61997C0288

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 26 novembre 1998. - Consorzio fra i Caseifici dell'Altopiano di Asiago contre Regione Veneto. - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di Bassano del Grappa - Italie. - Lait - Prélèvement supplémentaire - Notion d'acheteur - Coopérative de producteurs. - Affaire C-288/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-02575


Conclusions de l'avocat général


1 Par ordonnance du 17 juillet 1997, la Pretura circondariale di Bassano del Grappa (Italie) a soumis à la Cour, à titre préjudiciel, deux questions concernant l'interprétation du règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (1) (ci-après le «règlement n_ 3950/92»). La première question porte sur la notion d'«acheteur» au sens des articles 2 et 9 du règlement; la seconde vise à savoir si la retenue du montant dû à titre de prélèvement supplémentaire, prévue par l'article 2, paragraphe 2, constitue pour l'acheteur une obligation ou une simple faculté.

Le cadre normatif

2 Pour réduire le déséquilibre entre l'offre et la demande de lait et de produits laitiers, le règlement (CEE) n_ 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984 modifiant le règlement (CEE) n_ 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (2), a introduit le régime dit du «prélèvement supplémentaire». Sur la base de ce régime, il est attribué aux producteurs une «quantité de référence» calculée en fonction de la production pendant une période donnée; le lait produit en dépassement de cette quantité de référence est, par conséquent, soumis au paiement d'une somme d'argent, dénommée précisément «prélèvement supplémentaire».

Il était prévu au départ que ce régime ait une durée de neuf ans, qui a été prorogée par la suite pour sept autres années par le règlement n_ 3950/92. Dans ce cas également, la technique utilisée par le législateur pour remédier au problème de la surproduction laitière est celle qui a déjà été utilisée dans le règlement n_ 856/84, et «consistant à instaurer un prélèvement sur les quantités de lait collectées ou vendues directement, au-delà d'un seuil de garantie» (3).

3 L'article 1er du règlement n_ 3950/92 dispose que:

«Pendant sept nouvelles périodes consécutives de douze mois débutant le 1er avril 1993, il est institué un prélèvement supplémentaire à la charge des producteurs de lait de vache sur les quantités de lait ou d'équivalent-lait livrées à un acheteur ou vendues directement à la consommation pendant la période de douze mois en question et qui dépassent une quantité à déterminer.

Le prélèvement est fixé à 115 % du prix indicatif du lait.»

En application de l'article 2:

«1. Le prélèvement est dû sur toutes les quantités de lait ou d'équivalent-lait commercialisées pendant la période de douze mois en question et qui dépassent l'une ou l'autre des quantités visées à l'article 3. Il est réparti entre les producteurs qui ont contribué au dépassement.

...

2. En ce qui concerne les livraisons, l'acheteur redevable du prélèvement paie à l'organisme compétent de l'État membre, avant une date et selon des modalités à déterminer, le montant dû qu'il retient sur le prix du lait payé aux producteurs débiteurs du prélèvement et, à défaut, qu'il perçoit par tout moyen approprié.

...

Lorsque les quantités livrées par un producteur dépassent la quantité de référence dont il dispose, l'acheteur est autorisé à retenir à titre d'avance sur le prélèvement dû, selon des modalités déterminées par l'État membre, un montant du prix du lait sur toute livraison de ce producteur qui excède la quantité de référence dont il dispose.

3. En ce qui concerne les ventes directes, le producteur paie le prélèvement dû à l'organisme compétent de l'État membre avant une date et selon des modalités à déterminer.»

4 Aux fins de l'application du présent règlement, l'article 9 donne les définitions suivantes:

...

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

...

c) `producteur': l'exploitant agricole, personne physique ou morale ou groupement de personnes physiques ou morales dont l'exploitation est située sur le territoire géographique de la Communauté:

- qui vend du lait ou d'autres produits laitiers directement au consommateur

et/ou

- qui livre à l'acheteur;

d) `exploitation': l'ensemble des unités de production gérées par le producteur et situées sur le territoire géographique de la Communauté;

e) `acheteur': une entreprise ou un groupement qui achète du lait ou d'autres produits laitiers auprès du producteur:

- pour les traiter ou les transformer,

- pour les céder à une ou plusieurs entreprises traitant ou transformant du lait ou d'autres produits laitiers.

