62001C0020

Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 28 novembre 2002. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement d'État - Recevabilité - Intérêt à agir - Directive 92/50/CEE - Procédures de passation des marchés publics de services - Procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché - Conditions. - Affaires jointes C-20/01 et C-28/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-03609


Conclusions de l'avocat général


I - Introduction

1. Par ces deux recours en manquement, la Commission invite la Cour à constater que la République fédérale d'Allemagne a manqué à un certain nombre d'obligations résultant de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services . On reproche à la commune de Bockhorn (Allemagne) et à la ville de Braunschweig (Allemagne) d'avoir procédé à la passation de marchés de traitement des eaux usées et d'élimination des déchets sans publication préalable d'un avis de marché européen.

2. Le gouvernement allemand ne conteste pas que la procédure de passation communautaire aurait dû être appliquée pour les deux projets concernés, mais argue de l'irrecevabilité des recours de la Commission. Il avait reconnu les infractions avant la fin des délais fixés dans les avis motivés et, par ailleurs, ces infractions ne perdureraient plus, car elles seraient épuisées par leur perpétration. La Commission conteste ce point de vue en faisant valoir que les effets de l'infraction sont toujours sensibles. Les contrats conclus continuent d'être appliqués et la durée des engagements pris dépasse les 30 ans.

3. Les deux procédures portent donc essentiellement sur la question de savoir si la Commission dispose encore d'un intérêt à agir. Dans ce cadre se pose également la question de savoir si la procédure d'infraction prévue à l'article 226 CE ne doit pas également s'étendre à la prévention d'infractions systématiques aux règles de procédure de la directive 92/50. L'affaire C-28/01 revêt en outre une pertinence liée à l'application de critères environnementaux dans l'interprétation de la directive 92/50.

II - Le cadre juridique

4. En vertu de l'article 8 de la directive, les marchés qui ont pour objet des services figurant à l'annexe I A sont passés conformément aux dispositions des titres II à VI.

5. Le titre V (articles 15 à 22) comporte des règles communes de publicité. Conformément à l'article 15, paragraphe 2, de la directive 92/50, les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de services en recourant à une procédure ouverte, restreinte ou, dans les conditions prévues à l'article 11, à une procédure négociée font connaître leur intention au moyen d'un avis.

6. L'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50 est libellé comme suit:

«Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics de services en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché dans les cas suivants:

[...]

b) pour les services dont l'exécution, pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d'exclusivité, ne peut être confiée qu'à un prestataire déterminé;

[...]»

7. Selon l'article 16, paragraphe 1, de la directive 92/50, les pouvoirs adjudicateurs qui ont passé un marché public ou organisé un concours envoient un avis concernant le résultat de la procédure d'attribution à l'Office des publications officielles des Communautés européennes.

III - Les faits et la procédure

A - Les faits et la procédure précontentieuse dans l'affaire C-20/01

8. La commune de Bockhorn, dans le Land de Basse-Saxe, a conclu un contrat avec l'entreprise de distribution d'énergie Weser-EMS AG (ci-après «EWE») pour le traitement des eaux usées. Ce contrat est entré en vigueur le 1er janvier 1997 pour une durée d'au moins 30 ans.

9. Par lettre du 30 avril 1999, la Commission a envoyé à la République fédérale d'Allemagne une mise en demeure formelle conformément à la procédure de l'article 226 CE. Les autorités allemandes n'auraient pas respecté les dispositions de la directive 92/50 lors de l'attribution du marché en cause.

10. Dans sa réponse, en date du 1er juillet 1999, le gouvernement allemand a admis que le contrat conclu par la commune de Bockhorn aurait dû être passé conformément à la réglementation communautaire. Il a indiqué que les autorités du Land de Basse-Saxe ont de nouveau expressément exhorté les autorités locales à respecter strictement les dispositions communautaires concernées.

11. Le 21 mars 2000, la Commission a émis un avis motivé faisant valoir que les dispositions de la directive 92/50 doivent être appliquées et qu'il importe peu en droit que cette infraction aux dispositions de droit communautaire ait été reconnue par le gouvernement allemand. La Commission a invité ce gouvernement à rappeler sans tarder la situation juridique aux autorités concernées et à les forcer à respecter à l'avenir les dispositions applicables en matière de passation de marchés.

12. Dans une communication du 12 mai 2000, le gouvernement allemand a de nouveau reconnu l'infraction. Il a expliqué que, à la suite de la lettre de mise en demeure et de l'intervention du gouvernement fédéral, le ministre de l'Intérieur du Land de Basse-Saxe avait, par décret du 21 juin 1999, invité toutes les autorités locales du Land à veiller de manière appropriée à ce que les pouvoirs adjudicateurs observent strictement les dispositions communautaires relatives à la passation de marchés publics.

13. Le gouvernement allemand a en outre fait valoir que le droit allemand n'offrait quasiment pas de possibilité de mettre un terme à l'infraction concrète, parce qu'il existait depuis le 1er janvier 1997 un contrat définitif entre la commune de Bockhorn et EWE, qui ne saurait être résilié sans que des indemnités très élevées soient versées à EWE. Le coût d'une telle résiliation serait disproportionné.

