Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 14 septembre 2000. - The Queen contre Minister of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Trevor Robert Fisher and Penny Fisher. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court) - Royaume-Uni. - Régimes d'aides - Base de données informatisée - Divulgation des informations. - Affaire C-369/98.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-06751
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 Agriculture - Politique agricole commune - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides - Base de données informatisée d'un État membre - Divulgation à un nouvel exploitant par l'autorité compétente d'informations concernant des données fournies par un ancien demandeur de paiements compensatoires - Conditions
(Règlement du Conseil n_ 3508/92, art. 3, § 1, et 9)
2 Agriculture - Politique agricole commune - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides - Refus par l'autorité compétente de divulguer les informations nécessaires afin d'assurer la régularité d'une demande d'aides - Imposition de sanctions sur la base d'informations non communiquées - Inadmissibilité
(Règlement de la Commission n_ 3887/92, art. 9)
1 Les articles 3, paragraphe 1, et 9 du règlement n_ 3508/92, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, appliqués en combinaison avec les principes généraux de droit communautaire, permettent aux autorités compétentes, après avoir mis en balance les intérêts respectifs des personnes concernées, de divulguer des données relatives aux cultures arables pratiquées au cours des années précédentes et qui ont été fournies par ou pour le compte d'un ancien demandeur de paiements au titre du régime des paiements des surfaces arables à un nouvel exploitant qui en a besoin pour pouvoir demander de tels paiements portant sur les mêmes terres et qui ne peut les obtenir par une autre voie. (voir point 39, disp. 1)
2 En cas de refus de divulgation des informations nécessaires afin d'assurer la régularité d'une demande d'aides, l'autorité compétente ne saurait imposer des sanctions au demandeur, en vertu de l'article 9 du règlement n_ 3887/92, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, en se fondant sur les informations qu'elle ne lui a pas communiquées lors de la demande d'informations. (voir point 47, disp. 2)
Dans l'affaire C-369/98,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court) (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
The Queen
et
Minister of Agriculture, Fisheries & Food,
ex parte: Trevor Robert Fisher and Penny Fisher, agissant sous la dénomination «TR and P Fisher»,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 3, paragraphe 1, et 9 du règlement (CEE) n_ 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 355, p. 1), et 9 du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36),
LA COUR
(quatrième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, P. J. G. Kapteyn (rapporteur) et H. Ragnemalm, juges,
avocat général: M. S. Alber,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour M. et Mme Fisher, par M. H. Mercer, barrister, mandaté par M. P. Till, solicitor,
- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme R. Magrill, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de Mme P. Watson, barrister,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. X. Lewis, membre du service juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de M. et Mme Fisher, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 16 décembre 1999,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 février 2000,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 13 mars 1998, parvenue à la Cour le 16 octobre suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court), a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 3, paragraphe 1, et 9 du règlement (CEE) n_ 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 355, p. 1), et 9 du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure de contrôle juridictionnel devant la High Court of Justice aux fins d'obtenir une ordonnance de certiorari annulant une décision du Ministry of Agriculture, Fisheries & Food (ci-après le «MAFF»), qui confirmait des sanctions imposées à M. et Mme Fisher, agissant sous la dénomination «TR and P Fisher» (ci-après «Fisher»), une déclaration constatant l'illégalité et l'invalidité de cette décision ainsi que le paiement d'une indemnité.
Le cadre juridique
Les dispositions communautaires
3 Le règlement (CEE) n_ 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992 (JO L 181, p. 12), institue un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, telles que définies à son annexe I. Ce régime prévoit des paiements compensatoires pour chaque type spécifié de cultures lorsqu'elles sont effectuées sur des terres éligibles et que certaines conditions sont réunies («Arable Area Payments», ci-après les «paiements des surfaces arables»). Chaque demandeur au titre du régime principal des paiements des surfaces arables doit s'engager à geler une fraction minimale des terres qui sont inclues dans la demande; pour la campagne pertinente, ce taux était fixé à 10 %. Les terres éligibles pour le gel sont des terres qui soit avaient été ensemencées l'année précédente, soit se trouvaient placées sous un régime de gel.
