Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Banque européenne d'investissement - Pouvoir d'organisation interne - Décision prévoyant les modalités de la coopération avec l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Compétence du conseil des gouverneurs

(Statuts de la Banque européenne d'investissement, art. 9, § 3, h), et 13, § 3)

2. Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Actes de la Banque européenne d'investissement - Actes relevant de la sphère de compétence du conseil des gouverneurs - Inclusion - Adoption par un autre organe de la Banque - Absence d'incidence

(Art. 237, b), CE)

3. Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999 relatifs aux enquêtes effectuées par l'OLAF - Champ d'application - Banque européenne d'investissement - Inclusion

(Règlements du Parlement européen et du Conseil n° 1073/1999, art. 1er, § 3, et n° 1074/1999, art. 1er, § 3)

4. Banque européenne d'investissement - Autonomie - Portée

(Art. 267 CE)

5. Banque européenne d'investissement - Contrôles susceptibles d'être exercés sur la Banque - Différenciation en fonction de l'objet des contrôles - Contrôle des comptes de la gestion financière non exclusif de l'application des règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999 relatifs aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF)

(Art. 248, § 1 et 3, CE et 280 CE; statuts de la Banque européenne d'investissement, art. 14; art. 203 EA; règlements du Parlement européen et du Conseil n° s 1073/1999 et 1074/1999)

6. Banque européenne d'investissement - Autonomie - Application des règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999 relatifs aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Compatibilité

(Règlements du Parlement européen et du Conseil n° s 1073/1999 et 1074/1999)

7. Dispositions financières - Intérêts financiers de la Communauté - Notion - Ressources et dépenses de la Banque européenne d'investissement - Inclusion

(Art. 280 CE)

8. Dispositions financières - Protection des intérêts financiers de la Communauté - Article 280 CE - Objet - Portée - Adoption de mesures normatives ayant vocation à s'appliquer à l'intérieur des institutions, organes et organismes communautaires - Inclusion

(Art. 280 CE)

9. Actes des institutions - Choix de la base juridique - Règlement n° 1074/1999 relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Article 203 EA

(Art. 183 A EA et 203 EA; règlement du Conseil n° 1074/1999)

10. Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999 relatifs aux enquêtes effectuées par l'OLAF - Violation du principe de proportionnalité s'agissant de l'inclusion de la Banque européenne d'investissement dans leur champ d'application - Absence

(Règlements du Parlement européen et du Conseil n° s 1073/1999 et 1074/1999)

11. Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999 relatifs aux enquêtes effectuées par l'OLAF - Violation par la décision du comité de direction de la Banque européenne d'investissement du 10 novembre 1999, concernant la coopération avec l'OLAF

(Règlements du Parlement européen et du Conseil n° s 1073/1999 et 1074/1999; décision du comité de direction de la Banque européenne d'investissement, du 10 novembre 1999)

Sommaire

1. Une décision qui a pour objet de prévoir les modalités de la coopération de la Banque européenne d'investissement avec l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) en ce qui concerne la transmission d'informations relatives à d'éventuelles activités frauduleuses et l'exécution d'enquêtes portant sur de telles activités au sein de la Banque relève du domaine de compétence du conseil des gouverneurs et non de celui du comité de direction.

En effet, une telle décision ne saurait relever de la «gestion des affaires courantes de la Banque européenne d'investissement» au sens de l'article 13, paragraphe 3, de ses statuts, ni, plus généralement, de la sphère de compétence propre du comité de direction. En outre, il découle de l'article 9, paragraphe 3, sous h), desdits statuts que, au sein de la Banque, c'est en principe le conseil des gouverneurs qui se trouve investi du pouvoir d'organisation interne et qui est, partant, habilité à prendre les mesures appropriées en vue d'assurer le fonctionnement interne de la Banque dans l'intérêt d'une bonne administration de cette dernière. Tel est le cas de l'élaboration par une institution ou un organisme communautaire de procédures relatives au contrôle de la régularité des opérations menées en son sein, notamment destinée à assurer son bon fonctionnement, et qui est de nature à relever du domaine de l'organisation interne de cette institution ou de cet organisme, sous réserve des limites qu'imposerait le droit communautaire.

