CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. L. A. GEELHOED
présentées le 25 septembre 2003(1)



Affaire C-278/00



République hellénique
contre
Commission des Communautés européennes


«Annulation de la décision 2002/458/CE de la Commission, du 1er mars 2000, relative aux régimes d'aides mis en oeuvre par la Grèce en faveur du règlement des dettes des coopératives agricoles en 1992 et 1994, y compris les aides pour la réorganisation de la coopérative laitière AGNO»






I –   Introduction

1.        Dans cette affaire, le gouvernement grec demande à la Cour d’annuler intégralement la décision 2000/458/CE  (2) (ci-après «la décision 2002/458»), qui a déclaré incompatibles avec le marché commun les mesures que la République hellénique a prises en 1992 et 1994 pour prendre en charge les dettes d’un certain nombre de coopératives agricoles. Subsidiairement, il demande de déclarer nul l’article 2 de la décision 2002/458, qui enjoint à ladite République de récupérer les aides déclarées illégales, majorées des intérêts.

II –  Le contexte factuel et le cadre juridique

2.        Ainsi qu’il ressort du recours et de la décision 2002/458, les coopératives agricoles dont il s’agit dans la présente affaire sont des personnes morales de droit privé, dont les membres sont solidairement responsables des dettes. Ces membres sont en règle générale des producteurs de produits agricoles de base. Ils collaborent au sein de la coopérative pour le traitement et la transformation de leurs produits ainsi que pour leur commercialisation.

3.        Ces coopératives sont soumises à un régime juridique particulier. C’est ainsi qu’elles sont obligées d’acheter la totalité de la production de leurs membres et qu’elles sont utilisées par l’État grec comme des intermédiaires pour la réalisation de ses objectifs, sociaux et autres. Il ressort de la législation grecque reproduite ci-après – aux points 6 et 7 – que la politique de gestion des coopératives agricoles peut englober un large domaine.

4.        L’intervention des coopératives en faveur de la politique socioéconomique de l’État grec a apparemment eu des effets négatifs sur leur situation financière, puisque le gouvernement grec a dû arrêter à deux reprises des règles d’assainissement pour y parer.

5.        La première de ces réglementations figure dans la loi grecque nº 2008/92, dont l’article 32, paragraphes 2 et 3, constitue la disposition fondamentale pour la présente affaire.

6.        L’article 32, paragraphe 2, de ladite loi dispose que l’État grec peut assumer et régler des dettes contractées auprès de la Banque agricole de Grèce (ci‑après la «BAG») par des organismes coopératifs, des coopératives et des entreprises du secteur primaire, secondaire ou tertiaire pendant la période comprise entre 1982 et 1989, à condition qu’elles découlent d’une politique sociale ou de toute autre politique interventionniste mise en œuvre à l’initiative ou au nom de l’État grec.

7.        L’article 32, paragraphe 3, de cette loi prévoit que ces dettes seront reconnues et réglées par l’État si et seulement si l’organisme coopératif, la coopérative ou l’entreprise sont jugés viables.

8.        Pour expliquer cette réglementation, les autorités grecques ont fait savoir à la Commission, par lettre du 7 juin 1993 (voir, pour plus de précisions à cet égard, points 23 et 24 des présentes conclusions), que les dettes à prendre en charge étaient la conséquence de la baisse des prix de détail, qui profitait aux consommateurs. De ce fait, les montants concernés ne pourraient pas être récupérés. Ensuite, des dettes contractées pour d’autres raisons entreraient aussi en considération pour une prise en charge, par exemple des dettes dans le cadre de mesures d’écoulement, en vue d’investissements, pour manque de fonds propres et à cause de pertes dues à des événements extraordinaires.

9.        Il ressort de la même lettre que le gouvernement grec s’est engagé, lors de l’application de cette disposition, à rembourser à la BAG pour une partie des sommes encore dues par 61 coopératives agricoles, à savoir 91,769 milliards de GRD sur un total de 266,126 milliards de GRD.

10.      La deuxième disposition légale grecque qui importe ici est celle de l’article 5 de la loi n° 2237/94. Cette loi visait à mettre en œuvre le règlement (CEE) n° 2079/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime communautaire d’aides à la préretraite en agriculture (3) .

11.      La réglementation prévoit également que, au cours de la première moitié de la période de remboursement de l’emprunt réaménagé, aucun intérêt n’est dû. Passé ce laps de temps, ces intérêts s’élèvent à 50 % du taux conventionnel normal pour de tels emprunts. La durée des emprunts est fixée à dix ans. La BAG a toutefois la possibilité, dans des cas exceptionnels dans lesquels le déficit est particulièrement important, de prolonger la période de remboursement jusqu’à quinze ans, avec une période de grâce de trois ans, ou de réduire les intérêts à moins de 50 % du taux conventionnel en vigueur.

12.      Selon la loi n° 2008/92, les coopératives ne peuvent bénéficier d’une aide que si elles présentent au préalable une étude sur la faisabilité d’un plan de développement ou de modernisation, dont il ressort qu’elles sont en mesure de rembourser les dettes réaménagées. En outre, le réaménagement des dettes peut être subordonné à certaines conditions, telles qu’une modernisation organisationnelle, une réduction du personnel, une vente du patrimoine propre, etc.

13.      La décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce, du 5 octobre 1989, joue également un rôle dans le cadre de la décision 2002/458, contestée par le gouvernement grec. Cette décision autorise les établissements de crédit en Grèce à régulariser les dettes en suspens, découlant de tous types d’emprunts en drachmes ou en devises. En outre, elle autorise les banques à convertir des emprunts en participation financière. Cette disposition s’applique à toutes les banques, tant publiques que privées.

14.      En 1992, la décision n° 2091 du gouverneur de la Banque de Grèce, du 11 juin 1992, a fixé des taux d’intérêts minimaux pour ces consolidations: 18 % pour les emprunts à court terme et 17 % pour les emprunts à moyen et à long terme. Ces taux minimaux ont ensuite été supprimés par la décision n° 2326 du gouverneur de la Banque de Grèce, du 4 août 1994.

III –  La décision 2002/458

15.      Dans sa décision, qui a été notifiée à la représentation permanente de la Grèce le 5 mai 2000, la Commission a jugé entre autres que l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 constitue une aide d’État incompatible avec le marché commun. Elle a aussi jugé que l’article 5 de la loi n° 2237/94 constitue une aide ne remplissant pas les conditions prévues par la réglementation relative à l’aide dite «aide à la restructuration». Elle a examiné, également pour réfuter l’argumentation des autorités grecques, le cas individuel du règlement des dettes de la coopérative AGNO. Cet examen a renforcé la Commission dans son appréciation des deux régimes d’aides précités (article 1er de la décision 2002/458). À la suite de ces constatations, elle a invité les autorités grecques à prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer les aides illégales selon les procédures prévues par la législation grecque dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L’aide à récupérer produit des intérêts, courant à compter de la date à laquelle l’aide a effectivement été mise à la disposition des bénéficiaires jusqu’à la date de leur récupération effective (article 2 de la décision 2002/458).

16.      Enfin, la Commission invite le gouvernement grec à l’informer, dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision, des mesures prises pour s’y conformer. À cet effet, le gouvernement grec doit fournir une liste complète des bénéficiaires des régimes d’aides concernés, des montants à récupérer et des intérêts dus. La Commission a ensuite demandé des informations complémentaires sur le contrôle que la BAG exerce sur AGNO, sur les relations existant entre l’État grec et la BAG et sur toutes les décisions en matière de dettes que la BAG a appliquées sur la base de la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce (article 3 de la décision 2002/458).

IV –  La procédure

17.      Le 13 juillet 2000, le gouvernement grec a formé, en vertu de l’article 230 CE, un recours en annulation de la décision 2002/458. Il y demande à la Cour d’annuler intégralement ladite décision ou, subsidiairement, son article 2.

18.      Le 13 juillet 2000, il a également demandé, en vertu de l’article 242 CE, le sursis à l’exécution, à titre principal de la décision dans son ensemble ou, à titre subsidiaire, de son article 2. Par ordonnance du 12 octobre 2000, le président de la Cour a rejeté la demande en référé.

19.      La Commission a conclu au rejet du recours en tant que dénué de fondement et à la condamnation de la requérante aux dépens.

20.      Le gouvernement grec et la Commission ont exposé verbalement leurs allégations lors de l’audience de la Cour du 17 octobre 2000.

V –  Observations préalables

21.      Dans sa décision exhaustive, la Commission traite de trois procédures distinctes, qu’elle a engagées en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE.

22.      Tout d’abord, par lettre SG (97) D/10773 du 19 décembre 1997, elle a informé la République hellénique de sa décision d’engager une procédure à l’encontre du règlement des dettes des coopératives agricoles sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92.

23.      Le ministre de l’Agriculture grec avait déjà informé la Commission, par lettre du 7 juin 1993, de son projet d’appliquer la disposition précitée de la loi n° 2008/92 en vue de la prise en charge des dettes de différentes catégories de coopératives agricoles à la BAG.

24.      La Commission a initialement considéré cette lettre comme une notification au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE. Toutefois, lorsqu’elle a été par la suite informée du fait que l’aide prévue par l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 avait de toute façon déjà été octroyée à la coopérative laitière AGNO sans son consentement préalable, elle a décidé d’enregistrer cette disposition comme une aide non notifiée.

25.      La Commission a engagé une deuxième procédure par lettre SG (97) D/10775 du 19 décembre 1997 à la suite d’une plainte portant sur l’aide accordée à la coopérative laitière AGNO dans le Nord de la Grèce.

26.      L’instruction de cette plainte a fait apparaître qu’AGNO avait profité des mesures suivantes, toutes mises en oeuvre par la BAG:

851 millions de GRD sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92, et 529,89 millions de GRD dans le cadre de l’article 19, paragraphe 1, de la loi n° 2198/94 – non notifiée – en dédommagement des pertes causées par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl ;

10,145 milliards de GRD sur la base de l’article 5 de la loi n° 2237/94 – non notifiée – sous la forme d’un emprunt de consolidation d’une dette due à des retards considérables dans la mise en œuvre d’un projet d’investissement;

1,899 milliard de GRD dans le cadre de la décision n° 1620 – non notifiée – du gouverneur de la Banque de Grèce, qui autorise les banques publiques et privées à octroyer à leurs clients des prêts de consolidation.

27.      La Commission a engagé une troisième procédure par lettre SG(98)D/4020 du 20 mai 1998 à l’encontre des articles 14 à 17 quinquies de la loi n° 2538/97, du 1er décembre 1997, qui permettent à l’État grec d’effacer par l’intermédiaire de la BAG les dettes de plus de 200 coopératives et de leurs unions, ainsi que d’entreprises et d’agriculteurs. Le montant total de la dette à effacer s’élevait à 163 milliards de GRD.

28.      La République hellénique a ensuite demandé au Conseil d’approuver les mesures citées en dernier lieu sur la base de l’article 88, paragraphe 2, troisième alinéa, CE. Par sa décision du 15 décembre 1998, le Conseil a fait droit à cette demande (4) . Au point 11 des motifs de la décision 2002/458, la Commission affirme que cette décision ne concerne «en conséquence» pas les articles 14 à 17 quinquies de la loi n° 2538/97. Le gouvernement grec invoque toutefois la décision n° 14015 du Conseil, du 15 décembre 1998, à l’appui de son recours. Bien qu’elle ne soit pas concernée par la décision 2002/458, cette troisième procédure a donc une certaine pertinence pour l’appréciation du recours.

29.      Dans la décision 2002/458, la Commission examine essentiellement la compatibilité des régimes généraux visés à l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 et à l’article 5 de la loi n° 2237/94 avec l’article 87 CE. Elle examine et apprécie également l’aide qu’AGNO, parmi d’autres, a reçue sur la base de cette réglementation.

30.      Cette méthode a pour effet que, dans la décision 2002/458, les analyses sont structurées et le jugement se construit d’une manière compliquée et qui n’est pas toujours très transparente.

31.      Tout cela se reflète dans le recours très volumineux du gouvernement grec, qui conteste, en se fondant sur un grand nombre de moyens, presque chaque partie de la décision.

32.      Pour des raisons de clarté des présentes conclusions, les moyens invoqués seront groupés et appréciés ci-après de la manière suivante:

les moyens dirigés contre l’appréciation de la Commission concernant l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 (titre VI – L’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92);

les moyens dirigés contre l’appréciation de la Commission concernant l’article 5 de la loi n° 2237/94 (titre VII – L’article 5 de la loi n° 2237/94);

les moyens dirigés contre l’appréciation de la Commission concernant l’aide octroyée à AGNO (titre VIII – L’aide accordée à AGNO);

différents moyens, dirigés notamment contre l’obligation de récupération de l’aide octroyée, imposée par l’article 3 de la décision (titre IX – Autres moyens, notamment à l’encontre de l’obligation de récupération de l’aide, imposée par l’article 3 de la décision n° 2002/458).

VI –  L’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92

33.      Le gouvernement grec a invoqué à titre principal quatre moyens contre le jugement de la Commission selon lequel l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 est incompatible avec l’article 87 CE et selon lequel l’aide d’État octroyée sur la base de cette disposition doit être récupérée:

la Commission aurait qualifié à tort le régime concerné de régime d’aide général et aurait omis d’apprécier les données, communiquées par le gouvernement grec, concernant l’application individualisée de ce régime;

la Commission aurait estimé à tort que l’application du régime ne peut pas être justifiée par un recours à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE;

l’appréciation de la Commission, selon laquelle l’aide octroyée sur la base du régime ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun, ne serait pas non plus fondée;

enfin, par la lenteur excessive avec laquelle elle a agi dans la présente affaire, la Commission ne pourrait plus exiger la récupération de l’aide octroyée sur la base du régime.

34.      Les moyens du gouvernement grec sont en particulier dirigés contre les considérations suivantes de la décision 2002/458:

«a.        Applicabilité de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE

(155)
Premièrement, la Commission a pris note du fait que l’article 32, paragraphe 2, de la loi grecque n° 2008/92 envisage essentiellement d’effacer les dettes des coopératives agricoles découlant de la mise à exécution de la politique sociale et interventionniste instaurée par l’État grec. Bien que les autorités grecques prétendent que les interventions de l’État grec ont été décidées suite aux dommages causés par 24 calamités naturelles qui ont affecté la Grèce entre 1982 et 1989, elles ne mettent pas en évidence un lien causal entre les calamités naturelles et les interventions des États en matière de formation des prix de vente des produits. Par exemple, le lien entre d’une part le dédommagement pour les pertes causées par l’exportation des oranges, la commercialisation des abricots, la construction d’une unité réfrigérante et le stockage d’olives de table, et d’autre part un quelconque lien de catastrophe naturelle du ressort de l’article 87, paragraphe 2, point b), est, pour le moins, confus.

(157)
Deuxièmement, l’analyse des 116 fiches d’évaluation indiquant les motifs d’effacement des dettes des différentes coopératives, envoyées par les autorités grecques, ne montre en aucun cas que les pertes ont été causées par des catastrophes naturelles ou par de mauvaises conditions climatiques. Seules 6 coopératives (y compris la coopérative laitière AGNO) ont bénéficié d’effacements de dettes en rapport avec la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

(158)
Troisièmement, la Commission note que l’État grec a dédommagé les coopératives, après 1992, pour des pertes causées à la production agricole par des calamités naturelles ou des événements exceptionnels survenus entre 1982 et 1989. En conséquence, dans certains cas le dédommagement est intervenu dix ans après l’événement.

