Arrêt de la Cour du 17 juillet 1997. - Krüger GmbH & Co. KG contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Hamburg - Allemagne. - Restitutions à l'exportation - Produits laitiers - Discrimination - Appréciation de validité - Juridiction nationale - Mesures provisoires - Code des douanes communautaire. - Affaire C-334/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-04517
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 Agriculture - Organisation commune des marchés - Lait et produits laitiers - Restitutions à l'exportation - Produits y donnant lieu - Renvoi opéré aux «préparations à base de café» au sens de la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée - Renvoi visant également les préparations à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café
(Règlement du Conseil n_ 804/68, art. 17, § 1)
2 Union douanière - Application de la réglementation douanière - Droit de recours - Sursis à exécution - Article 244 du code des douanes communautaire - Champ d'application - Décision exigeant le remboursement d'une restitution à l'exportation - Exclusion
(Règlement du Conseil n_ 2913/92, art. 244)
3 Actes des institutions - Contestation incidente devant le juge national de la légalité d'un acte communautaire à l'occasion d'un recours dirigé contre une mesure nationale de mise en oeuvre - Octroi du sursis à l'exécution de la mesure nationale - Admissibilité - Conditions - «Fumus boni juris» - Saisine de la Cour par la voie du renvoi préjudiciel en appréciation de validité - Préjudice grave et irréparable - Prise en compte de l'intérêt de la Communauté - Respect de la jurisprudence communautaire pertinente
(Traité CE, art. 177, 185 et 189)
4 Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Contestation incidente devant le juge national de la légalité d'un acte communautaire à l'occasion d'un recours dirigé contre une mesure nationale de mise en oeuvre - Sursis à l'exécution de la mesure nationale et renvoi préjudiciel en appréciation de validité de l'acte communautaire - Autorisation accordée par le juge national d'introduire un pourvoi contre sa décision - Admissibilité
(Traité CE, art. 177, al. 2 et 3)
5 L'article 17, paragraphe 1, du règlement n_ 804/68, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, tel que modifié par le règlement n_ 3904/87, qui prévoit la faculté pour la Communauté d'octroyer des restitutions à l'exportation pour les produits laitiers entrant dans la composition d'autres produits, lu en combinaison avec l'annexe du règlement, qui inclut dans l'énumération des produits donnant lieu à restitution les «préparations à base de café» et renvoie à cet égard à la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée (1992), doit être interprété en ce sens qu'il autorise l'octroi de restitutions à l'exportation pour les produits laitiers contenus tant dans des préparations à base de café que dans celles à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café.$
6 L'article 244 du règlement n_ 2913/92, établissant le code des douanes communautaire, qui détermine les conditions dans lesquelles peut être accordé le sursis à l'exécution des décisions prises par les autorités douanières relatives à l'application de la réglementation douanière, n'est pas applicable à des demandes de remboursement de restitutions à l'exportation. En effet, ces restitutions constituent l'aspect externe de la politique commune des prix agricoles à l'intérieur de la Communauté et ne sauraient donc être considérées comme des mesures relevant de la réglementation douanière.$
7 Pour qu'une juridiction nationale puisse surseoir à l'exécution d'une décision administrative nationale fondée sur un acte communautaire, il faut qu'elle ait des doutes sérieux sur la validité dudit acte; que, pour le cas où la Cour ne serait pas déjà saisie de la question de validité de l'acte contesté, elle la lui renvoie elle-même; qu'il y ait urgence, en ce sens que les mesures provisoires sont nécessaires pour éviter que la partie qui les sollicite ne subisse un préjudice grave et irréparable, et que soit dûment pris en compte l'intérêt de la Communauté. A ce dernier égard, il appartient à la juridiction nationale de décider, conformément à ses règles de procédure, quelle est la façon la plus appropriée de recueillir toutes les informations utiles sur l'acte communautaire en cause. Il faut enfin que, dans l'appréciation de toutes ces conditions, la juridiction nationale respecte les décisions de la Cour ou du Tribunal de première instance statuant sur la légalité de l'acte communautaire ou une ordonnance de référé visant à l'octroi, au niveau communautaire, de mesures provisoires similaires.$
8 L'article 177, deuxième alinéa, du traité ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction nationale, qui a ordonné le sursis à l'exécution d'une décision administrative nationale fondée sur un acte communautaire et qui a saisi, conformément à l'obligation lui incombant, la Cour à titre préjudiciel d'une question relative à la validité de l'acte communautaire, autorise l'introduction d'un pourvoi contre sa décision.$
D'une part, en effet, si l'obligation de saisir la Cour trouve son fondement dans la nécessité d'assurer l'application uniforme du droit communautaire et de sauvegarder la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la validité d'un acte de droit communautaire, le respect de ces impératifs n'est pas affecté par la possibilité d'introduire un pourvoi contre la décision de la juridiction nationale, étant donné que, dans l'hypothèse où cette décision devrait être réformée ou annulée dans le cadre du pourvoi, la procédure préjudicielle deviendrait sans objet et le droit communautaire retrouverait sa pleine application. D'autre part, la faculté d'introduire un tel pourvoi n'empêche pas la mise en oeuvre de la procédure préjudicielle par la juridiction statuant en dernier ressort, qui est tenue, conformément à l'article 177, troisième alinéa, du traité, de procéder à un renvoi si elle éprouve des doutes sur l'interprétation ou sur la validité du droit communautaire.