( voir points 66-68, 70 )

2. En soumettant les délibérations du conseil des gouverneurs de la Banque européenne d'investissement au contrôle de la Cour, l'article 237, sous b), CE vise notamment à assurer que tous les actes adoptés par la Banque relevant de la sphère de compétence dudit conseil puissent être déférés à la Cour.

Une interprétation de cette disposition qui exclurait un tel acte de ceux qui peuvent être attaqués sur le fondement de cette disposition au seul motif que ledit acte a été adopté par un autre organe de la Banque, tel le comité de direction, aboutirait à un résultat contraire à l'esprit de ladite disposition, et ce que l'adoption de l'acte en cause soit ou non la conséquence d'un aménagement délibéré de son processus décisionnel par la Banque.

Une telle interprétation méconnaîtrait en outre également la circonstance que la Communauté européenne est une communauté de droit en ce que ni ses États membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle qu'est le traité et que ce dernier a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité des actes des institutions. En effet, bien que n'étant pas une institution de la Communauté européenne, la Banque européenne d'investissement n'en constitue pas moins un organisme communautaire institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité et c'est à ce titre qu'elle se trouve soumise au contrôle de la Cour, notamment dans les termes prévus à l'article 237, sous b), CE.

( voir points 73-75 )

3. Le champ d'application des règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999, relatifs aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), s'étend à la Banque européenne d'investissement. En effet, les termes «institutions, organes et organismes institués par les traités ou sur la base de ceux-ci» figurant à l'article 1er, paragraphe 3, de ces règlements doivent être interprétés en ce sens qu'ils englobent la Banque européenne d'investissement, laquelle constitue un organisme communautaire institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité. Il ne ressort ni du préambule ni des dispositions desdits règlements que le législateur communautaire aurait entendu opérer une distinction quelconque entre les divers institutions, organes ou organismes institués par les traités ou sur la base de ceux-ci. Le septième considérant des règlements précités souligne au contraire expressément la nécessité d'étendre le champ des enquêtes internes de l'OLAF à «tous» lesdits institutions, organes et organismes.

( voir points 97-99 )

4. La reconnaissance à la Banque européenne d'investissement d'une autonomie fonctionnelle et institutionnelle n'a pas pour conséquence de la détacher totalement des Communautés et de l'exempter de toute règle du droit communautaire. En effet, il ressort notamment de l'article 267 CE que la Banque est destinée à contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté européenne et qu'elle s'inscrit donc, en vertu du traité, dans le cadre communautaire. Il s'ensuit que la position de la Banque européenne d'investissement est ambivalente en ce sens qu'elle est caractérisée par une indépendance quant à la gestion de ses affaires, notamment dans le domaine des opérations financières, d'une part, et par un lien étroit avec la Communauté européenne quant à ses objectifs, d'autre part.

( voir point 102 )

5. Les dispositions des articles 248, paragraphes 1 et 3, CE ainsi que 14 des statuts de la Banque européenne d'investissement, dont l'objet se rapporte en substance au contrôle des comptes et de la gestion financière, ne sauraient préjuger de l'applicabilité éventuelle à la Banque européenne d'investissement d'un régime d'enquête qui, tel celui institué sur le fondement des articles 280 CE et 203 EA par les règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999, relatifs aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), respectivement, vise spécifiquement à permettre la vérification de soupçons relatifs à des faits de fraude, de corruption ou à d'autres irrégularités portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés. Un tel régime d'enquête ne s'apparente en effet nullement à un contrôle des comptes ou de la gestion financière de l'entité concernée.

