Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 8 novembre 2001. - Silos e Mangimi Martini SpA contre Ministero delle Finanze. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile e penale di Cagliari - Italie. - Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l'exportation - Suppression - Interprétation et validité des règlements (CE) nº 1521/95 et 1576/95 - Défaut de motivation. - Affaire C-228/99.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-08401
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l'exportation - Réglementation applicable à une demande en l'absence de demande de fixation à l'avance - Règlement publié le jour de l'acceptation de la déclaration d'exportation par le service des douanes compétent
(Règlement du Conseil n° 1766/92, art. 13, § 3; règlements de la Commission n° 3665/87, art. 3, § 1 et 2, et n° 1521/95)
2. Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l'exportation - Fixation des montants - Premier règlement suivi par un autre ayant un contenu identique et ne comportant aucune référence au premier - Révocation du premier règlement par le second - Absence
(Règlements de la Commission n° s 1521/95 et 1576/95)
3. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Règlement fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux
(Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE); règlement de la Commission n° 1521/95)
4. Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l'exportation - Règlement fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux - Invalidité - Conséquences
(Règlements de la Commission n° s 1415/95 et 1521/95)
1. Il résulte de la lecture combinée des articles 13, paragraphe 3, du règlement n° 1766/92, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, et 3, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 3665/87, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, que, lorsqu'il n'y a pas eu de demande de fixation à l'avance de la restitution, le fait générateur à prendre en considération pour déterminer la réglementation et, par conséquent, le montant de la restitution applicables est l'acceptation, par le service des douanes compétent, de la déclaration d'exportation dans laquelle il est indiqué qu'une restitution sera demandée. Il s'ensuit que, en l'absence de demande de fixation à l'avance, la réglementation applicable à une demande de restitution à l'exportation est celle qui est en vigueur à la date de l'acceptation de la déclaration d'exportation contenant cette demande.
Dans ces conditions, le règlement n° 1521/95, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux, était applicable aux opérations d'exportation pour lesquelles les services des douanes compétents ont accepté, le jour de sa publication, la déclaration d'exportation indiquant qu'une restitution à l'exportation allait être demandée et pour lesquelles aucune fixation à l'avance de la restitution à l'exportation n'avait été demandée.
( voir points 14, 17, disp. 1 )
2. S'agissant de la fixation des restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux, le règlement n° 1576/95 n'a pas révoqué le règlement n° 1521/95 et n'a donc eu aucune influence sur l'applicabilité de ce dernier à la date du 30 juin 1995. En effet, le fait qu'un premier règlement soit suivi par un autre règlement ayant un contenu identique et ne comportant aucune référence au premier ne permet pas de conclure que le second règlement a révoqué le premier. La révocation d'un acte réglementaire est une mesure exceptionnelle ayant des effets rétroactifs et elle ne peut dès lors être qu'explicite.
( voir points 18-19, 21, disp. 2 )
3. La motivation exigée par l'article 190 du traité (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l'acte concerné. Elle doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle. De plus, on ne saurait exiger que la motivation d'un acte spécifie les différents éléments de fait et de droit qui en font l'objet, dès lors que cet acte entre dans le cadre systématique de l'ensemble dont il fait partie. Toutefois, il est également admis que, si la décision se plaçant dans la ligne d'une pratique décisionnelle constante peut être motivée d'une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, il incombe à l'autorité communautaire de développer son raisonnement de manière explicite lorsque la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes.
Ne répond pas à cette obligation et est, dès lors, invalide le règlement n° 1521/95, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux. La simple référence aux possibilités et aux conditions de vente sur le marché mondial, à la nécessité d'éviter des perturbations sur le marché communautaire et à l'aspect économique des exportations ne saurait constituer une motivation suffisante pour un règlement qui, comme ledit règlement, rompt avec la pratique habituelle de la Commission consistant à fixer le montant des restitutions en fonction de la différence entre les prix des produits concernés sur le marché communautaire, d'une part, et sur le marché mondial, d'autre part.
( voir points 27-28, 30, disp. 3 )
4. S'agissant de la fixation des restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux, l'invalidité du règlement n° 1521/95 a pour effet que les restitutions à l'exportation d'aliments à base de céréales pour les animaux, dont la demande a été annoncée dans les déclarations d'exportation acceptées par les services des douanes compétents le seul jour où ledit règlement a été applicable, à savoir le 30 juin 1995, et pour lesquelles aucune fixation à l'avance n'avait été demandée, doivent être calculées conformément au règlement n° 1415/95.
( voir point 39, disp. 4 )
Dans l'affaire C-228/99,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Tribunale civile e penale di Cagliari (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Silos e Mangimi Martini SpA
et
Ministero delle Finanze,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation et la validité des règlements (CE) nos 1521/95 de la Commission, du 29 juin 1995, et 1576/95 de la Commission, du 30 juin 1995, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux (JO L 147, p. 65, et JO L 150, p. 64),
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme N. Colneric, président de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur) et V. Skouris, juges,
avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Silos e Mangimi Martini SpA, par Me F. Capelli, avvocato,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. F. Ruggeri Laderchi, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Silos e Mangimi Martini SpA, représentée par Me F. Capelli, et de la Commission, représentée par M. L. Visaggio, en qualité d'agent, à l'audience du 31 janvier 2001,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 avril 2001,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 21 mai 1999, parvenue à la Cour le 14 juin suivant, le Tribunale civile e penale di Cagliari a posé, en vertu de l'article 234 CE, cinq questions préjudicielles sur l'interprétation et la validité des règlements (CE) nos 1521/95 de la Commission, du 29 juin 1995, et 1576/95 de la Commission, du 30 juin 1995, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux (JO L 147, p. 65, et JO L 150, p. 64).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Silos e Mangimi Martini SpA (ci-après «Silos») au Ministero delle Finanze (ministère des Finances) au sujet du paiement de restitutions à l'exportation pour aliments composés à base de céréales pour les animaux.
Le cadre juridique
3 L'article 9, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1766/92 du Conseil, du 30 juin 1992, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO L 181, p. 21), tel que modifié par l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après le «règlement n° 1766/92»), dispose:
«Toute importation dans la Communauté ou exportation hors de celle-ci des produits visés à l'article 1er est soumise à la présentation d'un certificat d'importation ou d'exportation, délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande, quel que soit le lieu de son établissement dans la Communauté. Lorsque le prélèvement ou la restitution est fixé à l'avance, la fixation à l'avance est portée sur le certificat qui sert de justification à celle-ci.
Le certificat d'importation ou d'exportation est valable dans toute la Communauté. La délivrance de ces certificats est subordonnée à la constitution d'une caution qui garantit l'engagement d'importer ou d'exporter pendant la durée de validité du certificat et qui reste acquise en tout ou en partie si l'opération n'est pas réalisée dans ce délai ou n'est réalisée que partiellement.»
4 Aux termes de l'article 13 du même règlement:
«1. Dans la mesure nécessaire pour permettre l'exportation, en l'état ou sous forme de marchandises reprises à l'annexe B, des produits visés à l'article 1er sur la base des cours ou des prix de ces produits sur le marché mondial, la différence entre ces cours ou prix et les prix dans la Communauté peut être couverte par une restitution à l'exportation.
2. La restitution est la même pour toute la Communauté. Elle peut être différenciée selon les destinations.
La restitution fixée est accordée sur demande de l'intéressé.
La fixation des restitutions a lieu périodiquement selon la procédure prévue à l'article 23.
En cas de nécessité, la Commission, sur demande d'un État membre ou de sa propre initiative, peut modifier les restitutions dans l'intervalle.
3. Le montant de la restitution applicable lors de l'exportation des produits visés à l'article 1er ainsi que des marchandises reprises à l'annexe B est celui qui est valable le jour de l'exportation.
4. Toutefois, en ce qui concerne les exportations des produits visés à l'article 1er paragraphe 1 points a) et b), la restitution applicable le jour du dépôt de la demande de certificat, ajustée en fonction du prix de seuil qui sera en vigueur pendant le mois de l'exportation est appliquée, sur demande de l'intéressé déposée en même temps que la demande de certificat à une exportation à réaliser pendant la durée de validité de ce certificat.
Un correctif peut être fixé. Il s'applique à la restitution en cas de fixation à l'avance de celle-ci. Ce correctif est fixé selon la procédure définie à l'article 23. Toutefois, en cas de nécessité, la Commission peut modifier les correctifs.
[...]
7. Lorsque l'examen de la situation du marché permet de constater l'existence de difficultés dues à l'application des dispositions relatives à la fixation à l'avance de la restitution, ou si de telles difficultés risquent de se produire, il peut être décidé, selon la procédure prévue à l'article 23, de suspendre l'application de ces dispositions pour le délai strictement nécessaire.
En cas d'extrême urgence, la Commission peut, après un examen de la situation sur la base de tous les éléments d'information dont elle dispose, décider de suspendre la préfixation pendant au maximum trois jours ouvrables.
Les demandes de certificat assorties de demandes de fixation à l'avance introduites pendant la période de suspension sont irrecevables.»
5 L'article 23 du règlement n° 1766/92 prévoit:
«1. Dans les cas où il est fait référence à la procédure définie au présent article, le comité est saisi par son président, soit à l'initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d'un État membre.
2. Le représentant de la Commission soumet au comité un projet de mesure à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 148 paragraphe 2 du traité pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants des États membres sont affectées de la pondération définie à l'article précité. Le président ne prend pas part au vote.
3. La Commission arrête des mesures qui sont immédiatement applicables. Toutefois, si elles ne sont pas conformes à l'avis émis par le comité, ces mesures sont aussitôt communiquées par la Commission au Conseil. Dans ce cas, la Commission peut différer d'un mois au plus à compter de cette communication l'application des mesures décidées par elle.
Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut prendre une décision différente dans le délai d'un mois.»
6 L'article 1er du règlement (CEE) n° 1913/69 de la Commission, du 29 septembre 1969, relatif à l'octroi et à la préfixation de la restitution à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux (JO L 246, p. 11), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1707/94 de la Commission, du 13 juillet 1994 (JO L 180, p. 19), est libellé comme suit:
«Au cours d'un mois donné, la restitution qui peut être accordée à l'exportation des aliments composés à base de céréales est fixée par tonne de céréales contenues dans les aliments composés, compte tenu des critères suivants:
a) moyenne des restitutions accordées le mois précédent pour les céréales de base les plus communément utilisées, ajustée en fonction du prix de seuil de ces céréales en vigueur le mois en cours;
b) moyenne des prélèvements, pour les céréales de base les plus communément utilisées, calculée pour les vingt-cinq premiers jours du mois précédent et ajustée en fonction du prix de seuil correspondant en vigueur le mois en cours;
c) possibilités et conditions de vente des produits en cause sur le marché mondial;
d) nécessité d'éviter des perturbations sur le marché de la Communauté;
e) aspect économique des exportations.»
7 Aux termes de l'article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1):
«1. Par jour d'exportation, on entend la date à laquelle le service des douanes accepte la déclaration d'exportation dans laquelle il est indiqué qu'une restitution sera demandée.
2. La date d'acceptation de la déclaration d'exportation détermine:
a) le taux de la restitution applicable s'il n'y a pas eu fixation à l'avance de la restitution;
b) les ajustements à opérer, le cas échéant, aux taux de la restitution s'il y a eu fixation à l'avance de la restitution.»
8 La Commission fixe régulièrement les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux. Ainsi, le règlement (CE) n° 1415/95 de la Commission, du 22 juin 1995 (JO L 140, p. 24), qui est entré en vigueur le 23 juin 1995, a fixé le montant des restitutions pour le maïs et les produits à base de maïs à 74,93 écus par tonne. Les règlements nos 1521/95 et 1576/95, qui sont respectivement entrés en vigueur les 30 juin et 1er juillet 1995, n'ont pas fixé de montant pour ces restitutions et les ont donc, en pratique, supprimées. Le règlement (CE) n° 1652/95 de la Commission, du 6 juillet 1995 (JO L 156, p. 38), qui est entré en vigueur le 7 juillet 1995, a rétabli ledites restitutions et a fixé leur montant à 62,51 écus par tonne.
Le litige au principal
9 Silos est une société italienne qui produit et exporte des aliments finis et semi-finis pour animaux. En mai 1995, elle a obtenu deux certificats d'exportation portant chacun sur 3 000 tonnes d'aliments à base de céréales pour les animaux et valables jusqu'au 30 juin 1995. Les marchandises visées par ces deux certificats ont été exportées en plusieurs fois, les derniers envois ayant été effectués le 30 juin 1995. Les déclarations douanières relatives à ces dernières exportations ont été acceptées par les autorités douanières compétentes le 30 juin 1995.
10 Silos a demandé le versement de restitutions à l'exportation d'un montant de 383 616 074 ITL à l'administration italienne, qui a refusé de donner suite à cette demande au motif que le règlement n° 1521/95 avait fixé à 0 écu par tonne le montant des restitutions pour les exportations effectuées le 30 juin 1995. Silos a assigné le Ministero delle Finanze afin d'obtenir la condamnation de celui-ci au paiement du montant réclamé. Dans le cadre de son recours, Silos a demandé à la juridiction de renvoi de poser plusieurs questions préjudicielles concernant l'interprétation et la validité des règlements nos 1521/95 et 1576/95. Silos a plus particulièrement fait valoir que le règlement n° 1521/95 était invalide pour défaut de motivation, que le règlement n° 1576/95 avait révoqué implicitement le règlement n° 1521/95 et rendu de la sorte le règlement n° 1415/95 applicable au 30 juin 1995, que le règlement n° 1576/95 était invalide pour défaut de motivation et que le règlement n° 1521/95 n'était pas applicable aux opérations d'exportation pour lesquelles les certificats d'exportation avaient été obtenus avant le 30 juin 1995.
11 Devant la juridiction de renvoi, le Ministero delle Finanze a fait valoir que Silos aurait dû introduire un recours en annulation à l'encontre des règlements nos 1521/95 et 1576/95 sur le fondement de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) et que, en l'absence d'un tel recours, toute demande de la part de Silos tendant à obtenir un renvoi à titre préjudiciel devant la Cour était irrecevable.
12 S'interrogeant sur l'interprétation et la validité des règlements nos 1521/95 et 1576/95, le Tribunale civile e penale di Cagliari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Le règlement (CE) n° 1576/95 de la Commission, du 30 juin 1995, annule-t-il le règlement (CE) n° 1521/95 de la Commission, du 29 juin 1995, et ce dernier règlement doit-il par conséquent être considéré comme dépourvu de tout effet juridique à la date du 30 juin 1995?
2) Le règlement (CE) n° 1521/95 de la Commission, du 29 juin 1995, doit-il être interprété en ce sens qu'il peut être appliqué également à des opérations d'exportation déjà en cours et déjà réalisées le même jour où ledit règlement a été, du fait de sa publication, mis à la disposition des opérateurs intéressés?
3) Le règlement (CE) n° 1521/95 de la Commission, du 29 juin 1995, doit-il être considéré comme invalide et, partant, comme dépourvu de tout effet juridique pour défaut de motivation?
4) Le règlement (CE) n° 1576/95 de la Commission, du 30 juin 1995, doit-il lui aussi être considéré comme invalide et, partant, comme dépourvu de tout effet juridique pour défaut de motivation?
5) Du fait de l'invalidité des règlements précités, ou en raison de l'annulation mentionnée dans la première question, les opérations d'exportation qui ont eu lieu le 30 juin 1995 relèvent-elles du champ d'application du règlement (CE) n° 1415/95 de la Commission, du 22 juin 1995?»
Sur la deuxième question
13 Par sa deuxième question, qu'il convient d'examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande en substance si le règlement n° 1521/95 était applicable aux opérations d'exportation en cours ou achevées à la date de sa publication et pour lesquelles aucune fixation à l'avance de la restitution à l'exportation n'avait été demandée.
14 À cet égard, il convient de relever qu'il résulte de la lecture combinée des articles 13, paragraphe 3, du règlement n° 1766/92 et 3, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 3665/87 que, lorsqu'il n'y a pas eu de demande de fixation à l'avance de la restitution, le fait générateur à prendre en considération pour déterminer la réglementation et, par conséquent, le montant de la restitution applicables est l'acceptation, par le service des douanes compétent, de la déclaration d'exportation dans laquelle il est indiqué qu'une restitution sera demandée. Il s'ensuit que, en l'absence de demande de fixation à l'avance, la réglementation applicable à une demande de restitution à l'exportation est celle qui est en vigueur à la date de l'acceptation de la déclaration d'exportation contenant cette demande.
15 En vertu de la jurisprudence de la Cour, un règlement peut valablement entrer en vigueur à la date de sa publication (voir, notamment, arrêt du 14 mars 1973, Westzucker, 57/72, Rec. p. 321, point 19). La Cour a également jugé qu'un règlement doit, sauf preuve contraire, être considéré comme publié, dans l'ensemble de la Communauté, à la date que porte le numéro du Journal officiel des Communautés européennes contenant le texte de ce règlement (voir arrêt du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 17). La Cour a précisé à ce propos que, dans l'éventualité où la preuve serait rapportée de ce que cette date ne correspond pas à la date à laquelle ledit numéro est devenu effectivement disponible, dans la version linguistique correspondant à la langue de l'intéressé, à l'Office des publications officielles des Communautés européennes, installé à Luxembourg, il faudrait tenir compte de la seconde date (voir arrêts Racke, précité, point 15, et du 26 novembre 1998, Covita, C-370/96, Rec. p. I-7711, point 27).
16 Étant donné que, en l'occurrence, le règlement n° 1521/95 devait, en application de son article 2, entrer en vigueur le 30 juin 1995 et qu'il n'est pas allégué que le Journal officiel des Communautés européennes daté du 30 juin 1995 contenant le texte de ce règlement n'était pas effectivement disponible à cette date dans sa version italienne à l'Office des publications, il convient de considérer que le règlement n° 1521/95 a été publié et est entré en vigueur à cette date.
17 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la deuxième question que le règlement n° 1521/95 était applicable aux opérations d'exportation pour lesquelles les services des douanes compétents ont accepté, le jour de sa publication, la déclaration d'exportation indiquant qu'une restitution à l'exportation allait être demandée et pour lesquelles aucune fixation à l'avance de la restitution à l'exportation n'avait été demandée.
Sur la première question
18 S'agissant de la première question, il suffit de constater que, contrairement à ce que soutient Silos, le fait qu'un premier règlement soit suivi par un autre règlement ayant un contenu identique et ne comportant aucune référence au premier ne permet pas de conclure que le second règlement a révoqué le premier.
19 En effet, ainsi que l'a fait remarquer la Commission, la révocation d'un acte réglementaire est une mesure exceptionnelle ayant des effets rétroactifs et elle ne peut dès lors être qu'explicite.
20 Or, en l'occurrence, force est de constater que ni le préambule ni le dispositif du règlement n° 1576/95 ne contiennent un quelconque indice relatif à une éventuelle application rétroactive de celui-ci ou une référence expresse au règlement n° 1521/95, prétendument abrogé. Il s'ensuit que le règlement n° 1576/95, entré en vigueur le 1er juillet 1995, n'a pas pu valablement révoquer le règlement n° 1521/95 et n'a donc eu aucune influence sur l'applicabilité de ce dernier à la date du 30 juin 1995.
21 Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que le règlement n° 1576/95 n'a pas révoqué le règlement n° 1521/95 et n'a donc eu aucune influence sur l'applicabilité de ce dernier à la date du 30 juin 1995.
Sur la quatrième question
22 S'agissant de la quatrième question, il y a lieu de constater, d'une part, que, conformément à son article 2, le règlement n° 1576/95 n'est entré en vigueur que le 1er juillet 1995.
23 Il échet de rappeler, d'autre part, que, ainsi qu'il ressort du point 21 du présent arrêt, le règlement n° 1576/95 n'a eu aucun effet sur l'applicabilité du règlement n° 1521/95 à la date du 30 juin 1995.
24 Dans la mesure où il est constant en l'espèce au principal que les exportations à l'origine du litige pendant devant la juridiction de renvoi ont été effectuées le 30 juin 1995, le règlement n° 1576/95 n'est pas applicable à ces exportations et sa validité est donc manifestement sans incidence sur la solution du litige au principal.
25 Il n'y a dès lors pas lieu de répondre à la quatrième question.
Sur la troisième question
26 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si le règlement n° 1521/95 est invalide pour violation de l'obligation de motivation contenue à l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).
27 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il résulte d'une jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte concerné. Elle doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle. De plus, on ne saurait exiger que la motivation d'un acte spécifie les différents éléments de fait et de droit qui en font l'objet, dès lors que cet acte entre dans le cadre systématique de l'ensemble dont il fait partie (arrêt du 20 novembre 1997, Moskof, C-244/95, Rec. p. I-6441, point 57).
28 Toutefois, il est également admis que, si la décision se plaçant dans la ligne d'une pratique décisionnelle constante peut être motivée d'une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, il incombe à l'autorité communautaire de développer son raisonnement de manière explicite lorsque la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (arrêts du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 15, et, en ce sens, Moskof, précité, point 54).
29 Or, en l'occurrence, il convient de constater que la motivation du règlement n° 1521/95 ne répond pas à cette obligation. En effet, cette motivation, identique à celle du règlement n° 1415/95 par lequel la Commission avait augmenté le montant des restitutions relatives aux produits en cause au principal en le portant à 74,93 écus par tonne, ne fournit aucune explication particulière quant aux raisons qui ont amené la Commission, une semaine après l'adoption de ce dernier règlement, à supprimer de fait lesdites restitutions en réduisant leur montant à 0 écu par tonne.
30 La simple référence aux possibilités et aux conditions de vente sur le marché mondial, à la nécessité d'éviter des perturbations sur le marché communautaire et à l'aspect économique des exportations ne saurait, contrairement à ce que soutient la Commission, constituer une motivation suffisante pour un règlement qui, comme le règlement n° 1521/95, rompt avec la pratique habituelle de la Commission consistant à fixer le montant des restitutions en fonction de la différence entre les prix des produits concernés sur le marché communautaire, d'une part, et sur le marché mondial, d'autre part.
31 Au vu de toutes ces considérations, il y a lieu de répondre à la troisième question que le règlement n° 1521/95 ne répond pas à l'obligation de motivation, telle qu'elle découle de l'article 190 du traité, et qu'il est, dès lors, invalide.
Sur la cinquième question
32 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'invalidité du règlement n° 1521/95 a pour effet que les restitutions à l'exportation d'aliments à base de céréales pour les animaux, dont la demande a été annoncée dans les déclarations d'exportation acceptées par les services des douanes compétents le 30 juin 1995 et pour lesquelles aucune fixation à l'avance n'avait été demandée, doivent être calculées conformément au règlement n° 1415/95.
33 À cet égard, il convient de relever qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que, contrairement à ce que soutient la Commission, la déclaration d'invalidité d'un règlement qui a implicitement abrogé un autre règlement implique, en principe, le droit pour les parties au principal d'être placées dans la même situation que si cette abrogation n'était pas intervenue (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 1989, Cargill, 201/87, Rec. p. 489, point 21).
34 Il s'ensuit que l'invalidité du règlement n° 1521/95 a pour effet que les restitutions à l'exportation dont la demande a été annoncée par Silos dans les déclarations d'exportation acceptées le 30 juin 1995 doivent être calculées conformément au règlement n° 1415/95.
35 S'agissant de la demande de la Commission tendant à ce que la Cour limite les effets dans le temps de la déclaration préjudicielle d'invalidité du règlement n° 1521/95, il y a lieu de rappeler qu'il est de jurisprudence constante (voir, par exemple, arrêt du 10 mars 1992, Lomas e.a., C-38/90 et C-151/90, Rec. p. I-1781, point 23) que, lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique le justifient, la Cour bénéficie, en vertu de l'article 231, second alinéa, CE, applicable, par analogie, également dans le cadre d'un renvoi préjudiciel en appréciation de validité des actes pris par les institutions de la Communauté, au titre de l'article 234 CE, d'un pouvoir d'appréciation pour indiquer, dans chaque cas particulier, ceux des effets du règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs.
36 Conformément à cette jurisprudence, la Cour a fait usage de la possibilité de limiter l'effet dans le temps de la constatation de l'invalidité d'une réglementation communautaire lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique tenant à l'ensemble des intérêts, tant publics que privés, en jeu dans les affaires concernées empêchaient de remettre en cause la perception ou le paiement de sommes d'argent, effectués sur le fondement de cette réglementation, pour la période antérieure à la date de l'arrêt (voir, notamment, arrêts du 15 octobre 1980, Providence agricole de la Champagne, 4/79, Rec. p. 2823, points 45 et 46, et du 15 janvier 1986, Pinna, 41/84, Rec. p. 1, point 28).
37 En l'occurrence, force est de constater, d'une part, que le régime mis en place par le règlement n° 1521/95 n'a été applicable que pendant une période extrêmement brève, à savoir une seule journée, et que les opérations d'exportation visées par ledit règlement sont donc relativement peu nombreuses et facilement identifiables. D'autre part, la Commission n'a avancé aucun argument relatif à des considérations impérieuses de sécurité juridique susceptibles de justifier la limitation des effets dans le temps de la déclaration d'invalidité du règlement n° 1521/95.
38 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.
39 Au vu de ces considérations, il convient de répondre à la cinquième question que l'invalidité du règlement n° 1521/95 a pour effet que les restitutions à l'exportation d'aliments à base de céréales pour les animaux, dont la demande a été annoncée dans les déclarations d'exportation acceptées par les services des douanes compétents le 30 juin 1995 et pour lesquelles aucune fixation à l'avance n'avait été demandée, doivent être calculées conformément au règlement n° 1415/95.
Sur les dépens
40 Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (deuxième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale civile e penale di Cagliari, par ordonnance du 21 mai 1999, dit pour droit:
1) Le règlement (CE) n° 1521/95 de la Commission, du 29 juin 1995, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux, était applicable aux opérations d'exportation pour lesquelles les services des douanes compétents ont accepté, le jour de sa publication, la déclaration d'exportation indiquant qu'une restitution à l'exportation allait être demandée et pour lesquelles aucune fixation à l'avance de la restitution à l'exportation n'avait été demandée.
2) Le règlement (CE) n° 1576/95 de la Commission, du 30 juin 1995, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux, n'a pas révoqué le règlement n° 1521/95 et n'a donc eu aucune influence sur l'applicabilité de ce dernier à la date du 30 juin 1995.
3) Le règlement n° 1521/95 ne répond pas à l'obligation de motivation, telle qu'elle découle de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), et est, dès lors, invalide.
4) L'invalidité du règlement n° 1521/95 a pour effet que les restitutions à l'exportation d'aliments à base de céréales pour les animaux, dont la demande a été annoncée dans les déclarations d'exportation acceptées par les services des douanes compétents le 30 juin 1995 et pour lesquelles aucune fixation à l'avance n'avait été demandée, doivent être calculées conformément au règlement (CE) n° 1415/95 de la Commission, du 22 juin 1995, fixant les restitutions à l'exportation des aliments composés à base de céréales pour les animaux.