Mots clés
Sommaire

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1 Concurrence - Procédure administrative - Décision de la Commission constatant une infraction - Infractions commises par les filiales d'un groupe d'entreprises - Décision adressée à la société mère eu égard à son attitude durant la procédure administrative - Invocation par celle-ci d'un moyen tiré d'une erreur quant au bon destinataire de la décision - Recevabilité (Traité CE, art. 173, alinéa 4) 2 Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision d'application des règles de concurrence - Décision concernant une pluralité de destinataires - Désignation de l'entité devant supporter la charge d'une infraction (Traité CE, art. 190) 3 Concurrence - Règles communautaires - Infraction commise par une filiale - Imputation à la société mère - Conditions 4 Concurrence - Procédure administrative - Cessation des infractions - Charges imposées aux entreprises - Proportionnalité - Critères (Règlement du Conseil n_ 17, art. 3, § 1) 5 Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles de concurrence (Traité CE, art. 190; règlement du Conseil n_ 17, art. 15) 6 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Mise en place d'un programme d'alignement efficace pour se conformer aux règles communautaires de concurrence (Règlement du Conseil n_ 17, art. 15) 7 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité et durée des infractions - Éléments d'appréciation - Possibilité d'élever le niveau des amendes pour renforcer leur effet dissuasif (Règlement du Conseil n_ 17, art. 15, § 2)

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8 Une entreprise qui, à la suite des demandes de renseignements adressées au titre de l'article 11 du règlement n_ 17 à plusieurs de ses filiales, fait savoir qu'elle représente l'ensemble du groupe, tout en maintenant une attitude ambiguë durant la phase administrative devant la Commission, et qui, étant le destinataire de la communication des griefs de la Commission, décide de ne pas prendre position sur l'allégation explicite de la Commission relative à sa responsabilité du fait des agissements anticoncurrentiels de ses filiales, est recevable à invoquer, à l'encontre de la décision finale de la Commission, un moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas le bon destinataire de celle-ci, même si la Commission était en droit de déduire de son attitude que tel était le cas. En effet, si la reconnaissance explicite ou implicite d'éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve lors de l'appréciation du bien-fondé d'un recours juridictionnel, elle ne saurait limiter l'exercice même du droit de recours devant le Tribunal en vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité. En l'absence de base légale expresse, une telle limitation serait contraire aux principes fondamentaux de légalité et de respect des droits de la défense. 9 La motivation d'une décision faisant grief doit permettre l'exercice effectif du contrôle de sa légalité et fournir à l'intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est, ou non, bien fondée. Le caractère suffisant d'une telle motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications. Pour remplir les fonctions précitées, une motivation suffisante doit faire apparaître, d'une manière claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé. Lorsqu'une décision d'application des articles 85 ou 86 du traité concerne une pluralité de destinataires et pose un problème d'imputabilité de l'infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l'égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d'entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de l'infraction. 10 La circonstance qu'une filiale a une personnalité juridique distincte ne suffit pas à écarter la possibilité que son comportement soit imputé à la société mère, notamment lorsque cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère. Dans le cas d'une filiale à 100 %, celle-ci suit nécessairement la politique tracée par les organes statutaires qui fixent la politique de sa société mère. Lorsque le comportement infractionnel d'une filiale à 100 % a été correctement imputé à sa société mère, la Commission est en droit de lui imputer également le comportement d'autres filiales, ayant pris part à la même infraction, dont elle détient le contrôle, dès lors que cette société mère n'a pas pu ignorer leur comportement anticoncurrentiel. 11 L'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 17 peut comporter l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations, dont l'illégalité a été constatée, mais aussi celle d'adopter un comportement futur similaire. De plus, dans la mesure où l'application de cette disposition doit se faire en fonction de l'infraction aux règles de concurrence constatée, la Commission a le pouvoir de préciser l'étendue des obligations qui incombent aux entreprises concernées afin qu'il soit mis fin à ladite infraction. De telles obligations pesant sur les entreprises ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir le rétablissement de la légalité au regard des règles qui ont été méconnues. Ne satisfait pas aux conditions requises pour l'application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 17 une interdiction visant à empêcher l'échange d'informations purement statistiques n'ayant pas le caractère d'informations individuelles ou individualisables, dès lors qu'il ne ressort pas de la décision que la Commission ait considéré ledit échange comme étant en soi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et que le seul fait qu'un système d'échange d'informations statistiques puisse être utilisé à des fins anticoncurrentielles ne le rend pas contraire à cette disposition, puisqu'il convient, dans de telles circonstances, d'en constater in concreto les effets anticoncurrentiels. 12 L'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise. Enfin, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte. Lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci, la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination. 13 Lors de la détermination du montant de l'amende à infliger pour infraction aux règles communautaires de concurrence, la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. A cet égard, si la mise en oeuvre d'un programme d'alignement pour se conformer aux règles communautaires de concurrence démontre la volonté de l'entreprise en cause de prévenir les infractions futures et constitue donc un élément permettant à la Commission de mieux accomplir sa mission consistant, notamment, à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens les entreprises, le seul fait que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle antérieure, la mise en place d'un programme d'alignement en tant que circonstance atténuante n'implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans un cas déterminé. 14 Dans son appréciation du niveau général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des infractions patentes aux règles communautaires de concurrence sont encore relativement fréquentes et, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n_ 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence. En outre, la Commission peut, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, prendre en compte les mesures adoptées par les entreprises concernées visant à dissimuler l'existence de collusion. Enfin, lorsqu'elle fixe le niveau général des amendes, la Commission peut notamment tenir compte de la longue durée et du caractère patent d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui a été commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.