61999J0424

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 27 novembre 2001. - Commission des Communautés européennes contre République d'Autriche. - Manquement d'Etat - Directive 89/105/CEE - Notion de 'liste positive' au sens de l'article 6 de la directive 89/105 - Délai d'examen d'une demande d'inscription d'un médicament sur ladite liste - Obligation de prévoir un recours judiciaire en cas de refus. - Affaire C-424/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-09285


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Rapprochement des législations - Produits pharmaceutiques - Directive 89/105 - Médicaments à usage humain - Remboursement ou prise en charge automatiques par le système national d'assurance maladie - Conditions

(Directive du Conseil 89/105, art. 1 et 6)

2. Rapprochement des législations - Produits pharmaceutiques - Directive 89/105 - Médicaments à usage humain - Décision de refus d'inscription d'un médicament sur la liste des médicaments couverts par le système national d'assurance maladie - Droit à un recours juridictionnel - Législation nationale ne prévoyant qu'un recours devant des instances composées d'experts indépendants - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 89/105, art. 6, point 2)

Sommaire


1. Il ressort de l'article 6 de la directive 89/105, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, que cette disposition vise à s'appliquer lorsque l'inscription d'un médicament sur une liste implique son remboursement ou sa prise en charge automatiques. Ainsi, le fait qu'il existe, dans un État membre, un registre et non une «liste positive» et que, dans cet État, la prise en charge des médicaments non inscrits au registre soit également autorisée à la condition que le médicament prescrit par le médecin soit nécessaire pour combattre l'affection dont souffre le patient ne fait nullement disparaître le seul élément déterminant, à savoir le fait que l'inscription d'un médicament audit registre entraîne normalement sa prise en charge automatique.

Cette interprétation est, au demeurant, corroborée par la finalité de la directive qui est, selon l'article 1er de cette dernière, que toute mesure nationale en vue de contrôler les prix des médicaments à usage humain ou de restreindre la gamme des médicaments couverts par leurs systèmes nationaux d'assurance maladie soit conforme aux exigences de la directive.

( voir points 29-30 )

2. L'exigence d'un contrôle juridictionnel constitue un principe général de droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ne répond pas à cette exigence ni aux prescriptions de l'article 6, point 2, de la directive 89/105, selon lequel tout intéressé doit disposer des voies de recours assurant une protection juridictionnelle effective contre une décision de ne pas inscrire un médicament sur la liste des produits couverts par le système national d'assurance maladie, une législation nationale qui prévoit que les recours contre une telle décision soient formés devant des experts indépendants. D'une part, en effet, ces recours s'analysent comme des recours auprès d'instances de contrôle composées d'experts qui relèvent de l'État membre concerné, donc d'une autorité administrative, et non de véritables organes juridictionnels. D'autre part, dans la mesure où ces instances ne peuvent émettre que des recommandations, elles n'ont aucune compétence décisionnelle, laquelle appartient à l'État membre concerné.

( voir points 42-45 )

Parties


Dans l'affaire C-424/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. C. Schieferer, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République d'Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en n'adoptant pas ou en ne communiquant pas à la Commission, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie (JO 1989, L 40, p. 8), la république d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme N. Colneric, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. C. Gulmann, R. Schintgen, V. Skouris (rapporteur) et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 28 mars 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M. J. C. Schieferer et la république d'Autriche par M. H. Dossi, en qualité d'agent,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 31 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 octobre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en n'adoptant pas ou en ne communiquant pas à la Commission, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie (JO 1989, L 40, p. 8, ci-après la «directive»), la république d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

2 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres veillent à ce que toute mesure nationale, qu'elle soit de nature législative, réglementaire ou administrative, en vue de contrôler les prix des médicaments à usage humain ou de restreindre la gamme des médicaments couverts par leurs systèmes nationaux d'assurance maladie, soit conforme aux exigences de la présente directive.»

3 L'article 6 de la directive prévoit:

«Les dispositions suivantes sont applicables lorsqu'un médicament n'est couvert par le système national d'assurance maladie qu'après que les autorités compétentes ont décidé d'inclure le médicament en question dans une liste positive de médicaments couverts par le système national d'assurance maladie.

