Affaire C-216/02


Österreichischer Zuchtverband für Ponys, Kleinpferde und Spezialrassen
contre
Burgenländische Landesregierung



(demande de décision préjudicielle, formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche))

«Libre circulation des marchandises – Échanges intracommunautaires d'équidés – Procédure d'agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés – Article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353/CEE»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 15 janvier 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 11 novembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

Agriculture – Harmonisation des législations – Critères d'agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés – Décision 92/353 – Pouvoir des autorités nationales de refuser l'agrément ou la reconnaissance – Droit subjectif d'une association ou organisation existante à obtenir desdites autorités le refus de la reconnaissance ou de l'agrément d'une nouvelle association ou organisation – Absence

(Décision de la Commission 92/353, art. 2, § 2, a))

L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353, déterminant les critères d’agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés, prévoit que les autorités compétentes d’un État membre peuvent refuser la reconnaissance d’une nouvelle organisation ou association si celle-ci met en péril la conservation de la race ou compromet le fonctionnement ou le programme d’amélioration ou de sélection d’une organisation ou association existante. Cet article ne peut être interprété en ce sens qu’il accorde à cette dernière association ou organisation un droit subjectif à exiger des autorités compétentes concernées qu’elles refusent la reconnaissance ou l’agrément demandé par la nouvelle association ou organisation lorsque se vérifient l’une ou plusieurs des circonstances visées à cette disposition. En effet, si une telle interprétation était acceptée, elle reviendrait à supprimer la marge d’appréciation que ladite disposition a entendu réserver aux autorités compétentes des États membres.

Dans ces conditions, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que la législation d’un État membre prive les associations ou organisations existantes, qui se sont prononcées contre la reconnaissance d’une nouvelle association ou organisation, d’une voie de recours juridictionnel à l’encontre de la décision de reconnaissance prise par les autorités nationales compétentes.

(cf. points 35-37, 40, disp. 1-2)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
11 novembre 2004(1)

«Libre circulation des marchandises – Échanges intracommunautaires d'équidés – Procédure d'agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés – Article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353/CEE»

Dans l'affaire C-216/02,ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 23 mai 2002, parvenue à la Cour le 12 juin 2002, dans la procédure

Österreichischer Zuchtverband für Ponys, Kleinpferde und Spezialrassen

contre

Burgenländische Landesregierung,

en présence de:Österreichischer Shetlandponyzuchtverband,



LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann, président de chambre, M. A. Rosas (rapporteur) et Mme R. Silva de Lapuerta, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 4 décembre 2003,considérant les observations présentées:

pour l'Österreichischer Zuchtverband für Ponys, Kleinpferde und Spezialrassen, par Mes C. Böhm, M. Breitenecker et C. Kolbitsch, Rechtsanwältinnen, ainsi que par Me H. Vana, Rechtsanwalt, assistés de M. M. Maier, Obmann,

pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d'agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. G. Braun, en qualité d'agent,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 janvier 2004,

rend le présent



Arrêt



1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353/CEE de la Commission, du 11 juin 1992, déterminant les critères d’agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés (JO L 192, p. 63).

2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Österreichischer Zuchtverband für Ponys, Kleinpferde und Spezialrassen (ci-après le «Zuchtverband für Ponys») au gouvernement du Burgenland au sujet de la décision prise par ce dernier de reconnaître, dans ledit Land autrichien, l’Österreichischer Shetlandponyzuchtverband (ci-après l’«ÖSZV) comme organisation d’éleveurs de poneys des îles Shetland. L’ÖSZV a la qualité de partie intervenante dans la procédure au principal.


Le cadre juridique

Le droit communautaire

3
La directive 90/427/CEE du Conseil, du 26 juin 1990, relative aux conditions zootechniques et généalogiques régissant les échanges intracommunautaires d’équidés (JO L 224, p. 55), définit les conditions précitées applicables aux échanges intracommunautaires d’équidés, ainsi que de leurs sperme, ovules et embryons. Il ressort des deuxième et troisième considérants de cette directive que celle-ci vise à fixer au niveau communautaire des règles relatives à la commercialisation des équidés dans les échanges intracommunautaires afin d’assurer un développement rationnel de la production et d’accroître la productivité du secteur de l’élevage des équidés, lequel constitue une source de revenus pour une partie de la population agricole. Selon le quatrième considérant de la même directive, des résultats satisfaisants dans ce domaine dépendent dans une large mesure de l’utilisation d’équidés inscrits dans des livres généalogiques tenus par des organisations ou associations officiellement agréées. Le cinquième considérant de ladite directive souligne que la libéralisation totale des échanges suppose une harmonisation ultérieure des règles d’inscription dans ces livres.

4
L’article 4, paragraphe 2, de la directive 90/427 prévoit l’adoption par la Commission de décisions fixant, notamment, les critères d’agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant des livres généalogiques. L’article 4, paragraphe 1, définit les principes à prendre en compte lors de l’adoption de ces décisions, lesquelles sont adoptées selon la procédure prévue à l’article 10 de cette même directive.

5
C’est dans ce contexte que la Commission a adopté la décision 92/353, laquelle détermine les critères d’agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés. Aux termes de l’article 1er de cette décision, pour être agréées ou reconnues officiellement, les organisations ou associations concernées doivent présenter leur demande aux autorités de l’État membre sur le territoire duquel elles ont leur siège social.

6
L’article 2 de la décision 92/353 dispose:

«1.      Les autorités de l'État membre concerné doivent accorder l'agrément ou la reconnaissance officiel à toute organisation ou association tenant ou créant des livres généalogiques, si elle répond aux conditions prévues à l'annexe.

2.        Toutefois, dans un État membre où existent, pour une race, une ou des organisations ou associations agréées ou reconnues officiellement, les autorités de l'État membre concerné pourront ne pas reconnaître une nouvelle organisation ou association:

a)
si celle-ci met en péril la conservation de la race ou compromet le fonctionnement ou le programme d'amélioration ou de sélection d'une organisation ou association existante,

ou

b)
si les équidés de cette race peuvent être inscrits ou enregistrés dans une section spécifique d'un livre généalogique tenu par une organisation ou association respectant notamment pour cette section les principes établis conformément au point 3) b) de l'annexe par l'organisation ou l'association qui tient le livre généalogique d'origine de ladite race.

3.        Les États membres informent la Commission des agréments ou reconnaissances officiels délivrés ainsi que des refus opposés.

4.        Lorsqu'un agrément ou une reconnaissance officiels est refusé à une organisation ou association dans un État membre, les raisons du refus doivent être communiquées par écrit à l'association ou à l'organisation.»

7
En outre, l’article 3 de la décision 92/353 prévoit que, lorsqu’une association ou organisation tenant un livre généalogique ne répond plus de façon durable aux conditions prévues à l’annexe de la même décision, les autorités de l’État membre concerné doivent lui retirer l’agrément ou la reconnaissance officiel.

La réglementation nationale

8
En Autriche, la transposition de la directive 90/427, ainsi que la mise en œuvre des décisions de la Commission fondées sur cette directive, relèvent de la compétence des Länder.

9
L’article 9 de la troisième section du Burgenländischen Tierzuchtgesetz (loi relative à l’élevage agricole au Burgenland, ci-après le «Tierzuchtgesetz»), du 2 mars 1995 (LGBl 1995/33, dans la version du LGBl 2001/32) régit la reconnaissance des organisations d’éleveurs. Cet article dispose notamment:

«1) Le gouvernement du Land est tenu de reconnaître une organisation d’éleveurs lorsque:

1.
son programme d’élevage est susceptible de stimuler l’élevage au sens de l’article 1er, paragraphe 2,

2.
la population existante est suffisamment grande aux fins de la mise en œuvre du programme d’élevage,

3.
le personnel et les installations nécessaires pour un élevage de bon niveau sont disponibles,

4.
il est garanti, notamment au regard des conditions de personnel, techniques et organisationnelles, que,

a)
l’organisation d’éleveurs a son siège au Burgenland;

b)
les animaux d’élevage sont identifiés durablement de manière à ce que leur identité puisse être constatée;

c)
le livre ou le registre généalogique est tenu en bonne et due forme et les exploitations procèdent aux enregistrements nécessaires;

d)
dans une association, tout animal qui, compte tenu de son ascendance et de sa qualité – y compris son aspect extérieur – remplit les conditions d’inscription, est inscrit ou est mentionné sur demande et peut être inscrit dans le livre généalogique; les animaux introduits au Burgenland ne sont pas soumis à des conditions plus strictes que ceux qui en sont originaires, et

5.
tout éleveur du domaine d’activité matériel et géographique d’une association d’éleveurs relevant de son ordre juridique qui satisfait à la condition relative à l’exercice régulier de l’activité peut être membre de ladite association.

2) La demande de reconnaissance contient les pièces suivantes:

[…]

3.
le programme d’élevage faisant apparaître l’objectif de l’élevage, sa méthode, la taille de l’élevage, ainsi que le type, l’ampleur et le mode d’exploitation des tests de performance effectués;

4.
des indications concernant l’effectif des animaux prévu des exploitations ou éleveurs participant au programme d’élevage;

5.
dans le cas d’une association d’éleveurs:

a)
pièce justificative concernant la base juridique et indiquant le domaine d’activité matériel et géographique de l’association;

b)
le règlement du livre généalogique indiquant les conditions à remplir pour l’inscription aux différentes rubriques du livre généalogique;

[…]

3) Les associations d’éleveurs dont le domaine d’activité matériel et géographique recoupe, entièrement ou en partie, celui visé au paragraphe 2, point 5, sous a), sont entendues dans le cadre de la procédure de reconnaissance.

[…]

5) Lorsqu’il existe déjà, pour une race, une ou plusieurs organisations d’éleveurs reconnues, le gouvernement du Land refuse de reconnaître une nouvelle organisation d’éleveurs si cela met en péril la conservation de la race ou le programme zootechnique d’une organisation existante.»


Le litige au principal et les questions préjudicielles

10
Le Zuchtverband für Ponys est reconnu dans le Burgenland en tant qu’organisation d’éleveurs de poneys des îles Shetland depuis le 14 août 1997, conformément aux dispositions du Tierzuchtgesetz.

11
En 1997, l’ÖSZV a également demandé auprès du gouvernement du Burgenland, autorité compétente en la matière, sa reconnaissance comme organisation d’éleveurs de poneys des îles Shetland.

12
Le Zuchtverband für Ponys a été entendu au cours de la procédure administrative consécutive. Il s’est prononcé contre la reconnaissance de l’ÖSZV en affirmant que cela mettrait en péril la conservation de la race, son propre fonctionnement en tant qu’organisation existante et son programme d’amélioration et de sélection.

13
Par décision du 30 avril 2001, l’ÖSZV a été reconnu dans le Burgenland, en application de l’article 9 du Tierzuchtgesetz, selon un programme zootechnique déterminé et pour une durée de dix ans.

14
Le Zuchtverband für Ponys a introduit un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof. Toutefois, selon le gouvernement du Burgenland, il n’a pas la qualité de partie à la procédure de reconnaissance de l’ÖSZV ni un droit à contester en justice ladite décision.

15
Le Verwaltungsgerichtshof expose que, afin de statuer sur la recevabilité du recours, il doit d’abord examiner si le requérant au principal a un droit juridiquement protégé à ce que la reconnaissance soit refusée à une nouvelle organisation d’éleveurs, lorsque certaines conditions sont remplies.

16
Il précise que, si l’on appliquait le seul droit national, le recours devrait être rejeté sans qu’il soit possible d’examiner la question de savoir si la reconnaissance de l’ÖSZV comme organisation d’éleveurs met en péril la conservation de la race ou le programme zootechnique du requérant au principal. En effet, selon une jurisprudence constante du Verwaltungsgerichtshof rendue à propos d’autres textes, une disposition conférant à quelqu’un le seul droit à être entendu dans le cadre d’une procédure administrative signifie que la personne en question n’a pas la qualité de partie dans cette procédure administrative. Or, dans le droit autrichien de la procédure administrative, la qualité de partie serait l’instrument processuel de mise en œuvre des prétentions juridiques. Dénier à une personne la qualité de partie à la procédure aurait pour conséquence que cette personne n’aurait pas le droit de solliciter de l’administration une décision allant dans un sens déterminé ni le droit de contester par la suite, devant les tribunaux, la décision prise par l’administration.

