Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Droit communautaire - Principes - Protection de la confiance légitime - Conditions - Protection contre l'exercice par la Commission de son pouvoir d'élever le niveau des amendes sanctionnant les violations de règles de concurrence - Absence

(Règlement du Conseil n° 17)

2. Droit communautaire - Principes généraux du droit - Non-rétroactivité des dispositions pénales - Champ d'application - Amendes infligées à raison d'une violation des règles de concurrence - Inclusion - Violation en raison de l'application des lignes directrices pour le calcul des amendes s'agissant d'une infraction antérieure à leur introduction - Absence

(Convention européenne des droits de l'homme, art. 7; règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2)

3. Concurrence - Amendes - Montant - Marge d'appréciation réservée à la Commission - Possibilité d'élever le niveau des amendes pour renforcer leur effet dissuasif

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15)

4. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Lignes directrices arrêtées par la Commission - Obligation pour celle-ci de s'y conformer

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2)

5. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Prise en considération du chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée et du chiffre d'affaires réalisé avec les ventes des marchandises faisant l'objet de l'infraction - Limites

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2)

6. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Mesure de la capacité effective à causer un préjudice sur le marché affecté - Caractère pertinent des parts de marché détenues par l'entreprise concernée

(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2)

7. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Mesure de l'impact réel sur la concurrence du comportement infractionnel de chaque entreprise - Caractère pertinent du chiffre d'affaires réalisé avec les ventes des produits faisant l'objet d'une pratique restrictive

(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2)

8. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Rôle passif ou suiviste de l'entreprise

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15)

9. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Non-application effective d'un accord - Appréciation au niveau du comportement individuel de chaque entreprise

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15)

10. Concurrence - Amendes - Montant - Caractère approprié - Contrôle juridictionnel - Éléments pouvant être pris en considération par le juge communautaire - Éléments d'information non contenus dans la décision infligeant l'amende et non requis pour sa motivation - Inclusion

(Art. 229 CE, 230 CE et 253 CE; règlement du Conseil n° 17, art. 17)

11. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision infligeant des amendes - Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l'infraction - Indication suffisante

(Art. 253 CE; règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2, alinéa 2)

12. Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Méthode de calcul définie par les lignes directrices arrêtées par la Commission - Application des pourcentages au montant de base de l'amende

(Règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2)

Sommaire

1. Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître chez lui des espérances fondées. Cependant, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration.

S'agissant des opérateurs économiques, ils ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires. Or, s'agissant des règles communautaires de concurrence, leur application efficace exige que la Commission puisse, à tout moment, adapter le niveau des amendes aux besoins de la politique de concurrence. En conséquence, le fait que la Commission a appliqué, par le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement n° 17.

( voir points 33-35 )

2. Le principe de non-rétroactivité des dispositions pénales est un principe commun à tous les ordres juridiques des États membres, consacré également par l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, et fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect.

À cet égard, même s'il ressort de l'article 15, paragraphe 4, du règlement n° 17 que les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n'ont pas un caractère pénal, il n'en reste pas moins que la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de non-rétroactivité, dans toute procédure administrative susceptible d'aboutir à des sanctions en application des règles de concurrence du traité. Ce respect exige que les sanctions infligées à une entreprise pour une infraction aux règles de la concurrence correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise.

De ce point de vue, le changement qu'entraîneraient les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, par rapport à la pratique administrative antérieure de la Commission, ne constitue pas une altération du cadre juridique déterminant le montant des amendes pouvant être infligées, contraire au principe général de non-rétroactivité des dispositions pénales ou à celui de sécurité juridique.

En effet, d'une part, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est, uniquement, défini dans le règlement n° 17 dont les lignes directrices ne s'écartent pas. D'autre part, au regard de la marge d'appréciation laissée par le règlement n° 17 à la Commission, l'introduction par celle-ci d'une nouvelle méthode de calcul du montant des amendes, pouvant entraîner, dans certains cas, une augmentation du niveau général des amendes, sans pour autant excéder la limite maximale fixée par le même règlement, ne peut être considérée comme une aggravation, avec effet rétroactif, des amendes telles qu'elles sont juridiquement prévues par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

( voir points 43-45, 55-59 )

3. La Commission dispose, dans le cadre du règlement n° 17, d'une marge d'appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence. En outre, le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de concurrence. L'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige au contraire que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

( voir points 60, 76 )

4. La Commission ne peut se départir des règles qu'elle s'est elle-même imposées. En particulier, lorsque la Commission adopte des lignes directrices destinées à préciser, dans le respect du traité, les critères qu'elle compte appliquer dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation de la gravité d'une infraction, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce qu'il lui appartient de se conformer aux règles indicatives qu'elle s'est elle-même imposées.

