61994A0177

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre) du 12 décembre 1996. - Henk Altmann et Margaret Casson contre Commission des Communautés européennes. - Entreprise commune JET - Revendication du statut d'agent temporaire. - Affaires jointes T-177/94 et T-377/94.

Recueil de jurisprudence 1996 page II-02041
page IA-00553
page II-01471


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Exception d' illégalité ° Caractère incident ° Recevabilité du recours au principal ° Recevabilité de l' exception

(Traité CEEA, art. 156)

2. Fonctionnaires ° Recours ° Objet ° Injonction à l' administration ° Irrecevabilité

(Statut des fonctionnaires, art. 91)

3. Fonctionnaires ° Recours ° Identité d' objet de deux recours ° Conditions

(Statut des fonctionnaires, art. 91)

4. Procédure ° Arrêt de la Cour liant le Tribunal ° Conditions ° Renvoi consécutif à un pourvoi ° Points de droit définitivement tranchés par la Cour dans le cadre du pourvoi ° Autorité de la chose jugée

[Statut (CEEA) de la Cour de justice, art. 55]

5. Fonctionnaires ° Personnel employé dans une entreprise commune CEEA ° Égalité de traitement ° Exceptions ° Existence de justifications objectives

6. Exception d' illégalité ° Objet ° Appréciation de légalité ° Critères

(Traité CEEA, art. 146 et 156)

7. Droit communautaire ° Principes ° Égalité de traitement ° Mesure dérogatoire ° Validité ° Limites

8. Fonctionnaires ° Recours ° Recours en indemnité ° Origine ° Lien d' emploi ° Base légale

(Traité CEEA, art. 152; statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

9. Fonctionnaires ° Recours ° Recours en indemnité ° Recours dirigé contre l' institution auteur de l' acte faisant grief et non contre celle ayant prétendument engagé la responsabilité de la Communauté ° Demande en indemnité liée à la demande en annulation ° Recevabilité

(Traité CEEA, art. 152; statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

10. Fonctionnaires ° Responsabilité non contractuelle des institutions ° Conditions ° Acte normatif ° Violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers

(Traité CEEA, art. 152; statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

Sommaire


1. La possibilité que donne l' article 156 du traité CEEA d' invoquer l' inapplicabilité d' un règlement ne constitue pas un droit d' action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente, à l' appui de conclusions principales en annulation recevables.

2. Il n' appartient pas au juge communautaire d' adresser des injonctions aux institutions communautaires dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l' article 91 du statut, étant entendu qu' il incombe à l' administration concernée de prendre les mesures que comporte l' exécution d' un arrêt rendu dans le cadre d' un recours en annulation.

3. L' autorité de la chose jugée s' attachant à un arrêt par lequel la Cour a rejeté comme non fondé un recours n' est susceptible de faire obstacle à la recevabilité d' un recours ultérieur que si ces deux recours opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur la même cause. L' acte dont l' annulation est demandée constitue un élément essentiel permettant de caractériser l' objet du recours.

Même si les arguments invoqués à l' appui d' un recours sont, en partie, identiques à ceux invoqués dans le cadre d' une précédente instance, le recours ne se présente pas comme la répétition de celle-ci, mais comme un litige nouveau, lorsqu' il vise au règlement de questions qui n' ont pas encore été tranchées.

4. Le Tribunal n' est lié par une décision de la Cour que dans les circonstances définies par l' article 55 du statut (CEEA) de la Cour, d' une part, et en application du principe de l' autorité de la chose jugée, d' autre part.

5. Un traitement différent, au niveau du statut et des conditions d' emploi, appliqué aux personnes employées dans une entreprise commune CEEA, en fonction de l' organisme qui les a mises à disposition, n' est admissible que s' il est objectivement justifié. Pour apprécier si tel est le cas, il y a lieu de prendre en considération les particularités que peut comporter l' entreprise commune en cause, tant au niveau de sa nature qu' à celui de son organisation.

Dès lors que le système particulier de recrutement et d' affectation du personnel retenu lors de la création de l' entreprise commune, à savoir l' établissement et le maintien de deux catégories distinctes de personnel, selon l' organisme membre qui les met à disposition, est modifié ultérieurement sous des aspects importants et n' est plus en mesure d' atteindre les objectifs qui lui ont été initialement assignés, la différence de traitement cesse d' être objectivement justifiée, d' autant que les deux catégories de personnel considérées ne connaissent pas des perspectives de carrière identiques et qu' elles ne bénéficient pas de la même sécurité d' emploi.

6. L' article 156 du traité CEEA est l' expression d' un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d' obtenir l' annulation d' une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d' introduire, en vertu de l' article 146 du traité CEEA, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d' en demander l' annulation.

La légalité de l' acte individuel attaqué devant être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l' acte a été pris, c' est également à cette date, plutôt qu' à celle de sa propre adoption, que doit être appréciée la légalité de l' acte réglementaire qui en constitue la base juridique.

7. Toute différence de traitement revêtant le caractère d' une mesure d' exception, dérogatoire à un principe fondamental du droit communautaire, elle ne peut être considérée comme encore valide, même si la règle qui l' a instituée n' en a pas limité expressément la durée, après que les conditions qui la justifiaient objectivement ont cessé d' exister.

Tel est en particulier le cas lorsque la durée limitée dans le temps de la situation constitue l' un des éléments pris en considération pour justifier objectivement une inégalité de traitement. Aussi, l' auteur de la règle doit s' assurer que la situation ne se prolonge pas indûment au-delà de la durée raisonnablement envisagée initialement.

Pareille constatation n' est pas contraire au principe de la légalité communautaire qui, s' il comporte, pour les justiciables, le droit de contester judiciairement la validité des règlements, implique également, pour tous les sujets de droit communautaire, l' obligation de reconnaître la pleine efficacité des règlements tant que leur non-validité n' a pas été établie par une juridiction compétente.

8. Un litige entre un fonctionnaire et l' institution dont il dépend ou dépendait, et visant à la réparation d' un dommage, se meut, lorsqu' il trouve son origine dans le lien d' emploi qui unit l' intéressé à l' institution, dans le cadre de l' article 152 du traité CEEA et des articles 90 et 91 du statut et se trouve, en ce qui concerne notamment sa recevabilité, en dehors du champ d' application des articles 151 et 188 du même traité.

9. Lorsque la Communauté voit sa responsabilité engagée par le fait d' une de ses institutions, elle est représentée devant la Cour par la ou les institutions auxquelles est reproché le fait générateur de responsabilité. Toutefois, s' agissant d' un contentieux s' inscrivant dans le cadre de l' aricle 152 du traité CEEA et des articles 90 et 91 du statut, on ne saurait déduire que le fait d' avoir dirigé une requête contre l' institution dont émane l' acte faisant grief, et non contre celle à laquelle est reproché le fait générateur de responsabilité, serait de nature à entraîner l' irrecevabilité du recours lorsque celui-ci est étroitement lié au recours en annulation lui-même recevable.

10. La constatation qu' une situation juridique résultant d' un acte normatif de la Communauté est illégale ne suffit pas en elle-même pour engager la responsabilité de la Communauté dans le cadre de l' article 152 du traité CEEA et des articles 90 et 91 du statut. Il faut, en outre, que cet acte soit entaché d' une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers.

Dans un contexte caractérisé par le large pouvoir dont disposent les institutions pour fixer, par voie de dispositions générales, les règles relatives à la constitution et au fonctionnement des entreprises communes constituées conformément au chapitre 5 du titre II du traité CEEA, la responsabilité de la Communauté ne peut être engagée que dans les cas où l' institution concernée a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s' imposent à l' exercice de ses pouvoirs.

Parties


Dans les affaires jointes T-177/94

Henk Altmann, demeurant à Wantage Oxon (Royaume-Uni), et les 56 autres requérants dont les noms figurent en annexe 1 au présent arrêt, représentés par MM. Kenneth Parker, QC, et Rhodri Thompson, barrister, du barreau d' Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Mes Elvinger et Hoss, 15, côte d' Eich,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Hans Gerald Crossland, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l' Union européenne, représenté par MM. Diego Canga Fano et Jan-Peter Hix, membres du service juridique, et, initialement, par M. Yves Crétien, conseiller juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer, Kirchberg,

partie intervenante,

et T-377/94,

Margaret Casson, demeurant à Chilton, Oxon (Royaume-Uni), et les 13 autres requérants dont les noms figurent en annexe 2 au présent arrêt, représentés par MM. Kenneth Parker, QC, et Rhodri Thompson, barrister, du barreau d' Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Mes Elvinger et Hoss, 15, côte d' Eich,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Hans Gerald Crossland et Julian Currall, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l' Union européenne, représenté par MM. Diego Canga Fano et Jan-Peter Hix, membres du service juridique, et, initialement, par M. Yves Crétien, conseiller juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet principal l' annulation de la décision refusant d' intégrer les requérants au personnel de la Commission en qualité d' agents temporaires, ainsi que la réparation du préjudice qui en serait résulté,

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. H. Kirschner, président, C. W. Bellamy et A. Kalogeropoulos, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 28 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


I ° Faits à l' origine du litige

Cadre réglementaire

1 L' entreprise commune Joint European Torus (JET), Joint Undertaking (ci-après "JET" ou "entreprise commune") a été constituée pour une durée de douze ans à compter du 1er juin 1978 par la décision 78/471/Euratom du Conseil, du 30 mai 1978 (JO L 151, p. 10), prise en vertu des articles 46, 47 et 49 du traité instituant la Communauté européenne de l' énergie atomique (ci-après "traité CEEA"). Elle a pour objet de construire, faire fonctionner et exploiter, en tant que partie du programme "fusion" de la Communauté et au profit des participants à ce programme, une grande machine torique du type tokamak et ses installations annexes (ci-après "projet").

2 Ce projet, qui a été conçu dès le départ comme un projet communautaire, ainsi qu' il ressort du troisième considérant de la décision 78/471, du 30 mai 1978, précitée, et de l' article 8.2 des statuts du JET (ci-après "statuts"), annexés à ladite décision, constitue actuellement le fer de lance de l' effort commun européen dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée. D' après l' annexe I de la décision 94/799/Euratom du Conseil, du 8 décembre 1994, arrêtant un programme spécifique de recherche et d' enseignement dans le domaine de la fusion thermonucléaire contrôlée (1994-1998) (JO L 331, p. 22), l' objectif à long terme du programme communautaire "fusion" est la réalisation en commun de réacteurs prototypes sûrs et respectueux de l' environnement, débouchant sur la construction de centrales électriques économiquement viables. La progression vers cet objectif a une échelle de temps qui se mesure en décennies. Il ressort de ladite annexe, ainsi que de l' étude d' évaluation de la gestion du JET, annexée au rapport annuel spécifique de la Cour des comptes relatif aux états financiers de l' entreprise commune pour l' année 1990 (JO 1992, C 41, p. 1, ci-après "rapport de la Cour des comptes"), que la stratégie à long terme du programme fusion prévoit trois phases intermédiaires qui s' étendent jusqu' au milieu du XXIe siècle, pour parvenir enfin à un réacteur commercial prototype:

a) le Joint European Torus (JET) et autres dispositifs pour démontrer la faisabilité scientifique de la fusion;

b) un dispositif "Next Step" pour compléter la démonstration de la faisabilité scientifique et technologique de l' énergie de fusion pour des usages pacifiques. Ce dispositif se présentera sous la forme soit d' un "Next European Torus" (NET), soit d' un réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), conçu en collaboration avec les trois autres grands programmes de fusion mondiaux (Japon, Russie et États-Unis);

c) un réacteur de démonstration (DEMO), capable de produire des quantités significatives d' électricité.

Dans ses observations sur le rapport de la Cour des comptes (JO 1992, C 41, p. 19), la Commission a admis que "le transfert de technologies et de savoir-faire des activités JET aux activités du 'Next Step' est essentiel à l' efficacité du programme 'Fusion' ", et a indiqué qu' elle "continue à rechercher les moyens de faciliter et d' élargir ce transfert, particulièrement en ce qui concerne les aspects humains".

