Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 22 juin 2000. - Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Refus de la Commission d'inscrire un pays d'outre-mer sur la liste provisoire de pays tiers prévue à l'article 23 de la directive 92/46/CEE - Acte attaquable. - Affaire C-147/96.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-04723
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Recours en annulation - Actes susceptibles de recours - Notion - Actes produisant des effets juridiques obligatoires - Actes préparatoires - Exclusion
(Traité CE, art. 173 (devenu, après modification, art. 230 CE))
$$Ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants. Lorsqu'il s'agit d'actes dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent en principe un acte attaquable que des mesures qui fixent définitivement la position de la Commission ou du Conseil, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale.
Ne saurait faire l'objet d'un recours en annulation l'acte qui n'est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets. Pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s'attacher à sa substance.
(voir points 25-27)
Dans l'affaire C-147/96,
Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. M. A. Fierstra et J. S. van den Oosterkamp, conseillers juridiques adjoints au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents, 67, Bezuidenhoutseweg, La Haye,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. J. Kuijper et T. van Rijn, conseillers juridiques, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Gruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
soutenue par
République française, représentée par Mme C. de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. G. Mignot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,
et par
Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. R. Torrent, J. Huber et G. Houttuin, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,
parties intervenantes,
ayant pour objet un recours tendant à l'annulation de la décision de la Commission, prise sous la forme d'une lettre du 26 février 1996 notifiée au Premier ministre des Antilles néerlandaises, refusant l'inscription de ces dernières sur la liste provisoire de pays tiers établie au titre de l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46/CEE du Conseil, du 16 juin 1992, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait (JO L 268, p. 1),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, L. Sevón (rapporteur), P. J. G. Kapteyn, P. Jann et H. Ragnemalm, juges,
avocat général: M. A. La Pergola,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 28 octobre 1999, au cours de laquelle le gouvernement néerlandais était représenté par M. M. A. Fierstra, le gouvernement français par M. S. Seam, secrétaire des affaires étrangères à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, la Commission par MM. P. J. Kuijper et T. van Rijn, et le Conseil par M. G. Houttuin,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 décembre 1999,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 3 mai 1996, le royaume des Pays-Bas a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, premier alinéa, CE), demandé l'annulation de la décision de la Commission, prise sous la forme d'une lettre du 26 février 1996 notifiée au Premier ministre des Antilles néerlandaises (ci-après la «lettre litigieuse»), refusant l'inscription de ces dernières sur la liste provisoire de pays tiers établie au titre de l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46/CEE du Conseil, du 16 juin 1992, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait (JO L 268, p. 1).
La réglementation applicable
2 Le chapitre II de la directive 92/46 comporte des prescriptions pour les produits communautaires destinés à être utilisés dans la fabrication de produits à base de lait ou de lait de consommation traité thermiquement. À cet effet, l'article 3, paragraphe 1, de ladite directive fixe les exigences auxquelles doit satisfaire le lait cru destiné à la fabrication desdits produits. Il est notamment prévu, au paragraphe 1, sous a), de cette disposition, que les États membres veillent à ce que le lait cru ne soit utilisé pour la fabrication de produits à base de lait ou de lait de consommation traité thermiquement que s'il satisfait à l'exigence selon laquelle il provient d'animaux et d'exploitations contrôlés à intervalles réguliers par les autorités compétentes.
3 Le chapitre III de la directive 92/46 comporte des dispositions garantissant que les importations de tels produits en provenance de pays tiers, pour être mis sur le marché communautaire, satisfont aux mêmes exigences de protection sanitaire.
4 À cet effet, l'article 22 de la directive 92/46, lequel figure au chapitre III de cette dernière, prévoit que «Les conditions applicables aux importations en provenance de pays tiers de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait couverts par la présente directive doivent être au moins équivalentes à celles prévues au chapitre II pour la production communautaire».
5 S'agissant de l'importation de produits laitiers en provenance de pays tiers, visés à l'article 22 de la directive 92/46, l'article 23 de cette dernière dispose:
«1. Aux fins de l'application uniforme de l'article 22, les dispositions des paragraphes suivants s'appliquent.
2. Ne peuvent faire l'objet d'importations dans la Communauté que le lait ou les produits à base de lait:
a) provenant d'un pays tiers figurant sur une liste à établir conformément au paragraphe 3 point a);
...
