Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 20 mars 1997. - Laboratoires de thérapeutique moderne (LTM) contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Restitution pour l'utilisation de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produits polyvitaminés et produits contenant des acides aminés - Classement tarifaire. - Affaire C-201/96.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-06147
Introduction
1 L'«Alvityl 50 dragées» et le «Strongenol 20 ampoules» sont-ils des préparations alimentaires au sens du chapitre 21 du tarif douanier commun (1), ou sont-ils des «produits pharmaceutiques» au sens du chapitre 30 du tarif douanier commun?
Telle est la question sur laquelle la Cour est appelée à statuer en l'espèce.
Les dispositions pertinentes de droit communautaire
2 Le chapitre 21 du tarif douanier comprend les «Préparations alimentaires diverses».
La note 1, sous f), figurant en introduction à ce chapitre est libellée comme suit:
«1. Le présent chapitre ne comprend pas:
f) les levures conditionnées comme médicaments et les autres produits des numéros 3003 ou 3004».
La position 2106 comprend les «préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs».
3 Le chapitre 30 du tarif douanier comprend les «Produits pharmaceutiques».
La note 1, sous a), figurant en introduction au chapitre 30 est libellée comme suit:
«1. Le présent chapitre ne comprend pas:
a) les aliments diététiques, aliments enrichis, aliments pour diabétiques, compléments alimentaires, boissons toniques et eaux minérales (section IV)».
La position 3004 comprend les «médicaments ... constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail».
Les notes explicatives du conseil de coopération douanière comportent, en ce qui concerne la position 3004, les indications suivantes:
«Les diverses propositions énoncées dans le libellé de la position ne s'appliquent ni aux aliments ni aux boissons (tels que: aliments diététiques, aliments enrichis, aliments pour diabétiques, boissons toniques et eaux minérales naturelles ou artificielles), lesquels suivent leur régime propre. Tel est essentiellement le cas des préparations alimentaires ne contenant que des substances nutritives. Les éléments nutritifs les plus importants contenus dans les aliments sont les protéines, les hydrates de carbone et les graisses. Les vitamines et les sels minéraux jouent également un rôle dans l'alimentation.
...
En outre, la présente position ne couvre pas les compléments alimentaires contenant des vitamines ou des sels minéraux qui sont destinés à conserver l'organisme en bonne santé, mais qui n'ont pas d'indications relatives à la prévention ou au traitement d'une maladie. Ces produits, qui sont présentés d'ordinaire sous une forme liquide, mais peuvent également être présentés sous forme de poudres ou de comprimés, relèvent généralement du n_ 21.06 ou du chapitre 22.»
4 Le règlement (CEE) n_ 210/85, de la Commission, du 25 janvier 1985, relatif au classement de marchandises dans la sous-position 21.07 G I d) 1 du tarif douanier commun (2) (ci-après le «règlement n_ 210/85») dispose, pour autant qu'il importe, comme suit:
«[Ces produits] présentent les caractéristiques de complément alimentaire contenant des vitamines et des sels minéraux, destinés à conserver l'organisme en bonne santé; ... par conséquence (sic), ils doivent être considérés comme préparations alimentaires (cinquième considérant du préambule).
...
Article premier
Les produits se présentant sous forme de comprimés conditionnés pour la vente au détail:
a) comprimés de composition suivante (par comprimé):
- vitamine A 2 000 UI - vitamine C 60 mg - vitamine D 200 UI - vitamine E 12 UI - vitamine B1 1,1 mg - vitamine B2 1,2 mg - vitamine B6 2 mg - nicotinamide (DCI) 13 mg - pantothénate de calcium 4,3 mg - vitamine B12 3 mcg - acide folique 50 mcg (3) - biotine 100 mcg - fer 10 mg - zinc 7,5 mg - manganèse 2 mg - cuivre 1 mg - molybdène 150 mcg - iode 75 mcg - sélénium 50 mcg - chrome 50 mcg - saccharose (y compris le sucre interverti calculé en saccharose) 33 % - eau environ 7 % ...
doivent être classés dans le tarif douanier commun dans la sous-position 2106 90 99 ...»
5 Le règlement (CEE) n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (4), tel que modifié par l'article 9 du règlement (CEE) n_ 1714/88 de la Commission, du 13 juin 1988 (5) (ci-après le «règlement n_ 1010/86») renferme les règles relatives à l'octroi de restitutions aux entreprises utilisant du sucre pour la fabrication de certains produits chimiques, notamment les produits relevant du chapitre 30 du tarif douanier commun, concernant les «produits pharmaceutiques».
La procédure pendante devant la juridiction nationale et les questions préjudicielles
6 La société anonyme Laboratoires de thérapeutique moderne (ci-après «LTM») a perçu, au cours de la période comprise entre octobre 1989 et février 1991, 410 347,56 FF de restitutions à la production au titre du règlement n_ 1010/86, en déclarant que l'Alvityl 50 dragées et le Strongenol 20 ampoules étaient des produits pharmaceutiques.
7 Le Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre, qui gère le régime des aides en France, a cependant refusé de leur reconnaître la qualité de produits pharmaceutiques au sens du chapitre 30 du tarif douanier commun et il a, au contraire, fait relever les produits du chapitre 21 du tarif douanier commun («Préparations alimentaires diverses»); il a exigé le remboursement des restitutions versées, ainsi que le paiement de pénalités. LTM a formé un recours contre le titre exécutoire devant le tribunal administratif de Paris.
8 La composition d'une dragée d'Alvityl 50 dragées était, à l'époque des faits pertinents, la suivante:
- vitamine A : 6 250 UI - vitamine B1 : 2,5 mg - vitamine B2 : 2,5 mg - vitamine B5 : 2,5 mg - vitamine B6 : 0,75 mg - vitamine B8 : 0,025 mg - vitamine B9 : 0,0625 mg - vitamine B12 : 0,0015 mg - vitamine C : 37,5 mg - vitamine D3 : 500 UI - vitamine E : 5 mg - vitamine PP : 12,5 mg - sucre : 550 mg - cacao : 92,5 mg - excipients, arômes, enrobage
La teneur respective en vitamines A et D3 a ultérieurement été abaissée et s'élève actuellement respectivement à 1 500 UI et 150 UI.
L'Alvityl était assorti de l'information suivante: «Ce médicament est préconisé dans la prévention ou la correction des carences vitaminiques liées à une alimentation insuffisante ou déséquilibrée.»
Dans le cadre de l'instance, LTM s'est référée à un rapport d'expert du 17 août 1990 du Dr Annie Rousseau, du département Recherche et Développement clinique des laboratoires LTM. Ce rapport concluait comme suit:
«Alvityl est indiqué lors de certains états carentiels:
- régimes alimentaires restrictifs ou déséquilibrés (régimes hypocaloriques, régimes végétariens stricts, etc.)
- états d'éthylisme chronique - affections digestives au long cours (malabsorption) - femmes enceintes ou allaitant - sportifs de compétition - personnes âgées
Alvityl est utilisé chez les sujets non carencés dans le traitement symptomatique de l'asthénie.
NB: Ce traitement est inadéquat pour le traitement d'une avitaminose spécifique.»
9 Une ampoule de Strongenol 20 ampoules de 10 ml était, à l'époque des faits pertinents, composée de la manière suivante:
- fer : 75 mg - acides aminés : 800 mg - sodium : 2 mg - cuivre : 0,2 mg - iode : 10 mg - sucre : 3,3 gr - glycérine : 2 gr - extrait d'orange : 4 ml - acide citrique : pH 4,4
L'adjonction d'iode a été par la suite supprimée.
Le Strongenol avait été assorti de l'information suivante, concernant son utilisation:
«Asthénie, ou baisse du rendement physique et psychique, convalescence, surmenage, manque d'appétit, amaigrissement, vieillissement».
10 Le tribunal administratif de Paris a sursis à statuer et déféré à la Cour une question, considération prise de ce que:
«la solution du litige est subordonnée au point de savoir si, compte tenu de leur composition, présentation et fonctions, les produits `Alvityl 50 dragées' et `Strongenol 20 ampoules' relèvent de l'application du règlement n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986...»
La procédure devant la Cour
11 LTM soutient que l'Alvityl et le Strongenol sont des médicaments puisque les autorités françaises ont accordé une autorisation de mise sur le marché pour l'un et l'autre produits. L'Alvityl et le Strongenol se présentent l'un et l'autre comme médicaments tant au regard de la forme que du conditionnement. Les deux produits contiennent des substances actives et ont un but thérapeutique ainsi qu'en tout état de cause une incidence sensible sur l'organisme. Il s'agit de médicaments présentant des propriétés préventives et curatives, qui peuvent être consommés en vue de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques et qui ne peuvent être achetés qu'en pharmacie. L'Alvityl contient 50 à 150 % de l'apport quotidien recommandé pour ce qui est de la plupart des vitamines, sert à prévenir ou à traiter des carences multivitaminiques et est acheté la plupart du temps par des patients sur prescription médicale. Le Strongenol contient des sels minéraux, notamment de l'iode, et sert à traiter toutes sortes d'états de faiblesse. Du fait de sa teneur en iode, le Strongenol ne doit être pris que sur prescription médicale.
12 Le gouvernement français a formulé des observations au soutien de LTM et considère que l'Alvityl 50 est un produit vitaminé recommandé pour prévenir ou traiter des carences en vitamines. Le manque de vitamine A peut être à l'origine de graves problèmes de santé. Par ailleurs, la vitamine A, absorbée en trop fortes doses, a des effets toxiques; c'est pourquoi on a exigé en France une prescription médicale pour les produits contenant des concentrations de vitamine A supérieures à 5 000 UI. Le manque de vitamines B1, B6, B9 et B12, ainsi que le manque de vitamine E, peuvent provoquer l'apparition de troubles de santé importants. Sa teneur en vitamines est telle que l'Alvityl peut être utilisé à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. L'Alvityl a des effets sur des fonctions précises de l'organisme. Il doit donc être considéré comme un médicament.
Le Strongenol 20 était prescrit pour combattre une carence en iode. La teneur en iode atteste les propriétés thérapeutiques et prophylactiques du produit. Tant l'insuffisance que le surdosage en iode peuvent provoquer de graves problèmes de santé. Du fait de sa teneur en iode, le Strongenol doit être considéré comme un médicament.
13 La Commission soutient que, puisqu'un apport quotidien et suffisant en vitamines est nécessaire à l'organisme, les dragées multivitaminées telles qu'Alvityl doivent plutôt être considérées comme une partie nécessaire de l'alimentation plutôt que comme un médicament. La notice d'utilisation de l'Alvityl en est une confirmation. Le fait de prendre régulièrement des produits tels que l'Alvityl est devenu une habitude très répandue parmi la population, qui les consomme pour se maintenir en bonne santé.
Le Strongenol ne peut pas non plus être considéré comme un médicament. Des quantités très faibles de métaux (fer et cuivre), d'iode et de sodium servent, tout comme les vitamines et les acides aminés, à maintenir l'organisme en bonne santé et ne sont donc pas destinées à prévenir ou à traiter des maladies. Cette thèse est confortée par la notice d'utilisation du Strongenol.
Remarques générales
14 Il convient de souligner que le règlement n_ 1010/86 autorise la restitution à la production de sucre utilisé pour la fabrication des produits indiqués en annexe au règlement. L'annexe mentionne le chapitre 30 «Produits pharmaceutiques» du tarif douanier commun, mais non le chapitre 21 «Préparations alimentaires diverses». Si les produits relèvent en droit du chapitre 21, ils ne sont donc pas compris dans le champ d'application du règlement. Ce n'est que si les produits relèvent du chapitre 30 qu'ils sont compris dans le champ d'application du règlement et ce n'est que dans ce cas de figure qu'il existe une base légale pour accorder la restitution à la production. L'affaire pendante devant la juridiction de renvoi porte ainsi sur le point de savoir si les produits relèvent du chapitre 30 du tarif douanier commun et la question préjudicielle doit donc être entendue comme sollicitant une interprétation de ce chapitre.
15 Il est de jurisprudence constante que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position du tarif douanier commun et des notes de section ou de chapitre. Il ressort en outre de la jurisprudence constante de la Cour que, s'agissant d'interpréter le tarif douanier commun, tant les notes introductives des chapitres du tarif douanier commun que les notes explicatives du conseil de coopération douanière contribuent de façon importante à assurer une application uniforme du tarif douanier commun dans l'ensemble de la Communauté et doivent donc être considérées comme des éléments d'interprétation valables aux fins de l'interprétation du tarif douanier: voir l'arrêt du 1er juin 1995, Thyssen Haniel Logistic (6) ainsi que l'arrêt du 14 décembre 1995, Colin et Dupré (7).
16 Il n'est pas décisif au regard du tarif douanier de rechercher les considérations sur la base desquelles un produit donné est qualifié de médicament dans la législation communautaire ou des États membres relative aux médicaments. C'est ce qui ressort également des considérations générales du chapitre 30 des notes explicatives du tarif douanier commun, où il est précisé que «... pour le classement dans ce chapitre, n'a pas de valeur déterminante la description d'un produit comme médicament dans la législation communautaire ... dans la législation nationale des États membres ou dans toute pharmacopée».
La notion de médicament qui figure dans le tarif douanier commun se distingue donc de la notion de médicament, telle qu'elle est déterminée dans la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (8). Cette directive a pour but, tout à la fois, d'éliminer - au moins partiellement - les entraves aux échanges intracommunautaires de spécialités pharmaceutiques et de réaliser l'objectif essentiel qu'est la sauvegarde de la santé publique (9). La directive permet ainsi, en vue de favoriser les échanges et en même temps de protéger la santé publique, qu'un spectre relativement large de produits relève du régime de contrôle fixé dans la législation sur les médicaments. Eu égard à l'objectif de protection des consommateurs, la Cour a donc interprété de manière extensive la première définition du médicament, celle qui prend comme point de départ la désignation de la marchandise (10).
Le fait que l'Alvityl et le Strongenol soient mis sur le marché avec l'autorisation des autorités françaises et, partant, soient considérés comme médicaments selon la législation française n'implique donc pas, ipso facto, que les produits doivent également être classés en tant que médicaments dans le tarif douanier commun.
17 Quant à l'importance de la concentration de certaines substances au regard de la question de savoir si des préparations vitaminées relèvent de la notion de médicaments, la Cour s'est, dans l'arrêt Van Bennekom, précité, exprimée comme suit:
«Il apparaît cependant du dossier, et de l'ensemble des observations déposées devant la Cour, qu'il est impossible, dans l'état actuel de la science, d'indiquer si le critère de la concentration peut, à lui seul, toujours suffire à considérer qu'une préparation vitaminée constitue un médicament, ni a fortiori de préciser à partir de quel degré de concentration une telle préparation vitaminée tomberait sous la définition communautaire du médicament» (point 28) (11).
18 On doit supposer que, aux fins du classement tarifaire d'un produit en tant que médicament, le critère décisif est de savoir si ce produit a une application thérapeutique ou prophylactique. Le libellé de la position 3004 du tarif douanier commun et les notes explicatives y afférentes sont très clairs sur ce point. Dans le même ordre d'idées, la Cour a, dans son arrêt du 14 janvier 1993, Bioforce (12), constaté que «les gouttes d'aubépine» devaient être classées dans la position 3004, étant donné que ce produit a un effet thérapeutique - mais surtout prophylactique - précis, notamment sur certaines fonctions de l'organisme humain, à savoir la fonction cardiaque, les troubles circulatoires et neuro-végétatifs.
Plus particulièrement en ce qui concerne l'Alvityl
19 Pour ce qui est de la question de la classification de l'Alvityl, on trouve des éléments d'interprétation dans le règlement n_ 210/85, qui prévoit que des comprimés multivitaminés et minéraux doivent, lorsqu'ils présentent la composition indiquée dans le règlement, être classés en tant que préparations alimentaires. Le cinquième considérant de ce règlement énonce que ces produits présentent les caractéristiques de complément alimentaire contenant des vitamines et des sels minéraux, destinés à conserver l'organisme en bonne santé et qu'en conséquence ils doivent être considérés comme préparations alimentaires. La teneur en vitamines et en sels minéraux qui est indiquée dans le règlement n_ 210/85 correspond largement aux recommandations du comité scientifique des denrées alimentaires (13).
20 Le contenu de l'Alvityl correspond, en ce qui concerne certaines vitamines, à ce qui est indiqué dans le règlement n_ 210/85 et mentionné dans les recommandations du comité scientifique. Ce fait milite en faveur de la thèse considérant au départ que l'Alvityl doit être considéré comme un produit alimentaire de la même manière que les comprimés mentionnés dans le règlement n_ 210/85.
21 Pour ce qui est de certaines autres vitamines, l'Alvityl a une teneur inférieure aux valeurs figurant dans le règlement et aux recommandations du comité scientifique. Le fait que quelques substances soient contenues dans l'Alvityl en proportion moindre que dans le cas des comprimés visés au règlement n_ 210/85 ne saurait cependant aboutir à faire considérer l'Alvityl comme un médicament, mais milite simplement et a fortiori en faveur de la thèse de départ, à savoir que l'Alvityl doit être considéré comme une préparation alimentaire.
22 La question est donc de savoir si cette position de principe est susceptible d'être modifiée en raison du fait que l'Alvityl présente une teneur relativement plus élevée en certaines autres vitamines que les doses figurant dans le règlement n_ 210/85 et dans les recommandations du comité scientifique. Le tableau ci-dessous indique les vitamines et minéraux se trouvant en plus forte concentration dans l'Alvityl que dans le produit visé au règlement n_ 210/85.
Alvityl Règlement Comité n_ 210/85 scientifique
Vitamine A (UI) 6250 2000 2000-2330 Vitamine B1 (mg) 2,5 1,1 0,9-1,1 Vitamine B2 (mg) 2,5 1,2 1,3-1,6 Vitamine B9 (mg) 0,0625 0,05 0,050,2 Vitamine D (UI) 500 200 400
23 Ainsi qu'il ressort du tableau, l'Alvityl a une teneur environ trois fois supérieure en vitamine A par rapport aux comprimés mentionnés dans le règlement n_ 210/85 et à la teneur recommandée par le comité scientifique. En outre, les dragées d'Alvityl contiennent davantage de vitamine D que les comprimés dont il est question dans le règlement n_ 210/85. La teneur plus élevée en vitamines de ce type constitue un fait notable, étant donné que tant les vitamines A que D peuvent être consommées en trop fortes quantités et qu'elles sont susceptibles d'avoir un effet préjudiciable sur la santé en cas de surdosage (14). Tel ne semble en revanche pas être le cas des vitamines B1, B2 et B9, pour lesquelles on constate également des teneurs plus élevées dans l'Alvityl que dans les comprimés dont il est question dans le règlement n_ 210/85.
24 A notre sens, on ne peut pas s'écarter de la position de principe précédemment indiquée, selon laquelle l'Alvityl doit être assimilé aux préparations alimentaires dont il est question dans le règlement n_ 210/85, et considérer l'Alvityl comme un médicament simplement parce qu'il a une teneur plus élevée en vitamines A, B1, B2 et D que les comprimés visés dans le règlement n_ 210/85 (15). En particulier, s'agissant d'une teneur plus élevée en vitamine A, il y a lieu de souligner qu'une série d'aliments ordinaires (préparations alimentaires) ont également une teneur élevée en vitamine A, ou en provitamine A, que l'organisme humain peut transformer en vitamine A. Pour comparer à la teneur en vitamine A de l'Alvityl (6 250 UI), on peut ainsi indiquer que 100 g de foie de veau contiennent 16 670 UI de vitamine A et que 100 g de carottes contiennent jusqu'à 5 550 UI de vitamine A (sous forme de bêta-carotène, qui est une provitamine) (16).
25 Une comparaison entre le contenu d'une dragée d'Alvityl et le contenu des dragées mentionné dans le règlement n_ 210/85 milite ainsi en elle-même de façon décisive en faveur de la thèse selon laquelle l'Alvityl est un aliment au même titre que les dragées dont il est question dans ce règlement.
26 Ainsi qu'il ressort du rapport précité du Dr Rousseau, l'Alvityl est également utilisé dans le traitement de certaines carences, entre autres liées à un régime alimentaire déséquilibré, et dans le traitement symptomatique de l'asthénie, chez des sujets non carencés.
En revanche, l'Alvityl ne se prête pas au traitement d'une avitaminose spécifique.
27 L'Alvityl n'est donc pas destiné à être utilisé dans la prévention ou le traitement de certaines carences en vitamines déterminées, étant donné que l'Alvityl entraîne en même temps l'absorption des autres vitamines qui se trouvent dans le produit et dont certaines peuvent être surdosées. A titre d'exemple, on peut citer le fait que, pour traiter la cécité nocturne résultant d'une carence en vitamine A, on donne par exemple 30 000 UI ou 50 000 UI de vitamine A par jour durant une certaine période. Si l'on donne, à la place, six ou huit Alvityls par jour durant la même période, il se produira cependant un surdosage en vitamine D.
L'Alvityl n'est ainsi pas destiné à être utilisé dans le cadre d'un traitement spécifique, prophylactique ou thérapeutique, tel qu'exigé par l'arrêt Bioforce, précité, et ne se prête d'ailleurs pas à cette fin.
28 L'Alvityl ne peut donc faire l'objet d'une classification au sein du chapitre 30 du tarif douanier commun, concernant les produits pharmaceutiques, mais doit être considéré au contraire comme une préparation alimentaire au sens du chapitre 21.
Plus particulièrement en ce qui concerne le Strongenol
29 Le Strongenol ne contient aucune vitamine et quelques-uns seulement des nombreux minéraux dont l'organisme a besoin. Les vitamines et la plupart des minéraux contenus dans les comprimés indiqués comme étant des préparations alimentaires au sens du règlement n_ 210/85 ne se trouvent donc pas du tout dans le Strongenol qui n'a en outre qu'une faible teneur en cuivre. On doit donc considérer en principe, également en ce qui concerne le Strongenol, que ce produit n'est pas un médicament.
30 Le Strongenol contient, outre le cuivre dont il vient d'être question, du sodium, du fer et de l'iode. Le sodium ne se trouve pas répertorié dans les comprimés visés au règlement n_ 210/85. Par analogie avec l'Alvityl et à la teneur en certaines vitamines de ce produit, le Strongenol présente en outre une teneur en fer et en iode plus élevée que les préparations alimentaires dont il est question dans le règlement n_ 210/85 et supérieure, également, aux recommandations du comité scientifique, à savoir:
Règlement Comité Strongenol n_ 210/85 scientifique
Fer (mg) 75 10 9-20 Iode (mg) 10 0,075 0,13
31 On ne saurait toutefois, selon nous, considérer le Strongenol comme un médicament simplement parce qu'il contient du sodium et une teneur en fer et en iode plus élevée que les comprimés indiqués comme préparations alimentaires au sens du règlement n_ 210/85 et plus élevée que les recommandations du comité scientifique (17).
32 Les indications thérapeutiques figurant sur la notice jointe au produit étaient les suivantes: asthénie ou baisse du rendement physique et psychique, convalescence, surmenage, manque d'appétit, amaigrissement, vieillissement. Il s'agit là d'une série d'états très différents, définis de manière très générale, et qui ne sont pas en eux-mêmes des maladies ou des affections, mais simplement des états de faiblesse à caractère plus ou moins diffus. Le Strongenol n'était pas non plus signalé comme étant susceptible d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection, comme l'exigent les notes explicatives se rapportant à la position 3004 du tarif douanier commun et, de surcroît, ce produit n'avait non plus aucun effet spécifique, thérapeutique ou prophylactique, tel que l'exige l'arrêt Bioforce.
33 Pour ces raisons, le Strongenol ne saurait non plus faire l'objet d'un classement tarifaire dans la position 3004 ou dans toute autre position du chapitre 30.
Conclusion
34 Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre à la question préjudicielle comme suit:
«Le tarif douanier commun doit être interprété en ce sens que la notion de `produits pharmaceutiques' visée au chapitre 30 n'inclut pas les produits présentant la composition des produits envisagés dans la présente affaire.»
(1) - Règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1).
(2) - JO L 24, p. 11, modifié par le règlement (CEE) n_ 2723/90 de la Commission, du 24 mai 1990, remplaçant dans certains règlements relatifs au classement de marchandises les codes établis sur la base de la nomenclature du tarif douanier commun en vigueur au 31 décembre 1987 par ceux établis sur base de la nomenclature combinée (JO L 261, p. 24).
(3) - 1 mcg correspond à 1/1000 mg; 50 mcg équivalent ainsi à 0,05 mg.
(4) - JO L 94, p. 9.
(5) - JO L 152, p. 23.
(6) - C-459/93, Rec. p. I-1381.
(7) - C-106/94 et C-139/94, Rec. p. I-4759.
(8) - JO L 22, p. 369.
(9) - Arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom (227/82, Rec. p. 3883).
(10) - Voir arrêts Van Bennekom, précité à la note 9, point 17; du 16 avril 1991, Upjohn (C-112/89, Rec. p. I-1703, point 16), et du 28 octobre 1992, Ter Voort (C-219/91, Rec. p. I-5485, point 16).
(11) - L'affaire avait trait à la notion de médicament dans la directive 65/65 du Conseil.
(12) - C-177/91, Rec. p. I-45, notamment point 13.
(13) - Rapports du comité scientifique des denrées alimentaires (31e série). Compléments alimentaires et énergétiques dans la Communauté européenne (avis émis le 11 décembre 1992). Les valeurs indiquées concernent les adultes, respectivement hommes et femmes. Le comité scientifique a qualifié ces valeurs de «doses de référence pour la population». Cette expression recouvre la dose qui est suffisante pour pratiquement toutes les personnes en bonne santé d'un groupe déterminé.
(14) - Les teneurs en vitamine A et en vitamine D pour l'Alvityl ont au reste, selon des informations qui ont été fournies à une époque postérieure à l'époque pertinente au regard de la présente affaire, été respectivement ramenées à 1 500 et 150 UI afin d'éviter le risque d'hypervitaminose (surdosage).
(15) - Voir, à cet égard, l'arrêt Van Bennekom, précité à la note 9.
(16) - Source: Tableau des calories, Anne Noël, éd. S A E P, Ingersheim, 1988.
(17) - A un moment qui est postérieur à l'époque pertinente au regard de la présente affaire, LTM a au reste entièrement éliminé l'iode de la composition du produit.