Affaire C-263/02 P


Commission des Communautés européennes
contre
Jégo-Quéré et Cie SA


«Pourvoi – Recevabilité d'un recours en annulation introduit par une personne morale à l'encontre d'un règlement»

Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 10 juillet 2003
    
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 1er avril 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Communautés européennes – Contrôle juridictionnel de la légalité des actes des institutions – Actes de portée générale – Nécessité pour les personnes physiques ou morales d'emprunter la voie de l'exception d'illégalité ou du renvoi préjudiciel en appréciation de validité – Obligation des juridictions nationales d'appliquer les règles procédurales nationales de manière à permettre la contestation de la légalité des actes communautaires de portée générale – Ouverture du recours en annulation devant le juge communautaire en cas d'obstacle insurmontable au niveau des règles procédurales nationales – Exclusion

(Art. 10 CE, 230, al. 4, CE, 234 CE et 241 CE)

2.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Interprétation contra legem de la condition tenant à la nécessité d'être individuellement concernées – Inadmissibilité

(Art. 230, al. 4, CE)

3.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Règlement instituant des mesures visant à reconstituer le stock de merlu ainsi que les conditions associées pour le contrôle des activités des navires de pêche – Absence de position juridique particulière en faveur d'un opérateur économique au regard de l'adoption dudit règlement – Irrecevabilité

(Art. 230, al. 4, CE; règlement de la Commission nº 1162/2001)

1.
Le traité, par ses articles 230 CE et 241 CE, d’une part, et par son article 234 CE, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires de portée générale, ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de l’article 241 CE, devant le juge communautaire, soit devant les juridictions nationales, et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles.
Ainsi, il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit à une protection juridictionnelle effective.
Dans ce cadre, conformément au principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE, les juridictions nationales sont tenues, dans toute la mesure du possible, d’interpréter et d’appliquer les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière qui permet aux personnes physiques et morales de contester en justice la légalité de toute décision ou de toute autre mesure nationale relative à l’application à leur égard d’un acte communautaire de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier.
Cependant, un recours en annulation devant le juge communautaire ne saurait être ouvert à un particulier attaquant un acte de portée générale tel qu’un règlement ne l’individualisant pas d’une manière analogue à celle d’un destinataire, même s’il pouvait être démontré, après un examen concret par ledit juge des règles procédurales nationales, que celles-ci n’autorisent pas le particulier à introduire un recours lui permettant de mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté. En effet, un tel régime exigerait dans chaque cas concret que le juge communautaire examine et interprète le droit procédural national, ce qui excéderait sa compétence dans le cadre du contrôle de la légalité des actes communautaires.
Dès lors, un recours en annulation devant le juge communautaire ne saurait, en tout état de cause, être ouvert même s’il s’avérait que les règles procédurales nationales n’autorisent le particulier à mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté qu’après avoir enfreint celui-ci.
À cet égard, le fait qu’un règlement s’applique directement, sans l’intervention des autorités nationales, n’implique pas par lui-même qu’un opérateur directement concerné par celui-ci ne puisse mettre en cause la validité dudit règlement qu’après l’avoir enfreint. En effet, il ne saurait être exclu qu’un système juridique national ouvre la possibilité à un particulier directement concerné par un acte normatif général de droit interne, ne pouvant pas être directement attaqué en justice, de solliciter auprès des autorités nationales une mesure se rattachant audit acte, susceptible d’être mise en cause devant la juridiction nationale, de manière à permettre à ce particulier de contester indirectement l’acte en question. De même, il ne saurait non plus être exclu qu’un système juridique national ouvre la possibilité à un opérateur directement concerné par un règlement de solliciter auprès des autorités nationales un acte se rapportant à ce règlement, susceptible d’être mis en cause devant la juridiction nationale, de façon à permettre à un tel opérateur de contester indirectement le règlement en question.

