1. Concurrence - Concentrations - Examen par la Commission - Obligations de la Commission à l'égard des tiers qualifiés - Obligation de prendre position sur une plainte
(Règlement du Conseil n° 4064/89)
2. Recours en carence - Mise en demeure de l'institution - Respect d'un délai raisonnable - Affaires relatives aux concentrations entre entreprises
(Art. 232, al. 2, CE; règlement du Conseil n° 4064/89, art. 4, 6 et 10, § 1, 3 et 6)
1. La Commission ne peut s'abstenir de prendre en compte les plaintes des entreprises tierces à une opération de concentration susceptible de revêtir une dimension communautaire. En effet, la réalisation d'une telle opération au bénéfice d'entreprises concurrentes des plaignantes est de nature à induire une modification immédiate de la situation de ces dernières sur le ou les marchés concernés.
Par ailleurs, la Commission ne peut valablement soutenir qu'elle n'est pas tenue de statuer sur le principe même de sa compétence d'autorité de contrôle, alors qu'elle est chargée à titre exclusif, en vertu de l'article 21 du règlement n° 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, d'arrêter, sous le contrôle de la Cour, les décisions prévues par ce règlement. Si la Commission refusait de se prononcer formellement, à la demande d'entreprises tierces, sur la question de savoir si une opération de concentration, qui ne lui a pas été notifiée, relève ou non du champ d'application de ce texte, elle placerait ces entreprises dans l'impossibilité de bénéficier des garanties de procédure que leur ouvre la législation communautaire. Elle se priverait, dans le même temps, d'un moyen de vérifier que les entreprises qui sont parties à une opération de concentration de dimension communautaire respectent effectivement leur obligation de notification. En outre, les entreprises plaignantes ne pourraient contester par la voie du recours en annulation un refus d'agir de la Commission qui est de nature à leur faire grief.
Enfin, aucune raison ne justifie que la Commission s'affranchisse en la matière de l'obligation de procéder, dans l'intérêt d'une bonne administration, à un examen diligent et impartial des plaintes dont elle est saisie. La circonstance que les plaignants n'aient pas, en vertu du règlement n° 4064/89, le droit de voir leurs plaintes instruites dans des conditions comparables à celles des plaintes relevant du champ d'application du règlement n° 17 n'implique pas que la Commission soit dispensée de se livrer à l'examen de sa compétence et d'en tirer les conséquences qui s'imposent. Elle n'exonère pas la Commission de l'obligation de répondre de manière motivée à une plainte tirée de ce que cette compétence aurait précisément été méconnue.
( voir points 27-30 )
2. Les exigences de sécurité juridique et de continuité de l'action communautaire qui sont à l'origine tant de l'article 230, cinquième alinéa, CE que des articles 4, 6 et 10, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement n° 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, seraient méconnues si la Commission pouvait, en application de l'article 232, deuxième alinéa, CE, être invitée à se prononcer, au-delà d'un délai raisonnable, sur la compatibilité avec le marché commun d'une opération de concentration qui ne lui a pas été notifiée. Des entreprises pourraient ainsi amener la Commission à remettre en cause une décision prise par les autorités nationales compétentes à l'égard d'une opération de concentration, y compris après l'épuisement des voies de recours ouvertes contre cette décision dans l'ordre juridique de l'État membre concerné.
Ne peut pas être considéré comme raisonnable un délai de quatre mois à compter du moment où l'autorité nationale compétente a pris sa décision relative à la réalisation de l'opération.
( voir points 36-38 )