CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
Mme CHRISTINE STIX-HACKL
présentées le 10 avril 2003(1)



Affaire C-42/02



Diana Elisabeth Lindman
contre
Skatterättelsnämnden





[demande de décision préjudicielle formée par le Ålands förvaltningsdomstol (Finlande)])

«Article 46 CE – Article 49 CE – Sommes gagnées dans les loteries – Imposition – Discrimination – Cohérence du système fiscal – Proportionnalité»






I –    Introduction

1.        Dans la présente affaire, la Cour est de nouveau saisie après ses arrêts Schindler (2) , Läärä e.a. (3) et Zenatti (4) , d'une question relative à la compatibilité d'une réglementation nationale sur les jeux de hasard avec les dispositions du traité CE relatives à la libre prestation de services. Le Ålands förvalningsdommstol (Finlande) demande à la Cour de répondre à la question préjudicielle de savoir si l'article 49 CE interdit à un État membre de traiter les gains provenant de jeux de hasard organisés dans d'autres États membres comme un revenu imposable du gagnant au titre de l'impôt sur le revenu tandis que les gains provenant de jeux de hasard organisés par l'État membre en question ne sont pas imposables.

II –   Le cadre juridique

A –    La lotteriskattelagen (552/1992)

2.        En vertu de l'article 1 er de la lotteriskattelagen, un impôt sur les jeux de hasard est dû à l'État pour les loteries organisées en Finlande.

3.        En vertu de l'article 2, premier alinéa, de cette loi il convient de considérer comme loteries entre autres: «les loteries rapportant un gain sous forme de marchandise ou d'argent, jeux de bingo et toto […]»

4.        L'article 3 de la lotteriskattelagen dispose entre autres: «Est assujettie la personne qui organise un jeu de hasard».

B –    La inkomstskatellagen (1535/1992)

5.        L'article 1 er , premier et deuxième alinéas, de la inkomstskatellagen (loi relative à l'impôt sur le revenu) dispose:

«Catégories de revenus et bénéficiaires de l'impôt. En ce qui concerne les revenus professionnels, l'impôt est dû à l'État, à la commune et à la paroisse. En ce qui concerne les revenus du capital, l'impôt est dû à l'État. Le droit des communes au produit de l'imposition des revenus du capital s'apprécie lors de la distribution de la recette de l'impôt, selon ce que prévoient la présente loi et la lagen om skatteuppbörd (611/78)»

6.        L'article 9, premier et deuxième alinéas de la inkomstskattelagen désigne les personnes assujetties et les revenus imposables. Sont, en vertu de ces dispositions, tenues d'acquitter l'impôt sur le revenu les personnes ayant résidé en Finlande pendant l'exercice fiscal en ce qui concerne les revenus acquis en Finlande et à l'étranger. Les revenus imposables sont les revenus de la personne assujettie en argent ou valeur correspondante. Les revenus des personnes physiques et des successions sont répartis en deux catégories, à savoir les revenus du capital et les revenus professionnels.

7.        En ce qui concerne les gains provenant des jeux de hasard, l'article 85 de la inkomstskattelagen dispose ce qui suit:

«Gains obtenus au jeu. Les gains obtenus dans le cadre de jeux de hasard visés à l'article 2 de la lotteriskattelagen ne constituent pas des revenus imposables. Sont toutefois réputés tels les gains pouvant être considérés comme une indemnité raisonnable versée en contrepartie d'une prestation particulière ou comme un salaire au sens de la lagen om förskottsuppbörd [la loi relative au recouvrement des précomptes]»

C –    La kommunalskattelagen för landskapet Åland

8.        L'article 1 er , premier alinéa, dispose entre autres:

«Champ d'application de la loi. Les communes perçoivent un impôt sur les revenus professionnels […], et reçoivent les déductions des reports déficitaires qui leur sont communiquées à l'occasion de l'imposition, conformément aux dispositions de la inkomstskattelagen (FFS 1535/92) et du förordningen om skatt på inkomst (FFS 1551/92) [le règlement relatif à l'impôt sur le revenu], y compris les exceptions prévues par cette loi et par des dispositions particulières.»

III –   Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

9.        M me Diana Elisabeth Lindman, la requérante dans la procédure au principal, est citoyenne finlandaise et réside dans la commune de Saltvik dans l'archipel de Åland (Finlande). Durant un séjour en Suède elle a acheté un billet pour une loterie organisée par la société AB Svenska Spel. À l'issue du tirage, qui a eu lieu à Stockholm le 7 janvier 1998, elle a été désignée gagnante de 1 000 000 de SEK. Le gain qui correspond à 672 100 FIM a été traité dans le cadre de l'imposition sur le revenu pour l'année fiscale 1998, comme revenu professionnel imposable.

10.      En raison du classement du gain de loterie en tant que revenu professionnel il a fait l'objet de la perception de l'impôt national revenant à l'État finlandais, de l'impôt communal revenant à la commune de Saltvik, de l'impôt du culte au profit de la paroisse, ainsi que d'un supplément de prime d'assurance maladie, perçu en vertu de la sjukförsäkringslagen (loi relative à l'assurance maladie) et lié à la perception de l'impôt communal de l'assuré.

11.      Le gain n'a pas été considéré comme non imposable, aux termes de l'article 85 de la inkomstskattelagen, étant donné que la non™imposition ne vaut que pour les jeux de hasard visés à l'article 2 de la lotteriskattelagen, lesquels ne comprennent que les jeux organisés en Finlande. Le gain n'a pas non plus été traité comme un revenu du capital dans la mesure où cette notion comprend les revenus réputés découler de la propriété, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

12.      M me Lindman a contesté la décision d'imposition devant la commission de recours en matière fiscale. Sa demande d'annuler ou de réduire l'imposition de son gain de loterie obtenu en Suède a été rejetée par décision du 22 mai 2000 après consultation du skattestyrelsen (direction des contributions).

13.      M me Lindman a introduit un recours contre la décision de la commission de recours auprès du Ålands förvaltningsdomstol, la juridiction du litige au principal.

14.      Elle demande dans son recours l'annulation de l'imposition de son gain de loterie et à titre subsidiaire d'imposer le gain en tant que revenu du capital et donc à un taux plus bas.

15.      Les autorités finlandaises estiment dans la procédure d'origine, que l'exonération d'impôt prévue dans la inkomstskattelagen ne vaut que pour les loteries organisées en Finlande et que cela n'empêcherait pas une société de loterie suédoise d'offrir librement ses services en Finlande au sens de l'article 49 CE.

16.      Selon les indications du Ålands förvaltningsdomstol, l'exonération d'impôt au titre de la inkomstskattelagen sur la base de la lotteriskattelagen ne vaut que pour les loteries organisées en Finlande. Le tribunal estime par conséquent que la perception d'un impôt sur le revenu sur les gains provenant de loteries organisées à l'étranger (en tant que revenu professionnel ou du capital) pourrait éventuellement être perçue comme une différence de traitement basée sur le lieu de fourniture du service.

