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ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)
7 mai 1998 (1)
«Recevabilité – Délai de recours – Cas fortuit – Force majeure»
Dans l'affaire C-239/97,
Irlande, représentée par M. Michael A. Buckley, Chief State Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M
e Paul Gallagher, SC, et M
e Niamh Hyland, barrister-at-law, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Irlande, 28, route d'Arlon,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Peter Oliver, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès
de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission C(97) 693, du 16 avril 1997, concernant la réduction du concours
du Fonds européen de développement régional (Feder) au programme opérationnel pour le tourisme en Irlande 1989-1993, dans
le cadre communautaire d'appui pour les interventions structurelles en Irlande au titre de l'objectif n° 1 pour la période
1989-1993, et modifiant la décision C(89) 2258/7, du 21 décembre 1989, telle que modifiée en dernier lieu par la décision
C(93) 3769, du 17 décembre 1993,
LA COUR (première chambre),
composée de MM. M. Wathelet, président de chambre, D. A. O. Edward et L. Sevón (rapporteur), juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: M. R. Grass,
l'avocat général entendu, rend la présente
Ordonnance
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Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 juin 1997, l'Irlande a, en vertu de l'article 173 du traité CE, demandé l'annulation
de la décision de la Commission C(97) 693, du 16 avril 1997, concernant la réduction du concours du Fonds européen de développement
régional (Feder) au programme opérationnel pour le tourisme en Irlande 1989-1993, dans le cadre communautaire d'appui pour
les interventions structurelles en Irlande au titre de l'objectif n° 1 pour la période 1989-1993, et modifiant la décision
C(89) 2258/7, du 21 décembre 1989, telle que modifiée en dernier lieu par la décision C(93) 3769, du 17 décembre 1993.
- 2
Par demande déposée le 28 juillet 1997, la Commission a soulevé, conformément à l'article 91, paragraphe 1, du règlement de
procédure, une exception d'irrecevabilité tirée de la tardiveté du recours. En outre, elle a demandé que l'Irlande soit condamnée
aux dépens.
- 3
La Commission fait valoir que le recours n'a pas été introduit dans le délai de deux mois prévu à l'article 173, cinquième
alinéa, du traité. L'État requérant ayant reçu notification de la décision attaquée le 17 avril 1997, ce délai de deux mois,
augmenté du délai de distance supplémentaire prévu par l'article 81, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui s'élève
à dix jours pour les demandeurs irlandais, aurait, en l'espèce, expiré le 27 juin 1997. Or, le recours n'aurait été introduit
que le 30 juin 1997.
- 4
L'État requérant ne conteste pas que le recours a été formé après l'expiration du délai imparti. Il fait toutefois valoir
que ce dépassement du délai est le résultat d'un cas fortuit ou de force majeure au sens de l'article 42 du statut CE de la
Cour de justice. A cet égard, il indique que la requête a été envoyée par courrier exprès à la Cour le 26 juin 1997 et que
le service de courrier exprès utilisé, un service spécial de distribution postale, avait garanti que le courrier serait distribué
le lendemain. Toutefois, l'avion qui transportait le courrier de Dublin à Bruxelles aurait présenté un retard à l'atterrissage
et donc au déchargement des bagages. Dès lors, tous les bagages transportés par l'avion en question auraient manqué la correspondance
assurant la liaison de Bruxelles à Luxembourg.
- 5
L'État requérant ajoute que, dans les circonstances de la présente affaire, il ne pouvait raisonnablement prévoir que le service
de distribution exprès de courrier manquerait à ses obligations. Il fait valoir par ailleurs que ces problèmes étaient tout
à fait indépendants de sa volonté, de sorte qu'il n'aurait rien pu faire pour garantir que la requête parvienne à Luxembourg
dans les délais.
- 6
Il convient de constater d'abord que, dans le cas d'espèce, compte tenu du délai de distance de dix jours dont disposait l'État
requérant, le délai imparti pour l'introduction du recours est venu à expiration le 27 juin 1997. En conséquence, le recours,
introduit le 30 juin 1997, est tardif.
- 7
A maintes reprises, la Cour a jugé qu'il ne pouvait être dérogé à l'application des réglementations communautaires concernant
les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, de cas fortuit ou de force majeure, conformément
à l'article 42, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, étant donné que l'application stricte de ces règles répond
à l'exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d'éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l'administration
de la justice (voir, notamment, arrêts du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749, point 10; du
15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, point 11; du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, Rec. p. 495,
point 11, et ordonnance du 5 février 1992, France/Commission, C-59/91, Rec. p. I-525, point 8).
- 8
Les circonstances invoquées par l'État requérant ne sauraient toutefois être considérées comme des circonstances exceptionnelles
constitutives d'un cas fortuit ou de force majeure au sens de la disposition susvisée.
- 9
En effet, l'État requérant ne peut valablement prétendre avoir fait, en envoyant la requête par courrier exprès le 26 juin
1997, tout le nécessaire pour s'assurer qu'elle arriverait en temps utile, c'est-à-dire, en l'espèce, le lendemain, alors
qu'il a disposé d'un délai de distance de dix jours, calculé sur la base de la durée normale d'acheminement du courrier en
tenant compte de problèmes éventuels au sein des services postaux. Dans ces conditions, il ne peut non plus invoquer un dysfonctionnement
exceptionnel de ces services pour échapper à la déchéance tirée de l'expiration des délais de procédure (voir ordonnance France/Commission,
précitée, point 10).
- 10
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
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Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il
est conclu en ce sens. La Commission a conclu à la condamnation de l'Irlande aux dépens. Celle-ci ayant succombé en son action,
il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
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LA COUR (première chambre)
ordonne:
- 1)
Le recours est rejeté comme irrecevable.
- 2)
L'Irlande est condamnée aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 7 mai 1998.
Le greffier
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Le président de la première chambre
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