Dans l'affaire C-334/95,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Krüger GmbH & Co. KG
et
Hauptzollamt Hamburg-Jonas,
une décision à titre préjudiciel, d'une part, sur la validité de l'article 17, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3904/87 du Conseil, du 22 décembre 1987 (JO L 370, p. 1), lu en combinaison avec son annexe, ainsi que sur les conséquences d'une éventuelle déclaration d'invalidité, et, d'autre part, sur l'interprétation de l'article 244 du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), ainsi que de l'article 177 du traité CE,
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm et R. Schintgen (rapporteur), juges,
avocat général: M. M. B. Elmer,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Krüger GmbH & Co. KG, par Me H. J. Priess, avocat au barreau de Bruxelles,
- pour le Hauptzollamt Hamburg-Jonas, par M. E. von Reden, Regierungsdirektor, Vorsteher des Hauptzollamts,
- pour le Conseil de l'Union européenne, par M. J.-P. Hix, membre du service juridique, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. K.-D. Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Krüger GmbH & Co. KG, du Conseil et de la Commission à l'audience du 21 janvier 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 24 avril 1997,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 21 septembre 1995, parvenue à la Cour le 23 octobre suivant, le Finanzgericht Hamburg a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, six questions préjudicielles relatives, d'une part, à la validité de l'article 17, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3904/87 du Conseil, du 22 décembre 1987 (JO L 370, p. 1, ci-après le «règlement n_ 804/68»), lu en combinaison avec son annexe, ainsi qu'aux conséquences d'une éventuelle déclaration d'invalidité, et, d'autre part, à l'interprétation de l'article 244 du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes communautaire»), ainsi que de l'article 177 du traité.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige qui oppose Krüger GmbH & Co. KG (ci-après «Krüger») au Hauptzollamt Hamburg-Jonas (ci-après le «Hauptzollamt») au sujet du remboursement d'une restitution versée pour l'exportation de produits laitiers.
3 Le règlement n_ 804/68 prévoit à l'article 17, paragraphe 1:
«Dans la mesure nécessaire pour permettre l'exportation des produits [laitiers] ... en l'état ou sous la forme de marchandises figurant à l'annexe ... sur la base des prix de ces produits dans le commerce international, la différence entre ces prix et les prix dans la Communauté peut être couverte par une restitution à l'exportation.»