(cf. points 30-35)

2.
S’il est vrai que la condition, selon laquelle une personne physique ou morale ne peut former un recours contre un règlement que si elle est concernée non seulement directement mais également individuellement, doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective compte tenu des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité. Au cas contraire, les juridictions communautaires excéderaient les compétences qui leur sont attribuées par ce dernier.
Or, tel est le cas de l’interprétation de ladite condition, selon laquelle une personne physique ou morale doit être considérée comme individuellement concernée par une disposition communautaire de portée générale qui la concerne directement, si la disposition en question affecte, d’une manière certaine et actuelle, sa situation juridique en restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations.
En effet, une telle interprétation aboutit en substance à dénaturer la condition de l’atteinte individuelle telle que prévue à l’article 230, quatrième alinéa, CE.

(cf. points 36-38)

3.
En l’absence d’une disposition de droit communautaire imposant à la Commission, pour adopter un règlement donné, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle un opérateur économique a le droit de revendiquer d’éventuels droits, dont celui d’être entendu, cet opérateur ne se voit pas attribuer une position juridique particulière au regard de l’adoption dudit règlement. Le fait qu’un tel opérateur ait été le seul à proposer, avant l’adoption dudit règlement, une solution particulière contribuant à la réalisation de l’objectif poursuivi par ce dernier ne saurait l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

(cf. points 47-48)




ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
1er avril 2004(1)


«Pourvoi – Recevabilité d'un recours en annulation introduit par une personne morale à l'encontre d'un règlement»

Dans l'affaire C-263/02 P,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. van Rijn et A. Bordes, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (première chambre élargie) du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T-177/01, Rec. p. II-2365), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Jégo-Quéré et Cie SA, représentée par Mes A. Creus Carreras et B. Uriarte Valiente, abogados,

LA COUR (sixième chambre),,



composée de M. C. Gulmann (rapporteur), faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J.-P. Puissochet et R. Schintgen, et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 22 mai 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 juillet 2002, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de première instance du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T-177/01, Rec. p. II-2365, ci-après l’«arrêt attaqué»), ayant jugé recevable le recours en annulation introduit par la société Jégo-Quéré et Cie SA (ci-après «Jégo-Quéré») à l’encontre des articles 3, sous d), et 5 du règlement (CE) n° 1162/2001 de la Commission, du 14 juin 2001, instituant des mesures visant à reconstituer le stock de merlu dans les sous-zones CIEM III, IV, V, VI et VII et les divisions CIEM VIII a, b, d et e ainsi que les conditions associées pour le contrôle des activités des navires de pêche (JO L 159, p. 4).


Le cadre juridique

2
L’article 15 du règlement (CEE) n° 3760/92 du Conseil, du 20 décembre 1992, instituant un régime communautaire de la pêche et de l’aquaculture (JO L 389, p. 1), prévoit la possibilité pour la Commission de prendre des mesures d’urgence lorsque la conservation des ressources halieutiques est menacée par des perturbations graves et imprévues.

3
Au mois de décembre 2000, la Commission et le Conseil de l’Union européenne, alertés par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM), ont estimé urgent de mettre en place un plan de reconstitution du stock de merlu.

4
Le règlement n° 1162/2001, adopté à cet effet, a pour finalité principale de réduire immédiatement les prises de merlu juvénile. Ce règlement s’applique aux navires de pêche opérant dans les zones qu’il définit. Il impose à ces navires un maillage minimal, variant selon les zones, pour les différentes techniques de pêche au filet, quelle que soit l’espèce ciblée par le navire concerné. Le dispositif ne concerne pas les navires de moins de 12 m effectuant des sorties de 24 heures au plus.

