Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 12 septembre 2002. - Pirkko Niemi. - Demande de décision préjudicielle: Vakuutusoikeus - Finlande. - Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes - Applicabilité de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) ou de la directive 79/7/CEE - Notion de "rémunération" - Régime de retraite des fonctionnaires. - Affaire C-351/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-07007
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Politique sociale Travailleurs masculins et travailleurs féminins Égalité de rémunération Rémunération Notion Régime des pensions de retraite des fonctionnaires versées à ceux-ci en raison de la relation de travail Inclusion
(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE))
2. Politique sociale Travailleurs masculins et travailleurs féminins Égalité de rémunération Article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) Application en Finlande Limitation dans le temps Prise en compte des seules périodes de travail postérieures au 1er janvier 1994
(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE); accord EEE, art. 6 et 69)
1. Une pension versée en vertu d'un régime tel que celui établi par la valtion eläkelaki (loi sur les pensions du personnel de l'État), en vigueur en Finlande, entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE).
En effet, dès lors qu'elle n'intéresse qu'une catégorie particulière de travailleurs, qu'elle est directement fonction du temps de service accompli et que son montant est calculé sur la base du dernier traitement du fonctionnaire, une pension versée en vertu de ce régime satisfait aux trois critères caractérisant la relation d'emploi que, dans les arrêts du 28 septembre 1994, Beune, C-7/93, et du 29 novembre 2001, Griesmar, C-366/99, la Cour a considérée comme déterminante aux fins de la qualification, au regard de l'article 119 du traité, des prestations servies au titre d'un régime de pension des fonctionnaires.
( voir points 47, 52 et disp. )
2. En vertu de l'article 69 de l'accord sur l'Espace économique européen, le principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail énoncé à l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) s'applique à la république de Finlande depuis le 1er janvier 1994. En vertu de l'article 6 de cet accord, ledit article 69 doit, pour ce qui concerne son applicabilité dans le temps à un régime de pensions tel que celui établi par la valtion eläkelaki (loi sur les pensions du personnel de l'État), en vigueur en Finlande, être interprété à la lumière de l'arrêt du 17 mai 1990, Barber, C-262/88.
Il en résulte que, s'agissant de la république de Finlande, le principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes ne saurait être invoqué pour des prestations de pension afférentes à des périodes de travail antérieures au 1er janvier 1994.
( voir points 54-55 )
Dans l'affaire C-351/00,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le vakuutusoikeus (Finlande) et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par
Pirkko Niemi,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. P. Jann, président de chambre, S. von Bahr, D. A. O. Edward, M. Wathelet et C. W. A. Timmermans (rapporteur), juges,
avocat général: M. S. Alber,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Mme Niemi, par Me S. Salovaara, asianajaja,
- pour le gouvernement finlandais, par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Aresu et M. Huttunen, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Mme Niemi, représentée par Me S. Salovaara, du gouvernement finlandais, représenté par Mme T. Pynnä, et de la Commission, représentée par M. M. Huttunen et Mme H. Michard, en qualité d'agent, à l'audience du 13 décembre 2001,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 21 février 2002,
rend le présent
Arrêt
1 Par jugement du 18 janvier 2000, parvenu à la Cour le 21 septembre suivant, le vakuutusoikeus (tribunal des assurances sociales) a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Niemi au Valtiokonttori (organisme de gestion du régime des pensions de l'État) au sujet de la légalité d'une décision préalable contraignante de ce dernier relative à l'âge à compter duquel elle pouvait prétendre au bénéfice d'une pension de vieillesse.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité dispose:
«Chaque État membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail.
Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.»
4 Depuis le 1er mai 1999, date de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, l'article 141 CE prévoit:
«1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.
2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier.
[...]»
5 L'article 141, paragraphes 1 et 2, premier alinéa, CE est donc, en substance identique à l'article 119, premier et deuxième alinéas, du traité.
