61998J0425

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 22 juin 2000. - Marca Mode CV contre Adidas AG et Adidas Benelux BV. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas. - Directive 89/104/CEE - Article 5, paragraphe 1, sous b) - Marques - Risque de confusion - Risque d'association entre le signe et la marque. - Affaire C-425/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-04861


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Rapprochement des législations - Marques - Directive 89/104 - Droit pour le titulaire d'une marque enregistrée de s'opposer à l'utilisation illicite de sa marque - Caractère distinctif particulier intrinsèque ou grâce à la notoriété de la marque - Signe utilisé pour des produits identiques ou similaires - Risque d'association, au sens strict, entre le signe et la marque - Risque ne permettant pas la présomption d'un risque de confusion - Nécessité de la preuve de l'existence d'un risque de confusion

(Directive 89/104, art. 5, § 1, b))

Sommaire


$$L'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104 sur les marques ne peut pas être interprété en ce sens que,

- lorsqu'une marque possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public, et

- lorsque, sans le consentement du titulaire de la marque, un tiers fait usage, dans la vie des affaires, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, d'un signe qui ressemble à ce point à la marque qu'il suscite la possibilité de l'associer à la marque,

le droit exclusif du titulaire de la marque l'habilite à interdire à ce tiers cet usage du signe quand le caractère distinctif de la marque est tel qu'il n'est pas exclu que cette association puisse susciter une confusion.

En effet, la renommée d'une marque ne permet pas de présumer l'existence d'un risque de confusion du seul fait de l'existence d'un risque d'association au sens strict. Est nécessaire la constatation positive de l'existence d'un risque de confusion, lequel constitue l'objet de la preuve à apporter.

(voir points 39, 41-42 et disp.)

Parties


Dans l'affaire C-425/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Marca Mode CV

et

Adidas AG,

Adidas Benelux BV,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, C. Gulmann (rapporteur), J.-P. Puissochet, G. Hirsch et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Marca Mode CV, par Mes O. W. Brouwer, D. W. F. Verkade et D. J. G. Visser, avocats au barreau d'Amsterdam, et par Me P. Wytinck, avocat au barreau de Bruxelles,

- pour Adidas AG et Adidas Benelux BV, par Me C. Gielen, avocat au barreau d'Amsterdam,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, chef du service de droit européen au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme M. Ewing, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Banks et M. P. van Nuffel, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Marca Mode CV, représentée par Mes D. J. G. Visser et C. R. A. Swaak, avocat au barreau d'Amsterdam, d'Adidas AG et d'Adidas Benelux BV, représentées par Me S. A. Klos, avocat au barreau d'Amsterdam, et de la Commission, représentée par M. H. M. H. Speyart, membre du service juridique, en qualité d'agent, à l'audience du 24 novembre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 janvier 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 6 novembre 1998, parvenu à la Cour le 26 novembre 1998, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la «directive»).

2 Cette question a été posée dans le cadre d'un litige opposant Marca Mode CV (ci-après «Marca Mode»), établie à Amsterdam (Pays-Bas), à Adidas AG, établie à Herzogenaurach (Allemagne), et à Adidas Benelux BV, établie à Etten-Leur (Pays-Bas), à propos d'une marque figurative enregistrée par Adidas AG au bureau Benelux des marques, marque qui est par ailleurs l'objet d'une licence exclusive concédée par Adidas AG à Adidas Benelux BV pour le Benelux.

Le cadre juridique

3 L'article 5 de la directive, relatif aux droits conférés par la marque, dispose, en son paragraphe 1, sous b):

«La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

a) ...

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.»

4 La plupart des versions linguistiques de la directive utilisent, dans cette disposition, la notion de «risque» ou de «danger» de confusion ou d'association. Les versions néerlandaise et suédoise emploient les concepts de possibilité de confusion et de risque d'association, tandis que la version anglaise utilise la notion de «probabilité» de confusion ou d'association.

5 L'article 5, paragraphe 2, de la directive énonce:

«Tout État membre peut également prescrire que le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'État membre et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.»

6 L'article 13, A, point 1, sous b), de la loi uniforme Benelux sur les marques, qui vise à transposer dans la législation Benelux l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, énonce:

«Sans préjudice de l'application éventuelle du droit commun en matière de responsabilité civile, le droit exclusif à la marque permet au titulaire de s'opposer à:

...

b) tout usage qui, dans la vie des affaires, serait fait de la marque ou d'un signe ressemblant pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée ou pour des produits similaires, lorsqu'il existe, dans l'esprit du public, un risque d'association entre le signe et la marque.»

Le litige au principal

7 La marque figurative enregistrée par Adidas AG au bureau Benelux des marques est constituée par trois bandes parallèles. Elle couvre notamment des vêtements de sport et des articles liés au sport.

8 Marca Mode a mis en vente, dans son établissement de Breda (Pays-Bas), une collection de vêtements de sport dont certains comportaient sur les côtés deux bandes parallèles sur toute la longueur. Ces vêtements étaient blancs avec des bandes noires ou noirs avec des bandes blanches.

9 Marca Mode a également commercialisé un polo blanc et orange comportant sur toute la longueur de la face avant, au centre, trois bandes noires verticales parallèles, bordées à l'extérieur d'une fine bande blanche et interrompues à l'avant par un médaillon représentant un chat et portant l'inscription «TIM».

10 Le 26 juin 1996, Adidas AG et Adidas Benelux BV (ci-après, ensemble, «Adidas») ont assigné Marca Mode en référé devant le président du Rechtbank te Breda. Affirmant que Marca Mode portait atteinte à sa marque figurative constituée de trois bandes, Adidas a demandé qu'il soit interdit à cette société d'utiliser à l'avenir, dans le Benelux, les signes constitués par trois ou deux bandes.

11 Le juge des référés a fait droit à cette demande pour sept vêtements et pour le polo revêtu de l'inscription «TIM».

12 Le Gerechtshof te 's-Hertogenbosch a confirmé l'ordonnance rendue.

13 Marca Mode s'est alors pourvue en cassation contre l'arrêt du Gerechtshof devant le Hoge Raad der Nederlanden.

14 Devant cette juridiction, elle fait notamment grief à la juridiction d'appel d'avoir inexactement appliqué l'article 13, A, point 1, sous b), de la loi uniforme Benelux sur les marques, en fondant sa décision sur la seule constatation de l'existence d'un risque d'association par le public concerné des signes contestés et de la marque enregistrée. Invoquant l'arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C-251/95, Rec. p. I-6191), elle soutient que, conformément à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, le Gerechtshof aurait dû, pour fonder sa décision, constater l'existence d'un risque de confusion.

15 Le Hoge Raad estime que, à la lumière de l'arrêt SABEL, précité, et en particulier de ses points 18, 22 et 24, il pourrait être justifié de conclure que, si des circonstances particulières, tel le caractère distinctif particulier que possède la marque, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public, doivent conduire à reconnaître que le risque de confusion n'est pas exclu, la constatation du risque d'association pourrait alors suffire à justifier une interdiction de l'usage des signes contestés.

16 Selon le Hoge Raad, une telle interprétation permettrait, en ce qui concerne les marques renommées, de concilier le paragraphe 1, sous b), et le paragraphe 2 de l'article 5 de la directive, la seconde disposition autorisant les États membres à accorder aux marques renommées une protection s'appliquant aux produits et services non similaires «lorsque ... l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice». L'interprétation envisagée de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive offrirait également aux marques renommées une protection contre le fait de tirer profit de leur pouvoir distinctif particulier ou de leur porter préjudice en cas d'emploi pour des produits ou des services identiques ou similaires.

17 La juridiction de renvoi conclut que, si son interprétation de l'arrêt SABEL, précité, était exacte, le moyen soulevé par Marca Mode ne pourrait pas entraîner la cassation de l'arrêt du Gerechtshof. Elle relève que cet arrêt a constaté, outre l'existence d'une possibilité d'association entre le signe de Marca Mode et la marque d'Adidas, la notoriété dont celle-ci jouit. Or, selon elle, au regard de ce dernier élément, il ne peut être exclu que la possibilité d'une association puisse susciter une confusion. Dans ces conditions, les faits établis pourraient justifier de faire droit à la demande d'interdiction présentée par Adidas.

18 En considération de ces observations, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Faut-il interpréter la disposition de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104/CEE en ce sens que,

a) lorsqu'une marque possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public, et

b) lorsque, sans le consentement du titulaire de la marque, un tiers fait usage, dans la vie des affaires, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, d'un signe qui ressemble à ce point à la marque qu'il suscite la possibilité de l'associer à la marque,

le droit exclusif du titulaire de la marque l'habilite à interdire à ce tiers cet usage du signe quand le caractère distinctif de la marque est tel qu'il n'est pas exclu que cette association puisse susciter une confusion?»

19 Par le même arrêt, le Hoge Raad a également posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice Benelux. Selon les indications de Marca Mode, cette juridiction a, par ordonnance du 18 janvier 1999, suspendu l'examen des questions posées jusqu'à ce que la Cour ait elle-même statué.

Sur la question préjudicielle

20 Adidas demande à la Cour de se prononcer sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 2, de la directive.

21 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la répartition des fonctions juridictionnelles, entre les juridictions nationales et la Cour, par l'article 177 du traité, le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe des faits de l'affaire comme aussi des arguments mis en avant par les parties, et qui devra assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, est mieux placé pour apprécier, en pleine connaissance de cause, la pertinence des questions de droit soulevées par le litige dont il se trouve saisi et la nécessité d'une décision préjudicielle, pour être en mesure de rendre son jugement. Cependant, il reste réservé à la Cour, en présence de questions éventuellement formulées de manière impropre, d'extraire de l'ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de l'acte portant renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation, compte tenu de l'objet du litige (voir, notamment, arrêt du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board, 83/78, Rec. p. 2347, points 25 et 26).

22 Dans la présente affaire, il ressort de l'arrêt de renvoi que le Hoge Raad sollicite uniquement une interprétation de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive et que la solution du litige au principal dépend de la question de savoir si le Gerechtshof a à bon droit jugé que la condition de l'existence d'un «risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque», visée par cette disposition communautaire, était remplie.

23 Par ailleurs, il ne résulte pas de l'arrêt de renvoi qu'Adidas ait allégué dans la procédure au principal que l'usage sans juste motif des signes contestés tirait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque figurative enregistrée par elle ou leur portait préjudice, condition à laquelle est subordonnée l'application éventuelle de la disposition de transposition de l'article 5, paragraphe 2, de la directive. Le Hoge Raad vise ce dernier article, non pas au motif que le litige se rapporte effectivement à l'atteinte spécifique à la marque qu'il prévoit, mais pour soutenir que l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive préconisée dans l'arrêt de renvoi assurerait une certaine cohérence entre les situations régies par ces deux dispositions.

24 Dès lors, il n'y a pas lieu, aux fins de la réponse utile à donner au juge national, d'examiner la question de l'interprétation de l'article 5, paragraphe 2, de la directive.

25 S'agissant de la question posée par le Hoge Raad, il convient de relever que l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive permet au titulaire d'une marque, sous certaines conditions, d'interdire aux tiers de faire usage d'un signe pour lequel il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

26 Des termes en substance identiques sont utilisés à l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive, qui énonce les motifs pour lesquels une marque peut être refusée à l'enregistrement ou déclarée nulle si elle a été enregistrée.

27 L'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive a fait l'objet d'une interprétation de la Cour, notamment, dans l'arrêt SABEL, précité.

28 Dès lors, cette interprétation doit valoir également pour l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive.

29 Selon le Hoge Raad, la jurisprudence de la Cour n'exclut pas qu'un risque de confusion entre la marque et le signe puisse être présumé lorsque la marque possède un caractère distinctif particulier, notamment en raison de sa renommée, et que le signe utilisé par le tiers pour des produits identiques ou similaires ressemble à ce point à la marque qu'il suscite la possibilité de l'associer à la marque.

30 Par sa question, le Hoge Raad vise ainsi à savoir si l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive doit être interprété en ce sens que, dans de telles circonstances, le titulaire de la marque peut interdire à un tiers l'usage du signe quand le caractère distinctif de la marque est tel qu'il n'est pas exclu que l'association faite par le public entre le signe et la marque puisse susciter une confusion.

31 Se référant à l'arrêt SABEL, précité, Marca Mode, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, soutiennent que la protection accordée en vertu de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive est, comme celle prévue à l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la même directive, toujours subordonnée à la preuve positive d'un risque de confusion. Ils considèrent que, même pour les marques renommées, il ne suffit pas, en présence d'un simple risque d'association, qu'un risque de confusion ne soit pas exclu.

32 Se fondant en particulier sur le point 24 de l'arrêt SABEL, précité, Adidas affirme à l'inverse que, à l'égard des marques renommées, le risque d'association suffit à justifier une interdiction lorsqu'un risque de confusion n'est pas exclu. En d'autres termes, en ce qui concerne de telles marques, le risque d'association conduirait à supposer un risque de confusion.

33 À cet égard, il convient d'emblée de constater que, même dans des circonstances spécifiques comme celles évoquées par le Hoge Raad dans son arrêt de renvoi, un risque de confusion ne peut être présumé.

34 En effet, l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive n'a vocation à s'appliquer que si, en raison de l'identité ou de la similitude et des marques et des produits ou services désignés, «il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque». Il découle de ce libellé que la notion de risque d'association n'est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à en préciser l'étendue. Les termes mêmes de cette disposition excluent donc qu'elle puisse être appliquée s'il n'existe pas, dans l'esprit du public, un risque de confusion [voir, à propos de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive, arrêt SABEL, précité, point 18]. La protection d'une marque enregistrée dépend ainsi, selon l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive, de l'existence d'un risque de confusion [voir, à propos de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive, arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 18].

35 Cette interprétation résulte également du dixième considérant de la directive, duquel il ressort que «le risque de confusion ... constitue la condition spécifique de la protection» (arrêt SABEL, précité, point 19).

36 Elle n'est pas contredite par l'article 5, paragraphe 2, de la directive, qui instaure, en faveur des marques renommées, une protection dont la mise en oeuvre n'exige pas l'existence d'un risque de confusion. En effet, cette disposition s'applique à des situations dans lesquelles la condition spécifique de la protection est constituée par un usage sans juste motif du signe contesté qui tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou leur porte préjudice.

37 Adidas ne peut utilement se référer au point 24 de l'arrêt SABEL, précité.

38 Dans ce point, la Cour a relevé que le risque de confusion est d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important, ajoutant qu'il ne saurait dès lors être exclu que la similitude conceptuelle découlant du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique puisse créer un risque de confusion dans un cas où la marque antérieure possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public.

39 La Cour a ainsi souligné que le caractère distinctif particulier de la marque antérieure peut accroître le risque de confusion et que, en présence d'une similitude conceptuelle de la marque et du signe, il peut contribuer à la création d'un tel risque. La formulation négative «il ne saurait dès lors être exclu», employée au point 24 de l'arrêt SABEL, précité, souligne simplement la possibilité qu'un risque naisse de la conjonction des deux facteurs analysés. Elle n'implique aucunement une présomption de risque de confusion qui résulterait de l'existence d'un risque d'association au sens strict. Par une telle formule, la Cour a implicitement renvoyé à l'appréciation des preuves à laquelle doit se livrer le juge national dans chaque affaire pendante devant lui. Elle n'a pas dispensé celui-ci de la nécessaire constatation positive de l'existence d'un risque de confusion, lequel constitue l'objet de la preuve à apporter.

40 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le risque de confusion doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêt SABEL, précité, point 22). L'appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (arrêt Canon, précité, point 17). Par exemple, un risque de confusion peut être constaté, malgré un moindre degré de similitude entre les produits ou services désignés, lorsque la similitude des marques est grande et que le caractère distinctif de la marque antérieure, et en particulier sa renommée, est fort (arrêt Canon, précité, point 19).

41 La renommée d'une marque, lorsqu'elle est démontrée, est donc un élément qui, parmi d'autres, peut revêtir une importance certaine. En ce sens, il peut être observé que les marques qui ont un caractère distinctif élevé, notamment en raison de leur renommée, jouissent d'une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (arrêt Canon, précité, point 18). Néanmoins, la renommée d'une marque ne permet pas de présumer l'existence d'un risque de confusion du seul fait de l'existence d'un risque d'association au sens strict.

42 Il y a lieu dès lors de répondre à la question préjudicielle que l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive ne peut pas être interprété en ce sens que,

- lorsqu'une marque possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public, et

- que, sans le consentement du titulaire de la marque, un tiers fait usage, dans la vie des affaires, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, d'un signe qui ressemble à ce point à la marque qu'il suscite la possibilité de l'associer à la marque,

le droit exclusif du titulaire de la marque l'habilite à interdire à ce tiers cet usage du signe quand le caractère distinctif de la marque est tel qu'il n'est pas exclu que cette association puisse susciter une confusion.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

43 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 6 novembre 1998, dit pour droit:

L'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, ne peut pas être interprété en ce sens que,

- lorsqu'une marque possède un caractère distinctif particulier, soit intrinsèquement, soit grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public, et

- lorsque, sans le consentement du titulaire de la marque, un tiers fait usage, dans la vie des affaires, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, d'un signe qui ressemble à ce point à la marque qu'il suscite la possibilité de l'associer à la marque,

le droit exclusif du titulaire de la marque l'habilite à interdire à ce tiers cet usage du signe quand le caractère distinctif de la marque est tel qu'il n'est pas exclu que cette association puisse susciter une confusion.