61997C0242

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 21 octobre 1999. - Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Apurement des comptes - Exercice 1993 - Céréales et viande bovine. - Affaire C-242/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-03421


Conclusions de l'avocat général


A - Introduction

1 Le présent recours intenté par le royaume de Belgique a pour objet l'annulation de la décision 97/333/CE de la Commission, du 23 avril 1997, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1993 (1), dans la mesure où elle a exclu du financement communautaire, à l'égard de la requérante, un montant de 413 309 611 BEF correspondant à des dépenses exposées dans le cadre du paiement à l'avance de restitutions à l'exportation.

2 Lors de vérifications effectuées en 1993 et en 1994, la Commission avait constaté l'existence de graves lacunes du système de contrôle (2) belge et avait donc appliqué des corrections financières. À cette occasion, le royaume de Belgique s'était vu refuser la prise en charge de dépenses correspondant au montant cité dans la requête, dans le domaine du préfinancement des restitutions à l'exportation (3) pour les secteurs de la viande bovine et des céréales.

3 Le royaume de Belgique fait valoir contre la Commission quatre moyens de recours, dans l'ordre suivant, que l'on peut résumer ainsi:

1. La Commission a méconnu le principe de coopération loyale en ne tenant pas compte des observations présentées par le royaume de Belgique. Cette attitude est également constitutive d'une violation de l'obligation d'examen diligent et sérieux, et d'un non-respect de l'obligation de motivation.

2. C'est à tort que la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 10 % aux dépenses déclarées par le royaume de Belgique au titre des secteurs précités.

3. En tout état de cause, une correction de 10 % n'est pas conforme aux lignes directrices que la Commission s'est fixées.

4. Il y a discrimination illicite dès lors que la correction appliquée au secteur de la viande bovine à l'encontre des autres États membres a été limitée à 5 %.

B - Les faits

4 Dans le cadre de l'apurement des comptes pour les exercices 1993 (et 1994), la Commission a effectué des contrôles auprès des bureaux de douane de Louvain et d'Alost, pendant la période du 12 au 16 septembre 1994, et des bureaux de douane de Beauraing et de Dendermonde, pendant la période du 7 au 14 novembre 1994. Ces contrôles ont porté en particulier sur les procédures de préfinancement dans les secteurs des céréales (Louvain et Alost) et de la viande bovine (Beauraing et Dendermonde).

5 Le 24 novembre 1994, la Commission a communiqué aux autorités belges compétentes les résultats des vérifications effectuées à Louvain et à Alost, en version française - puis, le 5 janvier 1995, en version néerlandaise. Les autorités (douanières) belges ont répondu par lettre du 29 décembre 1994.

6 Pour ce qui est des bureaux de douane de Beauraing et de Dendermonde, la Commission a fait connaître les résultats de ses vérifications par lettre du 2 mars 1995. Elle a reçu une réponse à sa lettre le 16 mai 1995.

7 Le 27 septembre 1995, une réunion s'est tenue entre la Commission et les représentants des autorités belges, au cours de laquelle les résultats des vérifications opérées par les services de la Commission ont été discutés. À la suite de cette réunion, la Commission a communiqué par écrit, le 7 novembre 1995 (en version française) et le 21 novembre 1995 (en version néerlandaise), les résultats des contrôles effectués dans le cadre de l'apurement des comptes. À cette occasion, elle a demandé aux autorités belges de lui fournir des documents supplémentaires. Les documents requis lui ont été adressés par le ministère de l'Agriculture belge, sous couvert de lettres du 22 décembre 1995, du 15 janvier 1996 et du 16 février 1996. L'administration des douanes lui a également adressé un courrier le 28 mars 1996.

8 La Commission a communiqué les conclusions de son enquête par lettres du 8 juillet 1996 (en version anglaise) et du 19 juillet 1996 (en version néerlandaise). Dans ce document, elle exposait en détail ses griefs ainsi que les conséquences financières que cela impliquait pour l'apurement des comptes.

9 Par lettre du 19 juillet 1996, la Commission a indiqué le montant de la correction financière qui serait appliqué à l'exercice 1993.

10 Puis, le gouvernement belge a demandé, le 1er octobre 1996, que soit mise en oeuvre la procédure de conciliation prévue par l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94/442/CE (4). Dans le cadre de cette procédure de conciliation, une réunion s'est tenue entre les parties le 5 décembre 1996. L'organe de conciliation a adopté son rapport le 13 février 1997.

11 Toutefois, dès le 31 décembre 1996, la Commission avait adopté un projet de rapport de synthèse s'inspirant amplement des conclusions des 8 et 19 juillet 1996.

12 Le rapport de synthèse a été examiné au cours de la réunion du comité du FEOGA du 3 mars 1997.

13 Le 23 avril 1997, la Commission a adopté la décision attaquée, sur la base du rapport de synthèse. Cette décision fixe des corrections forfaitaires correspondant à 10 % des dépenses déclarées, à l'encontre du royaume de Belgique, de la République fédérale d'Allemagne, de la République française et du royaume des Pays-Bas, dans le secteur des céréales. Pour ce qui est du préfinancement des restitutions dans le secteur de la viande bovine, une correction forfaitaire de 5 % a été imposée à la République française, à la République fédérale d'Allemagne, à la République italienne et au royaume des Pays-Bas, tandis qu'elle a été fixée à 10 % pour le royaume de Belgique.

14 Le gouvernement belge estime que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a:

1) enfreint l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 729/70 (5), le principe de la coopération loyale découlant de l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE) et l'article 190 du traité CE (obligation de motivation) (devenu article 253 CE), ainsi que le principe de diligence, dès lors qu'elle n'a pas tenu compte, sans s'en expliquer, des éléments fournis par les autorités belges. Si elle avait examiné et pris en compte ces observations, elle se serait abstenue totalement ou en partie d'appliquer une correction forfaitaire, ou aurait retenu un coefficient de correction moins élevé;

2) appliqué une correction forfaitaire contraire aux dispositions des règlements n_ 729/70 et (CEE) n_ 1723/72 (6) et à l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité. Il n'est pas exact que le système belge présente des carences au niveau général; une correction de 10 % ne se justifie pas, et elle englobe des secteurs pour lesquels il n'a été constaté aucune carence;

3) violé le principe de la sécurité juridique, le principe «patere legem quam ipse fecisti» (7) ainsi que l'article 190 du traité. La Commission a, contrairement à ses propres lignes directrices et dispositions applicables, retenu un taux de correction de 10 % sans que ce procédé se justifie ou soit motivé;

4) violé le principe d'égalité et l'obligation de motivation dès lors que les autres États membres se sont vu appliquer une correction de 5 % seulement, tandis que le royaume de Belgique s'est vu imposer une correction de 10 %, sans motivation suffisante.

15 Le royaume de Belgique a par conséquent introduit un recours à l'encontre de la Commission et conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1) annuler la décision de la Commission 97/333/CE, du 23 avril 1997, relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), Section «Garantie», pour l'exercice financier 1993, en ce qu'elle exclut du financement communautaire, pour ce qui est de la requérante, un montant de 413 309 611 BEF au titre de dépenses relatives au paiement à l'avance de restitutions à l'exportation;

2) condamner la Commission aux dépens.

16 Pour sa part, la Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours du royaume de Belgique;

2) condamner le royaume de Belgique aux dépens.

17 La Commission estime que les défaillances qu'elle a constatées dans le système de contrôle belge justifient une réduction forfaitaire de 10 % des dépenses déclarées. Elle est d'avis que la correction opérée est au demeurant non disproportionnée et n'est pas constitutive d'une discrimination.

18 Nous examinerons plus loin, dans le cadre de l'analyse, les autres prétentions des parties.

C - Le cadre juridique

19 Nous allons présenter ci-après l'ensemble des dispositions du droit communautaire applicables au présent cas d'espèce. Lorsque nous y reviendrons dans le cadre de l'analyse, nous renverrons aux différents points de cette énumération.

Les règles de base

20 C'est le règlement n_ 729/70 - voir la note 5 - qui contient les règles de base du financement de la politique agricole commune. Ainsi, son article 2, paragraphe 1, prévoit que le FEOGA, section «garantie», finance les restitutions à l'exportation vers les pays tiers, qui sont accordées selon les règles du droit communautaire dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles.

21 L'article 5, paragraphe 2, sous c), du même règlement, modifié par le règlement n_ 1287/95 - voir la note 5 - prévoit que la Commission décide des dépenses des États membres à écarter du financement communautaire, lorsqu'elle constate que des dépenses n'ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission - ainsi que les réponses de l'État membre concerné - font l'objet de communications écrites. Ensuite, les deux parties doivent, conformément à l'article 5, tenter de parvenir à un accord sur les suites à y donner. À défaut d'accord, l'État membre peut demander l'ouverture d'une procédure de conciliation. Enfin, la Commission évalue les montants à écarter au vu notamment de l'importance de la non-conformité constatée. L'article 5 lui impose de tenir compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l'infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

22 Les obligations des États membres sont définies à l'article 8, paragraphe 1, qui prévoit ceci:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

- s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,

- prévenir et poursuivre les irrégularités,

- récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligence.

...»

23 Quant à l'article 8, paragraphe 2, il prévoit que la Communauté n'a pas à supporter les conséquences financières des irrégularités ou négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres.

24 Les règles fondamentales de l'organisation commune du marché de la viande bovine figurent dans le règlement (CEE) n_ 805/68 (8) et celles du secteur des céréales dans le règlement (CEE) n_ 2727/75 (9). Ces deux règlements prévoient la possibilité d'accorder des restitutions à l'exportation lorsqu'il est prouvé que les produits ont été exportés hors de la Communauté.

25 Des exceptions à cette règle sont prévues, notamment, dans le règlement (CEE) n_ 565/80 (10). Celui-ci pose le principe de base du paiement dès avant l'exportation d'un montant correspondant à la restitution à l'exportation pour la viande bovine et les céréales. Ce règlement prévoit deux cas de paiement anticipé: d'une part, le préfinancement pour les marchandises placées sous le régime de l'entrepôt et, d'autre part, le préfinancement pour les produits soumis à transformation.

Le régime du préfinancement

26 L'article 5 de ce règlement est ainsi rédigé:

«1. À la demande de l'intéressé, un montant égal à la restitution à l'exportation est payé dès que les produits ou marchandises sont mis sous le régime douanier de l'entrepôt ou de la zone franche en vue de leur exportation dans un délai déterminé.

2. Le régime prévu au présent article s'applique aux produits et aux marchandises destinés à être exportés en l'état si les produits ou les marchandises sont de nature à pouvoir être stockés.

...»

Ce régime est aussi appelé préfinancement-entrepôt.

27 La deuxième possibilité de préfinancement est prévue à l'article 4:

«1. À la demande de l'intéressé, un montant égal à la restitution à l'exportation est payé dès que les produits de base sont placés sous contrôle douanier garantissant que les produits transformés ou les marchandises seront exportés dans un délai déterminé.

2. Le régime prévu au présent article s'applique aux produits transformés et aux marchandises obtenus à partir de produits de base à condition que les opérations de perfectionnement actif ne soient pas interdites pour les produits comparables.

...»

Ce régime est également appelé préfinancement-transformation.

28 L'article 2 fournit les définitions suivantes pour les besoins de ce règlement:

«a) - produits: les produits visés à l'article 1er,

- produits de base: les produits destinés à être exportés après transformation en produits transformés ou en marchandises;

b) produits transformés:

- les produits obtenus par la transformation de produits de base

et

- les produits auxquels s'applique une restitution à l'exportation;

...»

29 Le titre II, chapitre 3, du règlement (CEE) n_ 3665/87 (11) énonce les règles applicables à l'avance de la restitution en cas de transformation ou de stockage préalable à l'exportation, c'est-à-dire les modalités d'application du règlement n_ 565/80.

La déclaration de paiement et les données nécessaires à cet effet

30 L'article 25, paragraphe 1, prévoit que l'application des procédures de préfinancement-entrepôt et/ou de préfinancement-transformation est subordonnée à la présentation aux autorités douanières d'une déclaration (dénommée déclaration de paiement) établie par l'exportateur. Cette déclaration de paiement est, dans la pratique, également appelée déclaration COM-7. Elle doit comporter, selon les termes de l'article 25, paragraphe 2, «... toutes les données nécessaires pour la détermination de la restitution et, le cas échéant, du montant compensatoire monétaire pour les produits ou marchandises à exporter, notamment:

...

b) la masse nette des produits ou marchandises ou, le cas échéant, la quantité exprimée dans l'unité de mesure à prendre en considération pour le calcul de la restitution ou du montant compensatoire monétaire;

...

En outre, lorsque les produits de base doivent être transformés, la déclaration de paiement comporte:

- la désignation des produits de base,

- la quantité de produits de base,

- le taux de rendement ou des informations similaires».

