61998J0351

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 26 septembre 2002. - Royaume d'Espagne contre Commission des Communautés européennes. - Aides d'État - Incidence sur la concurrence et les échanges entre États membres - Règle de minimis - Encadrements sectoriels et encadrement des aides à la protection de l'environnement - Aide horizontale ayant des incidences sectorielles. - Affaire C-351/98.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-08031


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Aides accordées par les États Notion Différenciation entre entreprises en matière de charges

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE))

2. Aides accordées par les États Affectation des échanges entre États membres Aides d'importance mineure Exclusion par la Commission du secteur des transports du bénéfice de la règle dite de minimis Portée Entreprises n'effectuant que des transports pour compte propre.

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE))

3. Aides accordées par les États Aides à l'investissement réservées aux entreprises établies sur le territoire national Discrimination Absence

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE))

4. Actes des institutions Motivation Obligation Portée Décision de la Commission en matière d'aides d'État Caractérisation de l'affectation des échanges entre États membres

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE) et art. 190 (devenu art. 253 CE))

5. Aides accordées par les États Affectation des échanges entre États membres Atteinte à la concurrence Aides de faible importance individuelle mais dispensées dans un secteur caractérisé par une vive concurrence découlant d'une situation de surcapacité et par un nombre élevé de petites entreprises

(Traité CE, art. 92, § 1 (devenu, après modification, art. 87, § 1, CE))

6. Aides accordées par les États Examen par la Commission Examen a priori Prise en compte des effets constatés a posteriori Exclusion

(Traité CE, art. 93, § 3 (devenu art. 88, § 3, CE))

7. Actes des institutions Motivation Obligation Portée Refus de la Commission d'autoriser une aide d'État au titre d'un encadrement la liant Nécessité de qualifier l'aide au regard d'une distinction essentielle opérée par l'encadrement

(Traité CE, art. 92, § 3 (devenu, après modification, art. 87, § 3, CE) et art. 190 (devenu art. 253 CE))

8. Aides accordées par les États Examen par la Commission Compatibilité d'une aide avec le marché commun Aides relevant de l'encadrement des aides visant la protection de l'environnement Interdiction du cumul avec d'autres aides Absence

(Traité CE, art. 92, § 3, c) (devenu, après modification, art. 87, § 3, c), CE))

Sommaire


1. La notion d'aide d'État ne vise pas des mesures introduisant une différenciation entre entreprises en matière de charges lorsque cette différenciation résulte de la nature et de l'économie du système de charges en cause. Relève toutefois de cette notion le soutien apporté à certaines entreprises en particulier pour assurer une partie des charges pesant normalement sur leur budget, tel le nécessaire renouvellement de leurs véhicules industriels.

( voir points 42-43 )

2. La situation des transporteurs professionnels et celle des entreprises qui n'effectuent que des transports pour compte propre ne sont pas suffisamment homogènes pour caractériser l'appartenance des deux catégories au même secteur et leur intervention sur un même marché. De ce fait l'exclusion du secteur des transports du bénéfice, en matière d'aides d'État, de la règle de minimis que prévoient les encadrements et communications adoptés par la Commission, et liant celle-ci dans la mesure où ils ne s'écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres, ne trouve pas à s'appliquer aux aides octroyées, pour le renouvellement de leurs véhicules industriels, à des entreprises n'effectuant que des transports pour compte propre.

( voir points 48, 53 )

3. Une discrimination consiste notamment dans le traitement différent de situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d'autres sans que cette différence de traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine importance. Étant donné qu'une mesure de soutien à des investissements prise par une autorité publique ne s'applique, par définition, qu'à l'égard du territoire dont cette dernière a la responsabilité, on ne saurait qualifier de discrimination le fait qu'elle ne bénéficie pas aux entreprises non établies sur ce territoire, celles-ci étant dans une situation tout à fait différente à son égard de celles établies sur ledit territoire.

( voir point 57 )

4. Dans certains cas, les circonstances mêmes dans lesquelles une aide est accordée font ressortir qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence. Dans de tels cas, il incombe à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision. Satisfait à cette exigence une motivation qui relève qu'une aide s'applique à un nombre indéterminé de bénéficiaires au-delà du seuil de minimis, qu'elle concerne des services pour lesquels la prestation est libéralisée entre les États membres et que ces services sont par nature susceptibles de faire l'objet de prestations entre ces derniers.

( voir point 58 )

5. Une aide d'État d'une importance relativement faible est de nature à affecter la concurrence et les échanges entre États membres lorsque le secteur dans lequel opèrent les entreprises qui en bénéficient connaît une vive concurrence. Or, excepté l'hypothèse où les acteurs du marché en cause adopteraient des comportements anticoncurrentiels, un secteur en situation de surcapacité connaît nécessairement une situation de vive concurrence. En outre, lorsqu'un secteur est caractérisé par un nombre élevé de petites entreprises, une aide, même modeste sur le plan individuel, ouverte potentiellement à l'ensemble ou à une très large partie des entreprises du secteur, peut avoir des répercussions sur la concurrence et les échanges entre États membres et tomber de ce fait sous le coup de l'interdiction prévue par l'article 92, paragraphe 1, du traité (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE).

( voir points 63-65 )

6. Aux termes de l'article 93, paragraphe 3, du traité (devenu article 88, paragraphe 3, CE), les régimes d'aides doivent être notifiés et autorisés par la Commission avant leur entrée en vigueur et, par conséquent, ils ne sauraient être examinés qu'au regard de leurs caractéristiques générales fixées a priori et non au regard de résultats constatés a posteriori. S'il en était autrement, les États membres qui mettraient en oeuvre un régime d'aides avant d'avoir obtenu l'autorisation de la Commission à cette fin seraient incontestablement dans une situation plus favorable que ceux qui respectent l'obligation de ne pas mettre à exécution les mesures envisagées avant la décision finale de ladite institution.

( voir point 67 )

7. Dès lors que l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement qu'elle a adopté en matière de contrôle des aides d'État, et qui la lie dans la mesure où il ne s'écarte pas des normes du traité et où il est accepté par les États membres, accorde une importance essentielle à la qualification de l'aide comme aide à l'investissement ou comme aide au fonctionnement, la Commission ne saurait décider qu'une aide ne peut être autorisée au titre de cet encadrement sans, dans la motivation de sa décision, ranger celle-ci dans l'une de ces deux catégories.

( voir points 76-78, 81 )

8. Un régime national d'aides ayant des objectifs de réduction de la pollution et des nuisances, s'il remplit les critères définis par l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement et, le cas échéant, par certaines règles sectorielles, ne peut pas être déclaré globalement incompatible avec le marché commun au motif que certains de ses bénéficiaires auraient déjà reçu des aides d'État autorisées à un autre titre, dès lors que pareille incompatibilité n'est justifiée ni par ledit encadrement ni par la communication sur le cumul des aides à finalités différentes.

( voir point 90 )

Parties


Dans l'affaire C-351/98,

Royaume d'Espagne, représenté par Mme R. Silva de Lapuerta, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Guerra Fernández et D. Triantafyllou, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation partielle de la décision 98/693/CE de la Commission, du 1er juillet 1998, concernant le régime espagnol d'aide à l'achat de véhicules industriels Plan Renove Industrial (août 1994- décembre 1996) (JO L 329, p. 23),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet (rapporteur), V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 31 janvier 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 septembre 1998, le royaume d'Espagne a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), demandé l'annulation des articles 3 et 4 de la décision 98/693/CE de la Commission, du 1er juillet 1998, concernant le régime espagnol d'aide à l'achat de véhicules industriels Plan Renove Industrial (août 1994- décembre 1996) (JO L 329, p. 23, ci-après la «décision attaquée»).

Le cadre factuel et la décision attaquée

2 Par convention conclue le 27 septembre 1994 entre le ministère de l'Industrie et de l'Énergie espagnol et l'Instituto de Crédito Oficial, les autorités espagnoles ont mis en place un dispositif, applicable du mois d'août 1994 au mois de décembre 1996 sous la forme en cause dans la présente affaire, et dénommé «Plan Renove Industrial» (ci-après le «Plan»), visant à faciliter le remplacement des véhicules industriels des personnes physiques, des petites et moyennes entreprises (ci-après les «PME»), des entités publiques territoriales et des entités chargées de services publics locaux.

3 Le mécanisme consistait en une bonification d'intérêts applicable aux crédits contractés pour l'achat ou la location avec option d'achat d'un véhicule neuf éligible. Les crédits octroyés dans le cadre du Plan pouvaient représenter jusqu'à 70 % du prix d'achat hors TVA du véhicule et la bonification était accordée à la condition qu'un véhicule industriel de plus de dix ans (ou de plus de sept pour les tracteurs routiers) répondant à certaines conditions définies en fonction du type de véhicule acheté soit retiré de la circulation en compensation. Compte tenu de la durée des crédits utilisés, l'équivalent-subvention de la mesure de bonification était au maximum de 6,5 % du prix d'achat hors TVA du nouveau véhicule.

4 Estimant que la mesure en cause ne constituait pas une aide d'État, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), les autorités espagnoles ne l'ont pas notifiée à la Commission au titre des dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE).

5 La Commission en a pris connaissance par la presse. Après avoir envoyé une première demande de renseignements aux autorités espagnoles le 9 février 1995 et après plusieurs échanges de lettres avec celles-ci, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité. Elle en a informé les autorités espagnoles par lettre du 26 juin 1996 et a publié cette lettre au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1996, C 266, p. 10), en invitant l'ensemble des intéressés à présenter leurs observations.

6 Les autorités espagnoles ont présenté leurs observations par lettre du 26 juillet 1996. Aucun autre État membre ni aucun autre tiers intéressé n'a présenté d'observations. Après de nouvelles demandes d'informations et de nouveaux échanges, ainsi qu'une réunion bilatérale entre les services de la Commission et ceux du gouvernement espagnol, la Commission a adopté la décision attaquée.

7 Dans la partie II des motifs de celle-ci, la Commission rappelle tout d'abord que les transports routiers internationaux de voyageurs et de marchandises ont été totalement libéralisés dans la Communauté à compter, respectivement, du 1er juin 1992 et du 1er janvier 1993. Quant au cabotage, la Commission rappelle que sa libéralisation est effective depuis le 30 août 1992 en ce qui concerne les transports routiers de voyageurs (sauf les services réguliers) et qu'elle a été réalisée progressivement entre 1990 et le 1er juillet 1998 pour les transports de marchandises.

8 La Commission considère ensuite, dans la partie IV des motifs de la décision attaquée, que les bonifications octroyées aux entités publiques territoriales ou aux entités de prestation de services publics locaux et celles octroyées, en vue de l'acquisition de petits véhicules industriels, à des personnes physiques ou à des PME, lorsqu'elles ne sont pas des entreprises de transport professionnelles (ci-après les «non-professionnels du transport») et qu'elles exercent leur activité à une échelle exclusivement locale ou régionale, ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En effet, selon la Commission, ces aides n'affectent pas les échanges entre les États membres. En particulier, s'agissant des non-professionnels du transport exerçant leurs activités à une échelle exclusivement locale ou régionale, la Commission estime que le type de trajet effectué par les petits véhicules industriels ainsi que l'absence d'alternative économiquement viable permettant de confier les transports correspondants à des entreprises de transport professionnelles impliquent l'absence d'incidence sur les échanges entre États membres et sur le marché des transports. Cette appréciation est reprise aux articles 1er et 2 du dispositif de la décision attaquée.

9 En revanche, la Commission estime que toutes les autres aides octroyées dans le cadre du Plan à des personnes physiques ou à des PME (ci-après les «aides litigieuses») constituent des aides d'État, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, qui sont illégales et incompatibles avec le marché commun. Cette appréciation est reprise à l'article 3 du dispositif de la décision attaquée.

10 D'une part, la Commission considère que les aides litigieuses sont financées au moyen de ressources d'État, qu'elles faussent la concurrence en réduisant les coûts d'exploitation normaux de leurs bénéficiaires et qu'elles affectent les échanges dans le secteur des transports routiers en voie de libéralisation complète. À cet égard, la Commission souligne que les bénéficiaires de ces aides sont en concurrence avec les entreprises de transport établies en Espagne ou dans d'autres États membres qui ne peuvent en profiter. Elle fait valoir que, à tout le moins en pratique, le Plan est discriminatoire à l'égard des transporteurs non établis en Espagne qui doivent, s'ils souhaitent en bénéficier, conclure un accord préalable avec un opérateur espagnol disposé à retirer de la circulation un véhicule adéquat immatriculé dans ledit État membre.

11 D'autre part, la Commission estime que les aides litigieuses ne peuvent bénéficier d'aucune dérogation et que, en particulier, elles ne sauraient relever de celle prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques.

12 En effet, la règle dite «de minimis», selon laquelle des aides de faible importance n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 92 du traité, issue de l'encadrement communautaire des aides d'État aux PME adopté par la Commission (voir, respectivement, JO 1992, C 213, p. 2, et JO 1996, C 213, p. 4, ainsi que JO 1996, C 68, p. 9), ne s'appliquerait pas au secteur des transports, qui engloberait aussi les transports effectués par les non-professionnels du transport pour «compte propre». En effet, ces transports et ceux effectués par des entreprises spécialisées seraient interchangeables.

13 La justification liée aux objectifs de protection de l'environnement du Plan, invoquée par les autorités espagnoles, ne saurait par ailleurs prospérer, car, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce, l'encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement (JO 1994, C 72, p. 3, ci-après l'«encadrement `environnement'») ne prévoirait la possibilité d'octroyer des aides que pour favoriser des actions qui vont au-delà de ce qu'exigent les prescriptions légales en matière d'environnement, ce qui ne serait pas le cas des aides litigieuses. Les subventions seraient en effet calculées sur la base du prix du véhicule neuf, indépendamment de toute considération écologique. En outre, le transport routier se caractériserait par un excès de capacité qui serait renforcé par le Plan, puisque celui-ci permet l'échange de véhicules anciens contre des véhicules neufs de plus grande capacité. La Commission ajoute que, selon sa pratique générale en matière d'aides, elle autorise des aides à des investissements nouveaux qui ne pourraient être réalisés sans celles-ci, mais non pas des aides à des investissements destinés uniquement à un remplacement.

14 La Commission estime également qu'il existe un risque de cumul avec d'autres aides qu'elle a autorisées par ailleurs.

15 Enfin, la Commission décide que les soutiens constitutifs d'aides d'État, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, doivent être récupérés auprès des bénéficiaires afin de rétablir les conditions de concurrence existant avant leur octroi. Elle relève que les aides litigieuses ont été illégalement accordées, qu'elles ne sauraient être devenues légales en raison du temps écoulé depuis la mise en vigueur du Plan et elle rejette l'argument des autorités espagnoles selon lequel, compte tenu de la faible intensité desdites aides, leur récupération serait contraire au principe de proportionnalité. L'exigence de récupération fait l'objet de l'article 4 de la décision attaquée.

Procédure et conclusions des parties

16 Postérieurement au dépôt du recours du royaume d'Espagne, la Confederación Española de Transporte de Mercancías (CETM) a déposé devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes un recours parallèle, visant également à l'annulation des articles 3 et 4 de la décision attaquée. Ce recours a été enregistré sous le numéro T-55/99. La procédure devant le Tribunal s'est poursuivie normalement.

17 Par ordonnance du 25 janvier 2000, les parties ayant été entendues, la Cour a, en application des articles 47, troisième alinéa, du statut CE de la Cour de justice et 82 bis, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, suspendu la procédure jusqu'au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l'instance dans l'affaire T-55/99. Par arrêt du 29 septembre 2000, CETM/Commission (T-55/99, Rec. p. II-3207), le Tribunal a rejeté le recours de la CETM.

18 Interrogé à cet égard, le gouvernement espagnol a indiqué à la Cour que la procédure devant celle-ci devait se poursuivre en dépit de l'intervention de l'arrêt du Tribunal, CETM/Commission, précité.

19 Le royaume d'Espagne conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler les articles 3 et 4 de la décision attaquée,

- condamner la Commission aux dépens.

20 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le recours comme non fondé,

- condamner le royaume d'Espagne aux dépens.

Sur le recours

21 Au soutien de son recours, le gouvernement espagnol invoque cinq moyens d'annulation. En premier lieu, les aides litigieuses n'entreraient pas dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En deuxième lieu, même si elles constituaient des aides relevant de cette disposition, elles auraient dû être autorisées sur le fondement de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. En troisième lieu, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime. En quatrième lieu, l'obligation de restituer les aides litigieuses méconnaîtrait le principe de proportionnalité. En cinquième et dernier lieu, la décision ne serait pas motivée en ce qui concerne ladite obligation de restitution.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité

Arguments des parties

22 Selon le gouvernement espagnol, les mesures visées à l'article 3 de la décision attaquée ne constituent pas des aides d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

23 En premier lieu, les aides litigieuses ne favoriseraient pas certaines entreprises ou certaines productions. En effet, elles s'adresseraient à un ensemble indéterminé de bénéficiaires potentiels. En outre, elles ne revêtiraient pas un caractère discriminatoire dès lors que les transporteurs non établis en Espagne pourraient en bénéficier indirectement soit en concluant un accord avec le propriétaire d'un véhicule immatriculé en Espagne, prêt à envoyer celui-ci à la ferraille, soit en immatriculant leurs propres véhicules en Espagne avant de les envoyer à la ferraille. Le gouvernement espagnol ajoute que l'exclusion des grandes entreprises du Plan répondrait à la nature et à l'économie du système, qui viserait à encourager la protection de l'environnement, la sécurité routière et la rénovation du parc automobile: en effet, les grandes entreprises renouvelleraient leur parc automobile plus tôt que les entreprises plus modestes et n'auraient pas besoin d'aides à cette fin.

24 À cet égard, le gouvernement espagnol se réfère à la définition de la «subvention spécifique» énoncée à l'article 2, point 2.1, sous b), de l'accord sur les subventions et les mesures compensatoires qui figure à l'annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (ci-après l'«accord sur les subventions»), approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1). Selon ledit gouvernement, cette définition, telle qu'explicitée par la note de bas de page n_ 2 de ladite disposition de l'accord sur les subventions, exclurait les subventions accordées selon des critères ou conditions «neutres, qui ne favorisent pas certaines entreprises par rapport à d'autres, et qui sont de caractère économique et d'application horizontale, par exemple nombre de salariés ou taille de l'entreprise». Il en déduit que le champ d'application du Plan remplit le critère de conformité à la nature et à l'économie du système, qui permettrait d'échapper à la qualification d'«aides» au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

25 En second lieu, les aides litigieuses ne fausseraient pas la concurrence et n'affecteraient pas les échanges entre États membres.

26 Le gouvernement espagnol se réfère tout d'abord à l'encadrement communautaire des aides d'État aux PME, précité, adopté par la Commission et, notamment, à la règle de minimis qu'il établit. La Commission aurait chiffré à 100 000 écus par entreprise sur une période de trois ans le montant de l'aide au-dessous duquel l'article 92, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas. Or, selon ce gouvernement, même si l'encadrement sur les aides d'État aux PME ne s'applique pas au secteur des transports, les raisons pour lesquelles la règle de minimis a été adoptée devraient conduire à appliquer cette règle en l'espèce.

.27 Le gouvernement espagnol invoque ensuite un certain nombre d'éléments factuels visant à démontrer la faible incidence des aides litigieuses sur le marché commun. Il fait valoir notamment que celles-ci ne s'adresseraient, pour l'essentiel, qu'à des entreprises effectuant des transports pour compte propre, à l'échelle locale, ainsi qu'à des transporteurs professionnels qui, pour la grande majorité d'entre eux, ne disposeraient que d'un petit nombre de véhicules. Ainsi le Plan viserait fondamentalement des véhicules qui ne concurrencent pas ceux d'autres États membres.

28 En ce qui concerne plus particulièrement les non-professionnels du transport effectuant exclusivement des transports pour compte propre, le gouvernement espagnol fait valoir que la Commission aurait elle-même reconnu que ces transports ne concurrencent pas ceux effectués pour le compte de tiers par les transporteurs professionnels dans son rapport COM(1998) 47 final, du 4 février 1998, sur la mise en oeuvre du règlement (CEE) n_ 3118/93 du Conseil, du 25 octobre 1993, fixant les conditions de l'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre (JO L 279, p. 1), qui dresse un bilan des activités de cabotage entre 1990 et 1995 et dans lequel le cabotage pour compte propre dans un État membre autre que celui d'établissement n'aurait pas été pris en compte, tant il aurait été négligeable.

29 Le gouvernement espagnol développe également plusieurs arguments pour démontrer que le transport professionnel pour compte de tiers et le transport pour compte propre ne constituent pas un même marché.

30 Selon lui, la justification donnée par la Commission pour démontrer l'incidence sur la concurrence et les échanges, à savoir la libéralisation des transports routiers de voyageurs et de marchandises, est en tout état de cause insuffisante pour démontrer une telle incidence. En se référant aux arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809), et du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission (C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151), le gouvernement espagnol soutient que la constatation de l'incidence sur les échanges entre États membres doit être motivée en particulier par rapport à la situation réelle du marché considéré, à la part de marché des entreprises bénéficiaires de l'aide, à la situation des entreprises en concurrence et aux courants d'échanges des services ou produits en cause entre les États membres. Or, aucun de ces éléments de motivation n'apparaîtrait dans la décision attaquée.

31 En définitive, selon le gouvernement espagnol, les bénéficiaires des aides litigieuses pouvant effectivement entrer en concurrence avec les transporteurs d'autres États membres se limiteraient à ceux ayant acheté les plus gros véhicules et les véhicules subventionnés de cette catégorie ne représenteraient que 0,1 % du parc des véhicules industriels.

32 La Commission conteste l'allégation selon laquelle le Plan ne favoriserait pas certaines entreprises ou certaines productions et constituerait ainsi une mesure générale non constitutive d'un régime d'aides au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. En premier lieu, le Plan ne bénéficierait qu'aux entreprises ayant besoin de véhicules industriels et celles n'ayant pas de tels besoins ne profiteraient donc pas des aides litigieuses. En deuxième lieu, parmi les entreprises, seules les PME seraient éligibles au dispositif. En troisième lieu, le fait que les catégories de bénéficiaires sont définies de manière impersonnelle ne remettrait pas en cause le caractère sélectif desdites aides. En quatrième lieu, l'exclusion des grandes entreprises ne serait nullement justifiée par la «nature et l'économie du système» au sens de la jurisprudence de la Cour. En cinquième lieu, les règles de l'accord sur les subventions ne seraient pas pertinentes pour apprécier une mesure au regard de l'article 92, paragraphe 1, du traité, en particulier en ce qui concerne la sélectivité de celle-ci.

33 La Commission réfute également l'affirmation selon laquelle le Plan ne fausserait pas la concurrence ou n'aurait pas d'incidence sur les échanges entre États membres.

34 La Commission souligne que le royaume d'Espagne invoque la règle de minimis sans établir que les entreprises bénéficiaires ne reçoivent pas des aides supérieures au plafond applicable. Elle rappelle que l'application de ladite règle est en tout état de cause exclue du secteur des transports, car celui-ci est caractérisé, d'une part, par une surcapacité impliquant que toute aide, aussi modeste soit-elle, aggrave ce problème et, d'autre part, par un très grand nombre d'opérateurs, en particulier en Espagne, situation qui conduit à ce qu'une aide, fût-elle modeste, octroyée à chaque opérateur a un impact significatif sur l'ensemble du secteur. La Commission fait valoir que la capacité totale en volume du parc espagnol de véhicules industriels a augmenté en raison de l'adoption du Plan.

35 La Commission soutient par ailleurs que le transport professionnel pour compte de tiers et le transport pour compte propre sont deux segments du même marché, dès lors que les prestations fournies seraient largement substituables. Le fait que le rapport sur le cabotage du 4 février 1998 constate que les entreprises effectuant des transports pour compte propre ont peu utilisé les possibilités de cabotage dans d'autres États membres entre 1990 et 1995 serait tout à fait normal, car ce n'est qu'à partir de l'entrée en vigueur du règlement (CE) n_ 792/94 de la Commission, du 8 avril 1994, portant modalités d'application du règlement n_ 3118/93 du Conseil en ce qui concerne les entreprises effectuant des transports de marchandises par route pour compte propre (JO L 92, p. 13), que celles-ci auraient eu librement accès au cabotage.

36 En ce qui concerne l'incidence sur la concurrence, la Commission soutient également que, même si les aides litigieuses n'ont pas d'impact sur les tarifs des bénéficiaires, compte tenu de la durée d'amortissement des véhicules, elle renforce en tout cas leur position financière. Le fait que seulement 0,5 % du parc espagnol de véhicules industriels a été renouvelé au moyen du Plan ne serait pas pertinent. D'une part, la Commission ne pouvait pas préjuger l'effet réel desdites aides en prenant la décision attaquée et, d'autre part, la référence à prendre en compte serait le parc des véhicules de plus de dix ans susceptibles de bénéficier de celles-ci et non l'ensemble du parc de véhicules industriels.

37 S'agissant plus spécialement de l'incidence sur les échanges entre États membres, la Commission invoque différents arguments pour démontrer son existence et soutient que, en tout état de cause, une analyse des effets concrets des aides litigieuses sur les échanges intracommunautaires n'était pas nécessaire dès lors que les circonstances rendant le préjudice évident pour les échanges (secteur ouvert à la concurrence, surcapacité, renforcement de la capacité financière et possibilités d'action des entreprises bénéficiaires par rapport aux concurrents étrangers) seraient mentionnées dans la décision attaquée et que la jurisprudence n'exigerait pas une analyse économique détaillée, en particulier s'agissant d'une aide non notifiée. La Commission se réfère à cet égard à l'arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission (T-214/95, Rec. p. II-717).

Appréciation de la Cour

38 L'article 92, paragraphe 1, du traité définit les aides qui sont réglementées par le traité comme étant les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.

39 Il convient d'examiner en premier lieu l'argument du gouvernement espagnol selon lequel les aides litigieuses ne favoriseraient pas certaines entreprises ou certaines productions.

40 Il y a lieu de constater d'abord, indépendamment de la question de savoir si le Plan présente ou non un caractère discriminatoire, que le bénéfice de celui-ci n'est pas accordé aux entreprises qui ne sont pas des PME et que, par conséquent, il vise certaines entreprises en particulier, même si leur nombre n'est pas limité.

41 Ensuite, il importe de relever que l'exclusion des entreprises qui ne sont pas des PME du bénéfice du Plan ne saurait être justifiée par la nature et l'économie du système dans lequel il se place, ce qui aurait été de nature à faire échapper ledit Plan à la qualification d'aide entrant dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

42 La notion d'aide a certes été interprétée par la Cour comme ne visant pas des mesures introduisant une différenciation entre entreprises en matière de charges lorsque cette différenciation résulte de la nature et de l'économie du système de charges en cause (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, point 33; du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C-72/91 et C-73/91, Rec. p. I-887, point 21, et du 20 septembre 2001, Banks, C-390/98, Rec. p. I-6117, point 33).

43 Toutefois, en l'espèce, les charges en cause sont celles qui résultent de la nécessité pour les entreprises de renouveler leurs véhicules industriels, charges qui pèsent normalement sur le budget de celles-ci. Dès lors, le soutien apporté à certaines entreprises pour assurer une partie de ces charges ne s'inscrit pas dans la nature et l'économie du système de charges en cause et doit être considéré comme favorisant ces entreprises. Dans ces conditions, les raisons invoquées par le gouvernement espagnol pour expliquer l'exclusion des grandes entreprises du bénéfice du Plan ne peuvent apparaître que comme des justifications au ciblage de la mesure, mais non comme des éléments permettant d'écarter la qualification d'aide de celle-ci.

44 Enfin, la circonstance que, dans le cadre de l'accord sur les subventions, les aides litigieuses ne seraient pas considérées comme une «subvention spécifique» ne saurait réduire la portée de la définition des aides visées à l'article 92, paragraphe 1, du traité.

45 Par conséquent, le premier argument invoqué par le gouvernement espagnol pour soutenir que les aides litigieuses n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité doit être rejeté.

46 S'agissant en second lieu de l'argument selon lequel les aides litigieuses ne fausseraient pas la concurrence et n'affecteraient pas les échanges entre États membres, il y a lieu d'examiner d'abord les éléments invoqués par le gouvernement espagnol concernant les non-professionnels du transport qui n'effectuent que des transports pour compte propre. À cet égard, le gouvernement espagnol soutient en substance que ces derniers ne sont pas en concurrence avec les transporteurs professionnels et que la Commission aurait dû appliquer à leur égard la règle de minimis.

47 Les choix de gestion de ces entreprises concernant l'externalisation ou l'exécution interne de leurs besoins en matière de transports ont certes un impact sur le marché des transports. En effet, lorsqu'un non-professionnel du transport investit dans des moyens de transport pour effectuer lui-même tout ou partie des transports nécessités par ses activités, il limite, en principe pour un certain temps, le marché accessible aux transporteurs professionnels. Tel est d'ailleurs le cas à l'égard de tous les marchés de services ou de produits qu'une entreprise peut soit assurer ou fabriquer elle-même pour ses besoins, soit demander à des fournisseurs extérieurs.

48 Toutefois, les différences de situation sont telles entre des transporteurs professionnels et des entreprises qui n'effectuent des transports que pour leurs propres besoins qu'il est impossible de considérer que ces dernières participent au marché des transports et font partie du secteur des transports. En particulier, ces entreprises n'ont et ne démarchent aucun client pour leur fournir des prestations de transport et chacune d'elles n'effectue des services de transports susceptibles de se substituer à ceux proposés par les transporteurs professionnels qu'à hauteur de ses propres besoins. La situation des transporteurs professionnels et celle des entreprises qui n'effectuent que des transports pour compte propre ne sont ainsi pas suffisamment homogènes pour caractériser l'appartenance des deux catégories au même secteur et leur intervention sur un même marché.

49 Dès lors, si la Commission était en droit d'examiner l'incidence sur le secteur des transports de l'octroi des aides litigieuses aux non-professionnels du transport, elle ne pouvait pas purement et simplement traiter ces derniers comme s'ils étaient des opérateurs du secteur des transports.

50 La Commission ne pouvait donc pas refuser d'examiner si, comme le soutenaient les autorités espagnoles, les soutiens apportés aux non-professionnels du transport pouvaient bénéficier de la règle de minimis, dont l'application n'est exclue, aux termes mêmes des communications de la Commission, que dans certains secteurs et pour les aides à l'exportation.

51 Il convient de relever à cet égard que, si la Cour a jugé que l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir, notamment, arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I-959, point 43), la modicité des aides accordées à une entreprise sur une période donnée exclut, dans un certain nombre de secteurs économiques, que les échanges entre États membres soient affectés.

52 La Commission a ainsi pu considérer, dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont elle dispose pour évaluer les effets économiques possibles des mesures d'aide que, sauf dans certains secteurs caractérisés par des conditions de concurrence particulières et hormis en ce qui concerne les aides à l'exportation, des aides inférieures aux montants définis dans l'encadrement communautaire des aides d'État aux PME, puis dans sa communication relative aux aides de minimis (JO 1996, C 68, p. 9), n'affectent pas les échanges et, partant, ne relèvent pas des articles 92 et 93 du traité. Les montants retenus par la Commission n'ont jusqu'à présent pas été contestés.

53 Or, la Commission est tenue par les encadrements ou communications qu'elle adopte en matière de contrôle des aides d'État dans la mesure où ils ne s'écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres (arrêts du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 22; du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 36, et du 15 octobre 1996, IJssel-Vliet, C-311/94, Rec. p. I-5023, point 43). La Commission ne peut donc refuser l'application de la règle de minimis aux aides octroyées à des entreprises relevant de secteurs qui ne sont pas exclus de l'application de cette règle par les différents textes applicables.

54 Dans ces conditions, les articles 3 et 4 de la décision attaquée doivent être annulés en tant qu'ils visent les aides octroyées à des personnes physiques ou à des PME qui se consacrent à des activités autres que des activités de transport et dont le montant est inférieur au seuil de minimis établi dans les encadrements et communications de la Commission en vigueur à la date de l'octroi de ces aides.

55 En ce qui concerne les aides supérieures audit seuil de minimis octroyées aux non-professionnels du transport, il importe de constater que la décision attaquée motive leur incidence sur la concurrence et les échanges entre États membres exclusivement par rapport au secteur des transports.

56 À cet égard, dans la décision attaquée, la Commission fait valoir que les aides litigieuses ont un impact sur la concurrence avec les entreprises de transport établies tant en Espagne que dans les autres États membres, puisque la libéralisation des transports routiers a ouvert la concurrence avec les entreprises des autres États membres dans le secteur du transport international ou du cabotage. En pratique, ces dernières feraient l'objet d'une discrimination, le mécanisme mis en oeuvre par le Plan leur étant d'un accès plus difficile.

57 Il convient tout d'abord de préciser que l'argument de la Commission selon lequel le Plan serait discriminatoire est dénué de fondement. Conformément à une jurisprudence constante, une discrimination consiste notamment dans le traitement différent de situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d'autres sans que cette différence de traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine importance (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1962, Klöckner-Werke et Hoesch/Haute Autorité, 17/61 et 20/61, Rec. p. 615, 652; du 15 janvier 1985, Finsider/Commission, 250/83, Rec. p. 131, point 8, et Banks, précité, point 35). Or, une mesure de soutien à des investissements prise par une autorité publique ne s'applique, par définition, qu'à l'égard du territoire dont cette dernière a la responsabilité et il ne saurait lui être reproché de ne pas en faire bénéficier des entreprises non établies sur ce territoire, celles-ci étant dans une situation tout à fait différente à son égard de celles établies sur ledit territoire. Toutefois, cette précision ne s'oppose pas à la qualification d'«aide», au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, d'une telle mesure de soutien si celle-ci remplit les critères énoncés par cette disposition.

58 À cet égard, dans certains cas, les circonstances mêmes dans lesquelles une aide est accordée font ressortir qu'elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence. Dans de tels cas, il incombe à la Commission d'évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (voir arrêts précités Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, point 24, et Allemagne e.a./Commission, point 52, ainsi que arrêt du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C-15/98 et C-105/99, Rec. p. I-8855, point 66). Or, contrairement à ce que soutient le gouvernement espagnol, la motivation de la décision attaquée, telle que reprise à la première phrase du point 56 du présent arrêt, suffit à caractériser l'incidence du Plan sur la concurrence et les échanges entre États membres, dès lors que celui-ci s'applique à un nombre indéterminé de bénéficiaires au-delà du seuil de minimis, qu'il concerne des services pour lesquels la prestation est libéralisée entre les États membres et que ces services sont par nature susceptibles de faire l'objet de prestations entre ces derniers. À cet égard, la circonstance que, en fait, seul un nombre restreint de transporteurs professionnels d'autres États membres pratiquent le cabotage en Espagne est sans importance, dans la mesure où, précisément, ledit Plan pourrait avoir tendance à freiner le développement de telles prestations de services.

59 Il résulte de ce qui précède que la Commission a suffisamment établi l'incidence des aides litigieuses sur la concurrence et les échanges entre États membres en ce qui concerne celles excédant le seuil de minimis accordées aux non-professionnels du transport.

60 Les mêmes motifs valent a fortiori pour les aides dépassant le seuil de minimis accordées à des transporteurs professionnels.

61 Il convient encore d'examiner la question de savoir si, en ce qui concerne les aides accordées aux transporteurs professionnels pour un montant inférieur au seuil de minimis, la Commission a suffisamment justifié l'incidence de celles-ci sur la concurrence et les échanges. Cette dernière a précisé à cet égard, dans la décision attaquée, que la règle de minimis exclut expressément le secteur des transports de son champ d'application en raison du fait que, dans ce secteur, caractérisé par un nombre élevé de petites entreprises, des sommes relativement faibles peuvent avoir des répercussions sur la concurrence et les échanges commerciaux entre États membres. Elle a par ailleurs rappelé que le secteur des transports routiers est caractérisé par un excès de capacité et que le Plan avait, selon les indications des autorités espagnoles, entraîné une légère augmentation de la capacité de transport en volume.

62 De son côté, le gouvernement espagnol soutient que les transporteurs professionnels bénéficiaires des aides litigieuses ne disposent, dans leur très grande majorité, que d'un petit nombre de véhicules. En particulier, 81 % desdits bénéficiaires ayant acheté les véhicules des catégories les plus importantes ne disposeraient que d'un seul véhicule et 97 % d'entre eux disposeraient de moins de cinq véhicules. Environ la moitié seulement des véhicules des catégories inférieures appartenant aux transporteurs professionnels disposerait d'une autorisation de transport à l'échelle «nationale». Parmi les véhicules disposant d'une autorisation de transport «nationale», qui sont considérés par le gouvernement espagnol comme étant les seuls à pouvoir entrer en concurrence avec les transporteurs des autres États membres, seuls 10 % auraient pu donner lieu à renouvellement dans le cadre du Plan parce qu'ils avaient plus de dix ans. Globalement, le renouvellement n'aurait porté que sur 0,5 % du parc de véhicules industriels espagnol (les véhicules renouvelés des catégories les plus importantes ne représentant, comme il a été indiqué au point 31 du présent arrêt, que 0,1 % dudit parc). Enfin, une aide maximale de 6,5 % du prix d'achat hors TVA par véhicule ne pourrait entraîner un avantage compétitif significatif en matière de tarifs sur la durée d'utilisation du véhicule concerné.

63 Il y a lieu de rappeler qu'une aide d'une importance relativement faible est de nature à affecter la concurrence et les échanges entre États membres lorsque le secteur dans lequel opèrent les entreprises qui en bénéficient connaît une vive concurrence (arrêts du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 24, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, Rec. p. I-1433, point 27).

64 Or, excepté l'hypothèse où les acteurs du marché en cause adopteraient des comportements anticoncurrentiels, un secteur en situation de surcapacité, ainsi que la Commission a qualifié le secteur des transports routiers sans que le gouvernement espagnol conteste cette allégation, connaît nécessairement une situation de vive concurrence. En outre, il est exact que, ainsi que le relève la Commission dans la partie V des motifs de la décision attaquée, lorsqu'un secteur est caractérisé par un nombre élevé de petites entreprises, une aide, même modeste sur le plan individuel, ouverte potentiellement à l'ensemble ou à une très large partie des entreprises du secteur, peut avoir des répercussions sur la concurrence et les échanges entre États membres. À cet égard, les chiffres communiqués par le gouvernement espagnol confirment que la grande majorité des bénéficiaires des aides litigieuses est constituée de petites entreprises.

65 Dans ces conditions, la Commission a suffisamment établi que les aides octroyées aux transporteurs professionnels pour un montant inférieur au seuil de minimis entrent dans le champ d'application de l'article 92 du traité.

66 Les arguments invoqués par le gouvernement espagnol, tels que résumés au point 62 du présent arrêt, ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Ainsi, le fait que les véhicules renouvelés des catégories inférieures ne disposent, pour environ la moitié d'entre eux, que d'une autorisation de transport locale ou régionale n'est pas de nature à démontrer que ces véhicules ne peuvent pas entrer en concurrence avec des transporteurs d'autres États membres effectuant ou étant susceptibles d'effectuer du cabotage en Espagne. De même, le fait que 10 % seulement des véhicules disposant d'une autorisation de transport «nationale» auraient pu donner lieu à renouvellement dans le cadre du Plan n'empêche pas qu'un tel renouvellement, rendu possible par ledit Plan, ait un impact sur la concurrence et les échanges entre États membres. Enfin, le fait qu'il a été constaté a posteriori que seule une faible partie du parc espagnol de véhicules industriels a été renouvelée à la suite de la mise en oeuvre du Plan ne peut pas non plus être retenu à l'encontre de la décision attaquée.

67 En effet, d'une part, aux termes de l'article 93, paragraphe 3, du traité, les régimes d'aides doivent être notifiés et autorisés par la Commission avant leur entrée en vigueur et, par conséquent, ils ne sauraient être examinés qu'au regard de leurs caractéristiques générales fixées a priori et non au regard de résultats constatés a posteriori. S'il en était autrement, les États membres qui mettraient en oeuvre un régime d'aides avant d'avoir obtenu l'autorisation de la Commission à cette fin seraient incontestablement dans une situation plus favorable que ceux qui respectent l'obligation de ne pas mettre à exécution les mesures envisagées avant la décision finale de ladite institution. D'autre part, même si les constatations faites en l'espèce a posteriori étaient prises en compte, il n'en demeurerait pas moins que plusieurs milliers de véhicules industriels ont été renouvelés dans le cadre du Plan, circonstance qui, dans le contexte d'un secteur en situation de surcapacité où règne une vive concurrence, suffit à caractériser l'incidence dudit Plan sur les échanges et la concurrence, ainsi qu'il a été rappelé au point 64 du présent arrêt. Le même type de considération conduit à écarter l'argument selon lequel le montant des aides litigieuses serait trop faible pour procurer un avantage compétitif significatif aux bénéficiaires de celles-ci.

68 Il découle de ce qui précède que le moyen tiré d'une violation de l'article 92, paragraphe 1, du traité ne peut être accueilli qu'en ce qui concerne les aides inférieures au seuil de minimis octroyées à des personnes physiques ou à des PME qui se consacrent à des activités autres que des activités de transport et que ledit moyen doit être rejeté pour le surplus.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité

Arguments des parties

69 Le gouvernement espagnol soutient que, en tout état de cause, la Commission aurait dû autoriser le Plan sur le fondement de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité compte tenu des objectifs d'amélioration de la sécurité routière et de protection de l'environnement que ce Plan poursuit.

70 L'impact du Plan sur ces objectifs serait incontestable. Si le bénéfice des aides litigieuses n'est pas lié au fait que les véhicules neufs achetés répondent à des normes encore plus exigeantes que celles applicables d'une manière générale aux véhicules neufs, c'est parce que ces dernières seraient déjà élevées et qu'ainsi le remplacement anticipé d'un véhicule ancien par un véhicule neuf se traduirait par une sensible amélioration de la situation en ce qui concerne les deux objectifs susmentionnés. En tout état de cause, le Plan poursuivrait un objectif d'amélioration par rapport aux normes générales de circulation des véhicules en vigueur, puisqu'il favoriserait le retrait de véhicules anciens moins performants qui auraient cependant encore le droit de rouler. En l'occurrence, le coût de l'amélioration recherchée serait nécessairement égal au prix d'achat du véhicule neuf et c'est sur cette base que devrait être calculé le niveau d'aide de la subvention accordée (6,5 % au maximum). Ladite subvention ne constituerait pas une aide au fonctionnement, car elle ne ferait que compenser les taux d'intérêt élevés auxquels devraient faire face les entreprises établies en Espagne, lesquels seraient supérieurs à ceux en vigueur dans les autres États membres. Le gouvernement espagnol ajoute que l'absence d'intérêt des transporteurs établis dans les autres États membres à solliciter le bénéfice du Plan serait précisément liée au niveau des taux d'intérêt, qui seraient plus attractifs dans d'autres États membres, et nullement à une quelconque discrimination à leur détriment. Quant à l'augmentation de la capacité de transport en volume en raison du remplacement d'un véhicule de plus de dix ans par un véhicule neuf plus important, elle ne se serait produite que dans 12,3 % des cas. Enfin, les autorités espagnoles auraient pris des dispositions pour éviter des cumuls d'aides dans le chef des bénéficiaires.

71 Selon la Commission, le gouvernement espagnol ne démontrerait pas les répercussions positives du Plan sur l'environnement et la sécurité routière. Les aides litigieuses ne feraient que compenser une part du coût du véhicule neuf, sans qu'aucun facteur environnemental ou de sécurité soit pris en compte. Des modèles commercialisés depuis des années, peu performants au regard de ces deux aspects, pourraient être éligibles aux aides. Les normes environnementales et de sécurité s'appliqueraient de toute façon à l'ensemble des véhicules en circulation, y compris à ceux dont le retrait est favorisé. Dans l'hypothèse où les normes seraient plus sévères pour les véhicules nouvellement mis en circulation que pour les véhicules plus anciens, il conviendrait de ne pas négliger la possibilité pour certains de ces derniers d'atteindre, en fait, un niveau d'exigence comparable à celui des véhicules neufs. En tout état de cause, le Plan ne pourrait que favoriser l'application des normes existantes.

72 Or, la politique de la Commission en matière d'aides d'État pour la protection de l'environnement, telle que définie dans l'encadrement «environnement», retiendrait le principe selon lequel seules sont nécessaires les aides visant des objectifs plus élevés que le niveau d'exigence des normes obligatoires. Il résulterait dudit encadrement qu'une dérogation n'aurait pu être accordée en faveur du Plan que si les aides litigieuses n'avaient concerné que la partie de l'investissement destinée à atteindre les objectifs environnementaux, et non l'ensemble de l'investissement, et si, au regard de ces «coûts éligibles», seuls 15 % au maximum de ceux-ci avaient été pris en charge. Or, en l'espèce, la base de calcul desdites aides serait le coût du véhicule neuf dans son ensemble et non uniquement le coût des améliorations par rapport aux véhicules anciens. Il s'agirait ainsi d'une simple aide au fonctionnement, soulageant les entreprises de coûts qu'elles doivent normalement supporter et qui, par sa nature même, altérerait les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

73 En outre, une série de circonstances renforcerait le caractère incompatible du Plan avec le marché commun, en particulier la surcapacité du secteur des transports, qui serait favorisée au lieu d'être combattue par le Plan, et le danger réel de cumul des aides octroyées en application de celui-ci avec des aides précédemment autorisées par la Commission. À cet égard, les assurances qui, selon la Commission, ont été données par le gouvernement espagnol pour la première fois dans sa réplique seraient imprécises et insuffisantes pour éviter ce danger et, en tout état de cause, elles n'auraient pas été portées à la connaissance de la Commission avant l'adoption de la décision attaquée.

Appréciation de la Cour

74 La Commission jouit, pour l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir, par exemple, arrêt Deufil/Commission, précité, point 18). Le contrôle juridictionnel appliqué à l'exercice de ce pouvoir d'appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu'au contrôle de l'exactitude matérielle des faits retenus et de l'absence d'erreur de droit, d'erreur manifeste dans l'appréciation des faits ou de détournement de pouvoir.

75 Il résulte des termes mêmes des articles 92, paragraphe 3, sous c), et 93 du traité que la Commission «peut» considérer comme compatibles avec le marché commun les aides visées par la première de ces deux dispositions. Dès lors, même si la Commission doit toujours se prononcer sur la compatibilité avec le marché commun des aides d'État sur lesquelles elle exerce son contrôle, alors même que celles-ci ne lui ont pas été notifiées (voir arrêt du 14 février 1990, France/Commission, dit «Boussac Saint Frères», C-301/87, Rec. p. I-307, points 15 à 24), la Commission n'est pas tenue de déclarer de telles aides compatibles avec le marché commun.

76 Toutefois, d'une part, ainsi qu'il est rappelé au point 53 du présent arrêt, la Commission est tenue par les encadrements ou communications qu'elle adopte en matière de contrôle des aides d'État dans la mesure où ils ne s'écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres. D'autre part, aux termes de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), elle doit motiver ses décisions, y compris celles portant refus de déclarer des aides compatibles avec le marché commun sur le fondement de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. La violation de l'article 190 du traité peut être relevée d'office.

77 Or, il ressort de l'encadrement «environnement» que la qualification d'une aide comme aide à l'investissement ou comme aide au fonctionnement est essentielle pour savoir si elle peut être autorisée au titre dudit encadrement.

78 En effet, sous le point 3.2. de celui-ci, concernant les aides aux investissements, il est indiqué tout d'abord, au point 3.2.1, que de telles aides, notamment celles relatives aux équipements destinés à réduire les pollutions et les nuisances, peuvent être autorisées dans les limites établies par l'encadrement. Il est précisé que les coûts admissibles doivent être strictement limités aux coûts d'investissement supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de protection de l'environnement et que les coûts ne relevant pas de celle-ci doivent être exclus. Ainsi, dans le cas d'investissements de remplacement, le coût des investissements de base simplement destinés à remplacer des capacités de production, sans améliorer la situation du point de vue de l'environnement, ne peut pas être pris en considération. En tout état de cause, les aides apparemment assignées à des mesures de protection de l'environnement, mais qui, en réalité, sont destinées à un investissement général, ne sont pas couvertes par ledit encadrement.

79 Le point 3.2.3 de l'encadrement «environnement» précise ensuite que les aides aux investissements à des fins de protection de l'environnement peuvent être autorisées si elles ne dépassent pas certains niveaux. Il distingue (A) les aides destinées à aider les entreprises à s'adapter aux nouvelles normes obligatoires, catégorie à l'intérieur de laquelle sont encore distinguées (A1) les aides visant à l'adaptation d'installations ou d'équipements existants et (A2) celles visant au remplacement d'installations, et (B) les aides destinées à inciter les entreprises à aller au-delà de ce que leur imposent les normes obligatoires.

80 En revanche, il ressort du point 3.4 dudit encadrement que la Commission n'autorisera pas les aides au fonctionnement, même motivées par des objectifs de protection de l'environnement, sauf dans des cas bien définis concernant la gestion des déchets et l'allègement temporaire de taxes écologiques.

81 En l'espèce, l'examen de la décision attaquée ne permet cependant pas de savoir clairement si la Commission a considéré les aides en cause comme des aides au fonctionnement ou comme des aides à l'investissement en dépit du fait que des régimes différents sont prévus pour les deux catégories dans l'encadrement «environnement». Ainsi, dans la partie V des motifs de la décision attaquée, les douzième, treizième et quinzième alinéas laissent plutôt entendre qu'il s'agit d'aides à l'investissement, tandis que le dix-septième laisse au contraire entendre qu'il s'agit d'aides au fonctionnement.

82 Or, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'autorité communautaire auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits, et au juge d'exercer son contrôle.

83 À défaut de qualification claire des aides en cause comme aides à l'investissement ou comme aides au fonctionnement, le royaume d'Espagne n'a pas été en pleine mesure de défendre ses droits.

84 Certes, devant la Cour, la Commission a soutenu qu'il s'agissait d'aides au fonctionnement. Toutefois, la motivation doit, sauf cas exceptionnel, être communiquée à l'intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et la violation de l'article 190 du traité ne saurait être régularisée devant la Cour (voir, notamment, arrêt du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, 2876).

85 La décision attaquée est par conséquent entachée d'un défaut de motivation quant à l'absence de compatibilité du Plan avec les critères de l'encadrement «environnement».

86 Il importe de constater également que les circonstances particulières qui s'opposent, selon la Commission, à une déclaration de compatibilité des aides litigieuses au regard des règles énoncées dans l'encadrement «environnement» ne sont par ailleurs pas décisives.

87 S'agissant, en premier lieu, du fait que le Plan favoriserait la surcapacité du secteur des transports, il y a lieu de relever que l'encadrement «environnement» dispose, à son point 2.1, qu'il s'applique aux aides accordées dans tous les secteurs régis par le traité CE (à l'exception d'un secteur particulier du domaine agricole) y compris ceux soumis à des règles communautaires spécifiques en matière d'aides d'État (le secteur des transports étant expressément cité), sauf dispositions contraires prévues par ces règles spécifiques. À cet égard, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si les règles spécifiques au secteur des transports interdisent toute aide entraînant une augmentation de capacité de transport en volume, il suffit de constater que, dans la décision attaquée, la Commission aurait pu limiter la déclaration d'incompatibilité aux aides ayant permis l'achat d'un véhicule relevant d'une catégorie plus importante que celle du véhicule retiré de la circulation.

88 S'agissant, en second lieu, du risque de cumul des aides litigieuses avec des aides antérieurement autorisées par la Commission, il y a lieu de constater que les seules dispositions de l'encadrement «environnement» concernant les cumuls d'aides, qui figurent au point 3.8 de celui-ci, se bornent à préciser que les limites définies quant au niveau des aides susceptibles d'être accordées en faveur des divers objectifs de protection de l'environnement visés dans ledit encadrement sont applicables aux aides de toutes origines. Une telle précision ne concerne nullement la question d'éventuels cumuls d'aides à finalités différentes dans le chef d'une même entreprise, invoquée par la Commission au soutien de son argumentation.

89 Cette question fait en revanche l'objet de la communication de la Commission sur le cumul des aides à finalités différentes (JO 1985, C 3, p. 2), qui définit des mécanismes de notification des cas significatifs de cumul d'aides à finalités différentes accordées à un projet d'investissement donné. Or, il ne découle nullement de cette communication qu'un régime d'aides ne pourrait pas être déclaré compatible avec le marché commun au motif que certains de ses bénéficiaires ont déjà reçu des aides autorisées à un autre titre.

90 Par conséquent, s'il remplit les critères définis par l'encadrement qui lui est applicable et, le cas échéant, par certaines règles sectorielles, un régime d'aides ayant des objectifs de réduction de la pollution et des nuisances ne peut pas être déclaré globalement incompatible avec le marché commun au motif que certains de ses bénéficiaires auraient déjà reçu des aides d'État autorisées à un autre titre. Il appartient seulement, le cas échéant, à l'État membre concerné de procéder à la notification à la Commission des cas significatifs de cumul d'aides à finalités différentes dans le chef d'une même entreprise, dans les conditions définies dans la communication relative à de tels cumuls.

91 Il résulte de ce qui précède que, s'agissant des aides octroyées en vertu du Plan aux transporteurs professionnels et, pour ce qui concerne les aides qui excèdent le seuil de minimis, aux non-professionnels du transport, la Commission a violé les articles 92, paragraphe 3, sous c), et 190 du traité en déclarant, sur le fondement de la motivation retenue dans la décision attaquée, l'ensemble de ces aides incompatibles avec le marché commun.

92 Il y a donc lieu, compte tenu également de la constatation faite au point 68 du présent arrêt et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par le gouvernement espagnol, de faire droit au recours et d'annuler les articles 3 et 4 de la décision attaquée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

93 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le royaume d'Espagne ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Les articles 3 et 4 de la décision 98/693/CE de la Commission, du 1er juillet 1998, concernant le régime espagnol d'aide à l'achat de véhicules industriels Plan Renove Industrial (août 1994- décembre 1996), sont annulés.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.