61995C0390

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 28 avril 1998. - Antillean Rice Mills NV, European Rice Brokers AVV et Guyana Investments AVV contre Commission des Communautés européennes. - Compétence du Conseil pour décider des restrictions à l'importation de produits agricoles originaires des pays et territoires d'outre-mer. - Affaire C-390/95 P.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-00769


Conclusions de l'avocat général


A - Introduction

1 Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur un pourvoi dirigé contre un arrêt du Tribunal de première instance (1). Il s'agit en substance de savoir si les importations dans la Communauté de riz des pays et territoires d'outre-mer (ci-après les «PTOM») peuvent faire l'objet de mesures de sauvegarde. La décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne (2) (ci-après la «décision PTOM») prévoit une telle possibilité.

2 En 1993, la Commission a usé de cette possibilité en adoptant deux décisions. Les parties requérantes, qui sont celles qui avaient formé le recours originaire (ci-après les «parties requérantes»), veulent entendre annuler ces décisions et sollicitent de surcroît une indemnité. Selon elles, les décisions n'ont pas de base juridique valable; de plus, elles heurteraient les objectifs de l'association.

3 Le traité CE prévoit un statut spécial pour les PTOM dans sa quatrième partie intitulée «L'association des pays et territoires d'outre-mer» (articles 131 à 136 bis du traité CE). Le préambule du traité confirme déjà le soutien à apporter aux PTOM et celui-ci est inscrit à l'article 3, sous r), du traité CE en tant qu'action de la Communauté. L'article 132 du traité CE est rédigé comme suit:

«L'association poursuit les objectifs ci-après.

1. Les États membres appliquent à leurs échanges commerciaux avec les pays et territoires le régime qu'ils s'accordent entre eux en vertu du présent traité.»

Par ce régime, on entend en fin de compte la libre circulation des marchandises.

4 Aux termes de l'article 136 du traité CE, une convention d'application est jointe au traité pour mettre en oeuvre ces dispositions pour une première période de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité. Selon l'article 136, second alinéa, du traité, le Conseil établit pour la période qui suit de nouvelles dispositions d'application «à partir des réalisations acquises et sur la base des principes inscrits dans le présent traité». Depuis 1964, le Conseil a établi six décisions au titre de cette disposition, dont la dernière en date est la décision PTOM, qui, contrairement aux autres décisions, est en vigueur pour dix ans et non pas cinq.

5 Cette décision a mis pour la première fois pleinement en oeuvre la disposition du traité voulant que les États membres appliquent à leurs échanges commerciaux avec les pays et territoires d'outre-mer le régime qu'ils s'accordent entre eux en vertu du traité. Cela signifie que, depuis 1991, tous les produits - donc également les produits agricoles qui répondent aux conditions de la décision PTOM - peuvent être exportés vers la Communauté en exemption de droit de douane et sans restriction quantitative.

6 La libéralisation des échanges commerciaux avec les PTOM peut toutefois entraîner des problèmes dans le trafic, en particulier dans celui des produits agricoles qui relèvent d'une organisation commune des marchés comportant un mécanisme d'intervention et la fixation d'un prix uniforme. Ces effets s'accroissent avec les concessions faites en plus à des pays tiers. Lorsque de tels produits (par exemple le riz) originaires d'un État ACP ou d'un pays tiers font l'objet d'ouvraisons ou de transformations dans un PTOM, ils peuvent être importés sans prélèvement agricole dans la Communauté même si leur prix est déterminé par le prix du marché mondial. Si l'on craint que les importations entraînent des perturbations, les importations originaires des PTOM peuvent être soumises à des restrictions au titre de l'article 109 de la décision PTOM ce qui est toutefois à son tour contraire aux objectifs de développement visant les PTOM.

L'article 109 de la décision PTOM dispose:

«1. Si l'application de la présente décision [(3)] entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou si des difficultés surgissent, qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une région de celle-ci, la Commission peut, selon la procédure déterminée à l'annexe IV, prendre ou autoriser l'État membre intéressé à prendre les mesures de sauvegarde nécessaires.»

B - Les faits

7 Les requérantes sont trois entreprises qui exercent dans les Antilles néerlandaises des activités dans le secteur de la transformation et de la commercialisation du riz et qui y transforment du riz venant de Surinam et de Guyane.

8 Ce qui a donné lieu au recours porté devant le Tribunal de première instance ce sont des mesures de sauvegarde adoptées par la Commission au titre de l'article 109 de la décision PTOM.

9 Dans une première décision 93/127/CEE du 25 février 1993 instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises (4), la Commission a établi:

«Article premier

1. La mise en libre pratique dans la Communauté en exemption des droits à l'importation de riz semi-blanchi relevant des codes NC 1006 30 21 à 1006 30 48 originaire des Antilles néerlandaises est soumise à la condition que la valeur en douane ne soit pas inférieure à un prix minimal égal à 120 % du prélèvement applicable au riz semi-blanchi concerné conformément au règlement (CEE) n_ 1418/76 du Conseil (5).

2. Le prix minimal résultant du paragraphe 1 ne peut être inférieur à un prix plancher égal à 546 écus par tonne de riz semi-blanchi. Ce prix plancher est, à compter du 1er mars 1993, mensuellement augmenté de 3,5 écus par tonne.

3. ...

...

Article 5

Les États membres sont destinataires de la présente décision.»

10 Compte tenu de l'amélioration que le marché a connue, le prix minimal a été relevé dans une deuxième décision du 13 avril 1993 (6). La valeur en douane ne pouvait alors pas être inférieure à un prix minimal de 550 écus par tonne.

11 Au départ, six entreprises ont saisi en mai 1993 la Cour d'un recours dirigé contre les deux décisions. En plus de l'annulation des deux décisions, elles sollicitaient la condamnation de la Communauté à réparer le dommage subi. Le recours a été renvoyé au Tribunal de première instance par ordonnance. La République française et la République italienne ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12 Par arrêt du 14 septembre 1995 (7), le Tribunal a annulé l'article 1er, paragraphe 1, de la première décision de la Commission. Il a rejeté les recours au surplus.

13 Le Tribunal a estimé que, «en conférant au riz ACP et au riz américain une position concurrentielle plus avantageuse sur le marché communautaire que celle du riz antillais, l'article 1er, paragraphe 1, de la décision du 25 février 1993 dépasse ce qui était strictement indispensable pour remédier aux difficultés suscitées pour la commercialisation du riz communautaire par l'importation du riz antillais» (8).

14 Trois des six parties requérantes originaires ont formé le 13 décembre 1995 un pourvoi contre cet arrêt en concluant à ce qu'il plaise à la Cour:

1. annuler l'arrêt entrepris en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit aux recours des requérantes;

2. faire intégralement droit aux recours que les requérantes ont formés devant le Tribunal (JO 1993, C 171, p. 11) et notamment:

2.1. annuler dans leur ensemble la décision 93/127/CEE de la Commission, du 25 février 1993, instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises et la décision 93/211/CEE de la Commission, du 13 avril 1993, modifiant la décision 93/127/CEE instaurant des mesures de sauvegarde pour le riz originaire des Antilles néerlandaises;

2.2. condamner la Communauté à réparer le préjudice que les requérantes ont subi du fait de ces décisions;

2.3. condamner la Commission aux frais du pourvoi et de la procédure de première instance;

3. les requérantes prient la Cour, en ordre principal, de statuer elle-même sur le litige, conformément à l'article 54 du statut de la Cour, et, en ordre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal.

La Commission a conclu à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le pourvoi; - condamner les requérantes aux dépens de l'instance.

Le Conseil a demandé qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le pourvoi, à titre subsidiaire, rejeter le premier moyen, et

- condamner les appelantes aux dépens.

Les conclusions de la République italienne sont rédigées comme suit:

- annuler l'arrêt du Tribunal de première instance pour la partie où il rejette l'exception d'irrecevabilité des recours introduits et, en conséquence, accueillir l'exception susdite;

- à titre subsidiaire, rejeter intégralement le pourvoi;

- condamner les requérantes aux dépens.

A l'audience, la République française, dont le mémoire a dû être déclaré irrecevable pour forclusion et dès lors rejeté, s'est ralliée en substance aux conclusions de la Commission.

C - Recevabilité

15 En qualité de partie intervenante, la République italienne soulève, comme elle l'avait déjà fait devant le Tribunal de première instance, l'exception d'irrecevabilité tirée de ce que les parties requérantes ne seraient pas directement et individuellement concernées.

16 Les parties requérantes se rallient à l'analyse du Tribunal qui a admis la recevabilité et soutiennent de surcroît que, en qualité de partie intervenante, la République italienne ne peut absolument pas soulever l'exception d'irrecevabilité étant donné que la partie qu'elle soutient n'a pas soulevé cette exception.

17 Ceux qui ne sont pas destinataires d'une décision - comme ici les parties requérantes - ne sont individuellement concernés que «si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire» (9). Les parties requérantes devraient donc être caractérisées par rapport à toutes les autres personnes également concernées par les décisions attaquées et ne pas être simplement concernées dans leur qualité objective d'opérateur économique exerçant ses activités dans le secteur de la transformation et de la commercialisation du riz à l'instar de n'importe quel autre opérateur économique.

18 Pour résoudre cette question, le Tribunal de première instance a établi un parallèle avec l'arrêt Piraiki-Patraiki e.a./ Commission (10). La Cour y a déduit de l'article 130, paragraphe 3, de l'acte d'adhésion de la République hellénique que, lorsqu'elle adopte des mesures de sauvegarde, la Commission doit, dans la mesure où les circonstances de l'espèce n'y font pas obstacle, se renseigner sur les répercussions négatives que sa décision risque d'avoir sur l'économie dudit État membre ainsi que pour les entreprises intéressées (11). Celles-ci ont dès lors été considérées comme étant individuellement concernées. Les deux dispositions étant énoncées dans les mêmes termes, le Tribunal de première instance a lui aussi déduit la même obligation de l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM (12). Cela résiste à un examen juridique non seulement, ainsi que le Tribunal l'a indiqué, en raison de la similitude de leurs termes, mais également du but que ces dispositions poursuivent, à savoir définir l'intensité des mesures de sauvegarde (13).

19 L'arrêt Buralux e.a./Conseil (14) ne s'y oppose pas non plus. Certes - ainsi que la République italienne l'a soutenu - la Cour a refusé dans cet arrêt de considérer que les parties requérantes étaient individuellement concernées au motif également qu'il ne s'agissait pas d'une décision adressée à un seul État membre, comme dans l'affaire Piraiki-Patraiki e.a./Commission, mais d'un règlement adressé à tous les États membres. En l'espèce, les décisions étaient également adressées à tous les États membres.

20 C'est toutefois à juste titre que le Tribunal de première instance a déterminé que ce n'est pas le nombre d'États membres dans lesquels la mesure de sauvegarde s'applique qui importe (15).

21 Il est vrai que l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE évoque «... une décision adressée à une autre personne», mais l'étendue de la protection juridictionnelle du particulier ne peut pas dépendre de ce que la décision attaquée est adressée à un seul État membre ou à plusieurs. La seule chose qui est déterminante c'est que la personne concernée soit caractérisée d'une manière spécifique qui l'individualise par rapport à la catégorie de toutes les autres personnes concernées. Le but de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE n'est en effet pas de donner à n'importe quelle personne concernée la possibilité d'agir contre un acte qui produit des effets juridiques, mais seulement à celles qui ont une position digne de protection. Ce qui est donc déterminant, c'est, ainsi que le Tribunal l'a exposé, «la protection dont jouissent, au titre du droit communautaire, le pays ou le territoire ainsi que les entreprises intéressées» (16) à l'encontre desquels la mesure de sauvegarde est adoptée.

22 A cet égard, il convient également de relever qu'il s'agissait dans l'affaire Buralux e.a./Conseil d'un règlement qui - ainsi que l'a dit la Cour - ne devait tracer que le cadre dans lequel les États membres pouvaient introduire des restrictions. La Cour en a déduit que les effets juridiques que cette disposition était susceptible de produire ne pouvaient concerner que des catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (17). En l'espèce, il s'agit en revanche d'une mesure clairement circonscrite - la fixation d'un prix minimal et encore pour le riz des Antilles néerlandaises uniquement - en sorte que les catégories de personnes concernées ne s'envisagent pas seulement de manière générale et abstraite. De surcroît, si ces décisions sont certes adressées à tous les États membres, il n'en reste pas moins qu'elles ne concernent que le riz originaire des Antilles néerlandaises.

23 Il s'ensuit que le Tribunal de première instance pouvait transposer l'arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commissionau présent cas d'espèce même si les décisions étaient ici adressées à tous les États membres.

24 Quant à la question de savoir si les requérantes sont bel et bien des entreprises qui se trouvaient dans une position digne de protection, le Tribunal de première instance a constaté que des cargaisons de riz de deux requérantes au moins (Ter Beek et ERB) étaient en train d'être acheminées vers la Communauté au moment où la première décision a été adoptée (18). Il n'appartient pas à la Cour de le vérifier puisqu'il s'agit d'une constatation de fait (19).

25 La Commission, qui doit se renseigner sur les répercussions négatives que sa décision risque d'avoir, ainsi que l'article 109 de la décision PTOM l'y oblige implicitement, connaissait - poursuit le Tribunal - la situation de ces deux entreprises au moment où elle a adopté la décision (20). Il s'ensuit que c'est à juste titre que le Tribunal de première instance a admis que les deux entreprises étaient individuellement concernées car elles avaient une position qui les caractérisait par rapport à d'autres personnes concernées. Il n'y a plus lieu de vérifier si les autres requérantes étaient elles aussi individuellement concernées - puisqu'il s'agissait de recours communs (21).

26 C'est donc à juste titre que le Tribunal de première instance a dit le recours recevable. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si une partie intervenante peut soulever un moyen d'irrecevabilité lorsque la partie qu'elle soutient ne l'a prétendument pas fait. Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, la République italienne aurait pu en tout état de cause soulever l'irrecevabilité (22).

D - Bien-fondé

27 Les parties requérantes fondent leur pourvoi sur six moyens. Ceux-ci visent la méconnaissance ou l'application non conforme de la quatrième partie du traité relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer ou la méconnaissance par le Tribunal de première instance de la décision PTOM. Les parties requérantes estiment que le Conseil ne pouvait pas insérer de clause générale de sauvegarde dans sa décision. De surcroît, elles estiment que, dans sa deuxième décision aussi, la Commission a été au-delà de ce qui était nécessaire. Les parties requérantes terminent en soutenant que c'est à tort que le Tribunal a refusé de déterminer que la Communauté a engagé sa responsabilité.

Premier moyen

Arguments des parties

28 Dans ce moyen, les parties requérantes font grief à l'arrêt du Tribunal d'avoir décidé que le Conseil était habilité, aux termes de l'article 136, second alinéa, du traité CE, à insérer dans la décision PTOM une clause de sauvegarde permettant d'apporter une restriction à la libre importation de produits agricoles originaires des PTOM.

29 Les parties requérantes estiment que c'est à tort que le Tribunal a indiqué que l'article 109 de la décision PTOM complète un régime accordant pour la première fois aux produits agricoles le libre accès à la Communauté. Selon elles, l'article 109 prolonge plutôt la clause générale de sauvegarde figurant déjà, avec la même finalité et la même portée, dans des décisions antérieures du Conseil. Elles estiment que la conclusion du Tribunal se fonde donc sur une approche inexacte de la genèse de l'article 109 de la décision PTOM.

30 De surcroît, l'arrêt du Tribunal de première instance se fonde selon elles sur une appréciation erronée des compétences tirées de l'article 136, second alinéa, du traité CE. Il y est dit que le Conseil «établit, à partir des réalisations acquises et sur la base des principes inscrits dans le présent traité, les dispositions à prévoir pour une nouvelle période». Dans l'esprit des parties requérantes, le Tribunal de première instance n'a pas suffisamment motivé en quoi cette règle vise tous les principes du traité. Cette interprétation ne va pas de soi. Il faut plutôt considérer selon elles que l'on a seulement visé de la sorte les principes de la quatrième partie du traité qui régit l'association des pays et territoires d'outre-mer. Les parties requérantes étayent cette analyse en relevant que les considérants de la décision du Conseil ne se réfèrent qu'aux principes de la quatrième partie du traité.

31 Quand bien même l'article 136, second alinéa, du traité CE se référerait à tous les principes du traité, le Conseil ne pourrait pourtant pas déroger, dans une décision prise au titre de l'article 136, second alinéa, du traité CE, à la libre circulation des marchandises entre la Communauté et les PTOM au bénéfice de la politique agricole commune. Ce faisant, il enfreindrait l'article 132, paragraphe 1, et l'article 133, paragraphe 1, du traité CE. Le Conseil ne pourrait y déroger que s'il y était expressément habilité par l'article 136, second alinéa, du traité CE. Tel n'est pas le cas selon elles. Des règles contraires auxdites dispositions de la quatrième partie du traité ne pourraient ainsi être instaurées qu'à la faveur d'une révision du traité.

32 A l'appui de cette analyse, les parties requérantes renvoient au «protocole relatif aux importations dans la Communauté économique européenne de produits pétroliers raffinés aux Antilles néerlandaises» et au «protocole sur le régime particulier applicable au Groenland». Il en ressort d'après elles que les règles dérogeant à la quatrième partie pourraient ne pas avoir pour seule base juridique l'article 136, second alinéa, du traité CE.

33 Les parties requérantes font en plus grief au Tribunal de première instance de n'avoir pas examiné si, comme elles le prétendent, les articles précités 132, paragraphe 1, et 133, paragraphe 1, du traité CE ont un effet direct.

34 Dans l'esprit des parties requérantes, il n'était pas nécessaire de recourir à l'article 109 de la décision PTOM puisqu'il y avait suffisamment de solutions de rechange permettant de réguler les relations entre les PTOM et la Communauté. A cet égard, les parties requérantes se réfèrent aux organisations communes des marchés ainsi qu'aux articles 36 et 115 du traité CE.

35 Selon la Commission, les parties requérantes donnent une interprétation inexacte de l'arrêt du Tribunal. S'agissant des relations entre la Communauté et les PTOM, la Commission ne conteste pas qu'il s'agit là de relations particulières qui ne sont pas comparables à celles existant entre la Communauté et les autres pays associés. Toutefois, il n'y a pas de marché intérieur entre les deux. Selon elle, le but de l'association n'est pas non plus - ainsi que les parties requérantes le prétendent - d'accorder un traitement de faveur aux PTOM, mais seulement de les soutenir. Ils n'auraient dès lors précisément pas le statut des États membres.

36 La Commission estime que, dans le contexte de l'article 136, second alinéa, du traité CE, il appartient au Conseil d'observer tous les principes du traité. Cela ressort du texte.

37 S'agissant des articles 132 et 133 du traité CE, ceux-ci ne peuvent pas être interprétés en ce sens qu'ils excluraient une clause de sauvegarde qui ne fait qu'apporter à titre exceptionnel une restriction partielle et temporaire aux importations.

38 La Commission et le Conseil renvoient de surcroît au large pouvoir d'appréciation que l'article 136, second alinéa, du traité CE confère au Conseil. Il s'ensuit que la Cour ne pourrait qu'examiner si les mesures du Conseil ont été manifestement inaptes à atteindre le but poursuivi. Tous deux estiment que le Conseil n'a pas débordé de son pouvoir d'appréciation. Au contraire - d'après le Conseil - l'article 136, second alinéa, du traité CE forme même la base juridique permettant d'apporter une restriction à la libre circulation des marchandises.

39 S'agissant des articles 132 et 133 du traité CE, il soutient en plus que la question de l'effet direct de ces dispositions ne pourrait pas être examinée ici puisqu'elle n'a pas été soulevée en première instance.

40 L'article 115 du traité CE, que les parties requérantes invoquent comme éventuelle possibilité d'intervenir, ne saurait trouver ici aucune application, car il concerne la politique commerciale commune et non pas l'association des PTOM.

41 S'agissant du «protocole portant régime particulier pour le Groenland», la Commission soutient que le régime particulier qui y est prévu concerne l'article 136 bis du traité CE. Il ne s'en déduit pas qu'une restriction à la libre circulation des marchandises entre les PTOM et la Communauté doive être prévue en tout cas dans le traité même. C'est bien plus au titre du pouvoir d'appréciation qu'il tire de l'article 136 du traité CE, qu'il appartient au Conseil d'en décider.

42 Quant au «protocole relatif aux importations dans la Communauté économique européenne de produits pétroliers raffinés aux Antilles néerlandaises», le Conseil expose qu'il date de 1962. Ce n'est qu'en 1964 que la première décision PTOM a été adoptée. A cette époque, la ratification du protocole était déjà à ce point avancée que l'on a conservé plus ou moins automatiquement la construction juridique qui avait été requise en 1962.

Appréciation

43 Les parties requérantes critiquent ici en substance la clause de sauvegarde figurant à l'article 109 de la décision PTOM qui se fonde de son côté sur l'article 136 du traité CE. Il faut dire que c'est à tort que les parties requérantes indiquent que le Tribunal de première instance aurait erronément considéré que l'article 109 a introduit pour la première fois une clause de sauvegarde pour des motifs tenant à la politique agricole commune, car cela ne ressort pas du texte de l'arrêt. Au point 94, le Tribunal précise que la décision d'application de 1970 comportait déjà une clause de sauvegarde. Il poursuit en ajoutant que l'importation des produits agricoles des PTOM a toujours été soumise à un régime particulier et qu'il a fallu attendre l'adoption de la décision PTOM de 1991 pour qu'ils soient mis sur le même pied que les autres produits. Le Tribunal expose ensuite: «Il s'ensuit que la décision PTOM a accompli un pas important en érigeant, pour la première fois, en principe le libre accès à la Communauté de produits agricoles originaires des PTOM, même si elle l'a subordonné, forcément pour la première fois également, à une clause de sauvegarde générale...».

44 Il ressort très clairement de ce qui précède que le Tribunal de première instance a estimé que la clause générale de sauvegarde qui existait déjà par le passé a trouvé à s'appliquer pour la première fois à des produits agricoles après que ceux-ci ont été mis sur le même pied que les autres produits. Il n'est pas absolument évident que - ainsi que les parties requérantes le prétendent - l'article 109 de la décision PTOM ait instauré pour la première fois une mesure de sauvegarde et ce lorsque les règles ont été étendues aux produits agricoles.

45 Les parties requérantes estiment qu'une clause de sauvegarde générale n'est pas conforme à l'article 132, paragraphe 1. Tel serait en fait le cas si la libre circulation des marchandises, telle qu'elle existe entre les États membres, trouvait également à s'appliquer sans restriction au trafic avec les PTOM. Quant à la règle de l'article 132, paragraphe 1, voulant que les échanges avec les PTOM soient mis sur le même pied que les échanges entre États membres, il ne s'agit pas encore - ainsi qu'il ressort de la phrase introductive de l'article 132 (23) - d'une situation effective mais au contraire simplement d'un objectif poursuivi par l'association.

46 Il convient à cet égard de renvoyer à l'arrêt Road Air (24). La Cour y a décidé: «L'association des PTOM doit être réalisée selon un processus dynamique et progressif qui peut nécessiter l'adoption de plusieurs dispositions aux fins de réaliser l'ensemble des objectifs énoncés à l'article 132 du traité CE, tenant compte des réalisations acquises grâce aux décisions antérieures du Conseil» (25). Il s'ensuit que la libre circulation des marchandises ne trouve pas à s'appliquer entre la Communauté et les PTOM par le jeu du seul article 132 du traité CE. L'article n'énonce cette liberté de circulation qu'en tant qu'un des objectifs à atteindre, le cas échéant en adoptant différentes dispositions.

47 On peut en déduire en plus que les PTOM sont certes des pays et territoires associés ayant des liens particuliers avec la Communauté, mais qu'ils ne font toutefois précisément pas partie de la Communauté européenne. C'est ce que le Tribunal de première instance a aussi décidé dans l'arrêt entrepris ici. Il expose: «Il s'ensuit que, si les PTOM jouissent certes d'un statut plus favorable que celui d'autres pays associés à la Communauté, ils n'ont néanmoins pas adhéré à celle-ci» (26). On peut en conclure que les PTOM ne peuvent pas être moins bien traités que d'autres États (associés). Il en va toutefois autrement des rapports avec la Communauté. On ne peut dès lors pas considérer que la libre circulation des marchandises entre la Communauté et les PTOM est déjà inscrite sans restriction dans l'article 132 du traité CE.

48 Pour ce motif, on ne saurait non plus suivre les parties requérantes lorsqu'elles déduisent de l'arrêt Road Air que l'article 136, second alinéa, du traité CE ne vise que les principes de la quatrième partie du traité. Dans l'arrêt Road Air, la Cour a exposé que, compte tenu des objectifs de l'article 132, «il y a lieu d'interpréter l'article 136, second alinéa, comme prévoyant non pas une seule `nouvelle période' pour laquelle le Conseil est habilité à prendre des dispositions nécessaires pour réaliser les objectifs de l'association...» (27). Les parties requérantes en concluent que l'article 136, second alinéa, du traité CE vise seulement les objectifs de la quatrième partie du traité.

49 On ne saurait se rallier à cette analyse. Il est certain que, lorsqu'il adopte des décisions au titre de l'article 136, second alinéa, du traité CE, le Conseil doit prendre en compte les objectifs de l'article 132 du traité CE. C'est en fin de compte pour eux que ces décisions sont bel et bien adoptées. Ce faisant, le Conseil doit tenir compte des réalisations acquises et des principes du traité. Rien dans l'énoncé de l'article 136, second alinéa, du traité CE ne donne à penser qu'il devrait seulement viser les objectifs de l'association et pas les principes généraux du traité.

50 A l'appui de leur propos, les parties requérantes se réfèrent au troisième considérant de la décision PTOM qui renvoie selon elles seulement aux principes de la quatrième partie du traité. Il s'ensuit d'après elles que l'article 136, second alinéa - qui est la base juridique de cette décision - ne mentionne que les principes de la quatrième partie. On ne saurait se rallier à cette analyse. Le troisième considérant est rédigé comme suit: «... qu'il convient, eu égard aux relations particulières entre la Communauté et les PTOM fondées sur les dispositions du traité et en particulier sa quatrième partie, d'améliorer ses dispositions en...». On voit donc que ce n'est que de manière générale qu'il est ainsi fait référence aux dispositions du traité qui régissent l'association. On ne saurait en conclure que, dans le contexte de l'association et des décisions du Conseil qui s'y rapportent, il ne faut pas prendre en compte aussi d'autres principes du traité - donc aussi la politique agricole.

51 Le treizième considérant pourrait fournir une indication lorsqu'il dit que les diverses réglementations arrêtées pour achever le marché intérieur ne s'appliquent pas dans les PTOM. Le Conseil estime ici seulement opportun d'examiner les modalités de leur extension partielle ou illimitée aux PTOM. Le quatrième considérant milite lui aussi en faveur de l'idée qu'il n'existe pas de libre circulation «normale» des marchandises entre les PTOM et la Communauté, lorsqu'il confirme que les PTOM ont toujours la possibilité d'introduire des réglementations dérogatoires en faveur de la population ou des activités locales, compte tenu des nécessités de leur développement et des besoins de la promotion de leur développement industriel.

52 Cela ne peut pas signifier que les PTOM doivent se voir garantir un avantage supplémentaire puisque, ainsi qu'il ressort de l'article 131, deuxième alinéa, du traité CE, le but de l'association est de promouvoir le développement économique et social des PTOM et non pas de les privilégier.

53 Il s'ensuit qu'entre les PTOM et la Communauté il n'existe pas (encore) de circulation des marchandises sans restriction et que, pour cette raison, les principes généraux du traité - et donc aussi la politique agricole - doivent être pris en compte dans la réalisation progressive des objectifs lorsque le Conseil adopte des décisions PTOM au titre de l'article 136, second alinéa, du traité CE. Cela peut parfaitement conduire à apporter des restrictions à la circulation des marchandises.

54 Si l'on peut donc considérer que l'article 132, paragraphe 1, du traité CE se borne à énoncer les objectifs de l'association, l'effet direct que les parties requérantes confèrent à l'article 132, paragraphe 1, ne pourrait même porter que sur l'obligation de réaliser l'objectif qui y est énoncé. On ne saurait en aucun cas en déduire que la libre circulation des marchandises existe déjà entre les PTOM et la Communauté.

55 Même s'il y a un effet direct, on ne saurait exclure la possibilité de prévoir une restriction et ainsi une clause de sauvegarde dans des situations exceptionnelles. En se référant aux articles 36 et 115 du traité CE ainsi qu'à l'organisation commune des marchés, les parties requérantes n'excluent pas elles-mêmes qu'il doit exister des possibilités d'intervenir.

56 S'agissant de la référence que les parties requérantes font aux protocoles, le fait que des protocoles ont été conclus dans ces cas particuliers ne permet pas de conclure qu'une clause de sauvegarde n'est pas concevable dans le contexte de l'article 136, second alinéa. Dès lors qu'elle n'enfreint pas les principes de la quatrième partie du seul fait de son existence, on l'a vu (la libre circulation des marchandises n'est pas encore une réalité mais simplement un objectif de l'association), une telle clause de sauvegarde ne requiert pas de révision du traité.

57 A cet égard, il convient en outre de relever que dans la décision PTOM le Conseil n'autorise de mesures de sauvegarde que dans un cadre limité. L'article 109, paragraphe 2, prévoit en effet:

«Pour l'application du paragraphe 1, doivent être choisies par priorité les mesures qui apportent le minimum de perturbations au fonctionnement de l'association et de la Communauté. Ces mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant celle strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées.»

Deuxième moyen

Arguments des parties

58 Dans ce moyen, les parties requérantes entreprennent l'arrêt du Tribunal de première instance en ce qu'il a décidé que la Commission pouvait conclure que les difficultés survenues risquaient de détériorer le secteur de la culture du riz Indica dans la Communauté.

59 Elles soutiennent que le Tribunal aurait dû établir l'existence d'un lien de causalité entre la baisse du prix du riz paddy communautaire et l'accroissement des importations de riz semi-blanchi des Antilles néerlandaises. Les termes de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM le requerraient selon elles.

60 D'après elles, le fait que dans sa première décision la Commission se soit efforcée de démontrer un tel lien de causalité montre aussi que ce lien doit exister.

61 Les importations venant des Antilles néerlandaises n'auraient toutefois pas eu de répercussions négatives sur le marché communautaire, car elles auraient simplement substitué des importations venant de Surinam et de Guyane. Le volume des importations n'a donc pas augmenté sur ce point.

62 Pour terminer, les parties requérantes indiquent que l'on ne pourrait pas saisir le raisonnement de la Commission sur les différents prix ni la comparaison de prix qu'elle fait.

63 La Commission estime en revanche qu'il résulte clairement de l'énoncé de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM (28) que le lien de causalité n'est requis que pour le premier cas de figure qui y est évoqué. (Ce cas de figure se présente lorsque l'application de la décision entraîne des perturbations graves dans un secteur d'activité économique de la Communauté ou d'un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure). Le deuxième cas de figure - si des difficultés surgissent, qui risquent d'entraîner la détérioration d'un secteur d'activité de la Communauté ou d'une région de celle-ci - ne requerrait pas un tel lien de causalité. Celui-ci serait aussi difficile à établir, car le marché peut selon elle être influencé par un grand nombre de facteurs.

64 La Commission ne conteste cependant pas qu'il doit y avoir un certain lien entre les difficultés économiques survenues et les importations. Selon elles, le Tribunal a toutefois établi ce lien nécessaire.

65 Les parties requérantes estiment que l'on ne peut pas fonder le raisonnement sur le seul deuxième cas de figure de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, puisque la Commission a elle-même fondé sa décision sur le premier cas de figure.

Appréciation

66 Il faut approuver la Commission lorsqu'elle soutient qu'il ne ressort pas de l'énoncé de l'article 109 de la décision PTOM que son deuxième cas de figure requiert l'existence d'un lien de causalité. Le paragraphe 1 énonce deux cas de figure différents qui sont à chaque fois introduits par «si». Ce n'est que le premier de ces cas de figure qui comporte la formule: «Si l'application de la présente décision...». Il s'ensuit que les difficultés évoquées dans le deuxième cas de figure ne doivent pas être causées par l'application de la décision.

67 D'autre part, il faut toutefois approuver les parties requérantes lorsqu'elles soutiennent que, au cas où aucun lien n'existerait entre les importations et le prix des produits communautaires, les mesures de sauvegarde seraient parfaitement vaines. Il est certain que les mesures de sauvegarde doivent être susceptibles d'aplanir ou d'atténuer les difficultés survenues. Sinon ces mesures seraient disproportionnées et enfreindraient l'article 109, paragraphe 2, deuxième phrase, de la décision PTOM.

68 Le lien doit dès lors se présenter de telle façon qu'une réduction des importations puisse avoir des répercussions sur les prix dans la Communauté d'une manière ou d'une autre. Cela ne signifie pas pour autant que les difficultés doivent avoir été suscitées par l'application de la décision c'est-à-dire par les importations.

69 D'autre part, le Tribunal de première instance relève à juste titre que, dans le domaine d'application de l'article 109 de la décision PTOM, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation non seulement quant à l'existence des conditions justifiant l'adoption d'une mesure de sauvegarde, mais également quant au principe de l'adoption d'une mesure de sauvegarde (29). Le Tribunal le déduit de l'énoncé de l'article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, aux termes duquel la Commission «peut» prendre ou autoriser l'État membre intéressé à prendre les mesures de sauvegarde nécessaires lorsque certaines conditions sont remplies (30). Le Tribunal poursuit en ajoutant: «Cependant, la réalisation d'une de ces conditions n'impose pas à la Commission l'adoption d'une mesure de sauvegarde, mais requiert qu'elle statue à ce sujet» (31). Le Conseil a ainsi conféré à la Commission le pouvoir d'appréciation dont il jouit au titre de l'article 109 de la décision PTOM (32).

70 C'est ainsi que, dans le contexte de l'article 155 du traité CE, la Cour a aussi décidé que le Conseil peut être amené, dans le domaine de la politique agricole commune, à conférer à la Commission de larges pouvoirs d'appréciation et d'action étant donné qu'elle - la Commission - est la seule à même de suivre de manière constante et attentive l'évolution des marchés agricoles et d'agir avec l'urgence que requiert la situation. La Cour en a conclu - ainsi que de l'économie générale du traité - que la notion d'exécution figurant à l'article 155 du traité CE, et visant l'exécution par la Commission des règles établies par le Conseil, doit s'interpréter largement (33). Pour cette raison également on peut considérer qu'en l'espèce la Commission se voit conférer un large pouvoir d'appréciation dès lors qu'ici la fixation d'un prix minimal requiert également de se livrer à une appréciation des marchés agricoles. Il s'ensuit que le Tribunal doit se limiter à examiner si l'exercice de ce pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (34).

71 On n'aperçoit pas en quoi le Tribunal aurait procédé de manière erronée à cet examen. Il a tout d'abord examiné la position de la Commission qui soutenait que l'on pouvait constater une chute importante du prix du riz paddy communautaire. Tout comme le riz semi-blanchi des Antilles, celui-ci sert de matière de base pour la production communautaire de riz blanchi. Enfin, le Tribunal a indiqué que les parties requérantes n'auraient pas contesté le principe même d'une baisse des prix (35). S'agissant d'une constatation de fait du Tribunal, il n'y a pas lieu de la vérifier ici. Le Tribunal a poursuivi en examinant si l'on peut aussi considérer que le prix du riz paddy Indica communautaire a connu une baisse (36). Compte tenu de l'importante augmentation que les importations venant des Antilles connaissaient dans le même temps, qui n'a pas été contestée d'après les indications du Tribunal (37), celui-ci a exposé que la Commission pouvait, sur la base de ces données, déterminer que des difficultés étaient survenues qui risquaient de détériorer le secteur de la culture du riz Indica dans la Communauté et que des mesures de sauvegarde pouvaient être prises (38).

72 Le Tribunal a de surcroît examiné si la Commission a commis une erreur d'appréciation manifeste dans sa comparaison des prix. Il a aussi recherché à cet égard à quel stade de production les prix devaient être comparés. Les parties requérantes ne pouvaient pas - d'après le Tribunal - remettre en cause le calcul de la Commission, car elles se bornaient à émettre des affirmations sur les frais supplémentaires et les taux de conversion à prendre en compte sans toutefois les étayer davantage (39). Le Tribunal a de surcroît constaté que les parties requérantes n'ont pas contesté que le riz des Antilles était offert à un prix nettement inférieur à celui auquel le riz communautaire pouvait être offert au stade de production en question - riz semi-blanchi (40).

73 Le Tribunal en a dès lors conclu: «... la Commission a constaté, à juste titre, la présence d'un écart considérable entre le prix du riz communautaire et celui du riz antillais, pouvant avoir causé l'effondrement du prix du riz communautaire entre septembre 1992 et janvier 1993» (41). Un rapport approprié se trouve ainsi établi entre les importations et la chute du prix du riz communautaire.

74 Il ressort des éléments précités que le Tribunal a recherché si la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen des rapports entre les importations antillaises et la baisse du prix du riz communautaire. Ainsi qu'on l'a montré, un lien de causalité n'est pas requis. Faute d'erreur manifeste d'appréciation, le deuxième moyen ne saurait donc pas non plus aboutir.

Troisième moyen

Arguments des parties

75 Dans ce moyen, les parties requérantes soutiennent que le Tribunal de première instance a méconnu l'article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM en décidant que le prix plancher fixé par la Commission - dans la deuxième décision - n'est pas allé selon lui au-delà de ce qui était strictement indispensable au sens de cette disposition. Les parties requérantes estiment que, dans le contexte des mesures de sauvegarde, il n'aurait pas été nécessaire de placer le riz des Antilles néerlandaises dans une position concurrentielle défavorable par rapport au riz communautaire. Si elles, c'est-à-dire les entreprises, avaient pu offrir le riz au même prix que celui du riz communautaire, elles auraient pu importer davantage que les 8 400 tonnes effectivement importées. De surcroît, il ne faut pas perdre de vue qu'il a fallu stocker 16 000 tonnes de riz qui ne pouvaient pas être vendues.

76 La Commission estime que les PTOM ne peuvent pas tirer du principe de proportionnalité le droit de pouvoir offrir leur riz au même prix que celui du riz communautaire. Les PTOM ne font précisément pas partie de la Communauté.

77 La Commission soutient de surcroît que la différence de prix qui existe entre le riz importé des Antilles et le riz communautaire a dû renforcer à ce point la confiance des producteurs communautaires dans l'évolution du prix du riz Indica qu'ils ne sont pas retournés à la culture excédentaire de riz Japonica.

78 D'après elle, en indiquant que la Commission n'a pas été au-delà de ce qui était strictement indispensable, le Tribunal de première instance a établi là une constatation de fait qui ne saurait être examinée dans le contexte d'un pourvoi.

Appréciation

79 Il faut approuver la Commission lorsqu'elle expose que la détermination des prix à comparer et la comparaison elle-même sont des constatations de fait. Cela vaut aussi pour la fixation du volume des importations venant des Antilles. Ces points ne sont dès lors pas susceptibles d'être examinés dans un pourvoi.

80 Ce qui est susceptible de l'être, c'est la question fondamentale de savoir si une mesure de sauvegarde est disproportionnée lorsque - comme en l'espèce - le riz des Antilles néerlandaises n'est pas traité de la même façon que le riz communautaire, mais qu'au contraire il est désavantagé par rapport à celui-ci. A cet égard, il faut voir qu'il s'agissait dans la deuxième mesure de la Commission d'une mesure de sauvegarde en principe licite. L'essence même d'une mesure de cette nature est précisément de soumettre certains produits à un régime défavorable par rapport aux produits communautaires. On ne saurait en tout cas admettre d'emblée qu'une telle mesure de sauvegarde ne peut pas soumettre le riz antillais à un régime défavorable.

81 La détermination des prix par le Tribunal relève, on l'a dit, des constatations de fait du Tribunal et ne peut pas être examinée. De surcroît, on n'aperçoit pas en quoi le Tribunal aurait commis la moindre erreur d'appréciation. Ainsi a-t-il conclu, du fait que le prix du riz antillais n'était pas plus élevé que celui des produits ACP et de ceux des États-Unis et du fait que l'on a continué à procéder à des importations dans la Communauté, que l'on n'apercevait pas de traitement défavorable par rapport à d'autres États, ici les États ACP et les États-Unis (42). Seul un traitement défavorable par rapport aux pays tiers aurait enfreint l'article 109 de la décision PTOM ainsi que le statut particulier des PTOM. Il s'ensuit que le troisième moyen est lui aussi dénué de fondement.

Quatrième moyen

Arguments des parties

82 Dans ce moyen, les parties requérantes critiquent l'arrêt du Tribunal de première instance en ce qu'il y est décidé que, compte tenu du caractère normatif de la première décision de la Commission, un recours en indemnité formé au titre de l'article 215 du traité CE doit remplir des conditions particulières; dans un tel cas, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée qu'en présence d'une violation suffisamment grave d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. (Il résulte de la jurisprudence de la Cour que, en règle générale, pour que la responsabilité de la Communauté soit engagée au sens de l'article 215 du traité CE, il faut que le comportement reproché aux institutions soit illégal, qu'il y ait un dommage et qu'il existe un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice allégué (43).)

83 Les parties requérantes rétorquent que la décision litigieuse n'a pas de caractère normatif. En ordre subsidiaire, elles soutiennent que - même si elle en avait - il s'effacerait à leur égard et ne saurait conduire à leur appliquer des critères plus rigoureux en matière de responsabilité non contractuelle, car elles sont individuellement concernées. En ordre plus subsidiaire, elles soutiennent que, même si la décision a un caractère normatif à l'égard de tous, l'indemnisation ne saurait être soumise à des conditions particulières lorsque la décision est attaquée par ceux qui sont individuellement concernés par cette décision.

84 La Commission estime que le caractère normatif ne se détermine pas en fonction de la forme de l'acte juridique mais au contraire en fonction de sa nature. Mais la question de savoir si la partie est individuellement concernée est sans incidence sur ce dernier point. Le recours en indemnité au titre de l'article 215 du traité CE est une forme propre de recours dont les conditions doivent être examinées de manière distincte. La question de savoir si la partie est individuellement concernée ne relève toutefois pas de ces conditions.

85 Les parties requérantes citent à cet égard des arrêts de la Cour dans lesquels elle se borne à examiner à l'égard de décisions les conditions normales requises par l'article 215 du traité CE (44). D'autre part, la Commission invoque un arrêt dans lequel des décisions antidumping ont été examinées en recourant à des conditions particulières dans le contexte de l'article 215 du traité CE (45).

Appréciation

86 Dans son arrêt HNL e.a./Conseil et Commission (46), la Cour a décidé que l'on peut constater, en se référant aux principes existant dans les différents États membres, que les actes normatifs dans lesquels se traduisent des options de politique économique n'engagent qu'exceptionnellement et dans des circonstances singulières la responsabilité des pouvoirs publics. «Cette conception restrictive s'explique par la considération que le pouvoir législatif, même là où existe un contrôle juridictionnel sur la validité de ses actes, ne doit pas être entravé dans ses dispositions par la perspective d'actions en dommages-intérêts chaque fois qu'il est dans le cas de prendre, dans l'intérêt général, des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts de particuliers; ...que, dans un contexte normatif comme celui de l'espèce, caractérisé par l'exercice d'un large pouvoir discrétionnaire, indispensable à la mise en oeuvre de la politique agricole commune, la responsabilité de la Communauté ne pourrait, dès lors, être engagée que si l'institution concernée avait méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs.» (47)

87 Dans l'arrêt qu'il a rendu dans l'affaire Antillean Rice Mills e.a./Commission, le Tribunal de première instance étant aussi parti de l'idée que la Commission a ici un large pouvoir d'appréciation (48), on n'aperçoit pas pourquoi le Tribunal devrait avoir erronément interprété l'article 215 du traité CE là où dans son examen il s'est référé à des conditions plus rigoureuses.

88 Les moyens que les parties requérantes soulèvent en ordre subsidiaire ne sauraient eux non plus être accueillis ici. Ainsi que la Commission l'a exposé à juste titre, le fait qu'une partie soit individuellement concernée ne change rien au caractère normatif de la décision. De surcroît, il résulte de l'arrêt que la Cour a rendu dans l'affaire HNL/Conseil et Commission qu'il est précisément admis à l'égard des actes normatifs que les particuliers concernés doivent supporter, dans des limites raisonnables, certains effets préjudiciables (49). Le fait d'être individuellement concerné ne peut ainsi à lui seul pas servir de critère pour reconnaître un droit à indemnité. Le quatrième moyen est donc lui aussi dénué de fondement.

Cinquième moyen

Arguments des parties

89 Dans ce moyen, les parties requérantes critiquent la décision du Tribunal de première instance en ce qu'il expose que, en adoptant sa première décision, la Commission n'a pas méconnu d'une manière manifeste et grave les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs et, par conséquent, qu'elle n'a pas commis une violation suffisamment grave du principe supérieur de droit que constitue le principe de proportionnalité. Les parties requérantes estiment que le Tribunal ne peut pas se borner à examiner si la Commission a méconnu les limites de ses pouvoirs.

90 Abstraction faite de cet aspect, la conclusion à laquelle le Tribunal aboutit est aussi erronée en ce qu'il part de l'idée que, dans sa première décision, la Commission s'est référée de bonne foi au prix fixé par les autorités compétentes des Antilles néerlandaises. L'existence d'une mesure des Antilles n'a toutefois pas pu exonérer la Commission de son obligation de prendre en compte les répercussions négatives de sa décision notamment à l'égard des parties requérantes. La bonne foi dont la Commission a fait preuve à cet égard n'y change rien puisque, dans le régime de l'article 215 du traité CE, la bonne foi n'est pas élisive de responsabilité.

91 Les parties requérantes indiquent enfin que, dans le contexte de l'article 109 de la décision PTOM, la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation et que sa décision ne peut dès lors être soumise qu'à un contrôle marginal. Mais, poursuivent les parties requérantes, si ce contrôle marginal a pu révéler une atteinte au droit communautaire, il s'agit alors nécessairement d'une atteinte suffisamment grave telle que visée par les conditions particulières de l'article 215 du traité auxquelles le Tribunal se réfère.

92 La Commission estime en revanche que les deux critères énoncés au point 194 de l'arrêt (50) doivent se comprendre comme étant analogues. S'agissant du deuxième grief des parties requérantes où elles prétendent que le Tribunal a exclu à tort l'existence d'une atteinte suffisamment grave, la Commission soutient qu'il s'agit là d'une constatation de fait du Tribunal. Celle-ci ne peut pas être censurée dans un pourvoi.

93 Comme la fixation d'un prix plancher trop bas ne peut être qu'une simple erreur technique, on ne saurait y voir une atteinte suffisamment grave.

94 Si l'on admettait avec les parties requérantes qu'une atteinte à l'article 109 de la décision PTOM doit toujours être aussi considérée comme étant suffisamment grave, ce critère, qui n'est appliqué que lorsque la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation, perdrait toute consistance .

Appréciation

95 C'est en se référant à la jurisprudence de la Cour que les parties requérantes soutiennent que le Tribunal de première instance aurait dû également vérifier si le droit communautaire a été méconnu de manière suffisamment caractérisée (51). On n'aperçoit pas toujours clairement dans les arrêts cités comment se combinent les deux critères - méconnaissance manifeste et grave des limites de son pouvoir d'appréciation et violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit destinée à protéger les particuliers.

96 Ils sont reliés soit par la conjonction «ou» (52) soit par la conjonction «ni» (53). Cela indique plutôt que les deux critères devraient être examinés de manière indépendante. L'arrêt Roquette Frères/Commission est toutefois encore plus clair. Selon cet arrêt, les actes normatifs dans lesquels se traduisent des options de politique économique n'engagent la responsabilité non contractuelle de la Communauté qu'en présence d'une violation suffisamment grave d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. La Cour poursuit en ajoutant: «Dans un contexte normatif caractérisé par l'exercice d'un large pouvoir discrétionnaire, indispensable à la mise en oeuvre de la politique agricole commune, cette responsabilité ne peut donc être engagée que si l'institution concernée a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s'imposent à l'exercice de ses pouvoirs» (54).

97 Comme en l'espèce la décision de la Commission concernait à tout le moins aussi la politique agricole et que celle-ci se voit incontestablement conférer un large pouvoir d'appréciation dans ce domaine, il s'ensuit que l'examen auquel le Tribunal s'est livré au point 194 de son arrêt a été suffisant même s'il n'avait porté que sur la méconnaissance des limites du pouvoir d'appréciation. De surcroît, la Commission jouit aussi d'un large pouvoir d'appréciation dans le contexte de l'article 109 de la décision PTOM (55).

98 S'agissant de la question de savoir jusqu'à quel point l'arrêt du Tribunal est susceptible d'être examiné là où il décide que la Commission n'a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d'appréciation, il faut approuver les parties requérantes lorsqu'elles soutiennent que cette question ne saurait être soustraite à tout examen. Elle ne comporte pas seulement des constatations de pur fait - comme en comporte par exemple la question de savoir si la Commission a agi de bonne foi.

99 Il convient aussi d'examiner dans ce contexte le moyen dans lequel les parties requérantes soutiennent qu'une violation constatée lors d'un contrôle marginal est nécessairement suffisamment grave. Ainsi que le Tribunal l'a lui même exposé, si la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation, on ne peut qu'examiner si l'exercice de ce pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (56).

100 D'autre part, dans le domaine qui nous occupe ici, la Communauté ne peut, on l'a vu, voir sa responsabilité non contractuelle engagée que si la Commission a dépassé de manière manifeste et grave les limites de ses compétences. Il s'ensuit qu'il ne suffit pas que les limites du pouvoir d'appréciation soient manifestement dépassées pour que la responsabilité non contractuelle soit engagée. L'automatisme invoqué par les parties requérantes, voulant que lorsque le Tribunal constate que, en dépit de son large pouvoir d'appréciation, la Commission a violé l'article 109 de la décision PTOM, cette violation soit aussi toujours suffisamment grave, priverait en l'espèce de sa substance, ainsi que la Commission l'indique à juste titre, le critère retenu pour établir la responsabilité non contractuelle. Au reste, il ressort également de l'arrêt Roquette Frères/Commission cité par les parties requérantes elles-mêmes que, même si la Commission ou l'institution dont l'acte émane jouit d'un large pouvoir d'appréciation, la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne se trouve pas nécessairement engagée si la violation constatée est apparue dans une erreur de calcul (57).

101 En l'espèce, il ne s'agit certes pas directement d'une erreur de calcul. Ainsi que l'indique toutefois le Tribunal, la Commission s'est référée de bonne foi, dans sa première décision, au prix fixé par les autorités compétentes des Antilles néerlandaises (58). On n'aperçoit dès lors pas comment, ce faisant, la Commission a méconnu de manière manifeste et grave son pouvoir d'appréciation. On ne saurait dès lors non plus déceler une erreur commise par le Tribunal de première instance. Le fait que la Commission soit en principe tenue de prendre en compte les répercussions négatives de sa décision n'y change rien non plus. Le cinquième moyen est dès lors dépourvu de fondement.

Sixième moyen

Arguments des parties

102 Dans ce moyen, les parties requérantes critiquent la décision du Tribunal en ce qu'il y expose que, même si les parties requérantes avaient éprouvé un certain dommage du fait de la première décision, celui-ci n'aurait en tout cas pas été imprévisible en sorte qu'elles auraient pu s'organiser en conséquence. Les parties requérantes estiment que la prévisibilité d'une violation du droit communautaire n'exonère pas la Communauté de sa responsabilité. D'après elles de surcroît, le Tribunal ne peut conclure que le dommage n'a pas dépassé, pour les parties requérantes, les risques économiques inhérents au secteur en se fondant uniquement sur le fait que le stockage du riz rendu nécessaire par les mesures de sauvegarde n'a pas été anormalement long.

103 La Commission estime en revanche que le Tribunal de première instance a examiné si un dommage était né et si celui-ci a dépassé les limites de ce que l'on peut attendre d'un particulier selon la jurisprudence de la Cour. Le Tribunal n'a examiné la question de la prévisibilité du dommage que pour mieux étayer sa conclusion.

Appréciation

104 Ainsi qu'on l'a indiqué, selon la jurisprudence de la Cour, il peut être exigé du particulier, dans les domaines relevant de la politique de la Communauté en matière économique, qu'il supporte, dans des limites raisonnables, certains effets préjudiciables à ses intérêts économiques, engendrés par un acte normatif (59). Le Tribunal a ensuite examiné en quoi avait consisté le dommage pour les parties requérantes. Il a indiqué à cet égard que les parties requérantes ont exposé que des cargaisons de riz sont vendues alors qu'elles se trouvent en haute mer ou après leur arrivée dans un port communautaire. Dans ce dernier cas, le riz est entreposé jusqu'à sa livraison à l'acheteur. D'après le Tribunal, un tel entreposage est donc normal, également en dehors de tout contexte de mesure de sauvegarde prise par la Communauté. Le Tribunal a conclu des documents visés à cet égard que les durées d'entreposage - et l'éventuel retard qui en est résulté pour la vente - n'ont pas nécessairement été allongées du fait de la première décision (60). Il en résulte déjà que c'est à juste titre que le Tribunal a considéré que le dommage n'a pas excédé ce que l'on peut exiger du particulier, dans les domaines relevant de la politique économique. Ainsi que la Commission l'a exposé à juste titre, si les autres considérations du Tribunal - par exemple sur la prévisibilité du dommage - sont susceptibles d'étayer cette conclusion, en revanche cette dernière ne les requiert pas. En tout état de cause, il est clair que le Tribunal n'a pas écarté la responsabilité non contractuelle de la Communauté au seul motif - ainsi que les parties requérantes le soutiennent - que le dommage était prévisible.

105 Même si le moyen doit être rejeté dans sa globalité, il faut tout de même terminer en posant que les mesures de sauvegarde sont susceptibles de compromettre des investissements dans les PTOM, de compliquer des prévisions et de saper la confiance. Il n'appartient pas aux juridictions d'examiner l'opportunité économique et politique de mesures de sauvegarde qui sont au demeurant juridiquement conformes car le contrôle juridictionnel doit se limiter à la légalité des mesures et, du fait du large pouvoir d'appréciation, elles ne seront illégales qu'en cas de violations graves. C'est au politique et au législateur qu'il appartient de déterminer si les objectifs d'une partie du traité (politique agricole) peuvent bel et bien se concilier harmonieusement avec ceux d'une autre partie du traité (association des PTOM) et le cas échéant comment il convient d'y parvenir le mieux possible.

Dépens

106 Aux termes de l'article 122, premier alinéa, de son règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsque le pourvoi n'est pas fondé. Selon l'article 69, paragraphe 2, première phrase, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le paragraphe 4 dispose en sa première phrase que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

E - Conclusion

107 Par ces motifs, nous proposons de statuer comme suit:

«1) Le pourvoi est rejeté.

2) Les parties requérantes supporteront les dépens à l'exception de ceux exposés par la République française et par la République italienne.

3) La République française et la République italienne supporteront chacune leurs propres dépens.»

(1) - Arrêt du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission (T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305).

(2) - JO L 263, p. 1.

(3) - Cette note de l'auteur des conclusions intéresse la version allemande.

(4) - (JO L 50, p. 27).

(5) - Règlement du 11 juin 1976, portant organisation commune du marché du riz (JO L 166, p. 1).

(6) - Décision 93/211/CEE de la Commission, modifiant la décision 93/127/CEE (JO L 90, p. 36).

(7) - Précité à la note 1.

(8) - Point 143 de l'arrêt.

(9) - Arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197, à la p. 223).

(10) - Arrêt du 17 janvier 1985 (11/82, Rec. p. 207).

(11) - Arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité à la note 10, point 28.

(12) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, points 68 et 70.

(13) - Arrêt Antillean Rice Mills, précité à la note 1, point 70.

(14) - Arrêt du 15 février 1996 (C-209/94 P, Rec. p. I-615).

(15) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, point 77.

(16) - Voir note 15.

(17) - Arrêt Buralux e.a./Commission, précité à la note 14, point 26.

(18) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, point 75.

(19) - Article 51, premier alinéa, du protocole sur le statut (CEE) de la Cour de justice.

(20) - Voir note 18.

(21) - Arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, point 31), et Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, point 79.

(22) - Arrêt du 22 décembre 1993, Pincherle/Commission (C-244/91 P, Rec. p. I-6965, point 16); ordonnance du 14 février 1996, Commission/NTN Corporation et Koyo Seiko (C-245/95 P, Rec. p. I-553, point 7); ainsi que l'article 49, paragraphes 2 et 3, du statut (CEE) de la Cour de justice.

(23) - Cette phrase est rédigée comme suit: «L'association poursuit les objectifs ci-après».

(24) - Arrêt du 22 avril 1997 (C-310/95, Rec. p. I-2229).

(25) - Arrêt Road Air, précité à la note 24, point 40.

(26) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, point 91.

(27) - Arrêt Road Air, précité à la note 24, point 41. C'est nous qui avons mis en italique.

(28) - Voir point 6.

(29) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, point 122.

(30) - Idem, point 120.

(31) - Idem, point 121.

(32) - Ordonnance du président du Tribunal du 15 juillet 1997, Gouvernement des Antilles néerlandaises/Conseil (T-179/97 R, Rec. p. II-1297, point 35).

(33) - Arrêt du 30 octobre 1975, Soda e.a. (23/75, Rec. p. 1279, points 10 à 14).

(34) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, point 122.

(35) - Idem, point 124.

(36) - Idem, point 126.

(37) - Idem, point 127.

(38) - Idem, point 128.

(39) - Idem, point 130.

(40) - Idem, point 129.

(41) - Idem, point 131.

(42) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a;/Commission, précité à la note 1, points 149 à 151.

(43) - Arrêts du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle e.a./Conseil et Commission (197/80, 198/80, 199/80, 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec. p. 3211, point 18), et du 28 avril 1971, Lütticke/Commission (4/69, Rec. p. 325, point 10).

(44) - Arrêts du 5 mars 1986, Tezi/Commission (59/84, Rec. p. 887, point 70); du 15 janvier 1987, GAEC de la Segaude/Conseil et Commission (253/84, Rec. p. 123, point 9), et du 8 avril 1992, Cato/Commission (C-55/90, Rec. p. I-2533, point 18).

(45) - Arrêt du 28 novembre 1989, Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon kai Naftiliakon e.a./Conseil et Commission (C-122/86, Rec. p. 3959, point 2 du dispositif).

(46) - Arrêt du 25 mai 1978 (83/73, 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209).

(47) - Arrêt HNL e.a./Conseil et Commission, précité à la note 46, points 5 et 6.

(48) - Arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité à la note 1, points 177, 189 et suiv.

(49) - Arrêt précité à la note 46, point 6.

(50) - Voir point 89.

(51) - Arrêts du 19 septembre 1985, Asteris e.a./Commission (194/83 à 206/83, Rec. p. 2815); du 8 décembre 1987, Les Grands Moulins de Paris/Communauté économique européenne (50/86, Rec. p. 4833), et du 30 mai 1989, Roquette Frères/Commission (20/88, Rec. p. 1553).

(52) - Arrêt Asteris e.a./Commission, précité à la note 51, point 23.

(53) - Arrêt Les Grands Moulins de Paris/Communauté économique européenne, précité à la note 51, point 22.

(54) - Arrêt Roquette Frères/Commission, précité à la note 51, point 23.

(55) - Voir points 69 et suiv.

(56) - Arrêt précité à la note 1, point 122.

(57) - Arrêt précité à la note 51, point 26.

(58) - Arrêt précité à la note 1, points 191 et 194.

(59) - Arrêt HNL e.a./Conseil et Commission, précité à la note 46, point 6.

(60) - Arrêt précité à la note 1, point 204.