61997C0140

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 25 juin 1998. - Walter Rechberger, Renate Greindl, Hermann Hofmeister e.a. contre Republik Österreich. - Demande de décision préjudicielle: Landesgericht Linz - Autriche. - Directive 90/314/CEE concernant les voyages, vacances et circuits à forfait - Voyage offert à prix réduit aux abonnés d'un quotidien - Transposition - Responsabilité de l'Etat membre. - Affaire C-140/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-03499


Conclusions de l'avocat général


1. La présente affaire offre à la Cour une nouvelle occasion de se prononcer sur l'interprétation de la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (ci-après la «directive»). En l'espèce, il a été demandé à la Cour, en premier lieu, de clarifier le point de savoir si un voyage offert à prix réduit aux abonnés d'un journal rentre dans le champ d'application de la directive, considération prise également de ce que le paiement demandé aux participants au voyage avait été rapporté à une seule des composantes du «paquet». En cas de réponse affirmative, la Cour a été en outre invitée à vérifier si l'absence de transposition dans les délais du seul article 7 de la directive constitue en soi une violation caractérisée du droit communautaire, de nature à engendrer la responsabilité de l'État membre en cas de dommages causés à des personnes privées par suite de ce manquement. Enfin, la Cour a été invitée à dire si, pour exclure le lien de causalité entre son comportement et le préjudice causé, l'État membre peut invoquer à sa décharge des situations exceptionnelles et imprévisibles, imputables au comportement d'un tiers (en l'espèce, l'organisateur de voyages à forfait).

Le cadre normatif

2. Ainsi qu'il a déjà été clarifié par la Cour , il ressort de l'article 1er de la directive que celle-ci a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, vendus ou offerts à la vente sur le territoire de la Communauté.

3. L'article 2 est consacré aux définitions. L'importance que ladite disposition revêt aux fins de la solution d'une bonne partie des questions préjudicielles suggère de la rappeler en entier. Au sens du paragraphe 1, il y a lieu d'entendre par «forfait» «la combinaison préalable d'au moins deux des éléments suivants, lorsqu'elle est vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris et lorsque cette prestation dépasse 24 heures ou inclut une nuitée:

a) transport;

b) logement;

c) autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement représentant une part significative dans le forfait».

La disposition en cause précise en outre que «la facturation séparée de divers éléments d'un même forfait ne soustrait pas l'organisateur ou le détaillant aux obligations de la présente directive».

4. Les paragraphes suivants de l'article 2 de la directive contiennent d'autres définitions encore, se rapportant aux sujets parties au rapport contractuel. Par «organisateur» on entend «la personne qui, de façon non occasionnelle, organise des forfaits et les vend ou offre à la vente directement ou par l'intermédiaire d'un détaillant». Le «détaillant» est «la personne qui vend ou offre à la vente le forfait établi par l'organisateur». Enfin, le «consommateur» est «la personne qui achète ou s'engage à acheter le forfait (le contractant principal), ou toute personne au nom de laquelle le contractant principal s'engage à acheter le forfait (les autres bénéficiaires), ou toute personne à laquelle le contractant principal ou un des autres bénéficiaires cède le forfait (le cessionnaire)».

5. Revêt en outre de l'importance l'article 7 de la directive, disposition dont l'interprétation a été expressément demandée et en vertu de laquelle «L'organisateur et/ou le détaillant partie au contrat justifient des garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur».

L'article 9, enfin, requiert des États membres qu'ils mettent en oeuvre les mesures nécessaires pour se conformer à la directive au plus tard le 31 décembre 1992. Dans le cas de la république d'Autriche, toutefois, conformément au texte de l'acte d'adhésion à l'Union européenne, le délai requis aux fins de la mise en oeuvre est le 1er janvier 1995.

6. Dans l'ordre juridique autrichien, la directive a été transposée par une série de mesures à caractère normatif. Pour ce qui importe aux fins de la solution des questions d'interprétation, l'article 7 de la directive a été mis en oeuvre par le Reisebüro-Sicherungsverordnung (le décret relatif aux garanties déposées par les agences de voyages) du 15 novembre 1994. Ledit décret est applicable uniquement aux voyages à forfait réservés après le 1er janvier 1995 et dont la date de départ est fixée, au plus tôt, au 1er mai 1995. L'article 3 dispose, en son paragraphe 1, que l'organisateur du voyage doit, en souscrivant un contrat d'assurance auprès d'une compagnie d'assurances habilitée à opérer en Autriche, garantir au voyageur: a) le remboursement des fonds déjà versés dès lors qu'une partie des prestations ou leur totalité n'a pas été fournie en raison de l'insolvabilité de l'organisateur; b) le remboursement des frais nécessaires au rapatriement, engendrés à leur tour par l'insolvabilité de l'organisateur touristique. Le paragraphe 2 dispose que le capital assuré doit s'élever au minimum à 5 % du chiffre d'affaires réalisé par l'organisateur au trimestre correspondant de l'année civile précédente, pourcentage qui s'élève à 10 % lorsque l'organisateur a perçu des acomptes supérieurs à 10 % du prix du voyage ou le solde du prix du voyage plus de 10 jours avant le départ. Au cours de la première année d'activité, le montant du capital doit être évalué sur la base d'une estimation du chiffre d'affaires présumé de l'organisateur. Enfin, il y a lieu d'observer que l'article 4 du règlement concède à l'organisateur la faculté de couvrir le risque également par la constitution d'une garantie bancaire irrévocable et inconditionnelle souscrite auprès d'un établissement de crédit autorisé à exercer en Autriche ou par la fourniture d'une déclaration de garantie similaire par un organisme de droit public, par laquelle le garant s'engage à verser les prestations dues au voyageur sur la base d'un contrat d'assurance conforme à l'article 3.

