61998J0322

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 26 septembre 2000. - Bärbel Kachelmann contre Bankhaus Hermann Lampe KG. - Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht Hamburg - Allemagne. - Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Accès à l'emploi et conditions de travail - Egalité de traitement - Conditions de licenciement. - Affaire C-322/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-07505


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Accès à l'emploi et conditions de travail - Égalité de traitement - Suppression d'un emploi à temps partiel pour motifs économiques - Disposition nationale excluant la comparabilité entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps complet aux fins du choix social à effectuer par l'employeur - Admissibilité

(Directive du Conseil 76/207, art. 2, § 1, et 5, § 1)

Sommaire


$$Les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une interprétation d'une disposition nationale qui considère d'une manière générale que les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps complet ne sont pas comparables aux fins du choix social que l'employeur est appelé à effectuer en cas de suppression d'un emploi à temps partiel pour motifs économiques. (voir point 35 et disp.)

Parties


Dans l'affaire C-322/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Landesarbeitsgericht Hamburg (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Bärbel Kachelmann

et

Bankhaus Hermann Lampe KG,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, L. Sevón, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Mme Kachelmann, par Me K. Bertelsmann, avocat à Hambourg,

- pour Bankhaus Hermann Lampe KG, par Me I. Heydasch, avocat à Hambourg,

- pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, Ministerialrat au ministère fédéral des Finances, et C.-D. Quassowski, Regierungsdirektor au même ministère, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. Hillenkamp, conseiller juridique, et A. Aresu, membre du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Mes C. Jacobs et R. Karpenstein, avocats à Hambourg,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Kachelmann, de Bankhaus Hermann Lampe KG et de la Commission à l'audience du 20 janvier 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 24 juillet 1998, parvenue à la Cour le 20 août suivant, le Landesarbeitsgericht Hamburg a, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), posé une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40, ci-après la «directive»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Kachelmann à Bankhaus Hermann Lampe KG (ci-après «Bankhaus»), son ancien employeur, au sujet de son licenciement pour motifs économiques.

Le cadre juridique

Le droit communautaire

3 En vertu de l'article 2, paragraphe 1, de la directive, le principe de l'égalité de traitement au sens des dispositions de la directive implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial.

4 L'article 5 de la directive est libellé comme suit:

«1. L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.

2. À cet effet, les États membres prennent les mesures nécessaires afin que:

a) soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement;

b) soient nulles, puissent être déclarées nulles ou puissent être amendées les dispositions contraires au principe de l'égalité de traitement qui figurent dans les conventions collectives ou dans les contrats individuels de travail, dans les règlements intérieurs des entreprises, ainsi que dans les statuts des professions indépendantes;

c) soient révisées celles des dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l'égalité de traitement lorsque le souci de protection qui les a inspirées à l'origine n'est plus fondé; que, pour les dispositions conventionnelles de même nature, les partenaires sociaux soient invités à procéder aux révisions souhaitables.»

Le droit national

5 L'article 1er, paragraphes 1 à 3, du Kündigungsschutzgesetz (loi allemande relative à la protection en matière de licenciement, BGBl. 1969 I, p. 1317), dans sa version applicable à la procédure au principal (ci-après le «KSchG»), dispose:

«1. Le licenciement d'un travailleur salarié dont le contrat a duré plus de six mois sans interruption dans la même entreprise est juridiquement inopérant lorsqu'il est injustifié socialement.

2. Le licenciement est socialement injustifié lorsqu'il n'est pas dû à des motifs liés à la personne ou au comportement du travailleur salarié ou à des contraintes pressantes qui pèsent sur l'entreprise et qui s'opposent au maintien de l'emploi du travailleur salarié dans cette entreprise...

3. Si un travailleur salarié est licencié en raison de contraintes pressantes pesant sur l'entreprise au sens du paragraphe 2, le licenciement est néanmoins socialement injustifié si l'employeur n'a pas tenu compte ou a tenu compte insuffisamment des aspects sociaux en choisissant le travailleur; à la demande du travailleur, l'employeur doit lui indiquer les raisons qui ont motivé son choix social. La première phrase ne s'applique pas lorsque des impératifs fonctionnels, économiques ou d'autres besoins justifiés conditionnent dans l'entreprise le maintien de l'emploi d'un ou de plusieurs autres travailleurs et s'opposent ainsi à ce que le choix soit fait selon des critères sociaux. Le travailleur salarié doit prouver la réalité des faits qui font apparaître le licenciement socialement injustifié au sens de la première phrase.»

6 L'article 611a du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil allemand) prévoit que l'employeur ne peut pas défavoriser un travailleur salarié en raison de son sexe lors de la conclusion d'un contrat ou lors d'une mesure, en particulier lors d'un licenciement.

7 En vertu de l'article 2, paragraphe 1, du Beschäftigungsförderungsgesetz (loi allemande sur la promotion de l'emploi), il est interdit à l'employeur de traiter un travailleur à temps partiel de façon différente des travailleurs à temps complet, à moins que des raisons objectives ne justifient une différence de traitement.

Le litige au principal

8 Embauchée par Bankhaus à compter du 1er avril 1991 en qualité d'employée de banque qualifiée et rédactrice diplômée bilingue allemand/anglais, Mme Kachelmann était chargée de la gestion des dossiers du département «recouvrement» du secteur des opérations documentaires à la succursale de Hambourg. Elle était employée à temps partiel à raison de 30 heures par semaine (76,92 %), l'horaire de travail fixé par la convention collective pour les employés à temps complet étant de 38 heures par semaine.

9 En raison d'une réduction du volume de ses activités internationales, Bankhaus a décidé de réunir son département «recouvrement», jusqu'alors séparé, au reste du service des opérations documentaires. Cette mesure a été partiellement assortie d'une nouvelle répartition des tâches. Estimant qu'elle avait trop de salariés, Bankhaus a notifié à Mme Kachelmann, par lettre du 21 juin 1996, son licenciement pour motifs économiques avec effet au 30 septembre 1996.

10 Mme Kachelmann a introduit un recours contre son licenciement devant l'Arbeitsgericht Hamburg. Selon la requérante au principal, dans le cadre du processus ayant conduit à la notification de son licenciement pour motifs économiques, Bankhaus n'aurait pas procédé au choix social entre les travailleurs exécutant les mêmes tâches. Elle aurait en effet omis de comparer Mme Kachelmann, occupée à raison de 30 heures par semaine, avec les travailleurs occupés à temps complet, soit 38 heures par semaine, et ce alors même que, avant la notification du licenciement, la requérante au principal s'était déclarée prête à effectuer un travail à temps complet.

11 Par jugement du 18 février 1997, l'Arbeitsgericht a rejeté le recours de Mme Kachelmann. Selon cette juridiction, il n'était pas possible d'affecter celle-ci à un poste à plein temps sans modifier son contrat de travail, de sorte que l'emploi de la requérante au principal et les emplois des travailleurs à temps complet n'étaient pas comparables. En outre, Bankhaus n'avait pas l'obligation d'augmenter le volume de travail de la requérante au principal, en modifiant son contrat de travail, pour pouvoir l'employer à un poste à plein temps dans le seul but d'éviter son licenciement.

12 Estimant que l'exclusion de travailleurs à temps partiel de la catégorie des travailleurs entre lesquels l'employeur doit procéder au choix social lors d'un licenciement pour motifs économiques est indirectement discriminatoire et viole ainsi la directive, la demanderesse a interjeté appel de ce jugement devant le Landesarbeitsgericht Hamburg.

13 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que Bankhaus continue d'employer une collaboratrice à temps complet dont les tâches sont comparables à celles de la demanderesse et que Mme Kachelmann, compte tenu de sa situation sociale, doit être considérée comme étant prioritaire au regard de la protection de son emploi. Le Landesarbeitsgericht estime également que, si cette collaboratrice n'était pas considérée comme comparable à Mme Kachelmann, au motif qu'elles étaient occupées, l'une à temps complet, l'autre à temps partiel, cela pourrait impliquer une discrimination indirecte à l'encontre de la requérante au principal.

La question préjudicielle

14 Dans ces conditions, le Landesarbeitsgericht Hamburg a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE doit-il être interprété en ce sens que, pour l'application de l'article 1er, paragraphe 3, du Kündigungsschutzgesetz - en l'occurrence dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 30 septembre 1996 -, les travailleurs féminins occupés à temps partiel sont à considérer, dans le cadre de la détermination de l'ordre des licenciements en fonction de critères sociaux (choix social), comme étant comparables avec les travailleurs masculins/féminins occupés à temps complet lorsque, dans une branche, beaucoup plus de femmes que d'hommes sont occupées à temps partiel?»

Sur la recevabilité

15 Le gouvernement allemand considère la question préjudicielle comme irrecevable. Il fait valoir, d'une part, que l'article 5, paragraphe 1, de la directive est sans pertinence pour la solution du litige au principal dans la mesure où, en l'espèce, le choix social prévu par l'article 1er, paragraphe 3, du KSchG concerne deux travailleurs du même sexe, et plus précisément deux travailleurs de sexe féminin. D'autre part, il considère que les éléments factuels fournis par le Landesarbeitsgericht dans l'ordonnance de renvoi sont insuffisants pour permettre à la Cour de se prononcer.

16 À l'égard de ces arguments, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu'elles posent à la Cour (voir, notamment, arrêt du 14 décembre 1995, Banchero, C-387/93, Rec. p. I-4663, point 15). En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l'interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 59).

17 Toutefois, la Cour a également indiqué que, dans des hypothèses exceptionnelles, il lui appartient d'examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21). Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n'est possible que lorsqu'il apparaît de manière manifeste que l'interprétation du droit communautaire sollicitée n'a aucun rapport avec la réalité ou l'objet du litige au principal lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts Bosman, précité, point 61, et du 13 juillet 2000, Idéal Tourisme, C-36/99, non encore publié au Recueil, point 20).

18 Tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet, il est constant que la directive, selon son article 1er, vise la mise en oeuvre, dans les États membres, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement.

19 Or, d'une part, il ressort de l'ordonnance de renvoi et des observations soumises à la Cour que la question préjudicielle porte sur les éventuels effets discriminatoires résultant, de manière générale, de l'application du KSchG en cas de licenciement pour motifs économiques.

20 D'autre part, il convient de constater que, bien que l'ordonnance de renvoi ait été rédigée de façon succincte, la Cour dispose, en l'espèce, des éléments de fait et de droit suffisants pour répondre de façon utile à la question qui lui est posée.

21 Il résulte de ce qui précède que la question préjudicielle doit être déclarée recevable.

Sur le fond

22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive s'opposent à une interprétation d'une disposition nationale, telle que l'article 1er, paragraphe 3, du KSchG, selon laquelle les travailleurs à temps complet ne sont pas comparables aux travailleurs à temps partiel aux fins du choix social que l'employeur est appelé à effectuer en cas de suppression d'un emploi à temps partiel pour motifs économiques.

23 À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, une réglementation nationale comporte une discrimination indirecte à l'encontre des travailleurs féminins lorsque, tout en étant formulée de façon neutre, elle désavantage en fait un pourcentage beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes, à moins que cette différence de traitement soit justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe (voir, notamment, arrêt du 6 avril 2000, Jørgensen, C-226/98, non encore publié au Recueil, point 29).

24 Il est constant que, en Allemagne, les travailleurs à temps partiel sont beaucoup plus souvent des femmes que des hommes.

25 Afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient dès lors de vérifier si l'application d'une disposition nationale telle que celle en cause au principal conduit à une différence de traitement entre les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps complet. Si ceci s'avère être le cas, la question se pose alors de savoir si cette différence de traitement est justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

26 À cet égard, force est de constater d'abord que l'absence de comparabilité entre les travailleurs à temps complet et les travailleurs à temps partiel dans le cadre du choix social à intervenir en application de l'article 1er, paragraphe 3, du KSchG ne comporte aucun désavantage direct pour la dernière catégorie de travailleurs. En effet, les travailleurs à temps complet et les travailleurs à temps partiel sont favorisés ou défavorisés de la même façon selon que, dans le cas concret, c'est un emploi à temps complet ou un emploi à temps partiel qui est supprimé dans une entreprise.

27 Toutefois, il y a lieu de relever, ainsi que l'a fait la Commission, que, en Allemagne, et probablement sur l'ensemble du territoire de la Communauté, le nombre de travailleurs employés à temps complet est, dans tous les secteurs, sensiblement plus élevé que le nombre de ceux employés à temps partiel. Il s'ensuit que, dans ces conditions, en cas de suppression de postes de travail, les travailleurs à temps partiel sont en général désavantagés puisqu'ils ont moins de possibilités de trouver un autre emploi comparable.

28 Par conséquent, l'absence de comparabilité entre les travailleurs à temps complet et les travailleurs à temps partiel dans le cadre du choix social à intervenir en application de l'article 1er, paragraphe 3, du KSchG peut conduire à une différence de traitement au détriment des travailleurs à temps partiel et comporter un désavantage indirect pour ces derniers.

29 Dans ces conditions, il convient de déterminer si une telle différence de traitement est justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

30 À cet égard, il y a lieu de relever que, en l'état actuel du droit communautaire, la politique sociale relève des États membres, lesquels disposent d'une marge d'appréciation raisonnable en ce qui concerne la nature des mesures de protection sociale et les modalités concrètes de leur réalisation. De telles mesures, si elles répondent à un objectif légitime de politique sociale, si elles sont aptes à atteindre cet objectif et nécessaires à cet effet et si elles sont donc justifiées par des raisons étrangères à une discrimination fondée sur le sexe, ne peuvent être considérées comme une violation du principe de l'égalité de traitement (arrêt Jørgensen, précité, point 41).

31 Il ressort du dossier que l'objectif de la législation allemande en cause est la protection des travailleurs en cas de licenciements tout en tenant compte des impératifs fonctionnels et économiques de l'entreprise.

32 À cet égard, il ressort des observations soumises à la Cour que la comparabilité des emplois est déterminée en fonction du contenu matériel des contrats de travail respectifs, en appréciant si le travailleur dont l'emploi est supprimé pour des motifs propres à l'entreprise serait en mesure, compte tenu de ses qualifications professionnelles et des activités qu'il a exercées jusqu'alors dans l'entreprise, d'effectuer le travail différent mais équivalent des autres travailleurs.

33 L'application de ces critères peut, certes, conduire à un désavantage indirect pour les travailleurs à temps partiel du fait que la comparabilité de leurs emplois avec ceux des travailleurs à temps complet est exclue. Cependant, ainsi que l'a relevé le gouvernement allemand, l'introduction d'une comparabilité entre travailleurs à temps complet et travailleurs à temps partiel dans le cadre du choix social à intervenir en application de l'article 1er, paragraphe 3, du KSchG reviendrait à favoriser les travailleurs à temps partiel, tout en instaurant un désavantage pour les travailleurs à temps complet. Au cas où leur emploi serait supprimé, les travailleurs à temps partiel devraient, en effet, se voir proposer une affectation à l'emploi à temps complet alors même qu'ils ne peuvent prétendre, en vertu de leur contrat de travail, y être affectés.

34 La question de savoir si les travailleurs à temps partiel devraient bénéficier d'un tel avantage ou non relève de l'appréciation du législateur national auquel il incombe seul de trouver un juste équilibre dans le droit du travail entre les divers intérêts concernés, appréciation qui, en l'espèce, est fondée sur des considérations qui sont étrangères à l'appartenance des travailleurs à l'un ou l'autre sexe.

35 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre que les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une interprétation d'une disposition nationale, telle que l'article 1er, paragraphe 3, du KSchG, qui considère d'une manière générale que les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps complet ne sont pas comparables aux fins du choix social que l'employeur est appelé à effectuer en cas de suppression d'un emploi à temps partiel pour motifs économiques.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

36 Les frais exposés par le gouvernement allemand ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Landesarbeitsgericht Hamburg, par ordonnance du 24 juillet 1998, dit pour droit:

Les articles 2, paragraphe 1, et 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une interprétation d'une disposition nationale, telle que l'article 1er, paragraphe 3, du Kündigungsschutzgesetz, dans sa version en vigueur jusqu'au 30 septembre 1996, qui considère d'une manière générale que les travailleurs à temps partiel et les travailleurs à temps complet ne sont pas comparables aux fins du choix social que l'employeur est appelé à effectuer en cas de suppression d'un emploi à temps partiel pour motifs économiques.