31 L'article 26, paragraphe 1, prévoit que: «les produits ou marchandises sont placés sous contrôle douanier jusqu'à ce qu'ils quittent le territoire douanier de la Communauté ou atteignent une destination prévue».

Le régime du préfinancement-transformation et le principe d'équivalence

32 L'article 27 prévoit ce qui suit à propos du préfinancement-transformation:

«1. En ce qui concerne les produits transformés ou marchandises obtenues à partir de produits de base, le résultat de l'examen ou de la déclaration de paiement en liaison avec l'examen éventuel des produits de base est utilisé pour le calcul de la restitution et du montant compensatoire monétaire.

...

3. Les produits de base doivent faire partie en totalité ou en partie des produits transformés ou des marchandises qui sont exportées. Toutefois, les produits de base peuvent, si les autorités compétentes le permettent, être remplacés par des produits équivalents, relevant de la même sous-position de la nomenclature combinée présentant la même qualité commerciale et possédant les mêmes caractéristiques techniques et qui répondent aux conditions requises pour l'octroi de la restitution à l'exportation.

...»

La règle énoncée au paragraphe 3 ci-dessus est également connue sous le nom de principe d'équivalence.

Le régime du préfinancement-entrepôt

33 L'article 28 prévoit ce qui suit à propos du préfinancement-entrepôt:

«1. En ce qui concerne les produits ou marchandises à exporter après avoir été mis sous le régime douanier de l'entrepôt ou de la zone franche, le résultat de l'examen de la déclaration de paiement et des produits ou marchandises est utilisé pour le calcul de la restitution et du montant compensatoire monétaire.

...

4. Les produits ou marchandises mis sous le régime douanier de l'entrepôt ou de la zone franche peuvent y faire l'objet dans les conditions fixées par les autorités compétentes des manipulations suivantes:

a) inventaire;

b) apposition sur les produits ou marchandises ou sur leurs emballages de marques, de cachets ou d'étiquettes ou d'autres signes distinctifs similaires, ...

...

La restitution et le montant compensatoire monétaire applicables aux produits ou marchandises ayant fait l'objet des manipulations visées ci-avant sont déterminés d'après la quantité, la nature et les caractéristiques des produits ou des marchandises existant à la date retenue pour le calcul de la restitution, conformément aux dispositions de l'article 26.

...»

Les restitutions particulières

34 Les règlements (CEE) n_ 32/82 (12) et (CEE) n_ 1964/82 (13) ont fixé les conditions dans lesquelles peuvent être octroyées des restitutions particulières à l'exportation de certaines viandes bovines. Dans le cadre du premier de ces deux règlements, il est prévu que cela s'applique à l'exportation de viande fraîche ou congelée sous la forme de carcasses, demi-carcasses, quartiers compensés, quartiers avant et quartiers arrière à destination de certains pays tiers. Dans le cadre du second de ces règlements, cela vaut pour les morceaux désossés provenant de quartiers arrière frais ou réfrigérés de gros bovins mâles, emballés individuellement.

35 Dans les deux cas, le demandeur doit prouver que les marchandises mêmes qui sont destinées à l'exportation remplissent aussi les conditions des deux règlements. Les États membres sont, en outre, tenus de procéder à des contrôles pour s'assurer du respect des dispositions de ces deux règlements.

Les contrôles

36 L'article 3 du règlement n_ 32/82 est ainsi rédigé:

«Les États membres déterminent les conditions du contrôle des produits et de délivrance de l'attestation ... Ces conditions peuvent comporter l'indication d'une quantité minimale.

Les États membres prennent les mesures nécessaires pour exclure toute possibilité de substitution des produits entre le moment du contrôle et leur sortie du territoire géographique de la Communauté ... Ces mesures comportent notamment l'identification de chaque produit soit par un marquage indélébile de chaque quartier, soit par un plombage de chaque quartier. L'abattage et l'identification ont lieu dans l'abattoir désigné par l'intéressé...»

37 L'article 8 du règlement n_ 1964/82 prévoit que les États membres déterminent «les conditions du contrôle et en informent la Commission. Ils prennent les mesures nécessaires pour exclure toute possibilité de substitution des produits en cause, notamment par l'identification de chaque morceau.

...

Les sacs, cartons ou autres emballages contenant les morceaux désossés sont scellés ou plombés par les autorités compétentes et portent les mentions permettant d'identifier la viande désossée, notamment le poids net, la nature et le nombre des pièces, ainsi qu'un numéro de série».

38 Les modalités des contrôles lors de l'exportation des produits agricoles bénéficiant d'une restitution ou d'autres montants ont été fixées dans les règlements (CEE) n_ 386/90 (14) et (CEE) n_ 2030/90 (15). Le premier de ces deux règlements arrête, en son article 1er, paragraphe 1, les «modalités du contrôle de la réalité et de la régularité des opérations donnant droit au paiement de restitutions ou de tout autre montant lié aux opérations d'exportation».

39 En ses articles 2 et 3, le règlement n_ 386/90 précise les contrôles auxquels les États membres doivent procéder.

40 L'article 2 indique tout d'abord que:

«Les États membres procèdent:

a) au contrôle physique des marchandises conformément à l'article 3 et à l'article 3 bis, lors de l'accomplissement des formalités douanières d'exportation et avant octroi de l'autorisation d'exporter des marchandises, sur la base des documents présentés à l'appui de la déclaration d'exportation,

et

b) au contrôle documentaire du dossier de demande de paiement conformément à l'article 4.»

41 Suit l'article 3 qui prévoit les règles suivantes:

«1. Sans préjudice des dispositions particulières qui exigent un contrôle plus approfondi, le contrôle physique visé à l'article 2 point a) doit:

a) être effectué par sondage et de manière fréquente et inopinée;

b) ... en tout état de cause, porter au moins sur un choix représentatif de 5 % des déclarations d'exportation faisant l'objet d'une demande d'octroi des montants visés à l'article 1er paragraphe 1.

2. Conformément aux modalités à déterminer selon la procédure visée à l'article 6, le taux indiqué au paragraphe 1 point b) s'applique:

- par bureau de douane,

- par année calendaire,

et - par secteur de produits.

Toutefois, le taux de 5 % par secteur de produits peut être remplacé par un taux de 5 % sur l'ensemble des secteurs, dans la mesure où l'État membre applique un système de sélection sur la base d'une analyse de risque effectuée selon des critères à définir selon la procédure visée à l'article 6. Dans ce cas, un taux minimal de 2 % est obligatoire par secteur de produits.»

42 Dans le second des deux règlements précités au point 38, c'est-à-dire le règlement n_ 2030/90, il est indiqué, à propos du contrôle physique, dans les règles détaillées de l'article 5, paragraphe 1, que :

«Le contrôle physique est effectué:

a) pendant la période entre le dépôt de déclaration d'exportation et le moment de l'octroi de l'autorisation d'exporter les marchandises

...»

43 Selon l'article 6, paragraphe 1, «en cas de paiement d'avance de la restitution conformément aux articles 24 à 29 du règlement (CEE) n_ 3665/87, le contrôle physique effectué pendant la période du stockage et, le cas échéant, lors de la transformation, peut être pris en compte pour le calcul du taux minimal de contrôle visé à l'article 3 du règlement (CEE) n_ 386/90 dans la mesure où les conditions suivantes sont remplies:

a) le contrôle physique effectué antérieurement à l'accomplissement des formalités douanières d'exportation répond aux mêmes critères d'intensité que celui à effectuer normalement durant les périodes visées à l'article 5

et

b) les produits et marchandises ayant fait l'objet du contrôle physique antérieur sont identiques à ceux faisant l'objet de la déclaration d'exportation.»

L'évaluation des corrections (rapport Belle)

44 Le rapport Belle de la Commission fixe des lignes directrices à suivre pour l'application de corrections à l'encontre des États. À côté des trois méthodes de calcul correspondant aux corrections concrètes, le rapport Belle prévoit trois catégories de corrections forfaitaires:

«a) 2 % des dépenses, si la carence se limite à certains éléments du système de contrôle de moindre importance ou à l'exécution de contrôles qui ne sont pas essentiels pour garantir la régularité de la dépense, de sorte qu'il peut raisonnablement être conclu que le risque de pertes pour le FEOGA était mineur.

b) 5 % de la dépense, si la carence concerne des éléments importants du système de contrôle ou l'exécution de contrôles qui jouent un rôle important pour la détermination de la régularité de la dépense, de sorte qu'il peut être raisonnablement conclu que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

c) 10 % de la dépense, si la carence concerne l'ensemble ou les éléments fondamentaux du système de contrôle ou encore l'exécution de contrôles essentiels destinés à garantir la régularité de la dépense, de sorte que l'on peut raisonnablement en conclure qu'il existait un risque élevé de pertes généralisées pour le FEOGA.»

45 En cas de doute sur le taux de correction à appliquer, les lignes directrices permettent de tenir compte également des considérations suivantes, à titre de facteurs de pondération:

«- Les autorités nationales ont-elles pris des mesures efficaces pour remédier aux carences dès lors que celles-ci ont été décelées?

- Les carences provenaient-elles de difficultés d'interprétation des textes communautaires?»

46 Conformément aux orientations définies par ce rapport, il y a donc lieu, pour déterminer le montant des corrections à appliquer, de rechercher tout d'abord s'il existe un risque de pertes pour le FEOGA au vu des carences constatées. À cet effet, il faut principalement se fonder sur l'efficacité du système en général, de chaque élément de contrôle ou de la mise en oeuvre de ces contrôles. De même, la gravité de la défaillance ainsi que les mesures adoptées pour lutter contre la fraude doivent être prises ici en considération.

47 La Commission peut, selon ce texte, procéder à des corrections forfaitaires dans l'hypothèse où il n'est pas possible de déterminer concrètement les montants qui ont été payés au détriment du FEOGA. Dans ce cas, on estime qu'un simple risque de pertes est suffisant.

D - Observation préliminaire au sujet de la procédure d'apurement des comptes - Principes jurisprudentiels

48 Rappelons tout d'abord que la procédure d'apurement des comptes a pour objet de garantir que les moyens mis à la disposition des États membres ont été utilisés dans le respect des règles du droit communautaire applicables au titre de l'organisation commune des marchés.

49 L'article 8, paragraphe 1, du règlement n_ 729/70 - voir ci-dessus le point 22 - qui est l'expression dans un domaine particulier des obligations résultant pour les États membres de l'article 5 du traité, définit, selon la jurisprudence de la Cour, les principes selon lesquels la Communauté et les États membres doivent organiser la mise en oeuvre des décisions communautaires d'intervention agricole financées par le FEOGA ainsi que la lutte contre la fraude et les irrégularités en rapport avec ces opérations. Aussi impose-t-il aux États membres l'obligation générale de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds même si l'acte communautaire spécifique ne prévoit pas expressément l'adoption de telle ou telle mesure de contrôle (16).

50 Lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEOGA certaines dépenses, au motif qu'elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation communautaire imputables à cet État, elle est tenue, selon la jurisprudence constante, non pas de démontrer de façon exhaustive l'irrégularité des dépenses déclarées par les États membres, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu'elle éprouve à l'égard des chiffres communiqués par les autorités nationales (17). Si, pour refuser de mettre certaines dépenses à la charge du FEOGA, la Commission invoque l'existence d'une violation des règles de l'organisation commune des marchés agricoles, elle est obligée de justifier sa décision constatant l'absence ou la défaillance des contrôles mis en oeuvre par l'État membre concerné (18).

51 C'est à l'État membre qu'il incombe de démontrer l'inexactitude des corrections ou constatations de la Commission et, par conséquent, la réalité de ses propres chiffres et données, de manière détaillée et complète (19). L'État membre concerné ne peut pas infirmer les constatations de la Commission - comme il résulte de l'arrêt précité - par de simples allégations, mais doit invoquer des éléments concrets de nature à établir l'existence d'un système fiable et opérationnel de contrôle (cet allègement de l'exigence de la preuve pour la Commission s'explique par le fait que les États membres sont mieux placés pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l'apurement des comptes du FEOGA).

52 Si l'État membre ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci peuvent suffire à fonder des doutes sérieux quant au caractère approprié et efficace du système de mesures de surveillance et de contrôle mis en place, et à appeler une correction des dépenses (20).

53 Pour refuser la prise en charge de dépenses dans le cadre des octrois de fonds par le FEOGA, la Commission n'est pas tenue, en principe, de démontrer l'existence d'un préjudice concret. Si elle n'est pas en mesure d'établir de tels éléments matériels, elle peut se contenter de prouver qu'il existe un risque de préjudice pour le FEOGA.

54 Force est de reconnaître que ce système d'allègement de l'exigence de la preuve et de probabilité comptable, se contentant de prendre pour fondement un simple risque de préjudice au lieu d'un préjudice concret, et de correction forfaitaire par application d'un pourcentage, pose, dans sa combinaison, certains problèmes. Il appartiendrait au législateur d'y apporter éventuellement des précisions et améliorations.

E - Analyse

1. Le premier moyen de recours: violation du principe de coopération loyale, du principe de diligence et de l'obligation de motivation

55 Le royaume de Belgique prétend, dans le cadre de son premier moyen, que la décision litigieuse de la Commission a été adoptée en violation de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n_ 729/70, ainsi que du principe de coopération loyale inscrit à l'article 5 du traité, du principe de diligence, et de l'obligation de motivation inscrite à l'article 190 du traité.

56 La Commission n'aurait pas examiné ou en tout cas pas avec suffisamment de soin les arguments invoqués par le royaume de Belgique au stade de la procédure précontentieuse et de la procédure de conciliation, et ne l'aurait pas fait non plus ni dans le rapport de synthèse ni dans la décision attaquée. C'est ainsi que le royaume de Belgique aurait à plusieurs reprises démenti des constatations de fait de la Commission, sans que celle-ci en tienne compte. Serait particulièrement révélateur le fait que la Commission avait élaboré un projet de rapport de synthèse sans attendre l'issue de la procédure de conciliation. Dans la version définitive de ce rapport, comme dans la décision attaquée, on ne retrouverait pas l'argumentation des autorités belges.

57 Les quinze points plus précisément invoqués sont les suivants:

Le secteur de la viande bovine (premier à onzième point)

Premier point

58 La Commission a indiqué dans le rapport de synthèse que l'entrepôt douanier de Dendermonde, dans lequel étaient stockées les marchandises soumises au régime du préfinancement, serait ouvert chaque matin pour n'être refermé que le soir. Les mouvements de marchandises ne pourraient donc pas être efficacement surveillés.

59 Le gouvernement belge affirme à ce propos qu'il s'agit ici d'un entrepôt privé, ouvert et fermé par la douane. L'entrepôt ne serait ouvert et fermé qu'au moment des entrées et sorties des marchandises stockées. Le fonctionnaire chargé du contrôle accompagnerait les camions, ouvrirait l'entrepôt, serait présent lors des chargements et déchargements et refermerait l'entrepôt après le départ de ceux-ci. Les autorités belges auraient déjà attiré l'attention sur ces faits dans leur lettre du 22 mai 1995. Dans le présent cas, il n'y aurait pas de dérogation possible, selon la réglementation belge, au principe de la fermeture immédiate de l'entrepôt juste après le départ du fonctionnaire chargé du contrôle.

60 De son côté, la Commission rétorque, à cet égard, qu'elle avait fait connaître ses constatations aux autorités belges dès le 2 mars 1995. La lettre des autorités belges du 22 mai 1995 aurait seulement confirmé que la douane ferme les locaux de l'entrepôt en question, sans toutefois affirmer que la fermeture de l'entrepôt s'effectue immédiatement après le départ du fonctionnaire.

61 Il ressort des courriers échangés - joints à la requête - entre la Commission, d'une part, et les autorités belges, d'autre part, que ce problème a fait l'objet de discussions détaillées entre les parties. Cet échange de courriers n'établit cependant pas que l'entrepôt est, comme l'affirme le gouvernement belge, ouvert uniquement pour les besoins des entrées et des sorties de marchandises stockées, et aussitôt refermé. Par conséquent, les déclarations de la Commission selon lesquelles l'entrepôt est ouvert le matin pour n'être refermé que le soir n'ont pas pu être démenties. Le gouvernement belge n'a pas pu ici apporter la preuve du caractère erroné des constatations de la Commission.

62 Il faut donc en conclure que l'argument avancé par le gouvernement belge n'est pas de nature à réfuter l'objection de la Commission.

Deuxième point

63 Dans son rapport de synthèse, la Commission indique que, en raison du manque d'effectifs et de matériel, il ne pouvait être procédé à un contrôle physique efficace. Ainsi, il n'y aurait à Dendermonde qu'un seul fonctionnaire chargé de mettre en oeuvre les contrôles à l'exportation pour les trois plus gros exportateurs belges de viande bovine. Le bureau de douane ne disposerait en outre ni d'un véhicule de service, de sorte qu'il serait impossible d'effectuer des contrôles inopinés, ni de balance appropriée pour le pesage des cartons.

Le gouvernement belge affirme, sur ce point, que, s'il est vrai que le bureau de douane de Dendermonde ne comportait pas de balance susceptible de peser avec précision des cartons de 20 kg, cela serait néanmoins sans incidence dès lors que 90 % de la viande à exporter est stockée dans les entrepôts de Sivafrost et de Vandenavenne (21) qui, eux, comportent des balances en nombre suffisant pour procéder aux vérifications prescrites à l'entrée et à la sortie de la viande de l'entrepôt. En outre, la réglementation belge obligerait à peser également les 10 % restants qui ne sont pas destinés à une exportation immédiate. Au demeurant, les contrôles effectués en Belgique correspondraient aux exigences du règlement n_ 386/90 - voir à ce sujet les points 38 à 41 ci-dessus - qui autorise les autorités douanières à ne contrôler que 5 % des déclarations à l'exportation, par le biais de prélèvement d'échantillons. Les contrôles effectués par le vérificateur ou les fonctionnaires chargés du contrôle, à la sortie de l'entrepôt de Sivafrost, auraient par conséquent été conformes aux exigences du règlement n_ 386/90. Le véhicule de service requis par la Commission pour le bureau de douane de Dendermonde serait inutile. Dans la requête, le gouvernement belge a affirmé à cet égard que, s'il décide de procéder à un contrôle physique, le vérificateur accompagne le camion annoncé du bureau de douane où la déclaration est effectuée jusqu'à l'entrepôt. L'échange des marchandises destinées à la livraison, préalablement au contrôle physique, ne pourrait par conséquent pas avoir lieu. Le vérificateur prendrait sa décision de procéder à un contrôle physique de façon indépendante et sans en informer auparavant le transporteur. Une telle décision ne serait prise qu'au moment de la déclaration au poste de douane. Par conséquent, le transporteur ne serait jamais en mesure de savoir si le vérificateur va l'accompagner pour un contrôle physique ou non.

64 Enfin, le gouvernement belge affirme que trois fonctionnaires chargés des contrôles, employés à Dendermonde, ont pour tâche - selon ses termes - «d'accomplir les formalités administratives». S'y ajouterait un vérificateur exclusivement chargé de l'exercice des contrôles physiques. Toutefois, dans sa réplique, le gouvernement belge a déclaré que les contrôles physiques impliquaient également «l'accomplissement de formalités administratives»; le vérificateur aurait donc pour mission principale d'effectuer des contrôles inopinés sur échantillons dans les entrepôts (22).

65 La Commission est au contraire d'avis que certaines catégories de viande bovine destinées à l'exportation n'ont pas fait l'objet d'un pesage. Les bureaux de douane concernés seraient pourtant tenus, dans le cadre de la réglementation communautaire, de procéder à des contrôles physiques, y compris du point de vue du poids. Si un bureau de douane n'est pas en mesure, en raison du manque de matériel, de procéder à une vérification du poids, il y aurait là à l'évidence une lacune du système de contrôle. La référence à des contrôles de poids effectués au préalable dans les entrepôts ne modifierait en rien cette conclusion dès lors que l'on ne peut exclure qu'une perte de poids des marchandises stockées soit intervenue depuis lors. Le risque d'une substitution des marchandises existerait par conséquent en l'espèce dès lors qu'aucun contrôle de poids effectif ne pouvait être effectué.

66 En ce qui concerne les contrôles inopinés sur échantillons, la Commission insiste sur l'existence de relations contractuelles entre le responsable de l'entrepôt et l'entreprise qui stocke les marchandises. Elle estime que, puisque le vérificateur ne disposait pas d'un véhicule de service, un contrôle inopiné n'était pas possible. Le gouvernement belge aurait d'ailleurs indiqué dans sa lettre du 17 janvier 1996 que - contrairement à ce qu'il affirme dans la requête - le vérificateur se faisait conduire jusqu'à l'entrepôt par un responsable de l'entrepôt, et non pas par un collaborateur de l'entreprise à contrôler. Puisque, par conséquent, soit le responsable de l'entrepôt soit au minimum l'entreprise à contrôler serait informé à l'avance du contrôle à effectuer, les contrôles inopinés imposés par l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n_ 386/90 ne seraient pas possibles.

67 En ce qui concerne l'insuffisance d'effectifs, dans le bureau de douane de Dendermonde, la Commission affirme que ce n'est qu'au stade de sa requête que le royaume de Belgique a admis que ce bureau emploie trois fonctionnaires ainsi qu'un vérificateur. Cependant, cette affirmation ne changerait rien non plus aux conclusions de la Commission à propos des carences relevées dans le système de contrôle, puisqu'il aurait été impossible de peser certaines catégories de viande soumise au régime du préfinancement. Et la répartition des tâches entre les personnes chargées du contrôle continuerait à manquer de clarté.

68 Constatons tout d'abord qu'il est indéniable que le bureau de douane de Dendermonde ne posséderait pas de balance appropriée pour procéder à une vérification du poids des cartons de 20 kg. Les règlements n_s 32/82 et 1964/82 obligent cependant les États à procéder à des contrôles effectifs. Il faut notamment, à cet effet, que les contrôles inopinés imposés par l'article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement n_ 386/90 s'effectuent dans chaque bureau de douane sur des échantillons représentatifs au minimum de 5 % des marchandises déclarées. Il est précisé que ces contrôles doivent concerner chaque secteur de produits. Le gouvernement belge ne parvient pas à démontrer, dans le cadre de son argumentation, qu'un tel contrôle pouvait être efficacement exercé en dépit de l'absence de balances appropriées. Or, dès lors que certaines vérifications du poids ne peuvent être opérées, on peut douter sérieusement de l'efficacité de l'ensemble des contrôles physiques mis en oeuvre.

69 En outre, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement belge, un contrôle physique inopiné n'était pas possible. Dès lors que le vérificateur devait commencer par prendre contact préalablement soit avec le responsable de l'entrepôt soit avec l'entreprise à contrôler, pour pouvoir prendre place dans son véhicule, il y avait une possibilité de substitution des marchandises à contrôler - peut-être pas précisément celles devant être livrées avec le véhicule, mais en tout cas les autres. En tout état de cause, les contrôles n'étaient pas inopinés, contrairement à ce que prévoient les textes.

70 Concernant l'insuffisance d'effectifs dans le bureau de douane de Dendermonde, il est à noter que la réponse du gouvernement belge, selon laquelle trois fonctionnaires étaient chargés du contrôle dans ce bureau de douane, n'a été fournie qu'au stade contentieux. Cette affirmation doit par conséquent être rejetée comme tardive, car la date à prendre en compte, en raison de la procédure de conciliation préalable, est celle de l'adoption de la décision attaquée. En outre, le gouvernement belge n'est pas parvenu à lever les doutes existants puisque la répartition des compétences entre les personnes chargées du contrôle n'est pas claire. On ne saurait donc parler d'un contrôle physique efficace si la personne chargée du contrôle, d'une part, ne dispose pas du matériel nécessaire et, d'autre part, doit également remplir d'autres fonctions.

71 Ici aussi, l'allégation du gouvernement belge doit être rejetée.

Troisième point

72 La Commission a constaté dans son rapport de synthèse que les autorités douanières ne s'appuyaient pas, lors de leurs contrôles, sur les déclarations de paiement ni sur les déclarations d'exportation de l'entreprise qui demande le paiement - voir à cet égard le point 30; le contrôle des quantités serait, au contraire, uniquement fondé sur une liste établie par l'entrepreneur concerné lui-même, relative au nombre de cartons et à leur poids. S'y ajoute le fait aggravant que les employés des douanes n'interviendraient qu'après le processus de pesage sur place. La masse nette des produits ou marchandises ne pourrait par conséquent pas avoir été déterminée avec certitude.

73 Le gouvernement belge rétorque tout d'abord que ces constatations de fait ne valent que pour le bureau de douane de Beauraing, et qu'elles n'entraînent aucun risque de paiement indu. Cela s'expliquerait en particulier par le fait qu'un vérificateur du bureau de douane de Beauraing était toujours présent à l'entrée des marchandises en entrepôt. Au vu de la liste établie par le négociant, le vérificateur aurait systématiquement contrôlé le poids des marchandises livrées. Les indications inexactes auraient par conséquent pu être repérées. Même si la déclaration de paiement n'était effectuée qu'ultérieurement, cela n'aurait rien ôté à l'exactitude des contrôles entrepris. En particulier, le prélèvement d'un échantillon représentatif d'au moins 5 % des marchandises aurait été assuré. Au surplus, la viande stockée aurait été systématiquement soumise à un contrôle vétérinaire préalable. Et l'emballage, le scellage et la pesée auraient été effectués sous la surveillance de celui-ci. Les contrôles douaniers auraient par conséquent offert une certitude complémentaire. La Commission n'aurait pas pu démontrer à cet égard qu'il existait un véritable risque de fraude. Enfin, le gouvernement belge invoque les dispositions du droit pénal national qui réprimeraient les fausses déclarations portées sur la liste de pesage.

74 La Commission prétend qu'il y a risque de manipulations dès lors que le vérificateur n'est pas présent lors de l'opération de pesage. Ainsi, on ne pourrait être certain que les quantités prétendument stockées sont bien celles qui sont présentées. C'est ainsi que, lors d'un contrôle effectué par la Commission, en particulier, une erreur dans une liste établie par l'entrepreneur aurait été mise en évidence. La Commission voit une autre possibilité de fraude dans le fait que l'entrepreneur ne produit, dans un premier temps, qu'une liste de marchandises, et que la déclaration proprement dite qui servira de fondement au paiement n'intervient qu'après le contrôle.

75 La Commission a constaté plus précisément dans le bureau de douane de Beauraing les défaillances suivantes du système de contrôle, classées par ordre d'importance:

- le contrôle est effectué uniquement sur la base d'une liste de marchandises établie par le négociant, et non pas au vu de la déclaration de paiement - la demande de préfinancement - ou de la déclaration d'exportation;

- le vérificateur n'est pas présent lors du pesage;

- les employés des douanes n'ouvrent pas les cartons;

- il n'est pas procédé à un contrôle de qualité;

- les contrôles exercés sont qualifiés de contrôles physiques sans que l'on vérifie les quantités indiquées;

- la viande n'est pas pesée avant l'indication du poids net dans l'attestation prévue par le règlement n_ 32/82, au lieu de cela, le poids est calculé à l'aide d'un coefficient;

- en outre, les agents de la Commission chargés du contrôle ont réussi à ouvrir des cartons sans altérer l'emballage ou les étiquettes;

- l'emballage ne comporte pas d'indication au sujet de la matière première ou des quantités de matières premières;

- les contrôles physiques ne font pas l'objet de rapports suffisants.

76 En ce qui concerne les dispositions pénales invoquées par le gouvernement belge, la Commission est d'avis que, dans le cadre d'une éventuelle procédure pénale, des problèmes pourraient se poser dès lors, d'une part, que la liste de marchandises fournie par l'entrepreneur ne constitue pas une demande officielle de restitution à l'exportation (déclaration de paiement) et que, d'autre part, il faudrait démontrer le caractère intentionnel de l'acte.

77 Observons, ici encore, que le gouvernement belge n'est pas parvenu à démontrer que la Commission s'était fondée sur des données de fait erronées. Il résulte notamment des déclarations des parties qu'il n'était procédé à aucun contrôle complet du poids dans les bureaux de douane, au moyen d'un pesage. Une simple vérification des listes établies par le commerçant ne peut pas être considérée comme un contrôle physique conforme aux règles du droit communautaire. À cet effet, l'article 5, paragraphe 1, du règlement n_ 2030/90 - voir ci-dessus point 42 - exige qu'il soit procédé au contrôle physique dans l'intervalle de temps séparant la remise de la déclaration d'exportation et la libération des marchandises pour l'exportation. Puisque cependant, comme les autorités belges l'admettent elles-mêmes, une vérification pouvait également être effectuée au vu des listes de poids établies par l'entrepreneur sans attendre la remise de la déclaration de paiement, il ne peut pas être question d'un contrôle physique valable. De même, les constatations de la Commission prouvent qu'il existe une possibilité de substitution des marchandises, que les dispositions en vigueur visent précisément à exclure. La référence faite par le gouvernement belge au contrôle portant sur des échantillons représentatifs de 5 % des marchandises à exporter n'est pas non plus convaincante. Étant donné que les vérificateurs ne procédaient pas eux-mêmes dans le bureau de douane à des contrôles de poids valables, il ne pouvait être question d'un contrôle physique régulier. En particulier, il n'y avait pas détermination du poids net des marchandises à exporter. Cela est constitutif d'une violation de l'article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement n_ 2030/90 ainsi que de l'article 3 du règlement n_ 386/90 - voir ci-dessus le point 43. De même, l'invocation des dispositions du droit pénal belge n'est finalement pas convaincante. Chacun sait qu'une falsification intentionnelle des déclarations de paiement et d'exportation doit être sanctionnée pénalement. Cela ne signifie pas pour autant que la menace de répression pénale constituait un système de contrôle efficace.

78 Compte tenu de ce qui précède, nous estimons que cette prétention du gouvernement belge doit elle aussi être rejetée.

Quatrième point

79 Dans le rapport de synthèse, la Commission affirme au sujet du contrôle physique prévu par l'article 6 du règlement n_ 2030/90 - voir le point 42 ci-dessus - que les contrôles effectués en Belgique dans le cadre du préfinancement ne répondaient pas aux mêmes critères d'intensité - pour reprendre les termes de l'article 6 - que les contrôles ordinaires à effectuer lors de l'exportation et ne portaient pas sur les produits et marchandises préalablement contrôlés.

80 Le gouvernement belge est d'avis, au contraire, que les bureaux de douane de Beauraing et de Dendermonde, dans le cadre de la sélection d'échantillons représentatifs de 5 % pour les contrôles physiques, vérifiaient de façon suffisante le poids et le scellage des cartons lors de l'entrée en entrepôt et de l'exportation. Ces contrôles auraient été conformes aux conditions énoncées dans les règlements n_s 386/90 et 2030/90.

81 Selon la Commission, ses services ont constaté que le vérificateur de Beauraing n'a pesé que quelques unités, à l'entrée en entrepôt, et aucune lors du chargement des marchandises à la sortie de l'entrepôt. De même, il n'aurait pas toujours été procédé à un contrôle de qualité. Cela expliquerait que les agents contrôleurs de la Commission ont eu la possibilité de procéder à un échange de marchandises. Un rapprochement entre la déclaration de paiement et la déclaration d'exportation des produits n'aurait pas été facile à établir dans certains cas. Cela constitue aux yeux de la Commission une carence du système de contrôle, rendant possible une substitution de marchandises.

82 Ici encore, le gouvernement belge ne parvient pas à démontrer que les faits constatés par la Commission ne correspondaient pas à la réalité. En particulier, il faut admettre que les contrôles de poids effectués dans le cadre du régime de préfinancement ne présentaient pas l'intensité qu'ils ont d'ordinaire dans le cadre des restitutions à l'exportation. À cet égard, le gouvernement belge n'a pu fournir que des affirmations sans apporter de preuve. Sa thèse doit par conséquent être rejetée.

Cinquième point

83 Selon les indications du rapport de synthèse, il était possible dans le bureau de douane de Dendermonde d'ôter les étiquettes de plusieurs cartons de quartiers arrière de boeuf entreposés, et de les remettre - sans les endommager.

84 Le gouvernement belge admet, il est vrai, qu'il était possible d'ôter les étiquettes sans les abîmer, mais conteste que cela ait pu être fait aisément et indique que, en présence de températures de moins 18 degrés dans les réfrigérateurs, il était impossible d'ôter les étiquettes sans les abîmer. En outre, cela n'aurait pas constitué un contrôle d'échantillons représentatifs puisque environ 400 cartons y étaient entreposés au total. Et les cartons auraient également été scellés. Une substitution de marchandises aurait également, en pratique, été impossible du fait qu'un vétérinaire assistait systématiquement à l'opération de fermeture. De même, dans le bureau de douane, des vérificateurs auraient été présents lors de l'arrivée et de la sortie des marchandises.

85 Pour la Commission, il est cependant établi que d'importantes défaillances du système de contrôle ont été mises en lumière. Il aurait ainsi été possible de retirer des étiquettes et de les apposer à nouveau sans les endommager. En outre, ces étiquettes n'auraient comporté que les numéros de l'abattoir et non le poids ni l'identification de la viande. L'agent de la Commission serait parvenu en tout cas à ouvrir des cartons et à les refermer sans abîmer les étiquettes.

86 Ici encore, les déclarations du royaume de Belgique ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations de la Commission. Au vu des expériences rapportées, il faut admettre qu'il existait un risque important de substitution des marchandises. La simple affirmation contraire du royaume de Belgique ne suffit pas à constituer une preuve contraire.

Sixième point

87 S'agissant du reproche que le royaume de Belgique fait à la Commission de s'être fondée sur des données inexactes, dans son rapport de synthèse, en affirmant avoir trouvé de la viande d'animaux femelles à la place de viande d'animaux mâles, il y a lieu de constater que la Commission avait tout d'abord affirmé cela dans l'annexe II, du 20 mars 1997, jointe à son rapport de synthèse.

88 Cependant, dans son mémoire en défense et sa duplique, la Commission a abandonné ce grief, qui s'était révélé après coup infondé au vu d'analyses d'ADN. D'ailleurs, la Commission déclare que la décision attaquée n'est pas fondée sur ce point.

89 Même si les premières constatations de la Commission ne correspondaient pas aux faits, les déclarations du gouvernement belge ont été prises en compte et par conséquent n'ont pas eu d'incidence négative sur l'établissement du rapport.

Septième point

90 Il est dit dans le rapport de synthèse que, dans l'entrepôt de Sivafrost à Dendermonde, le seul moyen d'identification des divers cartons était une feuille de papier fixée à une palette avec l'indication des numéros des COM-7. Cela n'aurait pas permis une identification précise des cartons entreposés.

91 Le gouvernement belge affirme, de son côté, que les cartons stockés sur place étaient pourvus d'étiquettes faisant apparaître la nature, le poids et le numéro de la marchandise. En outre, les bureaux de douane auraient utilisé les listes d'entreposage comportant les mêmes données que les étiquettes. Cela aurait permis de vérifier que les cartons destinés à l'exportation avaient bien, également, quitté l'entrepôt. Il est vrai que l'obligation d'établir ces listes d'entreposage n'existe que depuis 1995, mais l'entrepôt de Sivafrost aurait mis cette obligation en vigueur dès 1994. Une substitution des marchandises n'aurait en tout état de cause pas été possible.

92 La Commission maintient cependant qu'il existait un risque de substitution des marchandises. Elle affirme que le feuillet en question portant le numéro de COM-7 était apposé sur la palette, et qu'il était possible de mettre tout simplement ce papier sur une autre palette. De même, certaines quantités de différentes palettes auraient pu être échangées. Les étiquettes citées par le royaume de Belgique n'établiraient aucun rapport avec la déclaration de paiement afférente à ces marchandises. En outre, le système des listes d'entreposage ne serait entré en vigueur qu'en mai 1995.

93 Sur ce point, également, le gouvernement belge ne parvient pas à démontrer que les constatations de fait de la Commission étaient erronées. En particulier, il n'est pas parvenu à réfuter le grief d'identification insuffisante des palettes. Le système d'établissement de listes détaillées n'est entré en vigueur qu'en mai 1995. Les vérifications effectuées en 1994 se rapportaient cependant, dans le présent cas d'espèce, à l'exercice 1993, de sorte que l'on ne sait si, dès cette époque, le système des listes d'entreposage pouvait s'appliquer puisque le royaume de Belgique n'a pas prétendu avoir appliqué ce système dès 1993.

94 C'est pourquoi cette affirmation de l'État requérant doit être écartée.

Huitième point

95 La Commission a prétendu, dans le rapport de synthèse, que les contrôles de poids imposés par le règlement n_ 1964/82 n'étaient pas effectués de façon suffisamment approfondie par les vétérinaires officiels. Il est vrai que ces derniers assistaient au désossage, mais ils ne déterminaient pas le poids net des produits.

96 Le gouvernement belge indique que les vétérinaires étaient toujours présents lors du désossage ainsi que lors du pesage des produits. Selon lui, ils vérifiaient l'opération de pesage automatique et les données relatives au poids portées sur les étiquettes. Même si la Commission a trouvé un paquet, lors de ses contrôles, contenant de la viande impropre à la consommation humaine, cela n'aurait représenté qu'un seul paquet sur un total de 379. En outre, les échantillons prélevés en octobre/novembre 1996 auraient démontré que la viande stockée chez Sivafrost était de qualité supérieure.

97 La Commission maintient ce qu'elle a affirmé dans son rapport de synthèse. En contrôlant trois ou quatre paquets, elle en a découvert un contenant de la viande impropre à la consommation humaine. La simple présence d'un vétérinaire lors du désossage et du pesage n'exclurait pas, en tout état de cause, la substitution de marchandises. On ne pourrait parler de contrôles suffisants du poids net, en général.

98 Il y a lieu de suivre la thèse de la Commission. Le gouvernement belge n'a pu démontrer à suffisance que la détermination du poids individuel était effectuée de telle sorte qu'une substitution des marchandises soit rendue impossible. La simple présence d'un vétérinaire lors du désossage lui-même ne suffit pas, car on ne saurait déduire d'une simple présence l'existence d'un contrôle efficace.

Neuvième point

99 Il est affirmé dans le rapport de synthèse que, à Beauraing, le poids net devant être inscrit dans l'attestation prévue par le règlement n_ 32/82 - voir ci-dessus le point 36 - est déterminé au moyen d'un coefficient (83,3 %) appliqué au poids indiqué dans l'attestation établie conformément au règlement n_ 1964/82. Or, ce dernier ne serait déterminé qu'au vu d'une liste de produits établie par le négociant. Cette façon de procéder ne constituerait donc pas une constatation régulière du poids net, ainsi que le requiert l'article 2, paragraphe 3, du règlement n_ 1964/82 - voir le point 34.

100 Le royaume de Belgique affirme tout d'abord que ce calcul du poids ne vaut que pour Beauraing. L'utilisation d'un coefficient serait sans incidence sur le montant des restitutions finalement payées, puisque ce qui importe à cet effet, c'est le poids net des morceaux de viande désossée mesuré par un pesage automatique. Or, l'attestation, conforme au règlement n_ 32/82, concerne, elle, le poids de la viande non désossée. Au demeurant, dans le règlement n_ 32/82, l'indication du poids serait facultative. Enfin, le coefficient choisi n'aurait pas été trop élevé puisque la viande déclarée aurait eu effectivement le poids indiqué.

101 La Commission affirme, au contraire, que l'article 2, paragraphe 3, du règlement n_ 1964/82 impose tout d'abord de déterminer le poids net des quartiers de viande désossée. Cela n'ayant pas été fait conformément aux dispositions en vigueur, l'application d'un coefficient aurait accru le risque de fraude. En outre, l'application du coefficient aurait empêché de contrôler efficacement le poids de la viande désossée. Si des différences effectives avaient existé en l'occurrence, elles n'auraient pas été remarquées.

102 Observons à ce propos que les autorités belges se sont abstenues de mettre en oeuvre des moyens de contrôle valables, puisque la viande désossée n'était pas pesée mais uniquement estimée à l'aide d'un coefficient. Étant donné de surcroît que la base d'estimation retenue (la valeur déclarée dans l'attestation conforme au règlement n_ 1964/82) - comme on l'a vu - n'était pas suffisamment vérifiée, il y avait là d'autres défaillances du système de contrôle qui comportaient en soi le risque d'agissements frauduleux.

Dixième point

103 Il est affirmé dans le rapport de synthèse que, à Dendermonde, le vétérinaire de l'abattoir de Zele n'a pas pu indiquer aux agents de la Commission qui avait déterminé le poids net inscrit sur le certificat conforme au règlement n_ 32/82, ni sur quelle base il aurait pu éventuellement vérifier l'exactitude du poids qu'il avait certifié.

104 Le gouvernement belge explique cet incident par le fait que l'opération de pesage a lieu dans la salle d'équarrissage et non dans l'abattoir. C'est le vétérinaire, présent sur ces lieux, qui aurait été chargé du contrôle du poids. Ce reproche ne pourrait donc être utilisé pour justifier une correction financière.

105 La Commission se demande, dans ce cas, pourquoi ni le vétérinaire interrogé ni les autorités belges n'ont pu, dans un premier temps, fournir une réponse satisfaisante. En dépit d'un échange de courriers qui a également porté sur cette question, le gouvernement belge n'aurait pris position à ce sujet qu'au stade de la demande de conciliation. La violation des dispositions des règlements n_s 32/82 et 1964/82 persisterait puisque le vétérinaire compétent n'a pas procédé lui-même aux contrôles du poids, et s'est contenté d'assister à la pesée.

106 Puisque, ici encore, le royaume de Belgique n'est pas parvenu à démentir les constatations de la Commission, ses arguments doivent être considérés comme non fondés et par conséquent rejetés.

Onzième point

107 Ici, le rapport de synthèse affirme que les morceaux de viande destinés à l'exportation n'étaient pas estampillés individuellement si bien que la douane ne pouvait pas déterminer si la viande déclarée avait été contrôlée au préalable par un vétérinaire.

108 Le gouvernement belge affirme qu'un vétérinaire était toujours présent dans l'atelier d'équarrissage et qu'il vérifiait qu'il s'agissait de carcasses de bovins mâles ayant neuf côtes et portant la marque «M». Les carcasses auraient été découpées sous la surveillance du vétérinaire contrôleur et les morceaux emballés séparément. Une étiquette aurait été collée, sur laquelle figuraient les éléments suivants: Belgique, numéro de l'abattoir et CEE. Les services de la douane auraient ainsi été en mesure de vérifier si la viande avait fait l'objet d'un contrôle préalable par les vétérinaires. Il n'existerait aucun fondement juridique pour exiger un estampillage complémentaire.

109 La Commission estime qu'il existait cependant un danger de substitution des marchandises. Selon elle, les éléments indiqués sur l'étiquette ne permettaient pas de vérifier si chaque morceau emballé avait été soumis au préalable à un contrôle correspondant aux normes du règlement n_ 1964/82. Ainsi des marchandises contrôlées auraient pu être remplacées par des marchandises non contrôlées.

110 Observons sur ce point du litige que l'article 8, premier alinéa, du règlement n_ 1964/82 prévoit que les contrôles des États membres doivent précisément servir à exclure toute possibilité de substitution des produits, notamment par des mesures telles que l'identification de chaque morceau. L'étiquette utilisée en Belgique ne semblait pas permettre d'atteindre ce résultat si elle indiquait uniquement «Belgique, le numéro de l'abattoir et CEE», sans faire apparaître le poids net ni la nature et le nombre des pièces de viande. Il n'était donc pas possible d'identifier chaque morceau avec certitude.

111 Les affirmations du gouvernement belge ne suffisent par conséquent pas à démontrer que les reproches de la Commission sont erronés à cet égard.

Le secteur des céréales (douzième à quinzième point)

Douzième point

112 Concernant les conclusions de l'enquête dans le secteur des céréales, le rapport de synthèse indique tout d'abord que les services du FEOGA ont conclu que les contrôles douaniers effectués étaient insuffisants pour identifier les marchandises placées sous le régime du préfinancement, au cours de la période 1992-1994. La Commission se réfère ici au nombre - insuffisant à ses yeux - de contrôles physiques effectués avant l'exportation par les bureaux de douane d'Alost et de Louvain.

113 Le gouvernement belge doute de l'utilité de tels contrôles dans le cas où les marchandises sont stockées en vue de la transformation. Le système de contrôles belge consisterait pour l'essentiel, en raison de la nature particulière de la marchandise (céréales), en un système de licence étanche, en contrôles continus de la quantité et de la nature des produits, ainsi qu'en un contrôle (a posteriori) des documents d'exportation combiné à un contrôle physique systématique au moment de l'exportation.

114 Le paiement à l'avance de restitutions d'exportation serait lié à la possession d'une licence à cet effet. L'octroi de cette licence nécessiterait l'autorisation des ministères de l'Agriculture et des Affaires économiques ainsi que de l'administration des douanes. Ainsi ne serait concerné qu'un nombre limité d'opérateurs économiques. Cette licence indiquerait l'entrepôt dans lequel les marchandises doivent se trouver. En outre, l'emploi d'un registre des entrées de stock et de fiches de travail serait obligatoire. Ainsi les mouvements des produits pourraient être établis par ordre chronologique. Les autorités douanières et autres instances de contrôle seraient donc en mesure de suivre la trace des produits. De même, les mesures de contrôle requises devraient être indiquées dans la licence.

115 Ce système remonterait à 1988, et en 1994 n'aurait fait l'objet que de simples remaniements techniques. Même pour les produits non destinés à la transformation, il existerait une licence de stockage établie par l'administration des douanes. Les contrôles physiques deviendraient donc superflus puisque le système des licences dans son ensemble rendrait le mouvement des marchandises transparent et contrôlable.

116 La question du nombre des contrôles physiques n'aurait été en outre évoquée pour la première fois que dans le rapport de synthèse, ce qui aurait pour conséquence que la Commission n'était pas en droit de se prévaloir de cet élément pour procéder à des corrections financières.

117 En ce qui concerne les contrôles continus des quantités et de la composition des marchandises, ces contrôles seraient garantis par le système des licences. Les douanes auraient donc toujours connaissance des quantités entreposées. Un contrôle au cours du stockage et de la transformation serait ainsi possible.

118 Dans le cadre de ce système, les autorités douanières centrales ainsi que le Bureau belge d'intervention et de restitution (ci-après le «BBIR») seraient également informés des déclarations d'exportation. Ce dernier contrôlerait systématiquement ces déclarations, de façon approfondie. Lors de l'exportation, des contrôles physiques auraient également lieu, effectués par les autorités douanières et le BBIR. Tout titulaire de licence devrait enfin démontrer, à l'appui des documents commerciaux, que les marchandises ont bien été exportées.

119 La Commission affirme que le système des licences comporte d'importantes faiblesses, lorsque les marchandises entreposées ne sont pas destinées à la transformation. Dans ce cas, la licence devrait être demandée par le propriétaire de l'entrepôt et non par l'exportateur. Au surplus, il aurait été constaté - et le royaume de Belgique ne l'aurait pas suffisamment contesté - que, de manière générale, trop peu de contrôles physiques étaient pratiqués. Ces griefs invoqués par la Commission auraient fait l'objet d'une discussion approfondie dans le cadre d'un échange de courriers antérieur à la procédure de conciliation. Ainsi, il aurait été dit, entre autres, que les autorités douanières ne procèdent pas à des échanges d'informations entre elles, et ne savent pas quelles quantités globales sont stockées et déclarées dans un entrepôt. Ainsi, on aurait pu trouver dans des wagons de chemin de fer des marchandises qui, bien que déclarées en vue de l'exportation, n'étaient pas comptabilisées dans les quantités stockées. Les rapports de contrôle n'auraient pas permis de tirer de conclusions sur la nature des contrôles effectués. Dans certains bureaux de douane, il y aurait même une absence partielle de tout contrôle physique. Un contrôle a posteriori des papiers commerciaux n'offrirait pas non plus de certitude puisque les marchandises concernées auraient alors déjà été exportées.

120 À cet égard, il est à noter qu'il résulte des échanges de courriers entre la Commission et les autorités belges, produits au dossier, que ces dernières avaient été informées très tôt par la Commission des carences reprochées. Elles avaient l'occasion de prendre position à ce sujet et d'en faire état lors de la procédure de conciliation. Les propos avancés ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause les constatations factuelles de la Commission. Même si le système de licences décrit par le royaume de Belgique existe dans la configuration citée, cela ne change rien au fait que les contrôles physiques en cours de stockage - quand ils ont lieu - n'étaient pratiqués qu'en très petit nombre. Vient aggraver cette situation le fait qu'il n'y avait pas d'échanges d'informations entre les diverses autorités douanières au sujet de l'ensemble des marchandises stockées et de leurs quantités. Par conséquent, comme l'affirme la Commission, les différents bureaux de douane ne pouvaient pas avoir une vue d'ensemble des marchandises déclarées à l'exportation. Étant donné qu'il est cependant fondamental pour le régime communautaire du préfinancement d'être informé à tout moment de l'état réel des marchandises et de la composition des produits, il est indispensable de pratiquer ici aussi des contrôles en nombre suffisant. Tel n'ayant pas été le cas au vu de ce qui vient d'être exposé, les affirmations du royaume de Belgique ne peuvent être considérées comme une preuve de l'inexactitude des constatations de la Commission contenues dans le rapport de synthèse.

Treizième point

121 Dans le rapport de synthèse, la Commission reproche aux autorités belges de faire une mauvaise application du principe d'équivalence (23) en l'utilisant également pour les produits transformés. Selon le gouvernement belge, les dispositions de l'article 27, paragraphe 3, du règlement n_ 3665/87 n'indiqueraient pas clairement si les produits équivalents doivent être des produits de base ou des produits transformés. Les autorités belges seraient néanmoins parties du principe qu'un remplacement par des produits transformés est également possible. Et, puisqu'il existerait au surplus un système de contrôle efficace et suffisant (les licences), il n'y aurait pas de risque d'abus. Il est vrai que les contrôles physiques ne sont pas expressément prévus, mais ils pourraient avoir lieu à tout moment.

122 La Commission estime que l'article 27, paragraphe 3, du règlement n_ 3665/87 ne pose pas de problèmes d'interprétation puisque le texte de cet article vise incontestablement les produits de base. La Commission a également constaté que, selon la réglementation belge, la règle de l'équivalence n'était pas réservée aux produits de base. Selon la législation belge, il aurait notamment été possible de ne déclarer des marchandises qu'après leur transformation au titre du régime du préfinancement, ce qui impliquerait que la règle de l'article 27, paragraphe 3, du règlement n_ 3665/87 était privée d'objet. Il serait en tout cas alors impossible d'effectuer un contrôle suffisant des produits de base.

123 À cet égard, il y a lieu d'observer qu'il résulte de l'article 27, paragraphe 3, du règlement n_ 3665/87 que les produits de base peuvent être remplacés par des produits équivalents relevant de la même sous-position de la nomenclature combinée, présentant la même qualité commerciale et les mêmes caractéristiques techniques et qui répondent aux conditions requises pour l'octroi de la restitution à l'exportation. Or, ne peuvent posséder la même qualité commerciale et les mêmes caractéristiques techniques que des produits se situant au même stade du processus de transformation. Cela implique que les produits de base ne peuvent, en principe, être remplacés que par d'autres produits de base. L'économie et la finalité de l'article 27, paragraphe 3, sont tout aussi claires que son texte. En principe, si l'on se réfère à la première phrase du paragraphe 3, on doit pouvoir retrouver les produits de base au moins en partie dans les produits transformés destinés à l'exportation. Pour des raisons économiques, les exportateurs doivent cependant avoir la possibilité d'échanger les produits de base, dans le cadre de la transformation. Pour que l'on soit toutefois certain que les marchandises transformées destinées à l'exportation correspondent bien dans leur composition et dans leur quantité aux marchandises initialement déclarées, un échange ne peut être admis qu'à la condition que les produits à échanger soient fondamentalement équivalents. C'est ainsi qu'un produit de base ne peut être remplacé que par un produit de base de la même qualité et présentant les mêmes caractéristiques. Il ne semble pas possible ici de donner un autre sens pertinent à cette disposition.

124 Les autorités belges ayant cependant autorisé l'échange de produits de base avec des produits transformés, il faut y voir une violation de l'article 27, paragraphe 3, du règlement n_ 3665/87. Le gouvernement belge n'est pas parvenu à démontrer que les affirmations de la Commission contenues dans le rapport de synthèse sont erronées.

Quatorzième point

125 La Commission a indiqué dans son rapport de synthèse qu'il est possible, en Belgique, que le responsable du bureau de douane ne vérifie pas, à réception de la déclaration de paiement, s'il existe des capacités de stockage suffisantes, c'est-à-dire si les marchandises sont effectivement présentes.

126 Le royaume de Belgique explique cela en indiquant qu'il n'est pas possible d'avoir une vue d'ensemble complète de toutes les marchandises stockées (sous le régime du préfinancement-transformation). Cela supposerait des contrôles physiques permanents, qui ne sont pas requis par les règles en vigueur. En outre, l'existence des stocks déclarés serait contrôlée auprès des grandes entreprises. Pour les entreprises de moindre importance, cela ne serait pas nécessaire puisque les irrégularités se remarqueraient aussi. La tenue d'un inventaire par les bureaux de douane ne serait pas exigée par les normes du droit communautaire applicable. En revanche, il y aurait un relevé des déclarations de paiement.

127 La Commission voit dans la méthode utilisée par le gouvernement belge une violation de l'article 26, paragraphe 1, du règlement n_ 3665/87. Dans le cas où des marchandises doivent être placées sous contrôle douanier, les autorités douanières devraient également s'assurer de l'existence effective de marchandises. Cela devrait concerner toutes les marchandises déclarées aux fins du préfinancement, indépendamment du point de savoir où elles sont stockées. S'il est prescrit - comme en l'espèce - que le stockage doit s'effectuer sous contrôle douanier, ce contrôle devrait s'exercer de façon effective.

128 Dans ce contexte, il y a lieu d'observer qu'il résulte de l'article 26, paragraphe 1, du règlement n_ 3665/87 que les produits ou marchandises doivent être placés sous contrôle douanier à partir du moment de l'acceptation de la déclaration de paiement, et ce jusqu'à ce qu'ils quittent le territoire douanier de la Communauté ou atteignent une destination prévue. Cela implique qu'il faut suivre ici l'argumentation du gouvernement belge selon laquelle il n'est pas indispensable que des contrôles physiques soient effectués en permanence. Cependant - et, dans ce cas, c'est à la Commission qu'il faut donner raison - il est nécessaire que soit garanti un contrôle douanier effectif et efficace. Cela ne peut cependant pas signifier autre chose que l'obligation pour les autorités douanières d'être informées en permanence des quantités de marchandises en stock qui sont placées sous le régime du préfinancement. Plus précisément, il ne doit pas être possible que des quantités de marchandises inexistantes viennent à être déclarées. Pour éviter cela, les autorités douanières concernées sont tenues de s'assurer de l'existence réelle des quantités de marchandises indiquées dans la déclaration de paiement. Même si cela implique beaucoup de frais - à ne pas négliger - seul un tel contrôle est approprié et indispensable pour mettre en évidence une éventuelle fraude dès le stade de la déclaration de paiement, et prendre les mesures correspondantes. Puisqu'il est ainsi clair qu'un contrôle douanier - même s'il n'est pas permanent - sur les produits et marchandises à stocker, à compter du moment de l'acceptation de la déclaration de paiement, est indispensable, il va de soi que la réglementation belge n'est pas conforme aux dispositions du droit communautaire.

129 Les affirmations du gouvernement belge doivent par conséquent ici encore être rejetées.

Quinzième point

130 Sur le dernier point contesté de façon détaillée par le royaume de Belgique, il est indiqué dans le rapport de synthèse que l'exportateur qui n'a pas encore de destination finale pour ses marchandises a la possibilité, le dernier jour du délai de préfinancement, de déposer une déclaration d'exportation indiquant «Entrepôt pays tiers», ainsi qu'une attestation IM-7 (admission temporaire dans un entrepôt douanier). Les autorités douanières admettraient cette pratique pour permettre de prolonger le délai de préfinancement.

131 La Commission a indiqué tant dans son mémoire en défense que dans sa duplique qu'il n'a pas été tenu compte de cet élément dans le cadre des corrections financières appliquées dans la décision attaquée. Du point de vue de la Commission, la méthode employée par le royaume de Belgique n'est certes pas souhaitable, mais ne constitue pas une infraction au droit communautaire.

132 Dès lors que cet élément n'a pas servi de base à la décision attaquée, il n'y a pas lieu de s'y attarder plus longuement.

133 Sur un plan général, on peut constater sur tous les points énumérés ci-dessus que la thèse du royaume de Belgique n'est pas de nature à faire apparaître erronées les constatations de fait de la Commission. Il ressort en outre des volumineux courriers échangés entre la Commission et les autorités belges, joints aux dossiers, que ces dernières avaient été informées très tôt des critiques formulées à l'encontre du système de contrôle. Cet échange de correspondances a permis un échange animé d'informations, qui n'a certes pas conduit la Commission à revoir sa position au sujet des irrégularités existantes, mais démontre que la Commission a examiné chacun des points. Il ne saurait donc y avoir de violation du principe de coopération loyale ni du principe de diligence.

134 Il résulte également du rapport de l'organe de conciliation discuté lors de l'audience, qui porte en général sur la procédure de conciliation impliquant la République italienne, la République fédérale d'Allemagne, le royaume des Pays-Bas, le royaume de Belgique et la République française, que - si l'on excepte la prétendue découverte de viande de vache - le royaume de Belgique n'a pas contesté les principaux griefs de la Commission, au stade de la procédure de conciliation. La critique formulée par les États membres affectés par les corrections financières s'est limitée à affirmer que les contrôles de la Commission n'étaient pas représentatifs, que le risque de fraude avait été surévalué et qu'il n'y avait pas de base légale appropriée pour les contrôles que la Commission exige. L'organe de conciliation a, tout d'abord, admis que les contrôles des États membres n'étaient pas suffisants. Il a ensuite estimé que les vérifications opérées par la Commission étaient représentatives et que les carences visées étaient suffisamment importantes et générales pour que l'on puisse en déduire qu'il ne s'agissait pas de simples écarts par rapport à la pratique ordinaire des contrôles dans les États membres. Le rapport indique que cela a entraîné un risque de pertes pour le FEOGA. Il est vrai qu'il n'aurait pas été pleinement démontré que l'on était, chaque fois, en présence d'un risque important de préjudice, et que les États membres auraient annoncé des mesures d'amélioration. Il y aurait cependant eu urgence à ce que la Commission intervienne puisque, déjà au cours des années précédentes, on avait pu déplorer les mêmes carences ou des carences comparables.

135 Ce rapport montre également que, même au cours de la procédure de conciliation, le royaume de Belgique n'était pas parvenu à semer le doute sur les constatations de fait de la Commission, bien qu'il en ait eu connaissance. Le grief fait à la Commission de ne pas avoir coopéré loyalement avec les autorités belges et de ne pas avoir soigneusement examiné leurs affirmations est par conséquent infondé.

136 Sur la prétendue violation de l'article 190 du traité et de l'obligation de motivation énoncée par celui-ci, il faut rappeler que, aux termes de la jurisprudence constante, la mesure de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (24).

137 Dans le contexte particulier de l'élaboration des décisions relatives à l'apurement des comptes, la motivation d'une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l'État destinataire a été étroitement associé au processus d'élaboration de cette décision et qu'il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (25).

138 Puisqu'il est toutefois établi, en l'espèce, que le gouvernement belge a pris part à la procédure d'élaboration de la décision attaquée et connaissait par conséquent les raisons pour lesquelles la Commission estimait que la somme litigieuse ne pouvait être mise à la charge du FEOGA, ce qui est attesté par un volumineux échange de correspondances entre la Commission et les autorités belges, il ne saurait y avoir de violation de l'obligation de motivation.

139 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen soulevé par le gouvernement belge doit dans son ensemble être rejeté comme non fondé.

2. Le deuxième moyen: violation des règlements n_s 729/70 et 1723/72 et de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité

140 Avec ce moyen d'annulation - sur le texte des règlements, voir les points 20 et suivants -, le gouvernement belge affirme que la Commission a commis une erreur en appliquant une correction linéaire, car aucun paiement injustifié n'a eu lieu dans le cadre du préfinancement. Ce serait également à tort que la Commission a admis que le système de contrôle belge présente des carences générales de nature à justifier une correction forfaitaire de 10 %, englobant l'ensemble des secteurs pour lesquels des dépenses ont été déclarées. La Commission n'aurait pas non plus suffisamment motivé sa décision de refus dans le rapport de synthèse. Il y aurait là violation des dispositions des règlements n_s 729/70 et 1723/72, ainsi que de l'article 190 du traité.

141 Selon le royaume de Belgique, les contrôles effectués par la Commission n'auraient porté que sur quatre bureaux de douane. Alors même que l'on n'a pas pu constater de paiement injustifié, la Commission aurait toutefois généralisé les prétendues carences à l'ensemble du territoire belge. Ces soi-disant défaillances auraient en outre été démenties et néanmoins retenues par la Commission (26).

142 Même s'il est évident qu'aucun système de contrôle ne peut être parfait à 100 %, la Commission n'aurait pas été en droit d'appliquer une correction forfaitaire au taux précité dès lors que ses contrôles n'étaient pas représentatifs. Ainsi, en Belgique, par exemple, il y aurait 54 bureaux de douane dont 15 interviennent régulièrement en matière de préfinancement. La Commission n'aurait toutefois contrôlé que 4 bureaux de douane. Les griefs invoqués ne pourraient donc pas être étendus aux autres bureaux de douane. La Commission n'aurait en tout cas pas démontré que sa façon de procéder était régulière.

143 En outre, les carences n'auraient pas été observées de la même manière dans tous les bureaux de douane contrôlés. Il ne s'agirait donc pas de carences systématiques du système de contrôle.

144 Dans chacun des bureaux de douane en question, seules les marchandises de certaines entreprises auraient fait l'objet d'un contrôle, sans que les autres produits soient eux aussi soumis à un contrôle. Dans le secteur des céréales, seuls auraient été vérifiés certains postes budgétaires - Malt (n_ 1001) et autres céréales (poste n_ 1003) - tandis que d'autres n'auraient fait l'objet d'aucun contrôle.

145 Pour l'appréciation du risque également, la Commission se serait fondée sur des données de fait erronées et n'aurait pu démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les carences et les pertes à redouter. Il y aurait ainsi un vice de procédure grave puisque le risque de pertes invoqué par la Commission n'est pas suffisamment prouvé.

146 La méthode de la Commission serait par conséquent constitutive dans son ensemble d'une violation de l'article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n_ 729/70, de ses propres principes affirmés dans le rapport Belle, concernant la coopération et l'évaluation des pertes, ainsi que de l'obligation de motivation.

147 La Commission estime que les corrections qu'elle a appliquées sont licites. Les défauts qu'elle a relevés, affectant le système de contrôle belge, justifieraient une correction forfaitaire. En particulier, la généralisation des insuffisances à l'ensemble du système ne pourrait être critiquée. Les vérifications auxquelles elle a procédé seraient représentatives de l'ensemble. Dans le secteur de la viande bovine, les entreprises contrôlées auraient obtenu, en 1993, 22,8 % du préfinancement. De même, dans la sélection des bureaux de douane contrôlés, auraient été choisis ceux qui effectuaient plus de 25 % des préfinancements. Et dans le secteur des céréales, les contrôles auraient porté sur 32,3 % des dépenses. Étant donné que, au surplus, la réglementation belge en vigueur s'applique à l'ensemble du territoire, il serait justifié de raisonner par extrapolation.

148 Le caractère insuffisant des contrôles physiques aurait été constaté de la même manière dans chacun des bureaux de douane; et, en raison des possibilités de substitution des marchandises, il y aurait eu un véritable risque de préjudice. En outre, le royaume de Belgique aurait dû restituer des fonds dès lors que, lors de contrôles, on avait trouvé de la viande impropre à la consommation humaine.

149 La jurisprudence de la Cour de justice autoriserait elle aussi une correction forfaitaire en l'espèce puisque le système de contrôle belge n'était pas conforme aux exigences du droit communautaire. Et le royaume de Belgique n'aurait pas réussi à démontrer que les conditions d'une prise en charge des dépenses par le FEOGA étaient remplies.

150 Il y a lieu de noter sur ce point que le FEOGA, selon la jurisprudence constante de la Cour, ne finance que les interventions effectuées dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles, conformément aux dispositions communautaires. La Commission doit donc établir l'existence d'une violation des règles de l'organisation commune des marchés agricoles.

151 En l'occurrence, elle a pu apporter la preuve de plusieurs violations de ce type. Le gouvernement belge, en revanche, n'a pas pu démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes. Il subsiste donc des doutes sérieux sur la mise en oeuvre d'un système adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle.

152 La Commission a en particulier opéré suffisamment de contrôles et l'a fait chaque fois dans des bureaux douaniers et entreprises représentatifs de l'ensemble. Ces contrôles sur échantillons ont permis à la Commission de tirer des conclusions générales à propos de l'ensemble du système de contrôle belge. Les enquêtes ont porté sur l'ensemble du système de contrôle et l'ampleur des opérations concernées par les vérifications de la Commission est en soi suffisamment représentative pour permettre une extrapolation à l'ensemble du système. Pour apprécier si les échantillons sont représentatifs, il ne faut pas seulement regarder le nombre des bureaux de douane contrôlés; il suffit que les préfinancements contrôlés soient suffisamment importants en pourcentage par rapport au total pour permettre d'en tirer des conclusions sur la situation générale. Étant donné qu'en l'espèce aucune déclaration de paiement ou d'exportation précise (particulière) n'a été critiquée, mais que le système de contrôle belge a présenté des carences au niveau général, la Commission a pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser de reconnaître un montant de dépenses qu'elle a évalué par une extrapolation de ses conclusions.

153 À cette occasion, les autorités belges se sont vu accorder une possibilité suffisante de prendre position. La méthode de la Commission est également admissible au regard des orientations du rapport Belle. Elle pouvait évaluer le risque de pertes par rapport à l'ampleur des carences constatées. La preuve de la survenance d'un dommage concret n'est pas exigée à cet égard ni par la réglementation applicable ni par la jurisprudence de la Cour (voir plus haut, points 48 à 54).

154 La correction forfaitaire des dépenses déclarées est par conséquent licite.

155 Le gouvernement belge a fait valoir à titre subsidiaire que la Commission aurait dû appliquer la correction litigieuse non pas à l'ensemble des secteurs pour lesquels la restitution a été payée dans le cadre du préfinancement, mais uniquement à ceux qui ont fait l'objet de vérifications.

156 Tout d'abord, la correction forfaitaire aurait également été étendue aux restitutions à l'exportation de blé tendre alors que, pour les exercices 1993 et 1994, les entreprises contrôlées n'avaient pas formulé de demandes de restitution. Aucune carence du contrôle n'aurait donc pu être constatée à cet égard. Si la Commission souhaitait ici aussi appliquer des corrections, il lui fallait exercer son contrôle auprès d'autres entreprises dans ce secteur.

157 Cela résulterait également du rapport Belle, selon lequel les corrections forfaitaires ne peuvent s'appliquer qu'au secteur de dépenses concernant la région ou le district administratif dans lequel la carence a été constatée, à moins qu'il ne soit prouvé que la même carence se retrouve dans d'autres régions ou sur l'intégralité du territoire de l'État membre. En l'espèce, les constatations faites à propos d'autres postes ne pouvaient être étendues au secteur du blé tendre. Les soi-disant carences n'auraient pas eu un caractère systématique et n'auraient pas impliqué de risque de pertes pour le FEOGA.

158 En outre, il aurait pu être établi, sur demande de la Commission, qu'il existe pour ce secteur (le blé tendre) un système de contrôle particulier.

159 Enfin, les contrôles sur échantillons pratiqués par la Commission devraient également être représentatifs, ce qui n'aurait pas été le cas en l'occurrence puisque le secteur du blé tendre représente 27 % de l'ensemble des dépenses de préfinancement dans le domaine des céréales.

160 La Commission, pour sa part, fait tout d'abord valoir que la correction appliquée ne concerne que les paiements par avance qui ont été accordés au royaume de Belgique dans le cadre du préfinancement. Le rapport Belle autoriserait également à procéder ainsi puisque les restitutions à l'exportation concernaient les secteurs des céréales et de la viande bovine. Les vérifications de la Commission n'auraient pas visé certaines entreprises spécifiques, mais auraient mis en lumière l'ensemble du système de contrôle dans les secteurs précités.

161 Les enquêtes auraient par conséquent eu pour objet les contrôles effectués par les bureaux de douane. Or, si l'ensemble du système de contrôle dans le secteur des céréales fait apparaître des carences, cela peut aussi entraîner une correction pour le poste «blé tendre».

162 L'affirmation du royaume de Belgique selon laquelle des règles de contrôle spécifiques s'appliquent au préfinancement dans le cas du blé tendre devrait également être rejetée comme tardive puisqu'elle n'a été présentée pour la première fois qu'au stade de la réplique dans le cadre de ce recours.

163 L'argumentation du gouvernement belge ne nous semble pas convaincante ici non plus. Tout d'abord, l'extrait précité du rapport Belle a trait à des secteurs géographiques et administratifs et non pas à des postes budgétaires différents, si bien que l'on ne peut en déduire que la Commission a méconnu la réglementation. En outre, les contrôles de la Commission ont porté aussi bien sur le secteur des céréales que sur le secteur de la viande bovine. Étant donné que d'importantes carences ont été mises en évidence à cette occasion, la Commission était en principe fondée à appliquer des corrections forfaitaires même si, dans le cas particulier, on n'avait pu prouver l'existence de pertes concrètes pour le FEOGA, sous la forme de paiements injustifiés dans le cadre des restitutions à l'exportation.

164 À l'époque de l'adoption du rapport de synthèse et de la décision attaquée, la Commission devait partir du principe, faute d'autres informations, que les carences constatées dans le système de contrôle concernaient tout le secteur des céréales. Le fait qu'il existe le cas échéant d'autres dispositions pour le blé tendre n'a été affirmé par le gouvernement belge qu'au stade de la réplique, dans le cadre de la procédure judiciaire. Cette affirmation doit par conséquent être rejetée comme tardive en application de l'article 42 du règlement de procédure de la Cour (27).

165 Puisque, par conséquent, les vérifications de la Commission ont porté sur le secteur des céréales dans son ensemble et que l'on a découvert des carences du système de contrôle applicable à ce secteur, une correction portant sur l'ensemble des dépenses déclarées se justifiait.

166 En second lieu, le royaume de Belgique critique (à titre subsidiaire) la correction pratiquée pour le secteur de la viande bovine. La Commission n'aurait signalé l'existence de carences que pour les contrôles afférents au régime des restitutions particulières prévues par les règlements n_s 32/82 et 1964/82 - voir à cet égard le point 34. Dans ce domaine, il existerait cependant des conditions de contrôle spécifiques. Les carences constatées dans ce domaine n'auraient pas permis de conclure sans autre forme de procès à l'existence de carences de contrôle dans d'autres domaines du secteur de la viande bovine, si bien qu'une correction financière aurait requis un examen et une motivation séparés. Ainsi, en particulier, les contrôles pour les restitutions à l'exportation de viande bovine d'animaux femelles auraient dû être effectués de manière radicalement distincte de ceux intervenant dans le cadre des restitutions particulières.

167 Selon la Commission, il n'y aurait pas ici non plus d'erreur de droit. Ses vérifications auraient porté sur l'ensemble du système de contrôle dans le secteur de la viande bovine. Et surtout, les insuffisances découvertes dans les contrôles effectués sur place, tout comme le manque, dans les bureaux de douane, de personnel et de matériel (de contrôle) seraient indépendants de la nature du régime de restitutions en cause. Ces carences auraient existé pour tout contrôle, quel qu'en soit le contexte. Dans les bureaux de douane contrôlés, d'autres exportateurs auraient effectué leurs opérations, si bien que les carences constatées auraient également eu des effets à leur égard. Les vérifications de la Commission auraient également eu pour but de vérifier le respect des dispositions du règlement n_ 565/80 concernant le préfinancement pour la viande bovine d'animaux femelles et les quartiers avant de bovins mâles.

168 Nous devons dire, à propos de ce grief, que - puisque les vérifications de la Commission ont porté sur l'ensemble du secteur de la viande bovine et doivent être pour cette raison considérées comme représentatives - c'est à juste titre que la correction financière est intervenue pour l'ensemble du secteur. Au surplus, on a relevé dans le système de contrôle des carences qui devaient avoir des répercussions négatives sur toutes les procédures de contrôle. L'insuffisance d'effectifs et le manque de matériel rendent très peu probable la possibilité d'un contrôle effectif. Ces doutes n'ont pas été balayés par les affirmations du gouvernement belge, si bien que la correction financière pratiquée pour le secteur de la viande bovine contrôlé apparaît justifiée.

169 En troisième lieu, le gouvernement belge fait valoir dans sa requête (à titre subsidiaire) qu'il avait déjà indiqué, au stade de la procédure de conciliation, qu'une correction dans le secteur des céréales ne pouvait s'étendre aux dépenses non rattachables au régime du préfinancement des restitutions à l'exportation. Puisque les vérifications de la Commission n'ont porté que sur ce préfinancement, les autres domaines n'auraient pas dû être inclus dans la correction. Dans la réplique, il est également indiqué que les vérifications auraient dû porter exclusivement sur le préfinancement-transformation. C'est pourquoi le royaume de Belgique a exclu les listes de factures concernant les céréales non destinées à la transformation. Ces montants concernant le préfinancement-entrepôt n'auraient pas été mentionnés par le royaume de Belgique, par erreur, dans le cadre de la procédure de conciliation. Ces informations auraient cependant été accessibles pour la Commission au cours de la procédure de conciliation, ainsi que le démontrerait un document du BBIR du 25 septembre 1996.

170 À cet égard, la Commission affirme que la correction pratiquée concernait le régime du préfinancement. Elle se serait fondée, à cette occasion, sur les données et documents fournis par les autorités belges. Les vérifications auraient porté aussi bien sur le régime du préfinancement-transformation que sur celui du préfinancement-entrepôt. Tant l'entreprise Boortmalt, qui utilisait cette dernière procédure, que l'entrepôt douanier Sobelgra qui dépend du bureau de douane d'Anvers, auraient été contrôlés. L'argument du royaume de Belgique selon lequel il n'aurait pas fallu tenir compte du régime du préfinancement-entrepôt aurait été, sous cette forme, invoqué pour la première fois dans la réplique et devrait par conséquent être rejeté comme tardif.

171 Il convient d'approuver la position de la Commission. Selon les documents versés aux dossiers, les vérifications ont été effectuées dans les secteurs précités du préfinancement. La correction pouvait par conséquent porter sur les deux régimes. Les affirmations ultérieures du gouvernement belge, tendant à ce qu'il ne soit pas tenu compte du régime de préfinancement-entrepôt, doivent être considérées comme irrecevables car tardives puisqu'elles n'ont été présentées pour la première fois qu'au stade de la réplique, dans le cadre de la procédure contentieuse, et il n'y avait donc pas lieu d'en tenir compte ni lors de l'adoption de la décision indiquée ni, par la suite, pour la décision de justice, conformément aux dispositions de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure.

172 Par ailleurs, les États membres sont tenus de mettre à la disposition de la Commission les informations nécessaires, de sorte que, en l'espèce, la Commission n'avait pas à avoir connaissance des documents du BBIR.

173 Il résulte de ce qui précède que les trois points invoqués à titre subsidiaire par le gouvernement belge doivent eux aussi être rejetés. La Commission a donc pu légitimement appliquer une correction forfaitaire.

3. Le troisième moyen d'annulation: violation du principe de sécurité juridique, du principe «patere legem quam ipse fecisti» ainsi que de l'obligation de motivation

174 Avec ce moyen de recours, le gouvernement belge reproche en substance à la Commission de s'être dispensée de respecter, aussi bien dans le cadre du rapport de synthèse que dans la décision attaquée, les lignes directrices qu'elle s'était elle-même fixées dans le cadre du rapport Belle - voir ci-dessus, les points 44 à 47 - sans le motiver suffisamment. La Commission aurait donc commis une erreur de droit en décidant, en définitive, d'appliquer une correction forfaitaire de 10 % aux secteurs des céréales et de la viande bovine.

175 Pour le gouvernement belge, il résulte déjà des arguments qu'il a fait valoir dans le cadre de ses deux premiers moyens qu'une correction de 10 % ne pouvait se justifier. En effet, il n'y aurait pas de preuve ni de l'existence de carences affectant l'ensemble du système de contrôle ou des éléments essentiels de celui-ci, ni du risque de pertes généralisées pour le FEOGA. La Commission n'aurait pas tenu compte du fait que le royaume de Belgique a tenté d'adopter des mesures efficaces pour remédier aux carences invoquées. C'est ainsi qu'un système de rapports de contrôle amélioré aurait été introduit. On aurait tenté d'améliorer la méthode de travail des contrôleurs. S'agissant des contrôles physiques et de l'utilisation du principe d'équivalence, de nouvelles mesures auraient été arrêtées et, dans le secteur de la viande bovine, les circulaires de service applicables auraient été actualisées. En outre, comme le démontreraient les arguments développés dans le cadre des premier et deuxième moyens (règle d'équivalence, contrôles physiques), l'interprétation des règles du droit communautaire poserait problème puisque leur libellé n'est pas totalement clair et que plusieurs possibilités d'interprétation coexistent.

176 Enfin, la correction financière aurait dû rester limitée aux secteurs contrôlés et n'aurait pas dû concerner l'ensemble du territoire belge.

177 La Commission indique qu'elle n'a pas appliqué la correction la plus élevée puisque, dans certaines conditions, elle peut aussi refuser toute prise en charge des dépenses par le Fonds dans leur intégralité. Une correction de 10 % aurait, au demeurant, également été appliquée à la République fédérale d'Allemagne, à la République française, à la République italienne et au royaume des Pays-Bas dans le secteur des céréales. Ce n'est que dans le secteur de la viande bovine que la correction fixée pour les autres États membres concernés était de moindre importance.

178 Dans le cas du royaume de Belgique, on aurait constaté que les carences affectent le système de contrôle dans son ensemble, ainsi que des éléments essentiels de celui-ci. L'absence de contrôles et l'existence d'insuffisances dans les contrôles n'auraient pas permis de garantir le caractère justifié des dépenses.

179 Dans le secteur de la viande bovine, il aurait existé un risque sérieux de substitution des marchandises, avec pour conséquence la possibilité d'exporter des marchandises en quantités et en poids inférieurs à ce qui était déclaré.

180 Dans le secteur des céréales, il aurait existé le même risque, avec pour circonstance aggravante le fait que les bureaux de douane concernés n'étaient pas informés du contenu effectif des entrepôts.

181 Les principaux griefs auraient été mentionnés dans le rapport de synthèse et seraient de nature à justifier la correction opérée.

182 Dans le cadre du préfinancement, les dépenses auraient représenté, en 1993, un total de 1 600 millions d'écus, soit 15,8 % de l'ensemble des dépenses pour les restitutions à l'exportation. Le royaume de Belgique serait l'un des six États membres auquel incombe la plus grande part de ces dépenses. Si, par conséquent, on constatait des carences fondamentales, cela impliquait un risque de pertes très élevé. Dès lors qu'une correction de 10 % n'appellerait pas de doute, il n'y aurait pas lieu de prendre en compte les éléments pondérateurs. Ces derniers seraient d'ailleurs inexistants. Déjà dans le rapport de synthèse afférent aux exercices précédents (1987, 1988, 1989, 1990 et 1992), les carences reprochées auraient été les mêmes que celles constatées lors des vérifications de 1994.

183 En outre, les améliorations invoquées par le royaume de Belgique n'auraient pas pu déjà produire leurs effets, en tout état de cause, en novembre 1994. Il n'y aurait pas non plus eu de difficultés d'interprétation puisque la Commission avait déjà indiqué, lors des exercices précédents, dans le cadre de ces rapports de synthèse et de ses circulaires, comment les dispositions en cause devaient s'interpréter et s'appliquer.

184 Comme on l'a vu au point 49 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le FEOGA ne peut prendre à sa charge que les interventions effectuées conformément au droit communautaire dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles. Puisque l'État concerné est mieux placé pour apporter les éléments nécessaires à l'apurement des comptes du FEOGA et pour vérifier ces éléments, c'est à lui qu'il appartient de démontrer l'exactitude de ses chiffres en détail et, le cas échéant, le caractère erroné des estimations de la Commission.

185 Concernant le montant de la correction financière, il résulte de la jurisprudence de la Cour, dénuée d'ambiguïté, que la Commission pourrait même refuser de payer l'ensemble des dépenses exposées si elle constate qu'il n'existe pas de mécanismes de contrôle suffisants.

186 En outre, l'État membre doit démontrer que les critères appliqués par la Commission, pour traiter différemment les cas d'irrégularités - selon l'étendue du défaut de contrôle et le degré du risque pour le FEOGA - sont arbitraires et inéquitables. Le gouvernement belge n'a cependant pas pu apporter une telle preuve.

187 Les carences constatées par la Commission avaient trait, au minimum, à des éléments fondamentaux du système de contrôle et à l'exécution de contrôles qui jouent un rôle essentiel pour garantir la régularité des dépenses.

188 La Commission a également pu démontrer l'existence d'un risque correspondant de pertes élevées pour le FEOGA. Vu les montants importants des dépenses effectuées dans le domaine du préfinancement et l'ampleur des carences constatées, la Commission devait, à bon droit, considérer qu'il y avait un risque important.

189 Une correction forfaitaire de 10 % se justifiait donc en définitive. Les affirmations contraires du gouvernement belge doivent être rejetées.

4. Le quatrième moyen: violation du principe d'égalité et de l'obligation de motivation

190 Dans le secteur de la viande bovine, la Commission a appliqué une correction de 10 % au royaume de Belgique, mais de 5 % seulement à la République fédérale d'Allemagne, à la République française, à la République italienne et au royaume des Pays-Bas.

191 Le gouvernement belge y voit une discrimination injustifiée. La liste des principaux griefs adressés au royaume de Belgique est certes plus longue que celle adressée aux autres États membres, mais elle serait entachée d'erreurs de droit parce qu'elle repose sur des constatations de fait inexactes.

192 Pour le royaume des Pays-Bas, des carences analogues auraient été constatées mais le taux de correction retenu serait moins élevé. La situation de ces deux États membres serait comparable mais aurait conduit à des appréciations différentes. Il aurait également existé dans les autres États membres des défauts comparables, mais les sanctions à l'encontre du royaume de Belgique auraient été plus sévères.

193 La Commission estime qu'un coup d'oeil sur la liste des carences, plus longue dans le cas du royaume de Belgique que dans celui des autres États membres, suffit pour s'apercevoir que le non-respect des dispositions du droit communautaire a été encore plus grave ici.

194 Ainsi, à côté des défaillances dans l'exécution des contrôles, on aurait relevé notamment des insuffisances de personnel et manques d'équipement matériel. Ces problèmes n'auraient pas été constatés dans les autres États membres.

195 En particulier, en ce qui concerne les contrôles exigés dans le cadre des règlements n_s 32/82 et 1964/82, ils se seraient avérés bien plus efficaces dans les autres États membres contrôlés. Des vérificateurs auraient été présents, dans ces États membres, lors de l'abattage, auraient procédé à l'étiquetage des morceaux de viande, surveillé l'exportation, constaté le poids et procédé au plombage. Un tel degré de contrôle n'aurait pas été constaté en Belgique.

196 Observons à cet égard qu'il ne peut y avoir de discrimination prohibée que dans le cas où des situations de fait identiques sont traitées différemment, sans justification factuelle. Tel n'est pourtant pas le cas en l'espèce. Ainsi que le gouvernement belge l'a lui-même déclaré, la liste des carences affectant cet État membre est plus longue que celle qui concerne les autres États membres contrôlés. Et il est apparu que les carences et défaillances du système de contrôle belge atteignaient un degré de gravité plus important que dans les autres États membres concernés par la décision attaquée. Dès lors qu'il n'y a pas, par conséquent, de situations de fait identiques, il ne peut y avoir violation du principe d'égalité de traitement.

197 Il n'y a pas non plus de violation du principe de motivation dès lors que les autorités belges avaient été informées très tôt des reproches de la Commission et s'étaient vu accorder la possibilité de prendre position à leur sujet.

198 Il résulte par conséquent de ce qui précède que le recours du gouvernement belge doit être rejeté dans son intégralité comme non fondé.

Sur les dépens

199 Conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume de Belgique, et celui-ci ayant succombé en son recours, le royaume de Belgique doit être condamné aux dépens.

F - Conclusion

200 C'est pourquoi nous proposons à la Cour de:

1) rejeter le recours

2) condamner le royaume de Belgique aux dépens.

(1) - JO L 139, p. 30.

(2) - Sur les conditions des contrôles devant être effectués du point de vue du droit communautaire, voir ci-après points 34 à 43.

(3) - Sur le régime du préfinancement, voir ci-après points 25 à 33.

(4) - Décision de la Commission du 1er juillet 1994, relative à la création d'une procédure de conciliation dans le cadre de l'apurement des comptes du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie» (JO L 182, p. 45).

(5) - Règlement du Conseil du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n_ 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1).

Sur le contenu de l'article 5 du règlement n_ 729/70, voir point 21.

(6) - Règlement de la Commission du 26 juillet 1972, relatif à l'apurement des comptes concernant le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section garantie (JO L 186, p. 1).

(7) - Ce principe - signifiant: «applique la loi que tu as toi-même établie» - implique qu'un organe est lié par les règles qu'il a lui-même élaborées.

(8) - Règlement du Conseil du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24).

(9) - Règlement du Conseil du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales (JO L 281, p. 1).

(10) - Règlement du Conseil du 4 mars 1980, relatif au paiement à l'avance des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 62, p. 5).

(11) - Règlement de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1).

(12) - Règlement de la Commission du 7 janvier 1982, arrêtant les conditions d'octroi de restitutions particulières à l'exportation dans le secteur de la viande bovine (JO L 4, p. 11).

(13) - Règlement de la Commission du 20 juillet 1982, arrêtant les conditions d'octroi de restitutions particulières à l'exportation pour certaines viandes bovines désossées (JO L 212, p. 48).

(14) - Règlement du Conseil du 12 février 1990, relatif au contrôle lors de l'exportation de produits agricoles bénéficiant d'une restitution ou d'autres montants (JO L 42, p. 6), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n_ 163/94 du Conseil, du 24 janvier 1994 (JO L 24, p. 2).

(15) - Règlement de la Commission du 17 juillet 1990, portant modalités d'application du règlement n_ 386/90 en ce qui concerne le contrôle physique lors de l'exportation de produits agricoles bénéficiant d'une restitution ou d'autres montants (JO L 186, p. 6).

(16) - Voir arrêts du 2 juin 1994, Exportslachterijen van Oordegem (C-2/93, Rec. p. I-2283, points 17 et 18), et du 19 novembre 1998, France/Commission (C-235/97, Rec. p. I-7555, point 45).

(17) - Voir, en dernier lieu, l'arrêt du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission (C-28/94, Rec. p. I-1973, point 30), comportant d'autres références jurisprudentielles.

(18) - Arrêts du 1er octobre 1998, Italie/Commission (C-242/96, Rec. p. I-5863, point 58), et du 12 juin 1990, Allemagne/Commission (C-8/88, Rec. p. I-2321, point 23).

(19) - Arrêt du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission (C-54/95, Rec. p. I-35, point 35).

(20) - Voir arrêts Italie/Commission, précité dans la note 18, et Allemagne/Commission, précité dans la note 18.

(21) - Ces entrepôts sont situés tous deux à environ 15 km du bureau de douane de Dendermonde.

(22) - Mise en relief par nos soins.

(23) - Voir à cet égard l'article 27, paragraphe 3, du règlement n_ 3665/87, cité au point 32 ci-dessus.

(24) - Arrêt Pays-Bas/Commission, précité dans la note 17, point 81, ainsi que l'arrêt du 22 juin 1993, Allemagne/Commission (C-54/91, Rec. p. I-3399, point 10).

(25) - Voir arrêts Pays-Bas/Commission, précité dans la note 17, point 82, et du 1er octobre 1998, Pays-Bas/Commission (C-27/94, Rec. p. I-5581, point 36).

(26) - Il s'agit ici essentiellement des affirmations de fait de la Commission que nous avons déjà examinées.

(27) - Cette disposition est ainsi rédigée:

«§ 1 Les parties peuvent encore faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l'appui de leur argumentation. Elles motivent le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve.

§ 2 La production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

...»