B - Les faits et la procédure précontentieuse dans l'affaire C-28/01

14. Dans cette affaire, un contrat a été conclu entre la ville de Braunschweig, dans le Land de Basse-Saxe, et Braunschweigsche Kohlebergwerke (ci-après «BKB»), par lequel la ville a confié à BKB, à compter de juin/juillet 1999 et pour une durée de 30 ans, l'élimination thermique de déchets.

15. Les autorités compétentes de la ville de Braunschweig n'ont pas contesté l'applicabilité de la directive 92/50 à cette opération, mais ont invoqué la dérogation prévue à l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50. Par une lettre de mise en demeure du 20 juillet 1998, la Commission a contesté cette interprétation.

16. Par lettres des 4 août, 19 octobre et 15 décembre 1998, le gouvernement allemand a répondu à la mise en demeure en faisant notamment valoir que, pour des raisons techniques, l'attribution du marché en application de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50 ne pouvait revenir qu'à BKB. La proximité géographique des infrastructures d'élimination par rapport à la ville constituerait un critère essentiel d'attribution afin d'éviter les distances de transport accrues.

17. Par lettre du 16 décembre 1998, le gouvernement allemand a néanmoins concédé à la Commission que la ville de Braunschweig avait en l'espèce enfreint la directive 92/50 en appliquant la procédure négociée sans publication officielle.

18. Le 6 mars 2000, la Commission a ensuite adressé un avis motivé à la République fédérale d'Allemagne, l'invitant notamment à rappeler sans tarder la situation juridique aux autorités concernées et à les inciter à respecter à l'avenir les dispositions concernées en matière de marchés publics.

19. Par une communication du 17 mai 2000, qui correspond dans sa portée à la communication précitée du 12 mai 2000 dans l'affaire C-20/01, le gouvernement allemand a reconnu l'infraction tout en se prévalant de l'impossibilité pratique de résilier le contrat conclu.

C - La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

20. Le recours de la Commission dans l'affaire C-20/01 a été enregistré à la Cour le 16 janvier 2001 et, dans l'affaire C-28/01, le 23 janvier 2001. Par ordonnance du président de la Cour du 15 mai 2001, ces deux affaires ont été jointes.

21. Dans l'affaire C-20/01, la Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour constater que, en ne lançant pas d'appel d'offres pour le contrat relatif à l'évacuation des eaux usées de la commune de Bockhorn et en ne publiant pas le résultat de la procédure d'attribution dans le supplément S du Journal officiel des Communautés européennes, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l'article 8 et des articles 15, paragraphe 2, et 16, paragraphe 1, de la directive 92/50.

22. Dans l'affaire C-28/01, la Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour constater que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8 et 11, paragraphe 3, sous b), de la directive 92/50, en ce que la ville de Braunschweig a passé un contrat portant sur l'élimination de déchets en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché alors que les conditions prévues dans la directive 92/50 pour passer un marché négocié sans appel d'offres au niveau européen n'étaient pas réunies.

23. La République fédérale d'Allemagne conclut au rejet des recours comme irrecevables ou, à titre subsidiaire, non fondés.

24. Par ordonnance du président de la Cour du 18 mai 2001, le gouvernement du Royaume-Uni a été admis à intervenir au soutien des conclusions du gouvernement allemand. Il conclut en premier lieu à ce qu'il plaise à la Cour joindre les affaires C-20/01 et C-28/01. En second lieu, il conclut à ce qu'il lui plaise accueillir les demandes de la Commission dans la mesure où elles tendent à obtenir dans les deux affaires une déclaration selon laquelle la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations résultant pour elle de la directive 92/50 en ne suivant pas les procédures de passation communautaires dans les deux cas. En troisième lieu, il conclut à ce qu'il plaise à la Cour rejeter les recours pour le surplus.

25. Une audience a été tenue le 10 octobre 2002.

IV - Moyens et principaux arguments

26. La Commission fait valoir dans sa requête dans l'affaire C-20/01 que la directive 92/50 s'appliquait en l'espèce. Selon elle, peu importe que le gouvernement allemand a reconnu que la passation du marché de la commune de Bockhorn, conformément à la directive 92/50, aurait dû faire l'objet d'un appel d'offres au niveau de la Communauté. L'instruction du gouvernement du Land aux autorités subordonnées afin que les pouvoirs adjudicateurs du Land respectent strictement les règles communautaires en matière de passation de marchés n'a pas éliminé l'infraction concrète. La commune de Bockhorn continue d'enfreindre le droit communautaire en maintenant le contrat conclu et en persistant à l'appliquer. Étant donné que le comportement infractionnel perdure, la défenderesse n'a pas pris toutes les mesures internes nécessaires pour se conformer à la directive dans le délai fixé dans l'avis motivé.

27. Dans l'affaire C-28/01, la Commission soutient que c'est au mépris de la directive 92/50 que la ville de Braunschweig a attribué le marché pour l'élimination de déchets à BKB sans publier un avis conformément aux modalités procédurales communautaires. En l'espèce, les conditions d'une attribution selon la procédure négociée figurant à l'article 11, paragraphe 3, sous b), de la directive 92/50 ne seraient pas réunies. La Commission fait valoir que la ville de Braunschweig continue d'enfreindre le droit communautaire en maintenant le contrat avec BKB et en persistant à l'appliquer. Dans ce cas également, le comportement infractionnel perdure et la République fédérale d'Allemagne n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à la directive dans le délai fixé dans l'avis motivé.

28. Dans les deux affaires, le gouvernement allemand a soulevé à titre principal l'irrecevabilité des recours. Il prétend en substance que les recours de la Commission sont irrecevables, car il n'existe plus aucun manquement auquel l'État membre concerné devrait mettre fin. En effet, l'objectif du recours en manquement consiste à rétablir une situation conforme au traité CE. Cet objectif ne pourrait plus être atteint si l'État membre a mis fin aux manquements avant l'expiration du délai accordé par la Commission dans les avis motivés. En l'espèce, la violation des règles de procédure de la directive 92/50 serait épuisée par sa perpétration.

29. En outre, la validité des obligations contractées en vertu du principe de la convention-loi (pacta sunt servanda) serait conforme au droit communautaire et au droit national. S'agissant du droit communautaire, le gouvernement allemand déduit cela notamment de l'article 2, paragraphe 6, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux . En vertu de cette disposition, les conventions conclues par les autorités adjudicatrices peuvent être maintenues . Selon le droit allemand et les clauses pertinentes des contrats, il ne serait pas possible en l'espèce de résilier les obligations, ou cette possibilité n'existerait qu'au prix d'un risque démesurément élevé du point de vue de la responsabilité.

30. À titre subsidiaire, le gouvernement allemand conteste le fond des deux manquements allégués. Dans les deux requêtes, la demande de la Commission ne serait pas fondée, et ce pour les mêmes motifs que ceux qui ont été présentés dans le cadre de l'irrecevabilité. Il se prévaut à cet égard de l'adage «à l'impossible nul n'est tenu» et du principe de la convention-loi. En outre, le gouvernement allemand fait valoir dans l'affaire C-28/01 que la décision de la ville de Braunschweig d'opter pour le traitement thermique des déchets et, en conséquence, l'attribution du marché à BKB - la seule entreprise disposant dans la région de Braunschweig de l'infrastructure nécessaire pour traiter les déchets thermiquement - étaient inévitables et justifiées au regard du droit communautaire, eu égard entre autres au principe de proximité.

31. Dans son mémoire en intervention, le Royaume-Uni indique qu'il ne conteste pas la recevabilité des recours, mais uniquement - en partie - leur bien-fondé. Eu égard, entre autres, à la directive 89/665, il fait valoir que la possibilité de défaire un contrat n'ayant, à tort, pas fait l'objet d'une adjudication relève toujours de la compétence de l'État membre en cause. Il n'y a aucun intérêt juridique à poursuivre une procédure tendant uniquement à obtenir une décision judiciaire impossible à respecter, car contraire au droit national.

32. Dans ses observations sur le mémoire en intervention, le gouvernement allemand a contesté la recevabilité de l'intervention du gouvernement du Royaume-Uni.

V - Appréciation

33. Prises en soi, les ambitions de la Commission dans ces procédures en manquement ne sont pas énormes. La République fédérale d'Allemagne aurait violé le droit communautaire en ne suivant pas les prescriptions de la directive 92/50 lors de la passation des deux projets. L'affaire C-20/01 vise plus spécifiquement à obtenir une condamnation pour un manquement aux dispositions combinées des articles 8, 15, paragraphe 2, et 16, paragraphe 1, de la directive 92/50, et l'affaire C-28/01 à obtenir une condamnation pour un manquement aux articles 8 et 11, paragraphe 3, sous b), de cette directive.

34. Le gouvernement allemand ne conteste pas que la directive 92/50 était applicable dans les deux cas et que des procédures ouvertes étaient nécessaires. Cette reconnaissance fait partie de la défense d'irrecevabilité. Dans le cadre de l'appréciation de la recevabilité, il y a dès lors lieu de considérer qu'une adjudication publique s'imposait (titre B). C'est ensuite au fond que nous examinerons le moyen tiré à titre subsidiaire du principe de proximité, notamment dans l'affaire C-28/01 (titre C). Pour commencer, il y a cependant lieu d'examiner la recevabilité de l'intervention du Royaume-Uni, qui constitue un aspect remarquable de cette procédure (titre A).

A - Recevabilité de l'intervention du Royaume-Uni

35. Le gouvernement allemand aura sans aucun doute contemplé avec étonnement les observations écrites du gouvernement du Royaume-Uni, qui est intervenu formellement au soutien des conclusions de la République fédérale d'Allemagne, mais qui souscrit en substance, dans une large mesure, aux conclusions de la Commission contestées par la République fédérale d'Allemagne.