(159)
Par expérience, la Commission considère qu’une aide versée plusieurs années après la survenue de l’événement en question est réellement susceptible de produire les mêmes effets économiques qu’une aide à l’exploitation. Par exemple, en l’absence d’une justification spécifique, invoquant par exemple la nature et l’étendue de l’événement, ou les effets retardés ou continus des dommages causés, la Commission désapprouve les aides nationales qui sont octroyées plus de trois ans après la survenue de l’événement. Les pratiques existantes ont été récemment codifiées au point 11.1.2 des lignes directrices de la Commission sur l’aide d’État dans le secteur agricole. Les difficultés administratives invoquées par la Grèce ne peuvent pas être considérées comme une justification acceptable, puisque la loi, adoptée en 1992, prévoit déjà le remboursement des dommages antérieurs à 1982.

b.        Article 87, paragraphe 3, CE

(162)
[…] Il est par conséquent nécessaire de se demander si les mesures prévues peuvent faire l’objet d’une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 3, point a) ou c), du traité.

(163)
Les effacements de dettes effectués en vertu de l’article 32, paragraphe 2, de la loi grecque n° 2008/92 ont été réservés aux dettes découlant de la mise en œuvre d’une politique sociale ou interventionniste ordonnée par l’État grec. À l’ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité, la Commission a mis les autorités grecques en demeure de présenter leurs observations concernant cette politique sociale ou interventionniste, y compris une évaluation de cette politique nationale par rapport à la politique agricole commune, mais les autorités grecques n’ont pas communiqué les renseignements demandés.

(164)
À l’analyse du texte de projet de loi et des 116 cas ayant bénéficié d’un effacement de dette, on peut conclure que toutes les causes associées à cette mesure résultent de dépenses encourues par les coopératives pour la réalisation de certaines opérations. Toutes les causes invoquées pour justifier l’effacement des dettes (à savoir des aides à la production, la collecte et commercialisation de produits agricoles, le stockage de produits agricoles, l’acquisition de matériel nécessaire pour le processus de production, les coûts d’exploitation courants, la gestion des pesticides et des aliments pour animaux, les dettes contractées auprès de BAG, les pertes causées par la politique de fixation des prix, le dédommagement pour des retards dans des procédures administratives, le dédommagement pour les pertes causées par l’accident de Tchernobyl et les investissements) sont considérées par la Commission comme des aides à l’exploitation et ne peuvent donc pas être approuvées par la Commission au titre de l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

(165)
En particulier, les aides destinées à remédier aux dommages causés par l’accident de Tchernobyl doivent être considérées comme des aides à l’exploitation car elles ne sont pas conformes aux conditions de l’article 87, paragraphe 2, point b), du traité. De même, les aides destinées à dédommager les coopératives pour la réalisation d’investissements doivent être considérées comme des aides à l’exploitation puisque, versées rétroactivement, ces aides améliorent simplement la situation financière des coopératives après la réalisation de l’investissement; elles ne constituent pas des mesures incitatives pour la réalisation d’investissements et ne favorisent donc pas le développement du secteur.

(166)
Les remarques des autorités grecques confirment que la mesure en cause est destinée à alléger les dettes des bénéficiaires, et qu’il n’existe aucune contrepartie de la part des bénéficiaires qui pourrait être interprétée comme un élément visant à favoriser le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques. À cet égard, l’évocation de la «viabilité» de la coopérative ne peut être considérée comme une contrepartie. Le fait que les coopératives soient obligées, de par leur statut, de racheter la production intégrale de leurs membres n’est pas susceptible de modifier cette conclusion: l’adoption du statut de coopérative est basée sur le volontariat. Compte tenu des principes énoncés dans la jurisprudence, la Commission est dans l’obligation de conclure que la mesure ne peut pas faire l’objet d’une dérogation au titre de l’article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

(167)
Bien que l’article 87, paragraphe 3, point a), du traité n’ait pas été invoqué explicitement par les autorités grecques, ces dernières déclarent que les mesures en cause avaient une portée régionale, dans la mesure où les coopératives représentent l’intérêt de larges groupes d’agriculteurs en activité dans des zones de montagne et des zones défavorisées.

(168)
La communication de la Commission de 1988 sur la méthode pour l’application de l’article 87, paragraphe 3, points a) et c), aux aides régionales prévoit, au point 6 de la partie I, que la Commission peut, par voie de dérogation, autoriser certaines aides à l’exploitation dans des régions où elle a reconnu l’existence de difficultés spéciales, et sous réserve de conditions spécifiques énumérées aux premier à cinquième tirets. Le deuxième tiret de ces conditions précise que l’aide devrait «viser à promouvoir un développement durable et équilibré de l’activité économique et ne devrait pas donner lieu à une surcapacité sectorielle au niveau communautaire, qui aurait des conséquences encore plus graves que le problème régional initial; dans ce contexte, une approche sectorielle s’impose et il convient en particulier de respecter les règles, directives et lignes directrices communautaires applicables à certains domaines industriels (acier, construction navale, fibres synthétiques, textile et habillement) et agricoles, ainsi que celles concernant les entreprises industrielles impliquant la transformation de produits agricoles.»

(169)
Dans le secteur agricole regroupant la production, la transformation et la commercialisation des produits de l’annexe I, la Commission poursuit depuis de nombreuses années une politique d’interdiction des aides à l’exploitation dans toutes les régions, y compris celles qui sont du ressort de l’article 87, paragraphe 3, point a), du traité.»

A –   Le premier moyen: la nature du régime de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92

1.        Arguments des parties

35.      Le gouvernement grec reproche à la Commission d’avoir qualifié à tort l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 de régime général d’aides. Lorsque la Commission a fini par examiner le dossier en 1997, l’application de cet article 32 à des cas individuels avait déjà pris fin. Ledit article 32 concernait l’octroi d’une aide destinée à remédier aux dommages causés par des événements qui étaient tous survenus plusieurs années avant l’adoption de la loi n° 2008/92. De ce fait, la Commission connaissait le nombre et l’identité des entreprises bénéficiaires de l’aide.

36.      Du reste, la Commission aurait effectivement utilisé les informations concernant les différentes coopératives que le gouvernement grec lui avait communiquées par lettre du 9 juin 1997. Cela ressortirait des points 164 à 175 des motifs de la décision 2002/458. Les allégations qu’ils contiennent sont manifestement basées sur une étude des 116 fiches d’évaluation, envoyées en même temps.

37.      Le gouvernement grec affirme ensuite que, si la Commission estimait que les informations fournies par la République hellénique n’étaient pas suffisantes pour pouvoir examiner les aides en détail, elle aurait pu lui demander des données et des informations supplémentaires, faisant ainsi usage de la faculté de demander aux États membres de communiquer toutes les données en rapport avec des aides qui ont été octroyées, qui lui est reconnue par la Cour. La Commission s’en est toutefois abstenue.

38.      La Commission rétorque que l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 ne concerne pas une aide individuelle, mais un régime général d’aides. La possibilité d’examiner, approuver ou interdire une réglementation générale aurait été expressément reconnue par la Cour. En tant que régime, la disposition de l’article 32, paragraphe 2, de cette loi prévoit une réglementation générale et abstraite, ayant un nombre indéterminé de bénéficiaires. Étant donné la nature générale de cette réglementation, la décision 2002/458 peut uniquement avoir ce régime pour objet. Elle ne concerne dès lors pas les cas individuels auxquels l’article 32, paragraphe 2, de ladite loi a été appliqué. La Commission affirme ensuite qu’une mesure générale d’aides ne peut être considérée comme compatible avec le traité que s’il est suffisamment établi que son application dans des cas individuels est également compatible avec celui‑ci. L’approbation de régimes d’aides qui ne sont pas transparents pour ce qui est du groupe des bénéficiaires, du montant et de l’intensité de l’aide et des objectifs reviendrait à donner un chèque en blanc aux États membres concernés et serait susceptible d’affecter l’effet utile des articles 87 et 88 CE.

39.      La Commission renvoie au point 155 des motifs de la décision 2002/458. Il en ressort qu’elle s’est rendu compte de la portée générale de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92, qui «envisage essentiellement d’effacer les dettes des coopératives agricoles découlant de la mise à exécution de la politique sociale et interventionniste instaurée par l’État grec». La marge d’appréciation dont la Commission dispose lors de l’adoption de décisions ayant un caractère général ne peut pas être mise en échec par la circonstance que, au moment où elle arrête la décision, les réglementations nationales en question ont déjà été mises en œuvre et les bénéficiaires en sont connus. C’est ce que confirme la jurisprudence de la Cour.

40.      Le point de vue de la requérante, qui insiste sur l’examen individuel de chaque cas d’application de la réglementation, conduirait à une surcharge et une paralysie des services concernés de la Commission. Cela n’exclut pas la possibilité de notifier et d’apprécier des cas individuels d’application, mais, dans cette hypothèse, ces cas devraient être notifiés séparément. C’est ce qui ressort de la jurisprudence relative à l’article 88, paragraphe 3, CE, qui a été maintenant reprise dans le règlement (CE) n° 659/1999  (5) . Or, dans la présente affaire, la procédure devant la Commission avait pour objet l’appréciation du régime d’aides en tant que tel.

2.        Appréciation

41.     À notre avis, il faut répondre par l’affirmative à la question de savoir si la Commission pourrait qualifier l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 de mesure générale d’aides et l’apprécier comme telle.

42.      Depuis l’arrêt de la Cour Italie/Commission  (6) , il n’est plus contesté que la Commission est compétente pour apprécier des mesures d’aide générales en tant que telles. L’exercice de cette compétence est entre-temps devenu une pratique constante. Selon ce que la Commission observe avec raison, il s’agit aussi d’une pratique nécessaire. Ce n’est que par ce biais qu’elle est à même d’effectuer le contrôle de l’application des mesures d’aides nationales, qui lui est confié par le traité.

43.      Il faut ensuite se demander en l’espèce si la Commission pouvait qualifier l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 de réglementation générale. Il n’existe aucun doute sur ce point, eu égard aux termes et à la portée de cette réglementation:

son champ d’application personnel est général (coopératives de premier, deuxième et troisième degrés, associations ou entreprises qui ont en commun d’avoir des dettes à l’égard de la BAG);

son champ d’application matériel est général (les dettes peuvent être prises en charge par l’État grec si et pour autant qu’elles ont été contractées en vue de mettre en œuvre des mesures sociales ou interventionnistes sur ordre de l’État grec);

la condition définie à l’article 32, paragraphe 3, de la loi n° 2008/92 est également générale (la coopérative, association ou entreprise doit être viable).

44.      Enfin, il faut se demander si la Commission a pu considérer la réglementation en cause comme contraire au traité.

45.     À cet égard, il faut faire remarquer que, avant que la Commission puisse examiner sur le fond l’aide d’État octroyée en vertu d’une réglementation générale, l’étendue et l’intensité de cette aide, ses causes de justification matérielles, le groupe des bénéficiaires potentiels ainsi que la pratique administrative d’application doivent ressortir avec une clarté suffisante de la réglementation qui a été notifiée. Celle-ci doit, en d’autres termes, être transparente et «étanche».

46.      Ce n’est que si un régime général d’aides notifié satisfait à ses exigences que la Commission est en mesure de l’apprécier au regard du droit communautaire. Ce n’est qu’alors qu’elle peut avoir la certitude, si cette appréciation aboutit à un résultat positif, que l’application de la réglementation à des cas individuels reste conforme au droit communautaire. Nous nous rallions à la thèse de la Commission selon laquelle l’approbation d’une réglementation nationale qui ne remplit pas les conditions de transparence et de précision reviendrait à accorder un chèque en blanc.

47.      Or, il ressort de manière incontestée de la décision 2002/458 (points 19 à 24 des motifs) que l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 a été appliqué à une grande variété de cas individuels qui se sont retrouvés endettés pour des raisons très diverses (allant de mesures quant aux prix en faveur des consommateurs à la catastrophe de la centrale nucléaire de Tchernobyl). Les activités économiques auxquelles ce régime d’aide a été appliqué sont tout aussi variées: production, exploitation, exportation, stockage et investissements.

48.      Sur la seule base de ces données, qui lui ont été communiquées en partie dès 1993 et en partie par la suite en 1997, la Commission aurait déjà pu aboutir à la conclusion que la réglementation de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 n’était comme telle pas susceptible d’être approuvée en tant que régime d’aide général.

B –   Le deuxième moyen: la compatibilité de l’aide avec l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE

1.        Arguments des parties

49.      Le gouvernement grec avance essentiellement trois arguments à l’appui de ce moyen.

50.      En premier lieu, aux points 155 et 157 des motifs de la décision 2002/458, la Commission aurait fait une appréciation erronée des données et informations que le gouvernement grec lui a communiquées, en constatant qu’il n’existe pas de lien de causalité entre les calamités naturelles qui ont frappé la Grèce et l’intervention de l’État dans la formation des prix des produits. Cette action de l’État grec serait effectivement liée à ces événements, en ce qu’elle serait destinée à prévenir tout effet néfaste de ces événements pour les producteurs, les coopératives et les consommateurs.

51.      En deuxième lieu, toujours selon la requérante, la Commission aurait constaté à tort qu’il n’existait pas de lien de causalité entre le réaménagement des dettes des coopératives et les dommages résultant de conditions météorologiques particulièrement mauvaises. Selon elle, un tel lien existait effectivement, puisque l’État grec avait obligé les coopératives à intervenir dans de tels cas en faveur des produits de base. La requérante explique cela par le comportement de la coopérative AGNO après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. À l’époque, AGNO avait soutenu les prix que les producteurs recevaient pour leur lait, parce que le marché du lait et d’autres produits laitiers s’était totalement effondré. Vu sous cet angle, il existerait effectivement un lien de causalité entre la catastrophe naturelle ou l’événement extraordinaire, la dette de la coopérative et le réaménagement de cette dette sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92.

52.      En troisième lieu, la Commission aurait dû motiver, au point 158 des motifs de la décision 2002/458, pourquoi elle jugeait inacceptables les arguments des autorités grecques visant à expliquer le long laps de temps qui s’est écoulé entre les faits qui ont causé le prétendu préjudice et le règlement des dettes fondé sur ces faits. Une appréciation approfondie et objective du préjudice subi par les coopératives avait effectivement pris un certain temps, en particulier parce qu’il a fallu pour cela faire intervenir deux types de commissions d’enquête. Du reste, on pourrait tirer du point 11.1.2 des récentes lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2), qui a codifié les pratiques de gestion antérieures, un argument pour tenir compte, lors de l’appréciation du laps de temps qui s’est écoulé entre le fait dommageable et l’indemnisation, de contraintes administratives et budgétaires. Or, ces circonstances existaient en l’espèce.

53.      La Commission oppose essentiellement deux arguments. En premier lieu, il ressortirait des termes de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE que la dérogation à l’interdiction générale des aides d’État, prévue par ces dispositions, ne vise que les mesures d’aides destinées à réparer le préjudice qui est la conséquence directe de calamités naturelles ou d’autres événements extraordinaires. Un tel lien direct ferait défaut en l’espèce, parce que ce ne sont pas les coopératives bénéficiaires elles-mêmes qui ont subi un préjudice, mais les producteurs, dont les produits ou la production ont souffert du fait de ces calamités naturelles. Le fait que les coopératives ont subi un préjudice parce qu’elles devaient continuer à acheter aux producteurs, pour des motifs sociaux, aux prix indicatifs en vigueur des produits fortement réduits en valeur était tout au plus indirectement lié à ces événements. Leur «préjudice» découlait directement des obligations qui leur étaient imposées par les autorités grecques. Lors de l’application de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 aux coopératives, on ne trouve aucune référence au préjudice réellement subi par les producteurs.