4 L'annexe du règlement n_ 804/68 vise, parmi les produits pouvant donner lieu à restitution:
Code NC
Désignation des marchandises
ex 2101 10
Préparations à base de café
5 A l'époque des faits du litige au principal, la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée, telle qu'établie dans l'annexe du règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement (CEE) n_ 2505/92 de la Commission, du 14 juillet 1992 (JO L 267, p. 1), concernait les marchandises suivantes:
Code NC
Désignation des marchandises
2101 10
2101 10 11$
2101 10 19
2101 10 91
2101 10 99
- Extraits, essences et concentrés de café et préparations à base de ces extraits, essences ou concentrés ou à base de café:
- - Extraits, essences et concentrés:
- - - d'une teneur en matière sèche provenant du café égale ou supérieure à 95 % en poids
- - - autres
- - Préparations:
- - - ne contenant pas de matières grasses provenant du lait, de protéines du lait, de saccharose, d'isoglucose, de glucose, d'amidon ou de fécule ou contenant en poids moins de 1,5 % de matières grasses provenant du lait, moins de 2,5 % de protéines du lait, moins de 5 % de saccharose ou d'isoglucose, moins de 5 % de glucose ou d'amidon ou de fécule
- - - autres
6 Le règlement (CE) n_ 3115/94 de la Commission, du 20 décembre 1994, modifiant les annexes I et II du règlement n_ 2658/87 (JO L 345, p. 1), adopté à la suite du GATT de 1994, a opéré une distinction, parmi les «préparations», entre celles à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café, relevant d'une nouvelle sous-position 2101 10 92, et les «autres» préparations, relevant d'une nouvelle sous-position 2101 10 98. Les anciennes sous-positions 2101 10 91 et 2101 10 99 ont été supprimées.
7 Le code des douanes communautaire dispose en son article 1er:
«La réglementation douanière est constituée par le présent code et par les dispositions prises pour son application au niveau communautaire ou national. Sans préjudice de dispositions particulières établies dans d'autres domaines, le présent code s'applique:
- aux échanges entre la Communauté et les pays tiers,
- ...»
8 D'après l'article 161, paragraphe 1, du code des douanes communautaire,
«Le régime de l'exportation permet la sortie hors du territoire douanier de la Communauté d'une marchandise communautaire.
L'exportation comporte l'application des formalités prévues pour ladite sortie, y compris des mesures de politique commerciale et, le cas échéant, des droits à l'exportation.»
9 L'article 243, paragraphe 1, premier alinéa, du code des douanes communautaire prévoit ensuite:
«Toute personne a le droit d'exercer un recours contre les décisions prises par les autorités douanières qui ont trait à l'application de la réglementation douanière et qui la concernent directement et individuellement.»
10 Enfin, aux termes de l'article 244 du code des douanes communautaire,
«L'introduction d'un recours n'est pas suspensive de l'exécution de la décision contestée.
Toutefois, les autorités douanières sursoient en tout ou en partie à l'exécution de ladite décision lorsqu'elles ont des raisons fondées de douter de la conformité de la décision contestée à la réglementation douanière ou qu'un dommage irréparable est à craindre pour l'intéressé.
Lorsque la décision contestée a pour effet l'application de droits à l'importation ou de droits à l'exportation, le sursis à l'exécution de cette décision est subordonné à l'existence ou à la constitution d'une garantie. ...»
11 Il ressort du dossier de l'affaire au principal que, au cours de l'année 1993, Krüger a exporté un mélange de poudre de lait non écrémé et d'extraits de café sous la dénomination commerciale «Cappuccino Tasse». Lors du dédouanement, Krüger a déclaré cette marchandise correctement comme une préparation alimentaire sous forme instantanée, dénommée «Cappuccino» et relevant de la sous-position tarifaire 2101 10 99.
12 Le Hauptzollamt a accordé à Krüger une restitution à l'exportation d'un montant de 89 411 DM pour les quantités de lait écrémé ou de lait écrémé en poudre utilisées dans la fabrication du produit en question.
13 Par lettre du 3 février 1994, Krüger a demandé au Hauptzollamt de lui indiquer pourquoi sa filiale ne bénéficiait pas de restitutions à l'exportation pour le même type de produit.
14 Le 11 février 1994, le Hauptzollamt a informé Krüger que la réglementation communautaire autorisait l'octroi de restitutions à l'exportation pour le lait écrémé contenu dans des préparations alimentaires à base de café, mais non pas pour le lait contenu dans des préparations alimentaires à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café.
15 Estimant que les restitutions à l'exportation antérieurement accordées à Krüger lui avaient été versées à tort, le Hauptzollamt a, par décision du 30 mai 1994, exigé le remboursement du montant de 89 411 DM.
16 Invoquant l'article 244, deuxième alinéa, du code des douanes communautaire, Krüger a saisi le Finanzgericht Hamburg d'une demande de sursis à l'exécution de cette décision.
17 Par ordonnance du 21 septembre 1995, le Finanzgericht Hamburg a fait droit à cette demande, au motif qu'il existe de bonnes raisons de douter de la validité de la décision en cause. Cette juridiction a en effet estimé que le règlement n_ 804/68 pourrait enfreindre l'article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CE, dans la mesure où il n'accorde pas de restitutions à l'exportation pour les produits laitiers contenus dans des préparations alimentaires fabriquées à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café.