5
L’article 3, sous d), du règlement n° 1162/2001 interdit «tout filet remorqué de fond auquel est attaché un cul de chalut de maillage inférieur à 100 mm autrement que par une couture dans la partie du filet précédant le cul». L’article 5 du même règlement définit, à son paragraphe 1, les zones géographiques dans lesquelles les dispositions dudit règlement sont applicables et précise, à son paragraphe 2, pour l’ensemble de ces zones, les interdictions concernant l’utilisation, l’immersion et le déploiement des filets remorqués d’un maillage déterminé ainsi que les obligations concernant leur arrimage et leur rangement. Pour chacune de ces zones, il précise également les interdictions concernant l’utilisation, l’immersion et le déploiement des engins fixes d’un maillage déterminé ainsi que les obligations concernant leur arrimage et leur rangement. S’agissant des filets remorqués, les interdictions s’appliquent aux maillages compris entre 55 et 99 mm. S’agissant des engins fixes, elles s’appliquent, selon les zones, aux maillages inférieurs à 100 ou à 120 mm.


Les faits à l’origine du litige et l’arrêt attaqué

6
Jégo-Quéré est une société d’armement à la pêche établie en France et exerçant de façon permanente au sud de l’Irlande, dans la zone CIEM VII visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1162/2001, une activité de pêche ciblée sur le merlan, espèce qui représente en moyenne 67,3 % de ses captures. Elle possède quatre navires de plus de 30 m et utilise des filets d’un maillage de 80 mm.

7
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2001, Jégo-Quéré a introduit, sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours tendant à l’annulation des articles 3, sous d), et 5 du règlement n° 1162/2001.

8
Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2001, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9
Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’exception d’irrecevabilité et a déclaré que la procédure était poursuivie au fond.

10
Après avoir constaté, au point 24 dudit arrêt, que les dispositions attaquées ont, par leur nature, une portée générale, le Tribunal a rappelé, au point 25 du même arrêt, que la portée générale d’une disposition n’exclut pas pour autant qu’elle puisse concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques intéressés.

11
Au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que Jégo-Quéré «ne peut pas être considérée comme étant individuellement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, sur la base des critères jusqu’à présent dégagés par la jurisprudence communautaire».

12
Jégo-Quéré avait fait valoir qu’elle ne disposait, en l’espèce, d’aucun recours devant les juridictions nationales, le règlement n° 1162/2001 ne prévoyant l’adoption par les États membres d’aucune mesure d’exécution, et que, dès lors, une irrecevabilité opposée à son recours devant le Tribunal la priverait de toute voie de droit pour contester la légalité des dispositions attaquées. Le Tribunal a considéré qu’il convenait d’examiner si, dans une affaire telle que celle dont il était saisi, dans le cadre de laquelle la légalité de dispositions de portée générale affectant directement la situation juridique d’un particulier est contestée par celui-ci, l’irrecevabilité du recours en annulation priverait la requérante du droit à un recours effectif tel que garanti dans l’ordre juridique fondé sur le traité CE, notamment en vertu des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la «CEDH»).

13
À cet égard, le Tribunal a jugé ce qui suit:

«44
[…] il doit être rappelé que, outre le recours en annulation, il existe deux autres voies de recours permettant à un particulier de saisir le juge communautaire, seul compétent à cette fin, en vue de faire constater l’illégalité d’un acte communautaire, à savoir le recours devant le juge national avec renvoi préjudiciel devant la Cour conformément à l’article 234 CE et le recours en responsabilité non contractuelle de la Communauté prévu aux articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE.

45
Toutefois, quant au recours devant le juge national avec renvoi préjudiciel devant la Cour conformément à l’article 234 CE, il doit être souligné que, dans un cas comme celui de l’espèce, il n’existe pas de mesures d’exécution susceptibles de constituer le fondement d’une action devant les juridictions nationales. Le fait qu’un particulier affecté par une mesure communautaire puisse en contester la validité devant les juridictions nationales, en violant les dispositions prévues par ladite mesure et en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre de procédures judiciaires ouvertes à son encontre, ne lui offre pas une protection juridictionnelle adéquate. En effet, il ne peut être demandé à des particuliers d’enfreindre la loi afin de pouvoir accéder à la justice (voir conclusions de l’avocat général M. Jacobs du 21 mars 2002 dans l’affaire Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, [arrêt du 25 juillet 2002, Rec. p. I- 6677,] point 43).

46
La voie de l’action en réparation fondée sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté n’apporte pas, dans un cas comme celui de l’espèce, de solution satisfaisante aux intérêts du justiciable. Elle ne peut en effet aboutir à faire écarter de l’ordre juridique communautaire un acte pourtant considéré, par hypothèse, comme illégal. Présupposant la réalisation d’un dommage directement causé par l’application de l’acte litigieux, elle est soumise à des conditions de recevabilité et de fond différentes de celles régissant le recours en annulation et elle ne place donc pas le juge communautaire en situation d’exercer, dans toute sa dimension, le contrôle de légalité qu’il a la mission de mener à bien. En particulier, lorsqu’une mesure de portée générale, telle que les dispositions attaquées en l’espèce, est mise en cause dans le contexte d’une telle action, le contrôle exercé par le juge communautaire ne s’étend pas à tous les éléments susceptibles d’affecter la légalité de cette mesure, mais se borne à sanctionner les violations suffisamment caractérisées de règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, points 41 à 43; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2001, Dieckmann & Hansen/Commission, T-155/99, Rec. p. II‑3143, points 42 et 43; voir également, pour un cas de violation non suffisamment caractérisée, arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C‑37/90, Rec. p. I-3061, points 18 et 19, et, pour un cas dans lequel la règle invoquée n’a pas pour objet de conférer des droits aux particuliers, arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑196/99, Rec. p. II-3597, point 43).

47
Sur la base de ce qui précède, force est de conclure que les procédures prévues aux articles 234 CE, d’une part, et 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, d’autre part, ne peuvent plus être considérées, à la lumière des articles 6 et 13 de la CEDH et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, comme garantissant aux justiciables un droit de recours effectif leur permettant de contester la légalité de dispositions communautaires de portée générale qui affectent directement leur situation juridique.

48
Certes, une telle circonstance ne saurait autoriser une modification du système des voies de recours et des procédures établi par le traité et destiné à confier au juge communautaire le contrôle de la légalité des actes des institutions. En aucun cas, elle ne permet de déclarer recevable un recours en annulation formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE [voir ordonnance du président de la Cour du 12 octobre 2000, Federación de Cofradías de Pescadores de Guipúzcoa e.a./Conseil, C-300/00 P(R), Rec. p. I-8797, point 37].

49
Il convient toutefois de souligner que, comme l’a relevé l’avocat général M. Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (citées au point 45 ci-dessus, point 59), aucun argument impérieux ne permet de soutenir que la notion de personne individuellement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE comporte l’obligation pour un particulier désireux de contester une mesure de portée générale d’être individualisé d’une manière analogue à celle dont le serait un destinataire.

50
Dans ces conditions, et en tenant compte du fait que le traité CE a institué un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier au juge communautaire le contrôle de la légalité des actes des institutions (arrêt Les Verts/Parlement, cité au point 41 ci-dessus, point 23), il y a lieu de reconsidérer l’interprétation stricte, jusqu’à présent retenue, de la notion de personne individuellement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

51
Au vu de ce qui précède, et afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des particuliers, une personne physique ou morale doit être considérée comme individuellement concernée par une disposition communautaire de portée générale qui la concerne directement si la disposition en question affecte, d’une manière certaine et actuelle, sa situation juridique en restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations. Le nombre et la situation d’autres personnes également affectées par la disposition ou susceptibles de l’être ne sont pas, à cet égard, des considérations pertinentes.

52
En l’espèce, la société Jégo-Quéré se voit effectivement imposer des obligations par les dispositions attaquées. En effet, la requérante, dont les navires sont couverts par le champ d’application du règlement, exerce des activités de pêche dans une des zones dans lesquelles les activités de pêche sont soumises, par les dispositions attaquées, à des obligations précises relatives au maillage des filets à utiliser.

53
Il s’ensuit que la requérante est individuellement concernée par les dispositions attaquées.

54
Dès lors que la requérante est également directement concernée par les dispositions attaquées (voir point 26 ci-dessus), il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et d’ordonner la poursuite de la procédure.»


