité que ces prestations lui seront versées et la durée probable pendant laquelle ces versements interviendront. Or, il est évident que ces éléments dépendent notamment du sexe et de l’âge de l’intéressé à son entrée dans le système de pensions communautaire. Ainsi, d’une part, il est un fait acquis que, statistiquement, les femmes ont une durée de vie plus longue que les hommes. D’autre part, la probabilité pour qu’une personne, qui entre au service de la Communauté à un âge éloigné de l’âge de la retraite, décède avant d’avoir atteint cet âge est plus importante que la probabilité de même nature se rapportant à une personne recrutée à un âge voisin de celui auquel elle sera en droit de faire valoir ses droits à pension. En outre, cette personne laissera plus longtemps à la disposition du budget communautaire le capital qu’elle a apporté qu’un fonctionnaire plus proche de l’âge de la retraite. En d’autres termes, des facteurs tels que la durée du service entre la date du recrutement de l’intéressé et son départ à la retraite ainsi que la durée probable, déterminée sur la base de données statistiques, pendant laquelle il bénéficiera de la pension d’ancienneté communautaire influent directement sur la responsabilité financière de la Communauté envers chaque fonctionnaire individuellement concerné, et une saine gestion financière du système de pensions communautaire nécessite que ces facteurs soient pris en compte et correctement évalués. C’est donc à bon droit que le Conseil tient compte, dans la formule de conversion, de facteurs actuariels liés à l’âge et au sexe de l’intéressé.
86 Enfin, l’argument du requérant selon lequel, l’article 83, paragraphe 4, du statut prévoyant déjà la possibilité d’une évaluation actuarielle du régime de pensions communautaire, il ne saurait être question d’une deuxième évaluation actuarielle des montants à transférer ne saurait être retenu. Il s’agit, en effet, de deux opérations totalement distinctes et qui poursuivent des objectifs différents. Ainsi, l’évaluation actuarielle prévue par cette disposition concerne le régime de pensions communautaire dans son ensemble et vise à vérifier si le montant de la contribution des fonctionnaires est suffisant pour assurer le financement du tiers des prestations prévues au régime de pensions. La seconde opération a pour but, ainsi qu’il a été précisé au point précédent, d’établir la valeur, en termes de droit à des prestations futures, du capital transféré au compte des Communautés dans le cas de chaque fonctionnaire individuellement concerné.
87 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter comme non fondé le troisième grief soulevé par le requérant à l’appui de son premier moyen.
88 Le quatrième grief que le requérant invoque à l’appui de ce premier moyen doit également être rejeté comme non fondé.
89 Tout d’abord, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 71 ci-dessus, l’allégation du requérant selon laquelle la variante ii) se fonde sur le traitement correspondant au grade de l’intéressé à la date du transfert effectif du montant concerné par la caisse de pensions nationale repose sur une lecture erronée de l’article 10, paragraphe 4, sous b), des DGE. Le traitement pris en considération dans ce contexte est, en effet, celui correspondant au grade de titularisation, comme il a été actualisé à la date de ce transfert effectif.
90 Il convient de constater, ensuite, que, puisque la variante ii) prévoit la conversion, en francs belges, du montant transféré sur la base du taux actualisé en vigueur à la date du transfert, il est logique que ce soit cette même date qui serve de référence pour les autres paramètres de la formule de conversion, à savoir ceux du traitement correspondant au grade de titularisation et de l’âge de l’intéressé. Lorsque cette variante n’est pas appliquée, ces différents paramètres sont, eux aussi, pris en considération par rapport à une même date, à savoir celle de la titularisation.
91 Enfin, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend le requérant, la valeur « M » de la formule de conversion n’est pas strictement identique selon qu’il est fait application ou non de la variante ii). Dans la seconde hypothèse, « M » correspond au montant transféré par la caisse de pensions nationale, diminué d’un intérêt de 3,5 % l’an pour la période allant de la date de titularisation à la date du transfert effectif de ce montant au compte des Communautés, étant entendu que cet intérêt n’est pas déduit « pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n’a pas été revalorisé ou majoré d’intérêts par la caisse de pensions [nationale] » (article 10, paragraphe 2, des DGE). Dans la première hypothèse, en revanche, « M » représente le montant total transféré, c’est-à-dire non diminué d’un intérêt de 3,5 % l’an.
92 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.
Sur le second moyen, tiré de l’illégalité de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut
Arguments des parties
93 Le requérant soutient que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut viole les principes d’égalité de traitement et de la libre circulation des travailleurs.
94 Il avance que le « système de transfert lui-même » mis en place par cette disposition a pour conséquence que « les fonctionnaires commençant leur carrière plus tard aux Communautés européennes se verront défavorisés quant à leurs droits à pension par rapport aux fonctionnaires ayant commencé leur carrière plus tôt alors qu’ils auront travaillé à la fin de leur carrière environ le même nombre d’années ».
95 Le requérant affirme qu’une telle différenciation est manifestement arbitraire et inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir assurer le passage d’un régime de pensions national au régime de pensions communautaire « avec une pleine prise en considération des périodes accomplies avant l’entrée au service des [Communautés] ». Plus particulièrement, il estime qu’il n’est pas normal que, alors qu’il a cotisé pendant près de 19 ans au régime de pensions autrichien, ses annuités soient limitées à 3 ans environ. Il indique que, lorsqu’il aura atteint l’âge de la retraite, il ne bénéficiera que d’une pension communautaire réduite, inférieure à celle d’une retraite anticipée à 50 ans, et que, même en travaillant jusqu’à l’âge de 65 ans, il ne pourra obtenir une pension complète.
