Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 6 novembre 1997. - Laboratoires de thérapeutique moderne (LTM) contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Restitution pour l'utilisation de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produits polyvitaminés et produits contenant des acides aminés - Classement tarifaire. - Affaire C-201/96.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-06147
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Tarif douanier commun - Positions tarifaires - Produit dépourvu d'effet spécifique thérapeutique ou prophylactique - Classement en tant que «médicament» dans la position 3004 de la nomenclature combinée - Exclusion - Produit vendu exclusivement dans des officines pharmaceutiques et ayant la qualité de «médicament» au sens de la directive 65/65 - Défaut de valeur déterminante à l'égard du classement tarifaire
(Règlement du Conseil n_ 1010/86; directive du Conseil 65/65)
Un produit présenté sous forme de dragées composées de 6 250 UI de vitamine A, de quantités plus faibles de onze autres vitamines, de 550 mg de sucre, de 92,5 mg de cacao, ainsi que d'excipients, d'arômes et d'un enrobage, et préconisé dans la prévention ou la correction des carences vitaminiques liées à une alimentation insuffisante ou déséquilibrée ne peut faire l'objet d'une classification sous la position 3004 de la nomenclature combinée et, partant, ne relève pas du règlement n_ 1010/86, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique, lorsqu'il n'a été démontré ni que le produit a un effet thérapeutique et prophylactique nettement défini sur des fonctions précises de l'organisme humain ni qu'il est susceptible d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection.
Ne peut davantage, pour des raisons identiques, être classé sous la position 3004, et ne relève donc pas du règlement n_ 1010/86, un produit contenant, d'une part, une association d'acides aminés, de sels minéraux et d'oligo-éléments et, d'autre part, du ribonucléate de fer, de l'extrait aminé de globine, du vanadate de sodium, du glycocollate de cuivre, de l'iode et des excipients, et qui est indiqué dans des cas d'asthénie ou de baisse du rendement physique ou psychique, de convalescence, de surmenage, de manque d'appétit, d'amaigrissement et de vieillissement.
N'ont pas de valeur déterminante pour le classement de tels produits ni le fait qu'ils ont bénéficié d'autorisations de mise sur le marché en tant que «médicaments» délivrées par les autorités nationales compétentes conformément aux prescriptions de la directive 65/65, relative aux spécialités pharmaceutiques, ni leur qualité de «médicaments par présentation» au sens de la directive 65/65, ni encore le fait qu'ils sont uniquement distribués dans des officines pharmaceutiques.
Dans l'affaire C-201/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le tribunal administratif de Paris et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Laboratoires de thérapeutique moderne (LTM)
et
Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS),
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du règlement (CEE) no 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 94, p. 9), tel que modifié par l'article 9 du règlement (CEE) no 1714/88 de la Commission, du 13 juin 1988 (JO L 152, p. 23), ainsi que des chapitres 21 et 30 de la nomenclature combinée, telle qu'établie par le règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1),
LA COUR
(quatrième chambre),
composée de MM. H. Ragnemalm, président de chambre, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray (rapporteur), juges,
avocat général: M. M. B. Elmer,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour les Laboratoires de thérapeutique moderne (LTM), par Mes Eric Gicquel et Bernard Sansot, avocats au barreau de Paris,
- pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Philippe Lalliot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Michel Nolin, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Hervé Lehman, avocat au barreau de Paris,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales des Laboratoires de thérapeutique moderne, représentés par Mes Eric Gicquel et Bernard Sansot, du gouvernement français, représenté par M. Frédéric Pascal, attaché d'administration centrale à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. Michel Nolin, à l'audience du 6 février 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 mars 1997,
rend le présent
Arrêt
1 Par jugement du 3 avril 1996, parvenu à la Cour le 12 juin suivant, le tribunal administratif de Paris a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation du règlement (CEE) no 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 94, p. 9), tel que modifié par l'article 9 du règlement (CEE) no 1714/88 de la Commission, du 13 juin 1988 (JO L 152, p. 23), ainsi que des chapitres 21 et 30 de la nomenclature combinée, telle qu'établie par le règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant les Laboratoires de thérapeutique moderne (ci-après «LTM») au Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (ci-après le «FIRS») à propos du remboursement de restitutions à la production qui avaient été accordées à LTM en tant qu'entreprise utilisant du sucre dans la fabrication de certains produits chimiques.
3 Le règlement no 1010/86, tel que modifié par l'article 9 du règlement no 1714/88 à la suite de l'introduction de la nomenclature combinée (ci-après la «NC»), concerne l'octroi de restitutions aux entreprises utilisant du sucre pour la fabrication de certains produits chimiques.
4 Dans le but de développer le marché du sucre et de compenser la différence de prix entre le cours communautaire et le cours mondial, le règlement no 1010/86 accorde des restitutions à la production pour la fabrication de produits comprenant de la saccharose. Selon ses articles 1er et 2, paragraphe 1, la restitution est accordée par l'État membre sur le territoire duquel a lieu la transformation des «produits de base» en «produits chimiques» répertoriés à l'annexe du règlement. Les produits pharmaceutiques visés au chapitre 30 du tarif douanier commun (ci-après le «TDC») et, à la suite du règlement no 1714/88, au chapitre 30 de la NC figurent parmi ces produits chimiques.
5 Les faits qui fondent le litige au principal s'étant déroulés après l'introduction de la NC, seule celle-ci sera examinée dans le présent arrêt.
6 LTM fabrique et distribue des produits destinés à être vendus uniquement dans des officines pharmaceutiques et utilise du sucre pour la fabrication de certains d'entre eux, dont l'Alvityl et le Strongenol. Les deux produits ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (ci-après l'«AMM») délivrée par les autorités françaises au titre des dispositions de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO L 22, p. 369), en tant que «médicaments» au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive.
7 De 1989 à 1991, LTM a, sur le fondement du règlement no 1010/86, reçu du FIRS des restitutions à la production pour le sucre qu'elle utilise dans la fabrication de ses produits dénommés «Alvityl 50 dragées» et «Strongenol 20 ampoules».
8 En 1991, LTM a introduit auprès de l'administration des douanes françaises des demandes de renseignements pour déterminer la position de l'Alvityl et du Strongenol au sein de la NC. L'administration des douanes a répondu que ces deux produits devaient être classés dans la position 21 06 90 99 09 00 Q, qui concerne les «préparations alimentaires diverses non dénommées et non comprises dans une autre position».
9 Le 10 décembre 1992, au terme d'un contrôle FEOGA, l'administration des douanes a considéré que LTM avait bénéficié de restitutions à la production indues au motif que l'Alvityl et le Strongenol étaient des préparations alimentaires à classer dans le chapitre 21 de la NC et non des produits pharmaceutiques à classer dans le chapitre 30 de la NC.
10 En conséquence, le 12 juillet 1993, le FIRS a réclamé à LTM le remboursement des restitutions à la production qu'elle aurait indûment perçues pour un montant de 410 347,56 FF concernant le sucre utilisé entre le mois d'octobre 1989 et le mois de février 1991, ainsi que le paiement de pénalités pour la somme de 50 486,39 FF.
11 Par requête du 23 novembre 1993, LTM a introduit un recours auprès du tribunal administratif de Paris pour obtenir l'annulation du redressement opéré par le FIRS.
12 Estimant que l'issue du litige dépendait de l'interprétation des dispositions communautaires, le tribunal administratif de Paris a sursis à statuer pour demander à la Cour si, «compte tenu de leurs composition, présentation et fonctions, les produits `Alvityl 50 dragées' et `Strongenol 20 ampoules' relèvent de l'application du règlement no 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986».
13 A titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement no 1010/86 prévoit des règles relatives à l'octroi de restitutions aux entreprises utilisant du sucre pour la fabrication de certains produits chimiques et, notamment, les produits pharmaceutiques relevant du chapitre 30 de la NC. Ce règlement n'a toutefois pas pour objet le classement de certaines marchandises dans certaines positions de la NC, mais indique seulement les produits, avec leur code NC, pour la fabrication desquels une restitution à la production peut être octroyée.
14 Ainsi, un produit déterminé ne pourra relever du règlement no 1010/86 que s'il est à classer sous l'une des positions de la NC énumérées à son annexe.
15 Dans un cas tel que celui de l'espèce au principal, il apparaît que, parmi les différents chapitres, positions et sous-positions cités à l'annexe dudit règlement, seul le chapitre 30 est susceptible d'entrer en ligne de compte.
16 Afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a donc lieu de comprendre sa question comme visant à savoir si des produits tels que l'Alvityl 50 dragées et le Strongenol 20 ampoules relèvent du chapitre 30 de la NC et, partant, du règlement no 1010/86.
17 Il est de jurisprudence constante que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position de la NC (voir, pour le TDC, arrêts du 1er juin 1995, Thyssen Haniel Logistic, C-459/93, Rec. p. I-1381, point 8, et du 14 décembre 1995, Colin et Dupré, C-106/94 et C-139/94, Rec. p. I-4759, point 22). De plus, il existe des notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la NC, par la Commission européenne et, en ce qui concerne le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, par le conseil de coopération douanière et qui contribuent de façon importante à l'interprétation de la portée des différentes positions douanières sans toutefois avoir force obligatoire de droit (arrêts du 16 juin 1994, Develop Dr. Eisbein, C-35/93, Rec. p. I-2655, point 21, et Colin et Dupré, précité, point 21).
18 La position 30 04 de la NC englobe les «médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30 02, 30 05 ou 30 06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail».
19 Selon la première note figurant en tête du chapitre 30 de la NC, ce dernier ne comprend ni des aliments diététiques, enrichis ou pour diabétiques, ni des compléments alimentaires, ni des boissons toniques et eaux minérales, lesquels suivent leur régime propre établi à la section IV de la NC.
20 Au sein de cette dernière section, le chapitre 21 de la NC est intitulé «Préparations alimentaires diverses».
21 Selon les notes explicatives du conseil de coopération douanière qui s'y rapportent, la position 21 06, intitulée «Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs», comprend, entre autres, les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnés de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer. Néanmoins, ces notes précisent également que les préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues de ce chapitre et tombent dans les positions 30 03 ou 30 04 de la NC.
22 LTM soutient que, dès lors que les autorités compétentes françaises ont accordé une AMM pour l'Alvityl et le Strongenol, l'un et l'autre produits doivent être classés dans le chapitre 30 de la NC.
23 A cet égard, il convient de se référer aux considérations générales précédant les notes explicatives de la nomenclature combinée des Communautés européennes relatives au chapitre 30 de la NC, qui précisent que, «pour le classement dans ce chapitre, n'a pas de valeur déterminante la description d'un produit comme médicament dans la législation communautaire (autre que celle qui se réfère au classement dans la NC), dans la législation nationale des États membres ou dans toute pharmacopée».
24 La notion de produit pharmaceutique qui figure dans la NC se distingue en effet de celle de médicament qui apparaît dans la directive 65/65. Cette dernière directive a pour but à la fois d'éliminer, au moins partiellement, les entraves aux échanges communautaires de spécialités pharmaceutiques et de réaliser l'objectif essentiel qu'est la sauvegarde de la santé publique (arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, 227/82, Rec. p. 3883, point 14). La directive permet ainsi, en vue de favoriser les échanges et, en même temps, de protéger la santé publique, qu'un spectre relativement large de produits relève du régime de contrôle fixé dans la législation sur les médicaments. Il y a lieu de rappeler en outre que, dans l'arrêt du 21 mars 1991, Delattre (C-369/88, Rec. p. I-1487, points 27 et 29), la Cour a constaté, en ce qui concerne la directive 65/65, que la circonstance qu'un produit soit qualifié d'alimentaire dans un autre État membre ne saurait interdire de lui reconnaître, dans l'État intéressé, la qualité de médicament dès lors qu'il en présente les caractéristiques. La Cour a également reconnu dans cette affaire que, aussi longtemps que l'harmonisation des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé ne sera pas plus complète, des différences entre les États membres dans la qualification des produits dans le contexte de la directive subsisteront.
25 En revanche, le huitième considérant du règlement no 2658/87 prévoit «qu'il est indispensable que la nomenclature combinée et toute autre nomenclature qui la reprend en totalité ou en partie ... soient appliquées d'une manière uniforme par tous les États membres». Selon les dispositions finales de ce règlement, «le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre». Les dispositions de la NC doivent, par conséquent, être interprétées d'une manière identique par chacun des États membres.
26 Le fait qu'une AMM a été délivrée pour l'Alvityl et le Strongenol par les autorités compétentes françaises selon les dispositions de la directive 65/65 et, partant, que ces produits sont considérés comme des médicaments au regard de la législation de cet État n'implique donc pas nécessairement qu'ils doivent être classés en tant que produits pharmaceutiques dans la NC.
27 Il en va de même pour l'argument invoqué par LTM selon lequel l'Alvityl et le Strongenol sont des médicaments par présentation et sont uniquement distribués dans des officines. Bien que, selon la jurisprudence de la Cour, de tels éléments constituent des indices sérieux permettant de considérer les produits en cause comme des médicaments au sens de la directive 65/65, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises selon la NC doit, ainsi qu'il a été rappelé au point 17 du présent arrêt, être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives telles que définies dans le libellé de la position de la NC.
28 Or, les critères précisés dans les notes figurant en tête du chapitre 30 de la NC pour la classification tarifaire de produits dans ce chapitre ne font référence ni à la présentation ni aux lieux de vente de ces produits. Par conséquent, même si de tels éléments pouvaient être considérés comme pertinents, ils n'auraient pas de valeur déterminante pour la classification des produits dans la NC.$
29 Il y a lieu, par ailleurs, de rappeler que, dans l'arrêt du 14 janvier 1993, Bioforce (C-177/91, Rec. p. I-45, point 12), la Cour a affirmé qu'un produit pharmaceutique au sens de la position 30 04 de la NC présente un profil thérapeutique et, surtout, prophylactique nettement défini, dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain.
30 Il convient par conséquent d'examiner si des produits tels que l'Alvityl et le Strongenol présentent ces caractéristiques et, en particulier, s'ils sont susceptibles d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection.
L'Alvityl
31 Il ressort tout d'abord du dossier que, à l'époque des faits pertinents, une dragée d'Alvityl 50 dragées était composée de 6 250 UI de vitamine A, ainsi que de quantités plus faibles de onze autres vitamines. Certaines de ces vitamines, dont les vitamines A, B1, B2 et D, étaient présentes dans des quantités plusieurs fois plus élevées que les niveaux de l'apport de référence pour une population, déterminés par le comité scientifique de l'alimentation humaine.
32 Ensuite, une dragée d'Alvityl contenait 550 mg de sucre, 92,5 mg de cacao, ainsi que des excipients, des arômes et un enrobage.
33 Enfin, l'Alvityl 50 dragées était assorti de l'information suivante: «Ce médicament est préconisé dans la prévention ou la correction des carences vitaminiques liées à une alimentation insuffisante ou déséquilibrée».
34 LTM soutient que la synthèse clinique de l'Alvityl, annexée à ses observations écrites, démontre que ce produit est destiné au traitement et à la prévention de déficits multivitaminiques.
35 Néanmoins, il ressort aussi de cette synthèse que son usage est exclu pour lutter contre des carences spécifiques en l'une ou l'autre vitamine.
36 Lors de l'audience, le gouvernement français a déclaré, à cet égard, que la majorité des personnes qui consomment de l'Alvityl se soignent en augmentant l'apport journalier recommandé en vitamines, chaque dragée d'Alvityl correspondant à peu près à l'apport quotidien recommandé pour chaque vitamine.
37 Il n'a par ailleurs été démontré ni que l'Alvityl avait un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain ni qu'il était susceptible d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection.
38 Le fait que ce produit a bénéficié d'une AMM délivrée par les autorités compétentes de l'État, qu'il est un médicament par présentation selon les dispositions de la directive 65/65 et qu'il est uniquement distribué dans les officines ne compense en aucun cas l'absence de ces caractéristiques essentielles.
39 Dans ces conditions, un produit tel que l'Alvityl ne saurait être classé dans la position 30 04 de la NC en tant que médicament constitué par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail.
40 En revanche, le produit en cause a un effet sur l'état de santé général et présente les caractéristiques d'un complément alimentaire contenant des vitamines destinées à conserver l'organisme en bonne santé au sens des notes explicatives du conseil de coopération douanière. Or, comme cela a été précisé aux points 20 et 21 du présent arrêt, il existe une autre position de la NC, à savoir la position 21 06, qui est réservée aux produits ayant de telles caractéristiques.
Le Strongenol
41 Il ressort en premier lieu du dossier que le Strongenol est une association d'acides aminés, de sels minéraux et d'oligo-éléments. Il contient du ribonucléate de fer, de l'extrait aminé de globine, du vanadate de sodium, du glycocollate de cuivre, de l'iode et des excipients.
42 En deuxième lieu, les indications thérapeutiques le concernant sont les suivantes: «asthénie ou baisse du rendement physique et psychique, convalescence, surmenage, manque d'appétit, amaigrissement et vieillissement».
43 En troisième lieu, les indications thérapeutiques figurant sur la notice jointe au produit décrivent, dans des termes généraux, une série d'états très différents.
44 Enfin, la synthèse clinique du Strongenol inclut l'avertissement que le fer qu'il contient ne peut corriger une anémie ferriprive, mais risque d'en masquer les symptômes et d'en retarder le traitement.
45 Bien que LTM affirme qu'une insuffisance grave des apports d'iode au foetus peut entraîner des décès à la naissance, il n'a pas été démontré que le Strongenol était susceptible d'application dans la prévention ou le traitement d'une telle condition médicale ni dans la prévention ou le traitement d'une autre maladie ou affection. De façon plus générale, il n'a pas été démontré que le Strongenol avait un effet spécifique thérapeutique et, surtout, prophylactique nettement défini sur des fonctions précises de l'organisme humain, tel que l'exige l'arrêt Bioforce, précité.
46 Il convient de réitérer que le fait que ce produit a bénéficié d'une AMM délivrée par les autorités compétentes de l'État, qu'il est un médicament par présentation selon les dispositions de la directive 65/65 et qu'il est uniquement distribué dans les officines ne compense en aucun cas l'absence de ces caractéristiques essentielles.
47 Par conséquent, le Strongenol ne peut pas être classé dans la position 30 04 de la NC.
48 Il convient par ailleurs de rappeler que, dans l'arrêt Thyssen Haniel Logistic, précité, point 11, il a été constaté que les acides aminés, en tant que composants de base des protéines, peuvent être considérés comme des substances nutritives. En effet, les notes explicatives du conseil de coopération douanière relatives à la position 30 04, tout en précisant que les diverses dispositions énoncées dans le libellé de cette position ne s'appliquent ni aux aliments ni aux boissons, lesquels suivent leur régime propre, énoncent que les protéines comptent parmi les éléments nutritifs les plus importants contenus dans les aliments. En outre, des produits alimentaires sont classés dans le chapitre 21 de la NC.
49 Il y a donc lieu de répondre à la question posée que des produits dont la composition reprend des ingrédients identiques à ceux contenus dans l'Alvityl 50 dragées et le Strongenol 20 ampoules et dans les mêmes proportions ne peuvent faire l'objet d'une classification sous la position 30 04 de la NC, telle qu'elle est établie dans l'annexe du règlement no 2658/87, et, partant, ne relèvent pas du règlement no 1010/86.
Sur les dépens
50 Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(quatrième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le tribunal administratif de Paris, par jugement du 3 avril 1996, dit pour droit:
Des produits dont la composition reprend des ingrédients identiques à ceux contenus dans l'Alvityl 50 dragées et le Strongenol 20 ampoules et dans les mêmes proportions ne peuvent faire l'objet d'une classification sous la position 30 04 de la nomenclature combinée, telle qu'elle est établie dans l'annexe du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, et, partant, ne relèvent pas du règlement (CEE) no 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique.