Mots clés
Sommaire

Mots clés

1 Droit communautaire - Principes - Droits fondamentaux - Respect assuré par le juge communautaire - Prise en considération de la convention européenne des droits de l'homme

(Traité sur l'Union européenne, art. F, § 2)

2 Concurrence - Procédure administrative - Inapplicabilité de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme - Respect des garanties procédurales par la Commission - Contrôle juridictionnel effectif des décisions de la Commission - Juridiction indépendante et impartiale - Compétence de pleine juridiction

(Traité CE, art. 85 et 86; règlement du Conseil n_ 17, art. 17; décision du Conseil n_ 88/591)

3 Droit communautaire - Principes - Droits de la défense - Respect dans le cadre des procédures administratives

4 Concurrence - Procédure administrative - Communication des griefs - Contenu nécessaire

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 19, § 1; règlement de la Commission n_ 99/63, art. 4)

5 Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée

(Traité CE, art. 190)

6 Procédure - Requête introductive d'instance - Exigences de forme - Identification de l'objet du litige - Exposé sommaire des moyens invoqués

[Règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, sous c)]

7 Concurrence - Ententes - Participation à des réunions d'entreprises ayant un objet anticoncurrentiel - Circonstance permettant, en l'absence de distanciation par rapport aux décisions prises, de conclure à la participation à l'entente subséquente

(Traité CE, art. 85, § 1)

8 Concurrence - Ententes - Accords et pratiques concertées constitutifs d'une infraction unique - Entreprises pouvant se voir reprocher l'infraction consistant à participer à une entente globale - Critères

(Traité CE, art. 85, § 1)

9 Concurrence - Ententes - Infraction ayant pour objet une restriction de concurrence sur un marché géographique déterminé - Définition préalable du marché géographique - Absence d'obligation

(Traité CE, art. 85, § 1)

10 Actes des institutions - Motivation - Obligation - Portée - Décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles de concurrence

(Traité CE, art. 190; règlement du Conseil n_ 17, art. 15)

11 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances aggravantes - Dissimulation de l'entente - Preuve résultant de l'absence de notes portant sur les réunions des entreprises participant à l'entente

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15)

12 Concurrence - Règles communautaires - Infractions - Réalisation de propos délibéré - Notion

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15)

13 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Comportement divergent de celui convenu au sein de l'entente - Appréciation

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15)

14 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Situation financière de l'entreprise concernée - Exclusion

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15, § 2)

15 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité des infractions - Circonstances atténuantes - Absence de mesures de contrôle de la mise en oeuvre de l'entente - Exclusion

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15, § 2)

16 Concurrence - Amendes - Montant - Méthodes de calcul - Conversion en écus du chiffre d'affaires de l'année de référence des entreprises sur la base du taux de change moyen de la même année - Admissibilité

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15)

17 Concurrence - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Gravité et durée des infractions - Éléments d'appréciation - Possibilité d'élever le niveau des amendes pour renforcer leur effet dissuasif

(Règlement du Conseil n_ 17, art. 15, § 2)

Sommaire

18 Les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect. A cet effet, le juge communautaire s'inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. A cet égard, la convention européenne des droits de l'homme revêt une signification particulière.

19 La Commission, lorsqu'elle applique les dispositions du droit communautaire de la concurrence, ne saurait être qualifiée de «tribunal» au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Dès lors, une décision d'application des règles communautaires de concurrence ne saurait être illégale au seul motif qu'elle a été prise dans le cadre d'un système dans lequel la Commission cumule les fonctions d'accusation et de décision. Toutefois, lors de la procédure administrative devant la Commission, celle-ci est tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire.

Le droit communautaire confère à la Commission une mission de surveillance qui comprend la tâche de poursuivre les infractions aux articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité. Le règlement n_ 17 l'investit en outre du pouvoir d'infliger, par voie de décision, des sanctions pécuniaires aux entreprises et associations d'entreprises qui ont commis, de propos délibéré ou par négligence, une infraction à ces dispositions.

L'exigence d'un contrôle juridictionnel effectif de toute décision de la Commission constatant et réprimant une infraction aux règles communautaires de concurrence constitue un principe général de droit communautaire qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres. Un tel principe n'est pas violé dès lors qu'un tel contrôle est effectué, en vertu de la décision du Conseil n_ 88/591, par une juridiction indépendante et impartiale comme le Tribunal, qui peut, selon les moyens invoqués par la personne physique ou morale concernée au soutien de sa demande d'annulation, apprécier le bien-fondé en droit comme en fait de toute accusation portée par la Commission dans le domaine de la concurrence, et qui, conformément à l'article 17 du règlement n_ 17, est compétent pour apprécier si la sanction pécuniaire infligée est proportionnée à la gravité de l'infraction constatée.

20 Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif.

21 La communication des griefs, qui a pour objet de fournir aux entreprises poursuivies en application des règles de concurrence tous les éléments nécessaires pour qu'elles puissent faire valoir utilement leur défense avant que la Commission adopte une décision définitive, doit être libellée dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leurs sont reprochés par la Commission.

22 L'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté.

Si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative.

23 Selon l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d'instance doit indiquer l'objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

24 Le fait qu'une entreprise ne se plie pas aux résultats des réunions ayant un objet manifestement anticoncurrentiel auxquelles elle a participé n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente, dès lors qu'elle ne s'est pas distanciée publiquement du contenu des réunions. A supposer même que le comportement sur le marché d'une telle entreprise n'ait pas été conforme au comportement convenu, cela n'affecte donc en rien sa responsabilité du chef d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

25 Pour que la Commission puisse tenir chacune des entreprises visées par une décision d'application des règles de concurrence pour responsable, pendant une période déterminée, d'une entente globale appréhendant divers comportements anticoncurrentiels, il lui faut établir que chacune d'elles soit a consenti à l'adoption d'un plan global recouvrant les éléments constitutifs de l'entente, soit a participé directement, pendant cette période, à tous ces éléments. Une entreprise peut également être tenue pour responsable d'une entente globale même s'il est établi qu'elle n'a participé directement qu'à un ou plusieurs des éléments constitutifs de cette entente dès lors qu'elle savait, ou devait nécessairement savoir, d'une part, que la collusion à laquelle elle participait s'inscrivait dans un plan global et, d'autre part, que ce plan global recouvrait l'ensemble des éléments constitutifs de l'entente. Lorsqu'il en est ainsi, le fait que l'entreprise concernée n'ait pas participé directement à tous les éléments constitutifs de l'entente globale ne saurait la disculper pour la responsabilité de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Une telle circonstance peut néanmoins être prise en considération lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée dans son chef.

26 Lorsque la Commission constate une infraction ayant pour objet une restriction de la concurrence sur un marché géographique déterminé, la constatation de cette restriction de la concurrence ne requiert aucune définition préalable du marché géographique.

27 L'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté.

Pour ce qui est d'une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise.

Enfin, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte.

Lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci, la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.

28 Le fait que les entreprises ayant participé à une collusion sur les prix ont orchestré l'annonce des augmentations de prix concertées et qu'elles ont été dissuadées de prendre des notes portant sur des réunions à ce sujet prouve qu'elles ont été conscientes de l'illégalité de leur comportement et qu'elles ont adopté des mesures de dissimulation de la collusion. La Commission peut retenir de telles mesures comme circonstances aggravantes lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction.

A cet égard, l'absence de comptes rendus officiels et l'absence presque absolue de notes internes portant sur lesdites réunions peuvent constituer, eu égard à leur nombre, à leur durée dans le temps et à la nature des discussions en cause, une preuve suffisante du fait que les participants étaient dissuadés de prendre des notes.

29 Pour qu'une infraction aux règles communautaires de concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence dans le marché commun.