3 Conformément à l' article 1er des statuts, le siège du JET est établi à Culham, Royaume-Uni, auprès de la United Kingdom Atomic Energy Authority (ci-après "UKAEA" ou "organisation hôte"). Les membres de l' entreprise commune sont actuellement la CEEA, l' organisation hôte (UKAEA), les entreprises correspondant à cette dernière dans d' autres États membres de la CEEA et la Confédération helvétique.

4 Les organes de l' entreprise commune sont le conseil du JET et le directeur du projet (article 3 des statuts). Le conseil du JET, composé des représentants des membres de l' entreprise commune, assume la responsabilité de la gestion de l' entreprise commune et prend les décisions fondamentales en vue de la mise en oeuvre du projet (article 4).

5 L' article 8 des statuts concerne l' équipe du projet. En vertu de l' article 8.1, elle est composée, d' une part, de personnel en provenance des membres du JET, conformément à l' article 8.3 (lequel prévoit que les membres de l' entreprise commune mettent à la disposition de cette dernière du personnel qualifié), et, d' autre part, d' "autre personnel". Le recrutement de ces deux catégories de personnel s' effectue conformément aux dispositions des articles 8.4 et 8.5:

° aux termes de l' article 8.4, "le personnel mis à disposition par l' organisation hôte continuera à être employé par cette organisation dans les conditions d' engagement prévues par celle-ci et sera affecté par elle à l' entreprise commune";

° aux termes de l' article 8.5, "sauf décision contraire dans certains cas particuliers, conformément aux procédures d' affectation et de gestion du personnel à fixer par le conseil du JET, le personnel mis à disposition par les membres de l' entreprise commune autres que l' organisation hôte, ainsi que tout autre personnel sont recrutés par la Commission sur des postes temporaires conformément au régime applicable aux autres agents des Communautés et affectés par la Commission à l' entreprise commune".

Selon l' article 8.8 des statuts, chaque membre "s' engage à réemployer les membres du personnel qu' il aura affectés au projet et qui auront été recrutés à titre temporaire par la Commission, dès que leur travail dans le cadre du projet aura été accompli" (système dit des "billets de retour").

6 Ces dispositions sont complétées par des "dispositions complémentaires concernant l' affectation et la gestion du personnel de l' entreprise commune JET" (ci-après "dispositions complémentaires"), adoptées par le conseil du JET en vertu de l' article 8.5 des statuts.

7 Selon l' article 9.1 des statuts, les dépenses du JET, y compris celles relatives à la rémunération du personnel mis à sa disposition, sont prises en charge à concurrence de 80 % par la CEEA, de 10 % par l' UKAEA, et des 10 % restants par l' ensemble des membres autres que la CEEA.

L' arrêt Ainsworth

8 En 1983, un certain nombre de ressortissants britanniques employés par l' UKAEA et mis par celle-ci à la disposition du JET ont demandé à être engagés en qualité d' agents temporaires par la Commission. Ces demandes n' ayant pas été satisfaites, ces personnes ont formé un recours devant la Cour. Dans son arrêt du 15 janvier 1987, Ainsworth e.a./ Commission et Conseil (271/83, 15/84, 36/84, 113/84, 158/84 et 203/84, et 13/85, Rec. p. 167, ci-après "arrêt Ainsworth"), la Cour a jugé:

° que, compte tenu de la durée limitée assignée au projet, et du souci d' assurer à tous les membres du personnel du JET une garantie d' emploi à la fin du projet, la direction du JET avait satisfait aux exigences d' une bonne gestion et n' avait méconnu aucune disposition des statuts, en exigeant de tout candidat qu' il trouve une organisation membre qui accepte de le mettre à la disposition du JET, même si, dans ces conditions, les dispositions des articles 8.1 et 8.5 des statuts, qui prévoient que l' équipe du projet se compose également d' "autre personnel", étaient restées sans portée pratique (points 19 à 24);

° que, en exigeant des candidats de nationalité britannique qu' ils soient mis à la disposition du JET par l' UKAEA, à l' exclusion de toute autre organisation membre, la direction du JET avait pratiqué une discrimination en raison de la nationalité, sans justification objective et donc illégale, mais que cette pratique avait été sans effet sur la situation des requérants, aucun d' eux n' ayant établi, ni même soutenu, qu' il aurait été amené, pour se conformer à ces exigences, à renoncer à une possibilité de mise à disposition par un membre du JET autre que l' UKAEA (points 25 à 29);

° que la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts n' opérait pas une discrimination fondée sur la nationalité, mais que le principe fondamental d' égalité de traitement s' oppose à ce que des situations comparables soient traitées différemment, à moins que la différenciation opérée ne soit objectivement justifiée (points 32 à 33);

° que, eu égard aux caractéristiques particulières de l' entreprise commune, au rôle privilégié qu' elles réservent à l' UKAEA et à la préoccupation de celle-ci d' éviter que cette situation ne jette la perturbation dans son propre fonctionnement, la différence de traitement ainsi instituée entre le personnel mis à la disposition du JET par l' UKAEA et le personnel mis à disposition par les autres membres de l' entreprise commune était objectivement justifiée (points 34 à 39).

Évolution ultérieure de la situation

9 La durée d' existence du projet JET, prévue initialement pour douze ans (1978-1990), a été prolongée par le Conseil, postérieurement à l' arrêt Ainsworth: d' abord jusqu' au 31 décembre 1992, par la décision 88/447/Euratom du Conseil, du 25 juillet 1988 (JO L 222, p. 4), puis jusqu' au 31 décembre 1996, par la décision 91/677/Euratom du Conseil, du 19 décembre 1991 (JO L 375, p. 9). Pendant le déroulement des débats devant le Tribunal, il était constant que la durée du JET serait à nouveau prorogée au-delà de 1996 (voir la décision 94/799, du 8 décembre 1994, précitée, et la décision du conseil du JET du 21 mars 1995, demandant officiellement une nouvelle prorogation du JET par décision du Conseil). Cette troisième prorogation a été formellement décidée, jusqu' au 31 décembre 1999, par la décision 96/305/Euratom du Conseil, du 7 mai 1996 (JO L 117, p. 9).

10 En février 1990, considérant que les circonstances avaient changé depuis l' arrêt Ainsworth, 206 membres du personnel de l' UKAEA, mis à la disposition du JET, ont soumis une pétition au Parlement demandant à celui-ci d' inviter la Commission et le Conseil à mettre fin aux pratiques discriminatoires dont ils s' estimaient victimes.

11 Les signataires de cette pétition se plaignaient notamment:

a) de discriminations entre leurs conditions d' emploi et celles des ressortissants des autres États membres, qui travaillent toujours pour le JET sous un statut d' agent temporaire de la Commission. A cet égard, ils ont fait valoir que leur rémunération, en tant qu' employés de l' UKAEA, atteignait environ la moitié de celle du personnel employé par la Commission sous un statut d' agent temporaire, et qu' un ressortissant britannique, d' une ancienneté et d' un grade élevés, se trouvait souvent moins bien rémunéré que le personnel travaillant sous sa direction;

b) de discriminations quant à leurs perspectives de carrière, en ce que les membres du personnel du JET ayant le statut d' agent temporaire de la Commission bénéficient d' un accès préférentiel aux autres emplois communautaires, notamment dans le domaine de la CEEA.

12 En outre, les pétitionnaires soutenaient que, depuis l' arrêt Ainsworth et en violation de cet arrêt, le JET et/ou ses membres avaient adopté ou suivi un certain nombre de pratiques ayant pour objet ou pour effet d' empêcher le recrutement des ressortissants britanniques par d' autres membres que l' UKAEA, et notamment:

a) le maintien de l' exigence préalable d' un "billet de retour" octroyé par un membre du JET, à l' égard de toute personne souhaitant y travailler;

b) un accord ou une pratique concertée entre les membres du JET, consistant à refuser aux ressortissants britanniques l' octroi de "billets de retour" par les membres autres que l' UKAEA;

c) la règle dite de la "démission préalable", ou "resign first rule", introduite en 1987 dans les dispositions complémentaires, en vertu de laquelle un ressortissant britannique, employé par l' UKAEA, doit démissionner de son poste au JET avant de poser sa candidature à tout autre poste au JET sous statut d' agent temporaire de la Communauté;

d) la règle dite du "départ du site pendant six mois". Les débats devant le Tribunal n' ayant pas permis d' établir la portée précise de cette dernière règle, son examen ne sera pas approfondi dans le présent arrêt.

13 Par ailleurs, les pétitionnaires faisaient valoir que les circonstances de fait avaient radicalement changé depuis l' arrêt Ainsworth, notamment en ce que:

a) l' UKAEA ne s' opposait plus à ce que les ressortissants britanniques à son service, travaillant au JET, deviennent des agents temporaires de la Communauté (voir la déclaration du président de l' UKAEA du 17 octobre 1989, reproduite en annexe 15 à la pétition), de sorte qu' il n' y avait aucun risque qu' un tel changement entraîne une perturbation de la paix sociale à Culham;

b) ni le système des "billets de retour" ni le fait d' être employé de l' UKAEA n' assuraient plus une garantie d' emploi à la fin du projet (voir les annexes 9 et 11 à la pétition);

c) de nombreuses personnes travaillant au JET n' étaient pas employées par l' UKAEA, ni par un autre membre, avant leur mise à disposition du projet et étaient donc sans lien réel avec le membre qui leur avait accordé son patronage ("sponsoring member"); en particulier, 97 membres britanniques du personnel du JET n' avaient aucun rapport avec l' UKAEA avant leur affectation au JET (voir l' annexe 10 à la pétition);

d) le projet JET ne pouvait plus être considéré comme un projet temporaire, dans la mesure où il avait une durée de vie d' au moins 18 ans, et durerait probablement au moins 21 ans; de nombreux ressortissants britanniques en cause auraient ainsi passé plus de la moitié de leur vie professionnelle à son service.

14 Dans ces conditions, estimaient les pétitionnaires, l' obligation faite aux ressortissants britanniques de disposer d' un "billet de retour" octroyé par un autre membre du JET, s' ils voulaient être recrutés en qualité d' agents temporaires de la Communauté, n' était plus justifiée. La solution la plus juste et la plus efficace, selon eux, était que tout le personnel affecté au JET ait le même employeur. Les pétitionnaires demandaient également à être indemnisés pour la discrimination dont ils s' estimaient victimes.

15 En octobre 1991, la commission des pétitions du Parlement a constaté que "la discrimination dont font état les auteurs de la pétition existe et qu' il y a lieu d' y mettre fin". Par une résolution législative du 10 décembre 1991 (JO 1992, C 13, p. 50), le Parlement a dès lors déposé deux amendements à la proposition de la Commission pour une décision du Conseil relative à la prolongation de la durée de vie du JET jusqu' en 1996, à l' effet, d' une part, d' exprimer ses craintes "que les disparités de rémunération des chercheurs qui sont au service de la Commission et des autorités nationales n' entraînent des tensions au JET à Culham, comme cela s' est déjà produit, et, en outre, n' entravent la mobilité des chercheurs", et, d' autre part, d' engager la Commission à faire "élaborer, dans un délai de six mois, par une entreprise de conseil indépendante, une proposition prévoyant la rémunération en fonction du travail fourni et non sur la base de statuts rigides".

16 La Commission a fait réaliser une étude du problème par un "comité de sages", dit "panel Pandolfi", et un consultant extérieur. Le rapport du panel Pandolfi, daté du 16 septembre 1992, a recommandé, notamment:

° que soient recherchés "les moyens par lesquels, à leur demande, les membres du personnel de l' UKAEA affectés au JET pourraient se voir proposer des contrats d' agents temporaires Euratom qui courraient jusqu' à la fin de leur affectation au projet JET" (recommandation n 1);

° à défaut, que soit trouvé "le moyen de permettre aux membres du personnel de l' UKAEA affectés au JET et candidats à des emplois permanents à la Communauté d' être considérés par la Commission comme des candidats internes, ou à tout le moins d' obtenir un traitement préférentiel par rapport aux candidats venus de l' extérieur" (recommandation n 2);

° une prorogation du régime de l' "allocation de conservation de l' expérience", négocié entre l' UKAEA et les syndicats du personnel et destiné à compenser, dans une certaine mesure, la différence entre la rémunération de ce personnel affecté au JET et celle des agents temporaires de la Communauté (recommandation n 3).

