CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 30 avril 1996 ( *1 )

1. 

La présente affaire concerne l'effet des sanctions arrêtées à l'encontre de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et l'interprétation d'un règlement du Conseil de l'Union européenne visant à mettre en oeuvre un certain nombre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. La procédure au principal a pour objet une décision prise en exécution de ce règlement par le ministre des Transports, de l'Énergie et des Communications irlandais (ci-après le « ministre ») et ordonnant la saisie d'un avion appartenant à Yugoslav Airlines (ci-après la « JAT »), mais exploité par Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS (ci-après « Bosphorus Airways »), une compagnie charter turque. Cette compagnie avait loué l'avion de la JAT, avant l'adoption du règlement, pour une durée de quatre ans. Cet avion stationnait à l'aéroport de Dublin en vue d'opérations de maintenance lorsque le ministre a pris la décision attaquée. Avant de procéder à un examen plus détaillé des faits, il convient que nous décrivions le contexte juridique de l'affaire.

Contexte juridique

2.

Au cours de la guerre dans l'ancienne Yougoslavie, le Conseil de sécurité des Nations unies, à qui appartient la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales en vertu de la charte des Nations unies, a adopté un certain nombre de résolutions exigeant des États membres des Nations unies qu'ils adoptent diverses mesures d'embargo et d'autres sanctions. Ces résolutions avaient été adoptées au titre du chapitre VII de la charte et avaient donc un effet obligatoire pour tous les États membres.

3.

La première de ces résolutions était la résolution 713 (1991), adoptée le 25 septembre 1991, dans laquelle le Conseil de sécurité s'est déclaré profondément préoccupé par les combats en Yougoslavie et a décidé que:

« tous les États mettr[aie]nt immédiatement en œuvre, aux fins de l'établissement de la paix et de la stabilité en Yougoslavie, un embargo général et complet sur toutes les livraisons d'armements et d'équipements militaires à la Yougoslavie, et ce jusqu'à ce que le Conseil en décide autrement, après que le Secrétaire général aura eu des consultations avec le Gouvernement yougoslave » ( 1 ).

4.

Dans la résolution 757 (1992), adoptée le 30 mai 1992, le Conseil de sécurité a condamné les autorités de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Montenegro) pour ne pas avoir pris de mesures efficaces en vue de satisfaire aux exigences de la résolution 752 (1992), demandant qu'il soit mis fin aux combats en Bosnie-Herzégovine. Le Conseil de sécurité a pris d'autres mesures, comportant, entre autres, un embargo commercial et un embargo financier. Il a décidé notamment que ( 2 ):

« tous les États empêcher[aie]nt:

a)

L'importation sur leur territoire de tout produit de base et de toute marchandise en provenance de république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) qui en seraient exportés après la date de la présente résolution;

b)

Toutes activités menées par leurs nationaux ou sur leur territoire qui auraient pour effet ou pour objet de favoriser l'exportation ou le transbordement de tous produits de base ou de toutes marchandises en provenance de république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ainsi que toutes transactions faisant intervenir leurs nationaux, ou des navires ou aéronefs battant leur pavillon, ou menées sur leur territoire, portant sur des produits de base ou des marchandises en provenance de république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et qui en seraient exportés après la date de la présente résolution, y compris, en particulier, tout transfert de fonds à destination de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) aux fins de telles activités ou transactions;

c)

La vente ou la fourniture par leurs nationaux ou depuis leur territoire, ou par l'intermédiaire de navires ou d'aéronefs battant leur pavillon, de tous produits de base ou de toutes marchandises, que ceux-ci proviennent ou non de leur territoire, mais non compris les fournitures à usage strictement médical et les denrées alimentaires, ces exceptions devant être notifiées au comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 724 (1991) concernant la Yougoslavie, à toute personne physique ou morale se trouvant en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ou à toute personne physique ou morale aux fins de toute activité commerciale menée sur ou depuis le territoire de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ainsi que toutes activités menées par leurs nationaux ou sur leur territoire qui auraient pour effet ou pour objet de favoriser la vente ou la fourniture dans les conditions sus-indiquées de tels produits de base ou de telles marchandises. »

5.

Le paragraphe 7 de la même résolution revêt une importance particulière en l'espèce; le Conseil de sécurité y a décidé que:

« tous les États

a)

Refuser[aie]nt à tout aéronef l'autorisation de décoller de leur territoire, d'y atterrir ou de le survoler si cet aéronef est en route pour atterrir sur le territoire de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou s'il en a décollé, à moins que le vol de cet aéronef n'ait été approuvé, en raison de considérations d'ordre humanitaire ou autres, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil, par le comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 724 (1991);

b)

Interdir[aie]nt la fourniture par leurs nationaux ou à partir de leur territoire de services de maintenance et d'ingénierie destinés à des aéronefs enregistrés en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou utilisés par ou au nom d'entités sises en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ou de composants de tels aéronefs, la délivrance de certificats de navigation pour de tels aéronefs, ainsi que le paiement de nouveaux dédommagements au titre de contrats d'assurance existants et la fourniture de nouvelles assurances directes pour de tels aéronefs. »

6.

Dans la résolution 787 (1992), adoptée le 16 novembre 1992, le Conseil de sécurité a décidé d'interdire aussi le transit par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) d'un certain nombre de produits économiquement vitaux (voir paragraphe 9). Il a, en outre, décidé au paragraphe 10 que:

« tout navire dans lequel une personne ou une entreprise de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou y exerçant son activité détient un intérêt majoritaire ou prépondérant sera considéré, aux fins de l'application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, comme un navire de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), indépendamment du pavillon sous lequel il navigue ».

7.

Les mesures d'embargo ont été encore renforcées par la résolution 820 (1993), adoptée le 17 avril 1993, qui a un rapport direct avec la présente affaire. Cette résolution contient certaines dispositions relatives au transit de marchandises et de produits par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) sur le Danube, la règle de base étant que ce transit « ne pourra se faire que lorsque le comité créé par la résolution 724 (1991) l'aura expressément autorisé » (voir paragraphe 15). La résolution prévoit, en outre, le gel des fonds appartenant aux autorités de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou à des entreprises établies dans cet État et des fonds contrôlés par lesdites autorités ou entreprises (paragraphe 21). Le Conseil de sécurité a décidé aussi « d'interdire le transport de tous produits et de toutes marchandises à travers les frontières terrestres ou en provenance ou à destination des ports de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) », des exceptions très limitées étant prévues pour les fournitures médicales et les produits alimentaires, les fournitures humanitaires essentielles et les transits autorisés (paragraphe 22).

8.

Le paragraphe 24 de la résolution 820 (1993) a une importance capitale dans le contexte de la présente affaire. Le Conseil de sécurité y:

« Décide que tous les États saisiront tous les navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs se trouvant sur leur territoire dans lesquels une personne ou une entreprise de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant à partir de celle-ci détient un intérêt majoritaire ou prépondérant, et que ces navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs pourront être confisqués par l'État ayant effectué la saisie s'il est établi qu'ils ont agi en violation des résolutions 713 (1991), 757 (1992), 787 (1992), ou de la présente résolution ».