36. En conséquence, dans ses observations sur le mémoire en intervention du Royaume-Uni, la défenderesse en a contesté la recevabilité, dans la mesure où le Royaume-Uni, au point 2 de ses conslusions, invite la Cour à constater que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité en ce qu'elle n'a pas suivi les règles de passation de la directive 92/50 dans les affaires en l'espèce. Selon le gouvernement allemand, s'il est vrai que les conclusions de l'intervenante peuvent tendre au soutien partiel des conclusions de l'une des parties, il ne lui serait pas loisible, en vertu de l'article 93, paragraphe 5, sous a), du règlement de procédure, de prendre également position, dans son intervention, contre la partie soutenue. L'intervention doit être non équivoque et, de par son caractère partial, elle ne peut tendre qu'à soutenir ou à contester la position de l'une des parties. À cet égard, selon le gouvernement allemand, l'intervention dans le cadre d'un recours en manquement se distingue d'une intervention au titre de l'article 20 du règlement de procédure dans le cadre d'une affaire préjudicielle, où l'État membre intervient en qualité d'amicus curiae.

37. Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la Commission observe également que ses recours tendent précisément à obtenir ce que le Royaume-Uni demande au point 2 des conclusions de son mémoire en intervention. Le point 3 de ces conclusions, qui tendent au rejet des recours pour le surplus, lui est incompréhensible.

38. Nous partageons l'étonnement de la République fédérale d'Allemagne et de la Commission. Le Royaume-Uni a demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir dans la procédure au soutien des conclusions de la République fédérale d'Allemagne. Si l'on compare les conclusions, il s'avère que le point 2 des conclusions du Royaume-Uni envisage en effet la même chose que les conclusions de la Commission dans les deux recours. Tant le Royaume-Uni que la Commission souhaitent que la Cour condamne la République fédérale d'Allemagne pour son manquement à la directive 92/50. Le fait que l'intervenante demande ensuite de rejeter le recours pour le surplus s'explique peut-être par l'importance qu'elle accorde, dans son argumentation au fond, aux effets de la condamnation pour manquement aux règles de procédure. Sur ce point, son appréciation correspond à la conception du gouvernement allemand. Toutefois, les observations du gouvernement allemand à cet égard font partie de l'exception d'irrecevabilité, alors que le Royaume-Uni ne conteste justement pas la recevabilité du recours de la Commission.

39. Des conclusions ne soutenant pas totalement mais seulement partiellement les conclusions d'une des parties sont autorisées . Le Royaume-Uni pouvait choisir de se rallier à l'exception d'irrecevabilité ainsi qu'aux conclusions au fond du gouvernement allemand, ou alors seulement aux conclusions au fond. Il a opté pour le soutien des conclusions au fond.

40. La question se pose cependant de savoir si, comme le demande le gouvernement allemand, l'intervention doit être déclarée irrecevable dans la mesure où les conclusions du Royaume-Uni au fond contredisent les conclusions du gouvernement allemand en matière de recevabilité.

41. Selon nous, la réponse à cette question est affirmative. Les termes du statut et du règlement de procédure sont en effet clairs. Selon l'article 37, quatrième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. Cette disposition est la base de l'article 93, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, qui prévoit que la demande d'intervention doit contenir les conclusions au soutien desquelles l'intervenant demande d'intervenir. C'est sur cette base que le président de la Cour décide si l'intervention est autorisée. Cette disposition du statut CE de la Cour de justice est également développée à l'article 93, paragraphe 5, du règlement de procédure, qui comporte des exigences relatives au contenu du mémoire en intervention. En vertu de son point a), ce mémoire contient, entre autres, «les conclusions de l'intervenant tendant au soutien ou au rejet, total ou partiel, des conclusions d'une des parties» .

42. Manifestement, c'est à dessein que l'on a prévu que l'intervenant dans une procédure contradictoire devant la Cour prend parti, et que son intervention ne consiste pas à présenter des observations écrites ou orales en tant qu'amicus curiae et à assister ainsi le juge communautaire, comme c'est le cas dans le cadre de l'article 20, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice et de l'article 104, paragraphe 4, du règlement de procédure. Les règles de procédure applicables aux recours préjudiciels au sens de l'article 234 CE ne connaissent pas de limitations à cet égard.

43. Bien que la Cour ne se soit pas encore expressément prononcée sur ce point, la jurisprudence soutient également l'idée que les conclusions de l'intervenant ne peuvent pas être en conflit avec celles de la partie soutenue. Il est vrai que le juge communautaire est tolérant lorsqu'il s'agit pour l'intervenant de présenter de nouveaux arguments dans la procédure, mais ces arguments doivent néanmoins tendre au soutien ou au rejet des conclusions de l'une des parties . L'ajout de demandes nouvelles ou l'invitation de la Cour, dans les conclusions du mémoire, à statuer sur d'autres questions entraînent l'irrecevabilité de l'intervention . Il en va de même des conclusions de l'intervenant apportant un soutien pour des motifs tout à fait étrangers à ceux invoqués par la partie soutenue . On peut en déduire qu'il n'est pas loisible à l'intervenant de s'écarter à sa guise des conclusions de la partie qu'il soutient formellement.