17.      Le Ålands förvaltningsdomstol a par conséquent déféré à la Cour par ordonnance du 5 février 2000 la question préjudicielle suivante en application de l'article 234 CE:

La législation d'un État membre selon laquelle les gains provenant de jeux de hasard organisés dans d'autres États membres sont considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre de l'impôt sur le revenu, tandis que les gains provenant de jeux de hasard organisés dans l'État membre en question ne sont pas imposables, est-elle compatible avec l'article 49 CE?

IV –   Les arguments des parties

18.      Dans la présente affaire des observations ont été présentées par M me Lindman, les gouvernements finlandais, belge et danois, la Commission ainsi que l'Autorité de surveillance AELE et le gouvernement norvégien.

19.      M me Lindman s'est contentée d'affirmer qu'elle considère l'imposition de son gain de loterie comme étant discriminatoire. Selon elle, son gain n'aurait en effet pas été imposé si elle avait résidé en Suède ou si elle avait gagné auprès d'une loterie finlandaise.

20.      Les gouvernements finlandais, belge, danois et norvégien considèrent qu'une réglementation fiscale comme celle applicable en Finlande et en vertu de laquelle les gains provenant de loteries organisées dans d'autres États membres sont imposés contrairement aux gains provenant de loteries nationales, est compatible avec la libre prestation de services au titre de l'article 49 CE. Ces gouvernements renvoient à cet égard avant tout à la jurisprudence de la Cour dans les affaires Schindler  (5) , Läärä e.a.  (6) et Zenatti  (7) . Ils admettent pour l'essentiel qu'un tel traitement fiscal des gains de loterie est de nature à restreindre la libre prestation de services mais ils ne considèrent pas cette réglementation comme nécessairement discriminatoire. Ils font unanimement valoir que les dispositions juridiques finlandaises seraient en tout cas justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et affirment qu'en vertu de la jurisprudence susmentionnée les États membres se voient reconnaître une large marge d'appréciation pour la réglementation des jeux de hasard.

21.      Le gouvernement finlandais affirme par ailleurs que l'organisation de jeux de hasard en Finlande est soumise à une réglementation qui sert à la sécurité juridique des joueurs, à la prévention de la criminalité ainsi qu'à la limitation du dommage social créé par les jeux de hasard. Ces objectifs ont été reconnus comme motifs justificatifs pour la restriction de la libre prestation de services dans l'arrêt Schindler, précité, et ils justifieraient aussi la réglementation fiscale en cause puisque celle-ci ferait partie de la réglementation nationale des jeux de hasard.

22.      Le gouvernement finlandais indique que les recettes des jeux de hasard qui sont organisés par les trois sociétés autorisées à le faire en Finlande sont conséquentes. Il souligne que ces recettes rentreraient dans le budget de l'État afin de garantir qu'elles seront employées dans toute la mesure du possible pour le bien de la société. L'État finlandais a par conséquent renoncé à une imposition trop importante des jeux de hasard afin de ne pas menacer l'utilisation des recettes pour les objectifs d'intérêt général.

23.      Le gouvernement finlandais affirme par ailleurs que les activités de loterie seraient par conséquent soumises en Finlande à une imposition très réduite et qu'à cet égard aucune autre taxe ne serait prévue en dehors de l'impôt sur les jeux de hasard. Celui-ci ne correspondrait actuellement pas, d'après son montant, à l'impôt qu'un gagnant devrait payer si l'on traitait ses gains comme un revenu imposable.

24.      Le gouvernement finlandais fait valoir qu'il ne peut pas imposer les organisateurs étrangers de loteries et qu'il ne lui reste donc pas d'autre choix que d'imposer les gagnants des loteries étrangères. Dans le cas contraire le gagnant dans le pays de loteries étrangères se partagerait avec les organisateurs étrangers de ces loteries un avantage fiscal, et ce sans se soucier de savoir si dans le pays d'origine des loteries les recettes de jeux sont employées dans l'intérêt général ou si les mêmes objectifs de protection sont pris en compte comme dans la réglementation finlandaise.

25.      Lors de l'audience, le gouvernement finlandais a précisé que l'utilisation des recettes de loterie pour des objectifs d'intérêt général n'était qu'un argument supplémentaire en ce qui concerne la compatibilité avec le droit communautaire. Les jeux de hasard seraient d'une manière générale soumis en Finlande à des restrictions en ce qui concerne les mises et les gains. Le montant des gains influencerait de manière décisive le caractère attractif du jeu. L'imposition rendrait la participation aux loteries étrangères moins attrayante de sorte que le contrôle et la protection des effets néfastes pour la société de ce jeu pourraient être maintenus. Ces objectifs ne pourraient être atteints que grâce à l'imposition des recettes issues des jeux de hasard étrangers; il n'existerait pas de mesures moins contraignantes.

26.      Selon le gouvernement finlandais, des restrictions concernant l'organisation de jeux et concernant les conditions auxquelles cette activité est soumise, imposées par des dispositions nationales, peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général ‑ se référant à la protection des joueurs, l'ordre social et le financement d'activités d'intérêt général ‑ même si ces dispositions nationales étaient discriminatoires.

27.      La réglementation fiscale en cause ne saurait cependant être considérée comme discriminatoire. La raison pour laquelle les gains provenant de loteries nationales ne sont pas imposés serait en effet que ces loteries sont soumises à une imposition à travers leur organisateur. Les gains provenant de loteries nationales seraient en outre tout autant à imposer si ces dernières étaient organisées sans autorisation de sorte qu'il n'y aurait pas de discrimination fondée sur la nationalité.

28.      Toutefois, même si cela devait être le cas, une justification sur la base de l'article 46 CE entrerait de toute façon dans son ensemble en ligne de compte. L'objectif de la réglementation des activités de loterie est en effet la prévention des jeux de hasard illégaux, le blanchiment d'argent et toute autre forme de criminalité, ce qui correspond aux objectifs de l'ordre public et de la sécurité publique. Il faut en outre considérer une forte dépendance au jeu comme une maladie de sorte que la réglementation nationale des loteries servirait également à la protection de la santé publique.

29.      Le gouvernement finlandais admet enfin qu'il n'y aurait pas pour les loteries finlandaises de restriction en ce qui concerne le montant des mises.

30.      Le gouvernement belge affirme à l'égard des dispositions finlandaises que les gains provenant de loteries autorisées en Finlande sont exonérés d'impôt mais que l'imposition aurait lieu au niveau des organisateurs de la loterie. L'imposition des gains provenant de loteries étrangères devrait donc être considérée comme un facteur correcteur permettant de tenir compte de l'imposition des organisateurs finlandais de loteries. Il y aurait sinon une incitation à jouer à l'étranger de sorte que les autorités nationales perdraient le contrôle vis-à-vis de l'offre existante de jeux de hasard et les conséquences sociales seraient imprévisibles.