9.

Il y a une relation étroite entre ce paragraphe et le paragraphe 25, où il est décidé que:

« tous les États immobiliseront, en attendant qu'une enquête soit effectuée, tous les navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants, aéronefs et cargaisons qui auront été trouvés sur leur territoire et que l'on soupçonne d'avoir été ou d'être utilisés en violation des résolutions 713 (1991), 757 (1992), 787 (1992), ou de la présente résolution, et s'il est établi qu'ils sont en infraction, que ces navires, véhicules de transport de marchandises, matériels roulants et aéronefs seront saisis et, selon le cas, pourront eux-mêmes ainsi que leurs cargaisons être confisqués par l'État qui les immobilise ».

10.

La résolution traite ensuite de la fourniture de services (paragraphe 27) et du trafic maritime commercial (paragraphe 28). C'est ce dernier qui est en cause dans l'affaire Ebony Maritime ( 3 ).

11.

Les résolutions précitées font de fréquentes références au comité créé par la résolution 724 (1991). Les tâches essentielles de ce comité sont énumérées au paragraphe 5, sous b), de cette résolution, qui a été adoptée le 15 décembre 1992. Le Conseil de sécurité y:

« Décide de créer, conformément à l'article 28 de son règlement intérieur provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous les membres du Conseil qui sera chargé d'accomplir les tâches énumérées ci-après et de présenter au Conseil un rapport sur ses travaux, où figureront ses observations et recommandations:

i)

Examiner les rapports présentés conformément à l'alinéa a);

ii)

Demander à tous les États de lui communiquer de nouveaux renseignements sur les mesures qu'ils auront prises concernant la mise en oeuvre effective de l'embargo imposé en vertu du paragraphe 6 de la résolution 713 (1991);

iii)

Examiner toute information portée à son attention par des États au sujet de violations de l'embargo et, dans ce contexte, faire des recommandations au Conseil sur les moyens d'accroître l'efficacité de l'embargo;

iv)

Recommander des mesures appropriées comme suite aux violations de l'embargo général et complet sur toutes les livraisons d'armements et d'équipements militaires à la Yougoslavie et fournir régulièrement au Secrétaire général des informations pour communication à l'ensemble des États membres. »

12.

La Communauté a adopté diverses mesures visant à la mise en œuvre des résolutions précitées. Celle en cause dans la présente affaire est le règlement (CEE) no 990/93 du Conseil, du 26 avril 1993, concernant les échanges entre la Communauté économique européenne et la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) (ci-après le « règlement ») ( 4 ). En adoptant ce règlement, le Conseil a tenté de donner suite au renforcement de l'embargo à l'encontre de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) décidé par la résolution 820 (1993) ( 5 ). Le règlement, qui était basé sur l'article 113 du traité, remplaçait et abrogeait des règlements antérieurs du Conseil concernant l'embargo ( 6 ).

13.

Les considérants font référence à la situation dans l'ancienne Yougoslavie, particulièrement en Bosnie-Herzégovine, au rôle joué par la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) et aux diverses résolutions du Conseil de sécurité. Il y est indiqué que:

« la Communauté et ses États membres sont convenus de recourir à un instrument communautaire, notamment afin d'assurer une mise en œuvre uniforme dans l'ensemble de la Communauté de certaines de ces mesures ».

14.

La plupart des dispositions du règlement reproduisent, en grande partie, les diverses mesures d'embargo contenues dans les résolutions précitées du Conseil de sécurité. Aux fins de la présente affaire, il suffit de citer, en premier lieu, les articles 8 et 9, qui sont formulés dans les termes suivants:

« Article 8

Tous les navires, véhicules de transport, matériels roulants et aéronefs dans lesquels une participation majoritaire ou une minorité de contrôle est détenue par une personne physique ou morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant depuis cette république sont saisis par les autorités compétentes des États membres.

Les frais afférents à la saisie des navires, véhicules de transport, matériels roulants et aéronefs peuvent être imputés à leurs propriétaires.

Article 9

Tous les navires, véhicules de transport, matériels roulants, aéronefs et cargaisons soupçonnés d'avoir violé ou de violer le règlement (CEE) no 1432/92 ou le présent règlement sont immobilisés par les autorités compétentes des États membres en attendant l'enquête » ( 7 ).

15.

Ensuite, l'article 11 dispose que:

« le présent règlement s'applique sur tout le territoire de la Communauté, y compris son espace aérien, et sur tout aéronef ou navire relevant de la juridiction d'un État membre, ainsi que, en tout autre lieu, à tout ressortissant d'un État membre et à toute entité érigée en société ou autrement constituée sous le régime de la loi d'un État membre ».

16.

Le règlement est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel, à savoir le 28 avril 1993.

17.

En Irlande, le règlement a été mis en œuvre grâce aux European Communities [Prohibition of Trade with the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)] Regulations, adoptés par le ministre du Tourisme et du Commerce ( 8 ). L'article 5 de ce texte, dans la mesure où il est pertinent en l'espèce, dispose que:

« le ministre des Transports, de l'Énergie et des Communications est l'autorité compétente aux fins des articles 8 et 9 du règlement du Conseil... ».

18.

On peut noter enfin que le règlement no 990/93 est suspendu à dater du 27 février 1996, conformément au règlement (CE) no 462/96 du Conseil ( 9 ). L'article 1er, paragraphe 2, de ce règlement est formulé dans les termes suivants:

« Tant que les règlements visés au paragraphe 1 restent suspendus, tous les avoirs qui ont été saisis préalablement conformément auxdits règlements peuvent être libérés par les États membres selon la loi, à condition que chacun de ces avoirs qui font l'objet d'une réclamation, d'un droit de rétention, d'un arrêt ou d'une servitude, ou qui est l'avoir d'une personne, d'une association, d'une personne morale ou d'une entité déclarée ou supposée insolvable selon la loi ou les principes comptables qui prévalent dans l'État membre concerné, restent saisis jusqu'à ce qu'il soient libérés conformément au droit applicable. »

Faits et procédure au principal

19.

Les faits, tels qu'ils sont relatés dans l'ordonnance de renvoi peuvent être résumés comme suit. Bosphorus Airways est une société qui a été constituée en Turquie le 12 mars 1992. 96 % de son capital social sont détenus par un ressortissant turc, M. Mustafa Illhameddin Ozbay, et les 4 % restants sont la propriété d'autres ressortissants turcs. La société a été créée en vue d'exercer une activité d'affrètement aérien et d'organisation de voyages.

20.