4 Le règlement n_ 3508/92 établit le système intégré de gestion et de contrôle (ci-après «SIGC»). Ce système vise à prévenir la fraude en imposant des sanctions effectives en cas d'irrégularités ou de fraudes. Il vise également à limiter les formalités administratives tant pour les exploitants que pour les autorités responsables de la gestion des différents régimes d'aides en établissant un système d'administration unique pour tous les régimes d'aides ainsi qu'en obligeant chaque État membre à créer une base de données informatisée pour enregistrer les données figurant dans les demandes d'aides.
5 Les dispositions pertinentes du règlement n_ 3508/92, aux fins de l'affaire au principal, sont les suivantes:
«Article 2
Le système intégré comprend les éléments suivants:
a) une base de données informatisée;
b) un système alphanumérique d'identification des parcelles agricoles;
c) un système alphanumérique d'identification et d'enregistrement des animaux;
d) des demandes d'aides; e) un système intégré de contrôle.
Article 3
1. Dans la base de données informatisée sont enregistrées, pour chaque exploitation agricole, les données provenant des demandes d'aides. Cette base de données doit notamment permettre de consulter d'une façon directe et immédiate, auprès de l'autorité compétente de l'État membre, les données relatives au moins aux trois dernières années civiles et/ou campagnes consécutives.
...
Article 4
Le système alphanumérique d'identification des parcelles agricoles est constitué sur la base de plans et de documents cadastraux, d'autres références cartographiques ou sur la base de photographies aériennes ou d'images spatiales ou d'autres références justificatives équivalentes ou sur la base de plusieurs de ces éléments.
...
Article 9
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la protection des données relevées.»
6 L'article 9, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 dispose:
«Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides `surfaces' dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée:
- de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 2 % ou à 2 hectares et égal à 10 % au maximum de la superficie déterminée,
- de 30 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée.
Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée.
Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave:
- l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause
et
- en cas d'une fausse déclaration faite délibérément du bénéfice de tout régime d'aides visé à l'article 1er paragraphe 1 du règlement (CEE) n_ 3508/92 au titre de l'année civile suivante pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée.
Les diminutions susvisées ne sont pas appliquées si, pour la détermination de la superficie, l'exploitant prouve qu'il s'est correctement basé sur des informations reconnues par l'autorité compétente.
...»
Les dispositions nationales
7 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que, au Royaume-Uni, les demandes de paiements des surfaces arables doivent être faites sur un formulaire SIGC comportant deux parties: un formulaire principal («Base Form») et un imprimé sur les données relatives aux parcelles («Field Data Printout»). Ce dernier imprimé comporte une liste des différentes parcelles du demandeur; pour chacune d'entre elles, l'exploitant est tenu d'indiquer la culture qui y est pratiquée ou si la parcelle considérée est gelée. Chaque année, le MAFF envoie à tous les demandeurs de paiements des surfaces arables poursuivant l'exploitation des mêmes terres un imprimé informatique reprenant toutes les données fournies par ceux-ci dans leur demande de l'année précédente. L'exploitant ne doit donc qu'apporter les modifications nécessaires en remplissant sa demande SIGC.
8 Tout formulaire principal utilisé par le MAFF fait obligation au demandeur de déclarer que les informations y figurant sont exactes et qu'elles «peuvent être transmises à titre confidentiel par le(s) service(s) agricole(s) à des agents dûment autorisés aux fins de vérifier leur exactitude, d'apprécier le(s) régime(s) couvert(s) par cette demande ou pour servir aux autres tâches effectuées au sein des services agricoles considérés».
9 Du fait de cette exigence imposée par le formulaire britannique de base, l'exploitant reçoit, au cours de la première année d'exploitation d'une parcelle particulière, un imprimé en blanc sur les données relatives aux parcelles et il est censé obtenir les informations qui auraient figuré sur cet imprimé d'autres sources que le MAFF. Au cas où un exploitant peut établir auprès du MAFF l'existence de circonstances exceptionnelles et s'il a épuisé tous les moyens ordinaires pour obtenir les informations que contient normalement l'imprimé sur les données relatives aux parcelles, le MAFF peut divulguer à l'exploitant certaines des informations figurant sur cet imprimé.
Le litige au principal
10 Fisher exploite trois fermes, Glebe Farm, Castle Hill Farm et Carlam Hill Farm. Les deux dernières sont la propriété de Flint Co. Ltd (ci-après «Flint») et étaient affermées à M. Nicholson jusqu'en 1995. En 1994, ce dernier a fait l'objet d'une procédure de faillite et Flint lui a donné son congé.
11 Lors de l'été de l'année 1995, des représentants de Flint ont prié Fisher d'inspecter les cultures de Castle Hill Farm et de Carlam Hill Farm afin de déterminer celles qui pouvaient y être récoltées. L'inspection a été effectuée par Fisher, qui était accompagné d'un expert agronome. À la fin du mois d'octobre 1995, Flint a été mise en possession des exploitations concernées, à la suite de quoi son représentant, Fisher, a commencé à les exploiter.
12 La juridiction de renvoi relève que ni M. Nicholson ni aucune personne agissant pour son compte n'était disposé à fournir à Fisher les informations relatives à l'exploitation antérieure des deux fermes. Au début du mois de novembre 1995, Fisher a ainsi demandé au MAFF de lui fournir ces informations, au motif qu'il n'avait pu les obtenir autrement, ce que ce dernier n'a pas contesté. Les précisions demandées portaient sur les zones éligibles aux paiements compensatoires pour le gel de terres et les imprimés des années précédentes sur les données relatives aux parcelles.
13 Invoquant la Data Protection Act 1984 (loi de 1984 sur la protection des données), le MAFF a, par lettre du 7 novembre 1995, refusé de fournir les informations sollicitées, en déclarant en même temps que, «si, pour des motifs exceptionnels, vous vous trouvez dans l'impossibilité d'obtenir les informations nécessaires auprès des sources suggérées, nous pourrons envisager de divulguer certaines informations de base concernant les terres».
14 Par lettre du 21 novembre 1995, le MAFF a admis que Fisher avait épuisé tous les moyens ordinaires en vue d'obtenir les informations sollicitées, en sorte qu'il lui a fourni certaines données de base concernant les terres des deux fermes ainsi que certaines informations précisant les terres qui avaient été gelées les années précédentes. Toutefois, aucune information n'a été donnée quant aux cultures antérieurement pratiquées, c'est-à-dire celles qui, selon les imprimés sur les données relatives aux parcelles («Field Data Printouts») des années précédentes, avaient été pratiquées sur les différentes parcelles.
15 Lorsque ces informations sont parvenues à Fisher, celui-ci avait déjà semé une partie des terres, le reste devant être semé le printemps suivant. Lors de l'audience devant la Cour, il a toutefois été précisé et reconnu par toutes les parties qu'aucune des terres ensemencées lors de l'automne de 1995 n'était inéligible au gel.
16 Le 3 mai 1996, Fisher a présenté son formulaire SIGC au MAFF. Le 26 novembre 1996, il a été informé que, dans le cadre de l'examen de sa demande, il avait été découvert que deux parcelles de Castle Hill Farm et Carlam Hill Farm n'étaient pas éligibles aux paiements pour le gel de terres en raison des cultures qui y avaient été pratiquées, de sorte qu'il convenait de refuser ce paiement.
17 En outre, des sanctions ont été prononcées à l'encontre de Fisher aux conditions énoncées à l'article 9 du règlement n_ 3887/92.
18 Fisher a introduit un recours contre la décision de lui imposer ces sanctions. Son recours ayant été rejeté, il a introduit une procédure de contrôle juridictionnel devant la juridiction de renvoi aux fins d'obtenir une ordonnance de certiorari annulant la décision du MAFF qui confirmait les sanctions qui lui ont été imposées, une déclaration constatant l'illégalité et l'invalidité de ladite décision ainsi que le paiement d'une indemnité.
19 Fisher a soutenu devant la juridiction de renvoi que l'erreur commise lorsqu'il a pratiqué le gel des terres non éligibles résultait du refus du MAFF de lui fournir les informations relatives aux cultures antérieurement pratiquées sur les terres concernées. Le MAFF aurait agi illégalement à deux égards. En premier lieu, si les informations nécessaires, qui avaient été réclamées en novembre 1995, avaient été fournies, Fisher aurait été informé des parcelles qui étaient éligibles pour le gel et n'aurait donc pas gelé des parcelles inéligibles le printemps suivant en procédant aux semailles de printemps. En second lieu, le MAFF aurait agi illégalement dans la mesure où, en le sanctionnant pour des erreurs commises dans sa demande SIGC, il s'est fondé sur des informations qu'il avait antérieurement refusé de lui fournir, malgré les demandes présentées à cet effet. Par conséquent, le MAFF n'aurait pas dû utiliser à son encontre des informations qu'il lui avait refusées.
20 Devant la juridiction de renvoi, le MAFF a répondu au premier moyen qu'il ne pouvait pas fournir les informations demandées sur les cultures antérieurement pratiquées sans violer ses obligations à l'égard de M. Nicholson et d'un liquidateur, lesquels lui avaient donné ces informations à titre confidentiel, conformément à la déclaration susmentionnée figurant sur le formulaire principal. En ce qui concerne le second moyen, le MAFF a déclaré qu'il était autorisé, et même tenu, d'utiliser les informations dans son argumentation relative aux cultures antérieurement pratiquées afin de vérifier si les terres gelées étaient éligibles.
21 En outre, le MAFF a soutenu, ce que la juridiction de renvoi a admis, que Fisher aurait pu s'assurer que les terres gelées étaient éligibles au gel s'il avait utilisé les informations que sa propre inspection de l'été 1995 lui avait permis de recueillir, ainsi que les informations que lui avait fournies le MAFF en novembre 1995. Cette juridiction a toutefois estimé que ceci ne constituait pas une réponse aux moyens de Fisher et a considéré comme établi que, si les informations supplémentaires sollicitées par Fisher lui avaient été fournies avant ses semailles du printemps 1996, celui-ci aurait choisi de ne geler que des terres éligibles. Selon la juridiction de renvoi, la circonstance que Fisher n'a pas agi ainsi est par conséquent directement imputable au fait que les informations supplémentaires qu'il souhaitait obtenir ne lui avaient pas été fournies.
Les questions préjudicielles
22 Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) a) Les articles 3, paragraphe 1, ainsi que 9 du règlement (CEE) n_ 3508/92, appliqués en combinaison avec les principes généraux de droit communautaire, permettent-ils de divulguer à des tiers des informations qui sont enregistrées sur une base de données informatisée, créée en application de l'article 2, et qui sont relatives à des données fournies par ou pour le compte d'un ancien demandeur de paiements au titre du régime des paiements surfaces arables (`Arable Area Payments')?
b) Si la première question, sous a), appelle une réponse positive, la divulgation à laquelle l'autorité compétente est légalement tenue est-elle limitée, quant aux personnes auxquelles les informations peuvent être divulguées,
i) aux personnes habilitées par l'ancien demandeur sur le formulaire principal utilisé au Royaume-Uni (`UK Base Form'), et/ou
ii) aux personnes sollicitant ces informations à l'occasion d'une demande d'aide agricole portant sur les mêmes terres que celles de l'ancien demandeur, même lorsque ce dernier refuse de divulguer ces informations,
et, quant aux informations devant être divulguées:
iii) aux informations ne constituant pas des informations confidentielles sur un plan commercial, et/ou
iv) aux informations dont la divulgation est nécessaire pour assurer que la personne sollicitant ces informations puisse, en prenant des mesures raisonnables, éviter d'encourir des sanctions liées à sa propre demande d'aide agricole?
2) Si la première question, sous a), appelle une réponse positive, et que les autorités compétentes se sont illégalement abstenues de divulguer les informations sollicitées dans un cas où la personne concernée n'aurait gelé que des terres éligibles si elle avait obtenu ces informations, cette seule raison suffit-elle à rendre illicite l'imposition de sanctions en application de l'article 9 du règlement (CEE) n_ 3887/92?
3) Que la non-divulgation des informations par les autorités compétentes ait été légale ou illégale, ces autorités sont-elles habilitées à utiliser, à l'encontre d'une personne, des informations qu'elles avaient refusé de lui fournir malgré ses demandes en ce sens?»
Sur la première question
23 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 3, paragraphe 1, et 9 du règlement n_ 3508/92, appliqués en combinaison avec les principes généraux de droit communautaire, permettent aux autorités compétentes de divulguer des données relatives aux cultures arables pratiquées au cours des années précédentes et qui ont été fournies par ou pour le compte d'un ancien demandeur de paiements au titre du régime des paiements des surfaces arables à un nouvel exploitant qui en a besoin pour pouvoir demander de tels paiements portant sur les mêmes terres.
24 Il résulte d'abord de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 3508/92 que celui-ci, en prévoyant expressément une consultation auprès de l'autorité compétente de la base de données dans laquelle sont enregistrées les informations provenant des demandes d'aides, n'exclut pas que celle-ci soit consultée par des personnes autres que l'autorité compétente elle-même.
25 Ensuite, il est prévu à l'article 9 de ce même règlement que les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la protection des données relevées sans, toutefois, en indiquer les détails.
26 Dès lors, s'il appartient aux États membres de déterminer, en l'absence d'indications précises à cet égard, la portée et les modalités d'une telle protection, il n'en demeure pas moins que les mesures nationales ne doivent ni aller au-delà de ce qui est nécessaire à l'application correcte du règlement n_ 3508/92 ni porter atteinte à la portée ou à l'efficacité de ce dernier.
27 À cet égard, il ressort des deuxième et troisième considérants du règlement n_ 3508/92 que celui-ci vise à rendre plus efficaces les activités de gestion et de contrôle. Or, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 42 de ses conclusions, une procédure efficace suppose que les informations qui doivent être fournies par un demandeur d'aides, conformément à l'article 6 dudit règlement, soient complètes et exactes dès le départ et que, dès lors, le demandeur soit en mesure de disposer des informations nécessaires afin d'assurer la régularité des demandes qu'il doit présenter à l'autorité compétente.
28 Force est de constater, en outre, qu'un demandeur d'aides a, dans le cadre de l'application du règlement n_ 3508/92, un intérêt essentiel et légitime à pouvoir disposer des informations nécessaires afin de présenter une demande correcte d'octroi de paiements compensatoires et d'éviter de se voir imposer des sanctions.
29 Les mesures prises par les États membres en vue de la protection des données relevées ne sauraient donc faire abstraction de cet intérêt.
30 Contrairement à ce que prétend le gouvernement du Royaume-Uni, ne satisfait pas à cette exigence une règle générale selon laquelle les données relevées ne sont divulguées à un tiers qu'avec l'accord de celui qui a fourni les informations en cause et si, et dans la mesure où, un intérêt impératif le requiert, en ce qu'elle exclut de tenir compte de l'intérêt légitime qu'un demandeur d'aides peut avoir à prendre connaissance de certaines de ces données.
31 En effet, pour répondre à la question de savoir si certaines informations contenues dans la base de données peuvent être divulguées, l'autorité compétente doit mettre en balance, d'une part, l'intérêt de celui qui les a fournies et, d'autre part, l'intérêt de celui qui en a besoin aux fins de satisfaire à un but légitime.
32 Toutefois, les intérêts respectifs des personnes concernées à l'égard des données à caractère personnel doivent être évalués dans le respect de la protection des libertés et des droits fondamentaux.
33 À cet égard, les dispositions de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31, ci-après la «directive»), fournissent des critères qui se prêtent à être appliqués par l'autorité compétente lors de cette évaluation.
34 En effet, même si cette directive n'était pas encore entrée en vigueur à l'époque des faits au principal, il ressort de ses dixième et onzième considérants qu'elle reprend, au niveau communautaire, les principes généraux qui faisaient déjà partie, en la matière, du droit des États membres.
35 En ce qui concerne, notamment, la divulgation des données, l'article 7, sous f), de la directive autorise une telle divulgation si elle est nécessaire à la réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par un tiers auquel les données à caractère personnel sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, qui appellent une protection.
36 S'agissant de l'application de tels critères dans l'affaire au principal, rien dans le dossier ne permet de conclure que Fisher poursuivait un intérêt autre que celui, essentiel et légitime, à pouvoir disposer des données dont il avait besoin pour s'acquitter des obligations résultant du règlement n_ 3508/92 et qu'il ne pouvait pas obtenir par une autre voie.
37 Il ne ressort pas non plus du dossier que la divulgation à Fisher des données sollicitées était de nature à porter atteinte à un intérêt quelconque du titulaire de ces données ou à ses droits et libertés fondamentaux.
38 Il appartient, toutefois, à la juridiction nationale, qui est seule à avoir une connaissance de l'ensemble des faits pertinents du litige au principal, d'évaluer les intérêts des personnes concernées afin de pouvoir apprécier si les données sollicitées pouvaient être divulguées à Fisher.
39 Dès lors, il convient de répondre à la première question que les articles 3, paragraphe 1, et 9 du règlement n_ 3508/92, appliqués en combinaison avec les principes généraux de droit communautaire, permettent aux autorités compétentes, après avoir mis en balance les intérêts respectifs des personnes concernées, de divulguer des données relatives aux cultures arables pratiquées au cours des années précédentes et qui ont été fournies par ou pour le compte d'un ancien demandeur de paiements au titre du régime des paiements des surfaces arables à un nouvel exploitant qui en a besoin pour pouvoir demander de tels paiements portant sur les mêmes terres et qui ne peut les obtenir par une autre voie.
Sur les deuxième et troisième questions
40 Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si, en cas de refus de divulgation des informations sollicitées, l'autorité compétente est en droit, ou même tenue, d'imposer des sanctions au demandeur, en vertu de l'article 9 du règlement n_ 3887/92, et si, ce faisant, elle peut se fonder sur les informations qu'elle ne lui a pas communiquées lors de la demande.
41 Selon le gouvernement du Royaume-Uni, l'autorité compétente était tenue d'imposer les sanctions prescrites par l'article 9 du règlement n_ 3887/92 en cas de fausses déclarations, étant donné que Fisher ne pouvait se prévaloir de la seule exception prévue à l'article 9, paragraphe 2, quatrième alinéa, de ce règlement, à savoir le cas où, «pour la détermination de la superficie, l'exploitant prouve qu'il s'est correctement basé sur des informations reconnues par l'autorité compétente».
42 À cet égard, il convient de constater d'abord que, dans l'affaire au principal, la juridiction de renvoi a constaté que l'imposition des sanctions était indiscutablement imputable au refus de divulgation des informations sollicitées auprès de l'autorité compétente.
43 Ensuite, il importe de relever que l'imposition de sanctions est exclue lorsque la déclaration est fausse en raison des informations erronées émanant de l'autorité compétente. Il s'ensuit que l'exception énoncée à la fin de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 trouve sa justification dans le fait que la fausse déclaration du demandeur concernant la détermination de la superficie est imputable à l'autorité compétente.
44 Il en est de même lorsque la déclaration est fausse en raison de l'absence d'informations de la part de cette autorité. En effet, il est constant que, lorsque celle-ci s'est contentée de refuser à un nouvel exploitant la divulgation des données relevées dont celui-ci avait besoin et qu'il ne pouvait pas obtenir par une autre voie, le caractère erroné de la déclaration est imputable à l'autorité compétente.
45 Dans ces conditions, l'autorité compétente ne saurait infliger des sanctions au nouvel exploitant alors qu'elle savait que celui-ci ne disposait pas, en raison de son propre refus de divulgation, lors de la demande, des informations nécessaires afin d'assurer la régularité de sa demande d'aides.
46 L'article 9, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 doit dès lors être interprété en ce sens qu'il ne permet pas d'infliger des sanctions lorsque le caractère erroné de la déclaration est imputable au refus de l'autorité compétente de divulguer les données relevées à un nouvel exploitant qui en a besoin afin d'assurer la régularité de sa demande d'aides et qu'il ne peut les obtenir par une autre voie.
47 Il y a donc lieu de répondre aux deuxième et troisième questions en ce sens que, en cas de refus de divulgation des informations sollicitées, l'autorité compétente ne saurait imposer des sanctions au demandeur, en vertu de l'article 9 du règlement n_ 3887/92, en se fondant sur les informations qu'elle ne lui a pas communiquées lors de la demande.
Sur les dépens
48 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(quatrième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Divisional Court), par ordonnance du 13 mars 1998, dit pour droit:
1) Les articles 3, paragraphe 1, et 9 du règlement (CEE) n_ 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, appliqués en combinaison avec les principes généraux de droit communautaire, permettent aux autorités compétentes, après avoir mis en balance les intérêts respectifs des personnes concernées, de divulguer des données relatives aux cultures arables pratiquées au cours des années précédentes et qui ont été fournies par ou pour le compte d'un ancien demandeur de paiements au titre du régime des paiements des surfaces arables à un nouvel exploitant qui en a besoin pour pouvoir demander de tels paiements portant sur les mêmes terres et qui ne peut les obtenir par une autre voie.
2) En cas de refus de divulgation des informations sollicitées, l'autorité compétente ne saurait imposer des sanctions au demandeur, en vertu de l'article 9 du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, en se fondant sur les informations qu'elle ne lui a pas communiquées lors de la demande.