44. Or, il n'est a fortiori pas loisible non plus à un intervenant d'intervenir en contradiction avec les conclusions de la partie soutenue. Dans sa demande du 17 avril 2001, le Royaume-Uni a demandé à la Cour l'autorisation d'intervenir au soutien des conclusions de la République fédérale d'Allemagne et le président de la Cour a expressément admis, par ordonnance du 18 mai 2001, une intervention tendant au soutien des conclusions de la défenderesse . Le point 2 des conclusions du mémoire en intervention, qui tend à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne pour un manquement aux règles de procédure de la directive 92/50, se heurte à l'ordonnance du président.

45. Eu égard aux éléments qui précèdent, nous estimons que le point 2 des conclusions de la partie intervenante est irrecevable .

B - Recevabilité des recours de la Commission

46. À l'appui de son argument selon lequel les deux recours seraient irrecevables, le gouvernement allemand fait valoir que les infractions étaient déjà consommées à la fin des délais fixés dans les avis motivés. La conclusion des contrats avec EWE et avec BKB respectivement marquait également la fin des manquements qu'il reconnaît aux règles de la directive 92/50. Selon le droit national applicable, qui est conforme au droit communautaire - article 2, paragraphe 6, de la directive 89/665 -, la violation des règles de procédure de la directive 92/50 n'affecte pas la validité des contrats concernés, qui peuvent donc subsister. Ainsi, la Commission ne disposerait plus d'intérêt objectif à poursuivre les recours. Ce serait a fortiori le cas lorsque le gouvernement allemand a de son côté pris les mesures nécessaires pour éviter la répétition des infractions commises.

47. Selon nous, ce point de vue ne saurait être accueilli. Il méconnaît, d'une part, la nature et la portée des obligations juridiques résultant pour les États membres de la directive 92/50 et, d'autre part, il ignore les effets juridiques que peuvent produire les infractions à la directive, même si ces infractions ne peuvent pas porter atteinte à la validité des contrats concernés en tant que tels.

48. Pour les États membres, la directive comporte une obligation en trois volets. En premier lieu, ils doivent veiller à ce que celle-ci soit transposée dans la législation et dans la réglementation interne de manière à pouvoir produire les effets juridiques envisagés. En deuxième lieu, les États membres doivent faire en sorte que les autorités publiques adjudicatrices observent effectivement les règles en cause. En troisième lieu, ils devront agir contre les menaces d'infractions à ces règles.

49. S'il s'avère, sur la base de cas concrets, qu'un État membre ne respecte pas ou pas suffisamment ce devoir de diligence en trois volets, il se crée une situation contraire aux résultats envisagés par la directive. Alors, la libre circulation des services n'est plus assurée .

50. Dans ce cadre, la Commission dispose d'un intérêt objectif à agir pour que la Cour constate que la République fédérale d'Allemagne a manqué à ses obligations dans le cadre des marchés attribués en l'espèce par la commune de Bockhorn et la ville de Braunschweig. La portée d'une telle condamnation s'étend au-delà de ces deux cas spécifiques. Il en résulte également que la République fédérale d'Allemagne, en tant que destinataire de la directive, a manqué à ses obligations dans le cadre de son exécution.

51. Selon nous, l'affirmation implicite du gouvernement allemand selon laquelle, par ses remontrances aux autorités locales, il aurait satisfait à son obligation juridique, du moins pour l'avenir, est insuffisante. Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour que les États demeurent pleinement responsables du respect de la directive dans leur sphère de compétence territoriale. Ses interventions auprès des autorités locales ne le disculpent pas d'éventuels manquements futurs à la directive.

52. L'information fournie par la Commission à l'audience, selon laquelle elle a reçu d'autres plaintes relatives à des manquements à la directive en cause, dont certaines concernent également les déchets, met en relief le caractère permanent du devoir de diligence assumé par les États membres dans le cadre de l'exécution et de la mise en oeuvre de la directive. Il résulte de l'objet de celle-ci que la satisfaction à ce devoir de diligence devra généralement être appréciée au regard des infractions individuelles à celui-ci. Ne fût-ce que pour ce motif, nous estimons que l'affirmation du gouvernement allemand selon laquelle le recours de la Commission serait irrecevable en l'espèce ne saurait être admise.

53. Les faiblesses de la position du gouvernement allemand sont cependant aussi évidentes d'un autre point de vue. Elle aurait pour conséquence ultime qu'aucune action au titre de l'article 226 CE ne pourrait être entreprise à l'avenir contre des infractions consommées et irréversibles au droit communautaire. Cela pourrait ouvrir la porte à des infractions systématiques à la directive 92/50 par le biais de contrats inattaquables en droit et de longue durée. Le marché intérieur des services pourrait être ainsi géographiquement cloisonné pour certains types d'activités économiques relevant de la sphère publique, tels le traitement des déchets et l'entretien des routes. Il va de soi qu'une telle conséquence se heurte aux objectifs premiers de la directive.

