61996J0186

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 décembre 1998. - Stefan Demand contre Hauptzollamt Trier. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Lait - Régime de prélèvement supplémentaire - Quantité de référence supplémentaire - Suspension temporaire - Conversion en une réduction définitive - Perte d'indemnités - Principes généraux du droit et droits fondamentaux. - Affaire C-186/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-08529


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Suspension temporaire d'un pourcentage des quantités de référence exemptes du prélèvement - Conversion en réduction définitive sans indemnité - Mesure frappant également les quantités supplémentaires acquises par les producteurs - Droit de propriété - Principes de proportionnalité et de protection de la confiance légitime - Violation - Absence

(Règlement du Conseil n_ 3950/92, art. 3, § 1, et 4, § 1)

Sommaire


Pour autant que les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, du règlement n_ 3950/92 ont converti, sans indemnité pour les producteurs, la suspension temporaire d'un pourcentage de la quantité de référence exempte du prélèvement sur le lait, au sens du règlement n_ 775/87, en une réduction définitive de cette quantité, ces dispositions ne violent, en ce qui concerne plus particulièrement les quantités supplémentaires octroyées contre paiement, ni les principes généraux du droit communautaire, ni le droit fondamental de propriété.

En effet, les quantités de référence supplémentaires, qui, après leur retrait du marché, y sont de nouveau admises dans le cadre de leur réattribution à d'autres producteurs, ne se distinguent pas des quantités de référence initiales, soumises toutes les deux au même régime de suspension temporaire et de réduction définitive, et en exclure les premières serait contraire à l'esprit et à l'objectif du régime du prélèvement supplémentaire.

S'agissant du droit de propriété, la réglementation en cause, qui répond aux objectifs d'intérêt général tendant à remédier à la situation excédentaire sur le marché laitier, ne touche pas à la substance même d'un tel droit.

Compte tenu de la perennité de la situation excédentaire, le retrait définitif du pourcentage en cause des quantités de référence supplémentaires apparaît comme étant approprié et nécessaire à l'objectif de cette mesure, à savoir la réduction durable des excédents.

En ce qui concerne le principe de la confiance légitime, les dispositions précitées ne font apparaître aucun élément de nature à permettre aux producteurs ayant obtenu des quantités de référence supplémentaires contre paiement de s'attendre légitimement à ce que de telles quantités soient traitées différemment en raison de leur mode d'acquisition et soient dès lors exclues de la mesure en question.

Parties


Dans l'affaire C-186/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Bundesfinanzhof (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Stefan Demand

et

Hauptzollamt Trier,

une décision à titre préjudiciel sur la validité des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 405, p. 1),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. G. Hirsch (rapporteur), président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, G. F. Mancini, H. Ragnemalm, R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Demand, par Me Mechtild Düsing, avocat à Münster,

- pour le Conseil de l'Union européenne, par M. Jan-Peter Hix et Mme Claudia Fischer, membres du service juridique, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Klaus-Dieter Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Demand, représenté par Me Mechtild Düsing, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent, du Conseil, représenté par M. Jan-Peter Hix, et de la Commission, représentée par M. Klaus-Dieter Borchardt, à l'audience du 11 juin 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 juillet 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 19 mars 1996, parvenue à la Cour le 3 juin suivant, le Bundesfinanzhof a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question relative à la validité des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 405, p. 1).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant M. Demand, producteur de lait, au Hauptzollamt Trier (ci-après le «HZA Trier»), au sujet d'une réduction de 4,74 % de sa quantité de référence de livraison à partir du 1er avril 1993.

3 M. Demand s'est vu infliger ladite réduction de sa quantité de référence individuelle, en application des dispositions combinées des articles 4, paragraphe 1, du règlement n_ 3950/92 et 4, paragraphe 1, du règlement allemand sur les quantités garanties de lait, à savoir la Milch-Garantiemengen-Verordnung (règlement sur les quantités de lait), dans sa version du 27e règlement modificatif (BGBl 1993 I, p. 374).

Le droit communautaire

4 Le règlement n_ 3950/92 a reconduit, en son article 1er, pour une période de sept ans, le régime du prélèvement supplémentaire sur le lait, institué pendant cinq périodes consécutives de douze mois à partir du 1er avril 1984, par le règlement (CEE) n_ 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) n_ 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 10), et venu à expiration, après plusieurs prorogations, le 31 mars 1993.

5 Ce prélèvement supplémentaire est dû sur toutes les quantités de lait livrées qui dépassent une quantité de référence à déterminer pour chaque producteur ou acheteur dans la limite d'une quantité globale garantie à chaque État membre. La quantité de référence exempte du prélèvement supplémentaire était, conformément à l'article 2 du règlement (CEE) n_ 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement n_ 804/68 (JO L 90, p. 13), égale à la quantité de lait ou d'équivalent lait livrée ou achetée, selon la formule pertinente, pendant l'année de référence. Celle-ci avait été choisie par les États membres, parmi les années 1981 à 1983. La République fédérale d'Allemagne avait opté pour l'année 1983.

6 En raison de la persistance d'une production de lait excédentaire, la Communauté a été contrainte de réduire davantage la quantité globale initialement garantie aux États membres. En vue de réaliser les différentes réductions au niveau des producteurs individuels, la Communauté a appliqué, dans le cadre du régime de prélèvement supplémentaire, des mesures variées, telles que des programmes d'abandon définitif de la production laitière ou de diminution impérative de la quantité de référence initialement accordée, voire une combinaison des programmes.

7 Ainsi, à l'exclusion d'une réduction de la quantité globale garantie en contrepartie du versement d'indemnités, décidée en 1986, le règlement (CEE) n_ 775/87 du Conseil, du 16 mars 1987, relatif à la suspension temporaire d'une partie des quantités de référence visées à l'article 5 quater, paragraphe 1, du règlement n_ 804/68 (JO L 78, p. 5), a temporairement suspendu les quantités de référence de 4 % pour la campagne 1987/1988 et de 5,5 % pour la campagne suivante. En contrepartie de cette suspension temporaire, l'octroi d'une indemnité de 10 écus par 100 kg a été prévue pour chacune de ces périodes.

8 Dans le cadre de la première prorogation du régime de prélèvement initial, ladite suspension a été maintenue, jusqu'au 31 mars 1992, par le règlement (CEE) n_ 1111/88 du Conseil, du 25 avril 1988, modifiant le règlement n_ 775/87 (JO L 110, p. 30), au taux de 5,5 % pour les périodes allant de 1989 jusqu'à 1992, en modifiant toutefois le caractère de la compensation. Celle-ci consistait désormais à octroyer directement au producteur une indemnité dégressive. Ainsi, l'indemnisation dégressive a été ramenée à 8 écus par 100 kg pour la campagne 1989/1990, à 7 écus par 100 kg pour la campagne suivante et à 6 écus par 100 kg pour la campagne 1991/1992.

9 Dans le cadre d'une réduction de 1 % de la quantité globale garantie, le règlement (CEE) n_ 3882/89 du Conseil, du 11 décembre 1989, modifiant le règlement n_ 775/87 (JO L 378, p. 6), a diminué le taux des quantités de référence temporairement suspendues à 4,5 %, en majorant en même temps l'indemnité prévue au règlement n_ 1111/88. Ainsi, le taux d'indemnité a été ramené de 10 écus par 100 kg pour la campagne 1989/1990, à 8,5 écus par 100 kg pour la campagne suivante et à 7 écus par 100 kg pour la campagne 1991/1992.

10 Après une nouvelle diminution de 2 % des quantités globales garanties, introduite par le règlement (CEE) n_ 1630/91 du Conseil, du 13 juin 1991, modifiant le règlement n_ 804/68 (JO L 150, p. 19), le règlement (CEE) n_ 816/92 du Conseil, du 31 mars 1992, modifiant le règlement n_ 804/68 (JO L 86, p. 83), a prorogé la réglementation relative au prélèvement supplémentaire qui expirait le 31 mars 1992. Cette prorogation a été limitée à une seule campagne laitière en raison de l'intention du Conseil d'arrêter une nouvelle réglementation valable jusqu'à l'an 2000 dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune.

11 Conformément à l'article 1er du règlement n_ 816/92, qui a inséré, dans le règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JO L 148, p. 13), l'article 5 quater, paragraphe 3, sous g), les quantités de référence temporairement suspendues n'ont pas été retenues dans les quantités globales garanties. Ceci a eu comme conséquence pratique que les quantités de référence individuelles ont été réduites sans indemnisation. Toutefois, le Conseil entendait décider définitivement de l'avenir des quantités de référence suspendues dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune.

12 Introduit par le règlement n_ 3950/92, le nouveau régime codifie les dispositions relatives aux quantités de référence et aux prélèvements supplémentaires. Cependant, la réglementation annoncée dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune relative au traitement définitif des quantités de référence temporairement suspendues ne figure pas dans ce règlement.

13 A l'égard des quantités suspendues, l'article 3 du règlement n_ 3950/92 dispose:

«La somme des quantités de référence individuelles de même nature ne peut dépasser les quantités globales correspondantes à déterminer pour chaque État membre.

...»

14 L'article 4 du règlement n_ 3950/92 prévoit:

«1. La quantité de référence individuelle disponible sur l'exploitation est égale à la quantité disponible le 31 mars 1993 et adaptée, le cas échéant pour chacune des périodes concernées, afin que la somme des quantités de référence individuelles de même nature ne dépasse pas la quantité globale correspondante visée à l'article 3, compte tenu des réductions éventuelles imposées pour alimenter la réserve nationale visée à l'article 5.

...»

15 Le règlement (CEE) n_ 748/93 du Conseil, du 17 mars 1993, modifiant le règlement n_ 3950/92 (JO L 77, p. 16), n'a pas non plus tenu compte, lors de l'établissement des quantités globales garanties, pour la seule campagne 1993/1994, des 4,5 % des quantités de référence déjà exclues pour la campagne précédente par le règlement n_ 816/92.

16 Ensuite, le règlement (CEE) n_ 1560/93 du Conseil, du 14 juin 1993, modifiant le règlement n_ 3950/92 (JO L 154, p. 30), a fixé les quantités globales garanties à chaque État membre en constatant, en son deuxième considérant, que «la suspension temporaire d'une partie des quantités de référence ... aux termes du règlement (CEE) n_ 775/87, a été rendue nécessaire par la situation du marché; qu'une indemnité dégressive a été octroyée aux producteurs pendant cinq années pour les quantités ainsi suspendues; que le règlement (CEE) n_ 816/92, qui a prorogé le régime du prélèvement supplémentaire ... n'a pas retenu ... les quantités préalablement suspendues compte tenu de la persistance de la situation excédentaire qui exigeait que la suspension de 4,5 % des quantités de référence livrées soit consolidée en réduction définitive des quantités globales garanties; que dans les règlements qui ont été finalement adoptés dans les secteurs du lait et des produits laitiers pour mettre en oeuvre la réforme de la politique agricole commune ... les quantités concernées n'ont plus été retenues».

17 La quantité de référence individuelle, dont dispose le demandeur au principal et dont la réduction définitive est en cause, comprend notamment une quantité de référence supplémentaire qui lui a permis d'augmenter sa quantité de référence initiale. Il avait acquis cette quantité supplémentaire, au prix de 1,60 DM par kg de lait, au cours de la campagne 1990/1991, dans le cadre d'une opération lancée à l'échelle nationale, voire régionale, qui visait à réduire les quantités de référence individuelles.

Le droit allemand et la procédure nationale

18 Cette opération avait été prévue par un arrêté («Verwaltungsvorschrift») du ministère de l'Agriculture, de la Viticulture et des Forêts du Land Rheinland-Pfalz, du 19 mars 1991, relatif à l'octroi d'une indemnité pour l'abandon définitif de la production de lait destiné au marché et à l'attribution de quantités de référence de livraison supplémentaire (MinBl. Rheinland-Pfalz 1991, p. 163, ci-après l'«arrêté»). Cet arrêté a été pris, ainsi qu'il ressort de son point 1.1, sur le fondement, notamment, de l'article 4, paragraphe 1, sous a) et c), du règlement n_ 857/84, tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 1183/90 du Conseil, du 7 mai 1990 (JO L 119, p. 27).

19 L'article 4, paragraphe 1, du règlement n_ 857/84, modifié, dispose:

«Afin de mener à bien la restructuration de la production laitière au niveau national, régional ou des zones de collecte, les États membres peuvent, dans le cadre de l'application des formules A et B:

a) - accorder aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la totalité de leur production laitière une indemnité versée en une ou plusieurs annuités;

- accorder aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement une partie de leur production laitière une indemnité versée en une ou plusieurs annuités;

b) ...

c) accorder aux producteurs exerçant l'activité agricole à titre principal une quantité de référence supplémentaire, que leur cheptel laitier remplisse ou non les conditions prévues au point b).»

20 En vertu de l'arrêté, l'opération présentait deux volets. D'abord, chaque producteur disposé à abandonner définitivement la production laitière s'était vu offrir une indemnité de 1,60 DM par kg de sa quantité garantie.

21 Comme l'opération s'était soldée par une réduction supérieure à celle initialement prévue, les autorités allemandes ont offert l'excédent aux producteurs désireux d'augmenter leur quota moyennant paiement de la somme égale au montant versé par le Land Rheinland-Pfalz à titre d'indemnité aux producteurs ayant abandonné leur production laitière. A cet effet, un producteur désirant acquérir une quantité de référence supplémentaire devait conclure, en vertu du point 3.1.2, un contrat de cession avec un producteur abandonnant sa production et verser le prix à la caisse publique compétente.

22 Par décision du 13 décembre 1993, le HZA Trier a confirmé la réduction de 4,74 % appliquée par la laiterie compétente et qui frappe indistinctement tant les quantités de référence initiales que celles supplémentaires acquises par le demandeur au principal dans le cadre de l'opération qui s'était déroulée pendant la campagne 1990/1991.

23 Le recours formé contre la décision du HZA Trier ayant été rejeté par arrêt du Finanzgericht Rheinland-Pfalz, le demandeur au principal a saisi le Bundesfinanzhof d'un recours en «Revision» contre cet arrêt.

La question préjudicielle

24 Estimant que la solution du litige dont il était saisi dépendait de la validité des dispositions combinées des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, du règlement n_ 3950/92, le Bundesfinanzhof a posé à la Cour la question suivante:

«Les dispositions combinées de l'article 4, paragraphe 1, et de l'article 3, premier alinéa, du règlement n_ 3950/92, qui ont transformé en une réduction permanente, sans indemnisation, les suspensions qu'avait ordonnées l'article 5 quater, paragraphe 3, sous g), du règlement (CEE) n_ 804/68, tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 816/92, d'une partie des quantités de référence allouées aux producteurs, et ce sans exclure de ladite réduction à tout le moins les quantités de référence acquises par les producteurs, sont-elles compatibles avec l'ordre juridique communautaire, et notamment avec le droit à la protection de la propriété, le principe d'égalité de traitement et celui de la protection de la confiance légitime?»

25 Cette question relative à la validité de la conversion de la suspension temporaire d'un pourcentage de la quantité de référence en une réduction définitive sans indemnisation a déjà été examinée par la Cour dans le cadre de l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a. (C-22/94, Rec. p. I-1809), laquelle était pendante lors du dépôt de la demande de décision préjudicielle du Bundesfinanzhof, affaire à laquelle ce dernier faisait d'ailleurs référence dans les motifs de son ordonnance de renvoi.

26 Dans l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité, la Cour a dit pour droit que, pour autant que les dispositions de l'article 5 quater, paragraphe 3, sous g), du règlement n_ 804/68, inséré par l'article 1er, paragraphe 3, du règlement n_ 816/92, et de l'article 3 du règlement n_ 3950/92, dans la version résultant de l'article 1er du règlement n_ 1560/93, ont converti la suspension temporaire d'un pourcentage de la quantité de référence au sens du règlement n_ 775/87, sans indemnité, en une réduction définitive, l'examen des principes généraux du droit communautaire tels que la protection de la confiance légitime, de non-discrimination et de proportionnalité ainsi que l'examen du droit fondamental de propriété n'ont pas fait apparaître d'élément de nature à affecter la validité de ces dispositions.

27 Le 22 avril 1997, la Cour a transmis une copie de l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité, au Bundesfinanzhof et lui a demandé s'il maintenait sa demande.

28 Par lettre du 30 juillet 1997, le Bundesfinanzhof a informé la Cour que, au vu, notamment, des principes de protection de la propriété et de la confiance légitime que le demandeur au principal a invoqués au sujet des quotas laitiers supplémentaires acquis sur le fondement d'allocations effectuées par le Land Rheinland-Pfalz, il maintenait sa demande préjudicielle.

29 Eu égard à cette réponse, il convient d'entendre la question posée comme portant sur les seules quantités de référence supplémentaires que le demandeur au principal a acquises au prix de 1,60 DM par kg de lait.

Sur les quantités de référence supplémentaires

30 En effet, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 29 de ses conclusions, la présente affaire ne fait apparaître aucun élément nouveau susceptible de modifier la conclusion à laquelle la Cour est parvenue dans l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité, en ce qui concerne la validité du régime de la conversion et de la réduction définitive en cause au principal.

31 La validité des articles 3 et 4 du règlement n_ 3950/92 ne saurait davantage être mise en cause en ce qui concerne les quantités de référence supplémentaires que le demandeur au principal n'a pu obtenir que moyennant paiement d'une somme de 1,60 DM par kg à l'autorité compétente.

32 A cet égard, il convient de rappeler à titre liminaire que des quantités de référence supplémentaires n'étaient pas en cause seulement dans l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité, mais également dans les arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, O'Dwyer e.a./Conseil (T-466/93, T-469/93, T-473/93, T-474/93 et T-477/93, Rec. p. II-2071), et du 14 juillet 1998, Hauer/Conseil et Commission (T-119/95, non encore publié au recueil), dans lesquels la validité du règlement n_ 816/92 avait été contestée.

33 Un État membre ne dispose de telles quantités de référence à réattribuer que dans la mesure où des quantités de référence initialement accordées à d'autres producteurs ont été libérées par ces derniers. En effet, ainsi qu'il ressort de l'article 5 quater, paragraphe 1, du règlement n_ 804/68, tel qu'inséré par le règlement n_ 856/84, la somme de toutes les quantités de référence individuelles octroyées constitue la quantité globale garantie qui ne peut pas être dépassée. Ainsi, l'autorité compétente allemande n'a pu octroyer au demandeur au principal que des quantités de référence que d'autres producteurs n'utilisaient plus.

34 Toutefois, et indépendamment du fait que le montant payé par le demandeur au principal est, en l'espèce, égal à celui versé au titre de l'indemnité pour abandon de la production par l'autorité compétente, le régime communautaire des quotas laitiers ne crée pas de liens juridiques entre les deux actions.

35 Si le régime communautaire du prélèvement supplémentaire autorise, dans des cas déterminés, les États membres, dans le cadre du respect de la quantité globale garantie, à réattribuer des quantités de référence libérées, sans transfert des terres auxquelles celles-ci sont rattachées, il ne détermine pas les modalités d'une telle réattribution. Partant, il incombe aux États membres faisant usage de cette autorisation de fixer les modalités de réattribution en respectant les principes généraux et les droits fondamentaux tels que reconnus en droit communautaire par la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1989, Wachauf, 5/88, Rec. p. 2609, et du 24 mars 1994, Bostock, C-2/92, Rec. p. I-955) et de se prononcer, dans ce cadre, sur l'obligation éventuelle d'un paiement en contrepartie de la réattribution.

36 A cet égard, il y a lieu de constater que, en cas d'acquisition des terres agricoles, l'existence d'un quota laitier étant l'un des éléments de détermination de la valeur de la terre, les terres agricoles avec quotas sont plus chères que celles sans quotas.

37 Il résulte de ces considérations que le mode d'octroi des quantités de référence individuelles n'a pas d'incidence sur leur nature juridique. Par conséquent, les quantités de référence supplémentaires ne se distinguent pas des quantités de référence initiales, soumises toutes les deux au même régime de suspension temporaire et de réduction définitive.

38 En revanche, il serait contraire à l'esprit et à l'objectif du régime du prélèvement supplémentaire d'exclure d'un programme de suspension temporaire, suivi d'une réduction définitive, des quantités de référence qui, après leur retrait du marché, y sont de nouveau admises dans le cadre de leur réattribution à d'autres producteurs. L'acquisition d'une quantité de référence supplémentaire étant une option économique permettant aux producteurs d'augmenter leur volume de livraisons, ces producteurs contribuent à l'augmentation de l'excédent structurel du secteur. Il est donc justifié qu'ils soient tenus de participer à l'effort de réduction demandé aux producteurs.

39 Ainsi que M. l'avocat général l'a constaté au point 34 de ses conclusions, le demandeur au principal jouit, dans ces circonstances, pour cette quantité de référence supplémentaire, des mêmes prérogatives et est soumis aux mêmes restrictions que tout autre producteur en possession d'une quantité de référence initiale.

Sur le droit de propriété et le principe de proportionnalité

40 S'agissant plus particulièrement du droit de propriété, dont le demandeur au principal prétend qu'il a été violé, la Cour a constaté, aux points 28 et 29 de l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité, que la réglementation en cause fait partie d'un régime destiné à remédier à la situation excédentaire sur le marché du lait et répond, de ce fait, à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et que la conversion en réduction définitive sans indemnité ne saurait porter atteinte à la substance même d'un tel droit.

41 Il convient d'ajouter que, indépendamment de la nature juridique à reconnaître à une quantité de référence supplémentaire, mais compte tenu de la pérennité de la situation excédentaire, un retrait définitif de 4,74 % d'une quantité de référence supplémentaire apparaît comme étant approprié et nécessaire à l'objectif de cette mesure, à savoir la réduction durable des excédents.

42 Dès lors, le législateur communautaire n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation, la réduction définitive de 4,74 % tant de la quantité initiale que de la quantité supplémentaire n'étant pas disproportionnée par rapport à son objectif.

Sur le principe de la confiance légitime

43 Pour autant que le demandeur au principal invoque une violation du principe de la confiance légitime par l'application de la mesure de conversion en cause aux quantités de référence supplémentaires, les dispositions en cause ne font apparaître aucun élément de nature à permettre aux producteurs se trouvant dans la situation du demandeur au principal de s'attendre légitimement à ce qu'une telle quantité de référence supplémentaire soit traitée différemment en raison de son mode d'acquisition et soit dès lors exclue de la mesure en question.

44 Il ressort des considérations qui précèdent que l'examen des principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de la confiance légitime ainsi que du droit fondamental de propriété, n'a pas fait apparaître d'élément de nature à affecter la validité des dispositions des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, du règlement n_ 3950/92, pour autant que celles-ci ont converti, sans indemnité, la suspension temporaire d'un pourcentage de la quantité de référence supplémentaire octroyé contre paiement en une réduction définitive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

45 Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 19 mars 1996, dit pour droit:

L'examen des principes généraux du droit communautaire, et notamment celui de la confiance légitime ainsi que du droit fondamental de propriété, n'a pas fait apparaître d'élément de nature à affecter la validité des dispositions des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, pour autant que celles-ci ont converti, sans indemnité, la suspension temporaire d'un pourcentage de la quantité de référence supplémentaire octroyé contre paiement en une réduction définitive.