61998C0107

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 1er juillet 1999. - Teckal Srl contre Comune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale amministrativo regionale per l'Emilia-Romagna - Italie. - Marchés publics de services et de fournitures - Directives 92/50/CEE et 93/36/CEE - Attribution par une collectivité territoriale à un groupement dans lequel elle est associée d'un contrat de fourniture de produits et de prestation de services déterminés. - Affaire C-107/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-08121


Conclusions de l'avocat général


I - Introduction

1 En l'espèce, le Tribunale Amministrativo Regionale per l'Emilia-Romagna (Sezione di Parma), demande à la Cour de statuer sur une question préjudicielle relative à l'interprétation d'une disposition de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (1).

II - Cadre juridique communautaire

2 L'article 1er de la directive 92/50 indique [sous a)] que, aux fins de cette directive, les marchés publics de services sont «des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur». En outre, cette disposition précise [sous b)] que sont considérés comme pouvoirs adjudicateurs, «l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public, les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public».

3 Aux termes de l'article 2 de la directive 92/50, «si un marché public a pour objet à la fois des produits au sens de la directive 77/62/CEE et des services au sens des annexes I A et I B de la présente directive, il relève de la présente directive si la valeur des services en question dépasse celle des produits incorporés dans le marché».

4 Aux termes de l'article 6 de la directive 92/50, la directive «ne s'applique pas aux marchés publics de services attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur au sens de l'article 1er point b) sur la base d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité».

5 L'article 7 de la directive 92/50, d'une part, prévoit que les dispositions de cette directive s'appliquent aux marchés publics de services dont le montant estimé hors TVA égale ou dépasse 200 000 écus et, d'autre part, explique, lorsqu'il s'agit de marchés n'indiquant pas un prix total, sur quelle base est calculé le montant estimé des marchés (2).

6 La directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, concerne, d'après son titre, la coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (3). Cette directive a abrogé la directive 77/62/CEE du Conseil, du 21 décembre 1976, en vigueur antérieurement (4). Cependant, aux termes de l'article 33 de la directive 93/36, «les références faites à la directive abrogée s'entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l'annexe VI».

7 Aux termes de l'article 1er , sous a), aux fins de cette directive, on entend par marchés publics de fournitures «des contrats conclus par écrit à titre onéreux ayant pour objet l'achat, le crédit-bail, la location ou la location-vente, avec ou sans option d'achat, de produits entre un fournisseur (personne physique ou morale), d'une part, et, d'autre part, un des pouvoirs adjudicateurs définis au point b). La livraison des produits peut comporter, à titre accessoire, des travaux de pose et d'installation».

8 Aux termes de l'article 1er, sous b), on entend par pouvoirs adjudicateurs «l'État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public» (5).

9 L'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 93/36 prévoit, dans la partie qui nous intéresse ici, que les dispositions de la directive (6) sont appliquées aux marchés publics de fournitures «passés par les pouvoirs adjudicateurs visés à l'article 1er point b), ... dans la mesure où les produits non couverts par l'annexe II sont concernés, pourvu que le montant estimé hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) égale ou dépasse 200 000 écus».

10 L'article 5, paragraphes 2, 3 et 5 détermine la méthode de calcul de la valeur estimée du marché (7).

II - Cadre juridique national

A - Loi italienne n_ 142/9011 Conformément à l'article 22, paragraphe 1, de la loi italienne n_ 142/90, du 8 juin 1990, portant organisation des autonomies locales (8), les communes pourvoient à la gestion des services publics qui ont pour objet la production de biens et les activités visant à réaliser des objectifs sociaux ainsi qu'à promouvoir le développement économique et civil des communautés locales. Aux termes du paragraphe 3 du même article, les communes peuvent gérer les services publics locaux de diverses manières: elles peuvent les prendre directement en charge, les concéder à des tiers ou avoir recours à des entreprises spéciales, des institutions ou des sociétés d'économie mixte.12 L'article 23 de la loi n_ 142/90, qui décrit les entreprises spéciales et les institutions sans intérêt commercial, prévoit que (paragraphe 1) l'entreprise spéciale est un organe (ente strumentale) de l'entité locale, doté de la personnalité juridique, de l'autonomie de gestion et de ses propres statuts, approuvés par le conseil municipal ou provincial. Il prévoit aussi que (paragraphe 3) les organes de l'entreprise et de l'institution sont le conseil d'administration, le président et le directeur, qui assume la responsabilité de la gestion. Les modalités de nomination et de révocation des administrateurs sont prévues par les statuts de l'entité locale. De plus, (paragraphe 4) l'entreprise et l'institution se conforment dans l'exercice de leurs activités à des critères d'efficacité, d'efficience et de rentabilité; l'entreprise et l'institution sont tenues d'atteindre l'équilibre budgétaire par l'équilibre des coûts et des recettes, y compris des transferts. Enfin, (paragraphe 6) l'administration locale apporte le capital de dotation, définit les objectifs et les orientations, approuve les actes constitutifs, exerce un contrôle, vérifie les résultats de la gestion, couvre les éventuels coûts sociaux.13 L'article 25 de la loi n_ 142/90 prévoit expressément la gestion associée d'un ou de plusieurs services grâce à la constitution d'un groupement (consorzio), conformément aux dispositions relatives aux entreprises spéciales visées à l'article 23. A cet effet, chaque conseil municipal approuve, à la majorité absolue, la convention et, en même temps, les statuts du groupement. L'assemblée du groupement est composée de représentants des entités associées (le maire, le président ou leur représentant). L'assemblée élit le conseil d'administration et en approuve les actes fondamentaux prévus par les statuts.B - L'AGAC14 L'Azienda Gas-Acqua Consorziale (ci-après l'«AGAC») est un groupement de communes de la Reggio Emilia constitué pour assurer la gestion des services de l'énergie et de l'environnement, au sens de l'article 25 de la loi n_ 142/90. En vertu de l'article 1er de ses statuts, l'AGAC est dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie de gestion.15 L'article 3 des statuts de l'AGAC prévoit (paragraphe 1) qu'elle a pour objet la prise en charge directe et la gestion des services publics énumérés, parmi lesquels la production et la distribution de gaz méthane et de chauffage pour les usages domestiques et industriels. Le paragraphe 2 de ce même article prévoit que l'AGAC peut étendre ses activités à d'autres services connexes ou accessoires. En vertu du paragraphe 3, elle peut constituer des sociétés publiques ou privées ou des organismes (enti) pour la gestion d'activités connexes ou accessoires ou participer à de telles sociétés ou entités. En vertu du paragraphe 4, le groupement peut fournir les services précités à des communes, des particuliers ou des organismes publics (enti) qui ne participent pas au groupement.16 Les articles 9 à 11 des statuts de l'AGAC prévoient, notamment, les pourcentages selon lesquels chaque commune membre du groupement participe à l'assemblée, aux bénéfices et aux pertes de ce dernier. En vertu de l'article 10, paragraphe 3, le pourcentage de participation prévu pour la commune de Viano est de 0,9 %.17 En vertu des articles 12 et 13 des statuts, les actes de gestion les plus importants, parmi lesquels les budgets et les bilans, sont approuvés par l'assemblée du groupement, qui est composée de représentants des communes participantes (9).18 En vertu de l'article 25 de ses statuts, intitulé «critères de gestion», l'AGAC doit atteindre l'équilibre budgétaire et avoir une gestion rentable.19 L'article 27 prévoit que les communes apportent des fonds ou des biens à l'AGAC, qui leur verse des intérêts annuels.20 En vertu de l'article 28 des statuts, les éventuels bénéfices de chaque exercice peuvent, après décision de l'assemblée, être affectés à diverses fins: ils peuvent être répartis entre les communes participant au groupement, être conservés par le groupement pour constituer ou augmenter le fonds de réserve ou être réinvestis pour d'autres activités de l'AGAC.21 En vertu de l'article 29 des statuts, en cas de perte, l'assainissement de la situation financière peut notamment résulter du versement de nouveaux capitaux par les communes.IV - Faits et question posée22 Par sa décision n_ 18 du 24 mai 1997, le conseil municipal de Viano a confié à l'AGAC la gestion des installations de chauffage de certains bâtiments communaux et la fourniture des combustibles nécessaires. En outre, il l'a chargée d'apporter des améliorations à certaines installations de chauffage situées dans les bâtiments en question (10). Il n'a, toutefois, eu recours à aucune procédure d'appel d'offres à cet effet.23 La rémunération de l'AGAC a été fixée à 122 millions de LIT pour l'exercice allant du 1er juin 1997 au 31 mai 1998. La valeur de la fourniture de combustibles s'élevait à 86 millions de LIT tandis que celle de la gestion et de l'entretien des installations s'élevait à 36 millions de LIT.24 L'article 2 de la décision prévoit que, à l'expiration de la période de gestion (d'une durée d'un an), l'AGAC s'engage à continuer à assurer le service pour une période supplémentaire de trois ans, à la demande de la commune, après adaptation des conditions que définit la décision. Il prévoit aussi la possibilité d'une prolongation ultérieure (11).25 La société Teckal Srl (ci-après «Teckal») est une entreprise privée qui opère dans le domaine des services de chauffage. Elle fournit notamment à des personnes privées et à des organismes publics le mazout qu'elle achète au préalable auprès des entreprises productrices. En outre, elle entretient les installations de chauffage fonctionnant tant au mazout qu'au gaz méthane. Avant qu'ils ne soient confiés à l'AGAC, Teckal avait assuré ces services en tant que cocontractante de la commune de Viano.26 Teckal a introduit un recours devant le Tribunale Amministrativo Regionale per l'Emilia-Romagna, Sezione di Parma, contre la commune de Viano et contre l'AGAC Reggio Emilia, en vue d'obtenir l'annulation de la décision n_ 18 du conseil municipal de Viano; elle a soutenu que la commune aurait dû recourir aux procédures de passation de marchés prévues par la réglementation communautaire.27 Le juge national pose, d'abord, la question de savoir laquelle des directives 92/50 ou 93/36 est applicable au litige pendant devant lui. Il a considéré que le seuil de 200 000 écus, fixé par les deux directives, était, en toute hypothèse, dépassé.28 Étant donné que l'on a confié à l'AGAC, d'une part, la prestation de différents services et, d'autre part, la fourniture de combustibles, le juge national a estimé qu'il ne pouvait exclure l'application de l'article 6 de la directive 92/50. Plus précisément, il a estimé que le nature mixte de la gestion confiée à l'AGAC et la complémentarité étroite et réciproque entre l'activité de gestion et d'entretien, relevant de la notion de service, et la fourniture de combustibles, ne permettent pas de considérer que l'une est accessoire par rapport à l'autre et d'exclure la pertinence de l'article 6 de la directive 92/50 et de son interprétation exacte.29 Le juge national a conclu que la solution du litige pendant devant lui exigeait que l'on interprète, à titre préjudiciel, l'article 6 de la directive 92/50 et que l'on résolve la question de savoir dans quelle mesure, en confiant directement les prestations litigieuses à l'AGAC, la commune était libérée de l'obligation de respecter la procédure d'appel d'offres que prévoit la directive, en raison de la dérogation qu'introduit cette disposition communautaire.30 En outre, le juge national pose la question de la compatibilité avec les dispositions du traité du droit exclusif de prestation du «service de chauffage» que l'article 3 de ses statuts confère à l'AGAC, à la lumière des articles 22 à 25 de la loi n_ 142/90, étant donné que l'article 6 de la directive 92/50 exige, entre autres conditions d'application, que les dispositions nationales conférant un droit exclusif soient compatibles avec le traité.31 Cela étant, le juge national a suspendu la procédure et déféré à la Cour une question préjudicielle relative à l'interprétation de la directive 92/50, sous les aspects indiqués dans les motifs de l'ordonnance de renvoi.V - Notre avis sur la présente affaireA - Sur la recevabilité32 L'AGAC considère qu'il se pose un problème de recevabilité parce que la question que pose le juge national concerne essentiellement l'interprétation de dispositions du droit national (12). De plus, elle soutient que l'article 6 de la directive 92/50 ne peut s'appliquer parce que son application présuppose l'existence d'un marché public de services. Tel n'est pas le cas en l'espèce, parce que, si la prestation des services en cause a été confiée à l'AGAC, c'est en raison du lien de subordination existant entre le groupement et la commune participant à ce dernier. La commune n'a pas confié à un tiers le service consistant dans la gestion des installations de chauffage, mais elle a décidé d'organiser de manière différente la gestion directe de ce service.33 Par ailleurs, le gouvernement autrichien soulève aussi la question de la recevabilité parce que l'ordonnance de renvoi ne contient pas de question préjudicielle. Il soutient que, dans le domaine du droit des marchés publics, la formulation précise des questions est particulièrement importante, parce que, dans le cas contraire, il est impossible de prendre position sur le problème d'interprétation concret auquel est confronté le juge national.34 D'abord, il y a lieu de rappeler qu'il appartient au juge national, qui a la connaissance la meilleure et la plus complète des faits de l'affaire, de décider s'il est nécessaire de déférer une question préjudicielle à la Cour et de déterminer de quelles dispositions de la législation communautaire la solution du litige pendant devant lui exige l'interprétation (13).35 Toutefois, dans le cadre de l'article 234 CE (ex-article 177), la Cour n'est compétente pour se prononcer ni sur l'interprétation de dispositions législatives ou réglementaires nationales ni sur la conformité de telles dispositions avec le droit communautaire (14). Elle peut, cependant, fournir à la juridiction nationale les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui permettront à celle-ci de résoudre le problème juridique dont elle se trouve saisie (15).36 A notre avis, le problème fondamental que pose le présent litige réside dans l'imprécision de la formulation de la question préjudicielle déférée. Toutefois, ce défaut ne la rend pas irrecevable. La Cour a jugé que, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 234 CE, elle avait le droit, en présence de questions formulées de manière imprécise, d'extraire de l'ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale et du dossier du litige au principal les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation, compte tenu de l'objet du litige (16).37 Nous rappellerons, en outre, que la Cour, toujours dans le but de fournir une réponse utile au juge national, a interprété des dispositions dont l'interprétation n'était pas sollicitée par le juge national (17) ou a reformulé les questions posées et en a déduit ce dont l'interprétation relevait de sa compétence (18).38 Toutefois, avant de voir de quelle question l'examen est utile au juge national, il y lieu, enfin, d'analyser une autre question concernant la recevabilité de la question préjudicielle que soulève l'AGAC. Cette dernière soutient que la valeur du marché est inférieure au seuil de 200 000 écus prévu par les dispositions communautaires et que, donc, la législation communautaire en la matière ne peut être appliquée (19).39 En l'espèce, le juge national a estimé que l'objet du litige dont il est saisi, tant en ce qui concerne le marché de services (chauffage) que le marché de fournitures (combustibles), dépasse le seuil de 200 000 écus prévu par la réglementation communautaire au-delà duquel un marché public de services ou de fournitures peut entrer dans le champ d'application des directives 92/50 et 93/36 respectivement. Plus précisément, il a jugé que tel était le cas parce qu'il s'agissait, d'une part, d'un marché de services de durée indéterminée (20) et, d'autre part, d'un marché de fournitures prévoyant expressément un droit d'option (21).40 Nous considérons que la Cour est compétente pour indiquer au juge national quelle méthode de calcul du montant du marché est prévue par la réglementation communautaire. Cette méthode est définie à l'article 7 de la directive 92/50 et à l'article 5 de la directive 93/36. L'application de ces dispositions au cas d'espèce incombe au juge national (22), qui connaît le contenu des conditions du marché et les circonstances dans lesquelles il peut être prolongé au-delà du terme de la période de gestion d'une durée d'un an.41 Compte tenu des précisions apportées ci-dessus, la Cour ne peut substituer son appréciation à celle du juge national quant au point de savoir s'il y a en fait dépassement du seuil fixé par le législateur communautaire, mais elle doit s'en tenir au cadre factuel tel que le juge national le décrit et aux évaluations auxquelles il a procédé. Dans le cas contraire, il faudrait que la Cour elle-même détermine le montant du marché litigieux, opération étrangère au rôle que lui confère l'article 234 CE, supposant non une vérification du contenu de l'ordonnance de renvoi, mais une collaboration et un dialogue avec le juge national.B - Reformulation de la question préjudicielle42 En vue, donc, de fournir une réponse utile au juge national, nous estimons qu'il est nécessaire de reformuler la question préjudicielle, en tenant compte de l'objet du litige et des éléments contenus dans l'ordonnance de renvoi.43 Tout d'abord, il est indispensable d'apporter une précision. L'article 2 de la directive 92/50 (23) prévoit que, si un marché public a pour objet à la fois des produits au sens de la directive 77/62 (maintenant la directive 93/36) et des services au sens de la directive 92/50, il relève de cette dernière directive si la valeur des services en question dépasse celle des produits incorporés dans le marché. Cette disposition vise à éviter que des marchés mixtes (comportant aussi bien des services que des fournitures) soient soumis à deux réglementations différentes et signifie donc que l'attribution du marché global s'effectue conformément à l'une seulement des réglementations. Cela signifie qu'elle fait du critère de la valeur économique l'élément déterminant le choix de la législation applicable. Ainsi, la passation d'un marché mixte entre dans le champ d'application de la directive 92/50 lorsque la valeur des services est supérieure à celle des fournitures (24). Au contraire, lorsque la valeur des fournitures est supérieure à celle des services, il y a lieu d'appliquer la directive 93/36 à l'attribution de la totalité du marché (25).44 De l'analyse qui précède, il résulte donc clairement qu'il importe de préciser quel est l'objet du marché. S'il s'agit d'un marché mixte, c'est-à-dire d'un marché qui a pour objet des fournitures et des services, il est important de voir dans quelle mesure la valeur des fournitures est supérieure à celle des services, conformément au critère de la valeur économique adopté pour déterminer la réglementation applicable.45 En l'espèce, il résulte de l'ordonnance de renvoi qu'un acte unique a confié à l'AGAC tant la prestation de certains services que la fourniture de certains produits (26). Il apparaît aussi que la valeur de ces produits est manifestement supérieure à celle de ces services. En conséquence, nous estimons que les dispositions communautaires dont l'interprétation est utile au juge national sont celles de la directive 93/36 et non celle de l'article 6 de la directive 92/50, que vise l'ordonnance de renvoi. Donc, la réponse à la question posée, telle qu'elle a été formulée, ne serait, à notre avis, pas utile à la solution du litige pendant devant le juge national.46 Si l'on prend en considération l'objet du litige et l'analyse contenue dans l'ordonnance de renvoi, le juge national demande, en substance, dans quelle mesure l'attribution directe à l'AGAC par la commune de Viano du service de chauffage et de la fourniture de combustibles implique ou non l'obligation de respecter la procédure prévue par la directive 93/36. Il faut donc répondre à la question de savoir dans quelle mesure la directive 93/36 s'oppose à ce qu'une entité locale attribue directement la fourniture de produits à un groupement auquel elle participe, dans des conditions telles que celles qui font l'objet de la présente affaire, sans que la procédure d'appel d'offres prévue par la directive en question ait été respectée.47 Toutefois, il n'est pas exclu que le juge national estime que l'interprétation de dispositions du traité lui est aussi nécessaire pour vérifier si elles ne font pas obstacle au droit exclusif de prestation de services de chauffage qui, indique-t-il, est conféré à l'AGAC par l'article 3 de ses statuts, considéré à la lumière des articles 22 et 25 de la loi n_ 142/90. Cependant, l'ordonnance de renvoi ne fait pas apparaître clairement si les dispositions nationales en question, surtout les articles 22 et 25 de la loi n_ 142/90, et l'article 3 des statuts de l'AGAC permettent l'attribution directe à cette dernière de la prestation faisant l'objet de la décision du conseil municipal de Viano (27). Il appartient au juge national de trancher cette question et, s'il le juge nécessaire, de déférer une question préjudicielle à ce sujet.C - Sur le fond48 La directive 93/36 vise essentiellement à assurer le développement d'une concurrence effective dans le domaine des marchés publics de fournitures (28). Un pouvoir adjudicateur doit donc choisir la personne avec laquelle il conclura par écrit un contrat à titre onéreux en vue de la fourniture, sous une forme quelconque, d'un produit déterminé, grâce à la procédure, garantissant une concurrence effective et libre entre les intéressés, que définit la directive 93/36.49 De même, il faut, d'emblée, souligner que la directive 93/36 ne comporte pas de disposition analogue à celle de l'article 6 de la directive 92/50, c'est-à-dire qu'elle ne prévoit pas d'exception à l'obligation de recourir à la procédure d'appel d'offres lorsqu'il s'agit de marchés publics de fournitures attribués à une entité qui est elle-même un pouvoir adjudicateur, sur la base d'un droit exclusif dont elle bénéficie en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives publiées, à condition que ces dispositions soient compatibles avec le traité. Parce que la directive ne prévoit pas une telle exception (29), il est indifférent, pour l'appliquer, de savoir s'il s'agit ou non d'un particulier qui, en tant que fournisseur, est le cocontractant d'un pouvoir adjudicateur. A notre avis, cette conclusion se déduit du système organisé par la directive (30).50 Selon son article 1er, sous a), aux fins de la directive 93/36, on entend par marchés publics de fournitures des «contrats conclus par écrit à titre onéreux ayant pour objet l'achat, le crédit-bail, la location ou la location-vente, avec ou sans option d'achat, de produits entre un fournisseur (personne physique ou morale), d'une part, et, d'autre part, un des pouvoirs adjudicateurs définis au point b)». De cette disposition, résultent les conditions auxquelles est subordonnée l'application de la directive 93/36.51 En premier lieu, il faut que la relation contractuelle concerne la fourniture de produits. Cet élément constitue une condition fondamentale d'application de la directive.52 En deuxième lieu, il faut qu'un contrat (31) soit établi et qu'il le soit sous forme écrite. Ce contrat est synallagmatique et conclu à titre onéreux. Cela signifie que la directive s'applique, d'une part, lorsqu'il existe un concours de volontés entre deux personnes différentes, à savoir le pouvoir adjudicateur et le fournisseur, et, d'autre part, lorsque la relation réciproque créée consiste dans la fourniture d'un produit en échange d'une rétribution financière (32). Il faut donc qu'il y ait échange de prestations, création de droits et d'obligations pour les parties au contrat et que les prestations soient interdépendantes (33).53 En troisième lieu, et cet élément est, d'ailleurs, directement lié au précédent, il faut que le cocontractant du pouvoir adjudicateur, le fournisseur, ait effectivement la qualité de tiers par rapport à ce pouvoir, c'est-à-dire qu'il doit s'agir d'une personne distincte de celui-ci. Cet élément constitue aussi une caractéristique essentielle de la passation des marchés de fournitures que vise la directive 93/36.54 Il résulte de ce qui précède que la directive ne s'applique pas dans le cas où le pouvoir adjudicateur recourt à ses propres ressources pour la fourniture des produits qu'il souhaite (34). Le droit communautaire n'oblige pas les pouvoirs adjudicateurs à respecter la procédure assurant une concurrence effective entre les intéressés dans le cas où les pouvoirs en question souhaitent se charger eux-mêmes de la fourniture des produits dont ils ont besoin (35).55 L'AGAC affirme que la commune de Viano n'a pas confié le service de gestion des installations de chauffage à un tiers, mais a simplement décidé d'organiser de manière différente la gestion directe de ce service, en recourant à la structure et au personnel dont disposait une entité spécifique constituée à cette fin, plutôt qu'à sa propre structure et à son propre personnel.56 Premièrement, nous considérons qu'il est hors de doute que, d'après les éléments fournis par le juge national, il s'agit (aussi), en l'espèce, de la fourniture de certains produits.57 Deuxièmement, pour que l'on puisse appliquer la directive, il faut qu'il existe un contrat écrit, où sont définies les obligations et les droits des parties et où est réglée, plus particulièrement, la question de la contrepartie. Le juge national doit donc vérifier si un contrat a été conclu - et, qui plus est, par écrit -, contrat qui régit les relations entre le pouvoir adjudicateur et le fournisseur, qui définit les droits et les obligations des parties, en plus de la décision du conseil municipal de Viano attribuant le marché (36).58 En outre, s'il existe un contrat écrit, il appartient au juge national de vérifier dans quelle mesure la faculté de renouveler le contrat, qui est reconnue à la commune, est le fruit de négociations entre la commune de Viano et l'AGAC. De même, il lui appartient de vérifier dans quelle mesure la contrepartie fixée pour la fourniture des biens et la livraison des services concernés à la commune a été déterminée selon les usages commerciaux en vigueur (37). Le point de savoir dans quelle mesure nous sommes effectivement en présence ou non d'un marché régi par la réglementation communautaire dépend des réponses que le juge national donnera aux questions qui précèdent.59 De plus, comme le juge national le précise, il s'agit de deux personnes formellement séparées qui opèrent sur le marché. Cet élément est important, parce que, si une commune, dans le cadre d'une meilleure organisation interne de ses services, attribuait la fourniture à l'un de ses services, cela signifierait que nous sommes en présence d'une forme de délégation interne, qui ne sort pas du cadre de ses structures administratives propres (38). Dans une telle hypothèse, la relation qui existerait entre la commune de Viano et l'AGAC ne pourrait être considérée comme un marché public au sens de la directive 93/36.60 Plus précisément, en l'espèce, conformément à la législation nationale, l'AGAC, qui est dotée de la personnalité juridique et jouit de l'autonomie de gestion, est un groupement de communes, qui a été constitué sur la base de l'article 25 de la loi n_ 142/90. Cet article prévoit expressément la gestion commune d'un ou de plusieurs services, grâce à la création d'un groupement (consorzio), conformément aux dispositions relatives aux entreprises spéciales figurant à l'article 23 de cette même loi italienne, comme il est indiqué dans le point précédent. De même, l'AGAC doit exercer les fonctions que lui confient les communes participant au groupement et elle est soumise au contrôle de ces dernières.61 D'après l'article 10, paragraphe 3, des statuts de l'AGAC, le pourcentage selon lequel la commune de Viano participe à l'assemblée de l'AGAC, c'est-à-dire, en réalité, à son administration, mais aussi aux bénéfices et aux pertes du groupement, s'élève à 0,9 %. Ainsi qu'il résulte, d'ailleurs, des faits mentionnés par le juge national, nous estimons improbable que, dans le cas de l'AGAC, qui est un groupement créé par 45 communes de Reggio Emilia et est une personne juridique distincte, on puisse soutenir que la commune de Viano exerce sur le groupement un contrôle analogue à celui qu'exerce une entité sur un organe interne.62 D'ailleurs, en vertu de l'article 3, paragraphe 4, de ses statuts, l'AGAC peut assurer la prestation de certains services (39) à des communes, des particuliers ou des organismes publics (enti) qui ne participent pas au groupement.63 Malgré la possibilité pour la commune de Viano, conformément à la décision n_ 18, d'obtenir, sur sa demande, la prolongation de la durée du contrat, nous ne pensons pas qu'il soit établi que la commune exerce un contrôle hiérarchique sur l'AGAC ni que les relations entre la commune et l'AGAC ne consistent pas dans l'attribution d'un marché au motif que les deux parties contractantes n'ont pas, en fait, la qualité de tiers l'une par rapport à l'autre (40).64 Si, sur la base des constatations auxquelles il doit procéder, le juge national conclut que les relations entre la commune et l'AGAC sont le résultat du concours de deux volontés autonomes qui représentent des intérêts légitimes distincts, conformément à la forme habituelle de relations qui caractérise les relations contractuelles de deux sujets distincts (41), cette conclusion se déduisant aussi de l'analyse des conditions contractuelles (42), l'attribution de la prestation faisant l'objet de la présente affaire entre dans le champ d'application de la directive 93/36.65 Si nous admettions que les pouvoirs adjudicateurs ont la faculté de s'adresser à des entités distinctes, dont ils conservent le contrôle soit absolu soit relatif, pour la fourniture de biens, en violation de la réglementation communautaire pertinente, cela permettrait d'éluder les règles au mépris de l'objectif - consistant à assurer l'existence d'une concurrence libre et non faussée - que le législateur communautaire poursuit en coordonnant les procédures de passation des marchés publics de fournitures.66 En conséquence, avec les réserves que nous avons formulées au sujet des points que le juge national doit éclaircir, la procédure de la directive 93/36 devrait être respectée. La commune devrait donc se conformer aux dispositions visant à protéger la concurrence lorsqu'elle choisit son cocontractant sans aucune exception, même si on considère que l'AGAC est un organisme de droit public au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 93/36, parce que, comme nous l'avons souligné dans le point précédent des présentes conclusions, cette directive ne prévoit pas de dérogation analogue à celle contenue dans l'article 6 de la directive 92/50 pour la passation de marchés publics de fournitures avec d'autres pouvoirs adjudicateurs.67 Ainsi, nous estimons que, des considérations qui précèdent, il résulte que la directive 93/36 ne permet pas de déroger à la procédure qu'elle organise en cas de passation d'un marché public de fournitures, indépendamment du point de savoir si le marché est passé entre un pouvoir adjudicateur et un organisme qui est aussi un pouvoir adjudicateur. En conséquence, sous réserve des points que le juge national doit vérifier, la directive en question s'oppose à l'attribution de la fourniture litigieuse si les relations entre l'organisme local et le groupement auquel ce dernier participe ont pour résultat un concours des volontés de deux personnes différentes, indépendantes pour l'essentiel, qui représentent des intérêts légitimes distincts.

V - Conclusion

68 Eu égard à l'analyse qui précède, nous proposons de répondre dans les termes suivants à la question préjudicielle déférée à la Cour par le Tribunale Amministrativo Regionale per l'Emilia-Romagna, Sezione di Parma:

«La directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, impose le respect de la procédure qu'elle organise en cas de conclusion d'un contrat écrit à titre onéreux visant à la fourniture de produits, indépendamment du fait que ce contrat est conclu entre des organismes qui constituent des pouvoirs adjudicateurs.»

(1) - JO L 209, p. 1.

(2) - Plus précisément, il prévoit (paragraphe 5) que, lorsqu'il s'agit de marchés n'indiquant pas un prix total, doit être prise comme base pour le calcul du montant estimé des marchés: a) dans l'hypothèse de marchés ayant une durée déterminée, dans la mesure où celle-ci est égale ou inférieure à quarante-huit mois, la valeur totale pour toute leur durée et b) dans l'hypothèse de marchés ayant une durée indéterminée ou supérieure à quarante-huit mois, la valeur mensuelle multipliée par 48.

(3) - JO L 199, p. 1.

(4) - JO L 13, p. 1.

(5) - Cette même disposition explique qu'on entend par organisme de droit public tout organisme a) créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial, b) doté de la personnalité juridique et c) dont soit l'activité est financée majoritairement par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise au contrôle de ceux-ci, soit l'organe d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public.

(6) - Il s'agit, plus précisément, des titres II, III et IV ainsi que des articles 6 et 7 de la directive 93/36.

(7) - Le paragraphe 2 prévoit que, lorsqu'il s'agit de marchés ayant pour objet le crédit-bail, la location ou la location-vente de produits, doit être prise comme base pour le calcul de la valeur estimée du marché: a) dans l'hypothèse de marchés ayant une durée déterminée, dans la mesure où celle-ci est égale ou inférieure à douze mois, la valeur totale estimée pour la durée du marché ou, dans la mesure où la durée du marché est supérieure à douze mois, la valeur totale incluant le montant estimé de la valeur résiduelle, b) dans l'hypothèse de marchés ayant une durée indéterminée ou dans le cas où la détermination de leur durée ne peut être définie, la valeur mensuelle multipliée par 48. En outre, le paragraphe 3 prévoit que, lorsqu'il s'agit de marchés présentant un caractère de régularité ou destinés à être renouvelés au cours d'une période donnée, doit être prise pour base pour le calcul de la valeur estimée du marché: a) soit la valeur réelle globale des contrats successifs analogues passés au cours des douze mois ou de l'exercice précédent, corrigée, si possible, pour tenir compte des modifications en quantité ou en valeur qui surviendraient au cours des douze mois suivant le contrat initial, b) soit la valeur estimée globale des contrats successifs passés au cours des douze mois suivant la première livraison ou au cours de l'exercice dans la mesure où celui-ci est supérieur à douze mois. Enfin, le paragraphe 5 prévoit que, lorsqu'un marché de fournitures envisagé prévoit expressément des options, le montant total maximal autorisé de l'achat, du crédit-bail, de la location ou de la location-vente, y inclus le recours aux options, doit être pris comme base pour déterminer la valeur estimée du marché.

(8) - Ordinamento delle autonomie locali (GURI n_ 135, du 12 juin 1990).

(9) - En vertu de l'article 8, les organes du groupement autres que l'assemblée sont le conseil d'administration, le président du conseil d'administration et le directeur général. Ces derniers ne rendent pas compte de leur gestion aux communes participant au groupement. Les personnes physiques composant ces organes n'exercent aucune fonction dans les communes participant au groupement.

(10) - L'article 1er de cette décision, intitulé «Objet de la gestion» énumère les tâches confiées à l'AGAC.

(11) - Cette éventualité peut se réaliser à condition que la demande soit notifiée à l'AGAC au moins trois mois avant le terme de la période concernée.

(12) - Plus précisément, l'AGAC estime que le juge national demande à la Cour de décider si le service consistant dans la gestion des installations de chauffage d'une commune peut être considéré comme un service public à caractère local, au sens de l'article 22 de la loi n_ 142/90, de manière à déterminer si l'article 6 de la directive 92/50 est applicable ou non. Selon l'AGAC toujours, le juge national demande essentiellement si des dispositions du droit national (articles 23 et 25 de la loi n_ 142/90) constituent ou non un cas de marché public de services confié à un organisme qui est lui-même un pouvoir adjudicateur.

(13) - Voir, à titre indicatif, les arrêts du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board (83/78, Rec. p. 2347, point 25), et du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673, point 15).

(14) - Voir, à titre indicatif, l'arrêt du 19 juin 1973, Capolongo (77/72, Rec. p. 611, point 8), et l'arrêt Lourenço Dias (précité, point 19).

(15) - Voir, à titre indicatif, les arrêts du 4 mai 1993, Federación de Distribuidores Cinematográficos (C-17/92, Rec. p. I-2239, point 8), et du 3 juillet 1974, Casagrande (9/74, Rec. p. 773, point 2).

(16) - Voir, à titre indicatif, les arrêts du 26 septembre 1996, Arcaro (C-168/95, Rec. p. I-4705, points 20 et 21), et du 13 décembre 1984, Haug-Adrion (251/83, Rec. p. 4277, point 9).

(17) - Voir, à titre indicatif, les arrêts du 28 juin 1978, Simmenthal (70/77, Rec. p. 1453, point 57); du 16 décembre 1992, Claeys (C-114/91, Rec. p. I-6559, points 10 et 11), et du 18 mars 1993, Viessmann (C-280/91, Rec. p. I-971, point 17).

(18) - Voir, à titre indicatif, les arrêts du 24 mars 1992, Syndesmos Melon tis Eleftheras Evangelikis Ekklisias (C-381/89, Rec. p. I-2111, points 19 et suiv.), et du 23 novembre 1977, Enka (38/77, Rec. p. 2203).

(19) - Plus précisément, elle estime que le prix des combustibles doit être déduit de la somme correspondant aux services, dans la mesure où l'AGAC, qui est un pouvoir adjudicateur, s'approvisionne en combustibles au moyen de procédures publiques d'appels d'offres. De même, elle affirme qu'il ne s'agit pas d'un marché de durée indéterminée. La raison en est que le renouvellement du contrat au terme de la période initiale est laissé à la totale discrétion de la commune, les conditions économiques restant à définir. Enfin, le prix global a été prévu pour la période allant du 1er juin 1997 au 31 mai 1998, et cela exclurait aussi que l'on puisse qualifier le marché en cause de marché de durée indéterminée. Cela est confirmé aussi par le fait que le contrat litigieux a pris fin définitivement le 31 mai 1998, parce que la commune de Viano a décidé de procéder à l'exploitation de ce service selon d'autres modalités.

(20) - L'ordonnance de renvoi explique que, en vertu de l'article 2 de la décision n_ 18 du conseil municipal de Viano, au terme de sa gestion (d'une durée d'un an), l'AGAC s'engage à continuer à assurer la prestation de services concernée, pour une nouvelle période de trois ans, si l'Ente le demande, après adaptation des conditions contenues dans l'acte. Le juge national a aussi souligné que cela valait aussi, de manière analogue, pour les périodes suivantes, à condition que la demande soit notifiée à l'AGAC au moins trois mois avant la fin de la période.

(21) - Le juge national explique que, si, au contraire, il s'agit essentiellement d'une fourniture, la révision des conditions qui est prévue se traduit par un droit de l'entreprise à l'adaptation du montant au prix du marché du combustible à fournir, opération qui, du fait de son caractère automatique, n'exclurait pas qu'il existe un véritable droit d'option de la commune. Par conséquent, conclut-il, il y a lieu d'appliquer l'article 5, paragraphe 5, de la directive 93/36, en vertu duquel, lorsqu'un marché de fournitures envisagé prévoit expressément des options, le montant total maximal autorisé de l'achat, y inclus le recours aux options doit être pris comme base pour déterminer la valeur estimée du marché.

(22) - Théoriquement, il n'est pas exclu que le juge national pose une question préjudicielle s'il rencontre des difficultés d'interprétation.

(23) - Interprété à la lumière de l'article 33 de la directive 93/36.

(24) - Voir aussi l'article de Mensi, M., «L'ouverture à la concurrence des marchés publics de services», dans Revue du Marché Unique Européen, n_ 3/1993 (p. 59 à 86), paragraphe 8.

(25) - Nous rappelons que, dans l'arrêt 19 avril 1994, Gestión Hotelera Internacional (C-331/92, Rec. p. I-1329), la Cour, tirant argument du seizième considérant de la directive 92/50, selon lequel «il résulte de la directive 71/305/CEE qu'un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet consiste à réaliser un ouvrage», a jugé (point 29) qu'«un contrat mixte qui porte à la fois sur l'exécution de travaux et une cession de biens ne relève pas du champ d'application de la directive 71/305, si l'exécution des travaux présente seulement un caractère accessoire par rapport à la cession de biens». La directive 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, visait à coordonner les procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5). Par ailleurs, le dix-septième considérant de la directive 92/50, qui fait expressément référence à l'objet du marché, précise que, «pour autant que ces travaux sont accessoires et ne forment pas l'objet du contrat, ils ne peuvent justifier la classification du contrat comme marché public de travaux». Enfin, dans la même affaire, la Cour a souligné (point 28) qu'«il appartient au juge national de statuer sur le point de savoir si les travaux ont un caractère accessoire par rapport à l'objet principal de l'adjudication».

(26) - Cela ressort clairement de l'article 1er de la décision n_ 18 du conseil municipal de Viano, qui est cité par le juge de renvoi.

(27) - Teckal conteste que l'on puisse interpréter ces dispositions dans ce sens et souligne que, durant les cinq années qui ont précédé l'attribution des prestations litigieuses à l'AGAC, elle était la cocontractante de la commune de Viano.

(28) - Voir le quatorzième considérant de la directive 93/36.

(29) - Cette différence est le reflet d'une spécificité du domaine que régit la directive 92/50, en ce sens qu'il faut dûment tenir compte du fait que la prestation de services peut être effectuée dans le cadre de relations et de liens juridiques stables entre différents organismes (collectivités), conformément à un régime de collaboration subordonnée d'un organisme avec l'autre. De plus, la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), outre qu'elle contient une disposition (article 11) analogue à celle de l'article 6 de la directive 92/50, comporte aussi une autre disposition similaire concernant cette question, qui tient compte de la spécificité des entités qui sont des entreprises qualifiées de pouvoirs adjudicateurs seulement dans le cadre des marchés publics concernant des secteurs spécifiques. Il s'agit de l'article 13 de la directive 93/38, qui concerne les marchés de services passés par un pouvoir adjudicateur avec une «entreprise liée», dont la définition fait référence au contrôle et à l'influence déterminante exercés entre un pouvoir adjudicateur et une entreprise ou (sous certaines conditions) entre des entreprises (article 1er, paragraphe 3); c'est-à-dire qu'il s'agit d'entités juridiques appartenant à la même unité économique; voir aussi Mensi, M., op. cit., paragraphe 18, p. 81 et suiv.

(30) - Nous rappelons que la Cour a jugé qu'un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu des directives portant coordination des procédures de passation de marchés publics pour, d'une part, les marchés de travaux (directive 71/305) et, d'autre part, les marchés de fournitures (directive 77/62), lorsqu'il exclut du champ d'application de la réglementation nationale sur les marchés publics les opérations que l'administration réalise avec des particuliers dans des cas où ces directives ne le permettent pas. Voir l'arrêt du 17 novembre 1993, Commission/Espagne (C-71/92, Rec. p. I-5923, points 10, 11 et 22). En particulier, elle a souligné (point 10) que «les seules exceptions permises à l'application de la directive 77/62 sont celles qui y sont limitativement et expressément mentionnées».

(31) - Il est caractéristique que le huitième considérant de la directive 92/50 indique que «la prestation de services n'est couverte par la présente directive que dans la mesure où elle est fondée sur des marchés; que la prestation de services sur d'autres bases, telles que des dispositions législatives ou réglementaires ou des contrats d'emploi, n'est pas couverte». Cela signifie que la directive 92/50 ne s'applique que si la relation juridique entre les cocontractants est fondée sur un marché de services, comme le prévoit l'article 1er, sous a), de la directive et qu'elle ne s'applique pas aux prestations de services qui ne sont pas fondées sur des marchés; voir aussi le point 26 des conclusions de l'avocat général M. La Pergola sous l'arrêt du 10 novembre 1998, BFI Holding (C-360/96, Rec. p. I-6821) et aussi le point 49 des conclusions de l'avocat général M. Alber dans l'affaire RI.SAN (C-108/98, arrêt non encore rendu).

(32) - Cet élément consistant dans la fixation d'une contrepartie calculée de manière abstraite en cas de passation d'un marché public de fournitures est mis en lumière dans l'arrêt du 26 avril 1994, Commission/Italie (C-272/91, Rec. p. I-1409, point 25); cette affaire concernait la concession du système d'automatisation du jeu du loto italien, c'est-à-dire la fourniture d'un système d'automatisation complet du jeu en question, qui impliquait, notamment, la fourniture de certains biens à l'État. Ce même élément consistant dans le paiement d'une contrepartie déterminée en guise de rétribution du prestataire de services est aussi mis en lumière dans l'arrêt BFI Holding (déjà cité à la note 31, point 25).

(33) - Au sujet de cet élément important de la notion de contrat, voir de Laubadère, A., Moderne, F., et Delvolvé, P., «Traité des contrats administratifs», t. I, 2e éd., 1983 (808 p.), paragraphes 14 et suiv., p. 29 et suiv.

(34) - Procédure dite «in house». Voir sur cette question dans le cadre de la directive 92/50, Flamme, Ph., et Flamme M.-A., «Les marchés publics de services et la coordination de leurs procédures de passation (Directive 92/50/CEE du 18 juin 1992)», dans Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n_ 365, février 1993 (p. 150 à 170), paragraphes 15 et 16. Voir aussi Mensi, M., op. cit., paragraphe 5.

(35) - Une question analogue, relative à l'interprétation de la directive 92/50, a déjà été posée à la Cour. Plus précisément, dans l'affaire BFI Holding (déjà citée à la note 31), concernant un litige opposant deux communes néerlandaises à une société privée (BFI), qui affirmait que l'attribution d'un marché portant sur la collecte de déchets à une société anonyme (ARA) que les communes en question avaient constituées à cette fin devait être soumise à la procédure prévue par la directive, le juge national a considéré qu'ARA relevait de l'exception prévue à l'article 6 de la directive 92/50 pour autant qu'elle soit considérée comme un organisme de droit public au sens de l'article 1er, sous b), de la directive 92/50.

L'avocat général M. La Pergola, dans ses conclusions sous l'arrêt BFI Holding (point 38), est parvenu à la conclusion selon laquelle «ARA n'a pas la nature d'un tiers par rapport aux deux communes, c'est-à-dire qu'elle ne s'en distingue pas en substance. Nous sommes face à une forme de délégation interorganique qui ne sort pas de la sphère administrative des communes, lesquelles en conférant à ARA les activités en question n'ont en aucune façon eu l'intention de privatiser les fonctions qu'elles assumaient auparavant dans ce secteur»; d'ailleurs, cet aspect, portant sur le point de savoir dans quelle mesure la prestation de services est fournie par une partie de l'administration publique, auquel cas il n'y a pas marché public, au sens de la directive 92/50, a été mis en lumière par l'avocat général M. Alber, dans ses conclusions relatives à l'affaire RI.SAN (déjà citée ci-dessus à la note 31); voir le point 49 de ces conclusions. L'avocat général M. La Pergola concluait que «en définitive, selon nous, le rapport qui lie des communes et ARA ne peut pas être considéré comme un marché au sens de la directive» (il s'agissait de la directive 92/50). Toutefois, l'avocat général M. La Pergola a estimé qu'un organisme de ce type (tel qu'ARA) constituait un organisme de droit public au sens de la directive 92/50. La Cour a examiné quand un organisme pouvait être qualifié d'organisme de droit public, au sens de l'article 1er, sous b), deuxième alinéa, de la directive 92/50 et a fourni au juge national les éléments d'interprétation qui lui étaient nécessaires sur ce point.

(36) - Il ressort de l'ordonnance de renvoi que l'AGAC est tenue de gérer le service de chauffage essentiellement selon les directives contenues dans la décision attaquée, directives que la commune de Viano a adoptées unilatéralement.

(37) - Nous ne pensons pas que l'on puisse parler de passation d'un marché et d'adjudication au sens de la directive, si, d'une part, la contrepartie mentionnée dans la décision du conseil municipal n'a pas été fixée librement sur la base de l'offre faite par l'AGAC dans le cadre de l'autonomie de gestion dont elle jouit et si, d'autre part, cette offre est dépourvue de tout caractère lucratif, comme l'indique, d'ailleurs, la Commission.

(38) - Nous rappelons que, durant cinq années, Teckal a, comme elle l'affirme, offert ces services en tant que cocontractante de la commune de Viano.

(39) - Nous rappelons qu'il s'agit, entre autres, de la production et de la distribution de gaz méthane et de chaleur à des fins domestiques et industrielles.

(40) - D'après la Commission (point 34 de ses observations écrites), il semble qu'il s'agisse, en l'espèce, d'un mode d'organisation particulier, dans le cadre duquel la commune ne s'adresse pas au marché pour obtenir une fourniture de biens ou une prestation de services déterminée, mais à un organisme qui peut être considéré comme émanant d'elle (il constitue une «longa manus») dans le secteur spécifique dont il s'agit en l'espèce.

(41) - Il convient donc de vérifier si des négociations ont précédé la fixation des conditions contractuelles.

(42) - Il s'agit, par exemple, de l'insertion de clauses pénales applicables en cas d'exécution défectueuse de l'AGAC ou d'une clause d'arbitrage, etc.