96 Le requérant ajoute que le système de transfert des droits à pension est « en contradiction avec la logique même du système de pensions communautaire ». En effet, dans le cadre de ce dernier système, il n’y aurait pas de corrélation entre le montant des cotisations, d’une part, et le montant de la pension, d’autre part.
97 Enfin, le requérant soutient que le système de transfert des droits à pension, et plus particulièrement « la non-garantie de la totalisation de toutes les périodes de cotisation prises en considération par les législations nationales », constitue un obstacle majeur à la libre circulation des travailleurs. Ceux-ci seraient, en effet, dissuadés d’entrer au service des Communautés et, d’une façon générale, de chercher un travail dans un autre État membre du fait de la « perte dans une telle proportion » des droits à pension acquis antérieurement.
98 Le Conseil conteste l’allégation du requérant selon laquelle l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut viole les principes d’égalité de traitement et de la libre circulation des travailleurs.
99 Il affirme que cette allégation repose sur la prémisse erronée selon laquelle le traité impose une harmonisation des régimes de sécurité sociale et selon laquelle « la valorisation des avantages par année de cotisation dans un régime donne nécessairement la même valorisation pour les mêmes avantages par année de cotisation dans un autre régime ». Il expose que, les régimes nationaux étant différents en ce qui concerne les cotisations et les avantages, ce sont les périodes de cotisation accomplies au titre de ces régimes qui doivent être prises en considération aux fins du transfert des droits à pension vers le régime communautaire. Il ajoute que le requérant n’a pas démontré que « toutes les périodes de cotisation accomplies dans son régime d’origine n’[avaient] pas été prises en compte dans le régime communautaire ». Plus particulièrement, il n’aurait pas démontré que « sa caisse d’origine, dans le calcul de la valeur monétaire de ses 227 mois de cotisations, n’avait pas retenu la totalité des 227 mois de cotisations [ni] que la valeur monétaire de la pension qu’il percevra au titre du régime communautaire au grade terminal de sa carrière ne tiendra pas compte de ces 227 mois de cotisations ».
Appréciation du Tribunal
100 Les arguments du requérant tendant à démontrer que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’est pas compatible avec les principes d’égalité de traitement et de la libre circulation des travailleurs ne sauraient être accueillis.
101 En premier lieu, son allégation selon laquelle le système mis en place par cette disposition a pour conséquence de défavoriser les fonctionnaires qui commencent leur carrière plus tard au service des Communautés par rapport à ceux qui la commencent plus tôt est dénuée de tout fondement.
102 Tout d’abord, le requérant ne démontre nullement que l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut, tel qu’il est mis en œuvre par le Conseil, ne permet pas que les droits qu’il a acquis au titre de ses activités professionnelles antérieures à son entrée au service des Communautés puissent être conservés à son profit et être pris en compte par le régime de pensions communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 octobre 1981, Commission/Belgique, 137/80, Rec. p. 2393, point 12).
103 À cet égard, il convient de rappeler que, pour les motifs exposés aux points 29 à 32 ci-dessus, il n’apparaît pas anormal que la détermination des annuités à prendre en compte pour la pension communautaire aboutisse à un nombre différent de celui des annuités prises en compte par l’autorité nationale ou internationale. Comme ces annuités n’ont une signification que par rapport aux prestations auxquelles elles donnent droit dans le cadre des différents régimes, national (ou international) et communautaire, elles ne sont pas comparables entre elles (arrêt Celant e.a./Commission, précité, point 28).
104 Par ailleurs, il y a lieu de relever que le requérant admet qu’il a librement choisi de transférer, vers le régime communautaire, le forfait de rachat des droits à pension qu’il avait acquis en Autriche. Ce transfert a constitué, pour le requérant, une option qu’il a librement exercée. Il avait la possibilité d’apprécier les avantages et les inconvénients de son choix et de prendre une décision conforme à ses intérêts.
105 Pour le surplus, il convient de constater que les griefs du requérant se confondent avec ceux qu’il a avancés dans le cadre de son premier moyen et doivent être rejetés pour les mêmes raisons.
106 Il y a donc lieu de conclure que le requérant ne démontre nullement avoir subi un traitement discriminatoire du fait de l’application de l’article 11, paragraphe 2, du statut.
107 En second lieu, pour les mêmes motifs, il ne saurait être prétendu que cette disposition porte atteinte à la libre circulation des travailleurs. Au contraire, elle facilite le plein exercice de cette liberté fondamentale, notamment en permettant à une personne établie dans un État membre d’accepter un emploi dans une institution communautaire située sur le territoire d’un autre État membre sans perdre les droits à pension qu’elle a acquis au titre d’activités professionnelles antérieures.
108 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’aucun élément de nature à affecter la légalité de l’article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE et de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut n’a été apporté par le requérant. En conséquence, le recours doit être rejeté.
Sur les dépens
109 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.
García-Valdecasas |
Lindh |
Cooke |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mars 2004.
Le greffier |
Le président |
H. Jung |
P. Lindh |
* Langue de procédure: le français.