17
Le Zuchtverband für Ponys soutient que le droit communautaire lui confère un droit juridiquement protégé à ce que, d’une part, il soit vérifié si la reconnaissance de l’ÖSZV met en péril la conservation de la race ou le programme zootechnique d’une organisation existante et que, d’autre part, dans l’affirmative, cette reconnaissance soit refusée par l’autorité administrative. Il invoque à l’appui de sa position la directive 90/427 et la décision 92/353.

18
Le Verwaltungsgerichtshof n’exclut pas que le Zuchtverband für Ponys puisse fonder sa position sur la décision 92/353. Il relève à cet égard que, depuis l’arrêt du 6 octobre 1970, Grad (9/70, Rec. p. 825), une jurisprudence constante de la Cour reconnaît aux particuliers la possibilité de se prévaloir devant les autorités et juridictions nationales d’une décision dont les États membres sont destinataires, aux mêmes conditions que s’agissant d’une directive.

19
En ce qui concerne la question de savoir si l’article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353 a un contenu suffisamment inconditionnel et précis pour pouvoir être invoqué directement par un particulier, le Verwaltungsgerichtshof émet plusieurs observations.

20
Selon lui, le verbe «pourront» figurant dans cette disposition peut signifier que les États membres ont la possibilité de décider librement si la reconnaissance d’une nouvelle association sera refusée lorsque celle-ci met en péril la conservation de la race ou compromet le fonctionnement ou le programme d’amélioration ou de sélection d’une organisation ou association existante. Dans ce cas, le Zuchtverband für Ponys ne serait pas en droit de se prévaloir directement de la décision 92/353.

21
Toutefois, selon le Verwaltungsgerichtshof, la marge de manœuvre laissée en apparence aux États membres par l’utilisation du verbe «pourront» est susceptible d’être réduite à néant par d’autres dispositions du droit communautaire. Il rappelle que dans l’arrêt du 16 septembre 1999, WWF. e.a. (C-435/97, Rec. p. I-5613), la Cour a déclaré que la marge d’appréciation que l’article 4, paragraphe 4, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), reconnaît en apparence aux États membres est limitée par l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

22
Même s’il devait être considéré que l’article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353 confère une marge d’appréciation aux États membres, se poserait néanmoins la question de savoir si, eu égard aux principes du droit communautaire, un État membre peut prévoir les conditions de refus de la reconnaissance de nouvelles associations sans accorder aux associations existantes un droit juridiquement protégé à ce que la reconnaissance soit refusée.

23
En ce qui concerne l’hypothèse de la mise en péril de la conservation de la race, le Verwaltungsgerichtshof doute qu’une organisation existante puisse se prévaloir d’un droit juridiquement protégé à ce que la reconnaissance soit refusée. En effet, il n’existerait pas un lien direct entre ce motif de refus de la reconnaissance et les intérêts d’une organisation existante.

24
Le Verwaltungsgerichtshof rappelle également que, selon la jurisprudence de la Cour, une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à son encontre (arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori, C-91/92, Rec. p. I-3325). À ce sujet, il fait observer que l’article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353 ne se limite pas à accorder un avantage aux associations existantes, avantage que celles-ci pourraient éventuellement invoquer à l’égard d’un État membre. Cette disposition semblerait contenir également une charge pour l’association d’éleveurs qui cherche à être reconnue, puisque si les conditions prévues audit article 2, paragraphe 2, sous a), sont remplies, la reconnaissance lui serait refusée. Cependant, le Verwaltungsgerichtshof estime ne pas pouvoir conclure avec certitude si une «charge» de ce type constitue une «obligation dans le chef d’un particulier» au sens de la jurisprudence de la Cour.

25
Selon lui, la jurisprudence de la Cour admet qu’une directive puisse créer indirectement des charges pour des particuliers. Dans ce contexte, il fait référence aux arrêts de la Cour du 11 août 1995, Commission/Allemagne (C-431/92, Rec. p. I-2189, dit «arrêt Groβkrotzenburg»), et du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo (103/88, Rec. p. 1839).