31.      Le gouvernement belge considère lui aussi que la réglementation finlandaise en cause peut être justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général aux conditions que la Cour a fixées par exemple dans ses arrêts Kraus (8) et Gebhard  (9) . Entrent en particulier en lignent de compte comme motifs la protection des consommateurs et l'ordre public.

32.      Le gouvernement belge souligne que les conséquences néfastes des loteries se manifesteraient d'un point de vue individuel et social dans l'État dans lequel le joueur réside et non dans celui où le billet de loterie est acheté. Il appartiendrait donc au gouvernement finlandais de limiter au possible ces conséquences néfastes en n'exonérant d'impôt que les gains qui seraient obtenus auprès des organisateurs de loterie autorisés et contrôlés. Les loteries seraient conduites en Finlande par une organisation contrôlée par l'État. Une politique de canalisation serait ainsi poursuivie grâce à laquelle les joueurs devraient être tenus à l'écart de la «zone grise» des jeux de hasard. Cette politique risquerait d'être affaiblie par les loteries étrangères. En vertu de l'arrêt Zenatti (10) l'objectif de la réduction des opportunités de participer aux jeux de hasard suffit à justifier une restriction à la libre prestation de services.

33.      Les dispositions finlandaises ne contiendraient par ailleurs pas de discrimination fondée sur la nationalité. Il n'y aurait en effet lors de l'exonération d'impôt pas de distinction faite en fonction de la nationalité mais elle serait faite au contraire en fonction du fait que l'organisateur du jeu dispose ou non d'une autorisation. Les dispositions finlandaises qui viseraient à une limitation de l'offre de jeux à un niveau socialement acceptable seraient par ailleurs proportionnelles compte tenu de la dépendance au jeu que les loteries peuvent provoquer.

34.      Le gouvernement danois partage pour l'essentiel les opinions juridiques présentées. Il indique en outre qu'il présente des observations dans cette affaire parce qu'une imposition des loteries telle qu'elle est pratiquée en Finlande est habituelle dans les États membres. Si les gains provenant de loteries étrangères n'étaient pas imposés, cela amènerait le public dans les différents pays à participer à de telles loteries et cela retirerait toute efficacité aux dispositions juridiques que l'État membre en question a adoptées pour la protection des intérêts généraux impérieux et dont la justification a été reconnue par la Cour, et ce même lorsque la loterie est soumise à une réglementation dans un autre État membre.

35.      Le gouvernement danois souligne que les dispositions fiscales en cause sont une partie intégrante des dispositions légales grâce auxquelles l'organisation et la commercialisation des loteries et autres jeux de hasard sont réglementées et limitées et que la Cour a reconnues comme justifiées pour toute une série de raisons impérieuses d'intérêt général. En raison des possibilités offertes par Internet, l'interdiction de la commercialisation des jeux de hasard ne peut rester efficace qu'à l'aide de mesures fiscales d'accompagnement.

36.      Le gouvernement néerlandais affirme que l'objectif principal du gouvernement finlandais serait de prélever les impôts qui lui sont dus. La personne qui en tant qu'assujettie verse l'impôt ne serait pas décisive. La Finlande impose les gagnants de jeux de hasard soit directement indirectement à travers l'organisateur du jeu. Tandis qu'un gagnant finlandais d'une loterie finlandaise a déjà payé ses impôts à travers l'organisateur, un gagnant finlandais d'une loterie étrangère, qui en tant que telle n'est pas soumise à l'impôt en Finlande, n'a pas encore payé d'impôt. Il en découle que les dispositions fiscales finlandaises ne comportent pas de traitement discriminatoire et l'article 49 CE n'est pas violé.

37.     À supposer même qu'elles devraient être considérées comme discriminatoires, elles seraient tout de même compatibles avec l'article 49 CE pour les motifs cités à l'article 46 CE, puisque ces dispositions fiscales servent à la lutte contre les conséquences néfastes des jeux de hasard et n'iraient pas au-delà de ce qui serait nécessaire pour atteindre cet objectif. L'imposition des gains d'une loterie organisée dans un autre État membre ayant pour effet de limiter le montant des gains, est la seule possibilité de restreindre l'intérêt du public pour de tels jeux sans totalement interdire la participation.

38.      Le gouvernement norvégien renvoie également aux motifs justificatifs de l'article 46 CE et affirme à l'égard de l'ordre public que l'imposition des gains provenant du jeu sert en particulier à la lutte contre le blanchiment de l'argent. Des billets gagnants pourraient en effet être achetés par certaines personnes afin de démontrer aux autorités fiscales la provenance légale de l'argent.

39.      La Commission tout comme l'Autorité de surveillance AELE estime au contraire que l'imposition seulement des gains de loteries étrangères, comme en Finlande, est discriminatoire et ne saurait être justifiée par des motifs d'intérêt général. Elle violerait par conséquent l'article 49 CE.

40.      Selon la Commission, les exceptions prévues à l'article 46 CE ne sont en effet pas applicables dans la présente affaire. Les dispositions finlandaises en cause n'auraient en particulier pas pour objet de réglementer l'activité des jeux de hasard dans l'optique de l'intérêt général ou de protéger les particuliers contre les dangers des jeux de hasard. La législation finlandaise aurait au contraire pour effet que seuls les gains provenant de jeux de hasard étrangers devraient être considérés comme des revenus imposables. L'argument du gouvernement finlandais selon lequel la réglementation en cause servirait l'ordre public et la santé publique serait, ainsi que la Commission l'a noté lors de l'audience, vague et tiré par les cheveux. Les motifs cités par la Cour dans les affaires Schindler, Läärä e.a. et Zenatti, précitées, ne sauraient en outre justifier une discrimination directe telle que pratiquée en l'espèce. Même en supposant que les dispositions fiscales finlandaises ne sont pas discriminatoires, il n'y aurait pas de raisons impérieuses d'intérêt général pour justifier la restriction à la libre prestation de services.

41.      La Commission renvoie enfin à l'arrêt Fischer  (11) en vertu duquel un État membre, en application du principe de neutralité fiscale, ne saurait soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) un commerce lié à des jeux de hasard interdits si les activités légales correspondantes sont exonérées d'impôt. En vertu du principe de non-discrimination, un État membre ne peut pas traiter a fortiori un gagnant provenant de son territoire et ayant participé à un jeu de hasard organisé à l'étranger, plus mal qu'un gagnant d'un jeu de hasard national. La Commission a en outre souligné lors de l'audience la grande différence existante en ce qui concerne le niveau d'imposition, entre l'impôt sur les jeux de hasard prélevé à travers l'organisateur national et l'impôt sur le revenu auquel le gagnant d'une loterie étrangère est éventuellement soumis. Il pourrait en outre y avoir double imposition dans la mesure où la loterie suédoise est également soumise à l'imposition.

42.      L'Autorité de surveillance AELE partage pour l'essentiel le point de vue de la Commission. Elle constate que les dispositions finlandaises relatives à l'impôt sur le revenu font une distinction en ce qui concerne le gagnant de la loterie en fonction du lieu d'implantation du prestataire de services et réduisent par conséquent la liberté des organisateurs de jeux de prester des services. La différence de traitement fiscal des gains de loterie nationaux et étrangers est de nature à dissuader les joueurs finlandais de participer aux loteries étrangères.