3. Selon la procédure prévue à l'article 31, sont établies:
a) une liste provisoire de pays tiers ou de parties de pays tiers qui sont en mesure de fournir aux États membres et à la Commission des garanties équivalentes à celles prévues au chapitre II, ainsi que la liste des établissements pour lesquels ils sont en mesure de donner ces garanties.
Cette liste provisoire est établie à partir des listes des établissements agréés et inspectés par les autorités compétentes après que la Commission s'est assurée au préalable de la conformité de ces établissements avec les principes et règles générales contenus dans la présente directive;
b) la mise à jour de cette liste en fonction des contrôles prévus au paragraphe 4;
...
4. Des experts de la Commission et des États membres effectuent sur place des contrôles pour vérifier si les garanties offertes par le pays tiers quant aux conditions de production et de mise sur le marché peuvent être considérées comme équivalentes à celles qui sont appliquées dans la Communauté.
...»
6 La procédure définie à l'article 31 de la directive 92/46 prévoit la saisine du comité vétérinaire permanent (ci-après le «comité vétérinaire»), institué par la décision 68/361/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968 (JO L 255, p. 23). Aux termes des paragraphes 2 et 3 de cette disposition:
«2. Le représentant de la Commission ... soumet au comité [vétérinaire] un projet des mesures à prendre. Le comité [vétérinaire] émet son avis sur ces mesures dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause. L'avis est émis à la majorité prévue à l'article 148 paragraphe 2 du traité pour l'adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. ...
3. a) La Commission arrête les mesures envisagées et les met immédiatement en application lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité [vétérinaire].
b) Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l'avis du comité [vétérinaire], ou en l'absence d'avis, la Commission soumet sans délai au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.
...»
7 La liste provisoire visée à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46 a été arrêtée par la décision 94/70/CE de la Commission, du 31 janvier 1994, établissant la liste provisoire des pays tiers en provenance desquels les États membres autorisent les importations de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait (JO L 36, p. 5). Cette décision a été abrogée et remplacée par la décision 95/340/CE de la Commission, du 27 juillet 1995 (JO L 200, p. 38). Il est constant que les Antilles néerlandaises, qui entretiennent avec le royaume des Pays-Bas des relations particulières et font partie des pays et territoires d'outre-mer (ci-après les «PTOM»), n'ont pas été inscrites sur les listes établies par ces décisions.
8 Le régime des PTOM est défini dans la quatrième partie du traité CE, intitulée «L'association des pays et territoires d'outre-mer», qui regroupe notamment les articles 131 (devenu, après modification, article 182 CE), 132 (devenu article 183 CE), 133 (devenu, après modification, article 184 CE), 134 et 135 (devenus articles 185 CE et 186 CE) ainsi que 136 (devenu, après modification, article 187 CE).
9 Sur le fondement de l'article 136, second alinéa, du traité, le Conseil a adopté une série de décisions relatives à l'association des PTOM à la Communauté économique européenne. La décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne (JO L 263, p. 1, ci-après la «décision PTOM»), est applicable pour une période de dix ans à compter du 1er mars 1990.
10 Dans la troisième partie de la décision PTOM, intitulée «Instruments de la coopération PTOM-CEE», le titre I traite de la coopération commerciale et le régime général des échanges est régi par le chapitre 1 de ce titre, notamment les articles 101 à 103.
11 En particulier, l'article 102 prévoit que la Communauté n'applique pas à l'importation des produits originaires des PTOM de restrictions quantitatives ni de mesures d'effet équivalent.
12 En outre, l'article 103 prévoit:
«1. Les dispositions de l'article 102 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux...
2. Ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer en aucun cas un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée au commerce en général.
...»
Le recours
13 Dans sa requête, le gouvernement néerlandais fait valoir que, tant que les Antilles néerlandaises ne figureront pas sur la liste provisoire de pays tiers visée à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46, les produits laitiers qui en sont originaires ne pourront être admis à l'importation dans la Communauté. Il ajoute qu'il a, en conséquence, entamé des discussions informelles avec la Commission et a, par la suite, sollicité une réunion de partenariat au sens de l'article 234, second alinéa, de la décision PTOM. Ce partenariat constitue en substance une concertation entre la Commission, l'État membre dont relève un pays d'outre-mer et les autorités locales de ce dernier. Selon ledit gouvernement, au cours de cette réunion, qui a eu lieu le 27 avril 1995, les Antilles néerlandaises ont demandé à la Commission d'envoyer une mission d'inspection vétérinaire dont l'objet serait d'apprécier la situation sanitaire dans ce pays d'outre-mer.