18 Au regard de l'importance du litige, le Finanzgericht Hamburg a, au titre des dispositions combinées de l'article 128, paragraphe 3, deuxième phrase, et de l'article 115, paragraphe 2, point 1, de la Finanzgerichtsordnung (code de procédure des tribunaux fiscaux), autorisé un recours en «Revision» contre la décision provisoire de sursis devant le Bundesfinanzhof. Il a toutefois exprimé ses doutes sur la compatibilité d'une telle autorisation avec l'article 177, deuxième alinéa, du traité.
19 Dans la même ordonnance, le Finanzgericht Hamburg a dès lors posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les dispositions du règlement (CEE) n_ 804/68, avec son annexe, telle qu'elle a été modifiée par le règlement (CEE) n_ 374/92, sont-elles contraires à l'article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CE et par conséquent invalides dans la mesure où elles n'accordent pas de restitution à l'exportation pour le lait ou les produits laitiers contenus dans des préparations alimentaires relevant de la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée et fabriquées à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café?
2) Une violation de l'interdiction de discrimination fait-elle obstacle à l'action en remboursement d'une restitution à l'exportation accordée pour du lait ou des produits laitiers contenus dans des préparations alimentaires relevant de la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée et fabriquées à base d'extraits de café?
3) L'article 244 du règlement (CEE) n_ 2913/92 (code des douanes) s'applique-t-il au sursis à l'exécution de décisions exigeant le remboursement d'une restitution à l'exportation?
4) Si la réponse à la troisième question est affirmative: en cas de doute sur la validité des dispositions de droit communautaire sur lesquelles se fonde la décision exigeant le remboursement, le sursis à l'exécution doit-il être apprécié au regard de l'article 244 du code des douanes ou sur la base d'autres critères, et lesquels?
5) Si la réponse à la troisième question est négative: sur la base de quels critères faut-il apprécier le sursis à l'exécution en cas de doute sur la validité des dispositions de droit communautaire sur lesquelles se fonde la décision exigeant le remboursement?
6) L'article 177, deuxième alinéa, du traité CE doit-il être interprété en ce sens qu'il exclut, dans des cas semblables à la présente hypothèse, que le Finanzgericht puisse autoriser l'introduction d'un pourvoi au titre des dispositions combinées de l'article 128, paragraphe 3, deuxième phrase, et de l'article 115, paragraphe 2, point 1, de la Finanzgerichtsordnung (code de procédure des tribunaux fiscaux)?»
Sur les première et deuxième questions
20 Par ses deux premières questions, la juridiction nationale interroge la Cour sur la validité du règlement n_ 804/68, dans la mesure où celui-ci opère, en ce qui concerne les restitutions à l'exportation de produits laitiers, une différence de traitement entre les préparations à base de café et celles à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café, ainsi que sur les conséquences à tirer d'une éventuelle constatation d'invalidité de ce règlement.
21 Pour poser ces questions, le Finanzgericht Hamburg part de la prémisse selon laquelle cette différence de traitement résulte du libellé de l'article 17, paragraphe 1, du règlement n_ 804/68 et de son annexe, lus en relation avec la nomenclature combinée.
22 Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée par l'article 177 du traité, il appartient à celle-ci de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi.
23 Dans cette optique, il incombe à la Cour de reformuler les questions dont elle est saisie ou d'examiner si une question relative à la validité d'une disposition de droit communautaire repose sur une interprétation correcte du texte en cause.
24 Dans le présent renvoi, il y a lieu d'apprécier tout d'abord si l'article 17, paragraphe 1, du règlement n_ 804/68, lu en combinaison avec son annexe qui renvoie à la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée, doit être interprété en ce sens qu'il autorise l'octroi de restitutions à l'exportation uniquement pour les produits laitiers contenus dans des préparations à base de café, à l'exclusion de ceux contenus dans des préparations à base d'extraits, d'essences et de concentrés de café.
25 A cet égard, il convient de prendre en considération la finalité du règlement n_ 804/68, le libellé de la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée visée à l'annexe du règlement et la structure de cette position tarifaire.
26 Le règlement n_ 804/68 prévoit, à l'article 17, paragraphe 1, en tant qu'un des éléments de l'organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, la faculté pour la Communauté d'octroyer des restitutions à l'exportation pour les produits laitiers vendus en l'état ou pour ceux qui entrent dans la composition d'autres produits. Cette restitution, qui équivaut à la différence entre les prix des produits laitiers dans le commerce international et les prix dans la Communauté, a pour objectif de garantir, en cas de nécessité, la vente des produits communautaires sur le marché mondial.
27 S'agissant plus particulièrement des produits laitiers utilisés dans des produits fabriqués à partir de café, l'annexe du règlement n_ 804/68 vise la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée avec la désignation «Préparations à base de café», en faisant précéder le code chiffré de la sous-position du préfixe «ex».
28 Cette sous-position tarifaire distingue entre les extraits, essences et concentrés de café, d'une part, et les préparations, d'autre part.
29 La référence, dans l'annexe du règlement n_ 804/68, aux préparations s'explique par le fait que seules ces dernières sont susceptibles de comporter des produits laitiers.
30 Or, au niveau de la sous-position «Préparations», la nomenclature combinée opère une distinction non pas entre les préparations à base de café et celles à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café, mais entre celles qui ne contiennent pas ou ne contiennent qu'une faible proportion de matières grasses provenant du lait, de protéines du lait, de saccharose, d'isoglucose, de glucose, d'amidon ou de fécule (code 2101 10 91) et les autres préparations (code 2101 10 99).
31 Dans ces conditions, la désignation «ex 2101 10 Préparations à base de café», figurant à l'annexe du règlement n_ 804/68, ne saurait être interprétée littéralement comme n'englobant que les seules préparations à base de café, mais doit au contraire être comprise comme visant toutes les préparations réalisées à partir de produits de café dans lesquelles entrent des produits laitiers.
32 Cette interprétation du règlement n_ 804/68 ne saurait être contestée au motif que la part des produits laitiers dans la valeur des préparations à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café est faible. En effet, le règlement n_ 804/68, tout en se limitant à prévoir la possibilité pour la Communauté d'octroyer des restitutions à l'exportation, ne contient aucune règle d'après laquelle ces dernières seraient exclues lorsque la part que représente le produit laitier dans la valeur du produit exporté n'excède pas un certain niveau.
33 En outre, cette lecture du règlement n_ 804/68 est la seule qui puisse lui donner un effet utile. En effet, les dispositions en cause de ce règlement seraient privées de leur raison d'être si elles devaient être interprétées en ce sens qu'elles rendraient éligibles, pour l'octroi d'une restitution à l'exportation pour les produits laitiers, les seules préparations à base de café dont l'existence sur le marché n'a pas été établie, ainsi qu'il résulte des observations déposées devant la Cour.
34 En conséquence, il convient d'interpréter l'article 17, paragraphe 1, du règlement n_ 804/68, lu en combinaison avec son annexe qui renvoie à la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée, telle qu'établie dans l'annexe du règlement n_ 2658/87, dans sa version résultant du règlement n_ 2505/92, en ce sens qu'il autorise l'octroi de restitutions à l'exportation pour les produits laitiers contenus tant dans des préparations à base de café que dans celles à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café.
35 Compte tenu de cette lecture du règlement n_ 804/68, il n'y a lieu d'examiner ni la validité de ce règlement au regard du principe de non-discrimination, dès lors que l'argumentation relative à la violation de ce dernier est fondée sur l'interprétation selon laquelle le règlement ne permettrait pas d'octroyer des restitutions à l'exportation pour les produits laitiers contenus dans les préparations à base d'extraits, d'essences et de concentrés de café, alors même qu'il permettrait d'en accorder le bénéfice pour les produits laitiers contenus dans les préparations à base de café, ni les conséquences à tirer d'une éventuelle constatation d'invalidité dudit règlement.
Sur la troisième question
36 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 244 du code des douanes communautaire est applicable à des demandes de remboursement de restitutions à l'exportation.
37 Il résulte d'abord du libellé des articles 243, paragraphe 1, et 244, deuxième alinéa, du code des douanes communautaire que les recours prévus par ces dispositions sont introduits contre des décisions des autorités des États membres qui ont trait à l'application de la réglementation douanière.
38 Il découle ensuite de l'article 161 du code des douanes communautaire que le régime de l'exportation comporte l'application des formalités permettant la sortie du territoire douanier de la Communauté d'une marchandise communautaire, y compris les mesures de politique commerciale et les droits à l'exportation.
39 Or, les restitutions à l'exportation ne font pas partie de ce régime de l'exportation des marchandises communautaires, mais trouvent leur fondement dans les règlements instituant les organisations communes de marchés pour les différents produits agricoles. Elles visent en effet à couvrir la différence entre le prix de ces produits dans le commerce international et les prix pratiqués dans la Communauté, afin de permettre l'exportation de ces produits sur le marché mondial en garantissant les revenus des producteurs communautaires. Ces restitutions constituent ainsi l'aspect externe de la politique commune des prix à l'intérieur de la Communauté et ne sauraient donc être considérées comme des mesures relevant de la réglementation douanière.
40 Il y a lieu dès lors de répondre à la troisième question que l'article 244 du code des douanes communautaire n'est pas applicable à des demandes de remboursement de restitutions à l'exportation.
Sur la quatrième question
41 La juridiction de renvoi n'a posé la quatrième question que dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la troisième question.
42 Compte tenu de la réponse négative donnée à la troisième question, il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur la quatrième question.
Sur la cinquième question
43 Par cette question, la juridiction nationale demande en substance à la Cour de préciser les critères sur la base desquels elle peut décider le sursis à l'exécution d'une décision administrative nationale, si elle éprouve des doutes quant à la validité de l'acte communautaire qui lui sert de fondement.
44 Pour répondre à cette question, il suffit de rappeler que, dans l'arrêt du 9 novembre 1995, Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (I) (C-465/93, Rec. p. I-3761), la Cour a dit pour droit que des mesures provisoires ne peuvent être accordées par une juridiction nationale que:
- si cette juridiction a des doutes sérieux sur la validité de l'acte communautaire et si, pour le cas où la Cour ne serait pas déjà saisie de la question de validité de l'acte contesté, elle la lui renvoie elle-même;
- s'il y a urgence en ce sens que les mesures provisoires sont nécessaires pour éviter que la partie qui les sollicite subisse un préjudice grave et irréparable;
- si la juridiction nationale prend dûment en compte l'intérêt de la Communauté;
- si, dans l'appréciation de toutes ces conditions, la juridiction nationale respecte les décisions de la Cour ou du Tribunal de première instance statuant sur la légalité de l'acte communautaire ou une ordonnance de référé visant l'octroi, au niveau communautaire, de mesures provisoires similaires.
45 La Commission a toutefois souligné que, pour prendre dûment en compte l'intérêt de la Communauté, la juridiction nationale doit, lorsqu'elle envisage d'accorder des mesures provisoires, donner la possibilité de s'exprimer à l'institution communautaire, auteur de l'acte dont la validité est mise en doute.
46 A cet égard, il convient de préciser qu'il appartient à la juridiction nationale, appelée à apprécier l'intérêt de la Communauté dans le cadre d'une demande de mesures provisoires, de décider, conformément à ses règles de procédure, quelle est la façon la plus appropriée de recueillir toutes les informations utiles sur l'acte communautaire en cause.
47 Il y a lieu dès lors de répondre à la cinquième question qu'une juridiction nationale ne peut surseoir à l'exécution d'une décision administrative nationale fondée sur un acte communautaire que:
- si cette juridiction a des doutes sérieux sur la validité de l'acte communautaire et si, pour le cas où la Cour ne serait pas déjà saisie de la question de validité de l'acte contesté, elle la lui renvoie elle-même;
- s'il y a urgence en ce sens que les mesures provisoires sont nécessaires pour éviter que la partie qui les sollicite subisse un préjudice grave et irréparable;
- si la juridiction nationale prend dûment en compte l'intérêt de la Communauté;
- si, dans l'appréciation de toutes ces conditions, la juridiction nationale respecte les décisions de la Cour ou du Tribunal de première instance statuant sur la légalité de l'acte communautaire ou une ordonnance de référé visant l'octroi, au niveau communautaire, de mesures provisoires similaires.
Sur la sixième question
48 Par cette question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si l'article 177, deuxième alinéa, du traité s'oppose à ce qu'une juridiction nationale, qui a ordonné le sursis à l'exécution d'une décision administrative nationale et saisi la Cour à titre préjudiciel d'une question relative à la validité de l'acte communautaire sur lequel elle est fondée, autorise l'introduction d'un pourvoi contre sa décision.
49 Afin de donner une réponse utile à cette question, il convient d'examiner si une règle procédurale nationale qui permet l'introduction d'un pourvoi contre une telle décision est compatible avec, d'une part, le devoir de saisine de la Cour imposé au juge national qui considère qu'un acte de droit communautaire est entaché d'invalidité et, d'autre part, le droit de saisir la Cour dont l'article 177 investit tout juge national.
50 Il découle des arrêts du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest (C-143/88 et C-92/89, Rec. p. I-415), et Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (I), précité, que, lorsque le juge national sursoit à l'exécution d'une décision administrative nationale fondée sur un acte communautaire dont la validité est contestée, il a l'obligation de saisir la Cour d'une question préjudicielle relative à la validité de ce dernier.
51 Cette obligation trouve son fondement dans la nécessité d'assurer l'application uniforme du droit communautaire et de sauvegarder la compétence exclusive de la Cour pour statuer sur la validité d'un acte de droit communautaire.
52 Or, le respect de ces impératifs n'est pas affecté par la possibilité d'introduire un pourvoi contre la décision de la juridiction nationale. En effet, si cette décision devait être réformée ou annulée dans le cadre de ce pourvoi, la procédure préjudicielle deviendrait sans objet et le droit communautaire retrouverait sa pleine application.
53 Par ailleurs, une règle procédurale nationale qui prévoit une telle faculté n'empêche pas la mise en oeuvre de la procédure préjudicielle par la juridiction statuant en dernier ressort qui est tenue, conformément à l'article 177, troisième alinéa, du traité, de procéder à un renvoi, si elle éprouve des doutes sur l'interprétation ou sur la validité du droit communautaire.
54 Il y a lieu dès lors de répondre à la sixième question que l'article 177, deuxième alinéa, du traité ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction nationale, qui a ordonné le sursis à l'exécution d'une décision administrative nationale et saisi la Cour à titre préjudiciel d'une question relative à la validité de l'acte communautaire sur lequel elle est fondée, autorise l'introduction d'un pourvoi contre sa décision.
Sur les dépens
55 Les frais exposés par le Conseil de l'Union européenne et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par le Finanzgericht Hamburg, par ordonnance du 21 septembre 1995, dit pour droit:
1) L'article 17, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 3904/87 du Conseil, du 22 décembre 1987, lu en combinaison avec son annexe qui renvoie à la sous-position 2101 10 de la nomenclature combinée, telle qu'établie dans l'annexe du règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement (CEE) n_ 2505/92 de la Commission, du 14 juillet 1992, doit être interprété en ce sens qu'il autorise l'octroi de restitutions à l'exportation pour les produits laitiers contenus tant dans des préparations à base de café que dans celles à base d'extraits, d'essences ou de concentrés de café.
2) L'article 244 du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, n'est pas applicable à des demandes de remboursement de restitutions à l'exportation.
3) Une juridiction nationale ne peut surseoir à l'exécution d'une décision administrative nationale fondée sur un acte communautaire que:
- si cette juridiction a des doutes sérieux sur la validité de l'acte communautaire et si, pour le cas où la Cour ne serait pas déjà saisie de la question de validité de l'acte contesté, elle la lui renvoie elle-même;
- s'il y a urgence en ce sens que les mesures provisoires sont nécessaires pour éviter que la partie qui les sollicite subisse un préjudice grave et irréparable;
- si la juridiction nationale prend dûment en compte l'intérêt de la Communauté;
- si, dans l'appréciation de toutes ces conditions, la juridiction nationale respecte les décisions de la Cour ou du Tribunal de première instance statuant sur la légalité de l'acte communautaire ou une ordonnance de référé visant l'octroi, au niveau communautaire, de mesures provisoires similaires.
4) L'article 177, deuxième alinéa, du traité CE ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction nationale, qui a ordonné le sursis à l'exécution d'une décision administrative nationale et saisi la Cour à titre préjudiciel d'une question relative à la validité de l'acte communautaire sur lequel elle est fondée, autorise l'introduction d'un pourvoi contre sa décision.