Le pourvoi

14
Par son pourvoi, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué;

déclarer irrecevable le recours en annulation du règlement n° 1162/2001 ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

condamner Jégo-Quéré aux dépens de l’instance, y compris à ceux de la procédure devant le Tribunal.

15
Jégo-Quéré conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

déclarer le pourvoi irrecevable dans la mesure où il a été introduit de façon tardive;

déclarer le pourvoi non fondé et confirmer l’arrêt attaqué;

annuler ledit arrêt dans la mesure où il considère que Jégo-Quéré n’est pas individuellement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE;

juger elle-même le litige selon les observations de Jégo-Quéré déposées devant le Tribunal et, en particulier,

déclarer recevable le recours introduit devant le Tribunal;

annuler les articles 3, sous d), et 5 du règlement nº 1162/2001;

auditionner comme témoins

M. John Farnell, directeur «Politique de conservation» de la direction générale de la pêche de la Commission, et

M. Victor Badiola, gérant de l’organisation des producteurs de la pêche d’Ondárroa;

condamner la Commission aux dépens de la présente procédure ainsi que de celle devant le Tribunal.

16
À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque deux moyens.

17
En premier lieu, elle soutient que le Tribunal a enfreint son propre règlement de procédure, au motif que l’affaire aurait dû être renvoyée à la formation plénière de ladite juridiction. En second lieu, le Tribunal aurait violé l’article 230, quatrième alinéa, CE, en interprétant la condition que le requérant soit individuellement concerné de façon contraire au système juridictionnel institué par le traité.

Sur la recevabilité du pourvoi

18
Jégo-Quéré excipe de l’irrecevabilité du pourvoi. En effet, la Commission n’aurait donné aucune indication sur la date à laquelle l’arrêt attaqué lui a été notifié. À défaut de preuve contraire, Jégo-Quéré conteste que le pourvoi ait effectivement été introduit dans le délai autorisé.

19
À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, lu en combinaison avec l’article 81, paragraphe 2, du règlement de procédure, un pourvoi peut être formé devant la Cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée, augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours. Selon l’article 112, paragraphe 2, du règlement de procédure, la décision du Tribunal qui fait l’objet du pourvoi doit être annexée à ce dernier et mention doit être faite de la date à laquelle la décision attaquée a été notifiée à la partie requérante.

20
Or, la Commission a annexé à son pourvoi l’arrêt attaqué ainsi que la lettre du greffier du Tribunal qui l’accompagnait, laquelle porte un cachet indiquant le 8 mai 2002 comme date de réception. Par ailleurs, cette date est confirmée par l’accusé de réception de l’envoi. Ainsi qu’il est indiqué au point 1 du présent arrêt, le pourvoi de la Commission a été déposé au greffe de la Cour le 17 juillet 2002.

21
Il apparaît donc que la Commission a mentionné, dans le pourvoi, la date à laquelle l’arrêt attaqué lui avait été notifié et qu’elle a formé ledit pourvoi dans le délai imparti.

22
En conséquence, il y a lieu de déclarer le pourvoi de la Commission recevable.

Sur le second moyen

Arguments des parties

23
La Commission soutient que l’interprétation de la notion de personne individuellement concernée, adoptée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, est tellement large qu’elle supprime de fait la condition de l’atteinte individuelle telle que prévue à l’article 230, quatrième alinéa, CE. Le Tribunal aurait commis une erreur de droit en confondant le droit à un recours effectif avec un droit général de recours direct des particuliers dans le contentieux en annulation des actes de portée générale, l’absence du second n’impliquant pas pour autant l’inexistence du premier. Il serait erroné de conclure, ainsi que l’aurait fait le Tribunal au point 47 de l’arrêt attaqué, que le système juridictionnel prévu par le traité ne peut plus être considéré comme garantissant aux justiciables un droit de recours effectif leur permettant de contester la légalité de dispositions communautaires de portée générale qui affectent directement leur situation juridique et que, dès lors, il y a lieu d’élargir les conditions de recevabilité du recours en annulation au profit des particuliers en reconsidérant l’interprétation jurisprudentielle constante de la notion de personne individuellement concernée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