Par un contrat du 17 avril 1992, Bosphorus Airways a pris en location deux avions de type Boeing 737-300, alors immatriculés respectivement YUAN-J et YUAN-H et appartenant à la compagnie aérienne yougoslave (JAT), pour une période de 48 mois, moyennant le versement d'une caution de 1 million de USD par appareil et d'un loyer mensuel de 150000 USD également par appareil. Le bail concerné est ce que l'on appelle un « bail sec » (« dry lease »), ce qui signifie que Bosphorus Airways fournit l'équipage de l'appareil, constitué de membres de son propre personnel. Bosphorus Airways a la maîtrise totale de la gestion quotidienne de l'avion. Le contrat de bail prévoit que le bailleur (à savoir la JAT) reste propriétaire de l'avion, mais que le preneur à bail a le droit de le faire immatriculer au registre turc de l'aviation civile. Le preneur à bail a dûment fait immatriculer l'avion auprès du ministère turc des Transports et des Communications. Les certificats d'immatriculation désignent le propriétaire de l'avion comme étant « la compagnie aérienne yougoslave JAT » et l'exploitant comme étant « Bosphorus Hava Yollari AS ». Les certificats ont été délivrés conformément aux dispositions pertinentes de la loi turque et de la convention relative à l'aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944.

21.

Le contrat de bail prévoit que Bosphorus Airways aura une option d'achat sur l'avion pendant les six mois qui suivront l'expiration du contrat, au cas où le bailleur déciderait de le vendre.

22.

Il a été établi au cours de la procédure au principal que rien ne donnait à penser que Bosphorus Airways ait été impliquée dans quelque fraude consistant à utiliser un pavillon étranger ou ait tenté de quelque manière de contourner les sanctions décidées par l'ONU. Il a aussi été établi que la transaction entre Bosphorus Airways et la JAT avait été passée entièrement de bonne foi. Rien ne fait supposer que la JAT ait un intérêt quelconque, direct ou indirect, dans Bosphorus Airways ou dans la gestion, le contrôle ou la direction de cette société. Dès leur livraison, les avions ont servi exclusivement à l'organisation de voyages, des liaisons étant effectuées par Bosphorus Airways entre la Turquie, d'une part, et divers États membres de la Communauté et la Suisse, d'autre part.

23.

Le 16 avril 1993, l'un des avions (immatriculé TC-CYO) a été acheminé par Bosphorus Airways à l'aéroport de Dublin afin d'y subir certaines opérations de révision et d'entretien, effectuées par TEAM Aer Lingus Ltd, filiale de la compagnie nationale irlandaise, Aer Lingus, assurant la maintenance des avions. Ces opérations ont pris fin le 28 mai 1993 et l'avion était sur le point de quitter l'aéroport de Dublin lorsque l'autorisation de décollage a été retardée sur ordre du ministre. L'avion a été ensuite saisi, conformément aux instructions de ce dernier, datées du 8 juin 1993. Cette saisie a été ordonnée conformément à l'article 8 du règlement ( 10 ), au motif qu'il s'agissait d'un avion dans lequel « une participation majoritaire ou une minorité de contrôle [était] détenue par une personne physique ou morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant depuis cette république ».

24.

Le ministre fait référence à une lettre du président du comité du Conseil de sécurité institué conformément à la résolution 724 (1991) (ci-après le « comité ») ( 11 ). Cette lettre répondait à une demande de conseil et d'approbation concernant les opérations de maintenance effectuées par TEAM Aer Lingus. Cette demande a été formulée le 26 mai 1993, soit deux jours avant l'immobilisation de l'avion, par le représentant permanent de l'Irlande auprès des Nations unies. Dans sa lettre, datée du 14 juin 1993, le président s'exprime comme suit:

« Le comité a débattu du problème lors de sa 71e séance, qui s'est tenue le 8 juin 1993, et a estimé que la prestation de services quelconques au bénéfice d'un avion appartenant à une entreprise établie en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), à l'exception de ceux préalablement autorisés par le comité ... ne serait pas conforme aux exigences des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Les membres du comité ont aussi rappelé les dispositions du paragraphe 24 de la résolution 820 (1993) du Conseil de sécurité, concernant un tel avion, aux termes desquelles l'appareil en question aurait déjà dû être saisi par les autorités irlandaises... »

25.

Le ministre signale, en outre, que, dans une lettre adressée au représentant permanent de la Turquie auprès des Nations unies, datée du 28 mai 1993, le président du comité disait, à propos des deux avions exploités par Bosphorus Airways:

« Le comité ne s'est pas rallié à l'opinion du gouvernement de votre Excellence, selon laquelle l'exploitation de cet avion pouvait être poursuivie, et, sur ce point, a rappelé les dispositions du paragraphe 24 de la résolution 820 (1993) du Conseil de sécurité. »

26.

En juillet 1993, l'ambassadeur de Turquie en Irlande a demandé que l'avion saisi par le ministre soit rapatrié en Turquie, pour y être saisi et confisqué conformément aux résolutions prévoyant les sanctions. Sur cette question aussi, les autorités irlandaises ont sollicité l'avis du comité et, dans une lettre du 4 août 1993, le président de ce dernier s'est exprimé comme suit:

« Aux termes des décisions pertinentes du Conseil de sécurité, les autorités irlandaises sont tenues de refuser tous services à l'avion en question, y compris ceux nécessaires pour permettre à l'avion de regagner la Turquie. En conséquence, le comité a estimé que l'avion devait demeurer saisi en Irlande. »

27.

Il vaut aussi la peine d'indiquer que, selon Bosphorus Airways, les paiements afférents à la location de l'avion sont effectués sur un compte bloqué, géré par la banque centrale turque, en conformité avec la législation nationale mettant en œuvre les sanctions décidées par les Nations unies. Il apparaît donc que ces paiements ne parviennent pas à la JAT.

28.

Bosphorus Airways a introduit devant la High Court (Dublin) un recours à l'encontre de la décision du ministre portant saisie de l'avion. Par son arrêt du 21 juin 1994, la High Court a annulé la décision du ministre, au motif que l'article 8 ne s'appliquait pas à l'avion en question, étant donné qu'il ne s'agissait pas d'un appareil dans lequel une participation majoritaire ou une minorité de contrôle est détenue par une personne physique ou morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ( 12 ).

29.

Le ministre a interjeté appel de l'arrêt de la High Court devant la Supreme Court. Celle-ci a estimé que la solution du litige opposant le ministre à Bosphorus Airways dépendait de l'interprétation donnée à l'article 8 du règlement. Elle a donc décidé de déférer la question suivante à la Cour:

« Convient-il d'appliquer l'article 8 du règlement no 990/93/CEE à un aéronef dans lequel une participation majoritaire ou une minorité de contrôle est détenue par une personne morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) alors que cet aéronef a été donné en location pour une période de quatre ans à compter du 22 avril 1992 à une personne morale dans laquelle aucune personne physique ou morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant depuis cette république ne détient de participation majoritaire ou de minorité de contrôle? »

30.

Lors de l'audience, la Cour a été informée que la saisie de l'avion avait été levée, à la suite de la suspension du règlement.

Problème posé

31.

Alors que Bosphorus Airways conteste énergiquement la légalité de la décision du ministre portant saisie de l'avion, les gouvernements autrichien et danois et la Commission soutiennent les défendeurs en affirmant que la décision était appropriée. La lecture de l'article 8 incite manifestement à faire sienne cette dernière conception. Lorsqu'on en fait application aux faits de l'espèce, le libellé de l'article paraît laisser peu de place au doute. Il parle d'une « participation majoritaire ou une minorité de contrôle ... détenue par une personne physique ou morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou opérant depuis cette république ». Le terme « participation » est très large et englobe toutes les formes de droit de propriété et il a été établi au cours de la procédure au principal que la JAT demeure le propriétaire exclusif de l'avion. En effet, la question posée par la Supreme Court est basée sur cette constatation de fait. Il est vrai que le terme « participation » est plutôt vague, mais la plupart des autres versions linguistiques du règlement font référence à la notion de propriété, plutôt que de participation, ce qui évidemment couvre le droit de propriété dont la JAT est titulaire sur l'avion. La notion de propriété est également utilisée au second alinéa de l'article 8, qui prévoit que les frais afférents à la saisie peuvent être imputés aux propriétaires. En outre, l'un des considérants du règlement indique que:

« la Communauté et ses États membres sont convenus de recourir à un instrument communautaire, notamment afin d'assurer une mise en oeuvre uniforme dans l'ensemble de la Communauté... ».

La nécessité de faire du règlement une interprétation uniforme paraît donc particulièrement imperative. Nous notons, à cet égard, que, dans d'autres États membres, où sont appliquées d'autres versions linguistiques, les doutes exprimés dans l'ordonnance de renvoi n'auraient jamais pu se faire jour, parce que les versions pertinentes du règlement font clairement référence à la propriété.

32.

Le fait que la JAT n'ait pas le contrôle de l'avion pendant la durée du bail semble dénué de pertinence: l'expression « une participation majoritaire ou une minorité de contrôle » figurant à l'article 8 donne à penser que, lorsqu'il existe une participation majoritaire, la question du contrôle ne se pose pas.

33.

La question qui se pose est donc de savoir s'il y a, en l'espèce, des raisons impérieuses justifiant que l'on fasse du règlement une interprétation qui s'écarte des termes de celui-ci. Selon une jurisprudence bien établie:

« il y a lieu, pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie » ( 13 ).

34.

En ce qui concerne le contexte et les objectifs du règlement, les résolutions du Conseil de sécurité qu'il vise à mettre en œuvre sont essentielles et nous examinerons si ces résolutions ont une incidence sur l'interprétation à donner au règlement. En outre, Bosphorus Airways invoque un certain nombre de principes généraux du droit communautaire à l'appui de sa thèse selon laquelle l'article 8 du règlement ne s'applique pas aux circonstances de l'espèce.

Règlement et résolutions

35.

Les considérants du règlement font expressément référence aux résolutions mentionnées ci-dessus et indiquent clairement que le Conseil avait pour but de les mettre en oeuvre lorsqu'il a adopté le règlement. Il n'est donc pas douteux que le règlement doive être interprété à la lumière de ces résolutions. La question de savoir si les résolutions, en tant que telles, lient la Communauté, quoique très intéressante, n'a pas à être tranchée ici ( 14 ).

36.

Il est significatif que l'expression « a majority or controlling interest » figurant dans la version anglaise du règlement soit empruntée textuellement au paragraphe 24 de la résolution 820 (1993). En outre, c'est, en substance, les mêmes termes qui sont utilisés dans chacune des trois langues des Nations unies qui sont aussi des langues communautaires (anglais, français et espagnol): « a majority or controlling interest », « un intérêt majoritaire ou prépondérant », « intereses mayoritorios o de control ».

37.

Bosphorus Airways ne tente pas d'invoquer les termes des résolutions pertinentes à l'appui de sa thèse selon laquelle l'article 8 du règlement ne s'applique pas. Elle fait cependant référence au raisonnement de la High Court, qui a fait une interprétation téléologique du règlement. Le juge de la High Court, M. Murphy, a exprimé l'avis suivant ( 15 ):

« Le régime commercial rigoureux imposé par le règlement a expressément pour but d'empêcher la république fédérative d'entreprendre ou de poursuivre des activités qui entraîneraient de nouvelles pertes de vies humaines et de nouveaux dommages matériels inacceptables. Il est manifeste et incontestable que ce règlement est destiné à avoir un effet de punition, de dissuasion ou de sanction à l'encontre du peuple ou du gouvernement de cette république troublée. Inversement, il est également évident que ce règlement ne vise pas à punir ou à pénaliser des peuples ou des pays qui n'ont en aucune manière provoqué ces événements tragiques ni n'y ont contribué. »

38.

Ensuite, dans son arrêt, le juge de la High Court interprète le terme « participation » à la lumière des objectifs précités ( 16 ):

« A mon sens, le degré ou la mesure de la participation à laquelle se réfère l'article doit viser à identifier la situation dans laquelle la personne ayant son siège en Yougoslavie ou opérant depuis ce pays pouvait exercer un pouvoir de décision en ce qui concerne l'usage quotidien des biens en question. Toute autre interprétation paraît à la fois irréaliste et injuste. Il serait absurde de saisir un bien pour la possession et la jouissance duquel une partie totalement innocente a payé une somme considérable, simplement parce qu'une autre partie a un droit théorique de recevoir un loyer nominal pour ce bien. Le règlement a assurément pour but d'empêcher la partie coupable de recourir à l'aéronef, au véhicule ou à quelque autre moyen de transport qui pourrait être utilisé pour transporter des marchandises en violation de l'embargo imposé par les règlements. A mon sens, la ‘participation’ visée à l'article 8 est principalement le droit de jouissance ou le droit de contrôler ou de régler l'utilisation du bien plutôt que le revenu tiré de ce bien. Si le but des règlements était de priver les ressortissants ou les entreprises yougoslaves d'un revenu, ce but pourrait être atteint par d'autres moyens, ainsi qu'il résulte des faits de l'espèce. Du moment qu'aucun ressortissant de Serbie ou du Monténégro n'a l'usage ou le contrôle de l'aéronef en question ni l'occasion d'en tirer un revenu, il me semble que le règlement a atteint pleinement son but. La saisie de l'aéronef constituerait une intervention totalement injustifiée dans les activités de Bosphorus Airways. »

39.

Nous pourrions souscrire à ce raisonnement s'il était vraiment évident que l'objectif poursuivi par le paragraphe 24 de la résolution 820 (1993) était d'empêcher la partie coupable d'utiliser l'avion, qui pourrait servir à transporter des marchandises en violation de l'embargo. Il nous semble, cependant, qu'une telle interprétation restrictive de la résolution ne s'impose pas. Il n'est pas possible d'établir, sur la base du texte des résolutions, que l'obligation de saisir les moyens de transport visait exclusivement à renforcer l'embargo commercial. Il n'est évidemment pas douteux que le Conseil de sécurité songeait au renforcement de l'embargo commercial lorsqu'il a pris sa décision. Cela peut se déduire du fait que la seconde partie du paragraphe 24 ajoute que les moyens de transport mentionnés « pourront être confisqués par l'État ayant effectué la saisie s'il est établi qu'ils ont agi en violation des résolutions 713 (1991), 757 (1992), 787 (1992), ou de la présente résolution ». Cependant, il n'est nullement exclu que le Conseil de sécurité ait voulu aller plus loin. On se rappellera que le Conseil de sécurité a aussi décidé le gel de tous les fonds appartenant ou destinés aux autorités ou à des entreprises de la république federative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ( 17 ). La décision de saisir des moyens de transport dans lesquels des entreprises de cette république ont une participation majoritaire ou une minorité de contrôle peut être interprétée comme une décision contribuant, elle aussi, au gel des actifs situés à l'étranger, même lorsqu'il n'existe pas de risque immédiat qu'ils soient utilisés pour contourner l'embargo commercial. Comme les défendeurs l'indiquent dans leurs observations écrites, le but peut être de priver une entreprise yougoslave, dans un cas comme celui de l'espèce, même du bénéfice indirect de la circonstance qu'un moyen de transport continue à fonctionner et continue à être entretenu et assuré.

40.

Selon nous, il est vraisemblable qu'il soit beaucoup plus difficile de deviner le but précis d'une mesure communautaire mettant en oeuvre une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies que, normalement, de déterminer l'objectif d'une mesure communautaire ordinaire. Ce qui est en cause, ce n'est pas l'intention des institutions communautaires elles-mêmes, qui peut souvent être déduite du contexte et des considérants et éventuellement aussi des observations formulées par ces institutions devant la Cour, mais l'objectif poursuivi par le Conseil de sécurité, un organe composé de nombreux États différents, agissant dans des circonstances politiques très tendues. Une interprétation littérale du texte peut donc avoir plus de poids.

41.

Dans les observations qu'elles a soumises à la Cour, la Commission considère aussi qu'il est hasardeux de tenter de déterminer les objectifs exacts de la décision du Conseil de sécurité. La Commission estime, cependant, que la High Court s'est fait une conception trop étroite des objectifs poursuivis. Selon la Commission, le but était d'éviter que des ressortissants ou des entreprises de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne récupèrent des moyens de transport qui sont temporairement hors de leur contrôle. Elle indique que les sanctions ne sont jamais totalement efficaces et qu'il pourrait être justifié de saisir le plus rapidement possible les moyens de transport qui pourraient éventuellement bénéficier à des ressortissants de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), plutôt que d'escompter que toutes les parties concernées éviteront d'en donner le contrôle à des personnes de cette république.

42.

Dans le cas d'un avion, cet argument a un poids particulièrement important, parce que, tant qu'un avion est en vol, il y a toujours le risque d'un changement de cap imprévu, en vue, en l'espèce, d'un retour en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro); selon l'endroit où il se trouve à ce moment, le risque peut être beaucoup plus grand dans le cas d'un avion que dans celui d'un navire. En outre, en cas de location, on ne peut exclure le risque que le contrat de bail soit résilié avant son expiration et que l'avion ne soit restitué à son propriétaire. En conséquence, même si le paragraphe 24 visait seulement à durcir ou à renforcer l'embargo commercial, la décision de saisir un avion échappant temporairement au contrôle de son propriétaire pourrait s'avérer justifiée.

43.

On ne peut non plus justifier une interprétation restrictive en se fondant sur les termes des résolutions. Comme nous l'avons vu, les termes « a majority or controlling interest » figurent dans la version anglaise du paragraphe 24 de la résolution, comme dans la version correspondante du règlement. On peut en tirer la même conclusion: lorsqu'il existe une participation majoritaire, le contrôle n'est pas nécessaire. Rien non plus dans le texte des résolutions ne confirme l'idée que, dans le cas d'un aéronef, le terme « participation » fasse référence au pays d'immatriculation de celui-ci, en l'espèce la Turquie. Le Conseil de sécurité semble avoir songé à faire une distinction entre la propriété et l'immatriculation d'un avion. Au paragraphe 7, sous b), de la résolution 757 (1992) ( 18 ), concernant la fourniture de services d'ingénierie et de maintenance destinés à des aéronefs, il est fait référence aux « aéronefs enregistrés en république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ». Le fait que le paragraphe 24 de la résolution 820 (1993) ne fasse pas usage de cette définition donne à penser que le pays d'immatriculation a été considéré comme dénué de pertinence.

44.

De plus, dans le cas des navires, le paragraphe 10 de la résolution 787 (1992) indique clairement que le pavillon sous lequel un navire navigue est indifférent lorsqu'il s'agit de déterminer si une personne ou entreprise de la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ou y exerçant son activité détient un intérêt majoritaire ou prépondérant dans ce navire. Il nous semble que, en l'absence d'indication contraire, une interprétation similaire doit prévaloir dans le cas des avions: au paragraphe 24 de la résolution 820 (1993), qui ordonne la saisie, les navires et les aéronefs font l'objet d'un traitement identique.

45.

Lors de l'audience, le conseil de Bosphorus Airways a fait remarquer que le transfert de pavillon est une pratique courante pour les navires, mais qu'il n'en va pas ainsi dans le domaine de l'aviation civile, où l'immatriculation d'un aéronef dans un État donné n'est possible que dans des circonstances où les autorités aéronautiques de cet État sont assurées de pouvoir contrôler les opérations effectuées par cet avion, en particulier en ce qui concerne les conditions de sécurité. Selon nous, cela peut expliquer pourquoi les résolutions ne contiennent au sujet des aéronefs aucune disposition comparable à celle concernant le pavillon des navires. Cela ne prouve cependant pas que, dans le cas des aéronefs, le terme « participation » vise uniquement celle détenue par l'entreprise qui a immatriculé l'aéronef dans un État donné.

46.

Puisque rien dans les objectifs ni dans le texte des résolutions ne donne à penser que le ministre a fait une interprétation erronée du règlement, il ne nous paraît pas nécessaire d'examiner de façon détaillée l'effet de l'avis exprimé par le comité créé par la résolution 724 (1991), qui a estimé, lui aussi, que l'avion devait être saisi. Évidemment, il convient d'accorder à l'avis du comité toute l'attention qu'il mérite; le comité est composé de représentants des États qui sont membres du Conseil de sécurité et leurs avis doivent avoir un grand poids. Le comité est devenu un important organe permanent responsable de la surveillance journalière de l'application des sanctions et peut faire en sorte que la communauté internationale interprète et applique les résolutions de manière uniforme ( 19 ). Cependant, il paraît douteux que, en l'espèce, l'avis du comité puisse être considéré comme obligatoire, parce qu'un tel effet n'est pas prévu par les dispositions pertinentes des résolutions. Comme nous l'avons vu, l'approbation du comité doit être obtenue dans certains cas ( 20 ), mais la décision de saisir un moyen de transport ne fait pas partie de ces cas et les compétences générales du comité n'incluent pas le pouvoir d'adopter des décisions ( 21 ). En outre, l'avis du comité ne contient que peu ou pas du tout de motivation qui puisse être de quelque secours. Il ne fournit, par exemple, aucune indication relative à l'interprétation du terme « intérêt » ni d'aucun autre terme figurant dans le paragraphe 24 de la résolution 820 (1993).

47.

Cependant, même sans considérer l'avis du comité comme décisif — et même si l'on ne tient pas compte de cet avis —, on peut, selon nous, conclure que les résolutions du Conseil de sécurité n'exigent pas que l'on adopte une interprétation qui s'écarte de la lettre de l'article 8 du règlement, qui est claire.

Principes de la sécurité juridique, de proportionnalité et du respect des droits fondamentaux

48.

Enfin, Bosphorus Airways invoque un certain nombre de principes généraux du droit communautaire: sécurité juridique, proportionnalité et respect des droits fondamentaux. En ce qui concerne la sécurité juridique, la position de Bosphorus Airways consiste à dire que l'effet d'une disposition légale doit être clair et prévisible pour la personne qui y est soumise. Comme l'affirme Bosphorus Airways, cela est particulièrement vrai lorsque la disposition concernée a un effet pénal, est d'une sévérité draconienne et est appliquée à une partie innocente.

49.

Il nous paraît que c'est à la lumière des principes de proportionnalité et du respect des droits fondamentaux que les effets du règlement peuvent le mieux être analysés. Nous avons estimé que le texte de la disposition en cause était clair. Dans cette mesure, il n'y a pas violation du principe de la sécurité juridique et Bosphorus Airways n'a pas indiqué que ce principe avait été violé sous quelque autre rapport. La question qui se pose est alors de savoir s'il y a une violation du principe de proportionnalité ou du principe du respect des droits fondamentaux. Ces deux points peuvent commodément être examinés ensemble.

50.

Cette partie des affirmations de Bosphorus Airways soulève une question importante et nous examinerons donc en détail le point de savoir si l'action du ministre a porté atteinte aux droits fondamentaux de Bosphorus Airways et si, dans ce contexte, cette action a comporté une violation du principe de proportionnalité.

51.

Il est constant que le respect des droits fondamentaux fait partie des principes généraux du droit communautaire et que, en assurant le respect de ces droits, la Cour tient compte des traditions constitutionnelles des Etats membres et des conventions internationales, notamment de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, généralement connue sous le nom de convention européenne des droits de l'homme, qui a une importance particulière à cet égard ( 22 ).

52.

L'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, qui dispose que l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'il sont garantis par la convention et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire, consacre la jurisprudence de la Cour dans le traité. L'article F, paragraphe 2, figure dans le titre I du traité et échappe donc à la compétence de la Cour, dans la mesure où il vaut pour tous les domaines couverts par le traité sur l'Union européenne ( 23 ). En relation avec le traité CE, il confirme et renforce la jurisprudence de la Cour, en soulignant l'extrême importance du respect des droits fondamentaux.

53.

Le respect des droits fondamentaux est donc une condition de légalité des actes communautaires ( 24 ) — en l'espèce, du règlement. Les droits fondamentaux doivent naturellement aussi être respectés par les États membres lorsqu'ils mettent en œuvre des mesures communautaires ( 25 ). Tous les États membres sont, en tout cas, parties à la convention européenne des droits de l'homme, même si cette dernière n'a pas dans tous le statut de loi interne. Bien que la Communauté elle-même ne soit pas partie à la convention et ne puisse le devenir sans modification à la fois de la convention ( 26 ) et du traité ( 27 ) et quoique la convention ne puisse lier formellement la Communauté, la convention peut néanmoins être considérée, à des fins pratiques, comme faisant partie du droit communautaire et être invoquée comme telle à la fois devant la Cour de justice et devant les juridictions nationales lorsque le droit communautaire est en cause. C'est en particulier le cas lorsque, comme en l'espèce, c'est l'application du droit communautaire par les États membres qui est en cause. Le droit communautaire ne peut dégager les États membres des obligations qui leur incombent en vertu de la convention.

54.

Bosphorus Airways fait spécifiquement référence au droit de jouir paisiblement de la propriété, qui est protégé par la convention, ainsi qu'au droit d'exercer une activité commerciale, qui a aussi été reconnu comme un droit fondamental par la jurisprudence de la Cour de justice. Elle soutient que l'interprétation du règlement adoptée par le ministre conduit à une violation de ces droits, parce que, comme Bosphorus Airways l'affirme, cette interprétation aurait effectivement pour effet de détruire et d'anéantir Bosphorus Airways. Elle affirme aussi que le règlement serait nul, en tout ou en partie, s'il avait pour conséquence de méconnaître le droit de propriété d'une entreprise totalement innocente, comme c'est le cas de Bosphorus Airways.

55.

Le droit de propriété est défini dans les termes suivants à l'article 1er du premier protocole annexé à la convention européenne des droits de l'homme:

« Toute personne physique ou morale a droit au respect des ses biens. Nul ne peut être privé de ses biens que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

56.

En vertu de l'article 5 du protocole, les dispositions de l'article 1er doivent être considérées comme faisant partie intégrante de la convention.

57.

Dans une jurisprudence qui commence avec l'arrêt Sporrong et Lönnroth ( 28 ), la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'article 1er du premier protocole contenait trois normes distinctes. La première, contenue dans la première phrase du premier alinéa, est d'ordre général et énonce le principe de la jouissance paisible de la propriété; la deuxième, contenue dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions et la troisième, consignée dans le second alinéa, reconnaît aux États contractants le droit de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. Ces trois règles ne sont pas distinctes au point de n'avoir aucun rapport entre elles; les deuxième et troisième règles concernent des cas particuliers d'atteintes au droit de jouissance paisible de la propriété et doivent donc être interprétées à la lumière du principe général énoncé dans la première règle.

58.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme établit que l'article 1er couvre un intérêt du type de celui dont Bosphorus Airways est titulaire à l'égard de l'avion saisi: il convient de faire une interprétation large du terme « biens », qui inclut les intérêts résultant de baux ( 29 ). Cependant, en reconnaissant que les États sont habilités à réglementer l'usage de la propriété conformément à l'intérêt général, l'article 1er exige qu'un équilibre adéquat soit ménagé. Dans l'arrêt Sporrong et Lönnroth, la Cour européenne des droits de l'homme définit son propre rôle dans les termes suivants:

« ... la Cour doit rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. »

59.

La question qui se pose alors est de savoir comment ce critère doit être appliqué. Bien qu'il ne paraisse pas y avoir d'arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme traitant spécifiquement de la saisie de biens en application de sanctions internationales, néanmoins on peut tirer des indications de la conception générale adoptée par la Cour. Ainsi, par exemple, dans l'affaire AGOSI/Royaume-Uni ( 30 ), où des krugerrands (pièces d'or) appartenant aux requérants avaient été confisqués par les autorités douanières du Royaume-Uni après que des tierces parties avaient tenté de les importer illégalement dans le pays, la Cour a appliqué le critère du « juste équilibre » concernant le point de savoir si la confiscation était justifiée en tant que mesure coercitive adoptée à l'encontre d'un propriétaire innocent. Selon la Cour, l'existence ou non d'une « faute » commise par le propriétaire n'était que l'un des facteurs à prendre en considération; un autre facteur était la procédure utilisable par le propriétaire pour soumettre son cas aux autorités administratives avant que la saisie des biens soit confirmée ainsi que la possibilité d'introduire un recours juridictionnel à l'encontre de la décision administrative. La Cour a jugé que, compte tenu des procédures utilisables, aucune violation n'avait été commise. La Cour a adopté une attitude similaire dans l'affaire Air Canada/Royaume-Uni ( 31 ). Dans cette affaire, un avion appartenant à Air Canada et exploité par cette compagnie qui, lors de son atterrissage à Heathrow, s'était révélé transporter une quantité très importante de drogues prohibées avait été saisi par les autorités douanières britanniques, puis restitué le même jour moyennant paiement d'une amende de 50000 UKL. La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les mesures prises étaient conformes à l'intérêt général, exigeant que l'on combatte le trafic de la drogue, et n'étaient pas disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi.

60.

La Cour de justice a adopté une attitude similaire dans des affaires concernant le droit de propriété ou le droit d'exercer une activité commerciale. Ainsi, dans l'affaire Allemagne/Conseil ( 32 ), concernant l'organisation commune du marché des bananes, la Cour a rappelé sa jurisprudence constante:

« ... tant le droit de propriété que le libre exercice d'une activité professionnelle font partie des principes généraux du droit communautaire. Ces principes n'apparaissent toutefois pas comme des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l'usage du droit de propriété et au libre exercice des activités professionnelles, notamment dans le cadre d'une organisation commune des marchés, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis. »

61.

Cette prise de position est fondée sur l'analyse plus incisive du droit de propriété qu'avait faite la Cour dans l'arrêt Hauer ( 33 ), où elle s'était inspirée de l'article 1er du premier protocole et des règles et pratiques constitutionnelles des États membres. Cette affaire concernait une interdiction temporaire de planter de nouvelles vignes et la Cour, suivant les conclusions de l'avocat général M. Capotorti, a considéré cette interdiction sous l'angle d'une restriction à l'usage de la propriété. Après avoir fait référence au principe qu'elle a réaffirmé dans la jurisprudence ultérieure citée ci-dessus, la Cour s'est, dans cette affaire, exprimée comme suit ( 34 ):

« Il convient donc d'examiner quel est l'objectif poursuivi par le règlement contesté et d'apprécier s'il existe un rapport raisonnable entre les mesures prévues par le règlement et l'objectif poursuivi en l'occurrence par la Communauté. »

62.

Cette assertion montre aussi que, en l'espèce, le principe de proportionnalité, bien que présenté par Bosphorus Airways comme un argument distinct, est l'un des critères essentiels à appliquer pour vérifier l'affirmation de Bosphorus Airways selon laquelle son droit de propriété a été violé. En effet, la question essentielle qui se pose est de savoir si l'évidente entrave mise à la possession de l'avion par Bosphorus Airways est une mesure proportionnée à la lumière des objectifs d'intérêt général poursuivis par le règlement.

63.

Il ne paraît pas douteux que, dans les circonstances de l'espèce, les droits fondamentaux de Bosphorus Airways soient en cause. Nous avons déjà indiqué que la Cour européenne des droits de l'homme considérait les intérêts résultant de baux comme entrant dans le champ d'application de l'article 1er. De même, dans l'arrêt Wachauf ( 35 ), la Cour de justice a admis que le preneur à bail pouvait invoquer les droits fondamentaux et bien que, dans cet arrêt, elle n'ait pas fait explicitement référence au droit de propriété, elle a renvoyé à l'arrêt Hauer, qui concernait ce droit. Il est, en outre, évident que la saisie de l'avion constituait une restriction rigoureuse apportée à l'exercice de son droit de propriété par Bosphorus Airways, restriction que, dans les faits, il est difficile de distinguer d'une dépossession temporaire.

64.

D'autre part, il est également évident que l'exécution des mesures d'embargo décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies constitue un objectif d'intérêt public particulièrement important. En effet, il est difficile d'imaginer un objectif d'intérêt public plus important que celui consistant à mettre un terme à une guerre civile aussi dévastatrice que celle dans laquelle a sombré l'ancienne Yougoslavie et en particulier la Bosnie-Herzégovine. La communauté internationale a estimé que, pour mettre un terme à la guerre, il était nécessaire d'exercer une pression sur la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en raison du rôle joué par cette dernière dans le conflit bosniaque. En conséquence, le Conseil de sécurité a décidé d'adopter des sanctions économiques et ultérieurement de les renforcer, sanctions qui ont été mises en œuvre par la Communauté. Ces sanctions affectent inévitablement le droit de propriété, y compris celui dont sont titulaires des opérateurs économiques innocents. A cet égard, la situation de Bosphorus Airways n'est nullement exceptionnelle. Il est vraisemblable que beaucoup d'autres opérateurs, notamment ceux qui avaient d'importants intérêts dans le commerce avec la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), aient subi de lourdes pertes du fait des mesures d'embargo. Ces pertes sont inévitables si l'on veut que les sanctions soient efficaces.

65.

Cela ne signifie évidemment pas que, dans de telles circonstances, tous les types d'ingérence dans le droit de propriété doivent être tolérés. S'il était démontré qu'une telle ingérence était absolument abusive, à la lumière des objectifs poursuivis par les autorités compétentes, il serait alors nécessaire que la Cour de justice intervienne. A cet égard, il peut être nécessaire de vérifier si, compte tenu de toutes les informations éventuellement parvenues dans la suite et après un examen plus approfondi des circonstances, les autorités compétentes ont eu raison de maintenir une mesure décidée initialement comme une mesure d'urgence. Cependant, en l'espèce, comme nous l'avons indiqué ci-dessus ( 36 ), la décision de saisir l'avion au motif qu'une entreprise établie dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) en était propriétaire ne peut être considérée comme abusive que ce soit au moment où elle a été prise ou ultérieurement, même si, au moment de la saisie, cette entreprise n'avait pas la maîtrise de l'appareil. Les sanctions adoptées justifient, selon nous, la décision contestée.

66.

Bosphorus Airways a insisté sur ce qu'elle considère comme les effets financiers et commerciaux radicaux de la décision. Nous ne sommes pas convaincu que ces effets aient l'ampleur que leur donne Bosphorus Airways. Les conséquences financières peuvent être variables — dans d'autres situations, un preneur à bail peut simplement avoir la possibilité de résilier le contrat et de louer un autre avion. En tout cas, nous ne pensons pas qu'il soit possible de ne pas appliquer une mesure générale de ce type simplement en raison des conséquences financières qu'elle est susceptible d'avoir dans un cas particulier. La question qui se pose nous paraît être de savoir si la saisie d'un avion est conforme à la mesure adoptée lorsque le propriétaire, et non le preneur à bail, est une entreprise établie sur le territoire du pays contre lequel les sanctions sont dirigées. Cependant, même s'il y avait lieu de tenir compte des pertes prétendument subies par Bosphorus Airways, nous ne pensons pas qu'il y aurait violation du principe de proportionnalité, en raison de l'importance de l'intérêt public en jeu.

67.

Nous concluons donc que, pour appliquer le critère défini par la Cour européenne des droits de l'homme, la décision contestée n'est pas la source d'un équilibre injuste entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Cette conclusion paraît être en harmonie avec la jurisprudence de cette juridiction considérée d'une manière générale. Bosphorus Airways n'a, en effet, pas non plus laissé entendre qu'aucune jurisprudence faisant application de la convention européenne des droits de l'homme corroborait sa propre conclusion.

68.

La situation ne paraît pas différente si l'on fait référence aux droits fondamentaux tels qu'ils résultent des « traditions constitutionnelles communes aux États membres », visées par la jurisprudence de la Cour et à l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne. Dans l'arrêt Hauer ( 37 ), la Cour a indiqué (au point 20), en faisant spécifiquement référence à la loi fondamentale allemande, à la constitution irlandaise et à la constitution italienne, que les règles et pratiques constitutionnelles des États membres permettent au législateur de réglementer l'usage de la propriété privée dans l'intérêt général. Une fois encore, nul n'a laissé entendre qu'il existait une jurisprudence corroborant l'idée que la décision contestée viole des droits fondamentaux. La décision de la High Court of Ireland était, comme nous l'avons vu, fondée sur d'autres motifs.

69.

Nous avons indiqué que le principe de proportionnalité pouvait être abordé en même temps que le principe du respect des droits fondamentaux. Si l'on traitait séparément le principe de proportionnalité, il faudrait adopter une approche très semblable: il conviendrait de mettre en balance l'atteinte aux intérêts de Bosphorus Airways et l'intérêt général. Selon nous, la même conclusion s'impose. L'intérêt général est manifestement d'une importance exceptionnelle.

Conclusion

70.

En conséquence, il convient, selon nous, de répondre dans les termes suivants à la question déférée par la Supreme Court of Ireland:

« L'article 8 du règlement (CEE) no 990/93 du Conseil, du 26 avril 1993, concernant les échanges entre la Communauté économique européenne et la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), doit être interprété comme s'appliquant à un aéronef dans lequel une participation majoritaire ou une minorité de contrôle est détenue par une personne morale ayant son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), même si cet aéronef a été donné en location par son propriétaire pour une période de quatre ans à une personne morale qui n'a pas son siège dans la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ni n'opère depuis cette république. »


( *1 ) Langue originale: l'anglais.

( 1 ) Voir paragraphe 6 de la résolution.

( 2 ) Paragraphe 4 de la résolution.

( 3 ) Affaire C-177/95, actuellement pendante.

( 4 ) JO L 102, p. 14.

( 5 ) Citée ci-dessus au point 7.

( 6 ) Règlement (CEE) no 1432/92 du Conseil, du 1er juin 1992, interdisant les échanges entre la Communauté économique européenne et les républiques de Serbie et du Monténégro (JO L 151, p. 4); règlement (CEE) no 2655/92 du Conseil, du 8 septembre 1992, limitant l'utilisation du régime du transport international des marchandises sous le couvert de carnets TIR (convention TIR) pour les envois effectués entre deux points situés dans la Communauté économique européenne et devant emprunter le territoire des républiques de Serbie et du Monténégro (JO L 266, p. 26); règlement (CEE) no 2656/92 du Conseil, du 8 septembre 1992, fixant certaines modalités techniques d'application du règlement (CEE) no 1432/92 (JO L 266, p. 27).

( 7 ) Le règlement no 1432/92 est cité ci-dessus à la note 6.

( 8 ) SI no 144 de 1993.

( 9 ) Règlement du 11 mars 1996, portant suspension des règlements (CEE) no 990/93 et (CE) no 2471/94 ainsi qu'abrogation des règlements (CE) no 2472/94 et (CE) no 2815/95 concernant l'interruption des relations économiques et financières avec la république fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), les zones protégées des Nations unies en république de Croatie et les zones de la république de Bosnie-Herzégovine sous le contrôle des forces serbes de Bosnie (JO L 65, p. 1).

( 10 ) Cité ci-dessus au point 14.

( 11 ) Voir point 11 ci-dessus.

( 12 ) L'arrêt figure dans les publications suivantes: [1994] 2 ILRM 551 et [1994] 3 CMLR 464.

( 13 ) Arrêt du 17 octobre 1995, Leifer e.a. (C-83/94, Rec. p. I-3231, point 22).

( 14 ) Pour une analyse du problème, voir Bohr, S.: « Sanctions by the United Nations Security Council and the European Community », dans European Journal of International Law, 1993, p. 256, 262 à 265.

( 15 ) Cité ci-dessus à la note 12, point 16 de l'arrêt.

( 16 ) Voir point 17.

( 17 ) Voir paragraphe 5 de la résolution 757 (1992).

( 18 ) Voir point 5 ci-dessus.

( 19 ) Voir Scharf, M. P., et Dorosin, J. L.: « Interpreting UN sanctions: the rulings and role of the Yugoslavia Sanctions Committee », dans Brooklyn Journal of International Law, 1993, p. 771 à 8'27.

( 20 ) Voir, par exemple, paragraphe 15 de la résolution 820 (1993).

( 21 ) Voir paragraphe 5, sous b), de la résolution 724 (1991), cité ci-dessus au point 11; voir Kuypcr, P. J.: « Trade Sanctions, Security and Human Rights and Commercial Policy », dans Marcsccau, M. (éd.), The Legal Dimension, Martinus Nijhoff, 1993, p. 387, 397, où il examine la question en relation avec les sanctions adoptées à l'encontre de l'Irak, pour lequel il existe un comité similaire.

( 22 ) Voir, en dernier lieu, l'avis 2/94, du 28 mars 1996 (Rec. p. I-1759, points 32 et 33).

( 23 ) Voir article L du traité.

( 24 ) Avis 2/94, point 34.

( 25 ) Voir arrêts du 13 juillet 1989, Wachauf (5/88, Rec. p. 2609, point 19) et du 14 juillet 1994, Graff (C-351/92, Rcc. I-3361, point 17).

( 26 ) En vertu de l'article 66, paragraphe 1, de la convention, seuls les États membres du Conseil de l'Europe peuvent adhérer à la convention.

( 27 ) Voir avis 2/94, cité à la note 22.

( 28 ) Arrêt du 23 septembre 1982, point 69.

( 29 ) Arrêt Mellacher c.a./Autriche, du 19 décembre 1989, point 43.

( 30 ) Arrêt du 24 octobre 1986.

( 31 ) Arrêt du 5 mai 1995.

( 32 ) Arrêt du 5 octobre 1994 (C-280/93, Rec. p. I-4973, point 78).

( 33 ) Arrêt du 13 décembre 1979 (44/79, Rec. p. 3727, points 17 à 30; voir en particulier point 23).

( 34 ) Voir point 23.

( 35 ) Cité à la note 25.

( 36 ) Voir points 39 à 42.

( 37 ) Cité à la note 33.