6 Le protocole sur l'article 119 du traité instituant la Communauté européenne (ci-après le «protocole Barber»), annexé au traité CE par le traité sur l'Union européenne, dispose:
«Aux fins de l'application de l'article 119, des prestations en vertu d'un régime professionnel de sécurité sociale ne seront pas considérées comme rémunération si et dans la mesure où elles peuvent être attribuées aux périodes d'emploi antérieures au 17 mai 1990, exception faite pour les travailleurs ou leurs ayants droit qui ont, avant cette date, engagé une action en justice ou introduit une réclamation équivalente selon le droit national applicable.»
7 La directive 79/7 s'applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, sous a), aux régimes légaux qui assurent une protection contre, notamment, le risque de vieillesse.
8 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 prévoit:
«Le principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:
- le champ d'application des régimes et les conditions d'accès aux régimes,
- l'obligation de cotiser et le calcul des cotisations,
- le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations.»
9 Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7:
«La présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États membres d'exclure de son champ d'application:
a) la fixation de l'âge de la retraite pour l'octroi des pensions de vieillesse et de retraite et les conséquences pouvant en découler pour d'autres prestations».
10 Selon l'article 4, paragraphe 1, sous c) du règlement (CEE) n_ 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n_ 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le «règlement n_ 1408/71»), ce règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale concernant les prestations de vieillesse.
11 En vertu de l'article 5 du règlement n_ 1408/71, la république de Finlande a mentionné, notamment, les législations et régimes visés à l'article 4, paragraphe 1, du même règlement dans une déclaration qui a été notifiée au Conseil et publiée conformément à l'article 97 dudit règlement (JO 1999, C 234, p. 3). Dans cette déclaration sont notamment mentionnées la kansaneläkelaki (loi sur les pensions nationales) 347/1956, au titre du régime des pensions nationales, et la valtion eläkelaki (loi sur les pensions du personnel de l'État) [280]/1966, au titre du régime de pension des travailleurs.
La réglementation nationale
12 La juridiction de renvoi relève que, en Finlande, tout travail, public ou privé, doit, aux termes de la loi, être couvert par un régime de pension, dénommé le «régime de pension des travailleurs». Le régime de pension des travailleurs prévu par la valtion eläkelaki 280/1966, telle que modifiée par la loi 638/1994 (ci-après la «loi 280/1966»), couvre toute personne qui est liée à l'État soit comme agent public, soit comme salarié de droit commun. Les employés des forces de défense relèvent du régime de pension prévu par la loi 280/1966.
13 Le montant de la pension due en application de la loi 280/1966 est déterminé en fonction de l'ancienneté et du niveau des revenus considéré comme constant. Le montant de la pension augmente de 1,5 % par année de service. Le niveau des revenus considéré comme constant est déterminé en fonction des revenus professionnels des dernières années de service.
14 La juridiction de renvoi relève que l'âge de la retraite prévu par la loi 280/1966 est actuellement de 65 ans. En ce qui concerne quelques catégories de travailleurs, il est toutefois prévu un droit à pension de vieillesse à un âge inférieur à l'âge normal de la retraite, notamment à l'âge limite auquel le travailleur est tenu de cesser ses fonctions. Un tel âge est prévu par la législation régissant l'administration ou l'organe concerné, qui est, dans l'affaire au principal, l'asetus puolustusvoimista (décret sur les forces de défense) 667/1992, tel que modifié par le décret 1032/1994 (ci-après le «décret 667/1992»).
15 Auparavant, le régime de pension appliqué aux engagés des forces de défense prévoyait une limite d'âge fixée à 60 ans pour les femmes et à 50 ans pour les hommes. Ce régime a été modifié par une législation de 1994. Selon le régime actuellement en vigueur, les postes des engagés sont classés suivant la nature des fonctions en postes du personnel militaire spécialisé et en postes civils, sans considération tenant au sexe. Le fonctionnaire ayant atteint la limite d'âge, qui est de 55 ans pour la première catégorie et de 65 ans pour la seconde, doit cesser ses fonctions et il a alors droit à une pension de vieillesse. Le nouveau régime est appliqué aux relations d'emploi qui ont commencé au plus tôt le 1er janvier 1995.
16 En ce qui concerne les relations d'emploi ayant commencé avant le 1er janvier 1995, la limite d'âge est déterminée par des dispositions transitoires spécifiques. Selon celles-ci, la limite d'âge dans les relations d'emploi anciennes est, en ce qui concerne les engagés, de 50 à 55 ans pour les hommes en fonction de l'ancienneté et de 60 ans pour les femmes. Toutefois, quel que soit son sexe, le fonctionnaire qui a commencé à occuper son poste avant le 1er janvier 1995 a droit à une pension s'il compte au moins 30 ans d'ancienneté dans un tel poste. Dans l'affaire au principal, les dispositions suivantes sont pertinentes.
17 L'article 4 de la loi 280/1966 prévoit:
«L'âge de la retraite du nouveau bénéficiaire visé à l'article 1er, troisième alinéa, de la présente loi est de 65 ans. [...]»
18 Toutefois, en vertu de l'article 8, paragraphe 4, de la loi 280/1966, une pension de vieillesse est perçue avant d'avoir atteint l'âge de la retraite:
«[...]
2) si le fonctionnaire qui sert comme militaire spécialisé dans les forces de défense ou comme garde-frontière au service de la police des frontières atteint au terme de son service l'âge de 55 ans et compte au moins 30 années d'activité prises en compte pour la retraite dans une telle fonction, dont au moins six mois immédiatement avant la fin de son service et trois ans au cours des cinq dernières années ayant immédiatement précédé la fin de son service;
[...]
4) si le bénéficiaire a atteint la limite d'âge.»
19 Les dispositions transitoires du décret 667/1992 concernant la limite d'âge pour les engagés des forces de défense prévoient une limite d'âge qui s'étale de 50 à 55 ans pour les hommes et qui est fixée à 60 ans pour les femmes.
Le litige au principal et la question préjudicielle
20 Mme Niemi a demandé que lui soit précisé l'âge auquel elle pouvait prétendre à une pension de vieillesse. Mme Niemi, qui a servi dans les forces de défense comme «engagée» à partir du 1er avril 1969, a atteint l'âge de 55 ans le 1er novembre 1993 et l'âge de 60 ans le 1er novembre 1998. Le 31 mars 1999, elle totalisait 30 ans d'ancienneté dans les forces de défense.
21 Mme Niemi, en tant qu'engagée des forces de défense, relève du régime de pension prévu par la loi 280/1966 dont la limite d'âge est fixée par le décret 667/1992. Ledit régime est géré par le Valtiokonttori, qui statue sur les demandes de pension en première instance. Pour connaître l'âge auquel elle aurait droit à une pension de vieillesse attribuée sur le fondement de ses années de service, Mme Niemi a demandé audit Valtiokonttori une décision préalable contraignante. Par décision du 26 avril 1995, ce dernier a constaté que Mme Niemi n'avait pas droit à une pension de vieillesse avant d'avoir atteint la limite d'âge de 60 ans.
22 Mme Niemi a formé un recours contre ladite décision du Valtiokonttori devant la Valtion eläkelautakunta, en demandant le bénéfice d'une pension de vieillesse à compter de l'âge de 55 ans. Par décision du 20 décembre 1995, le recours de Mme Niemi a été rejeté.
23 Mme Niemi a fait appel de la décision de la Valtion eläkelautakunta devant le vakuutusoikeus en demandant à celui-ci de constater qu'elle a droit au bénéfice d'une pension de vieillesse à compter de l'âge de 55 ans. À l'appui de son recours, elle fait valoir qu'un homme ayant effectué exactement la même carrière que la sienne et ayant occupé exactement les mêmes fonctions pourrait faire valoir ses droits à une pension de vieillesse à partir de l'âge de 50 à 55 ans, alors que celui des engagés des forces de défense de sexe féminin est de 60 ans sans exception. Dès lors, elle soutient que les dispositions transitoires du régime de pension actuellement en vigueur concernant les engagés des forces de défense constituent une discrimination fondée sur le sexe qui est en contradiction avec la loi finlandaise sur l'égalité des sexes et avec le droit communautaire.
24 Le vakuutusoikeus considère que le régime de pension en cause n'est pas contraire au droit national. Cependant il émet des doutes sur le point de savoir si les pensions versées en application de la loi 280/1966 entrent dans le champ d'application de l'article 119 du traité et si ledit régime est en contradiction avec l'interdiction de discrimination prévue par cette disposition.
25 À cet égard, le vakuutusoikeus relève que le régime de pension des travailleurs en Finlande diffère de presque tous les autres systèmes de pension des travailleurs en vigueur dans les autres pays de la Communauté puisqu'il couvre obligatoirement tout travail, qu'il soit effectué dans les secteurs public ou privé, ainsi que le travail accompli en tant qu'entrepreneur.
26 Compte tenu des caractéristiques du régime finlandais de pension des travailleurs et de la différence entre les régimes finlandais et néerlandais, le vakuutusoikeus se demande notamment si la solution retenue dans l'arrêt du 28 septembre 1994, Beune (C-7/93, Rec. p. I-4471), peut être considérée comme transposable à l'affaire au principal et si, dans celle-ci, les dispositions du traité doivent être interprétées de la même manière que dans l'arrêt Beune, précité.
27 Dès lors, estimant que la solution du litige pendant devant lui nécessite l'interprétation de dispositions du droit communautaire, le vakuutusoikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Le régime des pensions prévu par la valtion eläkelaki relève-t-il du champ d'application de l'article 141 [CE] ou de celui de la directive 79/7/CEE du Conseil?»
Sur la question préjudicielle
Observations soumises à la Cour
28 Mme Niemi fait valoir que, en Finlande, le fait d'atteindre la limite d'âge entraîne l'obligation de cesser ses fonctions et le droit de percevoir une pension de retraite constituée au titre des années de service allant jusqu'à la limite d'âge. Dans ces conditions, une telle pension constitue un avantage comparable à une rémunération qui relève du champ d'application de l'article 119 du traité.
29 Par ailleurs, Mme Niemi soutient que, l'existence de limites d'âge différentes pour les femmes et pour les hommes qui font le même travail est contraire à la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40).
30 Le gouvernement finlandais relève que le régime national de pension des travailleurs formerait un tout uniforme et cohérent garantissant, en principe aux mêmes conditions, une assurance-retraite légale à tous ceux qui ont travaillé dans les secteurs public et privé. Les éléments qui déterminent le montant de la pension des travailleurs seraient le salaire reçu et la durée du travail. La pension globale serait toujours établie en fonction de l'ensemble de la carrière de l'intéressé. Ce gouvernement ajoute que le financement du régime de pension des travailleurs est réalisé par le prélèvement de cotisations auprès des employeurs comme des salariés au moment du versement du salaire. Le même gouvernement soutient qu'il n'y a pas de lien entre les cotisations et les pensions futures. Le travailleur aurait un droit légal à une pension même en l'absence de toute cotisation. Il s'agirait donc d'un régime non contributif.
31 S'agissant des salariés de l'État, le régime de pension est régi par la loi 280/1966 qui serait une composante indissociable du régime légal finlandais de pension des travailleurs et qui ne serait donc pas un régime professionnel ou complémentaire. En outre, les pensions relevant du régime de ladite loi seraient servies sur le budget national. Dans ce régime, les cotisations tant salariales que patronales seraient versées sur un fonds de retraite de l'État, indépendant dudit budget. Chaque année, des ressources seraient transférées du fonds vers le budget national aux fins de couvrir les dépenses de pension. Le gouvernement finlandais fait valoir que les dépenses relatives aux pensions versées par l'État représentent environ 2,5 fois les revenus dudit fonds, de sorte que la plus grande partie de celles-ci serait payée directement sur le budget national. Le régime de pension des travailleurs serait donc pour l'essentiel un régime de répartition.
32 Le gouvernement finlandais souligne que la limite d'âge en cause au principal relève d'une législation transitoire. Lors de la réforme, il se serait attaché à garantir aux personnes entrant dans le cadre des règles transitoires la possibilité de bénéficier d'une pension au taux plein. L'abaissement de la limite d'âge des travailleurs féminins aurait la plupart du temps réduit le montant de leurs pensions.