54.      Dans l’argumentation défendue par le gouvernement grec, il serait aussi impossible de quantifier avec précision le préjudice effectivement subi par le producteur et de déterminer si l’indemnisation reçue sous la forme d’achats de produits à prix fixe était adéquate. L’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE manque dès lors de la transparence requise. La Commission affirme ensuite que cela s’exprime aussi dans l’affectation de l’aide par les coopératives: parfois les fonds sont utilisés pour des investissements, dans d’autres cas ils sont considérés comme des aides au fonctionnement. On est donc très loin de la portée limitée et précise de l’interdiction des aides d’État, prévue à l’article 87, paragraphe 1, CE.

55.      En second lieu, le temps qui s’est écoulé entre les faits dommageables et leur indemnisation au titre de la loi n° 2008/92 rend difficile, selon la Commission, l’établissement d’un lien direct et nécessaire entre l’un et l’autre. Au lieu de réparer un dommage causé par des événements extraordinaires, l’aide accordée avec beaucoup de retard peut alors prendre le caractère d’une aide au fonctionnement ou à l’investissement, susceptible d’affecter gravement les rapports de concurrence.

2.        Appréciation

56.      Nous avons déjà constaté plus haut, aux points 44 à 48, que l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 n’était pas susceptible d’être approuvée en tant que régime général d’aides. Les mêmes arguments sont aussi valables contre une acceptation de la mesure litigieuse en tant que dérogation – générale – à l’interdiction des aides d’État sur la base de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

57.      L’application pratique de cette mesure enseigne qu’elle est parfois utilisée dans des cas où il n’existe aucun lien avec une calamité naturelle ou un événement extraordinaire antérieur. Dans d’autres cas, elle est appliquée pour effacer des dettes que les coopératives avaient contractées pour des investissements ou pour financer certaines activités de leur exploitation, par exemple pour promouvoir les exportations ou stocker des produits. Aucun lien de causalité entre des calamités naturelles ou événements extraordinaires, en tant que fait générateur d’un préjudice, et les activités pour lesquelles les dettes ont été contractées n’apparaît dans ces cas. Dans d’autres cas encore, un tel lien existe, mais il est seulement indirect. Une telle diversité dans l’application pratique s’oppose nécessairement à la conclusion selon laquelle l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 serait, en tant que réglementation générale, compatible avec la cause de justification particulière visée à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Le recours du gouvernement grec à cette cause de dérogation échoue déjà pour cette seule raison.

58.     À titre superfétatoire, nous faisons encore remarquer que les arguments avancés par le gouvernement grec à l’appui de ce moyen ne réfutent pas les constatations faites par la Commission aux points 155 à 159 des motifs de la décision 2002/458. En premier lieu, il découle de la nature de la cause de justification visée à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE qu’il doit exister un lien clair et direct entre le fait générateur du dommage et l’aide d’État destinée à réparer le dommage. La prise en considération de charges financières qui ont un lien indirect ou très lointain avec le fait générateur du dommage serait de nature à étendre presque à l’infini le groupe des bénéficiaires potentiels d’une telle aide ainsi que le «dommage» susceptible de bénéficier d’une indemnisation. En deuxième lieu, le gouvernement grec ne réfute pas la constatation faite par la Commission au point 157 des motifs de la décision 2002/458, à savoir qu’un lien de causalité avec une calamité naturelle ou un événement extraordinaire n’apparaîtrait que dans 6 des 116 fiches d’évaluation qui ont été envoyées. Enfin, le gouvernement grec ne démontre pas pourquoi il aurait fallu un tel laps de temps entre le fait générateur du dommage et la réparation. Les raisons qu’il donne se limitent à quelques généralités, qui ne peuvent par définition pas suffire pour expliquer, dans chaque cas spécifique, pourquoi il a fallu autant de temps entre le fait générateur du dommage et sa réparation.

C –   Le troisième moyen: la compatibilité de l’aide avec l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE

1.        Arguments des parties

59.      Le gouvernement grec avance essentiellement deux arguments à l’appui de ce moyen.

60.      Premièrement, l’aide qui a été octroyée en vertu de l’article 32 de la loi n° 2008/92 relèverait de la disposition dérogatoire de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE, étant donné que les aides ont été octroyées en vue de promouvoir le développement économique dans certaines régions de la Grèce où le niveau de vie est anormalement bas et où les possibilités d’emplois font gravement défaut. Aux points 164 à 175 des motifs de la décision 2002/458, la Commission aurait fait une appréciation erronée en déclarant que l’article 32 de la loi n° 2008/92 n’entre pas en considération pour la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, CE.

61.      Les réaménagements des dettes de 116 coopératives étaient nécessaires pour réparer le préjudice découlant de différents événements extraordinaires, tels que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Si ces dettes correspondent aux dépenses pour les différents investissements effectués par les coopératives, ces investissements étaient, selon les autorités grecques, nécessaires dans le cadre de leur politique de réorganisation ainsi que de restructuration et de modernisation économique et sociale du secteur coopératif.

62.      Les autorités grecques ont autorisé le réaménagement des dettes de seulement 116 coopératives parce qu’elles étaient importantes pour le développement économique des régions où elles opèrent (il s’agit de régions sous-développées avec un important chômage). La condition relative à la viabilité des coopératives doit également être située dans ce contexte. Elle vise à assurer la contribution du réaménagement des dettes au développement régional.

63.      La Commission aurait dû se rallier à la conclusion selon laquelle le réaménagement des dettes était nécessaire dans l’intérêt d’un développement économique sain des régions concernées et selon laquelle l’aide était compatible avec l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE.

64.      Elle a omis d’indiquer les conséquences favorables pour le développement économique régional qui découlent des réaménagements de dettes des coopératives. Ces conséquences sont essentielles, eu égard au rôle fondamental des coopératives dans les régions plus faibles, surtout agricoles, de Grèce. En dehors du secteur agricole, l’emploi n’y est pas important. La place économique de l’agriculture a dans ces régions une importance déterminante pour leur développement. L’absence de réaménagent de leurs dettes aurait entraîné la faillite des coopératives, avec des conséquences catastrophiques pour les chances de développement des régions concernées.

65.     À la lumière de cela, la Commission aurait dû évaluer les conséquences favorables des aides pour le développement économique régional par rapport aux conséquences défavorables possibles pour le commerce interétatique, les rapports de concurrence et les organisations de marché agricoles. Elle ne l’a pas fait.

66.      Deuxièmement, la Commission aurait dû examiner si l’aide qui est octroyée dans des cas individuels pour des investissements pouvait être considérée comme une aide visant à promouvoir le développement économique, tel que défini à l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE.

67.      La Commission renvoie à cet égard à l’arrêt Espagne/Commission  (7) , dans lequel la Cour a déclaré que «les aides ad hoc, c’est-à-dire celles qui ne s’inscrivent pas dans un programme national d’intérêt communautaire, manquent en principe du critère de spécificité régionale. En effet, ces aides ne visent pas en premier lieu à faciliter le développement de certaines régions économiques, mais sont accordées, comme en l’espèce, sous forme d’aides à l’exploitation d’entreprises en difficulté. Dans ces conditions, il incombe à l’État membre concerné d’établir que l’aide en question remplit effectivement le critère de spécificité régionale […]. Le fait que les aides en question ont été consenties sur la base de décisions ad hoc ne saurait donc exclure en l’espèce leur qualification d’aides régionales au sens de l’article 92, paragraphe 3, sous a), du traité [devenu article 87, paragraphe 3, sous a), CE]».

68.      La Commission rétorque que l’article 32 de la loi n° 2008/92 ne pouvait pas relever de la communication de la Commission sur la méthode pour l’application de l’article 92, paragraphe 3, sous a) et c), aux aides régionales  (8) . Cette communication renvoie aux règles spécifiques en vigueur dans les secteurs «sensibles», tels que l’agriculture  (9) . D’autre part, selon une pratique constante, la Commission interdit les aides au fonctionnement d’une manière générale, c’est-à-dire lorsqu’il n’existe pas de lien de causalité réel avec le développement des régions. L’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 prévoit le règlement des dettes découlant de l’exercice d’une politique sociale ou de certaines autres politiques interventionnistes. Une telle réglementation a indéniablement une autre portée qu’un programme destiné à promouvoir des investissements en vue d’améliorer l’emploi dans des régions économiquement plus faibles.

69.      L’interdiction des aides au fonctionnement est plus rigoureuse pour des activités exercées dans le cadre d’organisations communes de marchés. Étant donné que le champ d’application de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 n’est pas limité aux produits spécifiques pour lesquels, exceptionnellement, il n’existe pas d’organisation commune des marchés, cette réglementation est soumise à la stricte interdiction des aides au fonctionnement.

70.      Selon la Commission, le deuxième argument de la requérante ne peut pas non plus être couronné de succès. En l’espèce, la Commission devait apprécier le régime d’aides en tant que tel. Il ne s’agissait pas d’apprécier individuellement chaque application séparée du régime. Pour cela, les cas d’application individuels auraient dû être notifiés séparément sur la base de l’article 88, paragraphe 3, CE.

2.        Appréciation

71.     Étant donné que, ainsi que nous l’avons déjà exposé plus haut, le régime visé à l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 ne pouvait pas, en tant que tel, entrer en considération pour une autorisation générale, il ne peut pas non plus entrer en considération pour une appréciation à la lumière d’une des causes dérogatoires générales, visées à l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE. Le gouvernement grec succombe déjà en ce moyen pour cette seule raison. Même dans le cas contraire, les arguments avancés par le gouvernement grec en faveur de l’applicabilité des causes dérogatoires précitées échouent.

72.      Dans certains cas, un programme d’aide peut relever d’une des dérogations autorisées par l’article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE. Il ressort de la communication de 1988 sur la méthode pour l’application de l’article 92, paragraphe 3, sous a) et c) aux aides régionales  (10) qu’une aide destinée à la création d’emplois ou en faveur d’investissements initiaux peut être autorisée dans certains cas. En outre, lorsqu’il existe des problèmes particuliers ou durables, une aide à la production peut également être autorisée à titre exceptionnel.

73.      Dans la présente affaire, l’application pratique de la réglementation fait apparaître que l’aide concernée n’était pas destinée à promouvoir de nouveaux investissements ou à créer de nouveaux emplois dans des régions plus faibles, mais uniquement à améliorer la situation financière des producteurs  (11) . En l’espèce, le gouvernement grec ne conteste pas que l’aide a été accordée sous la forme, entre autres, d’une aide au fonctionnement et d’une compensation en faveur des coopératives au titre de la réalisation d’investissements. Le gouvernement grec indique seulement que l’aide octroyée peut avoir des conséquences favorables pour le développement économique régional. Il n’a toutefois nullement démontré que cette aide pouvait, par sa nature, effectivement et durablement contribuer au développement économique.

74.     À cet égard, nous faisons encore remarquer à titre superfétatoire qu’un programme d’aides régionales dans le secteur de l’agriculture ne peut pas sans plus entrer en considération pour une des dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, CE. Les articles 87 à 89 CE sont certes intégralement applicables aux secteurs relevant d’une organisation commune des marchés, mais leur application reste subordonnée aux dispositions des règlements concernés. En d’autres termes, si les causes de dérogation visées à l’article 87, paragraphe 3, sous a) ou c), sont invoquées pour une aide en faveur d’une activité économique relevant d’une organisation commune des marchés agricoles, le recours à ces causes de dérogation doit essentiellement être apprécié à la lumière de cette organisation de marchés. La Commission dispose à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement grec n’a pas démontré que l’affirmation de la Commission selon laquelle le régime litigieux porte atteinte au fonctionnement de l’organisation commune de marchés était manifestement dénuée de fondement  (12) .

75.      Selon la requérante, la Commission aurait encore dû examiner si, dans les cas individuels où une aide a été accordée pour des investissements, cette aide peut être considérée comme une aide ad hoc autorisée. Des décisions ad hoc peuvent relever de la dérogation visée à l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE si un État membre démontre que les régimes d’aide satisfont au critère de la spécificité régionale  (13) . Un examen ad hoc n’est pas acceptable ici pour deux raisons. En premier lieu, parce que – ainsi que nous l’avons déjà constaté aux points 41 à 43 ci‑dessus – la Commission pouvait qualifier l’aide de régime général d’aides et l’examiner comme tel. Il n’y a dès lors pas lieu d’apprécier ici toutes les aides distinctes, déjà accordées et mises à exécution. En second lieu, parce que le gouvernement grec n’a pas démontré que le régime d’aides satisfait au critère de la spécificité régionale. À l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92, ce sont les coopératives qui sont les bénéficiaires, quelle que soit la région où elles opèrent.

D –   Le quatrième moyen: la lenteur avec laquelle la Commission a agi dans la présente affaire

1.        Arguments des parties

76.      Le gouvernement grec avance essentiellement deux arguments à l’appui de ce moyen. Premièrement, il estime que l’aide a été valablement notifiée. Deuxièmement, il reproche à la Commission la durée excessive de la procédure.

77.      Le gouvernement grec reproche à la Commission d’avoir qualifié l’aide d’illégale. La requérante avait informé la Commission, dès le 7 juin 1993,de son projet d’appliquer l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 aux fins du règlement des dettes de toutes sortes de coopératives en faveur de la BAG pour la période allant de 1982 à 1989.

78.      Or, ce n’est que le 19 décembre 1997, c’est-à-dire quatre ans et demi après la notification de la lettre, que la Commission a informé la République hellénique de sa décision d’ouvrir la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE à l’encontre de l’aide en vue du règlement des dettes des coopératives dans le cadre de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92.

79.      La requérante ajoute que les autorités grecques avaient informé la Commission, au plus tard en juin 1997, du fait que l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 avait été appliqué. Les autorités grecques avaient également communiqué en mars 1998 des fiches individuelles des 116 cas dans lesquels une aide avait été accordée à des coopératives sur la base de l’article 32. La Commission connaissait dès lors depuis presque deux ans les données concernant les 116 cas dans lesquels une aide avait été octroyée.

80.      En deuxième lieu, le gouvernement grec renvoie à l’arrêt RSV/Commission  (14) , dans lequel la Cour a annulé une décision de la Commission, concernant la récupération d’une aide incompatible en raison du retard, à savoir 26 mois, avec lequel la Commission avait arrêté la décision litigieuse. La Cour a considéré qu’un tel retard pouvait fonder chez le bénéficiaire de l’aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d’enjoindre aux autorités nationales d’ordonner la restitution de l’aide. En l’espèce, le gouvernement grec estime que la situation dans la présente affaire n’est pas différente de celle dans l’affaire RSV/Commission.

81.      La Commission allègue que le premier moyen du gouvernement grec est manifestement dénué de fondement. Elle prétend que l’écoulement d’un certain temps après l’ouverture de la procédure au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne peut pas, à lui seul, fonder une confiance légitime dans la légalité de l’aide lorsque cette aide n’a pas été octroyée dans le respect de la procédure prévue à cet article. Le simple fait que deux mois se sont écoulés après la notification de l’aide ne suffit pas pour supposer que l’aide a été autorisée. Après notification d’un régime d’aide, l’État membre concerné doit aussi informer la Commission de son projet de procéder à l’application de ce régime, de sorte que la Commission puisse faire des observations en temps utile.

82.      La Commission estime qu’il existe une différence évidente entre l’arrêt RSV/Commission, précité, et la présente affaire. Le gouvernement grec n’a jamais formellement notifié l’aide à la Commission selon la procédure de l’article 88, paragraphe 3, CE. Cette aide ne découlait pas non plus d’un régime d’aides antérieur, déjà autorisé par la Commission, et n’était pas non plus liée à un tel régime.

83.      Le recours du gouvernement grec à l’affaire RSV/Commission, précitée, n’est, selon la Commission, pas fondé, parce que les conditions qui s’appliquaient dans celle‑ci ne sont pas remplies dans la présente affaire. Outre que l’aide octroyée n’a en l’espèce pas été formellement notifiée à la Commission, elle ne concernait pas non plus, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire précitée, les coûts supplémentaires d’une opération pour laquelle une aide, déjà autorisée par la Commission, avait été accordée.

2.        Appréciation

a)        L’article 88 CE a-t-il été dûment observé?

84.      L’article 88 CE prévoit des procédures qui confient l’examen permanent et le contrôle des régimes d’aides exclusivement à la Commission. L’incompatibilité éventuelle d’un régime d’aides avec le marché commun doit être constatée, sous le contrôle de la Cour, selon une procédure appropriée, dont l’application relève de la responsabilité de la Commission.

85.      En ce qui concerne les nouvelles aides, cette procédure est inscrite à l’article 88, paragraphe 3, CE. Ses modalités d’application ont été élaborées dans une jurisprudence touffue de la Cour, qui a été codifiée en 1999 dans le règlement n° 659/1999  (15) . Puisque les actes et événements pertinents dans la présente affaire sont survenus avant l’entrée en vigueur dudit règlement, ils doivent essentiellement être appréciés à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative à l’application de l’article 86, paragraphe 3, CE.

86.      Dans son arrêt du 11 décembre 1973 dans l’affaire Lorenz  (16) , confirmé par une jurisprudence ultérieure  (17) , la Cour a déclaré que la phase préliminaire de l’enquête, prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, vise à mettre la Commission en mesure de se former une première opinion sur la conformité, partielle ou totale, des projets qui lui ont été notifiés avec le traité. L’objectif poursuivi par cette disposition, qui est de prévenir la mise en vigueur d’aides contraires au traité, implique que l’interdiction visée à l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE produise déjà ses effets pendant tout le cours de la phase préliminaire. Étant donné l’intérêt des États membres à être fixés rapidement dans des domaines où la nécessité d’intervenir peut revêtir un caractère d’urgence, la Commission doit agir avec diligence. Si, après avoir été informée par un État membre d’un projet d’aide ou de modification d’une aide, la Commission omet d’ouvrir la procédure contradictoire prévue à l’article 88, paragraphe 2, l’État membre concerné peut, au terme d’un délai raisonnable que la Cour a fixé à deux mois, octroyer l’aide projetée, dès lors qu’il en informe la Commission au préalable, après quoi cette aide relève de la réglementation relative aux aides existantes.

87.      Selon une jurisprudence constante, un État membre ne peut pas se prévaloir des principes de l’arrêt Lorenz  (18) lorsqu’il a mis une aide projetée à exécution sans l’avoir préalablement notifiée. Cet arrêt était basé entre autres sur l’intérêt pour les États membres à être rapidement fixés dans des situations dans lesquelles une aide revêt un caractère d’urgence. Cet intérêt légitime n’est pas établi lorsqu’un État membre met la mesure d’aide à exécution sans l’avoir préalablement notifiée  (19) .

88.      Pour que l’arrêt Lorenz, précité, produise ses effets, il faut donc que deux conditions soient remplies. L’aide relève de la réglementation relative aux régimes d’aides existants et peut être octroyée par un État membre si a) la Commission n’a pas ouvert dans un délai de deux mois suivant la notification la procédure contradictoire prévue à l’article 88, paragraphe 2, et b) l’État membre concerné a au préalable informé la Commission de son projet d’appliquer le régime d’aide notifié. Dans la présente affaire, le gouvernement grec ne remplissait pas la seconde condition. Après la notification d’un régime d’aides et l’expiration du délai de deux mois, un État membre ne peut pas accorder l’aide sans l’avoir notifiée à la Commission. Ce faisant, il a agi en violation des obligations découlant de l’article 88, paragraphe 3, troisième phrase, CE. L’aide doit dès lors être qualifiée d’illégale.

b)        Le déroulement de la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE

89.      Le gouvernement grec a allégué que la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE a duré trop longtemps, à savoir 26 mois. Dans l’arrêt RSV/Commission  (20) , il a été établi que le délai de 26 mois, dont la Commission avait besoin pour arrêter sa décision, aurait pu faire naître dans le chef de la requérante une confiance légitime dans le fait que l’aide était compatible avec le traité, de sorte que la Commission ne pouvait pas exiger des autorités nationales concernées qu’elles récupèrent l’aide. Or, selon nous, cette affirmation doit être interprétée à la lumière des circonstances particulières de l’affaire.

90.      L’aide octroyée dans l’affaire RSV/Commission, précitée, avait été formellement notifiée à la Commission, fût-ce après avoir été versée au bénéficiaire. Elle concernait les coûts supplémentaires d’une opération pour laquelle une aide déjà approuvée par la Commission avait été accordée. Cette aide se rapportait à un secteur auquel les autorités nationales avaient accordé dès 1977 une aide approuvée par la Commission. L’appréciation de sa compatibilité avec le marché commun ne nécessitait pas un examen approfondi. La Cour en a déduit que, dans ces circonstances, la requérante pouvait raisonnablement supposer que cette aide ne se heurterait plus à une objection de la Commission.

91.      Il existe toutefois des différences fondamentales entre les faits dans l’affaire RSV/Commission, précitée, et ceux de la présente affaire.

92.      Il est en l’espèce établi que, le 7 juin 1993, la République hellénique n’a fait qu’une notification incomplète. Il ressort clairement de la communication de la Commission du 7 avril 1998  (21) que celle‑ci ne disposait pas à l’époque de toutes les informations nécessaires pour pouvoir apprécier l’aide d’État à la lumière des dispositions du traité. Aussi a-t-elle invité les autorités grecques, par lettre du 31 octobre 1993, à lui fournir des informations supplémentaires sur les mesures projetées. Ensuite, elle a mis les autorités grecques en demeure, par lettre du 5 février 1997, de répondre à sa lettre précédente. Dans sa dernière lettre, elle a fait savoir aux autorités grecques que, si les informations supplémentaires demandées n’étaient pas données, elle pourrait se voir dans l’obligation d’ouvrir la procédure de l’article 88, paragraphe 2, du traité. Elle a effectivement ouvert cette procédure le 19 décembre 1997, après que le gouvernement grec avait omis, pendant une période de trois ans et demi, de répondre. La longueur de la procédure est donc, en tout cas jusqu’au 19 décembre 1997, surtout imputable au gouvernement grec, puisqu’il n’avait pas dûment communiqué des informations à la Commission.

93.      En outre, l’aide octroyée sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 ne concernait pas les coûts supplémentaires d’une opération pour laquelle une aide, déjà approuvée par la Commission, avait été octroyée. L’examen de tous les faits et circonstances pertinents pouvait donc prendre plus de temps que cela ne fut le cas dans l’arrêt RSV/Commission (22) . La complexité de cet examen ressort du fait que, dans le cadre de celui-ci, le gouvernement grec devait fournir des informations volumineuses, notamment sur les 116 cas d’application du régime litigieux.

94.      Puisque les faits et circonstances sont totalement différents, la requérante ne peut pas se prévaloir de l’arrêt RSV/Commission, précité.

VII – L’article 5 de la loi n° 2237/94

95.      Le gouvernement grec a essentiellement invoqué trois moyens à l’encontre de l’appréciation de la Commission, selon laquelle l’article 5 de la loi n° 2237/94 est incompatible avec l’article 87 CE et l’aide d’État octroyée sur la base de cette disposition devait être récupérée:

la Commission aurait estimé à tort que l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94 sur le règlement de dettes des coopératives agricoles, constituait un régime d’aides au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE;

l’allégation de la Commission selon laquelle l’aide octroyée ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun sur la base de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE ou l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE n’est pas non plus fondée;

la Commission aurait estimé à tort que l’application du régime d’aides ne peut pas être justifiée par un recours à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

96.      Les moyens du gouvernement grec sont en particulier dirigés contre les points suivants des motifs de la décision 2002/458:

«(129)
La Commission a noté qu’il existe des dispositions juridiques autorisant toutes les banques en Grèce à faire des arrangements de réaménagement des dettes. Les termes et conditions de ces réaménagements sont laissés à la discrétion de chaque banque, selon ses pratiques commerciales bancaires. L’adoption de l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94 autorise la BAG à procéder au même type d’opérations, mais dans des conditions plus spécifiques. La Commission peut alors supposer que ces opérations n’auraient pas eu lieu dans les conditions normales du marché, c’est-à-dire si la BAG avait agi selon le principe du créancier privé (dans une économie de marché) sur la base de critères bancaires purement commerciaux.

(130)
Premièrement, le champ des entreprises éligibles est considérablement réduit, ce qui introduit un élément de sélectivité. En effet, l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94 concerne spécifiquement les coopératives agricoles et n’est pas accessible aux autres types d’entreprises. Deuxièmement, alors qu’en général il incombe aux banques de fixer les taux d’intérêt applicables aux modalités de rééchelonnement des dettes, l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94 établit des conditions très favorables pour ces modalités: cela peut aller jusqu’à une période de remboursement de 15 ans, avec une période de grâce de 3 ans et un taux égal à 50 % du taux normal du marché pour ces emprunts.

(131)
Par conséquent, la Commission considère que cette mesure est sélective et qu’elle fausse les conditions de la concurrence dans le marché interne. Elle confère aux coopératives qui en bénéficient des avantages par rapport à la concurrence qui sont incompatibles avec le principe du créancier privé dans une économie de marché.

(132)
La Commission considère que l’importance de l’aide est au moins équivalente à l’octroi d’un nouvel emprunt du montant global des dettes de la coopérative, d’une durée de 10 ou 15 ans, à un taux égal à 50 % du taux normal du marché pour les emprunts de consolidation. Comme le régime d’aide était applicable à 116 cas et que la Commission ne peut pas exclure le fait que, dans les conditions normales du marché, certaines de ces coopératives n’auraient pas obtenu de rééchelonnement de leurs dettes, l’importance de l’aide pourrait atteindre jusqu’à 100 % dans ces cas-là (où les coopératives n’auraient pu obtenir de telles modalités de remboursement dans quelque circonstance que ce soit) (point 41 de la communication de la Commission concernant l’application des articles 92 et 93 du traité CEE et de l’article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier  (23) ).

(133)
De plus, l’argument des autorités grecques selon lequel il serait financièrement plus avantageux pour la BAG de rééchelonner les dettes des coopératives que de forcer les coopératives, par exemple AGNO, à déposer le bilan, ne s’avère pas exact à l’examen plus approfondi. La Commission considère que cela devrait être évalué au cas par cas.

(134)
Quant à la coopérative agricole AGNO, elle a bénéficié d’un soutien du gouvernement grec sous la forme d’effacements de dettes ou de facilités de remboursement, par l’intermédiaire de la BAG, au moins dans quatre cas (lois grecques n°s 2008/92, 2198/94, 2237/94 et 2538/97). Tout investisseur privé aurait, à un certain stade, remis en question sa participation dans une coopérative en difficulté afin de limiter d’autres pertes éventuelles.

(136)
Deuxièmement, les autorités grecques n’ont pas démontré que les banques privées appliquaient les mêmes mesures aux mêmes conditions pour alléger les dettes des coopératives agricoles.

(137)
Troisièmement, la dette contractée par AGNO auprès de la BAG s’élevait à 16,754 milliards de GRD, l’actif net d’AGNO se situant à une valeur de marché de 7 milliards de GRD environ. La dette d’AGNO à l’égard des autres banques était mineure (698 millions de GRD) par rapport à celle contractée auprès de la BAG, ce qui indique que, même si le système bancaire, dans l’ensemble, avait accepté d’accorder des conditions de prêt intéressantes pour AGNO (24) , elles n’auraient pas été comparables aux modalités de remboursement de la dette à l’égard de la BAG. De même, bien que nominalement la valeur globale de la couverture de titres (44,23 milliards de GRD) dépasse le montant de la dette à réaménager, la Commission a noté que la plupart de ces titres provenaient de l’obligation conjointe des membres (30,55 milliards de GRD) ou de créances (4,84 milliards de GRD). Par définition, ce type de fonds peut s’avérer extrêmement difficile à mobiliser ou incertain, selon la nature exacte de ces créances (25) .

(138)
Par conséquent, la Commission considère que toutes les conditions sont remplies pour que les dispositions de l’article 87, paragraphe 1, du traité soient applicables.»

A –   Le premier moyen: l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94 constitue-t-il une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE?

1.        Arguments des parties

97.      Par le premier moyen, la République hellénique soutient que l’article 5 de la loi n° 2237/94, sur le règlement des dettes des coopératives agricoles, ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité. Le gouvernement grec avance quatre arguments à l’appui de ce moyen.

98.      Premièrement, il fait grief à la Commission d’avoir jugé à tort que le règlement de dettes sur la base de l’article 5 de la loi précitée ne satisfait pas au principe de l’investisseur privé. Deuxièmement, il conteste le jugement de la Commission selon lequel la BAG exerce une fonction spécifique. Le troisième argument concerne le fait que la BAG n’est pas tenue de réaménager les dettes et n’a pas accepté toutes les demandes de réaménagement des dettes. Enfin, le gouvernement grec prétend encore que l’État n’a pas indemnisé la BAG pour les charges liées à son action.

99.      La requérante est d’avis que la BAG a agi comme un investisseur privé. Le gouvernement grec prétend que la BAG est tenue d’agir selon le principe de l’investisseur privé dans le cadre de toutes ses opérations pour pouvoir fonctionner de manière efficace sur les marchés financiers grecs et européens, qui sont très concurrentiels. C’est la raison pour laquelle ont été arrêtées des conditions rigoureuses, qui devaient être remplies pour pouvoir bénéficier d’un réaménagement de dettes.

100.    La BAG avait un grand intérêt économique au réaménagement des dettes des coopératives. En 1994, de nombreuses coopératives n’étaient pas en mesure d’acquitter leurs dettes. Les causes en étaient multiples.

101.   Étant donné que ce n’est que le 31 août 1993 qu’une indemnité a été versée au titre du dommage résultant de l’accident de Tchernobyl, les coopératives avaient assumé d’importantes dettes. Celles-ci n’étaient couvertes qu’en partie par les mesures prises sur la base de la loi n° 2008/92. Les intérêts du solde de la dette étaient énormes, et cela aussi à cause du taux d’intérêt élevé pendant la période en cause. Les coopératives étaient par conséquent soumises à une importante charge financière, du fait des obligations en termes d’intérêts et d’amortissements dans le cadre des dettes en suspens. En outre, les débouchés s’étaient réduits à cause de l’effondrement de l’Union soviétique, tandis les frais de vente avaient fortement augmenté parce que les routes de transit normales étaient bloquées par les conflits dans l’ex-Yougoslavie. Enfin, le climat général en Grèce était défavorable à cause de la politique financière et monétaire restrictive du gouvernement grec dans le cadre de la convergence de l’économie grecque avec celle des autres pays de l’Union européenne.

102.    Les dettes et les amortissements élevés qui en résultent ont gravement compromis la continuité des coopératives. Étant donné que celles-ci représentent une partie importante des clients de la BAG, celle‑ci avait un intérêt direct, afin d’assurer ses intérêts économiques, à ce que les activités des coopératives se poursuivent. Si elles disparaissaient, la BAG risquait de perdre non seulement ses emprunts, mais aussi des revenus futurs.

103.    Les décisions de la BAG concernant le réaménagement des dettes des coopératives étaient donc parfaitement conformes à la manière dont une banque privée aurait agi dans des circonstances similaires. La BAG a examiné toutes les demandes de réaménagement des dettes sur la base de critères commerciaux et n’a accepté ces demandes que pour autant que les coopératives remplissaient les conditions générales qu’elle prévoyait pour le réaménagement de dettes. Dans la perspective de cet objectif, la BAG avait fixé, dans les circulaires n°s 150/94 et 22/95, les conditions à remplir pour entrer en considération pour un réaménagement de dettes (voir point 87 des motifs de la décision 2002/458) Différentes coopératives ne satisfaisaient pas aux critères et leurs demandes ont été de ce fait rejetées. Du reste, la BAG est pratiquement la seule banque qui opère dans le secteur agricole.

104.    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas démontré qu’une banque privée n’aurait pas, dans des circonstances similaires, pris les mêmes arrangements dans les mêmes conditions. La Commission n’aurait pas non plus prouvé que les «conditions très favorables, fixées à l’article 5 de la loi n° 2237/94» sont plus favorables qu’auprès d’une banque privée. Le gouvernement grec souligne qu’on peut se demander si une banque privée aurait procédé au réaménagement des dettes des coopératives aux mêmes conditions que la BAG.

105.    Le rôle que la BAG joue dans le secteur agricole en Grèce l’oblige à tenir compte dans ses décisions de paramètres sectoriels plus importants, tels que la viabilité des clients à long terme et la protection de sa réputation de bailleur de fonds dans ce secteur. La Commission en déduit que la BAG exerce une fonction spécifique dans le secteur agricole. La requérante conteste cela et elle renvoie à cet égard à la communication de la Commission concernant l’application des articles 92 et 93 du traité CEE et de l’article 5 de la directive 80/723  (26) , qui indique qu’«il y a lieu d’admettre qu’une société mère peut également, pendant une période limitée, supporter les pertes d’une de ses filiales afin de permettre la cessation d’activité de cette dernière dans les meilleures conditions. De telles décisions peuvent être motivées non seulement par la probabilité d’en tirer un profit matériel direct mais également par d’autres préoccupations, comme le souci de maintenir l’image de marque du groupe, ou de réorienter ses activités. Toutefois, lorsque les apports de capitaux d’un investisseur public font abstraction de toute perspective de rentabilité, même à long terme, de tels apports doivent être considérés comme des aides […]».

106.    Ensuite, la requérante estime que l’article 5 de la loi n° 2237/94 ne peut pas être assimilé à une aide d’État, parce qu’il ne soumet la BAG à aucune obligation de réaménager les dettes des coopératives et ne donne aux coopératives aucun droit pour exiger un réaménagement de dettes par la BAG. Celle-ci n’a pas non plus reçu de compensation de l’État grec pour le réaménagement des dettes au titre dudit article 5.

107.    Eu égard à ce qui précède, la requérante estime que la décision 2002/458 doit être annulée parce qu’elle est basée sur une interprétation inexacte des dispositions applicables et des faits, et qu’elle est motivée d’une manière contradictoire et insuffisante.

108.    La Commission rétorque que l’article 5 de la loi n° 2237/94, sur le règlement de dettes des coopératives agricoles, constitue une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Sans préjudice de l’existence de dispositions générales permettant aux banques de réaménager les dettes de leurs clients, l’article 5 de la loi n° 2237/94 prévoit un traitement particulier des coopératives par la BAG. Plus précisément, il est évident que l’article 5 de la loi n° 2237/94 prévoit des conditions très favorables pour les coopératives, à savoir une durée pouvant atteindre quinze ans au maximum, une période de grâce de trois ans et un taux d’intérêt de 50 % du taux du marché qui s’applique normalement pour de tels emprunts. La Commission juge dès lors admissible que certaines coopératives ne seraient pas, dans des conditions normales du marché, entrées en considération pour un réaménagement des dettes.

109.    D’autre part, la Commission n’exclut pas non plus que certains réaménagements de dettes d’entreprises satisfont au principe de l’investisseur privé dans une économie de marché. Cela ne signifie toutefois pas qu’elle doive examiner tous les cas séparément. La présente affaire concerne un régime général et l’appréciation se situe à un niveau général et abstrait. En l’espèce, la requérante méconnaît le fait que certains régimes, dont l’application peut conduire à l’octroi d’aides, doivent être notifiés à la Commission (27) .

110.    La Commission estime que la BAG exerce une fonction spécifique. Elle donne deux raisons pour cela. Premièrement, aucune banque privée n’accorde des prêts à des coopératives. Cela signifie que la BAG a un rôle spécial dans le secteur agricole, qui diffère de l’exercice d’une tâche dans des conditions normales du marché. Deuxièmement, la BAG n’est pas seulement intéressée par la probabilité d’un gain direct, mais aussi par d’autres éléments, tels que la continuité des entreprises concernées. La communication de la Commission à laquelle la République hellénique renvoie pour contester ce point n’est pas applicable ici, parce que le litige en cause ne concerne pas l’apport de capitaux, mais le réaménagement de dettes.

111.    La requérante rétorque que l’article 5 de la loi n° 2237/94 ne comporte pas d’aide d’État parce que la BAG n’a reçu de l’État grec aucune compensation pour le réaménagement des dettes. Or, selon la Commission, cet élément n’est pas déterminant pour se prononcer sur l’existence d’une aide d’État. La BAG est une banque du secteur public, l’État grec en est l’actionnaire unique et il en assure le contrôle. L’article 5 de la loi n° 2237/94 permet à la BAG d’accorder des prêts à des conditions plus favorables, c’est-à-dire pas aux conditions normales du marché. Cet avantage, financé par des ressources d’État, doit être considéré comme une aide d’État.

2.        Appréciation

112.    L’article 5 de la loi n° 2237/94 prévoit que la BAG peut, dans certaines limites, aider les coopératives agricoles à payer leurs dettes. Cette disposition s’applique à toutes les dettes existant à la date du 31 décembre 1993 et imputables à des circonstances objectives et externes. Cela signifie que des dettes qui résultent par exemple d’une mauvaise gestion ne sont pas éligibles pour un assainissement. Selon cette loi, aucun intérêt n’est dû pendant la première moitié de la période réaménagée de remboursement. Ensuite, un intérêt est dû qui est égal à 50 % du taux normal du marché pour de tels emprunts. La durée des emprunts est fixée à dix ans. Toutefois, la BAG a la possibilité, dans des cas exceptionnels où le déficit est particulièrement important, de porter la période de remboursement à quinze ans, avec une période de grâce de trois ans, ou de ramener le taux d’intérêt à moins de 50 % du taux du marché. Les coopératives ne bénéficient d’une aide que si elles présentent au préalable une étude sur la faisabilité d’un plan de développement ou de modernisation, dont il ressort qu’elles sont en mesure de rembourser les dettes réaménagées. En outre, l’octroi de l’aide peut être assorti de certaines conditions (par exemple, une modernisation administrative et organisationnelle, une réduction du personnel, une augmentation des fonds propres, etc.).

113.    Nous examinerons ci-après tout d’abord les deux derniers arguments du gouvernement grec.

114.    Le gouvernement grec a allégué qu’on ne saurait parler d’aide d’État, puisqu’il n’a pas versé de compensation à la BAG. Cette allégation ne peut pas être acceptée.

115.    Il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’article 87, paragraphe 1, CE englobe tous les moyens pécuniaires que le secteur public peut effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine dudit secteur. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure concernée ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (28) .

116.    La BAG est largement placée sous le contrôle de l’État grec. Il est incontesté qu’il en est l’actionnaire unique. En outre, son conseil d’administration est nommé par décision du gouvernement et l’État grec peut donc exercer, directement ou indirectement, une influence dominante. Il faut constater que l’État grec peut, par son influence dominante sur la BAG, orienter l’utilisation des fonds de celle‑ci et financer des avantages spécifiques accordés aux coopératives. Les fonds qu’elle accorde sont donc des ressources d’État au sens de l’article 87 CE.

117.    On ne peut pas non plus accepter l’argument du gouvernement grec, selon lequel l’article 5 de la loi n° 2237/94 ne peut pas être assimilé à une aide d’État au motif que cet article n’oblige nullement la BAG à réaménager les dettes des coopératives et ne donne à celles-ci aucun droit pour exiger de la BAG un réaménagement de leurs dettes. On ne peut pas non plus accepter le moyen de défense du gouvernement grec, selon lequel l’article 5 ne comporte pas d’aide, étant donné que les demandes de réaménagement des dettes ne sont pas toujours acceptées.

118.    Ainsi que la Commission l’a allégué dans ses observations, nous estimons qu’il est inhérent à une aide qu’il n’existe pas d’obligation d’accepter toutes les demandes de réaménagement de dettes. L’argumentation du gouvernement grec comporte une contradictio in terminis. En effet, des aides sont par nature sélectives. Cette spécificité est aussi un des éléments essentiels du concept d’«aide». Lorsque le gouvernement grec se réfère dans son argumentation à la sélectivité de la loi, il indique implicitement que cette sélectivité présente une des caractéristiques essentielles de l’aide.

119.    Les deux arguments suivants à l’appui du moyen invoqué par le gouvernement grec critiquent la conception de la Commission selon laquelle la BAG exerce une fonction spécifique et selon laquelle le réaménagement des dettes au titre de l’article 5 de la loi précitée n’est pas conforme au principe de l’investisseur privé.

120.    Le gouvernement grec a indiqué dans ses observations que la BAG devait prendre ses décisions en tenant compte de paramètres sectoriels importants, tels que la viabilité des clients à long terme et la protection de sa réputation en tant que bailleur de fonds dans ce secteur. La Commission en déduit que la BAG a un rôle spécifique, et cela aussi parce qu’elle est pratiquement la seule banque dans le secteur agricole. Le gouvernement grec conteste ce point de vue en renvoyant à la communication de la Commission concernant l’application des articles 92 et 93 du traité CEE et de l’article 5 de la directive 80/723  (29) . Le considérant auquel il renvoie concernait le cas où une société mère pouvait assumer des pertes d’une de ses filiales pour des raisons autres que le seul but lucratif.

121.    Le passage concerné de ladite communication n’est toutefois pas applicable à la situation en cause. Non seulement la relation entre la BAG et les coopératives agricoles n’est pas comparable à la relation entre une société mère et une filiale, mais, en outre, il n’y a pas en l’espèce apport de capitaux mais réaménagement des dettes entre un créancier et un débiteur. La comparaison ne tient donc pas.

122.    Nous pensons que la BAG remplit effectivement une mission spéciale. En premier lieu parce qu’elle est pratiquement la seule banque opérant dans le secteur agricole. A contrario, le gouvernement grec indique aussi lui-même qu’elle remplit une telle mission, puisqu’il a encore souligné dans ses observations qu’on peut se demander si une banque privée aurait procédé au réaménagement des dettes des coopératives agricoles dans les mêmes conditions que la BAG. En deuxième lieu parce que le gouvernement grec a indiqué que la BAG devait tenir compte de paramètres sectoriels plus importants. L’État peut, par l’intermédiaire de ses entreprises publiques, poursuivre des buts autres que commerciaux, comme le rappelle le onzième considérant de la directive 80/273. À la lumière de cela aussi, il faut constater que la BAG exerce une fonction spécifique.

123.    Enfin, il y a lieu d’examiner le bien-fondé du grief du gouvernement grec, selon lequel la Commission a estimé à tort que l’article 5 de la loi n° 2237/94 ne satisfait pas au principe de l’investisseur privé.

124.    Il faut tout d’abord rappeler que le critère du comportement d’un investisseur privé découle du principe d’égalité de traitement entre secteur public et secteur privé, qui a pour effet que les capitaux mis à la disposition d’une entreprise, directement ou indirectement, par l’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché ne sauraient être qualifiés d’aides d’État  (30) .

125.    Dans l’arrêt Belgique/Commission (31) , la Cour a affirmé que «aux termes de l’article 92, paragraphe 1, les dispositions du traité dans ce domaine visent les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État ‘sous quelque forme que ce soit’. Il s’ensuit […] qu’une distinction de principe ne saurait être établie selon qu’une aide est accordée sous forme de prêts ou sous forme de participation au capital d’entreprises. Les aides sous l’une ou l’autre de ces formes tombent sous l’interdiction de l’article 92 lorsque les conditions énoncées par cette disposition sont remplies. En vue de vérifier si une telle mesure présente le caractère d’une aide étatique, il est pertinent d’appliquer le critère […] qui est basé sur les possibilités pour l’entreprise d’obtenir les sommes en cause sur les marchés privés des capitaux. Dans le cas d’une entreprise dont le capital social est détenu par les autorités publiques, il convient notamment d’apprécier si, dans des conditions similaires, un associé privé se basant sur les possibilités de rentabilité prévisibles, abstraction faite de toute considération de caractère social ou de politique régionale ou sectorielle, aurait procédé à un tel apport en capital».

126.    En l’espèce, l’article 5 de la loi n° 2237/94 fixe des conditions très favorables. La République hellénique n’a pas démontré que les banques privées pouvaient décider des réaménagements de dettes dans les mêmes conditions favorables. Au contraire, il est très difficile d’imaginer qu’une banque privée, opérant dans des conditions normales du marché, accepterait une période de grâce de longue durée et un taux d’intérêt égal à 50 % du taux du marché, qui s’applique normalement à de tels emprunts. Le réaménagement de dettes au titre de l’article 5 de la loi n° 2237/94 est accordé à des conditions telles qu’elles ne peuvent pas être considérées comme normales pour une banque. Si elles l’étaient, une réglementation particulière telle que celle en cause n’aurait pas été nécessaire.

127.    La BAG n’est pas comparable à un investisseur privé. Dans le cas où une banque privée aurait effectué un tel réaménagement des dettes dans des conditions similaires, sur la base de la rentabilité escomptée et indépendamment de toutes considérations sociales ou de politique régionale ou sectorielle, il n’y aurait pas eu aide d’État. En effet, un bailleur de fonds privé est censé agir dans son intérêt commercial propre. Or, la BAG doit tenir compte d’intérêts autres que ceux d’une banque privée. Elle n’agit pas seulement sur la base de ses intérêts commerciaux propres, mais elle tient également compte d’intérêts sectoriels plus larges. Si, précisément dans l’optique de ces intérêts plus larges, des arrangements de crédit sont pris, au sujet desquels le gouvernement grec prétend qu’on peut se demander si une banque privée les aurait également pris, on doit admettre que ces arrangements ne satisfont pas au critère de l’investisseur privé. Ils doivent dès lors en principe être qualifiés d’aides d’État. Le fait que les coopératives sont soumises à certaines conditions, telles que la viabilité, n’y change rien.