43.      Il ne fait pas de doute que les États membres voient en général dans les jeux de hasard des dangers de nature morale, religieuse ou culturelle, mais compte tenu du fait qu'il existe en Finlande plusieurs loteries nationales, il est douteux que l'on puisse retenir ces considérations comme justification d'un traitement totalement différent des loteries étrangères. Les dispositions nationales discriminatoires ne peuvent être justifiées qu'exceptionnellement en vertu des motifs cités à l'article 46 CE, mais de tels motifs ne seraient pas présents à l'égard des dispositions fiscales en cause.

V –   Appréciation

44.      La Cour a déjà eu à de nombreuses reprises, et ce dans les affaires Schindler (12) , Läärä e.a.  (13) et Zenatti (14) , à statuer sur la compatibilité des dispositions nationales dans le domaine des jeux de hasard avec les libertés fondamentales.

45.      Il faut cependant relever deux différences qui caractérisent la présente affaire par rapport aux affaires susmentionnées et dont il faudra tenir compte lors de l'examen du point de vue du droit communautaire qui suit.

46.      C'est tout d'abord, avec la présente affaire, la première fois qu'une réglementation fiscale relative aux jeux de hasard est examinée en liaison avec les libertés fondamentales.

47.      La juridiction de renvoi souhaite savoir si la perception de l'impôt sur le revenu sur des gains provenant de loteries organisées dans d'autres États membres, tandis que les gains provenant de loteries organisées dans l'État membre en question sont exonérés d'impôt sur le revenu, est compatible avec la libre prestation de services au titre de l'article 49 CE.

48.      Par ailleurs, dans les affaires de libre prestation de services dans le domaine des jeux de hasard jugées jusqu'à présent par la Cour, ce sont des prestataires de services étrangers et leurs représentants sur le territoire ou sur le marché de l'État membre du destinataire de services qui agissaient ou qui étaient plutôt empêchés d'exercer de telles activités.

49.      Dans l'affaire Schindler, les ressortissants d'un État membre avaient reçu d'un organisateur de loterie implanté dans un autre État membre (et de son représentant) du matériel publicitaire et des billets afin qu'ils participent à cette loterie  (15) .

50.      L'affaire Läärä e.a. concernait la mise en place et l'exploitation de machines à sous par un exploitant établi dans un autre État membre  (16) .

51.      Dans l'affaire Zenatti, la participation à des paris sur des événements sportifs d'un organisateur étranger était organisée à travers un représentant travaillant dans l'État membre destinataire  (17) .

52.      Il s'agissait donc à chaque fois, dans les trois affaires citées ci™dessus, de la réglementation étatique relative aux activités de jeux de hasard sur le territoire des différents États membres, et ce avant tout du point de vue du contrôle de l'offre dans ces même États.

53.      Dans la présente affaire au contraire, il n'en va pas de la question de savoir dans quelle mesure un prestataire étranger de services dans le domaine des jeux de hasard peut travailler dans un autre État membre. Il ne s'agit pas de discuter d'une activité de la loterie suédoise en Finlande. Le point de départ est ici l'utilisation d'un service offert dans un autre État membre. Il s'agit à cet égard d'une expression de la libre prestation de services passive puisque M me Lindman durant son séjour en Suède a participé à la loterie qui y était organisée  (18) .

54.      Le recours à ce service a visiblement eu lieu dans la présente affaire à l'occasion du séjour plutôt que comme objectif de ce même séjour. Ce sont en effet moins les restrictions au droit d'une personne à se rendre dans un autre État membre que les restrictions concernant la libre circulation des services en tant que telle qui sont concernées au premier chef, c'est-à-dire des aspects de la «libre circulation des produits». Seraient donc aussi comparables avec la présente situation les affaires dans lesquelles une personne participe par téléphone, fax ou par internet à une loterie offerte par un organisateur étranger: donc également de purs services par correspondance qui cependant à la différence des services dans l'affaire Schindler ne sont pas liés à des activités de fournisseurs étrangers de services de loteries sur le territoire d'un autre État membre.

A –    La restriction de la libre prestation de services par la réglementation fiscale litigieuse

55.      Il faut tout d'abord retenir que d'après la jurisprudence constante, le domaine des impôts directs en tant que tel et en l'état actuel du droit communautaire ne rentre pas dans les compétences de la Communauté mais que les États membres doivent exercer les prérogatives qui leur restent dans le respect du droit communautaire  (19) .

56.      Ainsi que la Cour l'a déjà constaté dans l'affaire Schindler (20) , l'organisation d'une loterie est un service au sens de l'article 50 CE. La réglementation fiscale en cause ici doit donc être examinée, en ce qui concerne sa compatibilité avec la libre prestation de services, conformément à l'article 49 CE.

57.      D'après la jurisprudence constante, l'article 49 CE interdit non seulement toute discrimination d'un prestataire de services établi dans un autre État membre sur la base de la nationalité mais aussi d'une manière générale toute restriction à la libre prestation de services.

58.      Doivent être considérées comme de telles restrictions toutes les mesures ‑ même si elles s'appliquent indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres ‑ qui sont de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayant l'exercice de cette liberté  (21) .

59.      L'imposition litigieuse des gains de loterie n'empêche pas complètement les ressortissants finlandais de participer à des loteries dans un autre État membre. Cette imposition rend néanmoins de telles loteries certainement moins attrayantes que les loteries dont les gains sont exonérés d'impôt et elle est donc de nature à dissuader les joueurs finlandais de participer à des loteries à l'étranger. C'est là aussi d'après les indications du gouvernement finlandais exactement le but recherché par cette réglementation fiscale.

60.      Les dispositions fiscales litigieuses constituent donc fondamentalement, tant du point de vue des organisateurs étrangers de loteries que du point de vue des participants finlandais à ces mêmes loteries, une restriction à la libre prestation de services  (22) .

61.      Ce point n'est pour l'essentiel pas contesté par les gouvernements qui ont présenté des observations dans cette affaire.

62.      Les dispositions fiscales litigieuses ne peuvent donc être compatibles avec la libre prestation de services que s'il y a des motifs justificatifs correspondants et qu'il est tenu compte du principe de proportionnalité.

B –    Les motifs justificatifs qui entrent en ligne de compte

63.      Des restrictions à la libre prestation de services peuvent en principe être justifiées par des motifs d'intérêt général ou en vertu de la jurisprudence par des raisons impérieuses d'intérêt général expressément prévues à l'article 46 CE, applicable en vertu de l'article 55 CE.

64.      Dans les arrêts Schindler, Läärä e.a. et Zenatti, précités, sur lesquels les gouvernements participants s'appuient principalement, la Cour a renvoyé aux motifs justificatifs au titre de l'article 46 CE mais n'a pas procédé à un examen distinct sur la base de cette disposition.