33 Ledit gouvernement relève que, selon une jurisprudence constante, l'article 119 du traité ne s'applique pas aux régimes de pension qui relèvent d'un régime légal de sécurité sociale. La pension servie en vertu de la loi 280/1966 ne serait pas liée à un certain rapport d'emploi, mais serait constituée de l'ensemble de ces rapports d'emploi entrant dans le champ d'application de cette loi. Il ajoute que ce régime repose sur un choix de politique sociale par les pouvoirs publics et ne dépend pas des conditions d'emploi d'une personne donnée ou d'un groupe de personnes déterminé. De tels régimes légaux de sécurité sociale entreraient dans le champ d'application de la directive 79/7.
34 La Commission constate que le régime de pension des travailleurs, dont fait partie la loi 280/1966, est en soi fondé sur la loi et obligatoire, mais que les prestations qu'il sert reposent uniquement sur la fonction ou la relation de travail.
35 Par ailleurs, bien que les principes fondamentaux du régime professionnel de retraite finlandais soient les mêmes pour tout travailleur, indépendamment du travail et du secteur d'activité, la Commission fait valoir que cela ne constitue pas un motif suffisant pour que soit écartée la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le critère essentiel pour déterminer s'il s'agit d'une rémunération au sens de l'article 119 du traité est celui de savoir si la pension est versée au travailleur sur la base de sa relation de travail avec un employeur public ou privé.
36 Dès lors, la Commission considère que les principaux aspects de l'affaire en cause au principal sont comparables à ceux de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Beune, précité. Les prestations de pension prévues par la loi 280/1966 devraient en conséquence être considérées comme une rémunération ou un avantage au sens de l'article 119 du traité.
37 La Commission relève toutefois qu'il convient de prendre en considération le protocole Barber. Elle considère que, pour les États membres dont l'adhésion à la Communauté a eu lieu après le 17 mai 1990 et qui, au 1er janvier 1994, étaient parties contractantes à l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), la date visée dans ledit protocole correspond, en pratique et dans ce cas précis, au 1er janvier 1994. Il incomberait à la juridiction de renvoi de définir les modalités d'application de la loi nationale au regard de la situation d'un travailleur dont la fonction ou la relation de travail s'est poursuivie sans interruption avant et après la date visée dans le protocole Barber.
Appréciation de la Cour
38 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si une pension, telle que celles versées en vertu de la loi 280/1966, relève du champ d'application de l'article 119 du traité ou de celui de la directive 79/7.
39 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de rémunération, telle qu'elle est délimitée à l'article 119 du traité, n'inclut pas les régimes ou prestations de sécurité sociale, notamment les pensions de retraite, directement réglés par la loi (arrêts du 17 mai 1990, Barber, C-262/88, Rec. p. I-1889, point 22; Beune, précité, point 44, et du 25 mai 2000, Podesta, C-50/99, Rec. p. I-4039, point 24).
40 En revanche, les prestations octroyées au titre d'un régime de pension, qui est fonction, pour l'essentiel, de l'emploi qu'occupait l'intéressé, se rattachent à la rémunération dont bénéficiait ce dernier et relèvent de l'article 119 du traité (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 13 mai 1986, Bilka, 170/84, Rec. p. 1607, point 22; Barber, précité, point 28; Beune, précité, point 46; du 10 février 2000, Deutsche Telekom, C-234/96 et C-235/96, Rec. p. I-799, point 32, et Podesta, précité, point 25).
41 Il y a lieu de relever que le régime de pension en cause au principal est fixé directement par la loi. Si une telle constatation donne sans doute une indication selon laquelle les prestations servies par ce régime sont des prestations de sécurité sociale (voir notamment arrêts du 25 mai 1971, Defrenne, 80/70, Rec. p. 445, points 7 et 8, et du 6 octobre 1993, Ten Oever, C-109/91, Rec. p. I-4879, point 9), elle ne suffit pas en soi à exclure un tel régime du champ d'application de l'article 119 du traité (voir, notamment, arrêt Beune, précité, point 26).