( voir point 105 )

6. Ni la circonstance que l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) a été institué par la Commission et est intégré dans les structures administratives et budgétaires de cette dernière dans les conditions prévues par la décision 1999/352, ni le fait qu'un tel organe externe à la Banque européenne d'investissement a reçu du législateur communautaire des pouvoirs d'enquête dans les conditions prévues par les règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999, relatifs aux enquêtes effectuées par l'OLAF, ne sont, en tant que tels, de nature à porter atteinte à l'autonomie fonctionnelle et à la réputation de la Banque européenne d'investissement sur les marchés financiers.

En effet, le régime mis en place par lesdits règlements traduit la ferme volonté du législateur communautaire de subordonner l'octroi des pouvoirs dont se trouve investi l'OLAF, d'une part, à l'existence de garanties visant à assurer une stricte indépendance de ce dernier, notamment à l'égard de la Commission, et, d'autre part, à un plein respect des règles du droit communautaire, parmi lesquelles, notamment, le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, les droits de l'homme et les libertés fondamentales ainsi que le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de celles-ci. L'exercice desdits pouvoirs se trouve soumis à diverses règles et garanties spécifiques, tandis que leur objet est clairement délimité. Les enquêtes internes que l'OLAF peut être amené à effectuer doivent également être exécutées dans les conditions et selon les modalités prévues par des décisions que chaque institution, organe et organisme adopte, si bien qu'il n'est pas à exclure que d'éventuelles spécificités liées à l'activité bancaire de la Banque européenne d'investissement soient, le cas échéant, prises en compte par cette dernière à l'occasion de l'adoption d'une telle décision, à charge pour la Banque d'établir la nécessité des restrictions qu'elle édicterait de ce chef.

( voir points 106-109 )

7. L'expression «intérêts financiers de la Communauté» figurant à l'article 280 CE doit être interprétée en ce sens qu'elle englobe non seulement les recettes et dépenses relevant du budget communautaire, mais, en principe, également celles qui relèvent du budget d'autres organes ou organismes institués par le traité. En effet, ladite expression est propre à l'article 280 CE et se distingue de la terminologie utilisée dans les autres dispositions du titre II de la cinquième partie du traité, qui se réfèrent, invariablement, au «budget» de la Communauté européenne. Cette expression paraît, en outre, plus large que celle de «recettes et [...] dépenses de la Communauté» figurant notamment à l'article 268 CE. Le fait même qu'un organe ou un organisme tire son existence du traité suggère, enfin, qu'il a été conçu en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté européenne et l'inscrit dans l'ordre juridique communautaire, si bien que les moyens dont il dispose par l'effet dudit traité présentent par nature un intérêt financier propre et direct pour celle-ci.

S'agissant de la Banque européenne d'investissement, elle s'inscrit, en vertu du traité, dans le cadre communautaire, et ses ressources et leur utilisation présentent un intérêt financier manifeste pour la Communauté européenne et ses objectifs. Dès lors, les termes «intérêts financiers de la Communauté» figurant à l'article 280 CE couvrent également les ressources et dépenses de ladite Banque.

( voir points 120-125 )

8. En introduisant dans l'article 280 CE les précisions figurant aux paragraphes 1 et 4 de celui-ci, les auteurs du traité d'Amsterdam ont clairement entendu renforcer la lutte contre la fraude et les irrégularités portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté européenne, notamment en dotant expressément cette dernière d'une mission propre consistant à «combattre», à l'instar des États membres, ces fraudes et irrégularités par l'adoption de «mesures» qui soient «dissuasives» et offrent une «protection effective dans les États membres». La circonstance que l'article 280, paragraphe 1, CE spécifie que lesdites mesures sont prises conformément à cet article ne signifie nullement qu'il serait renvoyé aux seuls paragraphes suivants de celui-ci, et notamment à son paragraphe 4, pour déterminer l'étendue de la compétence communautaire en la matière. En effet, l'article 280, paragraphe 4, CE doit être lu en ce sens qu'il complète la définition de la compétence communautaire et en précise certaines conditions d'exercice.

Dans ce contexte, le fait que l'article 280, paragraphe 4, CE se réfère notamment à la nécessité de contribuer à une protection qui soit effective et équivalente dans les États membres ne saurait être interprété comme le signe d'une volonté implicite des auteurs du traité d'Amsterdam d'imposer à l'action de la Communauté européenne une limite supplémentaire aussi fondamentale qu'une interdiction de combattre la fraude et les autres irrégularités portant atteinte à ses intérêts financiers par l'adoption de mesures normatives qui viseraient les institutions, organes et organismes institués par les traités ou sur la base de ceux-ci. Outre la circonstance qu'une telle limitation de la compétence communautaire ne ressort pas du libellé de l'article 280 CE, elle ne serait guère compatible avec les objectifs poursuivis par cette disposition. En effet, pour rendre effective la protection des intérêts financiers de la Communauté européenne, il est impératif que la dissuasion et la lutte contre la fraude et les autres irrégularités opèrent à tous les niveaux auxquels lesdits intérêts sont susceptibles d'être affectés par de tels phénomènes, et il peut fréquemment arriver que les phénomènes ainsi combattus impliquent simultanément des acteurs situés à différents niveaux.

( voir points 131-135 )

9. Dès lors que l'article 183 A EA traduit bien l'existence d'un objectif autonome de protection des intérêts financiers de la Communauté européenne de l'énergie atomique, il ne saurait être admis que le règlement nº 1074/1999, relatif aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), qui a pour but la lutte contre la fraude auxdits intérêts financiers, n'a pas été adopté en vue de réaliser l'un des objets de ladite Communauté et, partant, qu'il ne pouvait pas être adopté sur le fondement de l'article 203 EA.

( voir points 140, 143-144 )

10. Les règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999, relatifs aux enquêtes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), ne sauraient être déclarés inapplicables à l'égard de la Banque européenne d'investissement en raison de la violation du principe de proportionnalité.

En effet, le législateur communautaire ne commet pas une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il est nécessaire, aux fins de renforcer la prévention et la lutte contre la fraude, la corruption et les autres irrégularités portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés, d'instaurer un mécanisme de contrôle centralisé au sein d'un même organe, spécialisé ainsi qu'exercé de manière indépendante et uniforme par rapport aux différents institutions, organes ou organismes institués par les traités ou sur la base de ceux-ci, et ce nonobstant l'existence de mécanismes de contrôles propres à ces institutions, organes ou organismes. À cet égard, la fonction d'enquête confiée à l'OLAF diffère par sa nature et par son objet spécifiques des missions de contrôle général des comptes, telles que celles dont se trouvent notamment investis la Cour des comptes et le comité de vérification de la Banque européenne d'investissement.

En outre, le législateur communautaire peut estimer que des mécanismes de contrôle disparates, qui seraient adoptés au niveau des institutions, organes ou organismes institués par les traités ou sur la base de ceux-ci et dont tant l'existence que les modalités seraient laissées à l'appréciation de chacun de ceux-ci, ne constituent pas une solution présentant un degré d'efficacité équivalent à celui que paraît susceptible d'offrir un régime ayant pour objet de centraliser la fonction d'enquête au sein d'un même organe spécialisé et indépendant.

( voir points 150, 166-168, 171 )

11. La décision du comité de direction de la Banque européenne d'investissement, du 10 novembre 1999, concernant la coopération avec l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), viole les règlements n° s 1073/1999 et 1074/1999, relatifs aux enquêtes effectuées par l'OLAF, notamment leur article 4, et excède la marge d'autonomie organisationnelle propre que la Banque conserve dans le domaine de la lutte contre la fraude, car, à la lumière de son préambule et de ses dispositions, cette décision est fondée sur la prémisse erronée que lesdits règlements ne seraient pas applicables à l'égard de la Banque et traduit en conséquence la volonté de cette dernière d'organiser de manière exclusive la lutte contre la fraude en son sein tout en développant certaines formes de coopération opérationnelle réduite avec l'OLAF, en écartant l'application du régime instauré par lesdits règlements et en substituant à l'adoption de la décision visée à l'article 4, paragraphes 1, second alinéa, et 6, de ces derniers la mise en place d'un régime distinct et propre à la Banque.

( voir points 184-186 )