( voir point 77 )

5. Parmi les éléments d'appréciation de la gravité d'une infraction aux règles communautaires de concurrence peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l'objet de l'infraction, la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché. Il s'ensuit, d'une part, qu'il est loisible, en vue de la détermination du montant de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de sa taille et de sa puissance économique, que de la part de ce chiffre qui provient de la vente des marchandises faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. Il en résulte, d'autre part, qu'il ne faut attribuer ni à l'un ni à l'autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation, de sorte que la fixation du montant d'une amende approprié ne peut être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global.

( voir points 61-62, 83 )

6. Dans le cadre de la détermination du montant des amendes infligées pour violation des règles communautaires de concurrence, l'analyse de la capacité effective des entreprises sanctionnées à causer un préjudice important à un marché déterminé implique une appréciation de l'importance réelle de ces entreprises sur le marché affecté, c'est-à-dire de leur influence sur celui-ci. À cette fin, sont pertinentes les parts de marché détenues par une entreprise sur le marché affecté, tandis que son chiffre d'affaires global ne l'est pas.

( voir point 88 )

7. Dans le cadre de la détermination du montant des amendes infligées pour violation des règles communautaires de concurrence, l'appréciation du poids spécifique, c'est-à-dire de l'impact réel, de l'infraction commise par chaque entreprise, que la Commission doit désormais effectuer en vertu des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, lorsqu'elle estime qu'il y a lieu de pondérer les montants de départ de l'amende en raison du fait qu'il s'agit d'une infraction impliquant plusieurs entreprises (de type cartel) entre lesquelles il existe des disparités considérables de dimension, consiste à déterminer l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles et non l'importance de l'entreprise en cause en termes de taille ou de puissance économique. À cet égard, la part du chiffre d'affaires provenant des ventes de marchandises faisant l'objet de l'infraction est de nature à donner une juste indication de l'ampleur d'une infraction sur le marché concerné. En particulier, le chiffre d'affaires réalisé sur les produits ayant fait l'objet d'une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence.

( voir points 89, 91 )

8. Les points 2 et 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoient une modulation du montant de base de l'amende en fonction de certaines circonstances aggravantes et atténuantes.

En particulier, le rôle exclusivement passif ou suiviste d'une entreprise dans la réalisation de l'infraction constitue, s'il est établi, une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l'adoption par l'entreprise concernée d'un profil bas, c'est-à-dire une absence de participation active à l'élaboration du ou des accords anticoncurrentiels.

Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d'une entreprise au sein d'une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l'entente de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l'objet de l'infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l'existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d'entreprises tierces ayant participé à l'infraction.

( voir points 166-168 )

9. Le point 3, deuxième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, relatif à «la non-application effective d'un accord», doit s'interpréter non pas comme visant l'hypothèse dans laquelle une entente, dans son ensemble, n'est pas mise en oeuvre, abstraction faite du comportement propre à chaque entreprise, mais doit se comprendre comme une circonstance fondée sur le comportement individuel de chaque entreprise.

( voir points 187-189 )

10. S'agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles communautaires de concurrence, le Tribunal est compétent à un double titre. D'une part, il est chargé de contrôler la légalité de la décision, au titre de l'article 230 CE. Dans ce cadre, il doit notamment contrôler le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 253 CE, dont la violation rend la décision annulable. D'autre part, le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 229 CE et 17 du règlement n° 17, le caractère approprié du montant des amendes. Cette dernière appréciation peut justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information dont la mention dans la décision n'est pas, comme telle, requise en vertu de l'obligation de motivation.

( voir point 215 )

11. En ce qui concerne la portée de l'obligation de motivation concernant le calcul du montant d'une amende infligée pour violation des règles communautaires de concurrence, l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 prévoit que, «pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci». À cet égard, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, ainsi que la communication sur la coopération dans les affaires portant sur des ententes, contiennent des règles indicatives sur les éléments d'appréciation dont il est tenu compte par la Commission pour mesurer la gravité et la durée de l'infraction.

Dans ces conditions, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et, le cas échéant, de sa communication sur la coopération, et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction aux fins du calcul du montant de l'amende.

( voir points 217-218 )

12. Eu égard au libellé des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, les pourcentages correspondant aux augmentations ou aux réductions, retenus au titre des circonstances aggravantes ou atténuantes, doivent être appliqués au montant de base de l'amende, déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction, et non au montant d'une majoration précédemment appliquée au titre de la durée de l'infraction ou au résultat de la mise en oeuvre d'une première majoration ou réduction au titre d'une circonstance aggravante ou atténuante. Cette méthode de calcul du montant des amendes permet de garantir une égalité de traitement entre différentes entreprises participant à un même cartel.

( voir point 229 )