Les faits et les questions préjudicielles

7. Les demandeurs au principal sont tous abonnés au quotidien autrichien Neue Kronenzeitung. En novembre 1994, la société éditrice du quotidien a décidé d'offrir aux abonnés, en récompense de leur fidélité, un voyage en collaboration avec l'agence Arena-Club-Reisen. Il s'agissait de séjours de 4 ou 7 jours dans des localités touristiques à l'étranger. L'offre comprenait les prestations suivantes: voyage en avion avec prise en charge à bord, transfert de l'aéroport à l'hôtel et vice-versa, nuitées avec petit déjeuner, hébergement en chambre double (ou en chambre individuelle contre versement d'un supplément), visites accompagnées d'un guide de langue allemande.

8. Conformément à l'offre reçue, il était demandé aux abonnés de s'acquitter uniquement des taxes aéroportuaires autrichiennes de 40 ÖS par personne et de la taxe grecque de 280 ÖS par personne. En outre, au cas où il déciderait de partir seul, l'abonné était tenu de payer la somme de 500 ÖS par nuit à titre de supplément pour chambre individuelle. Au cas où des personnes accompagneraient l'abonné, il leur était demandé par contre de payer l'intégralité du prix indiqué dans une plaquette jointe à l'offre. L'éditeur adressait donc à ses abonnés des bons de voyage au moyen desquels ces derniers pouvaient réserver un voyage particulier, en choisissant entre différentes périodes. Par la suite, l'abonné recevait une confirmation de réservation de la part de la société organisatrice; c'est à cette dernière que devait être versé un acompte égal à 10 % du montant mis à sa charge, le solde devant être réglé au plus tard 10 jours avant le départ.

9. Les demandeurs au principal ont réservé leurs voyages entre le 19 novembre 1994 et le 12 avril 1995; certains entendaient voyager seuls, d'autres en compagnie d'une ou plusieurs personnes. Le voyage aurait dû se dérouler, selon les réservations, entre le 10 avril et le 23 juillet 1995.

10. L'offre a connu un succès bien plus important que celui auquel s'attendaient les organisateurs. Alors que l'agence de voyages avait planifié une capacité de vol pour 30 000 personnes, la réservation a été effectuée pour 52 260 abonnés, accompagnés de 33 041 personnes. L'organisateur a par conséquent rencontré de graves difficultés sur le plan de l'organisation, faute de pouvoir disposer de davantage de places dans les avions, ce qui s'est traduit par des difficultés financières. Le 4 juillet 1995, à la demande de la société Arena-Club-Reisen elle-même, une procédure de faillite a donc été ouverte. Deux des requérants n'ont pu effectuer leur voyage à cause de l'insolvabilité de l'organisateur, alors que, pour les quatre autres, le voyage avait déjà été précédemment annulé pour manque de places. Tous les demandeurs avaient toutefois versé intégralement le montant des frais de voyage.

11. Il ressort du texte de l'ordonnance de renvoi que, à défaut d'obligation légale, aucune garantie n'avait été prestée pour ce qui est des paiements effectués par les demandeurs qui avaient réservé en 1994. Deux des trois intéressés ont donc tenté de faire valoir leur créance dans le cadre de la procédure de faillite de la société organisatrice, sans toutefois obtenir de résultat. La garantie visée dans le règlement précité de novembre 1994 existait en revanche en faveur des trois autres demandeurs, lesquels avaient réservé, après le 1er janvier 1995, des voyages à effectuer postérieurement au 1er mai 1995. Pour ces clients, une garantie bancaire de plus de 4 000 000 ÖS avait été constituée, mais n'avait pu servir à couvrir que 23,38 % des frais de voyage réglés par les demandeurs.

12. Dans les affaires pendantes devant le juge a quo, tous les demandeurs ont donc demandé que soit constatée la responsabilité de la république d'Autriche pour violation de l'obligation, imposée par le traité, de mettre en oeuvre, fidèlement et en temps utile, la directive. Partant, ils ont sollicité la condamnation de l'État à l'indemnisation du préjudice, à hauteur des sommes versées et non récupérées à la suite de la faillite de la société organisatrice des voyages.

13. Le Landesgericht Linz a décidé de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La sphère de protection de l'article 7 de la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (ci-après la directive), s'étend-elle également aux voyages pour lesquels le souscripteur paie, dans le cadre du contrat,

a) s'il voyage seul, outre les taxes d'aéroport (taxes sur les départs à l'étranger), uniquement le supplément pour chambre individuelle ou

b) s'il est accompagné au moins d'une autre personne payant à taux plein, uniquement les taxes d'aéroport,

tandis qu'il ne doit régler aucune contrepartie pour le voyage en avion et les nuitées en chambre à plusieurs lits?

2) Les voyages de ce type relèvent-t-ils du champ d'application de la directive même lorsqu'ils sont offerts par le quotidien qui connaît le plus grand tirage dans un État membre au profit exclusif de ses abonnés, dans le cadre d'une action publicitaire illicite en droit de la concurrence, à titre de cadeau?

En cas de réponse affirmative aux questions nos 1 et 2:

3) L'article 7 de la directive a-t-il été transposé dans les délais si la réglementation nationale publiée le 15 novembre 1994 ne s'applique qu'aux voyages, vacances et circuits à forfait réservés après le 1er janvier 1995 et dont la date de départ était fixée au plus tôt au 1er mai 1995, notamment

a) eu égard à la participation de la république d'Autriche à l'Espace économique européen à compter du 1er janvier 1994, et,

b) compte tenu de l'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne au 1er janvier 1995?

En cas de réponse négative à la question n° 3:

4) L'absence de transposition dans les délais du seul article 7 de la directive constitue-t-elle en soi une violation caractérisée du droit communautaire et ouvre-t-elle ainsi droit à réparation pour les victimes, lorsque l'État membre a adopté dans les délais des mesures conformes aux objectifs pour transposer toutes les autres dispositions de la directive?