26
Le Verwaltungsgerichtshof examine, en outre, la question de savoir dans quelle mesure le droit communautaire intervient dans le domaine du droit processuel national et des règles nationales de compétence. Compte tenu de la formulation univoque de l’article 9, paragraphe 3, du Tierzuchtgesetz, il ne serait pas possible d’interpréter le droit autrichien en ce sens qu’une organisation d’éleveurs existante a un droit de recours contre la décision prise par l’administration dans le cadre de la procédure de reconnaissance d’une nouvelle organisation d’éleveurs. Or, selon la doctrine autrichienne, qui s’appuie sur la jurisprudence de la Cour (arrêt du 7 juillet 1981, Rewe, 158/80, Rec. p. 1805), en l’absence d’une règle spécifique édictée par le droit communautaire, il incomberait aux États membres de prévoir les voies de recours permettant aux particuliers d’exercer les droits qu’ils tirent du droit communautaire. Le respect de l’autonomie des États membres impliquerait que le droit communautaire ne peut se substituer à l’application des dispositions nationales en matière de procédure et de compétence.

27
En l’occurrence, le législateur autrichien aurait aménagé le statut procédural des associations et organisations d’éleveurs existantes de façon qu’elles ne puissent saisir le Verwaltungsgerichtshof. Dans ces circonstances, même si l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353 accordait aux associations existantes un droit au respect des conditions prévues dans cette disposition, le droit en question ne serait pas juridiquement protégé en Autriche.

28
Selon le Verwaltungsgerichtshof, ce résultat n’est pas satisfaisant et ne peut être déduit de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 24 septembre 1998, Tögel, C‑76/97, Rec. p. I-5357, et du 4 mars 1999, HI, C-258/97, Rec. p. I-1405). Une prétention fondée sur le droit communautaire devrait pouvoir être présentée devant le Verwaltungsgerichtshof, juridiction nationale normalement compétente pour des prétentions du même type fondées sur le droit national.

29
Eu égard à ces éléments, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)
L'article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision [...] 92/353 [...] accorde-t-il à une organisation (association) existante un droit à ce que l'autorité compétente refuse la reconnaissance à une nouvelle organisation (à une nouvelle association) si la reconnaissance de la nouvelle organisation (association) met en péril la conservation de la race ou compromet le fonctionnement ou le programme d'amélioration ou de sélection d'une organisation ou association existante?

2.
L'article 2, paragraphe 2, sous a) de la décision [92/353] fait-il obstacle à l'application d'une disposition nationale qui


Sur la première question

30
Par sa première question, ainsi que par la première partie de sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353 doit être interprété en ce sens que, lorsque se vérifient l’une ou plusieurs des circonstances mentionnées dans cette disposition, les organisations ou associations déjà reconnues ou agréées officiellement pour une race d’équidés sont en droit d’exiger des autorités compétentes que celles-ci refusent la reconnaissance ou l’agrément d’une nouvelle association ou organisation tenant ou créant des livres généalogiques pour la même race.

31
Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 92/353, les autorités compétentes de l’État membre concerné doivent accorder l’agrément ou la reconnaissance officielle à toute organisation ou association tenant ou créant des livres généalogiques, si elle répond aux conditions prévues à l’annexe de la même décision.

32
Ainsi qu’il ressort de cette disposition, tout comme des considérants de la directive 90/427, la reconnaissance officielle de nouvelles associations ou d’organisations tenant ou créant des livres généalogiques est, en règle générale, conforme aux objectifs poursuivis par la réglementation communautaire en matière d’échanges intracommunautaires d’équidés. En effet, la poursuite des objectifs d’encourager l’élevage d’équidés enregistrés et de développer leur commercialisation dans les échanges intracommunautaires présuppose l’existence, dans les différents États membres de la Communauté, d’un nombre suffisant d’organisations en mesure de tenir les livres généalogiques dans lesquels un nombre croissant d’équidés pourra être enregistré.

33
Tout en étant favorable à la reconnaissance ou agrément officiel de nouvelles associations ou organisations tenant ou créant des livres généalogiques, la réglementation communautaire n’en exige pas moins, comme il résulte du libellé de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 92/353, que chaque association ou organisation réponde aux conditions prévues à l’annexe de cette décision. En outre, il découle de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/427 que la reconnaissance ou l’agrément desdites organisations et associations est soumis au respect des principes établis par l’organisation ou l’association qui tient le livre généalogique d’origine de la race.