128.    Eu égard à ce qui précède, on ne peut pas soutenir que le comportement de la GBL, basé sur l’article 5 de la loi n° 2237/94, satisfait au critère de l’investisseur privé. Le moyen invoqué par le gouvernement grec doit dès lors être rejeté en tant qu’il est dénué de fondement.

B –   Le deuxième moyen: la compatibilité de l’aide avec l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE ou avec l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE

1.        Arguments des parties

129.    Par le deuxième moyen, le gouvernement grec avance, à l’appui de sa thèse selon laquelle l’article 5 de la loi n° 2237/94 serait compatible avec le marché commun sur la base de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE ou de l’article 87, paragraphe 3, sous a), CE, des arguments comparables à ceux qu’il a avancés dans ses observations concernant l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92. En ce qui concerne leur contenu, nous renvoyons, pour être bref, à ce que nous avons exposé aux points 49 à 52 et 59 à 67 des présentes conclusions. Dans le prolongement de ces arguments, le moyen de défense de la Commission est également à peu près identique (voir à cet égard points 53 à 55 et 68 à 70 des présentes conclusions).

2.        Appréciation

130.    Pour les mêmes raisons que celles que nous avons exposées aux points 56 à 58 et 71 à 74 des présentes conclusions, lorsque nous avons examiné les deuxième et troisième moyens invoqués à l’encontre des allégations de la Commission relatives à l’article 32 de la loi n° 2008/92, nous estimons, mutatis mutandis, que les arguments du gouvernement grec ne sont pas fondés et qu’ils ne constituent pas une cause de justification de l’article 5 de la loi n° 2237/94.

C –   Le troisième moyen: la compatibilité de l’aide avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

1.        Arguments des parties

131.    Par ce moyen, le gouvernement grec soutient que, dans le cas où l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94 est considéré comme une aide d’État, il est compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Cette disposition prévoit que les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt communautaire.

132.    Il ressort de la communication de la Commission concernant les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (32) que des aides à la restructuration peuvent être autorisées si les conditions suivantes sont remplies:

i)
retour à la viabilité;

ii)
prévention de distorsions de concurrence indues;

iii)
aide proportionnée aux coûts et avantages de la restructuration;

iv)
mise en œuvre complète du plan de restructuration et respect des conditions imposées;

v)
contrôle et rapport annuel.

133.    La République hellénique reproche à la Commission d’avoir fait une appréciation erronée des quatre dernières conditions citées ci-dessus. Selon le gouvernement grec, la deuxième condition est remplie parce que l’aide à la restructuration s’applique surtout à des petites coopératives et que, dans certains cas, des activités à perte ont dû être exclues ou réduites. La troisième condition est également remplie. Il ressort de la liste des 388 coopératives agricoles qui ont été prises en considération pour un réaménagement des dettes que la majeure partie de l’aide correspond aux coûts et aux gains de la restructuration. Dans la décision, la Commission souligne qu’on ne pouvait pas garantir que l’aide approuvée serait dans tous les cas limitée au strict minimum nécessaire. La République hellénique attribue cela au fait que la Commission n’a pas examiné tous les cas séparément. Si elle l’avait fait, elle aurait abouti à la conclusion qu’ils remplissaient la troisième condition. Les deux dernières conditions sont également remplies; la BAG est chaque fois intervenue lorsque cela s’avérait nécessaire. En outre, des contrôles ont été effectués et des rapports annuels ont été établis.

134.    Par ailleurs, l’aide n’altère pas les conditions des échanges d’une manière contraire à l’intérêt communautaire.

135.    Selon le gouvernement grec, il découle de cette analyse que le réaménagement des dettes et le fonctionnement des coopératives agricoles dans les régions moins prospères sur une meilleure base économique sont favorables à l’activité et au développement économique de l’agriculture dans ces régions. Un tel résultat ne pourrait pas être atteint par le marché lui-même. Or, celui‑ci ne joue aucun rôle dans le secteur agricole, parce que, comme dans tous les pays de la Communauté européenne, les caractéristiques particulières de ce secteur ont conduit dans ces mêmes pays à une régulation importante de la production agricole (voir également les articles 33 CE et 42 CE).

136.    Selon la requérante, la Commission a également violé l’article 158 CE. Cet article dispose que: «afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique et sociale». Selon le gouvernement grec, l’article 5 permet de poursuivre un but communautaire plus élevé, à savoir le renforcement de la cohésion économique et sociale.

137.    La Commission rétorque qu’il faut effectivement tenir compte des dispositions relatives à la cohésion économique et sociale dans l’exécution d’une politique communautaire (article 159 CE). C’est ce qui s’est aussi produit dans des cas d’aides à la restructuration. Il est possible d’y appliquer l’exigence de la réduction des capacités d’une manière un peu plus souple, si les entreprises concernées sont situées dans des régions vulnérables (33) . Toutefois, cette approche souple n’a pas pour effet que les conditions peuvent rester totalement inappliquées.

138.    La requérante ne justifie pas non plus le fait que la loi ne prévoit pas de critère pour la contribution minimale requise des coopératives aux frais de la restructuration. Ce qui est encore plus important, c’est que l’application de la loi ne se limite pas aux petites et moyennes entreprises, ce qui fait qu’il est a priori impossible d’appliquer à l’aide litigieuse, sous sa forme actuelle, la cause de dérogation visée à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

139.    La requérante estime que la Commission aurait dû apprécier les cas individuellement. C’est que celle‑ci conteste. Dans le cas où un État membre notifie un régime d’aides d’État sous une forme générale et abstraite, la Commission l’apprécie au regard de ses caractéristiques générales et abstraites. Cela signifie que le régime doit comporter suffisamment de garanties pour que les conditions de compatibilité avec l’article 87 CE soient remplies. Faute de garanties, le régime concerné doit être considéré comme incompatible avec le marché commun. Cela n’exclut toutefois pas que des cas individuels d’aides puissent être notifiés, ainsi qu’examinés et appréciés sur leurs mérites propres, indépendamment du régime général.

2.        Appréciation

140.    L’article 87, paragraphe 3, CE confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (34) . Il n’apparaît pas en l’espèce que, lorsque la Commission a déclaré que le régime d’aides concerné n’entrait pas en considération pour la dérogation visée à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, elle a outrepassé les limites de ce pouvoir discrétionnaire. Aux points 158 à 191 des motifs de la décision, la Commission a suffisamment examiné tous les éléments de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Elle a plus particulièrement examiné les exigences que le régime cadre communautaire général comporte pour la restructuration d’entreprises en difficulté  (35) . Cette appréciation a conduit à la constatation que la disposition de l’article 5 de la loi n° 2237/94 ne satisfait pas, à différents égards, aux exigences du régime cadre. Dans son argumentation, le gouvernement grec n’expose pas de faits ou de circonstances susceptibles de démontrer que la Commission a basé son appréciation sur des faits erronés. Il n’en ressort pas non plus que la Commission y a manifestement attaché des conclusions inexactes. La requérante succombe donc aussi dans ce moyen.

VIII – L’aide accordée à AGNO

Observations des parties

141.    Le gouvernement grec a essentiellement invoqué deux moyens contre l’appréciation de la Commission selon laquelle l’aide octroyée à AGNO est incompatible avec le marché commun. Ces moyens peuvent être résumés comme suit:

la Commission aurait qualifié à tort l’aide accordée à AGNO sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 et de l’article 19, paragraphe 1, de la loi n° 2198/94 d’incompatible avec le marché commun;

l’appréciation de la Commission selon laquelle l’aide accordée à AGNO sur la base de l’article 5 de la loi n° 2237/94 et de la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun ne serait pas non plus fondée.

A –   Le premier moyen: la compatibilité de l’aide accordée à AGNO sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 et de l’article 19, paragraphe 1, de la loi n° 2198/94

1.        Arguments des parties

142.    Le gouvernement grec fait grief à la Commission d’avoir estimé à tort qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le réaménagement des dettes d’AGNO et le dommage causé par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Bien que la Commission ait constaté que six cas d’aides étaient liés à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, elle ne considère pas cette aide comme une aide d’État justifiée au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Elle indique dans sa décision que, en ce qui concerne l’aide qui a été accordée à AGNO pour faire face aux conséquences de la catastrophe nucléaire, au moins une partie du dommage découle de la différence entre les prix moyens qu’AGNO a payés à ses producteurs et les prix d’orientation de ces mêmes matières premières. Selon la Commission, cette perte est la conséquence des prix de production plus élevés du lait et non de l’événement extraordinaire comme tel. Selon le gouvernement grec, cette appréciation n’est pas correcte, puisque le dommage d’AGNO découle de l’achat de produits laitiers aux prix du marché qui s’appliquaient avant la catastrophe nucléaire. Les concurrents d’AGNO n’étaient pas obligés d’acheter le lait contaminé et ils ne l’ont pas fait. AGNO a protégé ses membres en couvrant le dommage né de la catastrophe nucléaire. Le gouvernement grec estime dès lors qu’il existe un lien de causalité.

143.    Il estime aussi que le dommage qu’AGNO a subi du fait de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl n’a pas été surcompensé. Le montant de 1,38 milliards de GRD qui a été octroyé comprend la perte directe, d’un montant de 851 millions de GRD, et les intérêts sur cette perte, d’un montant de 529,89 millions de GRD. Les intérêts réels sur la perte s’élevaient à 959,79 millions de GRD. Le gouvernement grec allègue dès lors que le réaménagement d’un montant d’intérêts de 529,89 millions de GRD ne constitue pas une surcompensation des dommages réellement subis. Le réaménagement de cette dette doit dès lors être considéré comme une aide compatible sur la base de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

144.    La Commission rétorque que l’aide accordée à AGNO sur la base de l’article 32 de la loi grecque n° 2008/92 est destinée à couvrir le dommage qui a été causé par l’achat aux producteurs de quantités importantes de lait qui, sans cette aide, n’auraient pas été vendues, et cela à un prix plus élevé que celui qui s’appliquait avant la catastrophe nucléaire. Les conséquences pour le marché et le commerce interétatique sont indéniables.

145.    Cette aide doit être qualifiée d’aide au fonctionnement et elle n’a pas de lien direct avec l’accident de Tchernobyl. Il s’agit d’une intervention politique de l’État grec en faveur des producteurs. Il n’existe donc pas de lien de causalité entre un événement extraordinaire et les dettes.

146.    La Commission fait remarquer que l’aide qui a été accordée à AGNO sur la base de l’article 19 de la loi n° 2198/94 (529,89 millions de GRD) consiste dans des intérêts d’une indemnité, payée tardivement, pour un dommage causé par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Cette aide constitue une aide au fonctionnement qui est interdite et il n’existe pas de lien direct avec un événement extraordinaire. Étant donné que la raison pour laquelle l’aide a été accordée est la même que celle pour laquelle a été accordée l’aide au titre de l’article 32, paragraphe 2, de la loi grecque n° 2008/92, la même conclusion s’applique aussi dans ce cas-ci.

2.        Appréciation

147.    Il ressort de l’appréciation, faite ci-dessus, de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 et de l’article 5 de la loi n° 2237/94 qu’AGNO a bénéficié d’un soutien par l’application de deux aides qui doivent être qualifiées d’illégales. Pour apprécier les mesures qui ont été prises en particulier à l’égard d’AGNO à la lumière de l’article 87 CE, il aurait fallu une notification individualisée. Puisque cette notification n’a pas eu lieu, les deux aides en faveur d’AGNO ne peuvent être qu’illégales.

148.   À titre superfétatoire, nous allons examiner brièvement les moyens que le gouvernement grec a invoqués en ce qui concerne l’appréciation du cas spécifique d’AGNO.

149.    Aux points 56 à 58 ci‑dessus, nous avons déjà constaté que tout lien de causalité direct entre des calamités naturelles ou des événements extraordinaires, en tant que faits générateurs d’un dommage, et les activités pour lesquelles des dettes ont été contractées sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi n° 2008/92 faisait défaut. Dans le cas spécifique d’AGNO, il n’existe qu’un lien indirect. On ne saurait dès lors admettre que l’aide qui a été accordée spécifiquement à AGNO relève de la dérogation à l’interdiction des aides d’État au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

150.    Le second argument concerne l’aide qui a été accordée à AGNO sur la base de l’article 19 de la loi n° 2198/94. Pour cette aide, le lien de causalité entre des calamités naturelles ou événements extraordinaires en tant que faits générateurs d’un dommage et les activités pour lesquelles des dettes ont été contractées fait totalement défaut. Des intérêts sur une indemnité payée tardivement pour un dommage dont il n’est pas établi qu’il est la conséquence directe de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl ne peuvent pas relever de la dérogation à l’interdiction des aides d’État au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. L’argument du gouvernement grec doit dès lors être rejeté.

B –   Le deuxième moyen: la compatibilité de l’aide accordée à AGNO sur la base de l’article 5 de la loi n° 2237/94 et la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce

1.        Arguments des parties

151.    En premier lieu, le gouvernement grec estime que la Commission a fait une appréciation erronée des faits qui ont joué un rôle lors de l’examen du comportement d’AGNO en 1995. La Commission a tenu compte dans sa décision de faits et données ultérieurs, que la BAG ne pouvait pas connaître à l’époque de ses transactions avec AGNO. Elle ne pouvait donc pas en tenir compte. La conclusion de la Commission, selon laquelle AGNO a reçu à quatre reprises une aide et selon laquelle tout investisseur privé se serait interrogé sur la poursuite de son investissement financier dans AGNO, ne peut dès lors pas être maintenue.

152.    En deuxième lieu, la Commission aurait estimé à tort, au point 123 des motifs de la décision 2002/458, que la BAG ne pouvait pas accepter le patrimoine personnel des membres comme garantie contre le risque de faillite d’une coopérative. La requérante estime que c’est ainsi qu’un investisseur privé aurait agi dans des circonstances similaires. Dans le cas où le patrimoine personnel ne peut pas être utilisé comme garantie pour des prêts à des coopératives, la législation prévoyant la solidarité personnelle des membres pour les dettes n’aurait plus de sens.

153.    En troisième lieu, la Commission aurait fait une appréciation erronée de l’analyse coûts-bénéfices qui a été effectuée par la BAG préalablement au réaménagement des dettes d’AGNO. La valeur objective de l’actif d’AGNO n’était pas de 4 milliards de GRD, mais d’un peu moins du double. En cas de faillite d’AGNO et de cessation de ses activités, la valeur de l’actif diminuerait de 50 % et l’inventaire de 70 %. En outre, les dettes d’AGNO à l’égard de la BAG ont cessé d’exister le 31 décembre 1994. Ces dettes étaient à la base du réaménagement de dettes et elles s’élevaient à 8,061 milliards de GRD; par conséquent, la Commission ne pouvait pas tenir compte, dans sa décision, de la dette intégrale d’AGNO à l’égard de la BAG, d’un montant de 16,7 milliards de GRD, dont plus de la moitié existait encore au moment du réaménagement des dettes en 1995. Les garanties réelles, telles que l’hypothèque et les créances de la BAG sur des tiers, d’un montant de près de 9 milliards de GRD, doivent être considérées comme une sûreté suffisante pour la BAG ou pour n’importe quelle autre banque. Par conséquent, l’appréciation de la BAG a clairement montré que les garanties données par AGNO étaient suffisantes au regard des dettes échues.

