Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Exception d’illégalité — Portée — Actes dont l’illégalité peut être excipée — Lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence — Inclusion

(Art. 241 CE ; communication de la Commission 98/C 9/03)

2. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Lignes directrices arrêtées par la Commission — Possibilité de prendre en considération la situation particulière des petites et moyennes entreprises

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03)

3. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité et durée des infractions — Distinction

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03)

4. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l’infraction — Entente horizontale en matière de prix, de quotas et d’attribution des clients — Infraction très grave — Circonstances n’excluant pas cette qualification

(Art. 81, § 1, CE ; communication de la Commission 98/C 9/03)

5. Concurrence — Ententes — Délimitation du marché — Objet — Détermination de l’affectation du commerce entre États membres

(Art. 81 CE)

6. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité des infractions — Prise en compte des effets de l’ensemble de l’infraction — Appréciation de l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes au niveau de chaque participante prise individuellement

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

7. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité des infractions — Circonstances atténuantes — Mauvaise santé financière du secteur en cause — Exclusion

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

8. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée — Chiffre d’affaires réalisé avec les marchandises faisant l’objet de l’infraction — Prise en considération respective — Limites

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

9. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Obligation de prendre en considération la situation financière de l’entreprise concernée — Absence — Capacité contributive réelle de l’entreprise dans un contexte social particulier — Prise en considération — Fixation de l’amende à un montant provoquant la faillite ou la liquidation de l’entreprise concernée en conséquence de l’amende — Absence d’interdiction de principe

[Règlement du Conseil nº 17, art. 15 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 5, b)]

10. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Effet dissuasif à l’égard tant de l’entreprise contrevenante que des tiers

(Art. 81 CE et 82 CE ; règlement du Conseil, nº 17, art. 15, § 2)

11. Concurrence — Amendes — Imposition — Nécessité d’un bénéfice retiré par l’entreprise de l’infraction — Absence — Détermination — Critères — Gravité des infractions — Circonstances atténuantes — Inexistence de bénéfice — Exclusion

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 2, al. 1)

12. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Montant maximal — Calcul — Chiffre d’affaires à prendre en considération — Chiffre d’affaires global — Absence de prise en compte du chiffre d’affaires réalisé avec le produit faisant l’objet de la pratique restrictive — Violation du principe d’égalité de traitement — Absence

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

13. Droit communautaire — Principes généraux du droit — Non-rétroactivité des dispositions pénales — Domaine d’application — Concurrence — Procédure administrative — Portée du principe — Relèvement du niveau du montant des amendes dans des décisions individuelles ou de portée générale — Prévisibilité pour les entreprises concernées — Admissibilité

(Convention européenne des droits de l’homme, art. 7 ; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2 et 4 ; communication de la Commission 98/C 9/03)

14. Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes — Obligation de motivation — Portée — Indication des éléments d’appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l’infraction — Indication suffisante

(Art. 253 CE)

Sommaire

1. Les lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, bien qu’elles ne constituent pas le fondement juridique de la décision infligeant une amende à un opérateur économique, cette décision étant basée sur le règlement nº 17, déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes. Aussi, eu égard aux effets juridiques que peuvent produire des règles de conduite telles que les lignes directrices, qui comportent des dispositions de portée générale, lorsque la Commission les a appliquées dans la décision attaquée, il existe un lien direct entre cette décision et les lignes directrices, de sorte qu’elles peuvent faire l’objet d’une exception d’illégalité.

(cf. point 35)

2. Les lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA permettent à la Commission de prendre en considération, lorsque les circonstances l’exigent, la situation particulière dans laquelle se trouvent les petites et moyennes entreprises.

(cf. point 39)

3. L’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 prévoit expressément qu’il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, « outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ». À la lumière de ce texte et à supposer même que, intrinsèquement, certaines infractions soient conçues pour durer, il ne saurait être interdit à la Commission de tenir compte de leur durée effective dans chaque cas d’espèce. Ainsi, l’effet préjudiciable d’ententes qui, malgré le fait qu’elles sont censées durer longtemps, sont découvertes par la Commission ou dénoncées par un participant après une courte durée de fonctionnement effectif est nécessairement moindre que dans l’hypothèse où elles auraient eu une longue durée de fonctionnement effectif. Par conséquent, il importe, dans tous les cas, de faire une distinction entre la durée d’une infraction et sa gravité telle qu’elle résulte de sa nature propre.

(cf. point 45)

4. Dans le cadre de la détermination du montant des amendes pour infraction aux règles communautaires de concurrence, l’appréciation de la gravité d’une infraction doit être effectuée en tenant compte, notamment, de la nature des restrictions apportées à la concurrence. À cet égard, une entente horizontale fixant des prix et établissant des quotas au niveau européen, et qui comporte l’attribution d’au moins un client, peut être qualifiée à bon droit par la Commission de très grave, eu égard à sa nature.