34
S’agissant de l’article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353, il convient de constater que, ainsi que l’ont soutenu à juste titre le gouvernement autrichien et la Commission, l’objet principal de cette disposition est de conférer aux autorités compétentes des États membres un pouvoir d’appréciation leur permettant, dans l’une ou l’autre des circonstances visées dans ce même article 2, paragraphe 2, sous a) ou b), de refuser la demande de reconnaissance introduite par une nouvelle association ou organisation, même si les conditions prévues à l’annexe de cette décision sont remplies. En effet, en dehors desdites circonstances, et conformément à l’article 2, paragraphe 1, de ladite décision, les autorités compétentes sont tenues d’accorder la reconnaissance à toute organisation ou association qui répond aux conditions prévues à ladite annexe.

35
C’est dans ce contexte que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353 énonce expressément les circonstances dans lesquelles les autorités compétentes d’un État membre peuvent refuser la reconnaissance d’une nouvelle organisation ou association. Il s’agit des situations où, dans l’État membre concerné, il existe déjà une ou plusieurs organisations ou associations reconnues officiellement pour une même race d’équidés et que la reconnaissance de la nouvelle organisation ou association met en péril la conservation de cette race, ou bien compromet le fonctionnement ou le programme d’amélioration ou de sélection d’une organisation ou association existante.

36
Contrairement à la thèse soutenue par le Zuchtverband für Ponys, l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353 ne peut être interprété en ce sens qu’il accorde à une association existante un droit subjectif à exiger des autorités compétentes concernées qu’elles refusent la reconnaissance demandée par une nouvelle association ou organisation lorsque se vérifient l’une ou plusieurs des circonstances visées à cette disposition. En effet, si une telle interprétation était acceptée, elle reviendrait à supprimer la marge d’appréciation que l’article 2, paragraphe 2, de la décision 92/353 a entendu réserver aux autorités compétentes des États membres.

37
Il convient dès lors de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353 doit être interprété en ce sens que, lorsque se vérifient l’une ou plusieurs des circonstances mentionnées dans cette disposition, les organisations ou associations déjà reconnues ou agréées officiellement pour une race d’équidés ne sont pas en droit d’exiger des autorités compétentes que celles-ci refusent la reconnaissance ou l’agrément d’une nouvelle association ou organisation tenant ou créant des livres généalogiques pour la même race.


Sur la seconde question

38
Par la seconde partie de sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si le droit communautaire s’oppose à ce que la législation d’un État membre prive les associations ou organisations existantes, qui se sont prononcées contre la reconnaissance d’une nouvelle association ou organisation, d’une voie de recours juridictionnel à l’encontre de la décision de reconnaissance prise par les autorités nationales compétentes.

39
Il résulte de la réponse apportée à la première question que, lorsque se vérifient l’une ou plusieurs des circonstances mentionnées à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353, les organisations ou associations déjà reconnues ou agréées officiellement pour une race d’équidés ne sont pas en droit d’exiger des autorités compétentes que celles-ci refusent la reconnaissance ou l’agrément d’une nouvelle association ou organisation tenant ou créant des livres généalogiques pour la même race.

40
Dans ces conditions, et pour les raisons exposées par M. l’avocat général aux points 38 à 40 de ses conclusions, il convient de répondre à la seconde question que le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que la législation d’un État membre prive les associations ou organisations existantes, qui se sont prononcées contre la reconnaissance d’une nouvelle association ou organisation, d’une voie de recours juridictionnel à l’encontre de la décision de reconnaissance prise par les autorités nationales compétentes.


Sur les dépens

41
La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)
L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la décision 92/353/CEE de la Commission, du 11 juin 1992, déterminant les critères d’agrément ou de reconnaissance des organisations et associations tenant ou créant les livres généalogiques pour les équidés enregistrés, doit être interprété en ce sens que, lorsque se vérifient l’une ou plusieurs des circonstances mentionnées dans cette disposition, les organisations ou associations déjà reconnues ou agréées officiellement pour une race d’équidés ne sont pas en droit d’exiger des autorités compétentes que celles-ci refusent la reconnaissance ou l’agrément d’une nouvelle association ou organisation tenant ou créant des livres généalogiques pour la même race.

Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que la législation d’un État membre prive les associations ou organisations existantes, qui se sont prononcées contre la reconnaissance d’une nouvelle association ou organisation, d’une voie de recours juridictionnel à l’encontre de la décision de reconnaissance prise par les autorités nationales compétentes.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'allemand.