17 Le conseil du JET s' est réuni en assemblée extraordinaire le 26 février 1993, afin de prendre position sur les recommandations du rapport du panel Pandolfi. Les conclusions de cette réunion indiquent qu' "une nette majorité des membres du conseil du JET ont considéré [la recommandation n 1] comme inacceptable d' une manière générale et ont invité la Commission à ne pas poursuivre dans sa mise en oeuvre". En ce qui concerne la recommandation n 2, le conseil du JET a noté que "la Commission, dans le cadre de ses limites statutaires, a déjà pris des mesures qui ont pour effet d' améliorer, également pour le personnel de l' UKAEA affecté au JET, les possibilités d' être recruté à des postes ailleurs dans le cadre du programme fusion", et a demandé à la Commission de faire en sorte que ces pratiques se poursuivent. La position du conseil du JET a été confirmée lors de sa réunion des 13 et 14 octobre 1993.

18 Dans son rapport au Parlement sur le rapport du panel Pandolfi, daté du 31 mars 1993, la Commission a estimé que "la mise en oeuvre de la recommandation n 1 constituerait la solution la plus adéquate pour permettre au projet d' être mené à bonne fin". Toutefois, au vu des conclusions de la réunion extraordinaire du conseil du JET du 26 février 1993, la Commission a conclu que cette mise en oeuvre n' obtiendrait pas, en toute probabilité, la majorité requise pour une décision dudit conseil. La Commission a par ailleurs fait valoir que la mise en oeuvre de cette recommandation nécessiterait l' octroi de "billets de retour" par l' UKAEA, sous peine d' entraîner une nouvelle discrimination, cette fois au détriment du personnel affecté au JET par les membres autres que l' UKAEA, et a relevé que l' UKAEA s' opposait à l' octroi de tels "billets de retour". En ce qui concerne la recommandation n 2, la Commission a indiqué que, sans être en mesure d' y souscrire en raison de ses contraintes statutaires, elle avait pris, et continuerait à prendre, diverses mesures destinées à faciliter le développement futur des carrières du personnel de l' équipe du JET, y compris celui affecté au projet par l' UKAEA. Elle a ainsi fait état d' un programme de formation à l' étude et de mesures prises afin de porter de 35 à 50 ans la limite d' âge pour les candidatures de ce personnel à des postes dans le cadre du projet ITER.

19 Au nom de la direction du JET, le directeur du JET a estimé que la recommandation n 1 du rapport du panel Pandolfi était la seule qui "garantirait la restauration de la paix sociale" (voir le point 11 du rapport de la Commission au Parlement, précité). Le comité des représentants du personnel du JET (JET Staff Representatives Committee ou SRC), de même que l' IPMS (Institution of Professionals, Managers and Specialists) et le CPSA (Civil and Public Services Association), qui sont les deux organisations syndicales représentatives du personnel de l' UKAEA, ont pour leur part estimé, dans un rapport du 9 février 1993, que ni la recommandation n 2 ni la recommandation n 3, envisagées isolément, n' offraient une solution satisfaisante au traitement discriminatoire illicite infligé aux membres britanniques du personnel de l' équipe du JET. Selon elles, le passage à un emploi temporaire communautaire est le seul moyen permettant à ces derniers d' être traités sur un pied d' égalité avec leurs collègues pendant le reste de la durée de vie du JET et d' obtenir des perspectives de carrière raisonnables après la fin du projet.

20 Dans un communiqué de septembre 1992, publié en réponse au rapport du panel Pandolfi, puis dans une lettre de son président du 15 mars 1994, l' UKAEA a fait savoir qu' elle ne s' opposerait pas à la recommandation n 1, à la condition que ceux des membres de son personnel qui deviendraient des agents temporaires de la Communauté démissionnent de l' UKAEA. Elle a également exprimé son soutien à la recommandation n 2.

21 Après que sa commission des budgets eut sévèrement mis en cause le rejet de la recommandation n 1 par le conseil du JET, "au mépris de ses responsabilités, [...] sans donner la moindre motivation et alors que toutes les autres parties intéressées sont favorables à cette recommandation" (document de travail PE 204.729 du 20 avril 1993, annexe 19 à la requête dans l' affaire T-177/94), le Parlement a, lors de sa session plénière du 17 décembre 1993, décidé de placer en réserve une somme de 59 millions d' écus sur la contribution de la Communauté au JET (soit plus de la moitié du budget annuel total du projet), en précisant que cette somme "restera en réserve jusqu' à ce que la Commission et l' UKAEA acceptent de modifier leurs prises de positions et réglementations, qui ont entraîné, et continuent d' entraîner, des effets discriminatoires à l' égard des ressortissants britanniques désirant devenir des agents CE". Le Parlement a également alloué un crédit de 2 millions d' écus, à utiliser pour indemniser, par l' octroi de bourses, les "membres de l' actuel personnel du JET qui répondaient aux conditions de recrutement de l' Euratom au moment où ils ont été affectés au JET". Le président du Parlement s' en est expliqué dans ces termes, dans une lettre, apparemment non datée, adressée au président du conseil du JET (voir annexe 22 à la requête dans l' affaire T-377/94):

"Le Parlement européen a toujours apporté son plein soutien au programme fusion et, en particulier, au projet JET qui est l' un des plus importants projets scientifiques communs en Europe. Toutefois, le Parlement ne peut pas accepter l' existence de procédures discriminatoires dans le cadre d' un projet soutenu par la Communauté, ni de mesures qui vont à l' encontre de notre conception du rôle des chercheurs européens.

La raison de la réserve votée cette année est donc directement liée à ce problème non résolu dans le cadre du JET, et l' octroi des 2 millions d' écus l' est également. Dès lors, les efforts visant à dégager la réserve pour le projet devraient être dirigés dans le sens d' un règlement de la discrimination interne, plutôt que dans celui de réductions affectant le programme. En outre, les 2 millions d' écus ne devraient pas être vus comme une majoration indue des paiements à des employés particuliers mais comme une contribution de la Communauté au JET en faveur de ceux qui ont été victimes de procédures de recrutement discriminatoires dans le passé."

22 Le Parlement et la Commission seraient parvenus, le 3 mai 1994, à un compromis politique permettant le dégagement des sommes placées en réserve. Les termes de ce compromis paraissent consignés dans une "Note of Understanding" (voir l' annexe 4 à la réplique dans l' affaire T-177/94), qui prévoit notamment ce qui suit:

"2. Selon le compromis, les pratiques dites de la 'démission préalable' et du 'départ du site pendant six mois' seront abolies. Il y a eu création de 20 emplois de grade A, B ou C pour ITER en 1994; en 1995 et les années suivantes la Commission demandera 10 emplois A, B ou C supplémentaires chaque année. La limite d' âge dans les procédures de sélection pour les emplois fusion a été fixée à 50 ans.

3. Le recrutement de ce personnel se fera sur une base non discriminatoire et en ayant dûment égard aux réalités sociales (y compris le problème du personnel de l' UKAEA au sein du JET).

4. Le personnel de l' UKAEA employé par le JET à la date du 24 février 1994 pourra faire valoir ses droits à l' octroi des 2 millions d' écus, en fonction du temps pendant lequel il aura travaillé pour le JET.

[...]"

23 A l' audience, la partie défenderesse a expliqué, en réponse à une question du Tribunal, que la somme de 2 millions d' écus avait été payée en décembre 1995 aux membres du personnel répondant aux conditions requises, sous réserve d' une retenue de 10,2 % faisant l' objet d' une contestation en matière de sécurité sociale entre l' UKAEA et le Department of Social Security. Cette somme aurait été distribuée entre les membres concernés du personnel de l' UKAEA, en fonction de la durée de leur affectation au JET, sur la base de 700 UKL par année de service. Elle représenterait, en moyenne, un paiement de l' ordre de 5 000 à 10 000 UKL. Selon les requérants, ce paiement doit être considéré comme un geste de bonne volonté envers eux de la part du Parlement en reconnaissance de la situation de discrimination qui régnait au JET et en aucune manière comme une compensation adéquate de cette discrimination. La Commission considère également qu' il s' agit d' un paiement discrétionnaire et ex gratia, octroyé par le Parlement au vu de la situation "désagréable" qu' il avait découverte.

24 Il ressort des réponses de la défenderesse à d' autres questions du Tribunal que, entre 1993 et 1996, le nombre des employés de l' UKAEA affectés au JET était d' au moins 230. Par contre, le nombre des agents temporaires de la Communauté affectés au JET est passé de 163 au 1er janvier 1993 à 117 au 1er janvier 1996. L' équipe du projet comprend également du personnel sous contrat fourni par des sociétés extérieures, quelques agents mis à disposition par la direction générale Science, recherche et développement (DG XII) et diverses autres catégories de personnes détachées pour de courtes périodes sous différents régimes.

Procédure administrative précontentieuse

25 Suite à la publication du rapport du panel Pandolfi, les requérants dans les présentes affaires, qui sont tous de nationalité britannique, membres du personnel de l' UKAEA et affectés au JET, ont adressé au directeur du JET, chacun pour sa part, par lettres portant une date se situant entre le 18 et le 29 janvier 1993 pour les requérants Altmann e.a., et entre le 28 septembre et le 19 octobre 1993 pour les requérants Casson e.a., une demande d' engagement en qualité d' agent temporaire de la Communauté. Ces demandes sont restées sans réponse.

26 Les requérants Altmann e.a. ont introduit deux réclamations communes, datées des 12 et 17 août 1993, contre le rejet implicite de leurs demandes. De même, les requérants Casson e.a. ont introduit deux réclamations communes, datées des 14 avril et 20 mai 1994, contre le rejet implicite de leurs demandes. Ces réclamations ont toutes été envoyées au secrétaire général de la Commission, au secrétaire général du Conseil, au directeur du JET et au président du conseil de celui-ci.

27 Par ces réclamations, les requérants ont demandé, en se référant notamment aux arguments présentés dans leur pétition au Parlement:

"° d' engager les signataires comme 'autre personnel' au sens de l' article 8.5 des statuts de l' entreprise commune JET et, dès lors, comme agents temporaires de la Communauté;

° de veiller à ce que les signataires soient engagés aux mêmes conditions que les autres agents temporaires de la Communauté engagés au titre de l' article 8.5 desdits statuts et, en particulier, à ce qu' ils puissent bénéficier de l' accord conclu entre la Commission et l' association du personnel de ces autres employés, à propos de l' emploi futur qui doit leur être accordé en tant qu' agents temporaires de la Communauté;

° alternativement et à titre subsidiaire, d' abroger les 'règles' , introduites au JET depuis l' arrêt [Ainsworth] qui ont pour objet et pour effet de perpétuer la discrimination illégale condamnée par la Cour au point 26 dudit arrêt [...];

et

° en tout état de cause, d' indemniser les signataires pour les pertes qu' ils ont subies en raison de ce qui fait l' objet de la réclamation".

28 Seule la Commission a réservé suite à ces deux trains de réclamations, qu' elle a rejetées par deux décisions (ci-après "décisions") libellées en des termes pratiquement identiques: la première, datée du 14 janvier 1994 (ci-après "décision Altmann"), adressée aux requérants Altmann e.a. et reçue par ses destinataires vers la fin du même mois; la seconde, datée du 16 septembre 1994 (ci-après "décision Casson"), adressée aux requérants Casson e.a. sous couvert d' une lettre du service administratif et du personnel du JET datée du 27 octobre 1994, reçue par ses destinataires vers le début du mois de novembre 1994.

29 Dans chacune des deux décisions, la Commission a précisé qu' elle répondait "aux membres du personnel de l' entreprise commune JET, Culham, qui ont introduit des réclamations sur la base de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires", contre la décision implicite rejetant leur demande d' engagement en qualité d' agent temporaire, "introduite auprès de l' autorité investie du pouvoir de nomination".

30 Quant au fond, la Commission a notamment fait valoir, dans ces décisions, que l' engagement des requérants en qualité d' agents temporaires de la Communauté violerait l' article 8.4 des statuts du JET, et que le conseil du JET avait décidé, lors de sa réunion du 26 février 1993, de demander à la Commission de ne pas agir sur la base de la recommandation n 1 du rapport du panel Pandolfi.

II ° Procédure et conclusions des parties

31 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 22 avril 1994, les requérants Altmann e.a. ont introduit un recours, dirigé à l' origine contre la Commission et le conseil du JET, dans l' affaire T-177/94.

32 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 24 novembre 1994, les requérants Casson e.a. ont introduit un recours similaire, initialement dirigé lui aussi contre la Commission et le conseil du JET, dans l' affaire T-377/94.

33 Par ordonnance du 16 décembre 1994, le Tribunal (troisième chambre) a rejeté le recours dans l' affaire T-177/94 comme manifestement irrecevable pour autant qu' il était dirigé contre le conseil du JET.

34 Par lettre du 15 février 1995, adressée au greffier du Tribunal, les requérants ont déclaré acquiescer à l' ordonnance du 16 décembre 1994, précitée, et accepter que la Commission soit considérée comme seule partie défenderesse dans les deux affaires T-177/94 et T-377/94.

35 Par ordonnances respectivement datées des 13 janvier et 7 avril 1995, le Conseil a été admis à intervenir dans les affaires T-177/94 et T-377/94, à l' appui des conclusions de la partie défenderesse.

36 Les affaires T-177/94 et T-377/94 ont été jointes par ordonnance du 7 avril 1995.

37 Par décision du Tribunal du 19 septembre 1995, prenant effet le 1er octobre 1995, le juge rapporteur dans les affaires jointes T-177/94 et T-377/94 a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle ces affaires ont, par conséquent, été attribuées.

38 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d' ouvrir la procédure orale et a, par lettres du 12 décembre 1995 et du 8 mars 1996, invité les parties à répondre par écrit à certaines questions avant l' audience, dans le cadre des mesures d' organisation de la procédure prévues à l' article 64 du règlement de procédure. Les réponses des requérantes ont été déposées le 22 janvier 1996 et celles de la défenderesse les 15 février et 21 mars 1996.

39 Par lettre au greffier datée du 18 mars 1996, l' avocat des requérants a fait savoir au Tribunal que M. D. Hurford, 26e requérant dans l' affaire T-177/94, avait démissionné du JET et qu' il n' entendait pas poursuivre la procédure.

40 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l' audience publique qui s' est déroulée le 28 mars 1996.

41 Tous les requérants concluent, en des termes identiques, à ce qu' il plaise au Tribunal:

1) déclarer que, en ce qui concerne l' affectation des requérants auprès du JET depuis l' arrêt Ainsworth, la mise en oeuvre des statuts et des dispositions complémentaires de ceux-ci a été discriminatoire et injustifiée;

2) ordonner à la Commission de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux requérants de devenir des agents temporaires de la Communauté pour la durée du projet JET soit en qualité d' "autre personnel", soit d' une autre manière;

3) ordonner à la Commission de prendre des mesures afin d' éliminer toute pratique administrative ayant pour objet ou pour effet:

a) d' empêcher ou de dissuader les membres du conseil du JET d' accorder aux requérants des "billets de retour" en vue de l' obtention du statut d' agent temporaire de la Communauté, ou

b) d' empêcher ou d' entraver les candidatures des requérants à des postes au JET au motif qu' ils modifieraient ainsi leur statut et deviendraient des agents temporaires de la Communauté, ou

c) d' empêcher ou d' entraver les candidatures des requérants à de tels postes dans les mêmes conditions que les autres membres du personnel de l' équipe du JET;

4) dans la mesure où:

a) il estimerait que l' une quelconque des pratiques ou situations dont les requérants se plaignent est une conséquence nécessaire des statuts, et/ou

b) les termes des statuts empêcheraient ou entraveraient l' application de l' une quelconque des mesures demandées par les requérants,

déclarer que les statuts sont, sous ces aspects, discriminatoires, injustifiés et, par conséquent, illégaux;

5) ordonner à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier les statuts à la lumière de toute constatation qu' il ferait au titre du quatrième chef de conclusions;

6) ordonner à la Commission de mettre en oeuvre toutes les recommandations contenues dans le rapport du panel Pandolfi;

7) ordonner à la Commission d' indemniser les requérants pour les pertes qu' a entraînées la discrimination injustifiée pratiquée à leur encontre, à savoir les pertes financières subies depuis que la Cour a rendu l' arrêt Ainsworth, les pertes subies quant à leurs possibilités de carrière et, dans les cas où cela se justifie, les pertes d' ancienneté de grade et de droits à pension qui en dérivent;

8) définir les lignes directrices que devra suivre la Commission dans l' évaluation des pertes et dommages causés aux requérants, ainsi que des délais dans lesquels elle devra faire des propositions concrètes en vue de les indemniser;

9) condamner la partie défenderesse aux dépens;

10) conformément au statut de la Cour et/ou à son propre règlement de procédure, prendre toute mesure complémentaire et accorder toute réparation complémentaire qu' il estimera nécessaire, juste ou équitable.

42 La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter les recours comme non fondés dans leur intégralité;

° statuer sur les dépens comme de droit.

43 La partie intervenante, après avoir précisé que son intervention est limitée au soutien des conclusions de la Commission tendant au rejet du recours en tant qu' il met en cause la légalité et la validité des statuts du JET, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter les recours;

° statuer sur les dépens comme de droit.

III ° Sur la recevabilité

A ° Sur la portée et la recevabilité de certaines des conclusions des requérants

44 Le Tribunal rappelle, liminairement, qu' il est compétent pour connaître du présent recours, où les requérants n' ont pas la qualité de fonctionnaires ou d' agents de la Communauté mais la revendiquent (voir les points 33 à 36 de l' ordonnance du 16 décembre 1994, précitée).

45 Compte tenu, notamment, de la référence expresse faite dans la requête, à l' article 73 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après "RAA") et aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut des fonctionnaires"), dont les requérants ont d' ailleurs suivi la voie, le Tribunal estime que le premier chef de leurs conclusions, combiné le cas échéant avec le dixième, doit être interprété comme tendant, à titre principal, à l' annulation, selon le cas, de la décision Altmann ou de la décision Casson. Ces deux décisions, qui rejettent les réclamations des requérants contre les décisions implicites de rejet opposées à leurs demandes d' engagement en qualité d' agents temporaires de la Communauté, sont des actes faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires. Les requérants ayant respecté les procédures prévues par les dispositions en cause, ces conclusions en annulation sont recevables.

46 Quant au quatrième chef des conclusions, par lequel les requérants demandent formellement au Tribunal de statuer sur la validité des statuts, il n' est que l' expression procédurale de la possibilité que donne l' article 156 du traité CEEA à toute partie, à l' occasion d' un litige mettant en cause un règlement du Conseil ou de la Commission, de se prévaloir des moyens prévus à l' article 146, premier alinéa, du traité CEEA pour invoquer devant la juridiction communautaire l' inapplicabilité de ce règlement. Dès lors qu' il n' est pas présenté de façon autonome, mais de manière incidente, à l' appui des conclusions principales en annulation des décisions attaquées, ce chef de conclusions doit également être déclaré recevable (voir, a contrario, les arrêts de la Cour du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, Rec. p. 2141, du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77, 130/77, 22/83, 9/84 et 10/84, Rec. p. 2523, et du 7 juillet 1987, Étoile commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, Rec. p. 3005).

47 En revanche, il y a lieu, selon une jurisprudence constante, de rejeter comme irrecevables les conclusions aux fins d' injonction (deuxième, troisième, cinquième et sixième chefs des conclusions). En effet, il n' appartient pas au juge communautaire d' adresser des injonctions aux institutions dans le cadre du contrôle de légalité qu' il exerce, étant entendu qu' il incombe à l' administration concernée de prendre les mesures que comporte l' exécution d' un arrêt rendu dans le cadre d' un recours en annulation (arrêt de la Cour du 13 décembre 1989, Oyowe et Traore/Commission, C-100/88, Rec. p. 4285, point 19; voir, en dernier lieu, l' arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Windpark Groothusen/Commission, T-109/94, Rec. p. II-3007).

B ° Sur l' exception de chose jugée

Arguments des parties

48 Dans le cadre de son intervention, limitée au contentieux de la légalité des statuts du JET, le Conseil soutient que l' arrêt Ainsworth revêt l' autorité de la chose jugée pour ceux des requérants qui étaient déjà parties dans l' affaire (voir arrêt de la Cour du 16 février 1965, Barge/Haute Autorité, 14/64, Rec. p. 69). La Cour ayant confirmé la légalité du système de recrutement établi par les articles 8.4 et 8.5 des statuts, ces requérants seraient irrecevables à soulever le même moyen dans le cadre d' un recours ultérieur. Le Conseil rappelle que, du reste, par ordonnance du 1er avril 1987, Ainsworth e.a./Commission (159/84 et 267/84, 12/85 et 264/85, Rec. p. 1579), la Cour a déclaré que différents recours introduits par MM. Ainsworth e.a. postérieurement à l' arrêt Ainsworth "tend[ai]ent aux mêmes fins, sur le fondement des mêmes moyens que les recours qui [avaient] donné lieu" à cet arrêt, et que, "dès lors, il y [avait] lieu [...] de [les] rejeter comme irrecevables".

49 Les requérants soutiennent, quant à eux, qu' ils sont recevables à faire valoir des changements de circonstances survenus depuis le prononcé de l' arrêt Ainsworth.

Appréciation du Tribunal

50 Il découle d' une jurisprudence bien établie que l' autorité de la chose jugée s' attachant à l' arrêt par lequel la Cour a rejeté comme non fondé le recours de MM. Ainsworth e.a. n' est susceptible de faire obstacle à la recevabilité du présent recours que si ces deux recours opposent les mêmes parties, portent sur le même objet et sont fondés sur la même cause (arrêts de la Cour du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission, 172/83 et 226/83, Rec. p. 2831, point 9, et du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, Rec. p. 4821, point 12; arrêt du Tribunal du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T-28/89, Rec. p. II-59, point 23).

51 A cet égard, il y a lieu de relever que les présents recours tendent, à titre principal, à l' annulation de décisions de la Commission distinctes de celles attaquées dans l' affaire Ainsworth et ont ainsi un objet différent de celui introduit en son temps par les requérants Ainsworth e.a. En effet, ainsi que le Tribunal l' a déjà précisé dans son arrêt Maindiaux/CES, précité (point 23), l' acte dont l' annulation est demandée constitue un élément essentiel permettant de caractériser l' objet du recours. Quant à l' ordonnance de la Cour du 1er avril 1987, Ainsworth e.a./Commission, précitée, invoquée par le Conseil, elle n' est nullement pertinente puisque la Cour y a constaté, précisément, que les recours introduits par MM. Ainsworth e.a. postérieurement à l' arrêt du 15 janvier 1987 "tend[ai]ent aux mêmes fins" que les recours qui avaient donné lieu à cet arrêt, à savoir l' annulation d' une même décision du directeur de l' entreprise commune.

52 Par ailleurs, même si les griefs soulevés à l' appui des présents recours coïncident dans une certaine mesure avec ceux avancés dans l' affaire Ainsworth, les requérants dans la présente espèce se fondent également sur d' autres moyens de fait et de droit puisqu' ils invoquent, précisément, la disparition des justifications objectives à la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts, retenues par la Cour dans ladite affaire.

53 L' exception de chose jugée, soulevée par la partie intervenante, doit dès lors être rejetée. Dans l' examen du fond, il conviendra de tenir compte simultanément de l' arrêt Ainsworth et des questions nouvelles soulevées par les présents recours.

IV ° Sur les conclusions aux fins d' annulation

Moyens et arguments principaux des parties

54 A l' appui de leurs conclusions en annulation, les requérants invoquent en substance un moyen unique pris de la violation des principes fondamentaux d' égalité de traitement et d' interdiction des discriminations fondées sur la nationalité.

55 Ils font valoir, d' une part, que les membres britanniques de l' équipe du JET sont moins bien traités que les autres du point de vue de leur sécurité d' emploi au terme du projet, et, d' autre part, que leur rémunération et leurs conditions d' emploi sont sensiblement moins bonnes que celles des autres membres de l' équipe du JET.

56 Cette différence de traitement, instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts, se serait aggravée depuis l' arrêt Ainsworth mais ne serait plus objectivement justifiée, contrairement à ce qu' avait alors jugé la Cour, en raison des modifications de la situation de fait. A cet égard, les requérants font essentiellement valoir que le JET ne peut plus être considéré comme un projet à court terme et que l' UKAEA elle -même reconnaît à présent que le recrutement, en qualité d' agents temporaires de la Commission, des membres de son personnel affectés au JET, ne perturberait pas le bon fonctionnement de son organisation.

57 En outre, les remèdes à ladite différence de traitement, tels qu' identifiés par l' arrêt Ainsworth, notamment la possibilité pour les ressortissants britanniques d' être mis à la disposition du projet par des membres du JET autres que l' UKAEA et d' accéder ainsi au statut d' agents temporaires de la Communauté, seraient rendus inopérants par diverses pratiques mises en oeuvre par la direction et les membres du conseil du JET à partir de 1987.

58 Les requérants font notamment état, en se référant plus particulièrement aux cas de MM. H. Altmann et A. Hubbard en 1987, de M. A. Gondhalekar en 1989, de M. G. Fishpool et de M. R. Shaw en 1993, d' une concertation, entre les membres du JET, aux fins d' empêcher le recrutement des ressortissants britanniques par un membre autre que l' UKAEA en vue de leur affectation à l' équipe du projet.

59 En outre, la direction et les membres du JET feraient en sorte qu' une fois engagés et affectés au projet par l' UKAEA, les membres britanniques de cette équipe soient empêchés, ou du moins dissuadés, de changer d' employeur, par l' effet de la règle dite de la "démission préalable", qui aurait été spécifiquement introduite en 1987 afin de prendre le relais des pratiques condamnées par la Cour. Par ailleurs, il ressortirait notamment de la décision adoptée par la Commission le 28 décembre 1994 à l' égard de M. Peter Stott, décision dont l' annulation fait l' objet du recours Stott/Commission, T-99/95, qu' une version de ladite règle a été maintenue en vigueur malgré les termes de la "Note of Understanding" du 3 mai 1994 (voir point 22 ci-dessus).

60 De surcroît, la pratique qui consiste à exiger de tout candidat qu' il trouve une organisation membre qui accepte de le mettre à la disposition du JET et à refuser tout engagement de candidats sur des postes communautaires temporaires à titre d' "autre personnel" ne correspondrait plus aux exigences d' une bonne gestion, contrairement à ce qu' avait jugé la Cour en 1987, en raison du changement des circonstances. A cet égard, les requérants font valoir, en substance, que ni le fait d' être employé par l' UKAEA ni les "billets de retour" accordés aux membres non britanniques du personnel du JET ne procurent de sécurité d' emploi à la fin du projet, à tel point que la Commission aurait offert certaines garanties d' emploi, dont ils sont eux-même exclus, à ses agents temporaires affectés au JET.

61 Dans ces conditions, estiment les requérants, le refus de la Commission, dans les décisions Altmann et Casson, de les engager comme "autre personnel", comme le permettrait pourtant selon eux l' article 8.5 des statuts, est fautif et discriminatoire. En outre, la Commission aurait, dans ces décisions, méconnu la portée des articles 8.4 et 8.5 des statuts.

62 Subsidiairement, pour le cas où il serait constaté que ce refus de la Commission est la conséquence nécessaire des dispositions des statuts, qui l' empêchent de prendre les mesures appropriées pour mettre fin à la discrimination dont ils se disent victimes, les requérants font valoir que ces statuts seraient alors illégaux, par suite de la disparition de toute justification objective à la différence de traitement qu' ils instituent.

63 La partie défenderesse conteste que les circonstances factuelles aient changé au point de remettre en cause le raisonnement de la Cour dans l' arrêt Ainsworth et soutient que, en tout état de cause, la justification objective de la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts n' a point disparu, de sorte qu' il n' y aurait aucune raison d' aboutir, en l' espèce, à une conclusion contraire à celle à laquelle la Cour était parvenue en 1987.

64 La Commission fait valoir, à cet égard, que le JET reste, par définition, une entreprise temporaire par rapport à laquelle l' UKAEA, organisation hôte, demeure dans une situation tout à fait spécifique. S' il est vrai que l' UKAEA ne s' est pas opposée à la première recommandation du rapport du panel Pandolfi, son insistance pour que les membres de son personnel démissionnent de ses services lorsqu' ils deviennent agents temporaires de la Communauté ne ferait que souligner la dichotomie reconnue comme justifiée par la Cour.

65 La défenderesse précise que l' argument essentiel justifiant la distinction opérée entre le personnel employé par l' UKAEA et le personnel temporaire de la Communauté est d' éviter de créer une discrimination au sein du personnel de l' UKAEA travaillant à Culham, ou par extension au sein du personnel de l' UKAEA dans son ensemble. Les membres du personnel de l' UKAEA effectueraient alors le même type de travail, dans le même établissement, la même ville ou le même pays que le personnel de l' UKAEA affecté au JET, mais ils seraient soumis à des conditions différentes. Une telle différence de traitement ne serait pas justifiée.

66 La défenderesse nie par ailleurs toute responsabilité dans les pratiques discriminatoires alléguées par les requérants, dont elle conteste également la réalité.

67 La défenderesse fait encore valoir que l' article 8.4 des statuts exclut expressément l' engagement, sur des postes temporaires, du personnel mis à disposition par l' UKAEA, ce qui entraîne nécessairement le rejet de la demande des requérants. Elle concède que l' article 8.5 prévoit l' engagement d' "autre personnel", mais précise qu' aucun engagement de ce genre n' a été effectué et soutient que les requérants n' y ont aucun droit, que ce soit sur la base des statuts ou de l' arrêt Ainsworth.

68 La défenderesse ajoute que le recrutement des requérants comme "autre personnel", sur la base de l' article 8.5 des statuts, devrait également être rendu accessible aux membres du personnel mis à la disposition du JET par les autres membres, sous peine de créer une nouvelle discrimination dénuée de justification objective à l' égard de ceux-ci.

69 Selon la Commission, une telle extension détruirait le système de recrutement mis en place par les statuts, dont la légalité a été reconnue par la Cour dans son arrêt Ainsworth.

70 Enfin, quant à la règle de la "démission préalable", la défenderesse considère qu' il ressort notamment des articles 8.4 des statuts et 9.1 des dispositions complémentaires que, si un membre de l' équipe du JET change d' employeur, il perd automatiquement son poste au JET et doit donc se soumettre à nouveau à la procédure de recrutement organisée par l' article 5 des dispositions complémentaires.

71 Dans le cadre de son intervention, limitée au contentieux de la légalité des statuts du JET, le Conseil soutient que le système de recrutement prévu par l' article 8 des statuts était et reste légal et valable, et qu' aucune disposition ne l' oblige à modifier les statuts sur ce point.

72 Le Conseil argumente que, puisqu' il découle de l' arrêt Ainsworth que les statuts étaient valables à la date de leur adoption, et qu' ils le sont restés au moins jusqu' à la date de l' arrêt, les présents recours impliquent qu' ils auraient ultérieurement perdu leur validité par suite d' une modification substantielle des circonstances. Selon lui, un tel moyen est erroné en fait et en droit.

73 Tout d' abord, les requérants ne démontreraient aucunement l' existence d' une telle modification de fond. La situation de fait à la date d' adoption des statuts, notamment la durée limitée du projet JET ainsi que la situation spécifique de l' UKAEA par rapport à l' entreprise commune, serait demeurée fondamentalement inchangée.

74 La partie intervenante ajoute que, même si les modifications alléguées par les requérants s' étaient effectivement produites, la validité des statuts ne serait pas compromise pour autant, dans la mesure où ils ont été libellés de manière à permettre une certaine souplesse dans leur application, en fonction de l' évolution de la situation de fait. Les requérants eux-mêmes reconnaîtraient que les statuts n' empêchent pas la Commission de prendre les mesures appropriées pour remédier à la discrimination prétendument exercée à leur encontre. En conséquence, l' application des statuts relèverait de la marge d' appréciation des institutions compétentes et ne pourrait en aucune façon être constitutive d' illégalité.

75 L' intervenant soutient encore que, même si les statuts ne permettaient aucune souplesse dans leur application, la seule modification de la situation de fait ne suffirait pas à entacher leur validité. Le principe de légalité (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Granaria, 101/78, Rec. p. 623, point 5) impliquerait qu' un acte légalement adopté par les institutions communautaires reste légal et valable tant qu' il n' a pas été abrogé par un acte ultérieur ou déclaré invalide par une juridiction compétente. Le principe de légalité et, tout particulièrement, celui de la sécurité juridique exigeraient donc le maintien et la stabilité d' une situation juridique. Si l' évolution ultérieure de la situation de fait dans le contexte de laquelle un acte législatif déterminé a été adopté devait influer sur la validité de celui-ci, ses destinataires seraient, selon le Conseil, dans une position d' incertitude quant à leurs droits et obligations.

76 Enfin, le Conseil fait valoir que toute modification de l' article 8 des statuts est soumise à la procédure prévue par leur article 24, qui dispose que, lorsqu' un membre de l' entreprise commune soumet une proposition d' amendement des statuts et que le conseil du JET accepte cette proposition, la Commission propose son approbation au Conseil, conformément aux dispositions des articles 50 et 47 du traité Euratom.

77 Dans son mémoire en intervention, déposé avant l' adoption, le 7 mai 1996, de la décision 96/305, précitée, le Conseil a précisé que, si la Commission soumettait une modification du système de recrutement, il examinerait la modification proposée en tenant compte de la situation de fait à la date de son examen. Il a ajouté que, dans le cas où une proposition de prorogation du projet JET lui serait soumise, il pourrait déterminer si cette prorogation justifie la révision du système de recrutement prévu à l' article 8 des statuts.

Appréciation du Tribunal

A ° Considérations liminaires

78 Bien que les requérants aient dirigé leurs griefs, à titre principal, contre les décisions de la Commission de ne pas les engager en tant qu' "autre personnel", au titre des articles 8.1 et 8.5 des statuts et n' aient mis en cause qu' à titre subsidiaire la validité desdits statuts, l' ensemble de leurs recours repose sur la thèse centrale que, par suite d' une modification des circonstances factuelles, les diverses conclusions auxquelles était arrivée la Cour dans l' affaire Ainsworth devraient être réexaminées et que, à l' heure actuelle, il n' existe plus de justification objective à la différence de traitement, ou à la discrimination, dont ils se disent victimes.

79 Les principes généraux d' égalité de traitement et d' interdiction des discriminations fondées sur la nationalité étant des principes fondamentaux du droit communautaire, dont la Cour et le Tribunal ont pour mission d' assurer le respect, il convient dans ces conditions d' examiner par priorité, à la lumière des arguments des parties, les questions liées, d' une part, à l' existence d' une différence de traitement ou d' une discrimination au sein de l' entreprise commune JET, et, d' autre part, aux conséquences d' une éventuelle évolution de la situation de fait depuis l' arrêt Ainsworth sur la légalité des décisions adoptées par la Commission sur la base des articles 8.4 et 8.5 des statuts.

80 Avant de procéder à cet examen, il y a lieu de rejeter l' argument de la défenderesse, selon lequel, en raison de la grande similarité des recours, l' arrêt Ainsworth devrait être considéré comme un "précédent qui lie" le Tribunal dans la présente cause. Il suffit pour cela de relever que le Tribunal n' est lié par une décision de la Cour que dans les circonstances définies par l' article 55 du statut (CEEA) de la Cour [article 54 du statut (CE) de la Cour], d' une part, et en application du principe de l' autorité de la chose jugée, d' autre part (voir ci-dessus points 50 et suivants).

B ° Sur la matérialité de la différence de traitement alléguée

81 Il est constant que l' entreprise commune JET est un projet communautaire. Il ressort également du dossier que tous les membres du personnel composant l' équipe du projet se trouvent dans une situation comparable, quelle que soit l' organisation membre qui les a mis à la disposition de l' entreprise commune. Tous travaillent en effet exclusivement pour le projet, au sein d' une même équipe et sous l' autorité d' un même directeur. Ils ont été recrutés par le biais des mêmes concours et sont promus sur la base de leurs seuls mérites, sans qu' il soit tenu compte de leur employeur nominal.

82 Toutefois, en vertu des dispositions des articles 8.4 et 8.5 des statuts, le personnel mis à la disposition du JET par l' UKAEA, organisation hôte, continue d' être employé par cette organisation dans les conditions d' engagement prévues par elle, alors que le personnel mis à la disposition du JET par les membres de l' entreprise commune autres que l' UKAEA est recruté sur des postes d' agents temporaires de la Communauté.

83 Il ressort par ailleurs du dossier qu' un nombre important des membres composant l' équipe du projet n' avaient, avant leur affectation au JET, aucun rapport avec l' organisation membre qui les a mis à disposition. Ainsi, 97 ressortissants britanniques, représentant 45 % du personnel britannique du JET, étaient dans cette situation vis-à-vis de l' UKAEA à l' époque où une pétition a été soumise au Parlement (voir l' annexe 10 à ladite pétition) et, d' après leur réponse à une question écrite du Tribunal, 30 des 71 requérants n' ont été recrutés par l' UKAEA qu' après avoir été sélectionnés par le JET. De même, il ressort de la réponse de la défenderesse à une autre question écrite du Tribunal que 39 au moins des 117 agents temporaires de la Communauté travaillant au JET à la date du 1er janvier 1996 n' avaient pas de lien d' emploi antérieur avec le membre du JET qui les a mis à disposition.

84 Il est constant, en l' espèce, que les agents mis à la disposition du JET par l' UKAEA perçoivent une rémunération sensiblement inférieure à celle dont bénéficient les agents recrutés comme agents temporaires des Communautés.

85 Les requérants se disent toutefois nettement plus préoccupés encore par une seconde différence de traitement, relative à la sécurité de l' emploi, qui n' a pas été invoquée dans l' affaire Ainsworth. A cet égard, il ressort du dossier, et il n' est d' ailleurs pas contesté par la Commission, que les agents mis à la disposition de l' entreprise commune par l' UKAEA n' ont pas les mêmes chances d' accéder aux emplois communautaires permanents que les agents affectés par les autres membres et recrutés par la Commission sur des postes temporaires. Ceux-ci, en tant que "candidats internes", bénéficient en effet de divers avantages et priorités en matière de recrutement dans la fonction publique communautaire.

86 Ces avantages et priorités résultent notamment:

° de l' article 29, paragraphe 1, sous b), du statut des fonctionnaires, en vertu duquel l' AIPN n' ouvre la procédure de concours externe, en vue de pourvoir à une vacance d' emploi, qu' après avoir examiné les possibilités de concours internes à l' institution. Dans son arrêt du 31 mars 1965, Rauch/Commission (16/64, Rec. p. 179), la Cour a précisé que l' expression "concours internes à l' institution" concerne toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci, à quelque titre que ce soit. Il s' ensuit que les agents temporaires ou auxiliaires peuvent être admis aux concours internes;

° de l' article 1er, paragraphe 1, sous g), de l' annexe III du statut des fonctionnaires, qui prévoit, lorsqu' une limite d' âge est spécifiée par un avis de concours, un report de cette limite en faveur des agents en fonction depuis au minimum un an.

87 Or, en application de l' article 101 du traité CEEA, l' Euratom a conclu avec le gouvernement du Japon, le gouvernement de la fédération de Russie et le gouvernement des États-Unis d' Amérique, le 21 juillet 1992, un accord de coopération concernant les activités ayant trait au projet détaillé du réacteur expérimental thermonucléaire international (ci-après "accord ITER-EDA", JO L 244, p. 14). Il est constant que le personnel que la partie Euratom s' est engagée à mettre à la disposition de ce projet au moyen d' accords de détachement, conformément à l' article 8 dudit accord, est recruté sur des postes communautaires, ce qui a impliqué, à partir de 1994, la création progressive de plusieurs dizaines d' emplois communautaires représentant un débouché tout naturel, compte tenu de leurs connaissances scientifiques et techniques, pour les personnes travaillant actuellement au projet JET (voir, à cet égard, le point 3 de la "Note of Understanding" échangée entre la Commission et le Parlement).

88 Bien que la Commission ait porté à 50 ans la limite d' âge pour les candidatures externes aux postes ITER, cette mesure n' est pas de nature à établir une véritable égalité de traitement, pour l' accès à ces postes, entre les deux catégories de personnel composant l' équipe du projet JET, comme en témoignent notamment les cas de M. Harbour (en 1992) et de M. Gondhalekar (en 1994), exposés en annexes 12 et 15 à la requête dans l' affaire T-177/94.

89 Il ressort d' ailleurs de la réponse de la défenderesse à une question écrite du Tribunal que la proportion d' employés du JET qui obtiennent un emploi permanent à la Commission, notamment dans le cadre du projet ITER, après leur période d' affectation au JET, est considérablement plus élevée dans le cas des agents mis à disposition par des membres autres que l' UKAEA que dans le cas des agents mis à disposition par l' UKAEA. A cet égard, la défenderesse a fourni les chiffres suivants pour chacune des années 1992, 1993, 1994 et 1995:

1992199319941995

a) Total agents non UKAEA quittant le JET

18

25

17

10b) Agents non UKAEA obtenant un poste à la Commission

15

21

13

8c) Agents non UKAEA utilisant leur "billet de retour"

3

1

2

0d) Total agents UKAEA quittant le JET

23

8

16

21e) Agents UKAEA obtenant un poste à la Commission (sur concours externe)

0

2

2

1f) Agents UKAEA retournant à l' UKAEA

1

2

5

4

90 En troisième lieu, il ressort également du dossier que la Commission a, entre 1988 et 1993, donné des garanties répétées d' emploi futur aux agents temporaires de la Communauté affectés au JET, notamment en s' engageant à les traiter comme des candidats prioritaires pour d' autres postes à la Commission lorsque le JET prendra fin. Les requérants ont ainsi fait état de divers engagements de cette nature pris par la Commission les 15 décembre 1988, 14 novembre 1989, 30 novembre 1990 et 22 décembre 1992 et se sont référés à une réunion du 1er juillet 1993, au cours de laquelle le directeur du JET a déclaré que "la Commission s' est engagée à traiter les membres du personnel Euratom du JET comme des candidats prioritaires pour d' autres postes à la Commission lorsque le JET prendra fin. Elle a montré sa bonne foi par la manière dont elle a transféré la plupart de ceux dont les affectations se sont terminées en 1992 [...]" (voir annexe 10 à la requête dans l' affaire T-177/94). Les personnes dans la situation des requérants ont été exclues du bénéfice de ces garanties en raison de leur statut d' employés de l' UKAEA.

91 Le Tribunal constate donc que les différences de traitement relevées par la Cour dans l' arrêt Ainsworth continuent à exister et se sont même considérablement aggravées, au sein de l' équipe du projet JET, selon que les agents en cause ont été mis à la disposition de l' entreprise commune par l' UKAEA ou par un autre membre. Ces différences ne concernent plus seulement les conditions d' emploi, mais touchent désormais à la sécurité de l' emploi et, surtout, aux perspectives d' accès à la fonction publique communautaire, notamment dans le cadre du projet ITER et des ITER-EDA.

C ° Sur la modification des circonstances factuelles depuis l' arrêt Ainsworth

92 Eu égard à la nature très particulière de l' entreprise commune JET et aux contraintes spécifiques qu' ont dû prendre en considération ses règles d' organisation, la Cour a considéré, aux points 34 à 38 de l' arrêt Ainsworth, que la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts était objectivement justifiée.

93 Dans ses motifs, la Cour s' est plus particulièrement appuyée sur la considération qu' une entreprise commune exclusivement consacrée à la recherche et dont la durée d' existence se trouve limitée dans le temps ne peut fonctionner utilement qu' en association étroite avec une organisation nationale déjà existante, laquelle est ainsi amenée à prendre en charge des responsabilités qui lui sont propres dans l' organisation et le fonctionnement de ladite entreprise commune (points 35 et 36 de l' arrêt).

94 Au point 37 de l' arrêt, la Cour a de surcroît relevé que l' UKAEA s' était ainsi trouvée dans la situation tout à fait spécifique d' avoir à gérer des personnels de même qualification, occupés sur le même site à des tâches de même nature, mais affectés à deux organisations juridiquement distinctes. L' UKAEA s' est préoccupée d' éviter que cette situation ne jette la perturbation dans son propre fonctionnement et, appuyée sur ce point par le gouvernement du Royaume-Uni, a demandé, lors des négociations qui ont précédé l' intervention de la décision 78/471, du 30 mai 1978, précitée, que le personnel qu' elle mettrait à la disposition du JET demeurât soumis à ses propres conditions d' engagement. En raison du rôle privilégié que les caractéristiques particulières de l' entreprise commune réservaient à l' UKAEA, la Cour a considéré que les statuts du JET ne pouvaient ignorer cette exigence.

95 Dans les présentes affaires, toutefois, à l' appui de leurs conclusions en annulation les requérants demandent au Tribunal de se prononcer sur le point de savoir si les facteurs ainsi retenus par la Cour dans l' arrêt Ainsworth peuvent encore être pris en considération. Il y a dès lors lieu pour le Tribunal de vérifier si, conformément à la thèse des requérants, la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts a cessé d' être objectivement justifiée en fait, dans les termes définis par la Cour dans l' arrêt Ainsworth, par suite d' un changement des circonstances depuis 1987.

96 A cet égard, le Tribunal constate qu' un certain nombre d' éléments nouveaux ou de modifications par rapport à la situation qui s' est présentée à la Cour en 1987 sont intervenus. Il s' agit plus particulièrement: a) de l' allongement considérable de la durée de l' existence du JET; b) du moindre rôle joué par l' UKAEA dans l' organisation et le fonctionnement de l' entreprise commune; c) de l' abandon des objections de l' UKAEA à ce que le personnel qu' elle affecte au JET quitte son service pour celui de la Commission; d) de la perturbation du fonctionnement de l' entreprise commune par suite du conflit social, et e) de l' incapacité du système de recrutement du JET à atteindre les objectifs en vue desquels il a été conçu.

1. Allongement de la durée de l' existence du JET et poursuite du programme "fusion"

97 Le Tribunal relève, premièrement, que l' entreprise commune JET a vu sa durée d' existence considérablement allongée. Alors que la Cour n' avait aucune raison de supposer que le JET n' expirerait pas comme prévu en 1990, après 12 années d' existence, il est désormais acquis qu' il durera jusqu' en 1999 au moins, soit 21 ans au total. En outre, compte tenu de ce qui s' est itérativement produit jusqu' à présent, il n' est pas à exclure que "de nouveaux arguments scientifiques et techniques substantiels [...] notamment en vue d' un 'Next Step' " (voir le deuxième considérant de la décision 96/305, du 7 mai 1996, précitée) viendront plaider pour la poursuite de l' exploitation du JET après 1999, comme ils l' ont déjà fait en 1988, en 1991 et en 1996.

98 Ainsi, même s' il est vrai que le JET demeure une entreprise de recherche spécialisée, dont la durée d' existence est théoriquement limitée dans le temps, il n' en a pas moins acquis, au gré de ses prorogations successives, le caractère d' une entreprise permanente ou de très longue durée. Cette évolution se traduit notamment par le fait que le personnel mis à la disposition du JET par ses membres y fait véritablement carrière et ne retourne plus qu' exceptionnellement à son employeur d' origine (voir le tableau repris au point 89 ci-dessus), alors que ce retour au membre concerné avait été initialement conçu comme une caractéristique fondamentale du projet (voir point 106 ci-dessous). Les requérants ont pour leur part précisé, en réponse à une question écrite du Tribunal, que vers le mois de février 1996 la durée de leur affectation au JET s' échelonnait entre 5 et 17 ans, avec une moyenne de 12 ans.

99 Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l' a déjà relevé (voir points 2 et 87 ci-dessus), le projet JET n' est que la première phase intermédiaire d' un programme de recherche et de développement s' étendant jusqu' au milieu du siècle prochain, dont la poursuite offre une perspective naturelle de carrière pour les scientifiques affectés au JET.

2. Modification du rôle joué par l' UKAEA dans l' organisation et le fonctionnement de l' entreprise commune

100 Deuxièmement, si, en vertu de l' article 15 des statuts et de leur annexe, l' UKAEA a fourni un support important au JET dans les premières années de son existence, il y a lieu de relever que, suite à une clarification de l' accord relatif au soutien dû par l' organisation hôte, négociée en 1987 et ratifiée par le conseil du JET en 1988, un nombre important de services, fournis auparavant sur la base dudit accord de soutien par l' organisation hôte, sont depuis lors exécutés dans le cadre de contrats commerciaux après une procédure d' appel à la concurrence (voir le point 1.3 de la pétition au Parlement et le point 4.3 du rapport de la Cour des comptes).

3. Changement intervenu dans l' attitude de l' UKAEA

101 Troisièmement, il ressort d' une déclaration du président de l' UKAEA du 17 octobre 1989 (annexe 15 à la pétition au Parlement), de la réponse de l' UKAEA au rapport du panel Pandolfi (voir point 20 ci-dessus), du procès-verbal du "joint working party on the future career prospects of JET team members" du 30 septembre 1993 (résumé de M. O' Hara, voir l' annexe 8 à la requête T-177/94, p. A8.16) et, enfin, d' une lettre du président de l' UKAEA du 15 mars 1994 (annexe 18 à la requête T-177/94) que l' UKAEA ne s' oppose plus à ce que ses employés affectés au JET deviennent des agents temporaires de la Communauté, pour autant qu' ils démissionnent de ses services par la même occasion. Le directeur du JET a estimé pour sa part que la recommandation n 1 du panel Pandolfi était la seule qui "garantirait la restauration de la paix sociale". Quant aux organisations syndicales représentatives du personnel de l' UKAEA, elles ont, dans leur rapport du 9 février 1993, exprimé elles aussi un soutien sans réserve à ladite recommandation n 1 (voir point 19 ci-dessus).

102 Compte tenu de ces changements, les éléments du dossier ne permettent plus actuellement de constater, comme la Cour l' a fait au point 37 de l' arrêt Ainsworth, que la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts demeure objectivement justifiée par le souci d' éviter une perturbation dans le fonctionnement de l' UKAEA, cette dernière étant devenue exclusivement concernée par le souci de ne pas donner des garanties d' emploi futur au personnel qu' elle met à la disposition du JET.

4. Conflit social au sein du JET

103 Quatrièmement, l' entreprise commune est confrontée en permanence à un conflit social qui a non seulement perturbé les relations de travail au sein du JET, mais aussi mis en péril la réalisation ponctuelle des objectifs du programme communautaire "fusion", le Parlement ayant, suite à son intervention dans ce conflit, bloqué pendant plusieurs mois près de la moitié des crédits budgétaires annuels alloués au JET, dans son souci de mettre fin à ce qu' il percevait comme une discrimination inadmissible à l' égard des requérants.

104 Il convient par ailleurs de rappeler que, selon le directeur du JET, la recommandation n 1 du panel Pandolfi est "la seule qui garantirait la restauration de la paix sociale" et que les services de la Commission eux-mêmes ont considéré que cette recommandation "aurait constitué la solution la plus appropriée pour mener le projet à bonne fin" (voir le rapport de la Commission au Parlement, annexe 17 à la requête dans l' affaire T-177/94).

5. Évolution du système de recrutement initialement envisagé

105 Cinquièmement, il y a lieu de relever que la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts est liée au système particulier de recrutement et d' affectation du personnel retenu lors de la création de l' entreprise commune. Ce système est essentiellement caractérisé par la mise à disposition de personnel qualifié par les membres du JET (articles 8.1 et 8.3 des statuts), avec recrutement à titre temporaire par la Commission (article 8.5 des statuts) et engagement de réemploi de ce personnel par le membre concerné (article 8.8 des statuts). Compte tenu des perturbations que ce système risquait d' induire au sein de l' UKAEA, vu sa situation particulière d' organisation hôte, celle-ci a toutefois obtenu une dérogation aux termes de laquelle le personnel qu' elle mettrait à la disposition du JET continuerait d' être employé par elle à ses conditions (article 8.4 des statuts).

106 A l' époque de la création du JET, ce système a été considéré comme indispensable, eu égard à la nature temporaire de l' entreprise commune, afin d' éviter des problèmes sociaux à la fin du projet et de ne pas obliger la Commission à intégrer le personnel affecté au JET en qualité de fonctionnaires permanents, tout en permettant une gestion suffisamment centralisée du personnel (voir, dans l' affaire Ainsworth, le rapport d' audience, Rec. p. 178, et les conclusions de l' avocat général M. VerLoren van Themaat, Rec. p. 190; voir également, sur l' ensemble de la question, le rapport du panel Pandolfi).

107 Force est toutefois de constater que ce système, modifié sous six aspects importants au moins, n' est plus en mesure d' atteindre les objectifs qui lui avaient étaient initialement assignés.

° Absence de sécurité d' emploi pour les agents de l' UKAEA

108 En premier lieu, il ressort du dossier que les agents de l' UKAEA ne sont nullement assurés de retrouver un poste adéquat à la fin de leur affectation au JET. Tout d' abord, les statistiques produites par la défenderesse à la demande du Tribunal montrent que très peu d' entre eux réintègrent l' UKAEA après leur détachement (12 sur 68 pour la période de 1992 à 1995: voir point 89 ci-dessus). Les requérants ont pour leur part exposé le cas de plusieurs agents dont le contrat n' a pas été renouvelé à la fin de leur détachement, ou qui ont été contraints d' accepter une retraite anticipée (voir les lettres de l' UKAEA de décembre 1992, jointes en annexe 8 à la requête, et les comparer avec celles des années 80). Ils ont en outre fait état, sans être contredits par la défenderesse, de la déclaration faite par M. Bretherton, secrétaire de l' UKAEA, devant l' assemblée du personnel du JET du 17 septembre 1993, selon laquelle la plupart des membres britanniques du personnel de l' équipe du JET seront "licenciés" à la fin du JET, et de celle faite par M. Dawson, directeur du personnel de l' UKAEA, lors d' une réunion du "Joint working Party on the Career Prospects of JET Team Members" (groupe de travail mixte sur les perspectives de carrière des membres de l' équipe du JET), tenue le 30 septembre 1993, selon laquelle "la reconversion de plus de 200 personnes à la fin de 1996 [causera] de grandes difficultés à l' [UK]AEA et [... qu' il faudra] envisager la probabilité qu' une proportion importante [constituera] du personnel excédentaire" (voir l' annexe 8 à la requête dans l' affaire T-177/94). Il convient enfin de relever que l' UKAEA a sensiblement réduit la sécurité d' emploi de son personnel en introduisant pour norme la conclusion de contrats d' emploi à durée déterminée de trois ans ou moins (voir les documents joints en annexe 11 à la pétition au Parlement et ceux joints en annexe 7 à la requête dans l' affaire T-177/94).

° Quasi-impossibilité pour le personnel britannique d' obtenir un "billet de retour" d' un membre du JET

109 En deuxième lieu, il ressort du dossier que, sauf cas exceptionnel (voir l' affaire Stott/Commission, T-99/95), il n' est pas possible, dans la pratique, pour les ressortissants britanniques d' obtenir un "billet de retour" d' un membre du JET autre que l' UKAEA (voir, en annexe 14 à la requête dans l' affaire T-177/94, dont le contenu n' a pas été contesté par la Commission, les cas de MM. Altmann, Hubbard, Gondhalekar, Fishpool et Shaw, survenus entre 1987 et 1993 et impliquant les membres allemand, néerlandais et italien du JET). Il en résulte que la possibilité pour les ressortissants britanniques d' être mis à la disposition du JET par un quelconque de ses membres, envisagée par la Cour aux points 25 et 26 de l' arrêt Ainsworth, est demeurée purement théorique. De même, à la différence de la situation constatée au point 27 de l' arrêt Ainsworth, les cinq exemples ci-dessus mentionnés, tout comme les circonstances de l' affaire Stott/Commission, T-99/95, établissent que, pour se conformer aux exigences des statuts et des dispositions complémentaires, tels qu' ils ont été interprétés par la Commission, les requérants ont dû renoncer à la possibilité d' être mis à la disposition du JET par une organisation membre autre que l' UKAEA, et, par suite, à celle d' un recrutement comme agents temporaires des Communautés en application de l' article 8.5 des statuts.

° Valeur pratique réduite des "billets de retour"

110 En troisième lieu, il ressort du dossier que très peu d' agents affectés au JET par des membres autres que l' UKAEA font usage de leur "billet de retour". Les statistiques produites par la défenderesse à la demande du Tribunal établissent que 6 d' entre eux seulement l' ont fait, sur un total de 70 agents ayant quitté le JET entre 1992 et 1995 (voir point 89 ci-dessus).

111 La valeur pratique de ces "billets de retour" est d' ailleurs mise en cause par diverses déclarations de la direction du JET et de la Commission (voir notamment le point 21 du rapport annuel du directeur du JET sur les affaires de personnel, 1986/1987, présenté au comité exécutif du JET n 62 des 14 et 15 mai 1987, et la lettre adressée le 16 juillet 1991 aux chefs de toutes les unités de recherches sur la fusion par M. Kind, fonctionnaire de la DG XII, produits en annexe 9 à la requête dans l' affaire T-177/94). A la suite de deux études relatives à la validité des "billets de retour", réalisées en 1992 par l' administration de la DG XII auprès des membres et du personnel Euratom du JET, le groupe de suivi "ad hoc" JET de la DG XII a conclu, lors de sa réunion du 2 juin 1992, qu' une "grande majorité des 'return tickets' , tels qu' ils existent à l' heure actuelle, n' offrent pas de garanties réelles" (voir le compte rendu de cette réunion en annexe 9 à la requête dans l' affaire T-177/94).

112 Il ressort effectivement des chiffres fournis par la défenderesse en réponse aux questions du Tribunal qu' un bon nombre des "billets de retour" sont limités dans le temps et n' offrent donc pas d' avantages substantiels en termes de sécurité d' emploi. A cet égard, les conditions des "billets de retour" des agents temporaires de la Communauté affectés au JET par les membres autres que l' UKAEA au 1er janvier 1993 et au 1er janvier 1996 étaient les suivantes:

Durée de réemploiNombre1.1.19931.1.19963 mois856 mois393112 mois141118 mois11indéterminée10169TOTAL163117

113 Encore convient-il de relever que la diminution du nombre des "billets de retour" à durée indéterminée, de 101 au 1er janvier 1993 à 69 au 1er janvier 1996, soit une différence de 32 unités, ne signifie pas que ces "billets de retour" ont été utilisés. Pendant cette période, en effet, 42 des 52 agents temporaires de la Communauté ayant quitté le JET ont obtenu un emploi permanent à la Commission, et 3 d' entre eux seulement ont fait usage de leur "billet de retour". En revanche, sur les 45 agents UKAEA ayant quitté le JET au cours de la même période, 5 seulement ont obtenu un emploi permanent à la Commission, par la voie de concours externes (voir point 89 ci-dessus).