65.      La Cour a au contraire reconnu, renvoyant aux caractéristiques particulières des jeux de hasard et aux dangers spécifiques liés à l'organisation des jeux de hasard ‑ et qui ont été longuement discutés dans la présente affaire ‑ des raisons impérieuses d'intérêt général qui pourraient justifier des restrictions à la libre prestation de services.

66.      La Cour a constaté que les motifs avancés dans les affaires susmentionnées ‑ comme la prévention du danger de fraude et autres délits, l'exploitation de la passion du jeu et la prévention des conséquences personnelles et sociales néfastes ainsi que l'affectation des moyens collectés à des buts d'intérêt général et sociaux ‑ ne devraient pas être appréciés séparément mais dans leur ensemble et elle a résumé ces motifs en ce sens qu'ils «se rattachent à la protection des destinataires du service et, plus généralement, des consommateurs ainsi qu'à la protection de l'ordre social»  (23) .

67.      Il semble néanmoins douteux en l'espèce que la réglementation fiscale litigieuse puisse être justifiée par de telles raisons impérieuses d'intérêt général ou par d'autres.

68.      Conformément à une jurisprudence constante, il est en effet fait référence en liaison avec ces motifs justificatifs aux mesures «indistinctement applicables»  (24) .

69.      La Cour a ainsi aussi qualifié d'indistinctement applicables aux opérateurs établis sur le territoire et à ceux établis dans un autre État membre les règles nationales dans le domaine des jeux de hasard pour lesquelles elle a admis les raisons impérieuses décrites en tant que justification  (25) .

70.      La Cour a par ailleurs constaté à de nombreuses reprises que des mesures discriminatoires ne pouvaient être justifiées que par des motifs qui étaient expressément prévus à l'article 46 CE  (26) .

71.      Ainsi que le gouvernement finlandais l'a affirmé, l'avocat général Jacobs s'est prononcé dans ses conclusions dans l'affaire Danner pour un abandon de la distinction entre les motifs justificatifs pour les mesures discriminatoires et pour les mesures indistinctement applicables  (27) , mais on ne peut pas tirer de l'arrêt que la Cour aurait suivi cette invitation d'autant qu'elle a évité de qualifier expressément les mesures litigieuses de discriminatoires  (28) .

72.      La Cour a au contraire récemment confirmé dans son arrêt Commission/Italie, précité, que des mesures discriminatoires, du moins lorsqu'elles prévoient une distinction basée sur la nationalité, «ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles peuvent relever d'une disposition dérogatoire expresse, tel l'article 46 CE […] à savoir l'ordre public, la sécurité publique et la santé publique»  (29) .

73.      Il faut donc apparemment, comme auparavant, distinguer à l'égard des motifs justificatifs entre d'une part les mesures restreignant la libre prestation de services mais indistinctement applicables et d'autre part les mesures discriminatoires, même si l'on ne peut pas déduire de critères de distinction clairs à partir de la jurisprudence  (30) .

74.      Il faut en tout cas retenir que l'article 46 CE en liaison avec les motifs justificatifs qui y sont cités se réfère aux «règles spéciales pour les étrangers». Sont ainsi d'abord visées expressément par cette réglementation les mesures qui créent une discrimination en fonction du critère de la nationalité, ce qui correspond dans le cas d'une entreprise à son siège  (31) .

75.      La Cour s'est cependant aussi référée dans certaines affaires liées à des mesures discriminatoires à l'origine du service  (32) .

76.      L'identification de réglementations discriminatoires dans le domaine des services sur la base de l'origine du service et non sur la base du siège ou de la nationalité du prestataire de services semble adéquate en particulier dans les cas comme celui en l'espèce, dans lesquels les aspects à caractère personnel de la libre prestation de services ont un rôle secondaire et c'est le service en lui-même qui importe. De telles expressions de la libre prestation de services présentent en tant que «libre circulation du produit» plus de parallèles avec la libre circulation des marchandises ‑ où ce n'est de nouveau pas le critère de la nationalité qui compte ‑ qu'avec la libre circulation des personnes.

77.      Il faut donc constater ici que l'inclusion litigieuse dans l'impôt sur le revenu ne concerne que les gains provenant de loteries organisées dans d'autres États membres, donc des services ayant leur origine dans d'autres États membres.

78.      L'argument du gouvernement finlandais que l'imposition en question des gains de loterie concernerait non seulement les loteries étrangères mais également toutes les loteries qui sont conduites en Finlande sans autorisation doit selon nous être rejeté déjà parce que les jeux de hasard légalement organisés ne peuvent pas être comparés avec les jeux de hasard illégaux.

79.      Il n'y a par ailleurs dans la présente affaire ‑ à la différence des affaires Schindler, Läärä e.a. et Zenatti, précitées, où il s'agissait de jeux de hasard dans l'État membre du destinataire du services  (33) ‑ pas de lien avec une autorisation ou une concession pour le lancement d'activités dans le domaine des loteries en Finlande.

80.      De plus, nous ne pouvons pas suivre l'opinion défendue par les gouvernements finlandais, belge et néerlandais selon laquelle la réglementation fiscale litigieuse ne serait essentiellement pas discriminatoire parce que les organisateurs nationaux de loterie seraient soumis à l'impôt sur les jeux de hasard et les gains de jeu provenant de loteries nationales et étrangères seraient en définitive imposés de la même manière.

81.      Il ne s'agit pas d'une imposition comparable. En effet, ainsi qu'il ressort des indications du gouvernement finlandais, le montant de l'impôt sur les jeux de hasard qui doit être versé par les organisateurs finlandais de jeux de hasard, ne correspond pas au montant de l'impôt qui devrait être payé par les gagnants de loterie si de tels gains devaient être considérés comme imposables au titre de l'impôt sur le revenu. Ainsi que la Commission l'a exposé, l'impôt sur le revenu peut atteindre un taux de 56 % tandis que l'impôt sur les jeux de hasard est très bas d'après les indications du gouvernement finlandais de sorte qu'il faille apparemment partir du principe que l'imposition des gains provenant de loteries nationales est comparativement moins élevée que pour les loteries étrangères.

82.      L'impôt sur le revenu et l'impôt sur les jeux de hasard se distinguent par ailleurs en ce qui concerne leur calcul. Dans la mesure où en effet les gains de loteries étrangères sont intégrés dans la base de calcul pour l'impôt sur le revenu finlandais progressif, l'imposition effective de ces gains dépend en définitive du montant du gain et apparemment aussi du montant des autres revenus du gagnant finlandais de la loterie.

83.      On constate dans l'ensemble que la réglementation fiscale litigieuse n'est pas, à la différence des dispositions nationales en cause dans les affaires Schindler, Läärä e.a. et Zenatti, précitées, une réglementation indistinctement applicable et qui par conséquent pourrait être justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général. Il s'agit au contraire d'une mesure discriminatoire qui ne peut être justifiée que par les motifs cités à l'article 46 CE.

C –    Les motifs de nature économique

84.      L'attitude des États vis-à-vis des jeux de hasard peut être qualifiée en général d'ambivalente: ils se considèrent d'une part traditionnellement tenus d'agir dans ce domaine en réglementant et en appliquant des restrictions, en raison des risques sociaux liés aux jeux de hasard, tandis que d'autre part les jeux de hasard sont d'un point de vue fiscal et d'une manière générale économique d'une grande importance pour le budget de l'État.

85.      L'avocat général Gulmann avait déjà longuement évoqué ces implications économiques dans ses conclusions dans l'affaire Schindler et il avait signalé les conséquences en partie importantes pour les finances publiques des États membres d'une libéralisation dans ce domaine  (34) .

86.      Les restrictions à la libre prestation de services ne peuvent cependant être acceptées du point de vue du droit communautaire que dans la mesure où ces restrictions ont un lien avec les politiques de réglementation et de protection poursuivies par les États membres en raison des risques spécifiques liés aux jeux de hasard.

87.      En effet, même si la garantie d'une certaine marge de manœuvre des États membres dans ce domaine ‑ ainsi qu'exprimé dans les arrêts Schindler, Läärä e.a. et Zenatti, précités ‑ peut aussi servir en dernier ressort les intérêts économiques de certains États membres, cela ne saurait faire oublier que le droit communautaire ne peut par principe pas offrir de justification pour le maintien de restrictions pour des motifs économiques ou protectionnistes.

88.      C'est là une conséquence claire de la jurisprudence constante en vertu de laquelle les motifs économiques n'appartiennent ni aux motifs de l'article 46 CE ni aux raisons impérieuses d'intérêt général qui pourraient justifier une restriction d'une liberté fondamentale garantie par le traité  (35) .

89.      Il en découle tout d'abord dans la présente affaire que la réglementation fiscale litigieuse ne peut pas simplement être justifiée par la garantie du financement de certains objectifs d'utilité publique.

90.      Cela découle aussi selon nous de l'arrêt Zenatti où la Cour a constaté que bien qu'il ne soit «pas indifférent» que les loteries et autres jeux d'argent puissent participer, de manière significative, au financement d'activités sans but lucratif ou d'intérêt général, «un tel motif ne peut, en lui-même, être regardé comme une justification objective de restrictions à la libre prestation des services»  (36) .

91.      Certains des gouvernements participant à la procédure ont évoqué plus ou moins explicitement la protection des recettes fiscales provenant de la loterie. D'une manière générale la nécessité de prévenir une perte de recettes fiscales ‑ qui résulterait par exemple du fait que les joueurs participeraient aux loteries organisées dans d'autres États membres ‑ ne peut cependant pas justifier des restrictions à la libre prestation de services que ce soit en vertu de l'article 46 CE ou en tant que raison impérieuse d'intérêt général (37) .

92.      Ne devrait toutefois pas être considérée comme un motif économique la protection de la cohérence du système fiscal, question que la Cour a examinée à de nombreuses reprises en combinaison avec des réglementations fiscales concernant le domaine de la libre prestation de services  (38) .

93.      Indépendamment de la question de savoir si ce motif justificatif peut même s'appliquer pour des mesures discriminatoires comme celle en l'espèce, des différences de traitement en matière fiscale ne peuvent, d'après la jurisprudence de la Cour, être justifiées par des motifs de cohérence du système fiscal que s'il existe un lien direct entre les mesures fiscales en cause  (39) .

94.      On ne saurait toutefois dans la présente affaire parler d'un tel lien entre l'imposition des organisateurs de loteries finlandaises d'une part et l'exonération d'impôt sur le revenu pour les gains provenant de ces loteries d'autre part.

95.      D'abord il s'agit de deux impositions distinctes de différentes personnes assujetties et ensuite comme nous l'avons déjà constaté, l'impôt sur la loterie à verser par les organisateurs finlandais de loteries est du point de vue de son montant sans corrélation avec l'impôt qui devrait être payé par les gagnants de loteries finlandaises si ces gains étaient imposés comme des gains provenant de loteries étrangères.

D –    La preuve de la justification de la réglementation en l'espèce et la proportionnalité

96.      Au moins une partie des arguments présentés par le gouvernement finlandais peut être reliée aux motifs de l'ordre public, de la sécurité publique et surtout de la santé publique, cités à l'article 46 CE. Comme le gouvernement l'a affirmé, la réglementation en question devrait en particulier endiguer la «passion du jeu» et écarter le danger du blanchiment de l'argent et autres délits.

97.      Une mesure nationale restreignant une liberté fondamentale garantie par le traité ne peut cependant être justifiée par les motifs cités à l'article 46 CE que si elle respecte le principe de proportionnalité.

98.      Cela signifie en vertu d'une jurisprudence constante qu'une telle mesure doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et qu'elle ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre; il faut donc que le résultat ne puisse pas être atteint par une réglementation moins restrictive  (40) .

99.      Avant d'examiner le caractère adéquat et nécessaire de la mesure litigieuse, nous aimerions encore souligner en marge une certaine ambiguïté dans l'argumentation du gouvernement finlandais mais aussi dans celle des autres gouvernements participant à la procédure.

100.    Les arguments justificatifs relatifs à l'imposition litigieuse vont en ce sens que l'imposition en elle-même servirait certains objectifs comme l'endiguement de la passion du jeu.

101.    D'un autre côté l'argumentation plus large est bien que la réglementation fiscale litigieuse est une composante nécessaire du régime finlandais des jeux de hasard, car elle empêcherait que les objectifs de protection et la «politique de canalisation» poursuivis par un État membre, et que la Cour a considérées comme justifiés sur le fond, ne soient affaiblis par le fait qu'il est possible de participer à des jeux de hasard étrangers.

102.    Il faut constater sur ce dernier point que la Cour a laissé à l'appréciation de l'État membre, dans quelle mesure celui-ci veut déterminer «l'étendue de la protection qu' [il] entend assurer sur son territoire en matière de loteries et autres jeux d'argent»  (41) .

103.    Ce point doit cependant manifestement être compris en ce sens que les États membres peuvent en principe régler en fonction de leurs souhaits les conditions cadres et le niveau de protection en ce qui concerne l'exercice d'activités de jeux de hasard sur leur territoire . Les affaires Schindler, Läärä e.a. et Zenatti, précitées, concernaient en particulier le contrôle de l'offre (42) . La Cour a constaté à cet égard qu'il appartient aux autorités nationales d'apprécier «si, dans le contexte du but poursuivi, il est nécessaire d'interdire totalement ou partiellement des activités de cette nature ou seulement de les restreindre et de prévoir à cet effet des modalités de contrôle plus ou moins strictes» (43) . Ce pouvoir d'appréciation ne va toutefois pas jusqu'au point qu'un État membre, comme en l'espèce, puisse empêcher ou restreindre la simple participation à une loterie organisée dans un autre État membre et sans lien avec des activités de loterie sur son territoire ou sur son marché.

104.    Dans un tel cas, ces services de loterie offerts dans un autre État membre ne font en effet pas partie ou seulement indirectement de «l'offre de jeux de hasard» dans l'État membre en question qu'il a indiscutablement le droit de contrôler ou de restreindre  (44) .

105.    En ce qui concerne tout d'abord l'objectif de la prévention du blanchiment de l'argent et autres délits, donc la protection de l'ordre public, on a peine à discerner à partir des indications des gouvernements participant à la procédure en quoi l'imposition litigieuse des gains de loteries étrangères serait adéquate ou nécessaire pour la réalisation de ces objectifs.

106.    Le gouvernement norvégien a signalé, en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de l'argent, que, en l'absence de l'imposition litigieuse, les billets gagnants étrangers pourraient être achetés afin de prouver aux administrations fiscales l'origine légale de l'argent.

107.    La capacité de l'imposition à empêcher de telles manœuvres n'est donnée que dans la mesure où le blanchiment de l'argent devient moins attractif parce que les fonds illégaux devraient être imposés. Cette mesure à elle seule ne change cependant rien à la possibilité de blanchir l'argent.

108.    Il faut donc constater, à propos de la nécessité d'imposer les gains de loteries étrangères pour prévenir le blanchiment de l'argent dans ce domaine, qu'il conviendrait plutôt à cet égard de se concentrer sur la vérification de l'existence des gains provenant de loteries qui en principe pourrait être tout aussi bien réalisée sans imposition de ces gains (45) .

109.   À la lumière de ce qui précède, nous estimons qu'il n'y a pas de lien adéquat entre l'imposition générale des gains réalisés à l'étranger et l'objectif poursuivi.

110.    En ce qui concerne maintenant l'objectif de l'endiguement de la passion du jeu, et donc de la protection de la santé, on peut tirer des arguments des parties des indications un peu plus concrètes. Il s'agirait visiblement selon elles de réduire l'incitation au jeu grâce à une réduction du montant des gains à travers des mesures fiscales.

111.    Dans la mesure où le caractère attractif d'une loterie est lié au montant possible du gain, la capacité de la mesure litigieuse à endiguer la passion du jeu doit être en principe reconnue.

112.    Plusieurs aspects militent néanmoins contre la proportionnalité et la nécessité de la réglementation fiscale litigieuse aux fins de la protection de la santé.

Ces objections concerneraient en outre en grande partie aussi la justification de la mesure litigieuse par les raisons impérieuses d'intérêt général citées durant la procédure.

113.    Les déclarations du gouvernement finlandais dans ses observations écrites, selon lesquelles il maintiendrait l'imposition des loteries en Finlande à un niveau le plus bas possible afin de ne pas menacer le financement d'activités d'intérêt général, ne peuvent en effet pratiquement pas être mises en harmonie avec les objectifs de l'endiguement de la passion du jeu motivé par la politique de santé et ce à travers la politique fiscale finlandaise en matière de loteries.

114.    On peut d'une manière générale déduire de la jurisprudence relative à l'article 46 CE que les motifs justificatifs qui y sont cités ne permettent pas aux États membres d'utiliser deux critères différents à l'égard de l'appréciation des restrictions. La Cour a constaté à l'égard de l'ordre public qu'un État membre ne saurait pour cette raison, adopter des mesures à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre «en raison d'un comportement qui, dans le chef des ressortissants du premier État membre, ne donne pas lieu à des mesures répressives ou à d'autres mesures réelles et effectives destinées à combattre ce comportement» (46) . Rapporté à la présente affaire cela signifie que l'on ne saurait, pour des motifs de lutte contre la passion du jeu, agir sur ce point de manière plus restrictive à l'égard des loteries étrangères que ce n'est le cas à l'égard des loteries nationales. Vu ainsi il est à noter que le gouvernement finlandais n'a pas pu faire référence à des mesures de lutte contre la passion du jeu liées aux loteries finlandaises qui soient comparables à la réglementation litigieuse.

115.    L'impôt sur les jeux de hasard qui doit être versé par l'organisateur finlandais d'une loterie est difficilement comparable dans ses effets (endiguement de la passion du jeu) avec l'imposition d'un gain provenant d'une loterie étrangère, déjà parce que son montant est visiblement plus bas et surtout parce que le joueur de loterie ne doit payer cet impôt qu'indirectement. Le gouvernement finlandais a par ailleurs admis qu'il n'y a pas en Finlande à l'égard des loteries de limitation du montant de la mise de jeu.

116.    Lorsque le gouvernement finlandais fait enfin valoir que l'imposition des gains provenant de loteries étrangères sert uniquement à compenser l'absence de charge fiscale de l'impôt sur les jeux de hasard, il conviendrait lors de cette imposition de tenir compte également de la question de savoir si la loterie étrangère n'est pas déjà soumise à des charges fiscales dans le pays d'origine. Dans le cas contraire la mesure litigieuse irait en effet au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif donné.

117.    En ce qui concerne la possibilité de vérifier ce point, on peut renvoyer ainsi que la Cour l'a fait à de nombreuses reprises dans des affaires similaires, à la directive 77/799/CEE  (47) en vertu de laquelle un État membre peut demander aux autorités compétentes toutes les informations susceptibles de lui permettre l'établissement correct des impôts sur le revenu  (48) . Les gains provenant de loteries étrangères sont en effet à travers la réglementation fiscale litigieuse, intégrés dans la base de calcul de l'impôt sur le revenu.

118.    Il faut ainsi constater que la réglementation litigieuse n'est pas nécessaire en vertu de l'un des motifs cités à l'article 46 CE.

119.    Il n'y a donc pas de justification pour la réglementation fiscale litigieuse.

120.    Il faut ainsi constater après tout ce qui précède, que des dispositions fiscales comme celles en l'espèce, ne sont pas compatibles avec l'article 49 CE.

VI –   Conclusion

121.    Nous proposons par conséquent à la Cour de répondre à la question préjudicielle comme suit:

«L'article 49 CE s'oppose aux dispositions nationales comme les dispositions finlandaises, en vertu desquelles les gains provenant de jeux de hasard organisés dans d'autres États membres sont considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre de l'impôt sur le revenu, tandis que les gains provenant de jeux de hasard organisés dans l'État membre en question ne sont pas imposables.»


1
Langue originale: l'allemand.


2
Arrêt du 24 mars 1994 (C-275/92, Rec. p. I-1039).


3
Arrêt du 21 septembre 1999 (C-124/97, Rec. p. I-6067).


4
Arrêt du 21 octobre 1999 (C-67/98, Rec. p. I-7289).


5
Citée à la note 2.


6
Citée à la note 3.


7
Citée à la note 4.


8
Arrêt du 31 mars 1993 (C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32).


9
Arrêt du 30 novembre 1995 (C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37).


10
Cité à la note 4, point 36.


11
Arrêt du 11 juin 1998 (C-283/95, Rec. p. I-3369).


12
Citée à la note 2.


13
Citée à la note 3.


14
Citée à la note 4.


15
Citée à la note 2, point 3.


16
Citée à la note 3, point 2.


17
Citée à la note 4, point 2.


18
D'après la jurisprudence constante, la libre prestation de services inclut la liberté du destinataire du service de se rendre dans un État membre pour recourir à un service sans en être empêché par des restrictions. Voir notamment, arrêts du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377, point 16); du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. 195, point 15); du 29 avril 1999, Ciola (C-224/97, Rec. p. I-2517, point 11), et du 28 octobre 1999, Vestergaard (c-55/98, Rec. p. I-7641, point 20).


