62000J0295

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 19 février 2002. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'Etat - Violation de l'article 1er du règlement (CEE) nº 4055/86 - Taxe d'embarquement et de débarquement de passagers - Taxe ne s'appliquant pas aux passagers voyageant entre ports situés sur le territoire national. - Affaire C-295/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-01737


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Transports - Transports maritimes - Libre prestation des services - Restrictions - Réglementation nationale prévoyant une taxe à l'embarquement ou au débarquement de passagers - Taxe applicable uniquement aux passagers en provenance ou à destination de ports d'un autre État membre ou d'un pays tiers, à l'exclusion des transports entre deux ports situés sur le territoire national de l'État membre concerné - Inadmissibilité

raité CE, art. 59 (devenu, après modification, art. 49 CE); règlement du Conseil n° 4055/86, art. 1er)

Sommaire


$$Doit être considérée comme constituant une restriction à la libre prestation des services de transport maritime, interdite en vertu des dispositions combinées des articles 59 du traité (devenu, après modification, article 49 CE) et 1er du règlement n° 4055/86, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers, une réglementation nationale qui applique une taxe aux passagers embarquant et débarquant dans trois ports de l'État membre concerné, en provenance ou à destination de ports situés dans un autre État membre ou dans un pays tiers, alors que cette taxe n'est pas perçue dans le cas d'un transport entre deux ports situés sur le territoire national du premier État membre. En effet, la liberté consacrée par l'article 59 du traité s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre.

( voir points 10, 14 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-295/00,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. Traversa et B. Mongin, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en maintenant en vigueur une taxe applicable aux passagers embarquant et débarquant dans les ports de Gênes, de Naples et de Trieste (Italie), en provenance ou à destination de ports situés dans un autre État membre ou dans un pays tiers, alors que cette taxe n'est pas perçue dans le cas d'un transport entre deux ports situés sur le territoire national, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 1er du règlement (CEE) n_ 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (JO L 378, p. 1),

LA COUR

(troisième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre, MM. C. Gulmann et J.-P. Puissochet (rapporteur), juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 25 octobre 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er août 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en maintenant en vigueur une taxe applicable aux passagers embarquant et débarquant dans les ports de Gênes, de Naples et de Trieste (Italie), en provenance ou à destination de ports situés dans un autre État membre ou dans un pays tiers, alors que cette taxe n'est pas perçue dans le cas d'un transport entre deux ports situés sur le territoire national, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 1er du règlement (CEE) n_ 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers (JO L 378, p. 1).

Le cadre juridique

2 L'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 4055/86 prévoit que «[l]a libre prestation des services de transport maritime entre États membres et entre États membres et pays tiers est applicable aux ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire des services».

3 La loi italienne n_ 82/1963, du 9 février 1963, portant révision des taxes et droits maritimes (GURI n_ 52, du 23 février 1963, ci-après la «loi n_ 82/1963»), institue une taxe spéciale à l'embarquement et au débarquement des passagers dans les ports de Gênes, de Naples et de Trieste. Cette taxe, dont le montant varie selon les conditions de confort et la destination du voyage, est en principe due par tous les passagers.

4 Cependant, l'article 32, sous d), de la loi n_ 82/1963 exempte de ladite taxe «les passagers à destination ou en provenance d'un autre port national». Depuis la modification de l'article 224 du code de la navigation italien par l'article 7 du décret-loi n_ 457, du 30 décembre 1997, converti en loi par la loi n_ 30/1998, du 27 février 1998 (GURI n_ 49, du 28 février 1998), qui a autorisé des navires immatriculés dans un autre État membre que la République italienne à effectuer des transports entre les ports italiens, cette exemption s'applique aussi bien à ces navires qu'aux navires italiens.

La procédure précontentieuse

5 Par une lettre de mise en demeure du 20 janvier 1998, la Commission a indiqué à la République italienne que l'application d'une taxe aux passagers embarquant et débarquant dans les ports de Gênes, de Naples et de Trieste, en provenance ou à destination de ports d'un autre État membre ou d'un pays tiers, alors que cette taxe n'est pas perçue dans le cas d'un transport entre deux ports situés sur le territoire national, était incompatible avec le principe de la libre prestation des services consacré à l'article 1er du règlement n_ 4055/86.

6 Après un échange de correspondances entre la République italienne et la Commission, cette dernière a émis, le 14 décembre 1998, un avis motivé invitant cet État membre à adopter les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

7 La Commission n'ayant reçu le texte d'aucune modification législative rendant, conformément à l'intention exprimée par les autorités italiennes, les dispositions de la loi n_ 82/1963 compatibles avec le règlement n_ 4055/86, elle a introduit le présent recours.

Sur le fond

8 Le gouvernement italien ne conteste pas le grief de la Commission. Il fait valoir que la réglementation nécessaire pour mettre fin à la discrimination faisant l'objet de ce grief devrait être insérée dans la loi de finances pour l'année 2001.

9 Il convient de rappeler que le règlement n_ 4055/86, adopté sur le fondement de l'article 84, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 80, paragraphe 2, CE), a arrêté les mesures d'application, dans le secteur des transports maritimes, du principe de la libre prestation des services établi par l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE). La Cour s'est d'ailleurs prononcée dans ce sens en jugeant que l'article 1er, paragraphe 1, dudit règlement définit les bénéficiaires de la libre prestation des services de transport maritime entre États membres et entre États membres et pays tiers dans des termes qui sont substantiellement les mêmes que ceux de l'article 59 du traité (arrêt du 5 octobre 1994, Commission/France, C-381/93, Rec. p. I-5145, point 10).

10 Or, la liberté consacrée par l'article 59 du traité s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (arrêt Commission/France, précité, point 17).

11 En conséquence, les prestations de services de transport maritime entre États membres ne sauraient être soumises à des conditions plus rigoureuses que celles auxquelles sont assujetties les prestations de services analogues sur le plan interne (arrêt Commission/France, précité, point 18).

12 Par ailleurs, il convient de rappeler que l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai imparti dans l'avis motivé (voir, notamment, arrêt du 15 mars 2001, Commission/France, C-147/00, Rec. p. I-2387, point 26).

13 Or, en l'espèce, il est constant et il n'est, d'ailleurs, pas contesté que la République italienne n'a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l'avis motivé dans le délai imparti à cet effet.

14 Par conséquent, il y a lieu de constater que, en maintenant en vigueur une taxe applicable aux passagers embarquant et débarquant dans les ports de Gênes, de Naples et de Trieste, en provenance ou à destination de ports situés dans un autre État membre ou dans un pays tiers, alors que cette taxe n'est pas perçue dans le cas d'un transport entre deux ports situés sur le territoire national, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 1er du règlement n_ 4055/86.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

15 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(troisième chambre)

déclare et arrête:

1) En maintenant en vigueur une taxe applicable aux passagers embarquant et débarquant dans les ports de Gênes, de Naples et de Trieste (Italie), en provenance ou à destination de ports situés dans un autre État membre ou dans un pays tiers, alors que cette taxe n'est pas perçue dans le cas d'un transport entre deux ports situés sur le territoire national, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 1er du règlement (CEE) n_ 4055/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.