154.    En quatrième lieu, lors de son appréciation de la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce, la Commission aurait décidé à tort que la BAG devait appliquer le taux de référence au réaménagement des dettes d’AGNO. La Commission applique le taux de référence lorsqu’elle fixe le montant de l’aide comme pour les aides régionales. Les banques n’appliquent pas le taux de référence lorsqu’elles octroient des prêts à leurs clients. La Commission n’explique pas pourquoi la BAG devrait appliquer des taux de référence. Ces derniers, qui représentent le taux bancaire moyen sur le marché des capitaux, tel qu’il est fixé de concert par la Commission et les autorités grecques, ne sont pas appliqués en cas de transactions de prêts entre les banques et leurs clients.

155.    La Commission estime que le grief du gouvernement grec, selon lequel elle a tenu compte de faits ultérieurs, qui ne pouvaient pas être connus et appréciés par la BAG au moment de l’acceptation du réaménagement des dettes, est dénué de fondement. Le gouvernement grec n’aborde pas effectivement les raisons pour lesquelles la Commission déclare l’aide incompatible avec le marché commun. Étant donné que l’article 5 de la loi n° 2237/94 et la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce ne remplissent pas les conditions énoncées dans la réglementation cadre communautaire, ils ne sont pas, de même que les transactions qui ont eu lieu sur la base de ceux‑ci, incompatibles avec le marché commun.

156.    En outre, l’analyse coûts-bénéfices, effectuée par la BAG, n’est pas identique à une analyse telle qu’un investisseur privé l’effectuerait. La coopérative laitière AGNO a reçu, dans au moins quatre cas, une aide sous la forme de remises de dettes ou de réaménagements de dettes par la BAG (les lois grecques n° 2008/92, 2198/94, 2237/94 et 2538/97). Tout investisseur privé remettrait tôt ou tard en question son implication financière dans une telle coopérative, et cela afin d’éviter un autre préjudice.

157.    L’analyse coûts-bénéfices, effectuée par la BAG, compare les biens propres d’AGNO, soit 4 milliards de GRD, avec la dette à l’égard de la BAG (16,7 milliards de GRD) et les obligations à l’égard de banques privées (698 millions de GRD). Il ressort de cette analyse qu’il n’y a pratiquement pas d’investisseurs privés. Encore plus important: il en ressort qu’il n’existe pas de garanties réelles pour le prêt consenti par la BAG. La majeure partie des garanties consiste dans la responsabilité solidaire des membres de la coopérative. Il est en pratique extrêmement difficile de faire jouer ces garanties. Dans ces conditions, on ne peut pas soutenir qu’un investisseur privé aurait continué à financer AGNO sans garanties réelles, faciles à mettre en œuvre dans la vie des affaires.

158.    Enfin, la Commission expose pourquoi elle a apprécié le taux d’intérêt (21,5 %), convenu entre la BAG et AGNO pour le réaménagement des dettes de 1995, à la lumière du taux de référence (26,47 %). Les taux de référence sont régulièrement fixés par la Commission, en concertation avec les autorités des États membres, sur la base des données disponibles quant aux marchés nationaux des capitaux. Ils reflètent le taux moyen usuel pour les prêts aux opérateurs économiques. Les États membres doivent tenir compte de cette moyenne, qui s’exprime dans le taux de référence, pour pouvoir décider si les prêts qu’ils accordent aux opérateurs économiques comportent un élément d’aide. Il est dès lors normal que la Commission ait pris le taux de référence comme critère pour apprécier la transaction intervenue entre la BAG et AGNO.

2.        Appréciation

159.    La BAG a-t-elle agi lors du réaménagement des dettes en 1995 comme un investisseur privé? Les arguments que le gouvernement grec allègue à cet égard ne nous semblent pas convaincants. Du seul fait que la BAG a dû venir en aide à AGNO à trois reprises en plus de cinq ans, il est improbable que la BAG ait agi comme un investisseur privé lorsqu’elle a dû injecter des fonds pour la quatrième fois. Cela vaut a fortiori lorsque les risques financiers découlant pour la BAG de cette quatrième opération étaient considérables et que les possibilités de recours en cas d’insolvabilité, offertes par AGNO, étaient insuffisantes et peu solides par rapport aux créances de la BAG. Cela est certainement le cas pour le recours contre les membres d’AGNO. Ils étaient tout de même déjà responsables de leurs dettes dans leur qualité d’associés de la coopérative. La clause de garantie, convenue lors du réaménagement des dettes, n’y ajoute rien, ou si peu. À supposer qu’un tel recours à l’encontre des producteurs doive être effectué – il se heurtera à de fortes résistances sociales – , le résultat éventuel ne doit pas être considéré comme très important. En effet, dans cette hypothèse, des producteurs agricoles vulnérables, qui ont déjà assisté dans un premier temps à la perte de leur investissement financier dans la coopérative, seront encore tenus pour responsables des dettes – importantes – à l’égard de la BAG. Il est très improbable qu’un investisseur privé se soit engagé dans des transactions financières extrêmement risquées, selon ce que montre l’expérience d’un passé récent, en échange de garanties qui ne sont en fait guère susceptibles d’être mises en œuvre.

160.    Dans ce contexte, les longs exposés du gouvernement grec quant à la situation microéconomique d’AGNO ne sont pas de nature à nous convaincre. Ils ne changent pour l’essentiel pas grand-chose à la donnée fondamentale suivante: après le réaménagement des dettes en 1995, AGNO est restée une entreprise avec un rapport très vulnérable entre l’actif mis à disposition par la BAG et le patrimoine personnel des associés. Eu égard à la faiblesse des garanties, rappelée ci-dessus, il reste improbable qu’un investisseur privé ait pris les risques évidents d’une nouvelle injection financière, plus importante, dans AGNO.

161.    Nous pouvons être bref sur l’application du taux de référence par la Commission lors de l’appréciation de la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce. Ce taux vise à permettre le calcul de cet élément d’aide présent dans des régimes pour des prêts subventionnés (36) . Ce taux de référence correspond à la moyenne des taux d’intérêt existant dans les différents États membres pour les prêts à long ou moyen terme (cinq à dix ans), pour lesquels les sûretés usuelles ont été constituées. Lors de son appréciation de la transaction intervenue entre la BAG et AGNO, la Commission ne pouvait pas faire autrement que d’apprécier le taux d’intérêt convenu à la lumière du taux de référence en vigueur en Grèce. Elle devait en déduire que les conditions d’intérêt convenues comportaient un élément d’aide. Celui‑ci est du reste encore renforcé par les autres conditions de la transaction, telles que la période de grâce.

162.    Nous concluons dès lors que les arguments avancés par le gouvernement grec dans le cadre du présent moyen ne réfutent pas la thèse de la Commission, selon laquelle le réaménagement des dettes, conclu entre la BAG et AGNO en 1995, comporte un élément d’aide.

IX –  Autres moyens, notamment à l’encontre de l’obligation de récupération de l’aide, imposée par l’article 3 de la décision 2002/458

163.    Les autres moyens du gouvernement grec peuvent être regroupés comme suit:

la Commission aurait violé le principe d’égalité en déclarant la loi n° 2237/94 incompatible avec le marché commun;

la Commission aurait estimé à tort que les lois grecques n°s 2237/94 et 2198/94 ainsi que la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce affectent les échanges;

la Commission n’aurait pas suffisamment motivé la décision;

la décision de la Commission de récupération de l’aide serait contraire aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique;

enfin, il existerait une impossibilité absolue de récupérer l’aide.

A –   Le premier moyen: violation du principe d’égalité

1.        Observations des parties

164.    Selon le gouvernement grec, la Commission a violé le principe d’égalité en déclarant la loi n° 2237/94 incompatible avec le marché commun. Le 15 décembre 1998, le Conseil a décidé, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, troisième alinéa, CE que les aides visées aux articles 14 à 18 et 21 de la loi grecque n° 2538/97 sont compatibles avec le marché commun à concurrence de 158,672 milliards de GRD  (37) . Cette dernière loi renvoie à plusieurs reprises aux dispositions de la loi n° 2237/94. La requérante estime que le Conseil a ainsi implicitement validé toutes les aides antérieures.

165.    Le Conseil a autorisé, par décision du 15 décembre 1998, la loi grecque n° 2598/97. Dans la situation qui en a résulté, les agriculteurs grecs ou les coopératives agricoles grecques ne pouvaient pas prévoir que les montants d’aides antérieures devraient encore être remboursés.

166.    La Commission rétorque que la décision du Conseil du 15 décembre 1998, approuvant différentes aides, n’est pas applicable ici parce qu’elle ne concernait pas des aides autres que celles qui ont été approuvées. Les références de la loi n° 2538/97 à une législation antérieure relèvent une complémentarité des différentes aides, mais n’indiquent pas qu’elles ont été reprises dans la loi n° 2538/97.

167.    Si le gouvernement grec avait voulu que ses aides antérieures soient approuvées, il aurait dû au préalable demander l’autorisation expresse du Conseil. L’approbation de la loi grecque n° 2538/97 ne peut pas être étendue à un point tel qu’elle vise toutes les aides comparables antérieures avec effet rétroactif.

168.    La Commission rejette le grief du gouvernement grec, selon lequel la récupération de l’aide octroyée sur la base des lois n°s 2008/92 et 2237/94 a pour effet, pour les entreprises bénéficiaires, qu’elles sont désavantagées par rapport aux entreprises qui ont profité de la loi n° 2538/97, qui a été approuvée par le Conseil. Ce grief se retourne tout d’abord contre le gouvernement grec lui-même. En effet, il a été à l’origine de la décision du Conseil approuvant la loi n° 2538/97. On ne peut pas tirer de l’inégalité de traitement, qui en a été la conséquence inévitable, un argument pour étendre l’autorisation d’une aide, donnée par le Conseil dans certains cas, à tous les cas dans lesquels une aide avait précédemment été accordée aux coopératives en violation du droit communautaire.

169.    Les arguments tirés de la prétendue incapacité des agriculteurs, bénéficiaires d’aides antérieures, à comprendre pourquoi l’aide qui leur a été accordée doit être récupérée échouent pour les mêmes raisons. Le gouvernement grec aurait pu savoir que la décision du Conseil, prise à sa demande, aurait cet effet.

2.        Appréciation

170.    Le Conseil peut décider, sur la base de l’article 88, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, qu’un régime d’aides est compatible avec le marché commun si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Cette compétence du Conseil a un caractère très exceptionnel et elle déroge à la compétence, en principe exclusive, de la Commission pour apprécier les régimes d’aides nationaux. La compétence du Conseil a pour objet de déclarer compatibles ou incompatibles certains régimes d’aides spécifiques. Le champ d’application des décisions prises par le Conseil ne s’étend dès lors pas au-delà des régimes d’aides expressément visés dans ces décisions. S’il en allait autrement, la compétence de base de la Commission perdrait tout effet utile. La décision du Conseil, du 15 décembre 1998, déclare que, par dérogation à l’article 87 CE, les articles 14 à 18 et 21 de la loi n° 2538/97 sont compatibles avec le marché commun à concurrence d’un montant de 158,672 de milliards de GRD. Le champ d’application est ainsi déterminé de manière exhaustive et précise. Une extension de ce champ d’application par un recours au principe d’égalité va à l’encontre de la répartition des compétences, visée aux articles 87 CE et 88 CE. En outre, elle pourrait avoir pour effet de priver l’interdiction énoncée à l’article 87, paragraphe 1, CE de tout effet utile. Ce moyen ne peut donc pas atteindre son but.

B –   Le deuxième moyen: affectation des échanges

1.        Observations des parties

171.    Par le deuxième moyen, la requérante fait valoir que, dans le cas où les lois grecques nos 2237/94 et 2198/94 et la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce peuvent être considérées comme des aides d’État au sens de l’article 87 CE, elles ne sont pas interdites, ni contraires au droit communautaire, puisqu’elles ne faussent pas le jeu de la concurrence et n’altèrent pas les échanges entre États membres. Les réaménagements de dettes ne concernent qu’une petite partie des coopératives et n’affectent pas les échanges interétatiques ou les rapports de concurrence.

172.    La Commission n’a pas non plus motivé le fondement sur lequel elle a abouti à la conclusion que les dispositions litigieuses affectent les échanges.

173.    La requérante renvoie également à la communication de la Commission du 23 décembre 1994 (38) , qui indique qu’une aide dont le montant est trop faible pour avoir un effet sensible sur le commerce intracommunautaire n’est pas interdite. Ce montant de minimis est fixé à 50 000 écus. Dans au moins 17 cas de réaménagement des dettes sur la base de l’article 32, paragraphe 2, de la loi grecque n° 2008/92, le montant de l’aide octroyée était inférieur à 50 000 euros. Dans le cas des réaménagements de dettes sur la base de l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94, 90 réaménagements concernaient un montant égal ou inférieur à 17 millions de GRD (50 000 écus).

174.    La Commission rétorque que, selon une jurisprudence constante, toute aide d’État affecte le commerce intracommunautaire, quel que soit le montant des prêts, quelle que soit la taille des entreprises bénéficiaires et peu importe qu’elles exportent leurs produits ou non. Une analyse économique détaillée ou une preuve de l’affectation réelle des échanges n’est pas exigée. En outre, dans un cas tel que celui de l’espèce, il faut tenir compte du résultat cumulatif de l’application à une centaine de coopératives.

175.    L’argument de la requérante concernant l’aide de minimis ne peut pas, selon la Commission, être accepté. La règle «de minimis» n’est pas applicable à des secteurs sensibles tels que l’agriculture.

2.        Appréciation

176.    Selon une jurisprudence constante, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (39) . D’autres éléments peuvent en effet jouer un rôle déterminant dans l’appréciation de l’effet d’une aide sur les échanges, notamment le caractère cumulatif de l’aide ainsi que la circonstance que les entreprises bénéficiaires opèrent dans un secteur particulièrement exposé à la concurrence (40) . Une telle concurrence intense entre les producteurs des États membres dont les produits circulent à l’intérieur de la Communauté existe dans le secteur de l’agriculture. La production agricole grecque atteignait 4,1 % de la production européenne totale en 1998, et la République hellénique exporte des quantités considérables de produits vers d’autres États membres (41) . Dans de telles circonstances, même de faibles montants d’aide sont susceptibles d’affecter les échanges entre États membres.

177.    Il est certes possible, ainsi que la Commission l’a elle-même admis, en particulier dans son régime cadre concernant les entreprises en difficulté et dans sa communication relative aux aides de minimis (42) que certains montants d’aides très faibles n’affectent pas sensiblement les échanges et la concurrence entre les États membres, de sorte qu’ils ne doivent pas être notifiés préalablement à la Commission.

178.    Or, il ressort du point 2.3 du régime cadre concernant les entreprises en difficulté et du quatrième alinéa de la communication relative aux aides de minimis que la règle de minimis ne s’applique pas dans les secteurs auxquels s’appliquent des règles communautaires particulières en matière d’aides d’État, en particulier les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Le gouvernement grec ne peut dès lors pas invoquer en l’espèce ces règles de conduite de la Commission.

179.    Sur la base de ces considérations, les arguments du gouvernement grec à l’appui de ce moyen doivent être rejetés.

C –   Le troisième moyen: motivation insuffisante de la décision

1.        Arguments des parties

180.    Les parties n’ont pas fait des observations spécifiques concernant ce moyen.

2.        Appréciation

181.    Par ce troisième moyen, le gouvernement grec fait grief à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision. Nous pensons que ce moyen ne peut pas réussir.