Toutefois, est considéré comme acheteur un groupement d'acheteurs, situés dans une même zone géographique, qui effectue pour le compte de ses adhérents les opérations de gestion administrative et comptable nécessaires au versement du prélèvement...

f) `entreprise traitant ou transformant du lait ou d'autres produits laitiers': une entreprise ou un groupement qui procède à des opérations de collecte, d'emballage, de stockage et de refroidissement et de transformation du lait ou qui limite son activité laitière à l'une de ces opérations;

g) `livraison': toute livraison de lait ou d'autres produits laitiers, que le transport soit assuré par le producteur, par l'acheteur, par l'entreprise traitant ou transformant ces produits ou par un tiers;

h) `lait ou équivalent-lait vendus directement à la consommation': le lait ou les produits laitiers convertis en équivalent-lait, vendus ou cédés gratuitement sans l'intermédiaire d'une entreprise traitant ou transformant du lait ou d'autres produits laitiers.»

5 Il y a également lieu de prendre en considération aux fins de la présente affaire le règlement (CEE) n_ 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (4). L'article 1er de ce règlement prévoit que:

«Pour le calcul du prélèvement supplémentaire établi par le règlement (CEE) n_ 3950/92:

1) on entend `par quantités de lait ou d'équivalent-lait commercialisées', au sens de l'article 2 paragraphe 1 dudit règlement, dans un État membre, toute quantité de lait ou d'équivalent-lait qui quitte une exploitation située sur le territoire de cet État membre. Les quantités remises par un producteur pour être traitées ou transformées dans le cadre d'un contrat de travail à façon sont considérées comme une livraison...».

En application de l'article 7 du règlement n_ 536/93:

«1. Les États membres prennent toutes les mesures de contrôle nécessaires pour assurer la perception du prélèvement sur les quantités de lait et d'équivalent-lait commercialisées en dépassement de l'une ou l'autre des quantités visées à l'article 3 du règlement (CEE) n_ 3950/92. A cette fin:

a) tout acheteur opérant sur le territoire d'un État membre est agréé par cet État membre.

...»

6 Sur la base des dispositions précitées, le décret du président de la République (ci-après le «DPR n_ 569/93») précise que: «... toute référence aux acheteurs de lait et de produits laitiers doit être entendue comme s'appliquant aux coopératives qui utilisent ou transforment le lait de vache, indépendamment de la nature juridique du rapport qui a donné lieu à la livraison du lait et des produits laitiers en cause à la coopérative».

Les faits et les questions posées

7 Le litige pendant devant le juge national se situe dans le contexte du cadre normatif que nous venons de décrire.

Le Consorzio Caseifici Altopiano di Asiago (ci-après le «Consorzio») est un organisme auquel adhèrent différentes sociétés coopératives productrices de lait. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que ce Consorzio avait demandé et obtenu d'être reconnu comme «acheteur», au sens de l'article 1er, troisième alinéa, du DPR n_ 569/93.

Par ordonnance du 29 mai 1996, la Regione Veneto a enjoint au Consorzio de payer la somme de 45 000 000 LIT, à titre de sanction administrative, en raison d'irrégularités dans la tenue du registre visé par les fournisseurs et pour n'avoir pas mis en réserve le prélèvement supplémentaire concernant les membres du Consorzio qui avaient dépassé le quota laitier disponible.

C'est contre cette sanction administrative que le Consorzio a saisi la Pretura circondariale di Bassano del Grappa, en lui demandant de ne pas appliquer le DPR n_ 569/93 à son encontre, puisque le Consorzio ne pouvait pas être considéré comme un «acheteur» au sens du règlement n_ 3950/92. En toute hypothèse, le Consorzio fait valoir que la législation communautaire prévoit pour l'acheteur non l'obligation, mais la simple faculté de mettre en réserve le prélèvement supplémentaire.

8 Le juge de renvoi a par conséquent sursis à statuer et a déféré à la Cour les questions suivantes à titre préjudiciel:

«1) Les articles 9 et 2 du règlement (CEE) n_ 3950/92, du 28 décembre 1992, doivent-ils être interprétés en ce sens que l'on peut considérer comme `acheteur', tenu au versement du prélèvement supplémentaire, tout destinataire d'une livraison de lait, indépendamment de la nature juridique du rapport qui a donné lieu à la livraison et, en particulier, en ce sens que l'on peut considérer comme tel un groupe de sociétés coopératives en relation avec le lait qui lui est remis, et non vendu, par les membres d'une coopérative?

2) L'article 2, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 3950/92, du 28 décembre 1992, doit-il être interprété en ce sens que la retenue du montant dû à titre de prélèvement supplémentaire sur la somme versée aux producteurs constitue une véritable obligation pour l'acheteur ou en ce sens qu'il s'agit d'une simple faculté qui est prévue dans l'intérêt de l'acheteur lui-même et dont le non-exercice ne peut être sanctionné?»

Sur la première question

9 Il convient d'observer, à titre liminaire, que le cadre factuel qui a été exposé par le juge de renvoi, aux fins de la solution à donner à la première question, n'est pas des plus clairs. Il n'y figure notamment aucune indication sur la nature du lien qui lie le Consorzio à ses associés, ni sur le rôle qu'il est appelé à jouer pour la commercialisation du produit. Il nous semble, cependant, que les indications même sommaires résultant de l'ordonnance de renvoi nous fournissent, en tout état de cause, des éléments pour préciser la portée de la question et fournir une réponse utile au juge de renvoi.

Il y a lieu, à notre avis, de partir de la constatation que, selon les indications qui ressortent du dossier, le Consorzio a obtenu que lui soit reconnue la qualité d'acheteur, reconnaissance à laquelle c'est aux autorités des États membres qu'il incombe précisément de procéder, sur la base de l'article 7, précité, du règlement n_ 536/93. Or, c'est ce même Consorzio qui met en cause la légalité de ladite reconnaissance dans l'affaire au principal. Cette mise en cause porte précisément sur le fait que, selon le règlement n_ 3950/92, une condition essentielle pour être considéré comme un acheteur de lait ou de produits laitiers est l'existence d'un contrat de vente. Dans le cadre du litige au principal, le Consorzio fait par conséquent valoir que le DPR n_ 569/93, dans la partie dans laquelle il dispose que les sociétés coopératives - ou les groupements de coopératives - doivent être considérées comme acheteurs, indépendamment de la nature juridique du rapport qui a donné lieu à la livraison en cause, est contraire aux dispositions du règlement n_ 3950/92, précité. Il en est résulté la nécessité pour le juge de renvoi de déférer à la Cour la question préjudicielle en cause, destinée en substance à clarifier la question de savoir si un sujet juridique tel que le Consorzio peut être considéré comme acheteur, au sens du règlement n_ 3950/92, bien qu'il reçoive de ses adhérents le lait sur le fondement de rapports juridiques différents d'un contrat pouvant être qualifié de contrat de vente en application du droit national.

10 Dans les observations écrites qu'il a déposées devant la Cour, le Consorzio propose de donner à cette question une réponse négative qu'il fonde essentiellement sur des arguments de caractère textuel. Selon cette thèse, il est fait usage dans le texte même du règlement en cause d'expressions sémantiques qui impliquent nécessairement l'existence d'un contrat de vente: l'acheteur est en effet une des deux parties à une telle transaction. Par ailleurs, l'article 2, paragraphe 2, fait référence au «prix» du produit; le Consorzio fait valoir que le prix est également un élément essentiel de la vente. La conséquence en est qu'un opérateur ne peut être qualifié d'acheteur, au sens du règlement, que s'il reçoit le lait sur la base d'un rapport contractuel qui relève des types de vente prévus par le droit national en cause.

La Regione Veneto et le gouvernement italien sont d'un avis contraire. Ils font valoir que la référence à l'acheteur qui figure dans le règlement ne doit pas être entendue au sens que ce terme a en droit civil: c'est-à-dire comme partie à un contrat de vente, au sens du code civil italien. Ils font valoir que, dans le cas qui nous intéresse ici, le système instauré par le règlement est plutôt centré sur le moment de la livraison du produit: par conséquent serait un acheteur celui qui reçoit du lait des producteurs, indépendamment du titre juridique sur le fondement duquel cette livraison a lieu.

11 Nous partageons, quant à nous, la dernière thèse que nous venons d'exposer. Il est avant tout opportun de préciser, sur le plan de l'économie générale du système, que le règlement en cause prévoit deux formes possibles de commercialisation: la première - qui n'est pas pertinente dans la présente affaire - est celle des ventes dites «ventes directes», c'est-à-dire, les hypothèses dans lesquelles le produit est vendu directement du producteur au consommateur. La seconde - et c'est celle qui concerne la présente affaire - est celle dans laquelle intervient la notion d'acheteur: il s'agit d'une forme de commercialisation dans laquelle le produit, au lieu d'être mis directement à la consommation, passe par un intermédiaire. Par conséquent, après avoir exclu la première hypothèse, il ne reste plus qu'à situer la présente affaire dans le cadre de la seconde.

Cela étant posé, il nous reste à voir si l'acheteur est considéré par le règlement comme partie à un contrat de vente en application du droit national, ou plutôt, dans un sens plus général, comme un intermédiaire, qui s'interpose, dans le circuit commercial, entre le producteur et les consommateurs. A notre avis, c'est la deuxième solution qui est correcte. La thèse contraire soutenue par le Consorzio se fonde exclusivement sur l'argument tiré du texte du règlement selon lequel la notion d'«acheteur» est nécessairement liée au contrat de vente. Il est possible qu'une telle affirmation soit également exacte en théorie, mais elle ne trouve pas de confirmation décisive dans l'économie du règlement. Ce dernier semble au contraire faire abstraction de l'existence d'un contrat de vente dans le cas qui est pertinent pour la présente affaire. En effet, l'article 9, sous c), définit le producteur comme une personne physique ou morale «qui vend du lait ou d'autres produits laitiers directement au consommateur et/ou qui livre à l'acheteur» (5). Il n'y a donc là une référence directe à l'institution de la vente qu'en ce qui concerne l'ensemble des ventes dites «ventes directes», alors que, si l'on se réfère à l'hypothèse dans laquelle intervient un acheteur, la disposition précise uniquement que celui-ci reçoit des «livraisons», sans précision ultérieure en ce qui concerne le titre juridique sur la base duquel la livraison est effectuée.

Le fait que la qualification juridique des relations contractuelles existant entre producteur et acheteur est dépourvue de pertinence est ensuite confirmé par le règlement n_ 536/93. L'article 1er de ce règlement précise, en effet, que l'on entend «par quantités de lait ou d'équivalent-lait commercialisées, au sens de l'article 2 paragraphe 1 dudit règlement, dans un État membre, toute quantité de lait ou d'équivalent-lait qui quitte une exploitation située sur le territoire de cet État» (6). Là aussi, par conséquent, le législateur semble tout à fait se désintéresser de la définition des rapports entre producteur et acheteur formulée par le droit national. La réglementation communautaire s'inspire au contraire d'un critère très large de commercialisation qui prend en considération le moment de la livraison par le producteur, indépendamment du titre juridique sur la base duquel le produit, après être sorti des stocks du producteur, est ensuite remis à l'acheteur.

Nous retenons par conséquent que, aux fins de la détermination de l'«acheteur», il est nécessaire et suffisant que la personne en question reçoive du producteur une livraison de lait ou de produits laitiers. Certes, la simple livraison ne suffit pas en soi à qualifier le destinataire d'acheteur au sens du règlement n_ 3950/92. Il faut également que - comme le prévoit précisément l'article 9, sous e) - celui-ci reçoive les produits «pour les traiter ou les transformer», ou «pour les céder à une ou plusieurs entreprises traitant ou transformant du lait ou d'autres produits laitiers». Dès lors qu'il est satisfait aux conditions précitées, il est cependant tout à fait dépourvu de pertinence de savoir quel est le titre juridique sur la base duquel intervient la livraison.

12 S'agissant précisément de la question de savoir si un groupe de sociétés coopératives peut également être qualifié d'acheteur, nous faisons observer que c'est au juge national qu'il incombe concrètement de procéder à une telle qualification, ce qu'il devra faire à la lumière des éléments de fait et de droit qui caractérisent le présent litige. La Cour ne peut que se borner à fournir une clef d'interprétation générale, en excluant qu'un contrat de vente sur la base duquel le producteur livre le produit à l'acheteur en percevant de ce dernier un prix soit nécessaire pour déterminer qui est acheteur au sens du règlement n_ 3950/92. Il n'existe dans l'économie du règlement aucun élément excluant en théorie qu'un organisme associatif qui reçoit, à titre de livraison, un produit d'un producteur associé, qui à son tour recevra de cet organisme ultérieurement une somme d'argent, selon les modalités définies au sein de l'association, soit également considéré comme acheteur. Cela, même si une telle livraison en cause n'est pas qualifiée de contrat de vente en droit national.

Sur la seconde question

13 La seconde question préjudicielle porte sur l'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 3950/92, et notamment sur l'obligation de paiement du prélèvement supplémentaire. Cette obligation, au sens du règlement en cause incombe à l'acheteur. Les motifs de ce choix du législateur sont exposés dans le huitième considérant du règlement précité: «afin d'éviter, comme par le passé, de longs retards dans la perception et le paiement du prélèvement, incompatibles avec l'objectif du régime, il convient d'établir que l'acheteur, qui apparaît le mieux à même d'effectuer les opérations nécessaires, est le redevable du prélèvement et de lui donner les moyens d'en assurer la perception auprès des producteurs qui en sont les débiteurs». L'article 2 du règlement a, par conséquent, prévu que c'est à l'acheteur qu'il incombe de payer le prélèvement en retenant à cette fin le montant à verser sur le prix du lait payé aux producteurs débiteurs du prélèvement. Mais, - et c'est précisément ce qui fait l'objet de la question posée à la Cour - le juge de renvoi nourrit des doutes sur la question de savoir si l'acheteur est tenu d'opérer une telle retenue ou si le règlement lui attribue une simple faculté en ce sens.

Les parties qui ont présenté des observations s'accordent à considérer que la retenue du montant du prélèvement par l'acquéreur ne constitue pas une obligation, mais une simple faculté. Nous partageons cette opinion. En effet, alors que l'article 2, paragraphe 2, prévoit la possibilité pour l'acheteur de retenir le montant du prélèvement sur le prix à payer au producteur, il ajoute que, « défaut», un tel montant peut être perçu par «tout moyen approprié». C'est par conséquent le texte de l'article en cause lui-même qui prévoit l'éventualité qu'aucune retenue ne soit opérée et que l'acheteur récupère le montant du prélèvement sous d'autres formes. En outre, l'article 2, paragraphe 2, troisième alinéa, dispose que: «Lorsque les quantités livrées par un producteur dépassent la quantité de référence dont il dispose, l'acheteur est autorisé (7) à retenir à titre d'avance sur le prélèvement dû, selon des modalités déterminées par l'État membre, un montant du prix du lait sur toute livraison de ce producteur qui excède la quantité de référence dont il dispose». L'article en cause n'institue par conséquent aucune obligation dans le chef de l'acheteur, mais se borne à prévoir qu'il «est autorisé» à opérer cette retenue sur le prix dû au producteur. Il s'agit par conséquent d'une simple faculté dont le non-exercice ne saurait être sanctionné; il est cependant constant que l'acheteur est responsable du prélèvement supplémentaire et que, s'il ne souhaite pas se prévaloir de la faculté d'opérer la retenue en cause, il doit en tout état de cause percevoir des producteurs, par tout moyen approprié, le prélèvement dont ils sont débiteurs.

Nous considérons, en conclusion, qu'il y a lieu de répondre à la seconde question en ce sens que l'acheteur est responsable du paiement du prélèvement supplémentaire, mais qu'il ne doit pas nécessairement assurer le recouvrement de cette somme par une retenue opérée, pour un montant correspondant, sur le prix dû par le producteur lui-même.$

Conclusions

14 Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons de répondre au juge national comme suit:

«1) Les articles 2 et 9 du règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, doivent être interprétés en ce sens qu'il y a lieu de considérer comme acheteur, et partant comme tenu au versement du prélèvement supplémentaire, un sujet de droit qui exerce les activités énumérées aux premiers et seconds tirets de l'article 9, sous e), et qui a reçu d'un producteur du lait ou des produits laitiers, indépendamment de la qualification juridique du rapport qui a donné lieu à la livraison. Il n'est pas nécessaire par conséquent que la livraison ait lieu sur la base d'un contrat qualifié de contrat de vente selon le droit national.

2) L'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 3950/92 doit être interprété en ce sens que l'acquéreur est tenu de récupérer, vis-à-vis des producteurs, le montant du prélèvement dont celui-ci est débiteur, mais dont il incombe à l'acheteur de s'acquitter. L'acheteur ne doit cependant pas nécessairement procéder à ce recouvrement au moyen d'une retenue sur le prix à verser au producteur, mais peut au contraire le faire par `tout moyen approprié'.»

(1) - JO L 405, p. 1.

(2) - JO L 90, p. 10.

(3) - Voir le troisième considérant du règlement n_ 3950/92.

(4) - JO L 57, p.12.

(5) - C'est nous qui soulignons. Sur la notion de producteur, voir les arrêts du 15 janvier 1991, Ballmann (C-341/89, Rec. p. I-25), et du 9 octobre 1997, Macon e.a. (C-152/95, Rec. p. I-5429).

(6) - C'est nous qui soulignons.

(7) - C'est nous qui soulignons.