1) Les États membres veillent à ce qu'une décision relative à une demande d'inscription d'un médicament sur la liste des médicaments couverts par le système d'assurance maladie soit adoptée et communiquée au demandeur dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de la demande présentée, conformément aux conditions fixées dans l'État membre concerné, par le titulaire d'une autorisation de commercialisation. Lorsqu'une demande au titre du présent article peut être faite avant que les autorités compétentes n'aient accepté le prix devant être appliqué au produit conformément à l'article 2, ou lorsqu'une décision sur le prix d'un médicament et une décision sur son inclusion dans la liste des produits couverts par le système national d'assurance maladie sont prises au terme d'une procédure administrative unique, le délai est prorogé de quatre-vingt-dix jours supplémentaires. Le demandeur fournit aux autorités compétentes les renseignements suffisants. Si les renseignements communiqués à l'appui de la demande sont insuffisants, le délai est suspendu et les autorités compétentes notifient immédiatement au demandeur quels sont les renseignements complémentaires détaillés qui sont exigés.

Lorsqu'un État membre ne permet pas qu'une demande soit faite au titre du présent article avant que les autorités compétentes n'aient accepté le prix devant être appliqué au produit, conformément à l'article 2, il veille à ce que le délai global nécessité par les deux procédures n'excède pas cent quatre-vingt jours. Ce délai peut être prorogé conformément à l'article 2 ou suspendu selon le premier alinéa du présent point.

2) Toute décision de ne pas inscrire un médicament sur la liste des produits couverts par le système d'assurance maladie comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables, y compris, si nécessaire, les avis ou recommandations des experts sur lesquels les décisions s'appuient. En outre, le demandeur est informé des moyens de recours dont il dispose selon la législation en vigueur, ainsi que des délais dans lesquels ces recours peuvent être formés.

[...]»

4 Il ressort de l'article 11, paragraphe 1, de la directive que les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive au plus tard le 31 décembre 1989. Celle-ci devait être transposée en Autriche au plus tard le 1er janvier 1995, date d'entrée de cet État membre dans la Communauté européenne.

5 En outre, l'article 11, paragraphe 2, de la directive prévoit que «[l]es États membres communiquent à la Commission, avant la date visée au paragraphe 1, le texte des dispositions législatives, réglementaires ou administratives relatives à la fixation des prix des médicaments, au profit des fabricants de produits pharmaceutiques et au remboursement des médicaments par les systèmes nationaux d'assurance maladie. Les amendements et modifications à ces dispositions législatives, réglementaires ou administratives sont communiqués immédiatement à la Commission».

La réglementation nationale

6 Les articles 116 et 122, paragraphe 1, de l'Allgemeines Sozialversicherungsgesetz (loi générale relative à la sécurité sociale, ci-après l'«ASVG») disposent que chaque assuré a droit, pour lui-même et les membres de sa famille, à des prestations de l'assurance maladie. Ces prestations comprennent notamment, selon l'article 133 de l'ASVG, un traitement médical suffisant et adapté, y inclus les médicaments nécessaires.

7 Selon l'article 350 de l'ASVG, la prise en charge d'un médicament prescrit par un médecin conventionné, c'est-à-dire un médecin ayant signé une convention avec l'organisme de sécurité sociale auquel le patient est affilié, est admise à la condition qu'il s'agisse d'un médicament inscrit à un registre des médicaments publié par le Hauptverband der österreichischen Sozialversicherungsträger (fédération des organismes autrichiens de sécurité sociale, ci-après la «fédération»). Il est toutefois possible d'obtenir la prise en charge d'un médicament qui n'est pas inscrit à ce registre lorsque la nécessité et le caractère approprié de son emploi, eu égard à l'état de santé du patient, sont reconnus par le médecin-chef ou le médecin de contrôle de l'organisme de sécurité sociale compétent, qui doit, dans ce cas, délivrer une autorisation préalable. La prise en charge d'un médicament prescrit par un médecin non conventionné, que le médicament soit ou non inscrit audit registre, est toujours subordonnée à une telle autorisation.

8 Il ressort des articles 31, paragraphe 3, point 12, et 133, paragraphe 2, de l'ASVG qu'il appartient à la fédération de publier un registre indiquant les médicaments susceptibles d'être prescrits de façon générale ou à certaines conditions et qui seront remboursés par les organismes de sécurité sociale sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'autorisation, normalement requise, du médecin-chef ou du médecin de contrôle (ci-après le «registre»).

9 L'article 133, paragraphe 2, de l'ASVG, qui sert de base à la décision d'inscrire un médicament au registre, précise que le traitement médical, qui comprend également la prescription de médicaments, doit être suffisant et adapté. Il ne doit toutefois pas excéder ce qui est nécessaire.

10 S'agissant de la procédure d'inscription d'un médicament au registre, elle se déroule conformément aux dispositions de la Verfahrensordnung für die Erstellung des Heilmittelverzeichnisses gemäß § 31 Abs. 3 Z 12 ASVG (règlement de procédure applicable à l'élaboration du registre des médicaments conformément à l'article 31, paragraphe 3, point 12, de l'ASVG) (Soziale Sicherheit n_ 11/98, du 27 novembre 1998, p. 853, Amtliche Verlautbarung n_ 104/1998, ci-après la «VOHMV»).

11 Selon la VOHMV, les médicaments proposés pour l'inscription au registre sont examinés par le bureau de la fédération. Le résultat de l'examen est soumis, à titre de proposition en vue d'une recommandation, au petit conseil technique et communiqué à l'entreprise pharmaceutique dont proviennent les médicaments proposés (article 2, paragraphe 2, de la VOHMV). Le petit conseil technique examine ensuite les propositions conformément à son règlement intérieur et émet une recommandation [article 2, paragraphe 3, sous a), de la VOHMV].

12 Si l'entreprise pharmaceutique n'est pas d'accord avec le rejet de sa proposition d'inscription d'un médicament, avec la modification des conditions de prescription ou avec l'élimination d'une spécialité pharmaceutique du registre, elle peut introduire, dans un délai de six semaines, une réclamation écrite auprès de la fédération [article 2, paragraphe 4, sous a), de la VOHMV]. Cette réclamation est soumise au petit conseil technique. Si le petit conseil technique n'émet aucune recommandation en faveur du demandeur, il présente la réclamation, accompagnée des éventuelles informations nouvelles et de ses éventuelles observations, au grand conseil technique [article 2, paragraphe 4, sous b), de la VOHMV]. Celui-ci examine si la recommandation du petit conseil technique est «raisonnable» («nachvollziehbar») et peut la modifier (article 2, paragraphe 5, de la VOHMV).

13 La fédération décide, dans un délai de 180 jours, si et à quelles conditions une proposition peut être acceptée [article 2, paragraphe 7, sous a), de la VOHMV]. Ce délai peut toutefois être prorogé de 60 jours en cas de surcharge administrative extraordinaire de la fédération, ce qui suppose que plus de 100 propositions d'inscription de médicaments lui aient été présentées sur une même période de trois mois. Ce motif ne peut néanmoins être invoqué plus de trois fois en deux ans [article 2, paragraphe 7, sous b), de la VOHMV].

La procédure précontentieuse

14 Par lettre de mise en demeure du 25 mai 1998, la Commission a informé la république d'Autriche qu'elle considérait que sa réglementation nationale était contraire à la directive à trois titres. En premier lieu, le délai de 90 jours dans lequel il doit être statué sur une demande d'inscription d'un médicament sur la «liste positive», prévu à l'article 6, point 1, de la directive, n'était pas respecté. En second lieu, la motivation d'une décision négative prise à l'encontre d'une demande d'inscription d'un médicament au registre était soit inexistante, soit erronée, ce qui était contraire à l'article 6, point 2, première phrase, de la directive. En dernier lieu, contrairement aux dispositions de l'article 6, point 2, seconde phrase, de la directive, la réglementation nationale ne prévoyait aucun recours contre lesdites décisions négatives.

15 Le gouvernement autrichien a, par lettre du 27 juillet 1998, répondu que l'article 6 de la directive n'est pas applicable en Autriche, puisque tout médicament peut être remboursé en vertu des dispositions légales. Le registre n'est donc, selon ce gouvernement, qu'un outil de travail dans la mesure où les patients peuvent bénéficier de tous les médicaments, indépendamment de leur inscription audit registre, dès lors que les conditions légales sont remplies.

16 Ayant jugé cette réponse insatisfaisante, la Commission a, par lettre du 30 décembre 1998, adressé un avis motivé à la république d'Autriche, lui demandant de s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

17 Dans sa réponse du 3 mars 1999, le gouvernement autrichien a maintenu sa position. S'agissant de l'insuffisance de motivation des décisions négatives, ce gouvernement précisait toutefois que de nouvelles règles procédurales avaient été adoptées et joignait à sa lettre une copie de la VOHMV.

18 C'est dans ces conditions que la Commission a introduit le présent recours.

Sur le fond

19 Au préalable, il convient de constater, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, la requête doit être fondée sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé (voir, notamment, arrêt du 5 octobre 1989, Commission/Pays-Bas, 290/87, Rec. p. 3083, point 8).

20 Or, il s'avère que l'avis motivé du 30 décembre 1998 ne fait pas grief a la république d'Autriche de n'avoir pas communiqué à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, en sorte que, sur ce point, le recours est irrecevable.

21 En second lieu, il convient de relever que la Commission a indiqué, dans sa requête, qu'elle renonçait à invoquer le grief concernant l'obligation, prévue à l'article 6, point 2, première phrase, de la directive, de motiver les décisions de rejet des demandes d'inscription au registre, dans la mesure où l'article 2, paragraphe 3, sous b), de la VOHMV prévoit désormais que la fédération doit motiver ses décisions par écrit.

Sur la qualification du registre de «liste positive» au sens de l'article 6 de la directive

22 À titre liminaire, le gouvernement autrichien fait valoir que l'article 6 de la directive n'est pas applicable en Autriche, en sorte que la Commission ne saurait exiger la mise en oeuvre des prescriptions y énoncées. Puisque cette disposition ne serait pas applicable, il en résulterait que les griefs invoqués à l'encontre de la république d'Autriche concernant le non-respect du délai d'examen des demandes d'inscription et l'absence de moyens de recours juridictionnels devraient être rejetés.

23 Ce gouvernement soutient, en effet, qu'il ressort des termes de l'article 6 de la directive qu'une liste de médicaments ne constitue une «liste positive» que dans le cas où la prise en charge par le système de sécurité sociale d'un médicament est subordonnée à son inscription sur ladite liste. Or, dans le système autrichien, si les médicaments qui ne figurent pas au registre peuvent bénéficier d'une prise en charge lorsque le patient dispose d'une autorisation, ceux qui y figurent peuvent en revanche ne pas être remboursés s'ils ne sont pas nécessaires et adaptés à l'affection du patient.

24 Ainsi, le registre tenu par la fédération ne contiendrait aucun catalogue exhaustif des médicaments couverts par le système d'assurance maladie, mais constituerait un outil de travail au service des médecins, leur permettant de déterminer les médicaments dont le coût est pris en charge par la sécurité sociale sans autorisation préalable.

25 Le gouvernement autrichien prétend, de manière plus générale, que, par ce recours, la Commission tente de s'immiscer dans l'aménagement des systèmes nationaux de sécurité sociale, lesquels relèveraient de la compétence exclusive des États membres.

26 Sur ce dernier point, il suffit de constater que le recours introduit par la Commission ne remet nullement en question le mode de financement ou la structure du régime de sécurité sociale, mais vise uniquement à ce que la réglementation autrichienne respecte les prescriptions de l'article 6 de la directive, lesquelles ne portent d'ailleurs ni sur le fonctionnement du registre et l'inscription de médicaments audit registre ni sur la possibilité de prise en charge d'un médicament.

27 S'agissant de l'argument selon lequel le registre, tenu par la fédération en application de l'article 133, paragraphe 2, de l'ASVG, ne saurait être qualifié de «liste positive» au sens de l'article 6 de la directive, il y a lieu de constater que cette disposition s'oppose à un tel argument.

28 En effet, il convient de rappeler que, selon la réglementation autrichienne, les médicaments inscrits au registre sont, en principe, automatiquement pris en charge, alors que les médicaments qui ne figurent pas à ce registre ne le sont pas, sauf autorisation du médecin-chef ou du médecin de contrôle.

29 Or, il ressort de l'article 6 de la directive que cette disposition vise à s'appliquer lorsque l'inscription d'un médicament sur une liste implique son remboursement ou sa prise en charge automatiques. Ainsi, le fait qu'il existe, dans un État membre, un registre et non une «liste positive» et que, dans cet État, la prise en charge des médicaments non inscrits au registre soit également autorisée à la condition que le médicament prescrit par le médecin soit nécessaire pour combattre l'affection dont souffre le patient ne fait nullement disparaître le seul élément déterminant, à savoir le fait que l'inscription d'un médicament audit registre entraîne normalement sa prise en charge automatique.

30 Cette interprétation est, au demeurant, corroborée par la finalité de la directive qui est, selon l'article 1er de cette dernière, que toute mesure nationale en vue de contrôler les prix des médicaments à usage humain ou de restreindre la gamme des médicaments couverts par leurs systèmes nationaux d'assurance maladie soit conforme aux exigences de la directive.

31 Sur ce point, il y a lieu de constater que, comme le gouvernement autrichien l'a d'ailleurs reconnu lors de l'audience, le registre permet aux autorités compétentes de réduire les dépenses du système autrichien de sécurité sociale dans la mesure où les entreprises pharmaceutiques doivent généralement consentir une baisse des prix en contrepartie de l'inscription d'un de leurs médicaments au registre, dès lors que ladite inscription entraîne une prise en charge qui est, en pratique, automatique. Dans ces conditions, l'inscription d'un médicament audit registre constitue donc une mesure destinée à contrôler les prix.

32 Dès lors, le registre s'analyse comme une «liste positive», au sens de l'article 6 de la directive, en sorte qu'il convient de vérifier si cette disposition a été correctement transposée en droit autrichien.

Sur le délai de 180 jours dans lequel la fédération doit se prononcer sur les demandes d'inscription de médicaments au registre

33 La Commission soutient que le délai de 180 jours, visé à l'article 2, paragraphe 7, sous a), de la VOHMV, dans lequel la fédération doit statuer sur les demandes d'inscription de médicaments au registre est incompatible avec celui de 90 jours visé à l'article 6, point 1, de la directive.

34 Le gouvernement autrichien réplique que, conformément à l'article 6, point 1, de la directive, lorsque, comme en Autriche, il est statué à la fois sur l'inscription d'un médicament au registre et sur son prix, le délai peut être prorogé de 90 jours. Dès lors, la réglementation autrichienne serait conforme à cette disposition.

35 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué et d'apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l'existence de ce manquement (voir, notamment, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C-159/94, Rec. p. I-5815, point 102).

36 Or, la Commission n'a pas été en mesure de démontrer que l'affirmation du gouvernement autrichien selon laquelle, lorsqu'une demande d'inscription d'un médicament au registre est déposée, les autorités compétentes statuent dans le délai de 180 jours à la fois sur l'inscription d'un médicament audit registre et sur son prix est inexacte.

37 Certes, lors de l'audience devant la Cour, la Commission a invoqué l'incompatibilité de la réglementation autrichienne avec la directive au motif que l'article 2, paragraphe 7, sous b), de la VOHMV autorise les autorités compétentes à proroger le délai de 180 jours d'une nouvelle période de 60 jours en cas de surcharge administrative extraordinaire de la fédération.

38 Toutefois, ce moyen est, en vertu de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, irrecevable dès lors que la Commission a seulement invoqué, dans le cadre de la procédure écrite, l'incompatibilité du délai de 180 jours, mais n'a jamais mis en cause, si ce n'est dans le cadre de la procédure orale, la possibilité de proroger ce délai d'une nouvelle période de 60 jours. Or, la Commission aurait pu déjà invoquer ce moyen dans sa requête, la république d'Autriche ayant joint, dans sa réponse à l'avis motivé, le texte de la VOHMV, qui mentionne clairement, à son article 2, paragraphe 7, sous b), cette possibilité de prorogation.

Sur les moyens de recours contre les décisions concernant les demandes d'inscription de médicaments au registre

39 La Commission fait valoir que la réglementation autrichienne ne prévoit pas de véritable protection juridictionnelle, contrairement aux prescriptions de l'article 6, point 2, de la directive, aux termes duquel «le demandeur est informé des moyens de recours dont il dispose selon la législation en vigueur, ainsi que des délais dans lesquels ces recours peuvent être formés».

40 Selon la Commission, en effet, ne sauraient être qualifiées de voies de recours ni la réclamation formée contre la première recommandation du petit conseil technique, prévue à l'article 2, paragraphe 4, sous a), de la VOHMV, ni, en cas de nouvel avis négatif du petit conseil technique, la demande d'inscription qui peut être soumise au grand conseil technique, dès lors que ce recours serait introduit non pas devant des organes juridictionnels, mais devant des autorités administratives.

41 En revanche, le gouvernement autrichien prétend qu'un moyen de recours effectif existe dans la mesure où tant le petit conseil technique que le grand conseil technique sont composés de techniciens et de professionnels indépendants des institutions de sécurité sociale et nommés, les uns, pour une durée limitée et, les autres, sans limitation de durée.

42 À cet égard, il y a lieu de constater que les recours devant des experts indépendants ne peuvent être assimilés aux recours visés à la directive. En effet, l'article 6, point 2, de la directive précise que «[t]oute décision de ne pas inscrire un médicament sur la liste des produits couverts par le système d'assurance maladie comporte un exposé des motifs fondé sur des critères objectifs et vérifiables, y compris, si nécessaire, les avis ou recommandations des experts sur lesquels les décisions s'appuient. En outre, le demandeur est informé des moyens de recours dont il dispose selon la législation en vigueur, ainsi que des délais dans lesquels ces recours peuvent être formés». Il s'ensuit nécessairement que l'intéressé doit pouvoir disposer de voies de recours assurant une protection juridique effective.

43 Or, le recours prévu à l'article 2, paragraphes 4 et 5, de la VOHMV, qu'il soit introduit devant le petit conseil technique ou devant le grand conseil technique, s'analyse en tout état de cause comme un recours auprès d'instances de contrôle composées d'experts qui relèvent de la fédération elle-même, donc d'une autorité administrative, et non de véritables organes juridictionnels.

44 En outre, tant le petit conseil technique que le grand conseil technique, dans la mesure où ils ne peuvent émettre que des recommandations, n'ont aucune compétence décisionnelle, laquelle appartient à la fédération.

45 Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante que l'exigence d'un contrôle juridictionnel constitue un principe général de droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a trouvé sa consécration dans les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voir, notamment, en ce sens, arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18; du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission, C-97/91, Rec. p. 6313, point 14, et du 11 janvier 2001, Kofisa Italia, C-1/99, Rec. p. I-207, point 46, et Siples, C-226/99, Rec. p. I-277, point 17).

46 Dans ces conditions, il convient de déclarer le recours de la Commission fondé sur ce point et de constater le manquement aux dispositions de la directive.

47 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que, en n'adoptant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 6, point 2, seconde phrase, de la directive, la république d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cet article. Le recours est rejeté pour le surplus.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

48 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 69, paragraphe 3, premier alinéa, de ce règlement, la Cour peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission et la république d'Autriche ayant succombé partiellement en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En n'adoptant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 6, point 2, seconde phrase, de la directive 89/105/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, concernant la transparence des mesures régissant la fixation des prix des médicaments à usage humain et leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie, la république d'Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cet article.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chacune des parties supporte ses propres dépens.