61999J0298

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 21 mars 2002. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'État - Directive 85/384/CEE - Reconnaissance mutuelle des titres du domaine de l'architecture - Accès à la profession d'architecte - Article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE). - Affaire C-298/99.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-03129


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Architectes - Reconnaissance des diplômes et des titres - Établissement de listes nationales des diplômes et titres devant bénéficier d'une reconnaissance automatique - Obligations des États membres

(Directive du Conseil 85/384, art. 7)

2. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Restrictions - Exigence d'accompagner la demande de reconnaissance d'un titre délivré dans un autre État membre du diplôme original ou d'une copie certifiée conforme - Justification - Absence

(Traité CE, art. 52 et 59 (devenus, après modification, art. 43 CE et 49 CE))

3. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Restrictions - Obligation de présenter, dans le cadre de la reconnaissance d'un titre délivré dans un autre État membre, un certificat de nationalité et de fournir des traductions officielles des documents pertinents - Justification - Absence

(Traité CE, art. 52 (devenu, après modification, art. 43 CE))

4. Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Architectes - Reconnaissance des diplômes et des titres - Diplômes ou titres donnant accès aux activités d'architecte en vertu des droits acquis - Période transitoire s'achevant au terme du délai de transposition de la directive 85/384

(Directive du Conseil 85/384, art. 3, 4 et 12)

5. Libre prestation des services - Restrictions - État membre interdisant aux architectes établis dans d'autres États membres et exerçant dans le premier État de disposer de l'infrastructure nécessaire - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 59 (devenu, après modification, art. 49 CE))

Sommaire


1. S'il est vrai que l'article 7 de la directive 85/384, visant à la reconnaissance mutuelle de certains titres du domaine de l'architecture, n'oblige pas expressément les États membres à reprendre, dans une liste nationale des titres devant bénéficier de la reconnaissance automatique, les diplômes, certificats et autres titres figurant dans les listes publiées par la Commission en application du paragraphe 2 de cet article, la transposition en droit interne d'une directive doit néanmoins assurer effectivement sa pleine application d'une façon suffisamment claire et précise, afin que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s'en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales. Cette condition est particulièrement importante lorsque la directive vise à accorder des droits aux ressortissants d'autres États membres, pour lesquels il est essentiel qu'ils puissent identifier les titres qui doivent être reconnus automatiquement par l'État membre d'accueil.

( voir points 27-29, disp. 1 )

2. L'exigence, posée de façon générale par un État membre, que la demande de reconnaissance d'un titre délivré dans un autre État membre soit accompagnée du diplôme original ou d'une copie certifiée conforme de ce diplôme constitue une entrave à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, consacrées par les articles 52 et 59 du traité (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE), en ce qu'elle entraîne des obstacles supplémentaires pour tous les demandeurs, compte tenu des risques de perte du diplôme original ou du retard éventuellement pris par l'État membre d'origine pour délivrer ledit diplôme ainsi que des démarches et frais additionnels découlant des procédures de certification des copies conformes des titres originaux.

S'il est vrai que les États membres sont, pour des raisons impérieuses d'intérêt général, en droit d'exiger la preuve de l'existence d'un tel titre, ladite exigence apparaît disproportionnée en ce qu'elle exclut toute autre forme de preuve permettant d'établir avec le même degré de certitude l'existence du titre en question, telle que la présentation d'une attestation ou d'une reconnaissance du diplôme du demandeur par les autorités ou organisations professionnelles de l'État membre d'origine.

( voir points 37-39, disp. 1 )

3. Dans le cadre de la reconnaissance d'un titre délivré dans un autre État membre, l'obligation posée par l'État membre d'accueil de présenter un certificat de nationalité et celle de fournir des traductions certifiées conformes de tous les documents relatifs à la demande de reconnaissance ne sauraient être qualifiées de nécessaires ni être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général et apparaissent donc incompatibles avec l'article 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE).

( voir points 45-46, disp. 1 )

4. L'article 12 de la directive 85/384, visant à la reconnaissance mutuelle de certains titres du domaine de l'architecture, qui prévoit une exception aux exigences minimales de formation fixées aux articles 3 et 4 de la même directive en stipulant que chaque État membre doit reconnaître le titre d'architecte aux personnes qui se sont vues délivrer par un autre État membre une attestation certifiant que, au moment de la mise en application de la directive, elles étaient en droit de porter ce titre dans cet autre État membre, quand bien même ces personnes ne répondraient pas auxdites exigences minimales, doit être interprété en se sens que la «mise en application de la directive» se réfère à la date à laquelle cette directive devait être au plus tard transposée. Il s'ensuit qu'un État membre qui a transposé la directive avec retard ne peut pas prolonger la période transitoire prévue à l'article 12.

( voir points 47, 51-52, disp. 1 )

5. L'interdiction générale, faite par un État membre aux architectes établis dans d'autres États membres qui souhaitent fournir des prestations de services dans le premier État membre, de créer sur son territoire un siège principal ou secondaire est incompatible avec l'article 59 du traité (devenu, après modification, article 49 CE) dans la mesure où elle fait obstacle à ce qu'un prestataire de services établi dans un autre État membre se dote, dans le premier État, d'une infrastructure nécessaire aux fins de la prestation en cause. En effet, le caractère temporaire d'une prestation de services n'exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l'État membre d'accueil, d'une certaine infrastructure (y compris un bureau, un cabinet ou une étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en cause.

( voir points 56-57, disp. 1 )

Parties


Dans l'affaire C-298/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. Traversa et Mme E. Montaguti, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. G. Aiello, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que:

1) en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, ainsi que des articles 7, 11 et 14 de la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l'architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation des services (JO L 223, p. 15), telle que modifiée par la directive 86/17/CEE du Conseil, du 27 janvier 1986, modifiant, en raison de l'adhésion du Portugal, la directive 85/384 (JO L 27, p. 71, et - rectificatif - L 87, p. 36);

2) en adoptant

- l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret législatif du président de la République n_ 129, du 27 janvier 1992 (GURI n_ 41, du 19 février 1992, p. 18), et l'article 4, paragraphe 1, sous a), du décret du ministre des Universités et de la Recherche scientifique et technologique n_ 776, du 10 juin 1994 (GURI n_ 234, du 6 octobre 1995, p. 3), qui imposent l'obligation généralisée de présenter le diplôme original ou une copie certifiée conforme de ce dernier,

- l'article 4, paragraphe 2, sous c), du décret n_ 129/92 et l'article 4, paragraphe 1, sous c), du décret n_ 776/94, qui requièrent la présentation généralisée du certificat de nationalité,

- l'article 4, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et l'article 10 du décret n_ 776/94, qui imposent systématiquement la traduction officielle des documents,

- l'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92, qui étend la validité des attestations au-delà du 5 août 1987;

3) en interdisant à l'architecte prestataire de services en Italie de disposer d'une infrastructure en Italie (article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92);

4) en imposant à l'architecte prestataire de services l'obligation de s'inscrire auprès du conseil provincial territorialement compétent de l'ordre des architectes (article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et articles 7 et 8 du décret n_ 776/94) selon des modalités différentes de ce qui est prévu à l'article 22 de la directive 85/384, et

5) en appliquant l'article 4, paragraphes 6 à 8, du décret n_ 129/92 selon des modalités non conformes à l'article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12, 20, 22, 27 et 31 de la directive 85/384, et, pour ce qui concerne le point 3 ci-dessus, de l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. P. Jann, président de chambre, S. von Bahr, D. A. O. Edward (rapporteur), A. La Pergola et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme Lynn Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 14 juin 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 septembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 9 août 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que:

1) en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, ainsi que des articles 7, 11 et 14 de la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l'architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation des services (JO L 223, p. 15), telle que modifiée par la directive 86/17/CEE du Conseil, du 27 janvier 1986, modifiant, en raison de l'adhésion du Portugal, la directive 85/384 (JO L 27, p. 71, et - rectificatif - L 87, p. 36, ci-après la «directive 85/384»);

2) en adoptant

- l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret législatif du président de la République n_ 129, du 27 janvier 1992 (GURI n_ 41, du 19 février 1992, p. 18, ci-après le «décret n_ 129/92»), et l'article 4, paragraphe 1, sous a), du décret du ministre des Universités et de la Recherche scientifique et technologique n_ 776, du 10 juin 1994 (GURI n_ 234, du 6 octobre 1995, p. 3, ci-après le «décret n_ 776/94»), qui imposent l'obligation généralisée de présenter le diplôme original ou une copie certifiée conforme de ce dernier,

- l'article 4, paragraphe 2, sous c), du décret n_ 129/92 et l'article 4, paragraphe 1, sous c), du décret n_ 776/94, qui requièrent la présentation généralisée du certificat de nationalité,

- l'article 4, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et l'article 10 du décret n_ 776/94, qui imposent systématiquement la traduction officielle des documents,

- l'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92, qui étend la validité des attestations au-delà du 5 août 1987;

3) en interdisant à l'architecte prestataire de services en Italie de disposer d'une infrastructure en Italie (article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92);

4) en imposant à l'architecte prestataire de services l'obligation de s'inscrire auprès du conseil provincial territorialement compétent de l'ordre des architectes (article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et articles 7 et 8 du décret n_ 776/94) selon des modalités différentes de ce qui est prévu à l'article 22 de la directive 85/384, et

5) en appliquant l'article 4, paragraphes 6 à 8, du décret n_ 129/92 selon des modalités non conformes à l'article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12, 20, 22, 27 et 31 de la directive 85/384, et, pour ce qui concerne le point 3 ci-dessus, de l'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE).

La réglementation communautaire

2 La directive 85/384/CEE prévoit la reconnaissance automatique de certains titres du domaine de l'architecture dans le cadre de deux régimes distincts.

3 D'une part, les articles 2 à 9 de la directive 85/384, qui figurent au chapitre II, intitulé «Diplômes, certificats et autres titres donnant accès aux activités du domaine de l'architecture sous le titre professionnel d'architecte», établissent un régime général de reconnaissance mutuelle automatique de tous les titres du domaine de l'architecture qui réunissent les conditions qu'ils édictent. L'article 2 dispose ainsi que «[c]haque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres obtenus par une formation répondant aux exigences des articles 3 et 4 et délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres».

4 En particulier, l'article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 85/384 précise qu'est reconnue comme satisfaisant à l'article 2 «la formation des `Fachhochschulen' en République fédérale d'Allemagne dispensée en trois années, existant au moment de la notification de la présente directive, répondant aux exigences définies à l'article 3 et donnant accès aux activités visées à l'article 1er dans cet État membre sous le titre professionnel d'architecte, pour autant que la formation soit complétée par une période d'expérience professionnelle de quatre ans, en République fédérale d'Allemagne attestée par un certificat délivré par l'ordre professionnel au tableau duquel est inscrit l'architecte qui souhaite bénéficier des dispositions de la présente directive».

5 De même, l'article 4, paragraphe 2, de la directive 85/384 prévoit:

«Est également reconnue comme satisfaisant à l'article 2, dans le cadre de la promotion sociale ou d'études universitaires à temps partiel, la formation répondant aux exigences définies à l'article 3 sanctionnée par un examen en architecture passé avec succès par une personne travaillant depuis sept ans ou plus dans le domaine de l'architecture sous le contrôle d'un architecte ou d'un bureau d'architectes. Cet examen doit être de niveau universitaire et être équivalent à l'examen de fin d'études visé au paragraphe 1 point b).»

6 Aux termes de l'article 7 de la directive 85/384:

«1. Chaque État membre communique, dans les meilleurs délais, simultanément aux autres États membres et à la Commission la liste des diplômes, certificats et autres titres de formation qui sont délivrés sur son territoire et qui satisfont aux critères visés aux articles 3 et 4, ainsi que les établissements ou autorités qui les délivrent.

La première communication a lieu dans les douze mois suivant la notification de la présente directive.

Chaque État membre communique de la même façon les changements intervenus en ce qui concerne les diplômes, certificats et autres titres de formation qui sont délivrés sur son territoire, notamment ceux qui ne répondent plus aux exigences visées aux articles 3 et 4.

2. Les listes et leurs mises à jour sont publiées par la Commission pour information au Journal officiel des Communautés européennes, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de leur communication. [...] Des listes consolidées sont publiées périodiquement par la Commission.»

7 D'autre part, les articles 10 à 15 de la directive 85/384, qui figurent au chapitre III, intitulé «Diplômes, certificats et autres titres donnant accès aux activités du domaine de l'architecture, en vertu de droits acquis ou de dispositions nationales existantes», instaurent un régime transitoire de reconnaissance mutuelle de certains titres limitativement énumérés. Aux termes de l'article 10, «[c]haque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres, visés à l'article 11, délivrés par les autres États membres aux ressortissants des États membres qui sont déjà en possession de ces qualifications à la date de la notification de la présente directive ou ayant commencé leurs études sanctionnées par ces diplômes, certificats et autres titres au plus tard au cours de la troisième année académique suivant ladite notification, même s'ils ne répondent pas aux exigences minimales des titres visés au chapitre II».

8 Parmi les titres bénéficiant de la reconnaissance automatique en vertu du second régime figure, à l'article 11, sous k), septième tiret, de la directive 85/384, «la licence en génie civil (licenciatura em engenharia civil) délivrée par la faculté du génie (de Engenharia) de l'université de Porto». Cette disposition a été insérée dans l'article 11 de la directive 85/384 par la directive 86/17.

9 L'article 12 de la directive 85/384 prévoit:

«Sans préjudice de l'article 10, chaque État membre reconnaît, en leur donnant en ce qui concerne l'accès aux activités visées à l'article 1er et l'exercice de celles-ci sous le titre professionnel d'architecte le même effet sur son territoire qu'aux diplômes, certificats et autres titres d'architecte qu'il délivre:

- les attestations qui sont délivrées aux ressortissants des États membres par les États membres connaissant au moment de la notification de la présente directive une réglementation de l'accès et de l'exercice des activités visées à l'article 1er sous le titre professionnel d'architecte et qui certifient que leur titulaire a reçu l'autorisation de porter le titre professionnel d'architecte avant la mise en application de la directive et s'est consacré effectivement dans le cadre de cette réglementation aux activités en question pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la délivrance des attestations,

- les attestations qui sont délivrées aux ressortissants des États membres par les États membres qui introduisent entre le moment de la notification et la mise en application de la directive une réglementation de l'accès et de l'exercice des activités visées à l'article 1er sous le titre professionnel d'architecte et qui certifient que son titulaire a reçu l'autorisation de porter le titre professionnel d'architecture au moment de la mise en application de la présente directive et s'est consacré effectivement dans le cadre de cette réglementation aux activités en cause pendant au moins trois années consécutives au cours des cinq années précédant la délivrance des attestations.»

10 Selon l'article 14 de la directive 85/384, «[s]ont reconnues, dans les conditions prévues à l'article 11, les attestations des autorités compétentes de la République fédérale d'Allemagne sanctionnant l'équivalence respective des titres de formation délivrés à partir du 8 mai 1945 par les autorités compétentes de la République démocratique allemande avec les titres figurant audit article.»

11 Les articles 17 à 26 de la directive 85/384 comportent diverses dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de la libre prestation des services par les titulaires de diplômes, certificats et autres titres dans le domaine de l'architecture.

12 Aux termes de l'article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384, «[l]a procédure d'admission du bénéficiaire à l'accès à une des activités visées à l'article 1er, conformément aux articles 17 et 18, doit être achevée dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du dossier complet de l'intéressé sans préjudice des délais pouvant résulter d'un éventuel recours à l'issue de cette procédure.»

13 L'article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 85/384 dispose:

«1. Lorsqu'un État membre exige de ses ressortissants pour l'accès à l'une des activités visées à l'article 1er ou pour son exercice, soit une autorisation, soit l'inscription ou l'affiliation à une organisation ou un organisme professionnel, cet État membre, en cas de prestation de services, dispense de cette exigence les ressortissants des autres États membres.

Le bénéficiaire exerce la prestation de services avec les mêmes droits et obligations que les ressortissants de l'État membre d'accueil; il est notamment soumis aux dispositions disciplinaires de caractère professionnel ou administratif applicables dans cet État membre.

À cette fin et en complément de la déclaration relative à la prestation de services visée au paragraphe 2, les États membres peuvent, en vue de permettre l'application des dispositions disciplinaires en vigueur sur leur territoire, prévoir une inscription temporaire intervenant automatiquement ou une adhésion pro forma à une organisation ou à un organisme professionnel ou une inscription sur un registre, à condition que cette inscription ne retarde ni ne complique en aucune manière la prestation de services et n'entraîne pas de frais supplémentaires pour le prestataire de services.

[...]

2. L'État membre d'accueil peut prescrire que le bénéficiaire fasse aux autorités compétentes une déclaration préalable relative à sa prestation de services au cas où l'exécution de cette prestation entraîne la réalisation d'un projet sur territoire.»

14 Conformément à l'article 27 de la directive 85/384, «[l]'État membre d'accueil peut, en cas de doute justifié, exiger des autorités compétentes d'un autre État membre une confirmation de l'authenticité des diplômes, certificats et autres titres délivrés dans cet autre État membre et visés aux chapitres II et III.»

15 L'article 31 de la directive 85/384 prévoit:

«1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour se conformer à la présente directive dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la date de sa notification et en informent immédiatement la Commission.

Toutefois, les États membres disposent d'un délai de trois ans à compter de la date de ladite notification pour se conformer à l'article 22.

2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.»

La réglementation nationale

16 À la suite de l'arrêt du 11 juillet 1991, Commission/Italie (C-296/90, Rec. p. I-3847), dans lequel la Cour a constaté que la République italienne n'avait pas pris les mesures nécessaires pour transposer dans son ordre juridique interne la directive 85/384, cet État membre a adopté les décrets nos 129/92 et 776/94.

La procédure précontentieuse

17 Considérant que la transposition de la directive 85/384 en droit italien restait pour partie incomplète et pour partie incorrecte, la Commission a engagé la procédure en manquement. Après avoir mis la République italienne en mesure de présenter ses observations, la Commission a, par lettre du 23 mars 1998, adressé un avis motivé à cet État membre, l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations résultant de ladite directive dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis. La République italienne n'ayant pas répondu à cet avis, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le grief de non-transposition de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, et des articles 11 et 14 de la directive 85/384

18 La Commission reproche au gouvernement italien de ne pas avoir transposé l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, l'article 11, sous k), septième tiret, et l'article 14 de la directive 85/384.

19 Le gouvernement italien réplique que ces dispositions étant claires, précises et inconditionnelles, elles sont directement applicables, même en l'absence de transposition par le législateur italien. Dès lors, leur effet direct exclurait toute violation de la directive 85/384 puisque l'objectif qu'elles poursuivent serait atteint.

20 À cet égard, il convient de relever que les mesures de transposition de la directive 85/384 prises par les autorités italiennes figurent dans les décrets nos 129/92 et 776/94.

21 Toutefois, ces décrets ne contiennent aucune disposition assurant la transposition de l'article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 85/384, visant à la reconnaissance automatique de la formation dispensée dans les Fachhochschulen en République fédérale d'Allemagne, ou celle des articles 4, paragraphe 2, et 14 de la même directive.

22 En outre, bien qu'une annexe du décret n_ 129/92 reprenne les titres cités à l'article 11 de la directive 85/384, elle ne mentionne pas la «licence en génie civil (licenciatura em engenharia civil) délivrée par la faculté du génie (de Engenharia) de l'université de Porto», visée au point k), septième tiret, de cet article. Aussi, la transposition de l'article 11 de ladite directive s'avère incomplète.

23 En ce qui concerne l'argument du gouvernement italien tiré de l'effet direct de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, et des articles 11, sous k), septième tiret, et 14 de la directive 85/384, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait invoquer l'effet direct d'une directive pour se dispenser de prendre, en temps utile, des mesures d'application adéquates à l'objet de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 1980, Commission/Belgique, 102/79, Rec. p. 1473, point 12, et du 20 mars 1997, Commission/Allemagne, C-96/95, Rec. p. I-1653, point 37).

24 Le grief de non-transposition de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, et des articles 11, sous k), septième tiret, et 14 de la directive 85/384 est donc fondé.

Sur le grief de transposition incomplète de l'article 7 de la directive 85/384

25 La Commission fait valoir que l'article 7 de la directive 85/384 n'a été que partiellement transposé par le gouvernement italien dans la mesure où l'annexe A du décret n_ 129/92 mentionne uniquement les diplômes énumérés à l'article 11 de ladite directive, sans faire référence aux communications de la Commission qui actualisent périodiquement la liste visée à cet article 7, et sans indiquer que les diplômes mentionnés dans ces communications doivent également faire l'objet d'une reconnaissance automatique.

26 Selon le gouvernement italien, il ne serait pas nécessaire d'énumérer expressément les titres devant être reconnus automatiquement en droit national. Il suffirait en effet de consulter les communications de la Commission.

27 À cet égard, il convient de relever que l'article 7 de la directive 85/384 n'oblige pas expressément les États membres à reprendre, dans une liste nationale des titres devant bénéficier de la reconnaissance automatique, les diplômes, certificats et autres titres figurant dans les listes publiées par la Commission en application du paragraphe 2 de cet article.

28 Toutefois, selon une jurisprudence constante, la transposition en droit interne d'une directive doit assurer effectivement sa pleine application d'une façon suffisamment claire et précise, afin que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s'en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales. Cette condition est particulièrement importante lorsque la directive vise à accorder des droits aux ressortissants d'autres États membres (voir arrêts du 23 mars 1995, Commission/Grèce, C-365/93, Rec. p. I-499, point 9, et Commission/Allemagne, précité, point 35).

29 Afin que soit assurée l'effectivité de la reconnaissance mutuelle des titres dans le domaine de l'architecture, il est essentiel que les ressortissants des États membres puissent identifier les titres qui doivent être reconnus automatiquement par l'État membre d'accueil.

30 Il y a lieu de constater que la réglementation italienne ne contient pas de dispositions indiquant de façon suffisante quels titres doivent être reconnus par les autorités italiennes. Plus particulièrement, l'annexe A du décret n_ 129/92 ne concerne que la reconnaissance à titre transitoire des diplômes, certificats et autres titres mentionnés à l'article 11 de la directive 85/384. En ce qui concerne l'article 2 du décret n_ 129/92, il prévoit simplement que sont reconnus les titres qui répondent aux exigences de l'article 3 de ladite directive. L'article 5, paragraphe 1, sous a), du même décret autorise, quant à lui, l'intéressé à s'établir lorsqu'il est en possession d'un titre reconnu. Enfin, l'article 9, paragraphe 1, sous a), dudit décret comporte une disposition similaire relative à l'exercice de la libre prestation des services.

31 En conséquence, le grief de transposition incomplète de l'article 7 de la directive 85/384 est également fondé.

Sur le grief concernant l'obligation de produire le titre original ou une copie certifiée conforme

32 L'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92 dispose que les architectes voulant obtenir la reconnaissance en Italie de leur titre délivré dans un autre État membre sont tenus de présenter leur diplôme original ou une copie certifiée conforme.

33 La Commission fait valoir que cette exigence devrait être réservée aux cas où un doute existe quant à l'authenticité des titres. Elle se réfère à cet égard à l'article 27 de la directive 85/384, qui dispose que «[l]'État membre d'accueil peut, en cas de doute justifié, exiger des autorités compétentes d'un autre État membre une confirmation de l'authenticité des diplômes, certificats et autres titres délivrés dans cet autre État membre». Selon la Commission, cette disposition doit être interprétée en ce sens que, en l'absence d'un doute justifié, l'authenticité d'un titre n'a pas à être prouvée.

34 La Commission considère que l'obligation de produire le diplôme original ou une copie certifiée conforme entraîne des frais supplémentaires pour les architectes demandeurs, créant ainsi un obstacle à la libre prestation des services et à la liberté d'établissement. L'objectif poursuivi par les autorités italiennes pourrait être atteint par des mesures moins restrictives telles que l'obligation de fournir une simple attestation ou une photocopie du diplôme.

35 Le gouvernement italien soutient que les obstacles résultant, selon la Commission, de l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92 ne sont ni injustifiés ni disproportionnés. L'article 27 de la directive 85/384 ne limiterait pas la possibilité qu'a un État membre d'accueil d'imposer la présentation des diplômes originaux ou de copies certifiées conformes. Cet article régirait une situation différente, à savoir la confirmation de l'authenticité de ces documents en cas de doute.

36 Il convient de relever que l'obligation pour le demandeur de joindre le diplôme original ou une copie certifiée conforme à sa demande de reconnaissance de titre, prévue à l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92, ne relève pas de l'article 27 de la directive 85/384. La disposition italienne régit en effet le contenu de toute demande de reconnaissance faite par un intéressé, tandis que l'article 27 de la directive se rapporte à des situations dans lesquelles existe un doute justifié quant à l'authenticité des diplômes, certificats et autres titres présentés à l'appui d'une telle demande.

37 En revanche, l'obligation découlant de l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92 constitue une entrave à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, consacrées par les articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 59 du traité, en ce qu'elle entraîne des obstacles supplémentaires pour tous les architectes demandeurs, compte tenu des risques de perte du diplôme original ou du retard éventuellement pris par l'État membre d'origine pour délivrer ledit diplôme ainsi que des démarches et frais additionnels découlant des procédures de certification des copies conformes des titres originaux.

38 En ce qui concerne la question de savoir si cette entrave est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, il convient de souligner que le fait que l'activité d'architecte ne soit exercée que par ceux qui ont acquis certaines qualifications sanctionnées par un titre reconnu relève de l'intérêt général. Les États membres sont par conséquent en droit d'exiger la preuve de l'existence d'un tel titre.

39 Cependant, en spécifiant que la seule preuve acceptable est l'original du diplôme ou sa copie certifiée conforme, l'exigence figurant à l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92 apparaît disproportionnée à l'objectif poursuivi en ce qu'elle exclut toute autre forme de preuve permettant d'établir avec le même degré de certitude l'existence du titre en question, telle que la présentation d'une attestation ou d'une reconnaissance du diplôme du demandeur par les autorités ou organisations professionnelles de l'État membre d'origine.

40 Il s'ensuit que l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92 est incompatible avec les articles 52 et 59 du traité et que le grief de la Commission doit être accueilli.

Sur le grief concernant l'obligation de fournir une traduction officielle de tous les documents et celui concernant l'obligation de fournir un certificat de nationalité

41 L'article 4, paragraphe 2, sous c), du décret n_ 129/92 et l'article 4, paragraphe 1, sous c), du décret n_ 776/94 prévoient que la demande de reconnaissance d'un titre doit être accompagnée d'un certificat de nationalité. L'article 4, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et l'article 10 du décret n_ 776/94 disposent que tous les documents qui n'ont pas été rédigés en italien doivent être assortis d'une traduction en langue italienne. Ces traductions doivent être certifiées conformes à l'original par les autorités diplomatiques ou consulaires italiennes sises dans l'État membre dans lequel les documents ont été rédigés, ou par un traducteur agréé.

42 La Commission fait valoir que ces obligations sont disproportionnées et donc incompatibles avec l'article 52 du traité. En ce qui concerne l'obligation de présenter un certificat de nationalité, elle soutient que la présentation d'une copie du passeport est suffisante pour attester de quel État membre le demandeur est ressortissant.

43 Quant à l'obligation de fournir des traductions certifiées conformes aux documents originaux, selon la Commission, elle allongerait la durée de la procédure et augmenterait les frais, alors qu'une simple traduction serait suffisante.

44 Le gouvernement italien admet que, dans les faits, ces obligations ne sont pas normalement exigées. Les autorités compétentes auraient pour pratique administrative constante de considérer que, à la place du certificat de nationalité, des copies de documents personnels valides suffisent aux fins de la reconnaissance. Par ailleurs, la demande de traductions se serait considérablement réduite dans la mesure où des documents ayant un contenu identique ont déjà pu être produits dans le cadre de procédures antérieures de reconnaissance de diplômes concernant des demandes analogues.

45 À cet égard, il ressort des propres déclarations du gouvernement italien que l'obligation de présenter un certificat de nationalité et celle de fournir des traductions certifiées conformes de tous les documents relatifs à la demande de reconnaissance ne sauraient être qualifiées de nécessaires ni être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général.

46 Les articles 4, paragraphe 2, sous c), du décret n_ 129/92 et 4, paragraphe 1, sous c), du décret n_ 776/94, d'une part, et les articles 4, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et 10 du décret n_ 776/94, d'autre part, apparaissent donc incompatibles avec l'article 52 du traité.

Sur le grief concernant les droits acquis

47 L'article 12 de la directive 85/384 prévoit une exception aux exigences minimales de formation fixées aux articles 3 et 4 de la même directive. Chaque État membre doit ainsi reconnaître le titre d'architecte aux personnes qui se sont vues délivrer par un autre État membre une attestation certifiant que, au moment de la mise en application de la directive 85/384, elles étaient en droit de porter ce titre dans cet autre État membre, quand bien même ces personnes ne répondraient pas auxdites exigences minimales.

48 L'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92 reconnaît le titre d'architecte aux personnes qui, avant l'entrée en vigueur du décret, c'est-à-dire avant le 19 février 1992, étaient autorisées à le porter dans un autre État membre.

49 La Commission fait valoir que la date limite de validité des attestations pouvant être accordées dans le cadre de l'article 12 de la directive 85/384 correspond à celle de l'obligation de transposition de ladite directive, à savoir le 5 août 1987.

50 Le gouvernement italien soutient que la prolongation de cette date limite jusqu'en février 1992 par l'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92 résulte de la transposition tardive de la directive 85/384. Son intention aurait été d'accorder aux intéressés un délai transitoire correspondant à celui qui aurait été fixé si la directive avait était transposée en temps utile.

51 À cet égard, la «mise en application de la directive» visée à l'article 12 de la directive 85/384 doit être interprétée comme se référant à la date à laquelle cette directive devait être au plus tard transposée. Conformément à son article 31, paragraphe 1, ladite directive devait être transposée dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la date de sa notification, soit le 5 août 1987 au plus tard.

52 Il s'ensuit qu'un État membre qui a transposé la directive 85/384 avec retard ne peut pas prolonger la période transitoire prévue à l'article 12 de cette directive.

53 Il y a donc lieu de constater que l'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92 est contraire à l'article 12 de la directive 85/384.

Sur le grief concernant l'interdiction de disposer d'une infrastructure permanente

54 Selon la Commission, l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92, qui interdit aux architectes établis dans d'autres États membres et souhaitant fournir des prestations de services en Italie d'y disposer d'une infrastructure permanente, est contraire à l'article 59 du traité.

55 Le gouvernement italien réplique que cette interdiction vise à souligner le caractère temporaire de la prestation de services. Il soutient que l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92 n'exclut pas qu'un prestataire de services puisse bénéficier d'un appui stable pour fournir les prestations en question à condition que cette structure ne se transforme pas en «siège principal ou secondaire d'un cabinet professionnel».

56 À cet égard, il convient de rappeler que le caractère temporaire d'une prestation de services n'exclut pas la possibilité pour le prestataire de services, au sens du traité, de se doter, dans l'État membre d'accueil, d'une certaine infrastructure (y compris un bureau, un cabinet, ou une étude) dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en cause (arrêts du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 27, et du 7 mars 2002, Commission/Italie, C-145/99, non encore publié au Recueil, points 22 et 23).

57 Il s'ensuit que l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92 est incompatible avec l'article 59 du traité dans la mesure où l'interdiction générale qu'il prévoit fait obstacle à ce qu'un prestataire de services établi dans un autre État membre se dote en Italie d'une infrastructure nécessaire aux fins de la prestation en cause.

Sur le grief concernant la nécessité de s'inscrire au registre de l'ordre des architectes

58 L'article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 prévoit que, même pour la fourniture de prestations de services, les architectes doivent être inscrits dans les registres tenus par les conseils provinciaux et le conseil national de l'ordre des architectes. Cette inscription se fait aux frais de l'ordre des architectes.

59 La procédure d'inscription est définie aux articles 7 et 8 du décret n_ 776/94. À la demande de la Cour, le gouvernement italien a apporté des éclaircissements sur le déroulement de cette procédure. Pour la première prestation, la demande d'inscription doit être accompagnée de preuves quant à la capacité du demandeur à exercer la profession d'architecte et quant à l'exercice effectif de celle-ci par le demandeur dans son État membre d'origine, ainsi que d'une déclaration relative à la nature et à la durée probable de la prestation de services et de l'indication d'un éventuel siège temporaire. Le conseil saisi de la demande doit statuer dans un délai de 30 jours. Pour les prestations ultérieures, l'autorisation est automatique sur présentation de la déclaration préalable. L'inscription au registre d'un ordre provincial n'entraîne pas l'autorisation de fournir des services dans une autre province. La prestation de services ne peut être fournie qu'après la décision du conseil autorisant l'inscription.

60 La Commission soutient que l'obligation d'inscription est incompatible avec les articles 22 de la directive 85/384 et 59 du traité.

61 Le gouvernement italien considère que l'article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 est conforme à l'article 22, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 85/384 dans la mesure où cette dernière disposition autorise, selon lui, les États membres à prévoir une inscription temporaire et automatique sur simple demande faite par l'architecte. En outre, ce gouvernement souligne que l'inscription prévue à l'article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 n'entraîne pas de frais supplémentaires pour le prestataire de services, les charges étant supportées par l'ordre des architectes.

62 Il y a lieu de relever que, selon l'article 22, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 85/384, l'État membre d'accueil peut prévoir une inscription temporaire intervenant automatiquement sur un registre à condition que cette inscription ne retarde ni ne complique en aucune manière la prestation de services.

63 Or, l'inscription prévue par la réglementation italienne retarde la prestation de services. Il ressort en effet des informations fournies par le gouvernement italien que l'inscription au registre intervient dans un délai de 30 jours à compter du dépôt de la demande et que la première prestation ne peut être fournie qu'après l'inscription effective.

64 Il s'ensuit que l'obligation d'inscription contenue à l'article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 retarde la première prestation de services d'un architecte et qu'elle est donc incompatible avec l'article 22 de la directive 85/384. De plus, l'obligation d'inscription au registre de chaque ordre provincial dans le ressort duquel une prestation doit être fournie complique davantage encore cette prestation.

65 Ce grief apparaît donc également fondé.

Sur le grief concernant la non-reconnaissance des titres dans les délais

66 En application de l'article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384, la procédure de reconnaissance du titre d'un architecte d'un autre État membre doit être achevée dans les plus brefs délais et au plus tard trois mois après la présentation du dossier complet de l'intéressé.

67 La Commission fait valoir que la procédure prévue à l'article 4, paragraphes 6 à 8, du décret n_ 129/92 ne permet pas aux autorités italiennes de respecter le délai de trois mois susmentionné. Elle signale avoir reçu des plaintes à ce propos et cite, à titre d'exemple, le cas d'un architecte autrichien attendant depuis le 17 mars 1994 une décision des autorités italiennes sur sa demande.

68 Le gouvernement italien affirme que la plupart des demandes sont traitées dans le délai prévu. Le dépassement du délai dans certains cas serait justifié par les exceptions prévues par la directive 85/384. D'éventuels dépassements de délai ne seraient pas imputables aux autorités italiennes mais plutôt au fait que les personnes sollicitant la reconnaissance de leurs titres n'avaient pas présenté un dossier complet. Cela vaudrait en particulier pour l'architecte autrichien dont la situation est évoquée par la Commission.

69 Il convient d'observer que la Commission n'a pas été en mesure de contredire l'explication donnée par le gouvernement italien au sujet du cas de l'architecte autrichien. Or, selon l'article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384, si la demande est incomplète, le délai fixé pour la reconnaissance ne commence pas à courir.

70 La Commission n'ayant pas concrètement démontré la violation de l'article 20, paragraphe 1, de la directive 85/384, ce grief doit être rejeté.

71 Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que:

- en n'adoptant pas toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, de l'article 11, sous k), septième tiret, ainsi que de l'article 14 de la directive 85/384,

- en n'adoptant pas toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre la reconnaissance automatique de diplômes, certificats et autres titres conformément aux articles 2, 3, 7, 8 et 9 de la directive 85/384,

- en adoptant l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret n_ 129/92, qui, en violation des articles 52 et 59 du traité, exige de façon générale que la demande de reconnaissance d'un titre soit accompagnée du diplôme original ou d'une copie certifiée conforme de ce diplôme,

- en adoptant l'article 4, paragraphe 2, sous c), du décret n_ 129/92 et l'article 4, paragraphe 1, sous c), du décret n_ 776/94, qui, en violation de l'article 52 du traité, exigent de façon générale que la demande de reconnaissance d'un titre soit accompagnée d'un certificat de nationalité,

- en adoptant l'article 4, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et l'article 10 du décret n_ 776/94, qui, en violation de l'article 52 du traité, exigent dans tous les cas la traduction officielle de l'ensemble des documents joints à une demande de reconnaissance d'un titre,

- en adoptant l'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92, qui, en violation de l'article 12 de la directive 85/384, prévoit la reconnaissance de titres obtenus après le 5 août 1987,

- en maintenant l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92, qui, en violation de l'article 59 du traité, interdit de façon générale aux architectes établis dans d'autres États membres qui souhaitent fournir des prestations de services en Italie de créer sur le territoire italien un siège principal ou secondaire,

- en obligeant, par l'article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et les articles 7 et 8 du décret n_ 776/94, les architectes établis dans d'autres États membres qui souhaitent fournir des prestations de services en Italie à s'inscrire auprès du conseil provincial territorialement compétent de l'ordre des architectes et en retardant, par cette formalité, en violation de l'article 22 de la directive 85/384, la fourniture par ces architectes de leur première prestation de services en Italie,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12, 22, 27 et 31 de la directive 85/384 et, pour ce qui concerne l'interdiction prévue à l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92, de l'article 59 du traité.

72 Il y a lieu de rejeter le recours pour le surplus.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

73 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu en ce sens et la République italienne ayant succombé en ses moyens sur sept des huit griefs soulevés par la Commission, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

74 - en n'adoptant pas toutes les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 4, paragraphes 1, deuxième alinéa, et 2, de l'article 11, sous k), septième tiret, ainsi que de l'article 14 de la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l'architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation des services, telle que modifiée par la directive 86/17/CEE du Conseil, du 27 janvier 1986, modifiant, en raison de l'adhésion du Portugal, la directive 85/384,

- en n'adoptant pas toutes les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre la reconnaissance automatique de diplômes, certificats et autres titres conformément aux articles 2, 3, 7, 8 et 9 de la directive 85/384,

- en adoptant l'article 4, paragraphe 2, sous a), du décret législatif du président de la République n_ 129, du 27 janvier 1992, qui, en violation des articles 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE et 49 CE), exige de façon générale que la demande de reconnaissance d'un titre soit accompagnée du diplôme original ou d'une copie certifiée conforme de ce diplôme,

- en adoptant l'article 4, paragraphe 2, sous c), du décret n_ 129/92 et l'article 4, paragraphe 1, sous c), du décret du ministre des Universités et de la Recherche scientifique et technologique n_ 776, du 10 juin 1994, qui, en violation de l'article 52 du traité, exigent de façon générale que la demande de reconnaissance d'un titre soit accompagnée d'un certificat de nationalité,

- en adoptant l'article 4, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et l'article 10 du décret n_ 776/94, qui, en violation de l'article 52 du traité, exigent dans tous les cas la traduction officielle de l'ensemble des documents joints à une demande de reconnaissance d'un titre,

- en adoptant l'article 11, paragraphe 1, sous c) et d), du décret n_ 129/92, qui, en violation de l'article 12 de la directive 85/384, prévoit la reconnaissance de titres obtenus après le 5 août 1987,

- en maintenant l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92, qui, en violation de l'article 59 du traité, interdit de façon générale aux architectes établis dans d'autres États membres qui souhaitent fournir des prestations de services en Italie de créer sur le territoire italien un siège principal ou secondaire,

- en obligeant, par l'article 9, paragraphe 3, du décret n_ 129/92 et les articles 7 et 8 du décret n_ 776/94, les architectes établis dans d'autres États membres qui souhaitent fournir des prestations de services en Italie à s'inscrire auprès du conseil provincial territorialement compétent de l'ordre des architectes et en retardant, par cette formalité, en violation de l'article 22 de la directive 85/384, la fourniture par ces architectes de leur première prestation de services en Italie,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12, 22, 27 et 31 de la directive 85/384 et, pour ce qui concerne l'interdiction prévue à l'article 9, paragraphe 1, du décret n_ 129/92, de l'article 59 du traité.

75 Le recours est rejeté pour le surplus.

76 La République italienne est condamnée aux dépens.