Cette qualification n’est remise en cause ni par l’absence de mesures formelles de contrôle de la mise en oeuvre de l’entente, ni par le fait que la fixation de quotas est opérée au niveau européen et qu’il n’y a donc pas cloisonnement des marchés nationaux, ni par le fait que ne sont fixés que des prix indicatifs, ni, enfin, par le fait que seuls certains clients font l’objet d’une attribution.

(cf. points 66-67, 70-71, 77, 82, 90)

5. L’obligation d’opérer une délimitation de marché dans une décision adoptée en application de l’article 81 CE s’impose à la Commission lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

(cf. point 122)

6. Lorsqu’une infraction aux règles communautaires de concurrence a été commise par plusieurs entreprises, les effets à prendre en considération pour fixer le niveau général des amendes ne sont pas ceux résultant du comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise, mais ceux résultant de l’ensemble de l’infraction à laquelle elle a participé.

En revanche, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles, afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

(cf. points 127, 132)

7. Lors de la détermination de la gravité d’une infraction en matière d’ententes, la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause. En effet, en règle générale, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés.

(cf. point 139)

8. Pour la détermination du montant de l’amende infligée pour infraction aux règles communautaires de concurrence, il ne faut attribuer ni au chiffre d’affaires global de l’entreprise ni à la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l’objet de l’infraction une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation, de sorte que la fixation d’une amende appropriée ne peut être le résultat d’un simple calcul basé sur le chiffre d’affaires global, en particulier lorsque les marchandises concernées ne représentent qu’une faible fraction de ce chiffre.

(cf. point 154)

9. La Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende infligée pour infraction aux règles communautaires de concurrence, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le point 5, sous b), des lignes directrices arrêtées par la Commission pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, selon lequel la capacité contributive réelle d’une entreprise doit être prise en considération. En effet, cette capacité ne joue que dans son « contexte social particulier », constitué par les conséquences que le paiement de l’amende aurait, notamment, au niveau d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée.

Par ailleurs, le fait qu’une mesure prise par une autorité communautaire provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit communautaire. En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur.

(cf. points 161-163)

10. L’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende vise à assurer le respect par les entreprises des règles de concurrence fixées par le traité pour la conduite de leurs activités au sein de la Communauté ou de l’Espace économique européen. Il s’ensuit que le caractère dissuasif d’une amende infligée en raison d’une violation des règles de concurrence communautaires ne saurait être déterminé en fonction seulement de la situation particulière de l’entreprise condamnée.

(cf. point 181)

11. Si le montant de l’amende infligée pour infraction aux règles communautaires de concurrence doit être proportionné à la durée de l’infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, parmi lesquels figure le profit que l’entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques, le fait qu’une entreprise n’ait retiré aucun bénéfice de l’infraction ne saurait faire obstacle à ce qu’une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif. Il s’ensuit que la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer le montant des amendes, de prendre en considération l’absence de bénéfice tiré de l’infraction en cause.

À cet égard, bien que la Commission puisse, aux termes du point 2, premier alinéa, cinquième tiret, de ses lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, et au titre des circonstances aggravantes, majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l’infraction, cela ne signifie toutefois pas qu’elle se soit désormais imposé la charge d’établir, en toutes circonstances, aux fins de la détermination du montant de l’amende, l’avantage financier lié à l’infraction constatée. En d’autres termes, l’absence d’un tel avantage ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante.

(cf. points 184-186)

12. Lors de la détermination du montant des amendes infligées pour infraction aux règles communautaires de concurrence, la limite maximale de dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à une infraction, instituée par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise concernée. Comme seul le chiffre d’affaires global peut effectivement donner une indication approximative à cet égard, il convient de comprendre ce plafond comme se référant au chiffre d’affaires global.

Dès lors, une entreprise concernée ne saurait alléguer avoir été exposée à un traitement inégal au vu des amendes infligées à d’autres entreprises participant à l’infraction, en ce que la Commission, lors de la détermination du plafond de l’amende, n’a pas tenu compte du chiffre d’affaires qu’elle a réalisé avec le produit en cause par rapport à son chiffre d’affaires global.

(cf. points 196, 199)

13. Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres, consacré également par l’article 7 de la convention européenne des droits de l’homme, et fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect.

À cet égard, même s’il ressort de l’article 15, paragraphe 4, du règlement nº 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal, il n’en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité.

Toutefois, les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s’opère par l’application de règles de conduite de portée générale telles que les lignes directrices.

Il doit en être conclu que, au regard de la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence, la nouvelle méthode de calcul des ame ndes que comportent les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, à supposer qu’elle ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées par rapport à la pratique antérieure de la Commission, n’est pas contraire aux principes prévus à l’article 7 de la convention européenne des droits de l’homme, dès lors qu’elle était raisonnablement prévisible pour les entreprises concernées à l’époque où l’infraction a été commise.

(cf. points 205-210)

14. S’agissant d’une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de concurrence, la portée de l’obligation de motivation doit être, notamment, déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

À cet égard, les exigences de formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation n’imposent pas à la Commission d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, mais uniquement les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction.

(cf. points 218, 222)