ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 octobre 1994 ( *1 )

«Irrecevabilité manifeste du recours»

Dans l'affaire T-245/94,

Olga Beredima, fonctionnaire de la Cour de justice des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représentée par Me Catherine Thill-Kamitaki, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile en son étude, 25, allée Scheffer,

partie requérante,

contre

Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. Timothy Millett, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile auprès de M. Millett, au siège de la Cour de justice, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation partielle de la liste d'aptitude établie, le 2 février 1994, par le jury du concours no CJ 129/91,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, D. P. M. Barrington et A. Saggio, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Faits et procédure

1

La requérante est fonctionnaire de grade C 3 à la Cour de justice. Elle est affectée au pool dactylographique à la division de traduction de langue grecque.

2

Par avis du 16 mars 1993, la Cour de justice a annoncé l'ouverture d'une procédure de concours sur épreuves, interne à l'institution, pour le recrutement d'un(e) secrétaire principal(e) de langue grecque (carrière C 1) à la direction de la traduction - division de traduction de langue grecque (CJ 129/91).

3

La requérante a présenté sa candidature et a participé aux épreuves. Par mémorandum du chef de la division du personnel, du 4 février 1994, elle a été informée de ce qu'elle avait obtenu les points nécessaires pour être inscrite sur la liste d'aptitude.

4

La liste d'aptitude établie par le jury du concours, le 2 février 1994, comportait cinq lauréats dans l'ordre de mérite suivant:

1)

Mme A

2)

Mme B

3)

Mme C

4)

Mme Beredima (la requérante dans la présente affaire)

5)

Mme D.

5

Par réclamation du 16 février 1994, la requérante a demandé que les noms de Mmes A et B soient enlevés de la liste d'aptitude au motif qu'il était de notoriété publique que celles-ci n'avaient pas déposé dans le délai fixé par l'avis de concours certaines des pièces justificatives requises.

6

Cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite de rejet le 29 avril 1994.

7

C'est dans ces conditions que, par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 27 juin 1994, la requérante a introduit le présent recours.

8

Par acte déposé le 2 août 1994, la défenderesse a soulevé une exception d'irrecevabilité. La requérante a présenté ses observations sur ladite exception le 31 août 1994.

Conclusions des parties

9

La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

recevoir le présent recours en la forme;

au fond le déclarer justifié;

dire que le jury du concours a outrepassé les prérogatives qui lui sont accordées par l'article 2 de l'annexe III du statut;

ordonner l'exclusion des candidates A et B préqualifiées de la liste d'aptitude publiée le 4 février 1994;

réserver à la requérante tous autres moyens.

10

La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

condamner la requérante en tout état de cause à supporter ses propres dépens.

Sur la recevabilité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

11

La défenderesse fait valoir, en premier lieu, que la liste d'aptitude établie par un jury de concours ne constitue pas un acte faisant grief, au sens de l'article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), parce qu'elle n'est qu'un acte préparatoire à une décision de nomination. Il en résulte, selon elle, qu'un telle liste ne saurait faire l'objet d'un recours et que le présent recours doit donc être rejeté comme irrecevable.

12

La requérante répond que la liste d'aptitude est un acte faisant grief parce qu'elle fixe définitivement la position de l'institution au terme de la procédure de concours et est opposable à toute personne. Elle considère qu'une telle liste ne saurait être considérée comme un acte préparatoire parce qu'elle constitue la dernière étape de la procédure.

13

La défenderesse fait valoir, en second lieu, que le recours vise à obtenir une injonction et doit, dès lors, être déclaré irrecevable puisque le Tribunal n'a aucune compétence pour prononcer des injonctions dans le cadre d'un recours fondé sur l'article 91 du statut.

14

La requérante répond que son recours a clairement pour objet l'annulation partielle de la liste d'aptitude établie par le jury.

Appréciation du Tribunal

15

Aux termes de l'article 111 du règlement de procédure, lorsqu'un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d'ordonnance motivée. En l'espèce, le Tribunal, suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.

16

Le Tribunal estime, tout d'abord, qu'il ressort d'une lecture attentive de la requête que le présent recours a bien pour objet, ainsi que l'a fait valoir la requérante dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, l'annulation partielle de la liste d'aptitude établie par le jury de concours, le 2 février 1994, et non le prononcé d'une injonction. II s'ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par la défenderesse à cet égard doit être rejetée.

17

Toutefois, ainsi que la requérante le reconnaît elle-même, la compétence du Tribunal au titre de l'article 91 du statut est limitée au contrôle de la légalité d'actes faisant grief. Il se pose dès lors la question de savoir si une liste d'aptitude peut faire grief.

18

Or, le Tribunal relève qu'il ressort d'une jurisprudence établie que la décision d'un jury établissant la liste d'aptitude est un acte préparatoire par rapport à la décision de nomination et que son illégalité ne saurait donc être invoquée qu'à l'occasion d'un recours dirigé contre la décision qu'elle a préparée (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes, 143/84, Rec. p. 459, point 11).

19

Il est également clair que c'est à tort que la requérante fait valoir que la liste d'aptitude fixe définitivement la position de l'institution au terme du concours. En effet, si l'autorité investie du pouvoir de nomination est, en règle générale, tenue de respecter l'ordre de priorité découlant de la liste d'aptitude, elle peut néanmoins s'en écarter, à condition de justifier d'une manière claire et complète cette décision (arrêt Vlachou/Cour des comptes, précité, point 11).

20

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

Sur les dépens

21

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne:

 

1)

Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

 

2)

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 1994.

Le greffier

H. Jung

Le président

B. Vesterdorf


( *1 ) Langue de procédure: le français.