24
À cet égard, la Commission rappelle que, dans la plupart des États membres, le droit des particuliers de former un recours direct en annulation d’un acte de portée générale est limité de diverses façons. Souvent, le recours en annulation d’une loi serait soit impossible soit limité par la nature des moyens pouvant être invoqués ou par les conditions posées quant à la qualité pour agir. Dans certains États membres, il n’existerait même pas de droit général de recours direct des particuliers contre les actes normatifs émanant des autorités administratives. Or, de tels systèmes n’auraient jamais été censurés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

25
Enfin, selon la Commission, eu égard à la jurisprudence TWD Textilwerke Deggendorf (arrêt du 9 mars 1994, C-188/92, Rec. p. I-833), l’interprétation de la notion de personne individuellement concernée telle que retenue par le Tribunal aurait pour conséquence de restreindre les possibilités pour les particuliers de mettre en cause, par voie d’exception, la légalité des actes communautaires de portée générale.

26
Jégo-Quéré fait valoir qu’une interprétation élargie et souple de l’article 230, quatrième alinéa, CE, telle que celle adoptée par le Tribunal, lui permettrait, sans pour autant modifier le système juridictionnel du traité, de mettre en cause la légalité d’une norme qui lui occasionne des dommages considérables. À défaut, les articles 6 et 13 de la CEDH seraient violés, étant donné qu’aucun moyen pour contester la légalité des dispositions en cause ne lui serait donné. En effet, le règlement n° 1162/2001 s’appliquant directement sans l’intervention des autorités nationales, il n’existerait aucun acte susceptible d’être mis en cause devant la juridiction nationale de façon à permettre de contester indirectement ledit règlement. Par conséquent, il n’y aurait aucune possibilité de bénéficier d’une protection juridictionnelle complète à travers la voie nationale sans enfreindre le règlement n° 1162/2001.

27
S’agissant du recours en responsabilité non contractuelle prévu aux articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, Jégo-Quéré conteste l’argument de la Commission selon lequel, étant donné la durée limitée à six mois du règlement n° 1162/2001, un recours en dommages et intérêts pourrait constituer un remède plus approprié qu’un recours en annulation. En effet, ledit règlement ne marquerait qu’une étape du processus actuel de réforme de la politique commune de la pêche, impliquant l’adoption de mesures à moyen et à long terme. En conséquence, Jégo-Quéré n’aurait pas d’autre choix que d’introduire périodiquement de nouveaux recours.

28
En outre, il ne serait pas cohérent d’interpréter la notion de personne individuellement concernée d’une façon restrictive alors qu’il n’existerait pas de restrictions quant à la possibilité pour les particuliers d’introduire des actions en dommages et intérêts au titre des articles 235 CE et 288 CE, lesquelles présupposent généralement des contestations de la légalité de mesures communautaires de portée générale.

Appréciation de la Cour

29
Il convient de rappeler que les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique communautaire, le droit à une telle protection faisant partie des principes généraux de droit qui découlent des traditions constitutionnelles communes aux États membres. Ce droit a également été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH (voir, notamment, arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 39).

30
Or, le traité, par ses articles 230 CE et 241 CE, d’une part, et par son article 234 CE, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires de portée générale, ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de l’article 241 CE, devant le juge communautaire, soit devant les juridictions nationales, et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (voir arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 40).

31
Ainsi, il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 41).

32
Dans ce cadre, conformément au principe de coopération loyale énoncé à l’article 10 CE, les juridictions nationales sont tenues, dans toute la mesure du possible, d’interpréter et d’appliquer les règles internes de procédure gouvernant l’exercice des recours d’une manière qui permet aux personnes physiques et morales de contester en justice la légalité de toute décision ou de toute autre mesure nationale relative à l’application à leur égard d’un acte communautaire de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 42).