182.    L’obligation de motivation est une règle de forme substantielle, qui doit être distinguée de la question de l’exactitude de la motivation, qui concerne la légalité matérielle de l’acte litigieux. La motivation doit correspondre à la nature de l’acte concerné et au raisonnement de l’institution dont émane cet acte et doit la faire apparaître d’une façon claire et non ambiguë, afin que les intéressés puissent connaître les causes de justification des mesures prises et que le juge compétent puisse exercer son contrôle. Il n’est pas nécessaire que toutes les données pertinentes, en fait ou en droit, soient spécifiées dans la motivation, étant donné que, pour déterminer si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE, il ne faut pas seulement tenir compte de ses termes, mais aussi du contexte et de l’ensemble des règles de droit qui régissent la matière en cause (43) .

183.    Dans le présent cas d’espèce, la Commission indique d’une manière non ambiguë dans sa décision pourquoi l’aide en cause ne peut pas satisfaire au critère des articles 87 et 88 CE. La Commission a examiné de manière exhaustive, lorsqu’elle a apprécié les régimes litigieux, s’ils devaient être qualifiés d’aides et si un recours aux causes de dérogation visées à l’article 87, paragraphes 2, sous b), et 3, sous a) et c), était possible.

D –   Le quatrième moyen: la récupération de l’aide est contraire aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique

1.        Observations des parties

184.    La requérante estime que la décision de la Commission concernant la récupération de l’aide ainsi que des intérêts à compter de la date à laquelle les bénéficiaires ont eu la disposition de l’aide est disproportionnée. Les coopératives agricoles étaient de bonne foi, elles savaient que l’aide avait été notifiée à la Commission en 1993 et il serait inconcevable de récupérer une aide et des intérêts au bout de sept ans.

185.    La requérante renvoie à la jurisprudence, dont il ressortirait qu’une récupération après sept années n’est plus possible, surtout eu égard au fait que le gouvernement grec a suivi la procédure de l’article 88 CE  (44) .

186.    La Commission estime que la mise à néant d’une aide illégale au moyen de la récupération est la conséquence logique de la constatation de l’illégalité de cette aide. La récupération d’une aide illégale vise à rétablir la situation antérieure, même si cela entraîne la faillite des entreprises concernées. La récupération n’est donc, pour cette raison, pas disproportionnée.

187.    On ne peut pas non plus invoquer la bonne foi des coopératives, puisque le gouvernement grec n’a pas observé les conditions de l’article 88, paragraphe 3, CE lors de l’application de l’article 32 de la loi grecque n° 2008/92. La bonne foi ne peut certainement pas être invoquée en faveur de l’aide qui a été accordée sur la base de l’article 5 de la loi grecque n° 2237/94, parce que cette aide n’a jamais été notifiée.

188.    La récupération ne peut pas non plus être refusée au motif que cinq années se sont écoulées depuis l’octroi de l’aide. L’autorité compétente est tenue, en vertu du droit communautaire, de retirer la décision d’octroi d’une aide illégale qui a été déclarée incompatible avec le marché commun dans une décision de la Commission et dont la récupération a été ordonnée, même si elle a laissé s’écouler le délai au-delà duquel, selon le droit national, le retrait est exclu en vertu du principe de sécurité juridique.

2.        Appréciation

189.    Ce moyen, par lequel la requérante conteste la décision de la Commission concernant la récupération de l’aide, ne peut pas non plus être accueilli. Selon une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité (45) . Par conséquent, la récupération d’une aide étatique illégalement accordée, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d’aides d’État (46) . Cela vaut aussi pour les intérêts afférents à la période se situant entre la date de l’octroi de l’aide et celle de son remboursement effectif.

190.    Le gouvernement grec ne peut pas non plus invoquer la confiance légitime des bénéficiaires de l’aide, étant donné que l’aide octroyée sur la base de l’article 32 de la loi n° 2008/92 et de l’article 5 de la loi n° 2237/94 l’a été en violation des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE (47) . Contrairement à ce que ledit article 88, paragraphe 3, CE impose aux États membres, l’aide litigieuse a été accordée sans avoir été notifiée au préalable ou, après notification, sans avoir été communiquée au préalable. Ce n’est qu’en principe que les entreprises bénéficiaires d’une aide peuvent avoir une confiance légitime dans la légalité de l’aide lorsque cette aide a été accordée dans le respect de toutes les obligations découlant de l’article 88 CE pour les États membres. Elles doivent savoir qu’elles sont soumises aux dispositions des articles 87 CE et 88 CE. Elles devront dès lors se mettre en mesure de vérifier si toutes les obligations découlant de ces dispositions ont été respectées en ce qui les concerne.

191.    L’article 2 de la décision 2002/458 ne porte donc pas atteinte à la confiance légitime des entreprises qui ont bénéficié de cette aide.

E –   Le cinquième moyen: impossibilité absolue de récupérer l’aide

1.        Observations des parties

192.    Le dernier moyen du gouvernement grec concerne l’impossibilité absolue de récupérer l’aide. Les autorités grecques estiment qu’il existe une impossibilité absolue de mettre la décision à exécution, parce qu’elles devraient récupérer auprès de 500 coopératives l’aide, majorée des intérêts, qu’elles ont reçue au cours des années 1993, 1994 et 1995. Les coopératives n’ont pas de patrimoine propre, ce qui fait que les biens mobiliers et immobiliers doivent être vendus. Dans le cas où les coopératives agricoles ne peuvent pas acquitter leurs dettes, ce sont leurs membres qui doivent les payer, étant donné qu’ils sont solidairement responsables des dettes. Cela soulèvera des problèmes sociaux, économiques et politiques.

193.    Le gouvernement grec fait ensuite remarquer que, dans le cas où l’article 5 de la loi n° 2237/94 et la décision n° 1620 du gouverneur de la Banque de Grèce peuvent être considérés comme une aide, cela ne peut pas avoir de conséquences juridiques pour les cas individuels de réaménagement des dettes. Ces réaménagements de dettes des coopératives agricoles par la BAG sont fondés sur des contrats de prêt, conclus entre parties, qui sont régis par le droit privé. La conséquence logique en est que la Commission ne peut pas décider la récupération de l’aide comportant un cas individuel de réaménagement de dettes par la BAG.

194.    Selon la Commission, le grand nombre de membres des coopératives concernées, auquel le gouvernement grec se réfère pour étayer l’impossibilité d’une récupération, ne peut pas justifier une impossibilité absolue de récupérer l’aide. La Commission fait encore remarquer que la responsabilité des membres des coopératives en matière de récupération ne va pas de soi, mais qu’elle dépend du montant de la dette des coopératives par rapport à leurs avoirs.

195.    Si on acceptait l’argument de la requérante concernant l’impossibilité de récupérer les aides parce qu’elles ont été octroyées sur la base de contrats conclus par des parties autonomes, tout État membre pourrait contourner l’application des règles en matière d’aides d’État en accordant une aide au moyen de contrats privés en passant par un intermédiaire.

2.        Appréciation

196.    Selon le gouvernement grec, la récupération de l’aide soulèvera des problèmes sociaux, économiques et politiques. Or, la simple crainte de difficultés internes ne saurait justifier l’omission d’appliquer le régime en cause (48) . Le fait que l’aide doit être récupérée auprès d’un grand nombre de bénéficiaires ne peut pas non plus conduire à la constatation que la récupération est absolument impossible (49) . L’impossibilité absolue de récupération ne peut pas non plus être invoquée dans le cas où l’aide a été accordée en vertu d’un contrat privé. Ainsi que la Commission l’a observé avec raison, la forme sous laquelle l’aide a été accordée ne peut pas jouer de rôle; sinon, les États membres pourraient contourner les règles applicables en matière d’aides en les accordant sous une forme déterminée.

197.    Nous tenons encore à signaler que, ainsi que la Cour l’a déjà affirmé, si un État membre rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles lors de l’exécution d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission, il doit soumettre ces problèmes à l’appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, la Commission et l’État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l’article 5 du traité, collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité et, notamment, de celles relatives aux aides (50) .

198.    On peut donc constater en conclusion que la décision de la Commission n’a violé aucune règle de procédure, qu’elle était proportionnée et qu’elle n’allait pas à l’encontre du principe de protection de la confiance légitime.

X –  Les dépens

199.    La Commission a conclu au rejet du recours comme étant dénué de fondement et à la condamnation de la partie requérante aux dépens. Puisque nous avons conclu que le recours du gouvernement grec doit être déclaré non fondé, celui-ci doit être condamné aux dépens.

XI –  Conclusion

200.    Sur la base de ce qui précède, nous proposons à la Cour:

1)
de rejeter le recours du gouvernement grec contre la décision 2002/458/CE de la Commission, du 1er mars 2000, relative aux régimes d’aides mis en œuvre par la Grèce en faveur du règlement des dettes des coopératives agricoles en 1992 et 1994, y compris les aides pour la réorganisation de la coopérative laitière AGNO;

2)
de condamner le gouvernement grec aux dépens en vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure.


1
Langue originale: le néerlandais.


2
Décision de la Commission, du 1er mars 2000, relative aux régimes d’aides mis en œuvre par la Grèce en faveur du règlement des dettes des coopératives agricoles en 1992 et 1994, y compris les aides pour la réorganisation de la coopérative laitière AGNO (JO 2002, L 159, p. 1). [Cette décision a été communiquée sous le numéro C(2000) 686].


3
JO L 215, p. 91.


4
Décision n° 1620, non publiée; voir, toutefois, communication de la Commission concernant l’aide C 32/98 (ex NN 22/98) relative au règlement des dettes des coopératives et des autres entités économiques par la Banque agricole de Grèce (JO 1999, C 120, p. 16).


5
Règlement du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1).


6
Arrêt du 5 octobre 1994 (C-47/91, Rec. p. I-4635).


7
Arrêt du 14 septembre 1994 (C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 49).


8
JO 1988, C 212, p. 2.


9
Voir également point 168 des motifs de la décision 2002/458.


10
Voir note 8.


11
Les aides d'État unilatérales simplement destinées à améliorer la situation financière des producteurs, mais qui ne contribuent en aucune manière au développement du secteur, et notamment celles accordées sur la seule base du prix, de la quantité, de l'unité de production ou de l'unité de moyens de production sont assimilées à des aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché commun. Elles sont par nature susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées et d'affecter les échanges dans une mesure à l'intérêt commun, tandis qu'elle n'est pas apte d'une autre manière à réaliser un des buts cités dans les dispositions dérogatoires. Cette ligne de conduite a été par la suite inscrite dans la communication de la Commission – Lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole (JO 2000, C 28, p. 2).


12
Selon une jurisprudence constante, l'article 87, paragraphe 3, confère à la Commission une compétence discrétionnaire, dont l'exercice implique des appréciations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Voir, en particulier, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission (730/79, Rec. p. 2671, point 24), et du 24 février 1987, Deufil/Commission (310/85, Rec. p. 901, point 18).


13
Arrêt Espagne/Commission (précité à la note 7, point 49).


14
Arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, Rec. p. 4617, point 17).


15
Ce règlement prévoit des règles de procédure juridiquement obligatoires et générales, applicables aux régimes d'aides dans tous les secteurs. Il a été arrêté dans le but de codifier et d'étayer la pratique antérieure de la Commission et d'accroître la transparence et la sécurité juridique.


16
Arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz (120/73, Rec. p. 1471).


17
Voir, entre autres, arrêts du 22 juin 2000, France/Commission (C‑332/98, Rec. p. I‑4833); du 15 février 2001, Autriche/Commission (C‑99/98, Rec. p. I‑1101); du 20 septembre 2001, Banks (C‑390/98, Rec. p. I‑6117), et du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (C-334/99, Rec. p. I‑1139).


18
Précité à la note 16.


19
Arrêt du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission (T-95/96, Rec. p. II-3407, points 76 à 79).


20
Précité à la note 14.


21
Communication adressée, en application de l'article 93, paragraphe 2, du traité, aux autres États membres et aux autres intéressés, concernant l'aide que la Grèce a décidé d'octroyer en faveur du remboursement de dettes contractées par des coopératives (JO C 107, p. 19).


22
Précité à la note 14.


23
JO 1993, C 307, p. 3.


24
Note 14 et Bulletin CE 9-1984, troisième partie, point 5, sous 3.2, troisième tiret, mutatis mutandis (concernant l'apport de capitaux par des actionnaires privés).


25
Voir aide C 47/95: l'Italie a obtenu l'autorisation du Conseil, dans le cadre de la procédure de l'article 88, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité, d'octroyer une aide pour empêcher les banques de réclamer les biens personnels des membres de coopératives en cas de faillite de ces dernières.


26
Voir note 23.


27
Arrêt du 17 juin 1999, Piaggio (C-295/97, Rec. p. I-3735).


28
Arrêt du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission (C-83/98 P, Rec. p. I-3271, point 50).


29
Voir note 23.


30
Arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission (C-303/88, Rec. p. I-1433, point 20).


31
Arrêt du 10 juillet 1986 (234/84, Rec. p. 2263, points 13 et 14).


32
Communication de la Commission – lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, du 23 décembre 1994 (JO C 368, p.12)


33
Communication de la Commission (précitée à la note 32, point 3.2.3).


34
Arrêts Philip Morris/Commission (précité à la note 12, point 24); Deufil/Commission (précité à la note 12, point 18), et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission (C-169/95, Rec. p. I-135, point 18).


35
Communication de la Commission (précitée dans la note 32).


36
Communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (JO 1997 C 273, p. 3).


37
Communication de la Commission concernant l'aide C 32/98 (ex NN 22/98) relative au règlement des dettes des coopératives et des autres entités économiques par la Banque agricole de Grèce (citée à la note 4).


38
Voir note 32.


39
Arrêts Philip Morris, précité à la note 12, et du 11 novembre 1987, France/Commission (259/85, Rec. p. 4393).


40
Arrêt du 19 septembre 2002, Espagne/Commission (C-113/00, Rec. p. I-7601, point 30).


41
Voir point 106 des motifs de la décision.


42
Communication 96/C 68/06 relative aux aides de minimis (JO 1996, C 68, p. 9).


43
Voir, en particulier, arrêts du 13 mars 1985, Pays-Bas en Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19); du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission (C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et 16), et du 29 février 1996, Belgique/Commission (C-56/93, Rec. p. I-723, point 86).


44
Dans l'arrêt du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor (205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 30), la Cour a affirmé que «les principes du respect de la confiance légitime et de la sécurité juridique font partie de l'ordre juridique communautaire. On ne saurait donc considérer comme contraire à ce même ordre juridique qu'une législation nationale assure le respect de la confiance légitime et de la sécurité juridique dans un domaine comme celui de la répétition d'aides communautaires indûment versées».


45
Voir, entre autres, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse» (C-142/87, Rec. p. I-959, point 66); du 10 juin 1993, Commission/Grèce (C‑183/91, Rec. p. I-3131, point 16), et du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (C-39/94, Rec. p. I-3547, point 68).


46
Arrêt Tubemeuse (précité à la note 45, point 66).


47
Admettre une telle possibilité reviendrait à priver les dispositions des articles 87 CE et 88 CE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l'efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions du traité. Arrêt du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne (C-5/89, Rec. p. I-3437, point 17).


48
Arrêt du 7 décembre 1995, Commission/France (C‑52/95, Rec. p. I-4443, point 38).


49
Voir également arrêt du 29 janvier 1998, Commission/Italie (C-280/95, Rec. p. I‑259).


50
Arrêt du 4 avril 1995, Commission/Italie (C-348/93, Rec. p. I-673, point 17).