14 Par la suite, le gouvernement des Antilles néerlandaises a, par lettre du 7 juillet 1995, formellement invité la Commission à inscrire les Antilles néerlandaises sur ladite liste provisoire.
15 Après un échange de lettres entre le gouvernement des Antilles néerlandaises et la Commission, l'inspection demandée par ce dernier a eu lieu vers la fin du mois de novembre 1995. À cet égard, un rapport (ci-après le «rapport d'inspection») a été établi et soumis pour observations audit gouvernement par lettre de la Commission du 29 janvier 1996.
16 À la suite de cette communication du rapport d'inspection, le gouvernement des Antilles néerlandaises a, le 7 février 1996, adopté une décision ministérielle de portée générale («ministeriële beschikking», PB, 1996 n_ 34, ci-après la «décision ministérielle») au titre de l'article 6 du Landsverordening In- en Uitvoer (PB, 1968 n_ 42). Ainsi que le soutient le gouvernement néerlandais, cette décision a été communiquée le jour même à la Commission par lettre du Premier ministre des Antilles néerlandaises. Le gouvernement néerlandais soutient également que cette décision ministérielle interdit d'exporter des produits laitiers des Antilles néerlandaises vers le territoire douanier communautaire sans autorisation du ministre de la Santé publique et de l'Hygiène. Conformément à cette décision, l'autorisation ne serait accordée que si la production est réalisée selon les prescriptions et dans des établissements équivalents à ceux qui sont décrits au chapitre II de la directive 92/46 pour la production communautaire. En outre, cette autorisation ne serait délivrée que pour des produits obtenus à partir d'ingrédients provenant de la Communauté ou de pays tiers figurant sur la liste prévue à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46. Au surplus, un certificat sanitaire délivré par les services de l'hygiène des Antilles néerlandaises devrait être joint aux demandes d'autorisation. Cette décision ministérielle serait entrée en vigueur immédiatement.
17 Le comité vétérinaire a évoqué le rapport d'inspection au cours de sa réunion des 13 et 14 février 1996 et, lors de celle-ci, le représentant de la Commission a fait oralement état de la décision ministérielle. Toutefois, il est constant que, lors de cette réunion, le comité vétérinaire n'a pas émis d'avis concernant la demande d'inscription des Antilles néerlandaises sur la liste provisoire de pays tiers prévue à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46.
18 En réponse à la communication de la décision ministérielle à la Commission, cette dernière a adressé au Premier ministre des Antilles néerlandaises la lettre litigieuse, signée par le directeur général de l'agriculture, qui était libellée comme suit:
«Objet: Rapport relatif à une mission vétérinaire effectuée dans les Antilles néerlandaises en vue de l'autorisation éventuelle des importations de produits à base de lait dans la Communauté
...
Je vous remercie pour votre lettre du 7 février 1996 concernant la question en objet.
Votre courrier ... appelle, de ma part, les observations suivantes:
En ce qui concerne votre demande visant à supprimer du rapport les constatations relatives à la santé animale et à la santé publique ... je tiens à souligner les points suivants:
...
En conséquence, il n'y a aucune raison de supprimer ces éléments du rapport de mission. Votre lettre m'étant parvenue trop tard, le rapport a été présenté dans son intégralité aux États membres ... lors de la réunion du Comité vétérinaire permanent du 14 février 1996.
... Votre lettre indiquait qu'une copie de la décision ministérielle [fixant des exigences sanitaires applicables aux produits laitiers] était jointe en annexe; malheureusement, pour une raison inconnue, ce n'est pas le cas. Nous vous saurions gré d'envoyer un exemplaire de ce texte à la Commission.
Néanmoins, il a été jugé nécessaire de détailler les mesures qui pourraient être mises en oeuvre pour veiller à ce que la décision ministérielle susmentionnée soit pleinement appliquée et éviter le risque que des produits non conformes aux exigences européennes soient utilisés dans les établissement agréés...
...
En conséquence, il n'est pas opportun, à ce stade, de décider de l'inclusion des Antilles néerlandaises dans la liste visée par la directive à moins que les autorités ne puissent fournir des garanties supplémentaires appropriées.
...
J'attends votre réponse avec intérêt.
...»
19 Le recours introduit par le gouvernement néerlandais est dirigé contre cette lettre, laquelle est considérée par ce dernier comme une décision de la Commission, en ce qu'elle porte refus d'inscrire les Antilles néerlandaises sur la liste visée à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46.
20 À l'appui de son recours, le gouvernement néerlandais invoque sept moyens d'annulation tirés de la violation respectivement des articles 3, paragraphe 1, sous a), et 31 de la directive 92/46 et, à titre subsidiaire, de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), des principes du contradictoire et de la préparation diligente des actes communautaires, de l'article 2, paragraphe 2, de l'accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires qui constitue l'annexe 1 A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, du principe de proportionnalité ainsi que de l'article 103 de la décision PTOM.
21 La République française et le Conseil, qui ont demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission, ont été respectivement admis en leurs interventions par ordonnances du président de la Cour des 14 et 19 novembre 1996.
Sur la recevabilité
22 Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 5 juillet 1996, la Commission a soulevé, conformément à l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure, une exception d'irrecevabilité au motif que la lettre litigieuse ne saurait en aucune façon être considérée comme une prise de position définitive de la Commission, mais comme un acte préparatoire constituant une étape dans la procédure devant conduire à une décision, lequel, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, ne produit pas d'effets juridiques et, partant, n'est pas susceptible d'être attaqué sur le fondement de l'article 173 du traité.
23 En revanche, le gouvernement néerlandais soutient que la lettre litigieuse constitue une décision produisant des effets juridiques et, partant, un acte attaquable affectant de manière négative les intérêts des Antilles néerlandaises, aux motifs que, d'une part, elle porte rejet de la demande d'inscription de ces dernières sur la liste visée à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46 et, d'autre part, l'exportation de produits laitiers vers des États membres de la Communauté est entravée, alors qu'il ressort du rapport d'inspection que ces produits sont traités dans les Antilles néerlandaises conformément aux règles sanitaires arrêtées par ladite directive.
24 La République française et le Conseil, parties intervenantes au recours, n'ont pas pris position sur la recevabilité de celui-ci.
25 Pour statuer sur le bien-fondé de l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, il y a lieu de rappeler d'emblée qu'il résulte d'une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants (voir, notamment, ordonnances du 8 mars 1991, Emerald Meats/Commission, C-66/91 et C-66/91 R, Rec. p. I-1143, point 26; du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C-50/90, Rec. p. I-2917, point 12, et arrêt du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C-308/95, non encore publié au Recueil, point 26).
26 Il est par ailleurs constant que, lorsqu'il s'agit d'actes dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence qu'en principe ne constituent un acte attaquable que des mesures qui fixent définitivement la position de la Commission ou du Conseil au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (voir arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10). En outre, selon la même jurisprudence, ne saurait faire l'objet d'un recours en annulation l'acte qui n'est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets (voir, notamment, arrêt du 27 mars 1980, Sucrimex et Westzucker/Commission, 133/79, Rec. p. 1299; ordonnance du 17 mai 1989, Italie/Commission, 151/88, Rec. p. 1255, point 22, et arrêt Pays-Bas/Commission, précité, point 27).
27 Or, pour déterminer si un acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s'attacher à sa substance (voir arrêt IBM/Commission, précité, point 9).
28 En l'espèce, il ressort tout d'abord de la première partie de la lettre litigieuse que la Commission répond à la demande des Antilles néerlandaises concernant la suppression de certaines constatations figurant dans le rapport d'inspection. En effet, l'auteur de la lettre litigieuse, après avoir commenté ladite demande, conclut qu'il n'y a pas lieu de supprimer les éléments contestés du rapport d'inspection et informe le gouvernement des Antilles néerlandaises que, en raison de la réception tardive de sa lettre du 7 février 1996, le rapport d'inspection avait été présenté au comité vétérinaire, lors de sa réunion des 13 et 14 février 1996.
29 Concernant cette partie de la lettre litigieuse, il convient de constater qu'elle ne fait pas partie de l'objet du litige, celui-ci portant seulement sur le refus de la Commission d'inscrire les Antilles néerlandaises sur la liste provisoire de pays tiers prévue à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46.
30 Il y a lieu ensuite de constater que, dans la lettre litigieuse, la Commission prétend, sans être contredite sur ce point par le gouvernement néerlandais, que la décision ministérielle qui, selon ce dernier, exigeait, sous peine d'interdiction, pour l'exportation des produits laitiers vers la Communauté, une autorisation du ministre de la Santé publique et de l'Hygiène ne se trouvait pas annexée à la lettre adressée le 7 février 1996 par le gouvernement des Antilles néerlandaises à la Commission. Ainsi que le déclare cette dernière, elle n'était pas en mesure, à la date de l'envoi de la lettre litigieuse, d'apprécier le contenu de cette décision ministérielle.
31 Cette constatation est corroborée par trois éléments supplémentaires qui ressortent de la lettre litigieuse: tout d'abord, le fait que celle-ci comporte une demande d'envoi, d'une part, d'une copie de la décision ministérielle et, d'autre part, de renseignements concernant sa mise en oeuvre; ensuite, les réserves qu'exprime la Commission en indiquant dans ladite lettre qu'«il n'est pas opportun, à ce stade, de décider de l'inclusion des Antilles néerlandaises à moins que les autorités ne puissent fournir des garanties supplémentaires appropriées»; enfin, la formule qui figure à la fin de cette lettre montre clairement que le signataire de celle-ci attendait une réponse. Au vu de ces éléments, la Commission déclare qu'elle ne disposait pas non plus, à la date de l'envoi de la lettre litigieuse, des données nécessaires pour prendre une décision en pleine connaissance de cause en ce qui concerne l'inscription des Antilles néerlandaises sur la liste visée à l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46.
32 À cet égard, il convient d'ajouter, ainsi que le reconnaît le gouvernement néerlandais, tant dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité que dans sa réponse à une question écrite posée par la Cour, que le gouvernement des Antilles néerlandaises n'a informé la Commission de la manière dont la décision ministérielle était mise en oeuvre que par une lettre du 20 mai 1996, soit à une date postérieure à la lettre litigieuse qui constitue l'acte attaqué.
33 Le gouvernement néerlandais soutient également que la circonstance que le comité vétérinaire a évoqué, lors de sa réunion des 13 et 14 février 1996, le rapport d'inspection signifie que la Commission s'estimait en mesure de se faire une opinion définitive et, partant, d'arrêter sur la base de cette dernière une décision. En effet, selon le gouvernement néerlandais, il résulte de la directive 92/46 que le comité vétérinaire ne peut être consulté que si la Commission a arrêté sa position concernant la question soumise audit comité.
34 À cet égard, il suffit de constater que le rapport d'inspection a simplement été évoqué lors de ladite réunion du comité vétérinaire, à un stade préalable à la prise de décision. En effet, il est constant que la présentation de ce rapport au comité vétérinaire a eu lieu sans que le représentant de la Commission soumette à ce dernier, conformément à l'article 31, paragraphe 2, de la directive 92/46, un projet de mesures à prendre et sans que ce comité émette un avis à la majorité qualifiée, en application de la même disposition. Il s'ensuit que l'absence tant d'un projet de mesures à prendre que d'un avis du comité vétérinaire révèle que, à la date de la présentation du rapport d'inspection audit comité, la Commission n'avait pas encore arrêté une position définitive.
35 Dans ces conditions, force est de constater que la lettre litigieuse n'a qu'un caractère préparatoire et, partant, elle n'est pas susceptible de produire des effets de droit ni ne vise à produire de tels effets. Elle ne saurait donc constituer une décision définitive de nature à faire l'objet d'un recours en annulation, une telle décision ne pouvant être arrêtée qu'après l'émission de son avis par le comité vétérinaire.
36 Dès lors qu'elle n'a produit aucun effet juridique obligatoire en ce qui concerne l'inscription des Antilles néerlandaises sur la liste provisoire de pays tiers établie au titre de l'article 23, paragraphe 3, sous a), de la directive 92/46, la lettre litigieuse ne saurait constituer un acte juridique susceptible d'être attaqué au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 25 et 26 du présent arrêt.
37 Il en résulte que le recours doit être rejeté comme irrecevable.
Sur les dépens
38 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume des Pays-Bas et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. Par ailleurs, selon l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté comme irrecevable.
2) Le royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.
3) La République française et le Conseil de l'Union européenne supporteront leurs propres dépens.