42 Il en est de même de l'argument du gouvernement finlandais selon lequel le caractère général et obligatoire du régime de pension en cause au principal ne présenterait pas les caractéristiques d'un régime professionnel ou complémentaire. En effet, la circonstance qu'un régime particulier de pension, tel que celui prévu par la loi 280/1966 pour les fonctionnaires et les autres personnels engagés par l'État, s'insère dans un cadre législatif général et harmonisé de régimes de pension visant à assurer notamment que des changements dans la relation de travail ne causent pas de ruptures dans la constatation des droits à pension, ne suffit pas à exclure les prestations de pension fournies en vertu d'un tel régime du champ d'application de l'article 119 du traité. En outre, l'applicabilité de cette disposition aux prestations de pension n'est nullement subordonnée à la condition qu'une pension soit une pension complémentaire par rapport à une prestation servie par un régime légal de sécurité sociale (arrêts Beune, précité, point 37, et du 29 novembre 2001, Griesmar, C-366/99, Rec. p. I-9383, point 37).
43 S'agissant des modalités de financement et de gestion d'un régime de pension tel que celui institué par la loi 280/1966, il ressort de la jurisprudence qu'elles ne constituent pas non plus un élément décisif pour apprécier si ledit régime relève de l'article 119 du traité (arrêts précités Beune, point 38, et Griesmar, points 37).
44 En effet, la Cour a précisé au point 43 de son arrêt Beune, précité, tel que rappelé au point 28 de l'arrêt Griesmar, précité, que, parmi les critères qu'elle avait retenus au gré des situations dont elle avait été saisie pour qualifier un régime de pension, seul le critère tiré de la constatation que la pension est versée au travailleur en raison de la relation de travail entre l'intéressé et son ancien employeur, c'est-à-dire le critère de l'emploi, tiré des termes mêmes de l'article 119 du traité, peut revêtir un caractère déterminant.
45 Dès lors, pour apprécier si une pension de retraite entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité, la jurisprudence a retenu comme critère déterminant l'existence d'un lien entre la relation de travail et la prestation de retraite, sans que les éléments structurels d'un système de prestations de pension aient été considérés comme remplissant un rôle décisif. Le fait que le régime de pension prévu par la loi 280/1966 fait partie d'un système harmonisé de sorte que la pension globale dont bénéficie un assuré reflète le travail effectué pendant toute la carrière de celui-ci, indépendamment du travail et du secteur d'activité concernés, et la circonstance que ce régime a été notifié en tant que régime relevant du champ d'application du règlement n_ 1408/71 ne sauraient exclure par eux-mêmes l'application de l'article 119 du traité, dès lors que la prestation de pension est liée à la relation de travail et que, en conséquence, elle est versée par l'État en tant qu'employeur.
46 Certes, ce critère ne saurait avoir un caractère exclusif, puisque les pensions versées par des régimes légaux de sécurité sociale peuvent, en tout ou en partie, tenir compte de la rémunération d'activité (arrêts précités Beune, point 44 et Griesmar, point 29).
47 Cependant, les considérations de politique sociale, d'organisation de l'État, d'éthique, ou même les préoccupations de nature budgétaire qui ont eu ou qui ont pu avoir un rôle dans la fixation, par le législateur national, d'un régime tel que celui en cause au principal, ne sauraient prévaloir si la pension n'intéresse qu'une catégorie particulière de travailleurs, si elle est directement fonction du temps de service accompli et si son montant est calculé sur la base du dernier traitement du fonctionnaire. La pension versée par l'employeur public est alors absolument comparable à celle que verserait un employeur privé à ses anciens salariés (arrêts précités Beune, point 45, et Griesmar, point 30). Dès lors, il convient d'examiner si une pension telle que celle versée en vertu de la loi 280/1966 répond à ces trois critères.
48 À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que la Cour a déjà jugé au point 31 de l'arrêt Griesmar, précité, que les fonctionnaires qui bénéficient d'un régime de pension tel que celui en cause au principal doivent être regardés comme constituant une catégorie particulière de travailleurs. En effet, ceux-ci ne se distinguent des travailleurs groupés dans une entreprise ou un groupement d'entreprises, dans une branche économique ou un secteur professionnel ou interprofessionnel qu'en raison des caractéristiques propres qui régissent leur relation d'emploi avec l'État, avec d'autres collectivités ou employeurs publics.
49 Or, bien que le régime de retraite institué par la loi 280/1966 ait été instauré pour l'ensemble des employés de l'État, il convient de préciser que l'accès aux prestations de pension qu'il prévoit est lié à des limites d'âge spécifiquement fixées pour certaines catégories de fonctionnaires, telles que celle des engagés des forces de défense, et qui sont différentes des limites d'âge du régime général de retraite établi par ladite loi. Si le groupe comprenant tous les fonctionnaires a été considéré par la Cour comme constituant une catégorie particulière de travailleurs, il en est a fortiori de même pour le groupe des engagés des forces de défense finlandaises, lesquels se distinguent des autres salariés de l'État.
50 En deuxième lieu, s'agissant du critère selon lequel la pension doit être directement fonction du temps de service accompli, il convient de relever tout d'abord qu'une personne n'a droit à une pension en vertu de la loi 280/1966 que si elle est liée à l'État soit comme agent public, soit comme salarié de droit commun. Ensuite, la limite d'âge à compter de laquelle le fonctionnaire est tenu de cesser ses fonctions, qui donne alors droit aux prestations de pension, est en l'espèce directement fonction du temps de service accompli. Enfin, le niveau de la pension versée en vertu de ladite loi est déterminé par la durée de l'activité du travailleur.
51 En troisième lieu, concernant le montant des prestations, il convient de relever que les prestations de pension servies en vertu de la loi 280/1966 sont calculées sur la base de la valeur moyenne de la rémunération perçue au cours d'une période limitée aux quelques années précédant directement le départ en retraite. Une telle base de calcul répond en substance au critère appliqué par la Cour dans les arrêts précités Beune et Griesmar, selon lequel le montant de la pension est calculé sur la base du dernier traitement du fonctionnaire.
52 Il en découle qu'une pension versée en vertu d'un régime tel que celui établi par la loi 280/1966 satisfait aux trois critères caractérisant la relation d'emploi que, dans ses arrêts précités Beune et Griesmar, la Cour a considérée comme déterminante aux fins de la qualification, au regard de l'article 119 du traité, des prestations servies au titre d'un régime de pension des fonctionnaires.
53 Par ailleurs, il convient de rappeler que l'article 119 du traité interdit toute discrimination en matière de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, quel que soit le mécanisme qui détermine cette inégalité. Dès lors, la fixation d'une condition d'âge différente selon le sexe pour l'accès aux pensions versées en relation avec l'emploi, pour des travailleurs qui se trouvent dans des situations identiques ou comparables, est contraire à ladite disposition du traité (voir, en ce sens, arrêt Barber, précité, point 32).
54 En outre, étant donné que les faits du litige au principal concernent des périodes de travail se situant à la fois avant et après l'adhésion de la république de Finlande à l'accord sur l'Espace économique européen et à l'Union européenne, il convient de relever que le principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail s'applique audit État membre depuis le 1er janvier 1994 en vertu de l'article 69 dudit accord. Conformémant à l'article 6 de celui-ci, ledit article 69, pour ce qui concerne son applicabilité dans le temps à un régime de pensions tel que celui en cause au principal, doit être interprété à la lumière de l'arrêt Barber, précité.
55 Il en résulte que, s'agissant de la république de Finlande, le principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes ne saurait être invoqué pour des prestations de pension afférentes à des périodes de travail antérieures au 1er janvier 1994.
56 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée qu'une pension telle que celle versée en vertu de la loi 280/1966 entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité.
Sur les dépens
57 Les frais exposés par le gouvernement finlandais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le vakuutusoikeus, par jugement du 18 janvier 2000, dit pour droit:
Une pension telle que celle versée en vertu de la valtion eläkelaki (loi sur les pensions du personnel de l'État) 280/1966, telle que modifiée par la loi 638/1994, entre dans le champ d'application de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE).