61999J0132

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 14 mars 2002. - Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Apurement des comptes - Exercice 1995 - Aide à la production de chanvre. - Affaire C-132/99.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-02709


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Agriculture - Organisation commune des marchés - Lin et chanvre - Aide à la production de chanvre - Superficies pouvant bénéficier de l'aide - Version néerlandaise de la disposition en cause - Erreur facilement décelable

(Règlement de la Commission n° 1164/89, art. 4, a))

2. Agriculture - Organisation commune des marchés - Lin et chanvre - Aide à la production de chanvre - Notion de récolte après la formation des graines - Interprétation restrictive

(Règlement de la Commission n° 1164/89, art. 4, a))

3. Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision relative à l'apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA

(Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE))

Sommaire


1. La référence au seul lin à la première phrase et au troisième tiret de l'article 4, sous a), de la version néerlandaise du règlement n° 1164/89, relatif aux modalités concernant l'aide pour le lin textile et le chanvre, dans sa version résultant du règlement n° 1469/94, constitue une erreur qui pouvait être facilement décelée.

D'une part, en effet, la version néerlandaise de cette disposition se distingue des autres versions linguistiques de la même disposition dans la mesure où elle se réfère, au début de la première phrase, uniquement au lin et non au chanvre, tandis que les autres versions linguistiques sont formulées de manière générale et ne mentionnent explicitement ni l'une ni l'autre de ces plantes. La même constatation s'applique au troisième tiret, sauf en ce qui concerne la version allemande. Par contre, à la phrase de cette disposition qui suit immédiatement le troisième tiret, la version néerlandaise évoque, comme toutes les autres versions linguistiques, un maximum différent pour la hauteur de coupe du lin et pour celle du chanvre. D'autre part, le règlement n° 1164/89 se réfère dans son intitulé ainsi que dans la quasi-totalité de ses dispositions aux deux plantes de la même manière et instaure un traitement largement parallèle. Dans les cas où un traitement différent s'impose, cela ressort, comme aux articles 2 et 3 dudit règlement, explicitement du texte.

( voir points 25-27 )

2. Il convient d'interpréter les exigences énoncées à l'article 4, sous a), du règlement n° 1164/89, relatif aux modalités concernant l'aide pour le lin textile et le chanvre, dans sa version résultant du règlement n° 1469/94, de manière particulièrement restrictive, étant donné que le chanvre est une plante qui peut représenter un danger pour la santé publique et que la réglementation relative aux aides pour la production de chanvre tient compte de la nature sensible de cette plante, en ce qu'elle prévoit des exigences très strictes quant aux conditions d'octroi des aides et aux contrôles qui doivent être effectués en la matière. Ainsi que le précise le troisième considérant du règlement n° 1164/89, il convient en particulier d'éviter le risque d'opérations frauduleuses.

S'agissant de la notion de récolte après la formation des graines, elle doit être interprétée de façon à éviter au maximum que la plante soit récoltée lorsque sa teneur en tétrahydrocannabinol peut encore constituer un danger pour la santé publique. On se saurait donc considérer que la récolte de graines de chanvre à l'état laiteux, avant la fin de la floraison des plantes ou juste après celle-ci, répond à l'exigence d'une récolte après la formation des graines résultant de l'article 4, sous a), du règlement n° 1164/89 modifié.

( voir points 33-34 )

3. Les décisions prises par la Commission en matière d'apurement des comptes du FEOGA n'exigent pas une motivation détaillée dans la mesure où elles sont prises sur le fondement d'un rapport de synthèse ainsi que d'une correspondance entre l'État membre concerné et la Commission.

( voir point 39 )

Parties


Dans l'affaire C-132/99,

Royaume des Pays-Bas, représenté par M. M. A. Fierstra et Mme J. van Bakel, en qualité d'agents,

partie requérante,

soutenu par

Royaume d'Espagne, représenté par Mme M. López-Monís Gallego, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. van Rijn et C. van der Hauwaert, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation partielle de la décision 1999/187/CE de la Commission, du 3 février 1999, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «garantie», pour l'exercice 1995 (JO L 61, p. 37), en tant qu'elle impose une correction de 50 % des dépenses déclarées par le royaume des Pays-Bas au titre d'aides à la production de chanvre, à savoir une correction de 117 277 NLG,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. P. Jann (rapporteur), président de chambre, D. A. O. Edward, A. La Pergola, M. Wathelet et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 novembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 avril 1999, le royaume des Pays-Bas a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), demandé l'annulation partielle de la décision 1999/187/CE de la Commission, du 3 février 1999, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «garantie», pour l'exercice 1995 (JO L 61, p. 37, ci-après la «décision attaquée»), en tant qu'elle impose une correction de 50 % des dépenses déclarées par le royaume des Pays-Bas au titre d'aides à la production de chanvre, à savoir une correction de 117 277 NLG.

2 Par ordonnance du président de la Cour du 26 janvier 2000, le royaume d'Espagne a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions du royaume des Pays-Bas.

Le cadre juridique

3 Le règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), détermine les dépenses des États membres qui sont prises en charge par la section «garantie» du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et les conditions auxquelles ce financement peut être accordé. En vertu de l'article 8, paragraphe 1, de ce règlement:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

- s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,

- prévenir et poursuivre les irrégularités,

- récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l'état des procédures administratives et judiciaires.»

4 En vertu de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n_ 729/70:

«La Commission, après consultation du Comité du Fonds visé à l'article 11,

a) décide:

- au début de l'année, sur la base des documents visés au paragraphe 1 sous a), d'une avance pour les services et organismes égale au maximum à un tiers des crédits inscrits au budget,

- au cours de l'année, de versements complémentaires destinés à la couverture des dépenses à supporter par un service ou organisme;

b) apure avant la fin de l'année suivante, sur la base des documents visés au paragraphe 1 sous b), les comptes des services et organismes.»

5 L'organisation commune des marchés dans le secteur du chanvre est régie par le règlement (CEE) n_ 1308/70 du Conseil, du 29 juin 1970, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre (JO L 146, p. 1), qui prévoit à son article 4 l'institution d'une aide pour le lin et le chanvre produits dans la Communauté. Le montant de l'aide est fixé par hectare de superficie ensemencée et récoltée.

6 Le règlement (CEE) n_ 1164/89 de la Commission, du 28 avril 1989, relatif aux modalités concernant l'aide pour le lin textile et le chanvre (JO L 121, p. 4), disposait initialement à son article 4:

«L'aide n'est octroyée que pour les superficies:

a) qui ont été entièrement ensemencées et récoltées et pour lesquelles les travaux normaux de culture ont été effectués;

b) qui ont fait l'objet d'une déclaration des superficies ensemencées conformément aux dispositions de l'article 5.»

7 Le règlement (CE) n_ 1469/94 de la Commission, du 27 juin 1994, modifiant le règlement n_ 1164/89 (JO L 159, p. 12), qui est entré en vigueur le 5 juillet 1994, a ajouté le texte suivant à l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89:

- dans la version française

«pour être considérées comme récoltées, les superficies ont dû subir une opération:

- effectuée après la formation des graines,

- visant à mettre fin au cycle végétatif de la plante

et

- effectuée dans le but de valoriser la tige le cas échéant sans les graines.

La valorisation visée au troisième tiret est considérée comme ayant été recherchée si la plante a été arrachée ou si elle a été fauchée par une barre de coupe se trouvant à un maximum de dix centimètres du sol pour le lin et vingt centimètres pour le chanvre.

[...]»

- dans la version néerlandaise

«Het vlas op een bepaalde oppervlakte wordt als geoogst beschouwd wanneer op die oppervlakte een bewerking is geschied die:

- na de zaadvorming is uitgevoerd,

- op beëindiging van de groeicyclus van de plant was gericht, en

- ten doel had te bereiken dat de bruikbaarheid van de vlasstengel, in voorkomend geval zonder het zaad, wordt vergroot.

De in het derde streepje bedoelde voorwaarde wordt geacht te zijn vervuld indien de plant uit de grond is getrokken of is gemaaid met een voor vlas op maximaal 10 cm en voor hennep op maximaal 20 cm boven de grond afgestelde maaibalk.

[...]»

8 Le règlement (CE) n_ 466/96 de la Commission, du 14 mars 1996, portant modification du règlement n_ 1164/89 (JO L 65, p. 6), qui est entré en vigueur le 22 mars 1996, a inséré le texte suivant après l'article 4, sous a), troisième tiret:

«La formation des graines visée au premier tiret est considérée comme étant terminée si le nombre de graines de chanvre ou de capsules de graines de lin qui ont atteint leurs forme et volume définitifs est supérieur à celui d'autres graines de chanvre ou de capsules de graines de lin.»

La procédure d'apurement des comptes

9 En septembre 1995, les services du FEOGA ont effectué une visite de contrôle aux Pays-Bas afin de vérifier le respect de la réglementation applicable au régime d'aides communautaires pour le lin et le chanvre. Ils sont parvenus à la conclusion que les superficies de chanvre cultivées aux Pays-Bas n'étaient pas éligibles aux aides octroyées, au motif que les plantes auraient été récoltées avant la formation des graines, en violation de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89, dans sa version résultant du règlement n_ 1469/94 (ci-après le «règlement n_ 1164/89 modifié»). Les plantes auraient été récoltées pendant la floraison ou juste après celle-ci, lorsque les graines se trouvaient encore à l'état laiteux. Compte tenu des risques de détournement d'une récolte de chanvre pour la production de drogues, les exigences de la réglementation en vigueur devraient cependant être respectées scrupuleusement. Par ailleurs, les services du FEOGA ont considéré que les autorités néerlandaises avaient manqué à leurs obligations quant aux contrôles des importations de graines de chanvre en provenance de pays tiers.

10 Une concertation entre le gouvernement néerlandais et la Commission a eu lieu par la suite. Ce gouvernement n'a pas contesté que la récolte du chanvre avait eu lieu avant la formation complète des graines, alors qu'elles se trouvaient encore à l'état laiteux. Il a cependant fait valoir que, étant donné que les cultures de chanvre en cause étaient destinées exclusivement à la production de fibres et que la qualité des fibres est optimale lorsque la floraison de la plante n'est pas encore terminée, il est économiquement plus avantageux de récolter les plantes à un moment où elles n'ont pas encore atteint leur pleine maturité.

11 Insatisfaite de ces explications, la Commission a informé le gouvernement néerlandais, par lettre du 29 octobre 1997, qu'elle se proposait d'appliquer une correction forfaitaire à concurrence de 50 % des dépenses déclarées au titre du poste budgétaire 1402 (chanvre) pour l'exercice 1995, au motif que la récolte du chanvre avait eu lieu avant la formation des graines.

12 Une demande de conciliation formelle a ultérieurement été introduite par le royaume des Pays-Bas. L'organe de conciliation a constaté, dans son rapport du 15 mai 1998, qu'il n'avait pas été en mesure d'établir, de manière certaine, s'il existait une définition admise par tous les experts de ce qu'est précisément une graine «formée».

13 Le 12 janvier 1999, la Commission a arrêté son rapport de synthèse sur les résultats des contrôles pour l'approbation des comptes du FEOGA, section «garantie», pour l'exercice 1995 (ci-après le «rapport de synthèse»). Elle y a répété son point de vue selon lequel les superficies de chanvre cultivées aux Pays-Bas ne sauraient être éligibles aux aides. Elle a décidé une correction égale à 50 % des dépenses déclarées en ayant égard au fait que l'octroi de l'aide avait trait normalement à deux composantes, à savoir la production de fibres et la production de graines, que toutes les superficies visées avaient été récoltées trop tôt et que la formation des graines devait être considérée comme terminée lorsqu'environ 50 % d'entre elles étaient arrivées à maturité.

Sur le premier moyen: violation du règlement n_ 1308/70

Sur la première branche du premier moyen: interprétation erronée du règlement n_ 1308/70

14 Par la première branche de son premier moyen, le gouvernement néerlandais, soutenu en cela par le gouvernement espagnol, fait valoir que la Commission a interprété de manière erronée le règlement n_ 1308/70 en considérant qu'une correction de 50 % pouvait être justifiée par le fait que l'octroi de l'aide à la production de chanvre avait trait à deux composantes, à savoir la production de fibres et la production de graines. Ce règlement n'exigerait nullement de récolter les fibres et les graines de la même plante et ne comporterait aucune référence distincte à la production de graines de chanvre. La Commission aurait donc introduit une exigence qui n'était pas prévue par ledit règlement et aurait ainsi violé le droit communautaire.

15 La Commission répond que le gouvernement néerlandais confond les conditions d'octroi de l'aide et la modulation de la sanction pécuniaire applicable lorsqu'il n'a pas été satisfait à ces conditions. En réalité, elle aurait pu refuser l'intégralité des dépenses. Eu égard au fait qu'il existait incontestablement une certaine production de fibres, elle aurait cependant cherché un critère permettant de diminuer la sanction et aurait ainsi abouti à la conclusion qu'il convenait d'appliquer une correction de 50 %. Cette réduction ne constituerait cependant pas une interprétation ou une application du règlement n_ 1308/70.

16 À cet égard, il suffit de constater que la Commission n'a fait valoir ni dans la décision attaquée ni dans le rapport de synthèse que la réglementation en cause impose de récolter les fibres et les graines de la même plante. La Commission ayant considéré qu'elle pouvait appliquer une correction correspondant à 100 % des dépenses déclarées mais qu'une telle sanction serait excessivement lourde, elle a cherché en réalité un critère permettant de moduler la correction. Le reproche du gouvernement néerlandais est donc dépourvu de fondement.

17 Il convient par conséquent de rejeter la première branche du premier moyen.

Sur la seconde branche du premier moyen: violation de l'article 8 du règlement n_ 1308/70

18 Par la seconde branche du premier moyen, le gouvernement néerlandais fait valoir que la Commission a constaté à tort, dans le rapport de synthèse, que les importations aux Pays-Bas de graines de chanvre en provenance de pays tiers n'avaient pas été contrôlées conformément aux dispositions du règlement n_ 1308/70. En réalité, ces contrôles auraient toujours été effectués correctement.

19 La Commission fait valoir à cet égard que l'insuffisance des contrôles évoquée dans le rapport de synthèse n'a, en tout état de cause, pas eu d'incidence sur la décision attaquée. Elle n'y aurait attaché aucune sanction financière et n'aurait d'ailleurs pas pu le faire, car il ne s'agirait pas d'une condition d'obtention de l'aide à la production. L'évocation d'une telle insuffisance n'aurait été qu'une constatation parmi d'autres, qui n'aurait cependant en rien influencé la correction litigieuse.

20 À cet égard, il suffit de constater qu'il résulte de la décision attaquée et du rapport de synthèse que la correction litigieuse a été effectuée en raison du non-respect allégué des conditions d'octroi de l'aide, à savoir la récolte du chanvre avant la formation des graines, et non pour un manquement à des obligations de contrôle d'importations en provenance de pays tiers. Il convient dès lors de constater que, indépendamment de la réponse à la question de savoir si le reproche de la Commission est fondé ou non, il n'a pas engendré des conséquences négatives pour le royaume des Pays-Bas et ne peut donc lui faire grief.

21 Il en résulte que la seconde branche du premier moyen est irrecevable et doit être rejetée.

Sur le deuxième moyen: violation du règlement n_ 1164/89 modifié

Sur la première branche du deuxième moyen: méconnaissance du texte néerlandais de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié

22 Par la première branche de son deuxième moyen, le gouvernement néerlandais fait valoir que le reproche de la Commission, selon lequel le chanvre avait été récolté avant que les graines aient atteint une maturité suffisante, doit être examiné à la lumière de la version néerlandaise de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié. L'exigence d'une récolte après la formation des graines aurait été, dans cette version, explicitement limitée au lin. La Commission aurait donc commis une violation de ce texte en imposant une telle exigence également pour le chanvre.

23 Selon la Commission, cet argument ne saurait être retenu. La version néerlandaise serait entachée d'une erreur manifeste dont le royaume des Pays-Bas ne saurait se prévaloir. S'il est vrai que, dans cette version, la première phrase et le troisième tiret de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié se réfèrent explicitement au lin, il n'en demeurerait pas moins que la suite de cette disposition évoque à la fois le lin et le chanvre. Un lecteur raisonnablement attentif aurait donc dû en déduire qu'il se pose un problème manifeste qui doit être résolu.

24 Les autorités néerlandaises auraient été étroitement associées à l'élaboration du règlement n_ 1469/94. En comparant la version néerlandaise avec les autres versions linguistiques, elles auraient donc dû constater immédiatement qu'il y avait une erreur. En tout état de cause, elles auraient dû se mettre en contact avec les représentants de la Commission pour discuter de ce problème et y trouver une solution.

25 À cet égard, force est de constater que la version néerlandaise de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié se distingue des autres versions linguistiques de cette disposition dans la mesure où elle se réfère, au début de la première phrase, uniquement au lin et non au chanvre, tandis que les autres versions linguistiques sont formulées de manière générale et ne mentionnent explicitement ni l'une ni l'autre de ces plantes. La même constatation s'applique au troisième tiret, sauf en ce qui concerne la version allemande. Par contre, à la phrase de cette disposition qui suit immédiatement le troisième tiret, la version néerlandaise évoque, comme toutes les autres versions linguistiques, un maximum différent pour la hauteur de coupe du lin et pour celle du chanvre.

26 Force est de constater également que le règlement n_ 1164/89 se réfère dans son intitulé ainsi que dans la quasi-totalité de ses dispositions aux deux plantes de la même manière et instaure un traitement largement parallèle. Dans les cas où un traitement différent s'impose, cela ressort, comme aux articles 2 et 3 dudit règlement, explicitement du texte.

27 Dans ces circonstances, ainsi que M. l'avocat général l'observe également au point 33 de ses conclusions, la référence au seul lin à la première phrase et au troisième tiret de l'article 4, sous a), de la version néerlandaise du règlement n_ 1164/89 modifié constitue une erreur qui pouvait être facilement décelée. Le gouvernement néerlandais ne saurait donc exciper d'une interprétation fondée sur cette seule version.

28 La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée.

Sur la seconde branche du deuxième moyen: interprétation erronée de la notion de formation de graines figurant à l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié

29 Par la seconde branche de son deuxième moyen, le gouvernement néerlandais, soutenu en cela par le gouvernement espagnol, fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en interprétant l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié de manière telle que la formation des graines n'est considérée comme terminée que si 50 % au moins d'entre elles sont mûres. Une telle exigence n'aurait été introduite que par une modification ultérieure de cette disposition, à savoir celle résultant du règlement n_ 466/96, qui ne serait cependant pas applicable à l'espèce.

30 L'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié serait applicable à la campagne en cause et il prévoirait seulement de manière générale que la récolte doit avoir lieu après la formation des graines. Tel aurait été le cas en l'espèce. Bien que les graines aient encore été à l'état laiteux lors de la récolte, elles auraient néanmoins été formées. En effet, les graines du chanvre se formeraient déjà durant la floraison, sans pourtant être mûres. Dans la mesure où la qualité des fibres de la plante diminuerait après la floraison, il serait préférable de procéder à la récolte dès la floraison ou juste après celle-ci. Cette manière de procéder serait parfaitement compatible avec l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié.

31 La Commission souligne, à titre général, la nature très sensible du chanvre, qui serait une plante présentant un danger considérable pour la santé publique en raison de ses propriétés inébriantes. Il conviendrait donc de rechercher un équilibre entre le souci d'éliminer ce danger et l'intérêt non négligeable que revêt la culture du chanvre dans certaines régions de la Communauté. Dans la mesure où la réglementation communautaire prévoit des aides pour la plantation de chanvre, les conditions d'octroi de celles-ci devraient être appliquées de manière très stricte afin d'éviter des abus.

32 Une desdites conditions d'octroi serait que la récolte soit effectuée après la formation des graines. Même en application de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié, cette condition impliquerait que, lors de la récolte, les graines doivent être complètement formées et ne peuvent encore se trouver à l'état laiteux. Cette exigence serait en particulier liée au risque que le chanvre soit abusivement utilisé pour ses propriétés inébriantes. En effet, sa teneur en tétrahydrocannabinol culminerait à la fin de la floraison, c'est-à-dire précisément au cours de la période durant laquelle le chanvre a été récolté en l'espèce, pour diminuer avec la formation des graines.

33 À cet égard, il est constant que le chanvre est une plante qui peut représenter un danger pour la santé publique. Il est également constant que la réglementation relative aux aides pour la production de chanvre tient compte de la nature sensible de cette plante, en ce qu'elle prévoit des exigences très strictes quant aux conditions d'octroi des aides et aux contrôles qui doivent être effectués en la matière. Ainsi que le précise le troisième considérant du règlement n_ 1164/89, il convient en particulier d'éviter le risque d'opérations frauduleuses.

34 Il s'ensuit qu'il convient d'interpréter les exigences énoncées à l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié de manière particulièrement restrictive. S'agissant de la notion de récolte après la formation des graines, elle doit être interprétée, pour les raisons exposées aux points 39 à 42 des conclusions de M. l'avocat général, de façon à éviter au maximum que la plante soit récoltée lorsque sa teneur en tétrahydrocannabinol peut encore constituer un danger pour la santé publique. On ne saurait donc considérer que la récolte de graines de chanvre à l'état laiteux, avant la fin de la floraison des plantes ou juste après celle-ci, répond à l'exigence d'une récolte après la formation des graines résultant de l'article 4, sous a), du règlement n_ 1164/89 modifié.

35 Par conséquent, la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée.

Sur le troisième moyen: violation de l'obligation de motivation

36 Par son troisième moyen, le gouvernement néerlandais fait valoir que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée et qu'elle viole ainsi l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). L'exposé des motifs de la décision attaquée ne permettrait pas de saisir le raisonnement qui a conduit la Commission à appliquer la correction litigieuse de 50 %. Pour comprendre ce raisonnement, il faudrait se référer au rapport de synthèse qui évoque, à son tour, le règlement n_ 1308/70 et les lignes directrices édictées par la Commission en juin 1993 quant aux corrections financières à appliquer dans le cadre de l'apurement des comptes du FEOGA (ci-après les «lignes directrices»). Or, ni ce règlement ni les lignes directrices ne prévoiraient une correction financière de 50 %. Les lignes directrices indiqueraient explicitement et exhaustivement les cas dans lesquels une correction forfaitaire peut être imposée et les taux prévus seraient de 2 %, de 5 % et de 10 %. Un taux de 50 % n'y figurerait pas.

37 La Commission soutient que la décision attaquée est suffisamment motivée dans son exposé des motifs et dans le rapport de synthèse. Elle fait valoir en outre que le royaume des Pays-Bas a été étroitement associé au processus d'élaboration de la décision attaquée et qu'il connaissait parfaitement, grâce à une intense correspondance, les raisons pour lesquelles une correction de 50 % avait été choisie.

38 La Commission fait encore valoir que ni le rapport de synthèse ni aucun autre document du dossier ne se réfèrent aux lignes directrices pour justifier la correction imposée. En effet, celles-ci concerneraient les conséquences à tirer de contrôles défaillants de la part des États membres, problème qui ne se serait pas posé en l'espèce.

39 À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour, telle qu'elle a été résumée au point 48 des conclusions de M. l'avocat général, que les décisions prises par la Commission en matière d'apurement de comptes du FEOGA n'exigent pas une motivation détaillée dans la mesure où elles sont prises sur le fondement d'un rapport de synthèse ainsi que d'une correspondance entre l'État membre concerné et la Commission.

40 En l'espèce, le rapport de synthèse explique clairement à son point 4.7.4.1.2, qui occupe plusieurs pages, les raisons pour lesquelles la correction litigieuse a été imposée, à savoir que les constatations effectuées auprès des exploitations visitées sur place et auprès de l'entreprise qui devait assurer la transformation du chanvre auraient montré que l'ensemble des superficies de chanvre cultivées aux Pays-Bas avaient été récoltées avant la formation des graines. De même, il résulte du rapport de synthèse et des mémoires des parties que le gouvernement néerlandais a été étroitement associé au processus d'élaboration de la décision attaquée et qu'il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la totalité des dépenses déclarées par le royaume des Pays-Bas au titre d'aides à la production de chanvre. C'est précisément parce qu'il n'admettait pas ces raisons que le gouvernement néerlandais a saisi l'organe de conciliation.

41 Eu égard à ces circonstances, le royaume des Pays-Bas ne saurait invoquer dans le cadre du présent recours une violation de l'obligation de motivation de la décision attaquée. Il en résulte que le troisième moyen doit être rejeté.

Sur le quatrième moyen: violation du principe d'égalité de traitement

42 Par son quatrième moyen, qu'il n'expose pas en détail, le gouvernement néerlandais fait valoir que, en s'écartant des lignes directrices sans en donner les raisons, la Commission a méconnu le principe d'égalité de traitement.

43 Selon la Commission, ce moyen est inopérant. Comme elle l'aurait déjà démontré, les lignes directrices n'étaient pas applicables à l'espèce et elle ne les aurait par conséquent ni appliquées ni écartées.

44 À cet égard, il suffit de constater que, la Commission n'étant pas dans l'obligation d'appliquer les lignes directrices à un cas qu'elles ne régissaient pas, le reproche d'une inégalité de traitement est manifestement dénué de fondement. Il en résulte que le quatrième moyen doit être rejeté.

45 Compte tenu des considérations qui précèdent, le recours du royaume des Pays-Bas doit être rejeté dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

46 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume des Pays-Bas et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application de l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, de ce règlement, le royaume d'Espagne, qui est intervenu au litige, supporte ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Le royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.

3) Le royaume d'Espagne supporte ses propres dépens.