33
Cependant, un recours en annulation devant le juge communautaire ne saurait être ouvert à un particulier attaquant un acte de portée générale tel qu’un règlement ne l’individualisant pas d’une manière analogue à celle d’un destinataire, même s’il pouvait être démontré, après un examen concret par ledit juge des règles procédurales nationales, que celles-ci n’autorisent pas le particulier à introduire un recours lui permettant de mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté. En effet, un tel régime exigerait dans chaque cas concret que le juge communautaire examine et interprète le droit procédural national, ce qui excéderait sa compétence dans le cadre du contrôle de la légalité des actes communautaires (voir arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, points 37 et 43).

34
Dès lors, un recours en annulation devant le juge communautaire ne saurait, en tout état de cause, être ouvert même s’il s’avérait que les règles procédurales nationales n’autorisent le particulier à mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté qu’après avoir enfreint celui-ci.

35
En l’occurrence, il convient de relever que le fait que le règlement n° 1162/2001 s’applique directement, sans l’intervention des autorités nationales, n’implique pas par lui-même qu’un opérateur directement concerné par celui-ci ne puisse mettre en cause la validité dudit règlement qu’après l’avoir enfreint. En effet, il ne saurait être exclu qu’un système juridique national ouvre la possibilité à un particulier directement concerné par un acte normatif général de droit interne, ne pouvant pas être directement attaqué en justice, de solliciter auprès des autorités nationales une mesure se rattachant audit acte, susceptible d’être mise en cause devant la juridiction nationale, de manière à permettre à ce particulier de contester indirectement l’acte en question. De même, il ne saurait non plus être exclu qu’un système juridique national ouvre la possibilité à un opérateur directement concerné par le règlement n° 1162/2001 de solliciter auprès des autorités nationales un acte se rapportant à ce règlement, susceptible d’être mis en cause devant la juridiction nationale, de façon à permettre à un tel opérateur de contester indirectement le règlement en question.

36
S’il est vrai que la condition selon laquelle une personne physique ou morale ne peut former un recours contre un règlement que si elle est concernée non seulement directement mais également individuellement doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective compte tenu des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité. Au cas contraire, les juridictions communautaires excéderaient les compétences qui leur sont attribuées par ce dernier (voir arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 44).

37
Or, tel est le cas de l’interprétation de ladite condition, figurant au point 51 de l’arrêt attaqué, selon laquelle une personne physique ou morale doit être considérée comme individuellement concernée par une disposition communautaire de portée générale qui la concerne directement, si la disposition en question affecte, d’une manière certaine et actuelle, sa situation juridique en restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations.

38
En effet, une telle interprétation aboutit en substance à dénaturer la condition de l’atteinte individuelle telle que prévue à l’article 230, quatrième alinéa, CE.

39
Il résulte de ce qui précède que le Tribunal a commis une erreur de droit. Il y a lieu, dès lors, de déclarer fondé le second moyen.

Sur le pourvoi incident

Arguments des parties

40
Jégo-Quéré fait valoir que le Tribunal a jugé à tort qu’elle n’est pas individuellement concernée par le règlement n° 1162/2001, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence constante de la Cour. En réalité, le règlement en cause serait constitué d’un faisceau de décisions individuelles adaptées aux cas particuliers de quelques opérateurs affectés, sans qu’il y ait des raisons objectives pouvant justifier un tel traitement individualisé. Or, eu égard à l’objectif de protection du merlu juvénile, un règlement de portée générale devrait établir sans exception l’interdiction de pêcher dans les zones visées avec des mailles inférieures à 100 mm.

41
Selon Jégo-Quéré, deux circonstances, en particulier, la caractérisent par rapport à toutes les autres personnes affectées par le règlement n° 1162/2001. En premier lieu, elle serait le seul opérateur qui pêche le merlan dans la mer Celtique de manière permanente avec des navires de plus de 30 m et qui ne capture que des quantités négligeables de merlu juvénile par le biais du «by-catch». En second lieu, elle aurait été la seule société d’armement à la pêche à proposer à la Commission, avant l’adoption du règlement n° 1162/2001, une solution particulière contribuant à la reconstitution du stock de merlu, qui n’a finalement pas été retenue.

42
À l’audience, la Commission a soutenu qu’aucun des arguments invoqués par Jégo-Quéré ne pouvait permettre de conclure que cette société était individuellement concernée par le règlement n° 1162/2001. Aussi, le pourvoi incident devrait être rejeté.

Appréciation de la Cour

43
Ainsi que l’a constaté à juste titre le Tribunal aux points 23 et 24 de l’arrêt attaqué, les articles 3, sous d), et 5 du règlement n° 1162/2001, dont Jégo-Quéré cherche à obtenir l’annulation, s’adressent en termes abstraits à des catégories de personnes indéterminées et s’appliquent à des situations définies objectivement. Lesdits articles ont donc, par leur nature, une portée générale.

44
Cependant, il est de jurisprudence constante que la portée générale d’une disposition n’exclut pas pour autant qu’elle puisse concerner directement et individuellement certains opérateurs économiques (voir, notamment, arrêt du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C-142/00 P, Rec. p. I-3483, point 64).

45
En particulier, une personne physique ou morale ne peut être individuellement concernée par une telle disposition que si celle-ci l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (voir, notamment, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et Commission/Nederlandse Antillen, précité, point 65).

46
Or, le fait que Jégo-Quéré soit le seul opérateur pêchant le merlan dans les eaux au sud de l’Irlande avec des navires de plus de 30 m n’est pas, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 30 de l’arrêt attaqué, de nature à l’individualiser, dès lors que les articles 3, sous d), et 5 du règlement n° 1162/2001 ne la concernent qu’en raison de sa qualité objective de pêcheur de merlan utilisant une certaine technique de pêche dans une zone déterminée, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique.

47
En outre, il n’apparaît pas qu’une disposition de droit communautaire imposait à la Commission, pour adopter le règlement n° 1162/2001, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle Jégo-Quéré aurait eu le droit de revendiquer d’éventuels droits, dont celui d’être entendue. Ainsi, le droit communautaire n’a pas défini une position juridique particulière en faveur d’un opérateur tel que Jégo-Quéré au regard de l’adoption du règlement n° 1162/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1983, FEDIOL/Commission, 191/82, Rec. p. 2913, point 31).

48
Dans ces conditions, le fait que Jégo-Quéré ait été la seule société d’armement à la pêche à proposer à la Commission, avant l’adoption du règlement n° 1162/2001, une solution particulière contribuant à la reconstitution du stock de merlu ne saurait l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

49
Le pourvoi incident doit donc être rejeté.

50
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué et, eu égard à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, de déclarer irrecevable le recours en annulation des articles 3, sous d), et 5 du règlement n° 1162/2001.


Sur les dépens

51
Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Selon l’article 69, paragraphe 2, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52
Le pourvoi ainsi que l’exception d’irrecevabilité formés par la Commission étant fondés, il convient de décider que Jégo-Quéré supportera l’intégralité des dépens exposés devant le Tribunal et la Cour.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1)
L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 3 mai 2002, Jégo-Quéré/Commission (T‑177/01), est annulé.

2)
Le recours en annulation de Jégo-Quéré et Cie SA à l’encontre des articles 3, sous d), et 5 du règlement (CE) n° 1162/2001 de la Commission, du 14 juin 2001, instituant des mesures visant à reconstituer le stock de merlu dans les sous-zones CIEM III, IV, V, VI et VII et les divisions CIEM VIII a, b, d et e ainsi que les conditions associées pour le contrôle des activités des navires de pêche, est irrecevable.

3)
Jégo-Quéré et Cie SA est condamnée aux dépens afférents aux deux instances.

Gulmann

Cunha Rodrigues

Puissochet

Schintgen

Macken

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er avril 2004.

Le greffier

Le président

R. Grass

V. Skouris


1
Langue de procédure: le français.