19
Voir, notamment, arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225, point 21); du 26 octobre 1999, Eurowings Luftverkehr (C-294/97, Rec. p. I-7447, point 32), et du 3 octobre 2002, Danner (C-136/00, Rec; p. I-8147, point 28).


20
Citée à la note 2, point 19.


21
Voir, notamment, arrêts du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221, point 12); du 9 août 1994, Vander Elst (C-43/93, Rec. p. I-3803, point 14); du 28 mars 1996, Guiot (C-272/94, Rec. p. I-1905, point 10); du 3 octobre 2000, Corsten (C58/98, Rec. p. I™7919, point 33); du 11 juillet 2002, Gräbner (C-294/00, Rec. p. I-6515, point 38), et du 13 février 2003, Commission/Italie (C-131/01, non encore publié au Recueil, point 26).


22
Voir,notamment, arrêt du 28 avril 1998, Kohll, (C-158/96, Rec. p. I-1931, point 35).


23
Voir arrêts Schindler, cité à la note 2, points 57 et suiv., Läärä e.a., cité à la note 3, points 31 et suiv., et Zenatti, cité à la note 4, points 29 et suiv.


24
Voir, notamment, arrêts Gebhard, cité à la note 9, point 37; Gräbner cité à la note 21, point 39, Zenatti cité à la note 4, point 29.


25
Voir arrêts Schindler, cité à la note 2, point 47; Läärä e.a. cité à la note 3, point 28, et Zenatti, cité à la note 4, point 26. Les réglementations nationales litigieuses dans les deux dernières affaires citées ne contenaient ‑ à la différence de l'affaire Schindler ‑ aucune interdiction générale des différentes activités en cause dans le domaine des jeux de hasard, mais réservaient ces activités à certaines institutions (nationales). Bien que de telles réglementations désavantagent nécessairement les prestataires de services étrangers, la Cour a qualifié ces réglementations d'indistinctement applicables parce que les restrictions des activités de jeux de hasard touchaient tous les opérateurs, ‑ nationaux et étrangers, qui ne possédaient pas d'autorisation ou ne pouvaient pas en obtenir.


26
Voir arrêts du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a. (352/85, Rec. p. 2085, point 32); du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/85, Rec. p. I-4007, point 11); du 25 juillet 1991, Commission/Pays-Bas (C-353/89, Rec. p. I-4069, point 15); du 14 novembre 1995, Svensson et Gustavsson (C-484/93, Rec. p. I-3955, point 15), et Ciola (cité à la page 18). Voir également nos conclusions du 10 octobre 2002 dans l'affaire Commission/Italie (arrêt du 16 janvier 2003, C-388/01, Rec. p. I-721, point 35).


27
Conclusions de l'avocat général Jacobs du 21 mars 2002 dans l'affaire Danner, citée à la note 19, points 40 et 41.


28
Arrêt Danner, cité à la note 19, points 32 et suiv.


29
Arrêt Commission/Italie, cité à la note 26, point 19.


30
La Cour a ainsi par exemple constaté dans son arrêt Ciola, cité à la note 18, point 16, que les mesures discriminatoires basées sur le lieu de résidence du bénéficiaire ne pourraient être justifiées par le droit communautaire que sur la base d'une disposition expressément dérogatoire du traité, tandis que dans son arrêt Commission/Italie, cité à la note 26, point 21, la Cour a examiné une mesure opérant une distinction en fonction de ce critère pour déterminer si elle était justifiée par des motifs impératifs d'intérêt général.


31
Voir arrêt 28 janvier 1986, Commission/France, dit «de l'avoir fiscal» (270/83, Rec. p. 273, point 18).


32
Voir, notamment, arrêts Bond van Adverteerders e.a., cité à la note 26, point 32, et Commission/Pays-bas, cité à la note 26, point 15.


33
Voir plus haut, points 48 et suiv. ainsi que note 25.


34
Conclusions du 16 décembre 1993 dans l'affaire Schindler, citée à la note 2, points 114 et suiv.


35
Voir, notamment, arrêts Svensson et Gustavsson, cité à la note 26, point 15; Kohll, cité à la note 22, point 41; du 6 juin 2000, Verkooijen (C-35/98, Rec. p. I-4071, point 48); du 21 novembre 2002, X et Y (C-436/00, Rec. p. I-10829, point 50), et Commission/Italie, cité à la note 26, point 19.


36
Cité à la note 4, point 36; voir aussi Bond van Adverteerders e.a., cité à la note 26, point 34.


37
Voir arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN (C-307/97, Rec. p. I-6161, point 51), et Danner, cité à la note 19, point 56.


38
Voir, notamment, arrêt Verkooijen, cité à la note 35, points 48 et 56 ainsi que arrêts cités à la note qui suit.


39
Voir arrêts Verkooijen, cité à la note 35, point 57; du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C-307/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 69), et Danner, cité à la note 19, point 36.


40
Voir en ce sens, notamment, arrêts Commission/Pays-Bas, cité à la note 26, point 19; Gebhard, cité à la note 9, point 37; du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop (C-34/95, C-35/95 et C-36/95, Rec. p. I-3843, point 55), et du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal (c-100/01, Rec. p. I-10981).


41
Voir arrêt Zenatti, cité à la note 4, point 33.


42
Voir note 25.


43
Arrêt Zenatti, cité à la note 4, point 33.


44
Voir à ce sujet conclusions de l'avocat général Fennelly dans l'affaire Zenetti, citée à la note 4, point 33.


45
En fait les activités de blanchiment de l'argent dans de grandes proportions devraient être difficiles du point de vue des participants aux loteries contrairement aux organisateurs de ces loteries et qui par conséquent sont à juste titre en général soumis à un contrôle ou à un système de concession. Il faudrait tout d'abord trouver des vendeurs de billets de loterie, étrangers, grâce auxquels une certaine somme a été gagnée. Des gains importants ou plutôt fréquents dans un jeu de hasard comme la loterie ne sauraient demeurer non remarqués.


46
Arrêts du 18 mai 1982, Adoui et Cornuaille (115/81 et 116/81, Rec. p. 1665, point 9) et Oteiza Olazabal, cité à la note 40, point 42.


47
Directive du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15).


48
Voir arrêts du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493, point 26); du 15 mai 1997, Futwa Participations et Singer (C-250/95, Rec. p. I-2471, point 30); Vestergaard, cité à la note 18, point 26, et Danner, cité à la note 19, point 49.