5) L'article 7 de la directive doit-il être interprété en ce sens que les objectifs qu'il poursuit ne sont pas atteints dans le cas où une réglementation nationale

a) n'impose, pour la couverture du risque, qu'un contrat d'assurance ou une garantie bancaire dont le montant garanti (montant assuré) doit être égal au moins à 5 % du chiffre d'affaires réalisé par l'organisateur, dans le cadre de son activité, au cours du trimestre correspondant de l'année civile précédente,

b) fait seulement obligation à l'organisateur, lors de sa première année d'exercice, pour la fixation du montant garanti (montant assuré), de partir de l'estimation du chiffre d'affaires correspondant à l'activité d'organisateur de voyages envisagée,

c) ne tient pas compte, ce faisant, de l'augmentation du chiffre d'affaires de l'organisateur intervenant pendant l'année en cours et

d) ne prévoit aucune obligation de contrôle à la charge de l'État membre, en vue de contrôler les sommes garanties nécessaires?

6) Existe-t-il entre une transposition tardive ou incomplète de l'article 7 de la directive et un préjudice subi de ce fait par un consommateur un lien de causalité direct engageant la responsabilité de l'État membre, obligeant celui-ci au remboursement intégral des fonds non garantis, lorsque l'État démontre que des agissements illicites de l'organisateur (tiers) ou une augmentation du risque tout à fait exceptionnelle et imprévisible constituent la cause (ou l'une des causes essentielles) du dommage?»

En ce qui concerne les première et deuxième questions préjudicielles

14. Par ses deux premières questions, le juge autrichien demande à la Cour si les voyages réservés par les demandeurs au principal rentrent dans le champ d'application de la directive. Selon l'ordonnance de renvoi, le doute viendrait du fait qu'en l'espèce le voyage avait été offert «en cadeau» aux abonnés du quotidien, de sorte que le contractant principal n'était pas tenu de verser une somme telle que l'on puisse la considérer comme la contre-prestation du voyage offert.

15. Disons d'emblée que nous estimons réunies, dans le cas de tous les demandeurs au principal, les conditions requises par la directive pour qu'un service touristique puisse rentrer dans son champ d'application. Il s'agit sans aucun doute d'un service forfaitaire au sens de l'article 2, point 1, de la directive, étant donné que les voyages en question comprenaient le vol, les nuitées, ainsi que d'autres services touristiques non accessoires aux deux premiers, parmi lesquels des visites touristiques en compagnie d'un guide de langue allemande.

16. Il est en revanche moins évident que les conditions requises dans la première partie de cette disposition et à l'article 1er de la directive soient réunies. Le gouvernement autrichien conteste en effet que l'on soit en l'espèce en présence d'un forfait «vendu ou offert à la vente pour un prix tout compris» sur le territoire communautaire. A son avis, le voyage réservé par les demandeurs au principal a été offert, et non vendu, aux abonnés du journal. Au soutien de sa thèse, le gouvernement autrichien observe qu'il résulte du contexte et de la lettre de la directive que l'on n'est en présence d'un «forfait» que s'il existe un lien étroit entre la prestation offerte par l'organisateur ou le détaillant et la contre-prestation à charge du consommateur. Ce dernier devrait en effet acquitter un prix correspondant à la contre-valeur de la prestation globale et calculé en fonction de celle-ci, même dans le cas où le paiement ne couvre pas nécessairement tous les coûts.

17. Nous ne croyons pas que l'on puisse partager l'interprétation avancée par le gouvernement autrichien, et cela pour une série de motifs. Il faut tout d'abord rappeler que les dispositions de la directive doivent être interprétées à la lumière du critère - d'application générale - suivant lequel, en cas de doute, ces dispositions doivent être entendues de la manière la plus favorable possible au bénéficiaire de la protection, à savoir le consommateur de services touristiques. Telle est la conclusion à laquelle on aboutit sur la base d'une analyse systématique du texte et des finalités de la directive, également à la lumière de son préambule . Des huitième au onzième considérant, qui se réfèrent aux exigences d'harmonisation , ainsi que du vingt et unième considérant, relatif aux obligations de l'organisateur visées à l'article 7, et du vingt-deuxième considérant, qui précise la nature des dispositions protégeant le consommateur - règles minimales, susceptibles uniquement de dérogations in melius -, on peut déduire que le souci principal qui a motivé l'intervention d'harmonisation est celui de promouvoir une protection efficace et élevée des droits des consommateurs. L'ensemble de la directive, et en particulier ses articles 3 à 8 , contient des dispositions qui tendent clairement vers une large protection des droits de la partie la plus faible du contrat de voyage. Pour ce qui est de la prescription faisant l'objet des questions préjudicielles, la Cour a déjà précisé que «l'objectif de l'article 7 de la directive est de protéger les consommateurs contre les risques économiques découlant de l'insolvabilité ou de la faillite de l'organisateur». Il n'est pas non plus sans importance que la directive ait été adoptée sur la base juridique de l'article 100 A du traité, dont le paragraphe 3 requiert que les mesures d'harmonisation en matière de protection des consommateurs soient basées sur un niveau de protection élevé .

18. Cela posé, il convient en outre de souligner le fait que le texte de la directive ne contient aucun élément dont on puisse déduire qu'un service touristique ne rentre pas dans son champ d'application lorsque le prix versé par le consommateur ne correspond pas à la valeur économique de la contre-prestation, ou bien lorsque la contribution financière exigée du consommateur n'est imputée qu'à un seul des éléments du forfait. Et on ne peut pas non plus inférer de conclusion différente, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement autrichien, du libellé du neuvième considérant de la directive: ce dernier a exclusivement pour objet de souligner l'importance d'une démarche d'harmonisation face aux disparités existantes, entre les législations nationales, sous l'angle des modalités de protection des consommateurs de services touristiques. Ces disparités, précise-t-on dans le considérant, dissuadent les consommateurs d'acquérir ces forfaits en dehors de leur propre État membre, davantage encore que dans le cas de l'achat d'autres services, étant donné que «le caractère particulier des prestations fournies dans un forfait suppose en général le déboursement anticipé de sommes importantes». Il est donc évident que la précision contraire contenue dans le texte que nous venons de rappeler ne peut avoir un rapport quelconque avec la sphère d'application objective de la directive, en ce sens qu'elle ne saurait être utilisée pour en limiter la portée.

19. On ne saurait par contre mettre en doute que le service touristique objet de l'offre du journal a été vendu dans le cadre d'une relation de nature clairement synallagmatique, et que le prix exigé en contrepartie a été, dans sa totalité, réglé d'avance par les consommateurs. Et cela est vrai, tant en ce qui concerne les abonnés qui entendaient voyager seuls (auxquels on faisait payer une chambre individuelle, outre les taxes d'aéroport) que par rapport à ceux qui avaient réservé en étant accompagnés (et auxquels on demandait simplement de verser les taxes d'aéroport). Certes, le montant réduit de la somme exigée des consommateurs limitera à son tour le préjudice subi en cas d'insolvabilité de l'organisateur et, partant, l'éventuelle responsabilité de l'État en cas d'absence totale ou partielle de transposition de la directive, mais nous ne pensons pas qu'il soit correct d'aller jusqu'à en déduire l'exclusion des services dont il s'agit du champ d'application de la directive. Pour ce qui est des abonnés qui entendaient jouir de l'offre ensemble avec des personnes accompagnatrices, nous considérons en outre qu'il n'est pas sans importance que l'abonné ait été invité à verser le prix à taux plein, imputé formellement aux personnes accompagnatrices . Ces dernières n'auraient pu accéder aux voyages offerts par le journal sans l'entremise d'un abonné, de sorte que l'on peut estimer en définitive, en accord avec les observations formulées par le gouvernement du Royaume-Uni, que, dans des cas de ce genre, le «forfait» devrait être entendu de manière unitaire: le prix payé par l'abonné, qu'il soit imputé à ce dernier ou à la personne qui l'accompagne, fonctionne comme une contrepartie de la participation de l'un et de l'autre au voyage mis en vente par l'organisateur. Dans cette optique, il s'agit sans aucun doute de services touristiques rentrant dans le champ d'application de la directive.

20. Il y a lieu en outre d'ajouter, par rapport à tous les demandeurs, que la circonstance que le paiement ait été imputé sur un seul service (le transport aérien) ou à deux des services offerts (le transport aérien et l'hébergement) n'est pas de nature à changer les termes de la question. S'il en était ainsi - comme l'a observé le gouvernement du Royaume-Uni - l'organisateur du voyage à forfait pourrait éluder l'application des dispositions protectrices des consommateurs, en affectant tout simplement le paiement du prix à un seul des éléments du forfait.

21. En outre, il y a lieu de noter que l'inclusion du service touristique dont il s'agit dans le champ d'application de la directive résulte, pour ainsi dire, de la réalité des choses. Les consommateurs ont subi un dommage économique, étant donné que les sommes qu'ils ont avancées, bien que réduites par rapport à la valeur économique du voyage, n'ont pas été récupérées, sauf pour une part minime. Dans cette perspective, ils ont cherché en premier lieu à se prévaloir du système que la république d'Autriche avait mis en place précisément aux fins de garantir le résultat indiqué par l'article 7 de la directive, et ils ont bénéficié de ce régime, même si c'est pour une part minime.

22. Cette interprétation est enfin corroborée par le fait que le voyage offert aux abonnés du quotidien autrichien a été inséré dans un vaste rapport contractuel liant l'éditeur au consommateur, dans le cadre duquel le voyage apparaît comme complémentaire par rapport à l'abonnement au journal. Loin de se ramener à une forme de «cadeau gracieux» pour le consommateur, le voyage assume en effet une valeur promotionnelle - et donc économique - importante, étant donné qu'il tend évidemment à maintenir un rapport contractuel déjà en cours avec les abonnés au journal et à promouvoir l'image de celui-ci aux yeux des tiers.

23. Pour ce qui concerne la deuxième question, nous n'estimons pas nécessaire de nous y attarder. Le fait que le service touristique dont il s'agit a été offert dans le cadre d'une campagne promotionnelle trompeuse, expressément considérée comme non conforme aux règles de la concurrence par les juridictions supérieures de la république d'Autriche, ne change pas les termes de la question. Au contraire, la reconnaissance du caractère mensonger de l'offre, présentée par le quotidien comme «gratuite» alors qu'en fait elle ne l'était pas, sert tout au plus à confirmer que le service touristique dont il s'agit était en réalité une offre de vente à caractère onéreux, raison pour laquelle il ne pouvait pas ne pas rentrer dans le champ d'application de la directive.

24. Il ne nous semble pas non plus que l'on puisse reconnaître un meilleur sort à l'autre objection, avancée par le gouvernement autrichien, selon laquelle le voyage offert en l'espèce ne rentrerait pas dans le champ d'application de la directive en raison du fait que l'offre avait des destinataires bien déterminés (les abonnés au journal). Il est en effet évident que le champ d'application de la directive n'est pas limité aux services touristiques offerts à un nombre potentiellement illimité de consommateurs, et qu'il suffit à cet égard, d'une part, que ces services soient vendus ou offerts à la vente sur le territoire de la Communauté à un prix forfaitaire et, d'autre part, qu'ils comprennent au moins deux des éléments indiqués à l'article 2, point 1.

25. Pour les raisons qui précèdent, nous estimons que le service touristique dont il est question dans l'instance principale est compris dans le champ d'application de la directive.

En ce qui concerne la troisième question

26. Par sa troisième question, le juge a quo demande en substance de clarifier le point de savoir si l'article 7 de la directive a été correctement transposé dans l'ordre juridique autrichien, considération prise de ce que la mesure nationale de transposition, bien que publiée dans les délais, ne permet aux consommateurs d'accéder au système de garantie que pour ce qui est des voyages réservés après le 1er janvier 1995 et pour lesquels la date de départ avait été fixée au plus tôt au 1er mai 1995.

27. Il convient de dire tout d'abord que l'appréciation de cette question doit se faire par rapport à la date (1er janvier 1995) à laquelle la république d'Autriche était obligée de mettre en oeuvre la directive à la lumière de l'acte d'adhésion à l'Union européenne. Par contre, la circonstance que la république d'Autriche ait été, à partir du 1er janvier 1994, tenue de respecter les mêmes règles en tant que partie à l'accord sur l'Espace économique européen ne revêt à l'évidence aucune importance. Il appartient en effet non à la Cour de justice des Communautés européennes, mais à la Cour AELE d'interpréter le texte de la directive en vue d'apprécier le comportement de la république d'Autriche pour la période de temps antérieure à l'adhésion de celle-ci à l'Union européenne. Par conséquent, l'analyse qui suit se réfère exclusivement à l'appréciation des modalités par lesquelles la république d'Autriche a estimé devoir transposer dans son ordre juridique interne l'obligation, découlant de l'accord d'adhésion, de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour se conformer à la directive avant le 1er janvier 1995.

28. Cela dit, nous estimons que la réponse à cette question doit être négative. L'article 9 de la directive impose aux États membres d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer à toutes les dispositions de la directive au plus tard le 31 décembre 1992. Dans le cas de la république d'Autriche, le terme prévu, à la lumière du texte de l'acte d'adhésion, est le 1er janvier 1995. L'obligation de mettre en oeuvre les mesures d'application nécessaires pour garantir aux consommateurs les droits visés à l'article 7 incombe donc aux États membres à partir de la date à laquelle la directive aurait dû être transposée. C'est en effet précisément à partir de cette date que l'organisateur et/ou le détaillant partie au contrat doivent justifier, à suffisance de droit, qu'ils disposent de garanties propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur. Lesdites garanties auraient donc dû être à disposition des consommateurs, dans l'ordre juridique autrichien, à partir du 1er janvier 1995, et cela par rapport à tous les services touristiques rentrant dans le champ d'application de la directive et dont les consommateurs entendent bénéficier à partir de cette date. Le déplacement dans le temps de la protection au 1er mai 1995, en fonction de la date du déroulement du voyage, n'est donc pas autorisé par le texte de la directive.

29. La solution proposée trouve en outre sa confirmation dans le texte de l'arrêt Dillenkofer e.a., précité. En effet, invitée en l'occurrence par le juge allemand à se prononcer sur une question analogue à celle déférée par le Landesgericht Linz, la Cour a eu l'occasion de préciser, au point 50 de son arrêt, que, «pour assurer la mise en vigueur complète de l'article 7 de la directive, les États membres devaient adopter, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires pour garantir, dès le 1er janvier 1993, aux acheteurs de voyages à forfait le remboursement des fonds déposés et leur rapatriement en cas d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur».

30. Il reste toutefois encore à identifier la portée de l'obligation, visée à l'article 9 précité et dans les dispositions de l'acte d'adhésion, de mettre en oeuvre, dans le délai indiqué, les mesures nécessaires pour se conformer à la directive. Pour ce qui concerne l'article 7, il s'agit donc de clarifier si l'on doit tenir pour satisfaite ladite obligation lorsqu'un État membre se borne à requérir des organisateurs qu'ils assurent le remboursement des sommes déposées et le rapatriement du consommateur au regard de services touristiques - bien entendu rentrant dans le champ d'application de la directive - réservés et acquis après la fin du délai de transposition, ou au contraire si la protection du consommateur doit être étendue à tous les voyages effectués ou à effectuer après la date critique (en l'occurrence, le 1er janvier 1995), indépendamment de la date de la réservation et de l'achat du forfait touristique.

La réponse à cette question revêt une importance particulière en l'espèce, étant donné que certains des demandeurs au principal avaient réservé et acheté les voyages avant l'expiration du délai prévu pour la transposition de la directive, alors que le départ était prévu pour une date postérieure au 1er janvier 1995.

31. Il convient d'indiquer d'emblée que la directive ne précise pas expressément si le régime prévu par ce texte doit ou non s'appliquer également aux contrats en cours au moment de sa transposition. Elle se borne à préciser, en recourant à la formule générale insérée à l'article 9, l'obligation des États membres de mettre en vigueur les mesures nécessaires pour se conformer à la directive avant une date déterminée.

32. Nous estimons que la protection offerte aux consommateurs par l'article 7 de la directive est également applicable aux contrats de voyage conclus antérieurement à la date critique sus-indiquée, mais devant être honorés postérieurement à cette date. L'intervention du nouveau régime, de nature à modifier in pejus la position contractuelle de l'organisateur du service touristique et/ou du détaillant se traduit en une règle générale de comportement à partir de la date à laquelle la directive doit avoir été transposée, dans le chef de celui qui exerce cette activité économique particulière.

33. La nature de la disposition en question, qui exprime un intérêt digne d'une protection particulière dans l'ordre juridique communautaire - celui d'apporter une garantie à la partie faible qui a souscrit le forfait - milite en faveur de cette interprétation. Nous avons déjà eu l'occasion d'analyser le texte et le préambule de la directive et, en particulier, les différences quant à la position contractuelle des différentes parties au rapport obligatoire, et de clarifier le fait que, bien que s'agissant formellement d'une mesure d'harmonisation au titre de l'article 100 A du traité destinée à parachever le marché intérieur, la directive a manifestement pour objectif principal de protéger le consommateur . Cette tendance trouve d'ailleurs une confirmation dans l'orientation plus générale de l'ordre juridique communautaire en faveur du consommateur. Différents éléments textuels attestent cette politique législative. On peut à cet égard renvoyer non seulement aux règles du traité précédemment rappelées , mais également à une production législative intense qui a comme objectif d'atteindre, surtout dans les rapports contractuels, un niveau élevé de protection des intérêts des consommateurs .

34. Si la protection prévue à l'article 7 exprime un intérêt digne de protection particulière dans l'ordre juridique communautaire, il apparaît tout à fait justifié de considérer que, à partir de la date ultime à laquelle la directive aurait dû être transposée, les contrats - à exécution différée - en cours entre un organisateur et un consommateur peuvent subir, au regard des prestations encore à effectuer, des adaptations automatiques par l'effet du nouveau cadre législatif. Et cela, même si, comme il a déjà été indiqué, ces adaptations comportent une reformation in pejus de la position contractuelle de la partie «forte» du rapport obligatoire. Entre les intérêts en conflit - celui de maintenir le caractère synallagmatique tel qu'il résulte du contrat stipulé et celui de protection de la partie «faible» du rapport - il est manifeste que l'ordre juridique communautaire a entendu privilégier le second, en accord, au demeurant, avec l'orientation des ordres juridiques nationaux en la matière.

35. La solution présentement indiquée - il convient de le préciser - est pleinement conforme également à la lettre de la disposition laquelle - comme précédemment rappelé - se borne à imposer aux organisateurs et/ou détaillants de voyages à forfait l'obligation d'assurer des garanties déterminées au consommateur de services touristiques à partir de la date indiquée dans la directive, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre contrats «nouveaux» et contrats en cours. La protection doit donc en tout cas être assurée, dès lors qu'il s'agit de services qui, d'une part, rentrent dans le champ d'application de la directive et, d'autre part, dont la jouissance est différée après l'échéance du délai de transposition, sans qu'il y ait lieu de considérer à cet égard d'autres éléments tels que la date de la réservation ou du paiement.

36. Il y a lieu enfin d'observer que l'interprétation de l'article 7, telle qu'elle a été fournie dans l'arrêt Dillenkofer e.a., précité, ne va pas à l'encontre de la conclusion proposée. Dans cet arrêt, la Cour a précisé que, «pour assurer la mise en vigueur complète de l'article 7 de la directive, les États membres devaient adopter, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires pour garantir, dès le 1er janvier 1993, aux acheteurs de voyages à forfait le remboursement des fonds déposés et leur rapatriement en cas d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur» . La garantie en cause doit donc être fournie, selon la Cour, à compter de la date ultime pour la transposition de la directive, étant entendu que la date de conclusion du contrat de voyage - qui peut, bien évidemment, être antérieure - ne revêt aucune importance au regard de l'économie de la motivation.

37. Nous estimons par conséquent que, au stade de la mise en oeuvre de la directive, l'État membre était tenu de garantir la protection prévue à l'article 7 également en ce qui concerne les contrats en cours au moment de l'expiration du délai de transposition. Pour ce qui est du présent cas d'espèce, la république d'Autriche aurait dû assurer, en cas de faillite ou d'insolvabilité de l'organisateur, le remboursement des frais exposés et le rapatriement du consommateur par rapport à tous les voyages touristiques effectués ou à effectuer, indépendamment de la date de conclusion du contrat.

En ce qui concerne la quatrième question

38. Par sa quatrième question, le juge a quo demande en substance à la Cour de clarifier le point de savoir si le défaut d'adoption des mesures nécessaires aux fins de la transposition de l'article 7 de la directive constitue en soi une violation grave et manifeste du droit communautaire, lorsque l'État membre a satisfait à l'obligation de mise en oeuvre pour ce qui est de toutes les autres prescriptions de la directive.

39. Nous estimons qu'il y a lieu de répondre par l'affirmative à cette question. L'appréciation du comportement de l'État membre par rapport au respect de l'obligation de mise en oeuvre d'une directive dans le délai prévu ne saurait être réduite à une question purement quantitative. Il n'est pas permis, à notre sens, de créer une «gradation» entre les dispositions d'une directive pour apprécier la gravité ou non de l'infraction commise par l'État. Ce qui compte, une fois constaté le manquement de l'État membre par rapport à son obligation de transposition - ne serait-ce que d'une seule disposition de la directive -, c'est exclusivement la présence des trois conditions requises par la jurisprudence de la Cour aux fins de la détermination d'une obligation de l'État à l'indemnisation des dommages subis par les particuliers par suite de la violation du droit communautaire. Tout d'abord, il est nécessaire que la disposition non transposée de la directive entende conférer des droits aux particuliers; ensuite, que le contenu de ces droits puisse être déterminé sur la base des dispositions de la directive; enfin, qu'il existe un lien de causalité entre la violation de l'obligation à charge de l'État et le dommage subi par les sujets lésés . S'il est vrai que dans la jurisprudence postérieure à l'arrêt Francovich e.a. la Cour a mis en lumière le fait que, pour que l'État puisse être tenu pour responsable, la violation du droit communautaire dont il s'agit doit être suffisamment grave et manifeste , dans l'arrêt Dillenkofer e.a., précité, la Cour a précisé que, «lorsque ... un État membre, en violation de l'article 189, troisième alinéa, du traité, ne prend aucune des mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive, dans le délai que celle-ci a imparti, cet État membre méconnaît, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs» . Le défaut d'adoption des mesures nécessaires aux fins de la transposition d'une directive constitue donc déjà en soi une violation grave et manifeste du droit communautaire.

40. Certes, dans l'arrêt précité, la Cour s'est référée à la circonstance que l'État membre n'avait adopté aucune des mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par la directive en question. Dans la présente affaire, l'État membre dont le comportement est en cause fait au contraire observer qu'il a pris en temps utile les mesures nécessaires aux fins de la mise en oeuvre des prescriptions de la directive autres que l'article 7. Toutefois, nous ne considérons pas que l'on puisse tirer de ces circonstances les conséquences indiquées par le gouvernement autrichien. Il suffit en effet d'observer, pour écarter l'objection, que, s'il est vrai qu'à l'époque des faits la République fédérale d'Allemagne n'avait pris aucune mesure interne aux fins de la mise en oeuvre de la directive, dans l'affaire Dillenkofer e.a. on discutait exclusivement de la responsabilité de la République fédérale d'Allemagne consécutive aux dommages causés aux particuliers du fait de l'absence de mise en oeuvre de l'article 7. Par conséquent, le renvoi, opéré dans le passage cité de l'arrêt, au défaut d'adoption d'une quelconque mesure de mise en oeuvre doit être rapporté aux mesures nécessaires pour atteindre un résultat spécifique, à savoir l'octroi aux consommateurs du droit à récupérer les sommes déposées et le droit au rapatriement en cas d'insolvabilité ou de faillite de l'organisateur du voyage et/ou du détaillant.

41. Il suffit donc, aux fins de la reconnaissance de la responsabilité de l'État membre (bien entendu, en présence de toutes les autres conditions précédemment indiquées), que le défaut de mise en oeuvre, ne serait-ce que d'une seule prescription d'une directive, ait causé des dommages. La circonstance que l'État membre ait satisfait, de manière correcte et en temps utile, aux obligations imposées par d'autres dispositions de la directive n'exclut pas que la violation du droit communautaire imputable à l'État soit grave et manifeste, et donc de nature à engendrer un droit à réparation en faveur des particuliers lésés. Les autres dispositions de la directive pourraient en effet n'avoir aucun lien avec le droit reconnu au particulier par la disposition non transposée, de sorte qu'il serait paradoxal d'aboutir à la conclusion que le droit à indemnisation des particuliers puisse être conditionné par le comportement de l'État membre par rapport à d'autres dispositions totalement étrangères à sa situation juridique et donc à l'objet du litige.

42. Il convient enfin de souligner que la jurisprudence de la Cour relative à la responsabilité de l'État membre pour violation du droit communautaire, s'agissant de la violation de l'obligation de transposer en temps utile et fidèlement une directive communautaire, tend à garantir aux particuliers la réparation du dommage qu'ils ont subi du fait qu'ils n'ont pu, à cause de l'absence de mise en oeuvre, exercer un droit qui leur était conféré par les dispositions de la directive. Il y a donc lieu d'exclure, aux fins de l'évaluation de la gravité du comportement de l'État, des considérations autres, telles que celles afférentes au comportement général de l'État membre par rapport à l'obligation de mise en oeuvre de l'ensemble des dispositions de la directive. Il s'agit en effet d'appréciations qui concernent le rapport entre les États membres et la Communauté, mais qui n'ont rien à voir avec la protection du particulier vis-à-vis d'un comportement spécifique de l'État, portant atteinte à ses droits.

43. Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour de répondre à la quatrième question du Landesgericht Linz en ce sens que l'absence de transposition dans les délais prescrits du seul article 7 de la directive constitue en soi une violation grave et manifeste du droit communautaire, ouvrant droit à réparation pour les particuliers ayant subi un dommage par suite de cette abstention de l'État membre.

En ce qui concerne la cinquième question

44. La cinquième question concerne les modalités concrètes de transposition en droit autrichien de l'article 7 de la directive. Il convient de rappeler que certains demandeurs au principal, en raison de la date de la réservation et du déroulement prévu du voyage, ont pu accéder au régime de garantie prévu par le décret de transposition de la directive, en n'obtenant toutefois qu'une satisfaction minime de leurs droits. Le juge national se demande donc si le but poursuivi par la disposition en question a été atteint lorsqu'une législation nationale se limite à imposer aux organisateurs de voyages les charges requises par la législation autrichienne.

45. A cet égard, il est nécessaire de dire tout d'abord que la Cour a déjà précédemment eu l'occasion d'observer qu'il découle du libellé même de l'article 7 de la directive «que cette disposition prescrit comme résultat de sa mise en vigueur l'obligation, pour l'organisateur, de disposer de garanties suffisantes propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur» . Pour assurer la mise en vigueur de cette disposition, l'État membre avait donc l'obligation d'adopter, dans le délai prescrit, toutes les mesures nécessaires pour en garantir la pleine efficacité et, partant, la réalisation du résultat prescrit par cette disposition . En d'autres termes, il ressort du libellé de l'article 7, tel qu'il a été interprété par la Cour, que les États membres ont une obligation de résultat: celui de garantir en tout état de cause, indépendamment des moyens utilisés, aux acquéreurs de voyages à forfait, le remboursement des fonds déposés et leur rapatriement en cas d'insolvabilité ou de faillite des organisateurs. Pour répondre à cette question, il suffit donc d'observer que l'objectif de l'article 7 de la directive n'a pas été atteint, étant donné que les consommateurs (demandeurs dans l'instance au principal), tout en mettant en jeu le régime de garantie prévu par le législateur autrichien dans le cadre d'une (prétendue) mise en oeuvre de la disposition, n'ont pas pu bénéficier du remboursement total des fonds déposés.

46. Nous ne considérons pas non plus que, en guise de justification du comportement de la république d'Autriche, l'on puisse estimer que la violation de l'article 189 du traité, imputable en l'espèce à la république d'Autriche et consistant dans le fait de ne pas avoir créé des instruments efficaces pour garantir les droits visés à l'article 7 de la directive, ne constitue pas une violation du droit communautaire suffisamment manifeste et grave et qui ne soit dès lors pas de nature à entraîner la responsabilité de l'État pour les dommages causés aux particuliers . Le gouvernement autrichien observe à cet égard que, à la lumière des éléments dont il disposait au moment de la transposition de la directive, il pouvait estimer de bonne foi que des mesures telles que celles prévues par le décret de 1994 auraient pu suffire à garantir le résultat indiqué par l'article 7 de la directive.

47. Bien que l'appréciation du point qui précède appartienne en principe au juge national, nous n'en considérons pas moins que la Cour dispose de toutes les informations nécessaires pour suggérer une solution sur le fond. Il suffit en effet d'observer que le résultat que l'article 7 de la directive impose aux États est clair et précis: la garantie du remboursement total des sommes déposées par le consommateur en vue d'un voyage à forfait. Certes, les États membres disposent d'une marge de manoeuvre étendue en ce qui concerne le choix des moyens, mais ces derniers doivent toutefois s'avérer efficaces pour atteindre l'objectif précité. En d'autres termes, du libellé de l'article 6, tel qu'interprété par la Cour dans l'arrêt Dillenkofer e.a., il ressort que l'État membre jouit d'une marge de pouvoir discrétionnaire uniquement par rapport au choix des modalités concrètes de poursuite d'un objectif nettement identifié par le texte de la disposition. Les modalités choisies ne seront jugées conformes à l'objectif que lorsqu'elles permettent in concreto aux consommateurs de récupérer les sommes déposées ou d'obtenir le rapatriement.

48. Or, les modalités concrètes prévues par le législateur autrichien étaient, à l'évidence, insuffisantes, et elles se sont en effet avérées telles quand les consommateurs ont tenté de faire valoir les droits qui leur étaient reconnus par l'article 7 de la directive. Ce résultat est manifeste, étant donné que le gouvernement autrichien, comme l'a justement relevé la Commission, requiert une garantie limitée tant du point de vue de son montant que de sa base de calcul, eu égard au fait que la somme garantie est calculée par rapport au chiffre d'affaires réalisé par l'agence l'année précédente ou, dans le cas de nouveaux opérateurs, sur la base du chiffre d'affaires prévu par l'opérateur lui-même. Le système mis en place par le décret autrichien apparaît donc structurellement hors d'état de tenir compte d'un événement tout à fait normal et prévisible dans le secteur économique dont il s'agit, tel qu'une augmentation importante du nombre des réservations par rapport au chiffre d'affaires de l'année précédente.

49. En outre, l'absence de mesures tendant à contrôler le comportement des organisateurs de voyages a également son importance, compte tenu de ce que dans l'arrêt Dillenkofer e.a., la Cour a précisé que «la mise en vigueur de l'article 7 n'aurait pas été complète si, dans le délai prescrit, le législateur national s'était limité à adopter le cadre juridique nécessaire pour imposer à l'organisateur l'obligation légale de justifier des mesures de garanties» .

50. Nous estimons donc que l'on peut assurément répondre à la cinquième question posée par le juge autrichien en ce sens que l'objectif poursuivi par l'article 7 n'est atteint que lorsque le consommateur de voyages à forfait obtient le remboursement total des sommes déposées, sans qu'il y ait lieu de considérer à cet égard - sous réserve toutefois de leur efficacité à cette fin - les mesures concrètement arrêtées par le législateur national, au stade de la mise en oeuvre, en vue de garantir la réalisation de cet objectif.

En ce qui concerne la sixième question

51. Par sa sixième et dernière question, le juge national demande à la Cour si la responsabilité de l'État membre pour violation du droit communautaire peut être exclue ou limitée lorsque cet État démontre l'existence d'agissements illicites de la part d'un tiers - dans le cas spécifique, de l'organisateur du voyage à forfait - ou d'une augmentation du risque tout à fait exceptionnelle et imprévisible. Il s'agit donc de clarifier le point de savoir si le lien de causalité entre le comportement de l'État et le préjudice subi par les particuliers peut être interrompu à cause des facteurs précités.

52. A cet égard, il convient de dire d'emblée qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier la présence ou non des conditions requises pour faire naître une obligation d'indemnisation, à charge de l'État, du préjudice engendré par une violation du droit communautaire. Partant, il incombe à la juridiction nationale, qui a une connaissance directe des faits de la cause, d'apprécier l'existence d'un lien de causalité entre le comportement illicite imputé à l'État membre et le dommage subi par les particuliers.

53. Cela étant, le gouvernement autrichien fait valoir que le dommage subi par les consommateurs se serait uniquement produit en raison d'un comportement imprudent de la part de sujets extérieurs à la république d'Autriche: à savoir, les organisateurs du voyage et l'éditeur du journal. Le gouvernement autrichien considère, dès lors, que le lien de causalité doit être exclu parce que le législateur n'aurait pu prévoir des événements exceptionnels liés au comportement d'un tiers, tels que le fait d'accepter un nombre de réservations supérieur aux capacités financières de l'agence Arena-Club-Reisen.

54. On ne saurait partager cette thèse. En effet, si la directive veille à imposer aux États membres l'obligation de prévoir un système de protection des consommateurs, de nature à leur apporter des garanties en cas d'insolvabilité ou de faillite des organisateurs ou détaillants de forfaits, il est évident que cette préoccupation a précisément pour but de protéger les consommateurs, parties faibles du contrat, par rapport justement à des comportements tels que ceux adoptés par Arena-Club-Reisen. Le lien de causalité suggéré entre la non-transposition ou la transposition incorrecte de la directive et le dommage subi par les particuliers ne doit certainement pas être remis en cause du fait d'un comportement illicite ou imprudent de la part de l'organisateur du voyage. En effet, c'est précisément eu égard à l'éventualité de comportements imprudents ou même d'événements exceptionnels ou imprévisibles que la directive impose ce régime spécial de protection visé à l'article 7. La république d'Autriche aurait donc dû arrêter les mesures nécessaires aux fins de la protection des consommateurs vis-à-vis, précisément, des agissements du genre de ceux perpétrés par Arena-Club-Reisen; le système retenu ne s'est pas, au contraire, avéré de nature à garantir le résultat imposé par la directive.

55. Sur la base de l'ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de répondre aux questions posées par le Landesgericht Linz comme suit:

«1) La protection visée à l'article 7 de la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, s'étend également aux voyages pour lesquels le contractant principal doit acquitter,

a) s'il voyage seul, outre les taxes d'aéroport (taxes sur les départs à l'étranger), le supplément pour chambre individuelle, ou

b) s'il est accompagné au moins d'une autre personne payant à taux plein, uniquement les taxes d'aéroport (taxes sur les départs à l'étranger).

2) Les voyages de ce type relèvent du champ d'application de la directive 90/314 même lorsqu'ils sont offerts par des journaux à grand tirage d'un État membre au profit exclusif de leurs abonnés, dans le cadre d'une campagne publicitaire trompeuse.

3) L'article 7 de la directive 90/314 s'oppose à ce qu'un État membre impose, lors de sa mise en oeuvre, que les droits des consommateurs y prévus soient garantis par rapport aux seuls voyages réservés après le 1er janvier 1995 et pour lesquels le départ était fixé à une date postérieure au 1er mai 1995.

4) L'absence de transposition dans les délais prévus du seul article 7 de la directive 90/314 constitue en soi une violation grave et manifeste du droit communautaire, ouvrant droit à réparation pour les particuliers ayant subi un préjudice économique à cause de cette violation.

5) L'objectif poursuivi par l'article 7 de la directive 90/314 n'est atteint que lorsque le consommateur de voyages à forfait obtient le remboursement total des sommes déposées, indépendamment des mesures concrètement arrêtées par le législateur national au stade de la mise en oeuvre.

6) Il existe un lien de causalité entre la transposition tardive ou incomplète de l'article 7 de la directive 90/314 et un préjudice subi par le consommateur, même en présence de comportements imprudents de la part de l'organisateur du voyage, ou d'une augmentation exceptionnelle du risque.»