54. C'est pourquoi la Commission doit avoir la possibilité de faire constater par la Cour, sur la base de cas individuels, qu'un État membre manque systématiquement, ou risque de manquer systématiquement, aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 92/50.

55. Vu sous cet angle, l'intérêt à agir en constatation de deux manquements effectifs à la directive dépasse le cadre strict de ces deux manquements. Le recours en manquement au titre de l'article 226 CE a en effet également pour objet, parallèlement à la cessation de l'infraction concrète, d'obtenir de la part de l'État récalcitrant un changement de comportement et d'éviter les récidives . Si l'argument du gouvernement allemand était accueilli, ce résultat ne pourrait plus être atteint.

56. Le point de vue du gouvernement allemand aurait une conséquence comparable pour la compétence de la Cour en vertu de l'article 228, paragraphe 2, CE, qui lui permet d'imposer une astreinte en cas d'inexécution d'un arrêt. Si, comme l'affirme le gouvernement allemand, la Cour devait constater l'irrecevabilité des recours de la Commission lorsqu'elle revendique une décision portant sur des infractions devenues «définitives» à la directive 92/50, la Cour ne pourrait plus du tout faire usage du moyen de contrainte prévu par ledit article en cas d'infractions répétées à la directive 92/50. Ainsi, en cas d'infractions systématiques à la directive, la Communauté devrait assister impuissante, dépourvue de remèdes juridiques.

57. Même limitée aux deux cas litigieux, la poursuite des recours en manquement a bel et bien un sens. C'est à juste titre que la Commission a observé que les infractions alléguées continuent de produire des effets juridiques, car elles ont mené à la conclusion de contrats de longue durée. De ce fait, les adjudications n'ont pas encore produit l'ensemble de leurs effets juridiques . Il ne s'agit donc pas d'une situation irréparable de par sa nature.

58. Les contrats en l'espèce ont été conclus à la suite de comportements illicites, ce qui affecte la situation juridique de parties dont les intérêts pourraient être lésés par ces comportements illicites. Une infraction aux règles de procédure de la directive 92/50 peut conférer des droits individuels aux particuliers, dont un droit à des dommages-intérêts, qui doivent être réclamés selon les procédures applicables du droit interne . L'affirmation du gouvernement allemand selon laquelle les tiers n'auraient subi aucun préjudice dans les deux cas concernés est dénuée de pertinence, car cette circonstance ne saurait influer sur la recevabilité d'un recours introduit au titre de l'article 226 CE . Cet argument est en outre contestable, étant donné qu'il appert du dossier que la Commission a eu connaissance des prétendues irrégularités à la suite de plaintes.

59. Une condamnation pour manquement dans les affaires en l'espèce clarifie et renforce la situation juridique des tiers intéressés et contribue ainsi à une protection juridique effective des particuliers . Une action effective en dommages-intérêts favorise à son tour le maintien de l'effet utile de la directive, car elle incite l'État membre à respecter les règles de procédure à l'avenir. De ce point de vue, une condamnation par la Cour sert également l'intérêt d'une mise en oeuvre effective et permanente de la directive dans l'ordre juridique national.

60. Eu égard aux éléments qui précèdent, les autres arguments du gouvernement allemand peuvent faire l'objet d'un traitement rapide.

61. L'adage «pacta sunt servanda» est dénué de pertinence, étant donné que la Commission n'a pas contesté que les contrats conclus peuvent continuer d'exister en tant que tels. Il n'en demeure pas moins que, comme nous l'avons indiqué, des recours en dommages-intérêts en tant que moyen correctif alternatif peuvent toujours être exercés. Le fait que, comme l'a prétendu le gouvernement allemand, le droit national de la responsabilité suffit et qu'une action en dommages-intérêts fondée sur le droit communautaire ne serait pas nécessaire n'y change rien. L'état du droit national de la responsabilité ne détermine nullement la recevabilité d'un recours en manquement à la directive 92/50.

62. En outre, c'est naturellement à la Cour qu'il appartient de constater l'existence du manquement, même si l'État membre concerné ne le conteste pas . L'argument emprunté par la défenderesse à l'article 232 CE et qui revient à dire que la reconnaissance d'une infraction au traité rend la constatation dudit manquement par la Cour superflue car ne correspondant pas à aucun intérêt objectif ne prospère pas, car l'intérêt objectif existe bel et bien en l'espèce.

63. Le gouvernement allemand a encore fait valoir que le recours de la Commission serait ultra petita et, pour ce motif, irrecevable. Cet argument ne saurait être retenu, ne fût-ce que parce que les conclusions figurant dans les recours correspondent dans leur portée avec les griefs que la Commission a émis dans la phase précontentieuse, et plus particulièrement dans les avis motivés . Dans les deux cas, la Commission invite la Cour à constater que la République fédérale d'Allemagne est restée en défaut d'observer les mêmes règles de procédure de la directive 92/50 dans le cadre des projets concernés.

64. Eu égard aux éléments qui précèdent, nous estimons que l'intérêt à agir est présent dans les deux affaires et que les recours de la Commission sont recevables.

C - Au fond

1. L'affaire C-20/01

65. Dans l'affaire C-20/01, c'est à juste titre, selon nous, que la Commission a constaté que toutes les conditions d'application de la directive 92/50 étaient réunies en l'espèce. Le traitement des eaux usées constitue un service au sens de l'article 8 et de l'annexe I A, catégorie 16 («Services de voirie et d'enlèvement des ordures: services d'assainissement et services analogues»). Bien qu'EWE se soit engagée à l'égard de la commune de Bockhorn non seulement à éliminer les eaux usées en tant que telles, mais également à construire certaines installations en vue de leur évacuation, il n'est pas contesté que l'exécution de ces travaux revêt un caractère accessoire par rapport à l'objet premier de l'adjudication, à savoir le traitement des eaux usées. Malgré le caractère mixte du marché, dans la mesure où les travaux sont accessoires et ne forment pas l'objet réel du contrat, ils ne sauraient justifier la qualification de celui-ci en tant que marché public de travaux au sens de la directive sur les marchés publics de travaux . Avec un montant annuel d'approximativement un million de DEM, la valeur du marché dépasse largement, même pour sa partie qui se rapporte seulement au traitement des eaux usées au sens strict, le seuil de 200 000 euros fixé à l'article 7 de la directive 92/50 pour l'ensemble du marché.

66. La commune de Bockhorn était dès lors tenue, en vertu des articles 8 et 15, paragraphe 2, de la directive 92/50, de passer un marché pour le traitement des eaux usées et, conformément à l'article 16, paragraphe 1, d'envoyer un avis concernant les résultats de la procédure d'attribution à l'Office des publications officielles des Communautés européennes.

67. Les griefs de la Commission ne sont pas non plus contestés en fait par le gouvernement allemand dans l'affaire C-20/01. Le mémoire en défense renvoie intégralement, sur le fond, aux arguments présentés dans le cadre de l'exception d'irrecevabilité, mais celle-ci est manifestement indéfendable.

2. L'affaire C-28/01

68. Il n'est pas contesté dans cette procédure que la ville de Braunschweig a manifestement considéré que la directive 92/50 s'appliquait à l'attribution du marché concerné à BKB. Les parties divergent sur le point de savoir si les conditions d'une procédure négociée au sens de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50 sont réunies. Selon cette disposition, les marchés publics peuvent être passés sans publication préalable s'il s'agit, entre autres, de services ne pouvant être confiés, pour des raisons techniques, qu'à un prestataire déterminé.

69. Le gouvernement allemand a justifié l'absence d'appel d'offres en faisant valoir que, vu les circonstances de l'espèce, le marché pour le traitement des déchets ne pouvait être attribué qu'à BKB, qui était déjà établie à Braunschweig. La ville de Braunschweig aurait opté pour un mode de traitement local des déchets permettant d'éviter leur transport sur de grandes distances. La proximité régionale du traitement des déchets constituait donc une exigence essentielle pour l'exécution du marché faisant l'objet du contrat. Le critère de la proximité régionale des installations de traitement et les distances de transport réduites s'inscrivent en outre en conformité, selon le gouvernement allemand, avec le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement. Ce principe a été inscrit à l'article 174, paragraphe 2, CE (ex article 130 R, paragraphe 2, du traité CE) et précisé dans la jurisprudence de la Cour . Eu égard aux installations dont elle dispose, BKB aurait été la seule entreprise en mesure de mener à bien le traitement des déchets selon le processus thermique souhaité. Aucune autre entreprise n'aurait disposé, à l'époque de la conclusion du contrat, de l'infrastructure nécessaire pour éliminer les déchets dans la région de Braunschweig, et cela aurait été démontré dans une étude de marché effectuée par la ville de Braunschweig. S'il avait fallu construire une nouvelle installation industrielle, les délais fixés pour l'élimination complète des déchets n'auraient pas pu être respectés.

70. La Commission fait valoir en premier lieu que la dérogation prévue à l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50, en tant qu'exception à une règle générale, doit être interprétée restrictivement. Ce n'est que si le marché concerné, pour les raisons explicitement énumérées dans cette disposition, ne pouvait effectivement être exécuté que par une seule entreprise qu'une procédure négociée serait admise. Toutefois, il ne serait pas prouvé que le marché en l'espèce ne pouvait être exécuté que par BKB.

71. Selon la Commission, quoiqu'il faille penser de l'application de critères environnementaux pour l'attribution de marchés publics, ceux-ci ne peuvent jamais être appliqués de manière discriminatoire. Selon elle, c'est le cas en l'espèce. Seule la proximité géographique est retenue comme critère, alors que d'autres aspects environnementaux ne sont pas pris en compte. Ainsi, des entreprises extérieures auraient pu proposer d'appliquer d'autres techniques pour le traitement de déchets non polluants. En outre, le principe de proximité de l'article 174, paragraphe 2, CE ne primerait pas, en cas de conflit d'intérêts, sur d'autres objectifs communautaires, mais devrait seulement faire l'objet d'une prise en compte adéquate dans l'exécution de la politique communautaire.

72. À cet égard, il convient d'abord d'observer que c'est à juste titre que la Commission a fait valoir que la portée de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50, en tant qu'exception à la règle selon laquelle les marchés relevant du champ d'application de la directive doivent être attribués selon la procédure communautaire, doit faire l'objet d'une interprétation restrictive. Cela suppose que la personne qui se prévaut de cette exception doit prouver que les circonstances exceptionnelles justifiant la dérogation existent effectivement .

73. La faculté offerte aux pouvoirs adjudicateurs par l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50 de passer des marchés publics sans avis préalable se justifie dans les cas où il n'existe qu'une seule source d'approvisionnement appropriée. Dans ces circonstances, l'obligation de procéder à une adjudication publique induit une procédure superflue. Pour que cette disposition puisse être invoquée avec succès, il doit donc être incontestablement établi qu'il n'existe vraiment qu'une seule entreprise effectivement en mesure d'exécuter le marché concerné.

74. La Cour a récemment dit pour droit dans son arrêt Concordia Bus Finland que les critères relatifs à la préservation de l'environnement relèvent également des critères d'attribution dont le pouvoir adjudicateur doit tenir compte en application de l'article 36, paragraphe 1, sous a) de la directive 92/50 . Eu égard à cette jurisprudence, nous pensons qu'il est envisageable que des principes environnementaux soient également pris en compte, dans le cadre de l'application de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50, pour déterminer s'il n'existe qu'une seule source d'approvisionnement. Cependant, il résulte aussi de l'arrêt Concordia Bus Finland que l'implication de critères environnementaux dans les procédures de passation doit faire l'objet d'un examen critique et ne peut pas donner carte blanche pour éluder l'objectif fondamental des directives communautaires en matière de passation de marchés publics, à savoir l'achèvement du marché intérieur et l'éradication des inégalités de traitement .

75. Notamment, l'application de l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50 comporte un risque intrinsèque de discrimination déguisée, car ce motif de dérogation est par définition fondé sur une inégalité de traitement et sur la préférence d'un seul contractant. Il résulte du point de vue du gouvernement allemand que les intérêts établis à Braunschweig sont préférés et que les sources d'approvisionnement alternatives situées ailleurs sont exclues d'emblée. L'obligation de fournir des preuves convaincantes en cas de recours à ce motif de dérogation en est encore renforcée.

76. Selon nous, le gouvernement allemand n'a pas réussi à démontrer de manière convaincante que BKB constituait effectivement la seule source d'approvisionnement envisageable à laquelle la ville de Braunschweig pouvait raisonnablement faire appel pour le traitement (thermique) des déchets. Indépendamment même de la fiabilité du rapport superficiellement invoqué par le gouvernement allemand et établi pour le compte de la ville de Braunschweig, il est impensable qu'il n'existe pas plusieurs candidats sérieux pour un contrat d'une durée de pas moins de 30 ans. Le traitement (thermique) des déchets ne constitue en effet pas une activité économique tellement unique et exceptionnelle que seule une entreprise est en mesure de l'assurer.

77. Même si la ville de Braunschweig opte pour une forme spécifique de traitement des déchets, on peut attendre du pouvoir adjudicateur qu'il prouve de manière convaincante, en cas de recours au motif de dérogation prévu à l'article 11, paragraphe 3, de la directive 92/50, que d'autres techniques ne peuvent pas être utilisées pour atteindre le résultat - l'élimination des déchets - de la même manière en termes de technique de l'environnement. Cette preuve peut être fournie si les critères présidant au choix de cette forme de traitement des déchets sont objectifs et transparents. Au cours de la procédure, la République fédérale d'Allemagne n'a pas étayé, ou du moins pas de manière suffisante, son affirmation selon laquelle, indépendamment des distances de transport, toute autre solution serait déraisonnable du point de vue écologique. En outre, il n'a nullement été établi que le transport des déchets concernés sur une plus grande distance constituait effectivement un danger pour l'environnement ou, le cas échéant, pour la santé publique .

78. Une procédure ouverte au sens de cette directive était indispensable en l'espèce. En conséquence, il y a lieu d'accueillir le recours de la Commission.

VI - Conclusion

79. Eu égard aux éléments qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

Dans l'affaire C-20/01:

«1) Constater que, en ne lançant pas l'appel d'offres pour le contrat relatif à l'évacuation des eaux usées de la commune de Bockhorn et en ne publiant pas le résultat de la procédure d'attribution dans le supplément S du Journal officiel des Communautés européennes, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 8, 15, paragraphe 2, et 16, paragraphe 1, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services.

2) Condamner la République fédérale d'Allemagne aux dépens.»

Dans l'affaire C-28/01:

«1) Constater que, en ce que la ville de Braunschweig a passé un contrat relatif à l'élimination de ses déchets en recourant à la procédure négociée sans publication préalable d'un avis de marché, bien que les conditions fixées par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, pour la passation des marchés de gré à gré sans appel d'offres au niveau européen ne soient pas réunies, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 8 et 11, paragraphe 3, sous b), de ladite directive.

2) Condamner la République fédérale d'Allemagne aux dépens.»