Affaire C-245/02
Anheuser-Busch Inc.
contre
Budĕjovický Budvar, národní podnik
(demande de décision préjudicielle, formée par le Korkein oikeus)
«Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce – Articles 2, paragraphe 1, 16, paragraphe 1, et 70 de l'accord ADPIC (TRIPs) – Marques – Étendue du droit exclusif du titulaire de la marque – Usage prétendu du signe en tant que nom commercial»
|
Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 29 juin 2004 |
|
|
|
|
|
|
|
|
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 16 novembre 2004 |
|
|
|
|
|
|
|
Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Interprétation d'un accord international conclu par la Communauté et les États membres en vertu d'une compétence partagée
et influant sur l'application par les juridictions nationales de dispositions communautaires – Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs)
(Art. 234 CE; accord TRIPs)
- 2.
- Accords internationaux – Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs) – Application dans le temps – Application à un conflit entre une marque et un signe né avant la date d'application dudit accord et se poursuivant après
cette date
(Accord TRIPs, art. 70, § 1)
- 3.
- Accords internationaux – Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs) – Effet direct – Absence – Obligations des juridictions nationales – Droit de marque – Application du droit national à la lumière du texte et de la finalité des dispositions concernées tant de la directive 89/104
que de l'accord TRIPs
(Accord TRIPs; directive du Conseil 89/104)
- 4.
- Accords internationaux – Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs) – Droit de marque – Droit exclusif du titulaire de la marque d'empêcher un tiers d'en faire usage – Exceptions – Signe identique ou similaire à la marque indiquant un nom commercial – Condition – Usage du signe conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale
(Accord TRIPs, art. 16, § 1, et 17)
- 5.
- Accords internationaux – Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs) – Droit de marque – Nom commercial entrant en conflit avec une marque – Nom commercial né antérieurement à la marque – Utilisation de celui – ci ne pouvant être interdite par le titulaire de la marque
(Accord TRIPs, art. 16, § 1)
- 1.
- Dès lors que la Communauté est partie à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(accord TRIPs), qui figure à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, elle est tenue d’interpréter
sa législation sur les marques, dans la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cet accord.
- Il s’ensuit que la Cour est compétente pour interpréter une disposition de l’accord TRIPs dans le but de répondre aux besoins
des autorités judiciaires des États membres lorsque celles-ci sont appelées à appliquer leurs règles nationales en vue d’ordonner
des mesures pour la protection des droits découlant d’une législation communautaire relevant du champ d’application de cet
accord.
(cf. points 41-42)
- 2.
- L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord TRIPs), qui figure à l’annexe
1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, approuvé au nom de la Communauté, pour ce qui concerne les
matières relevant de ses compétences, par la décision 94/800, s’applique, en cas de conflit entre une marque et un signe réputé
porter atteinte à celle-ci, lorsque ledit conflit a commencé avant la date d’application de l’accord TRIPS, mais qu’il s’est
poursuivi après cette date.
- En particulier, l’article 70, paragraphe 1, de cet accord, qui prévoit que celui-ci ne crée pas d’obligations pour ce qui
est des actes qui ont été accomplis avant sa date d’application pour les membres, a pour effet que ledit accord vise les situations
qui se poursuivent après cette date.
(cf. points 49, 53, disp. 1)
- 3.
- Les dispositions de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord TRIPs),
qui figure à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, ne sont pas de nature à créer pour les
particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge en vertu du droit communautaire.
- Toutefois, les juridictions nationales sont tenues en vertu du droit communautaire, lorsqu’elles sont appelées à appliquer
leurs règles nationales en vue d’ordonner des mesures pour la protection de droits relevant d’un domaine auquel l’accord TRIPs
s’applique et dans lequel la Communauté a déjà légiféré, comme c’est le cas de celui de la marque, de le faire dans la mesure
du possible à la lumière du texte et de la finalité des dispositions communautaires concernées tant de la première directive
89/104 sur les marques que de l’accord TRIPs.
(cf. points 54-55, 57)
- 4.
- Un nom commercial peut constituer un signe au sens de l’article 16, paragraphe 1, première phrase, de l’accord sur les aspects
des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord TRIPs), qui figure à l’annexe 1 C de l’accord instituant
l’Organisation mondiale du commerce. Cette disposition vise à attribuer au titulaire d’une marque le droit exclusif d’empêcher
qu’un tiers en fasse usage si l’usage en cause porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque
et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit.
- Les exceptions aux droits conférés par une marque, prévues à l’article 17 de l’accord TRIPs, visent notamment à permettre
au tiers d’utiliser un signe identique ou similaire à une marque pour indiquer son nom commercial, pourvu toutefois que cet
usage soit conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale.
(cf. point 85, disp. 2)
- 5.
- Un nom commercial, qui n’est ni enregistré ni consacré par l’usage dans l’État membre où la marque avec laquelle il est réputé
entrer en conflit est enregistrée et où sa protection à l’égard du nom commercial en question est réclamée, peut être qualifié
de droit antérieur existant au sens de l’article 16, paragraphe 1, troisième phrase, de l’accord sur les aspects des droits
de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (accord TRIPs), qui figure à l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation
mondiale du commerce, si le titulaire du nom commercial dispose d’un droit relevant du champ d’application matériel et temporel
de l’accord né antérieurement à celui de ladite marque et qui lui permet d’utiliser un signe identique ou similaire à cette
marque.
- Il s’ensuit que l’utilisation de ce nom commercial ne saurait être interdite en vertu du droit exclusif que confère la marque
à son titulaire conformément à l’article 16, paragraphe 1, première phrase, dudit accord.
(cf. points 89, 100, disp. 3)