30 Le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination de l'amende à infliger. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit.

31 Lors de la détermination du montant de l'amende à infliger pour infraction aux règles communautaires de concurrence, la Commission n'est pas obligée de tenir compte de la situation déficitaire de l'entreprise intéressée en tant que circonstance atténuante. La reconnaissance d'une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.

32 Si l'existence de mesures de contrôle de la mise en oeuvre d'une entente peut être prise en compte en tant que circonstance aggravante lors de la fixation des amendes pour infraction aux règles communautaires de concurrence, l'absence de telles mesures ne saurait, en soi, constituer une circonstance atténuante.

33 Lorsqu'elle inflige des amendes à plusieurs entreprises pour infraction aux règles communautaires de concurrence, rien n'empêche la Commission d'en exprimer le montant en écus, unité monétaire convertible en monnaie nationale. Cela permet d'ailleurs aux entreprises de comparer plus facilement les montants des amendes infligées. De plus, la conversion possible de l'écu en monnaie nationale différencie cette unité monétaire de l'«unité de compte» mentionnée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n_ 17, qui, n'étant pas une monnaie de paiement, implique nécessairement que le montant de l'amende soit déterminé en monnaie nationale.

Dans le calcul de l'amende, la Commission peut valablement utiliser une méthode consistant à convertir en écus le chiffre d'affaires de l'année de référence de chacune des entreprises sur la base des taux de change moyens de la même année, et non sur la base des taux de change à la date de l'adoption de la décision.

Tout d'abord, en effet, la Commission doit normalement utiliser une seule et même méthode de calcul des amendes infligées aux entreprises sanctionnées pour avoir participé à une même infraction. Ensuite, afin de pouvoir comparer les différents chiffres d'affaires communiqués, exprimés dans les monnaies nationales respectives des entreprises concernées, la Commission doit convertir ces chiffres d'affaires dans une seule et même unité monétaire, tel l'écu dont la valeur est déterminée en fonction de la valeur de chaque monnaie nationale des États membres.

Par ailleurs, d'une part, la prise en compte du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises au cours de l'année de référence, à savoir la dernière année complète de la période d'infraction retenue, permet à la Commission d'apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction commise par chaque entreprise. D'autre part, la prise en compte, aux fins de la conversion en écus des chiffres d'affaires en cause, des taux de change moyens de l'année de référence permet à la Commission d'éviter que les éventuelles fluctuations monétaires survenues depuis la cessation de l'infraction affectent l'appréciation de la taille et de la puissance économique relatives des entreprises ainsi que l'ampleur de l'infraction commise par chacune d'entre elles et, partant, l'appréciation de la gravité de l'infraction. Celle-ci doit porter sur la réalité économique telle qu'elle apparaissait à l'époque de la commission de ladite infraction.

Par conséquent, la méthode de calcul de l'amende consistant à utiliser le taux de change moyen de l'année de référence permet d'éviter les effets aléatoires des modifications des valeurs réelles des monnaies nationales qui peuvent survenir entre l'année de référence et l'année d'adoption de la décision. Si cette méthode peut signifier qu'une entreprise déterminée doit payer un montant, exprimé en monnaie nationale, nominalement supérieur ou inférieur à celui qui aurait dû être payé dans l'hypothèse d'une application du taux de change de la date d'adoption de la décision, cela n'est que la conséquence logique des fluctuations des valeurs réelles des différentes monnaies nationales.

34 La détermination du montant de l'amende pour infraction aux règles communautaires de concurrence est fonction de la gravité et de la durée de l'infraction. A cet égard, la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

Dans son appréciation du niveau général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des infractions patentes aux règles communautaires de concurrence sont encore relativement fréquentes et, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n_ 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence.

En outre, lorsqu'elle fixe le niveau général des amendes, la Commission peut notamment tenir compte de la longue durée et du caractère patent d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui a été commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.