° Intégration au personnel permanent de la Commission des agents temporaires mis à la disposition du JET par Euratom et engagements pris à cet égard

114 En quatrième lieu, pour remédier à ces insuffisances, la Commission a, bien avant la fin de l' entreprise commune, intégré au personnel communautaire un pourcentage important du personnel mis à la disposition de l' équipe du projet par ses membres (voir point 89 ci-dessus) et a de surcroît pris divers engagements de portée générale en vue de faciliter la réaffectation du personnel communautaire temporaire du JET dans d' autres services, à la fin du projet (voir point 90 ci-dessus). Cette politique va directement à l' encontre des raisons mises en avant en 1978 pour justifier le système de mise à disposition de personnel par les membres.

° Établissement de liens factices avec les organisations membres

115 En cinquième lieu, le système de recrutement actuel conduit, dans un grand nombre de cas (30 des 70 requérants sont dans cette situation), à l' établissement de liens factices entre un chercheur et une organisation membre du JET avec laquelle il n' avait aucun contact avant sa sélection dans le cadre du projet. Le lien avec le membre concerné devient de pure forme ° sans qu' il soit nécessaire de statuer sur la conformité de cette pratique avec la lettre des articles 8.1, 8.4, 8.5 et 8.8 des statuts ° lorsque les "billets de retour" sont en fait délivrés par des entreprises ou organismes tiers et simplement "souscrits" par le membre du JET concerné. D' après la réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal, sur les 117 agents temporaires affectés au projet en février 1996, 39 se trouvaient dans cette situation.

116 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que la politique qui consiste à privilégier la formule de mise à disposition de personnel par les membres de l' entreprise commune, en exigeant de tout candidat qu' il trouve une organisation membre qui accepte de le mettre à la disposition du JET, ne répond plus au souci, identifié par la Cour au point 23 de l' arrêt Ainsworth, d' assurer à tous les membres du personnel du JET une garantie d' emploi à la fin du projet.

117 Compte tenu de tous ces éléments, force est de conclure à la disparition de l' ensemble des circonstances de fait invoquées par la Cour à l' appui de sa conclusion selon laquelle la différence de traitement instituée par les statuts du JET était objectivement justifiée. Il convient, par ailleurs, de rappeler que la Cour n' a pas eu à se prononcer sur la différence de traitement liée aux perspectives de carrière et à la sécurité d' emploi, qui n' étaient pas en cause dans l' affaire Ainsworth.

D ° Sur les conséquences juridiques de l' évolution des circonstances de fait depuis l' arrêt Ainsworth

118 Le Tribunal a constaté que, eu égard à l' évolution de la situation, la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts a cessé d' être objectivement justifiée sur la base des éléments retenus par la Cour dans son arrêt Ainsworth (voir ci-dessus points 81 à 117). Dès lors se pose la question de savoir si, dans le cadre d' une exception d' illégalité au titre de l' article 156 du traité CEEA (184 CE), le Tribunal peut, au vu d' une modification des éléments de droit et de fait, déclarer inapplicable une disposition dont la Cour a déjà jugé qu' elle était légale à la date de son adoption. Cet aspect des recours a surtout été mis en évidence par la partie intervenante, qui a basé son argumentation sur les principes de légalité et de sécurité juridique.

119 La prise en considération d' une telle incidence n' est pas exclue, en soi, par le système législatif et juridictionnel institué par le traité. En effet, en reconnaissant à toute partie le droit de faire constater, sans limite de temps, l' illégalité ex tunc d' un règlement du Conseil ou de la Commission, à l' occasion d' un litige le mettant en cause, l' article 156 du traité CEEA (184 CE) implique a fortiori pour cette partie le droit d' invoquer, par voie d' exception, une illégalité ex nunc. En l' espèce, les statuts ayant été adoptés par décision du Conseil, et non par un règlement en la forme, il convient d' ajouter que, selon une jurisprudence constante, l' article 156 du traité CEEA (184 CE) est l' expression d' un principe général assurant à toute partie le droit de contester, en vue d' obtenir l' annulation d' une décision qui la concerne directement et individuellement, la validité des actes institutionnels antérieurs, constituant la base juridique de la décision attaquée, si cette partie ne disposait pas du droit d' introduire, en vertu de l' article 146 du traité CEEA (173 CE), un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d' en demander l' annulation (arrêts de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, et du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, Rec. p. 195). La légalité de l' acte individuel attaqué devant être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l' acte a été pris (arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321), c' est également à cette date, plutôt qu' à celle de sa propre adoption, que doit être appréciée la légalité de l' acte réglementaire qui en constitue la base juridique.

120 Par ailleurs, il résulte de l' arrêt Ainsworth que la Cour a trouvé une justification objective à la différence de traitement en cause dans certains éléments de droit et de fait tels qu' ils existaient à l' époque. Le Tribunal ne saurait présumer que la Cour aurait suivi le même raisonnement si ces éléments avaient été différents.

121 Il convient encore de rappeler que le principe général d' égalité de traitement, qui est l' un des principes fondamentaux du droit communautaire, s' oppose à ce que des situations comparables soient traitées différemment, à moins que la différenciation opérée ne soit objectivement justifiée (arrêt Ainsworth, point 33; voir, en dernier lieu, l' arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefevbre e.a./Commission, T-571/93, Rec. p. II-2379, point 78). Toute différence de traitement revêtant ainsi le caractère d' une mesure d' exception, dérogatoire à un principe fondamental du droit communautaire, il va de soi qu' elle ne saurait être considérée comme encore valide, même si la règle qui l' institue n' en a pas limité expressément la durée, après que les conditions qui la justifiaient objectivement ont cessé d' exister (voir, pour une application de ces principes, l' arrêt de la Cour du 28 juin 1984, Mabanaft, 36/83, Rec. p. 2497, spécialement point 34).

122 Il en va d' autant plus ainsi lorsque, comme en l' espèce, la durée limitée dans le temps d' une situation donnée est l' un des éléments pris en considération pour justifier objectivement une inégalité de traitement. Il convient alors de s' assurer tout particulièrement que ladite situation ne se prolonge pas indûment au-delà de la durée raisonnablement envisagée au départ. Dans une telle éventualité, en effet, il incombe à l' auteur de la règle de réévaluer son appréciation initiale.

123 Il n' y a là aucune contradiction avec le principe de la légalité communautaire, qui, s' il comporte, pour les justiciables, le droit de contester judiciairement la validité des règlements, implique également, pour tous les sujets du droit communautaire, l' obligation de reconnaître la pleine efficacité des règlements tant que leur non-validité n' a pas été établie par une juridiction compétente (arrêt Granaria, précité). Ainsi, en l' espèce, le principe de la légalité communautaire exigeait certes de la défenderesse qu' elle continue à appliquer les statuts du JET, même après qu' ils furent, selon la thèse des requérants, devenus illégaux en raison de la disparition des justifications objectives à la différence de traitement qu' ils instaurent. Il ne saurait toutefois être opposé au droit des requérants de saisir la juridiction communautaire d' une contestation tendant à faire déclarer ces statuts inapplicables, non pas ab initio mais depuis un changement de circonstances donné.

124 A supposer même que, comme le soutient le Conseil, les principes de légalité et de sécurité juridique s' opposent à ce que le Tribunal puisse, au vu d' une modification des éléments de fait et de droit qui, lors de la création de l' entreprise commune JET, justifiaient objectivement la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts, déclarer ceux-ci inapplicables désormais, un tel empêchement ne concernerait, en tout état de cause, que la période initiale de 12 ans prévue à l' article 1er de la décision 78/471, précitée, et à l' article 19 des statuts y annexés.

125 En effet, à défaut de prorogation, l' entreprise commune JET aurait expiré le 30 mai 1990, conformément à l' article 1er de la décision 78/471, précitée, et à l' article 19 des statuts. La décision 88/447, précitée, par laquelle le Conseil a prolongé de 31 mois la durée d' existence de l' entreprise commune et l' application concomitante de ses règles statutaires d' organisation et de fonctionnement, a dès lors produit des effets juridiques propres (voir l' arrêt de la Cour du 29 juin 1995, Espagne/Commission, C-135/93, Rec. p. I-1681, points 25 à 30). Il en va de même des décisions 91/677 et 96/305, précitées, ayant ultérieurement prolongé la durée d' existence du JET.

126 L' un des effets juridiques propres de ces décisions a été le maintien du système de recrutement et d' affectation du personnel en vigueur au JET. Il convient de relever, à cet égard, que, loin d' être une conséquence nécessaire de la décision de prolonger la durée d' existence du JET, le maintien de ce système procède lui-même d' un nouvel exercice, par le Conseil, de son pouvoir d' appréciation en fait et en droit, ainsi que celui-ci l' a explicitement reconnu au point 19 de son mémoire en intervention, en soulignant que "[d]ans le cas où une proposition de prorogation du projet JET lui serait soumise, [il] pourrait déterminer si cette prorogation justifie la révision du système de recrutement prévu à l' article 8 des statuts".

127 Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le recours en annulation est ouvert, dans les conditions prévues à l' article 146 du traité CEEA (173 CE), à l' égard de toutes dispositions prises par les institutions, quelles qu' en soient la nature ou la forme, qui visent à produire des effets de droit (arrêts de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 42, et Espagne/Commission, précité, point 20). S' agissant, comme en l' espèce, de dispositions institutionnelles ou de caractère général à l' égard desquelles les sujets de droit autres que les institutions et les États membres ne disposent pas du droit d' introduire un recours direct, et dont ils subissent donc les conséquences sans avoir été en mesure d' en demander l' annulation, leur validité peut être contestée par ces sujets de droit, dans les conditions de l' article 156 du traité CEEA (184 CE), en vue d' obtenir l' annulation d' une décision qui les concerne directement et individuellement, dont elles constituent la base juridique (arrêts Simmenthal/Commission et Andersen e.a./Parlement, précités).

128 Il s' ensuit que les requérants sont en toute hypothèse fondés à mettre en cause, à l' appui de leurs recours en annulation des décisions attaquées, la validité des décisions successives par lesquelles le Conseil a prolongé la durée d' existence du JET, et plus particulièrement l' un des effets de droit produits par lesdites décisions, à savoir le maintien du système de sélection, d' affectation et de gestion du personnel en vigueur au JET, en ce compris la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts. Une telle mise en cause ne saurait être perçue comme portant atteinte au principe de la sécurité juridique, dès lors qu' elle ne porte que sur les effets juridiques propres de la décision de prorogation, sans que soient aucunement remis en cause, à la lumière d' une nouvelle appréciation en droit, la légalité et les effets de la situation antérieure à celle-ci.

129 En l' espèce, le Tribunal considère que, même si la différence de traitement instituée par les articles 8.4 et 8.5 des statuts pouvait encore se justifier lorsqu' a été prolongée de 31 mois, par la décision 88/447, précitée, la durée d' existence du JET, tel n' était déjà plus le cas lorsque le Conseil a, le 19 décembre 1991 (soit à une date antérieure à l' introduction de la procédure administrative et des présents recours), prorogé à nouveau la durée d' existence du JET pour 4 ans, jusqu' au 31 décembre 1996, par la décision 91/677, précitée.

130 A cet égard, le Tribunal relève que l' accord relatif au soutien dû par l' organisation hôte a été modifié en 1988, que l' UKAEA, par la voix de son président, a fait connaître son absence d' opposition à l' engagement par la Commission de son personnel affecté au JET dès le 17 octobre 1989, que la Commission a donné des garanties d' emploi futur au personnel communautaire temporaire du JET dès la fin de l' année 1988, que l' échec du système des "billets de retour" était déjà patent en 1990, ainsi qu' en témoignent les annexes à la pétition adressée au Parlement en février 1990, et que le Parlement a saisi le Conseil, dès le 10 décembre 1991, d' une résolution législative mettant en cause la validité du système de recrutement en vigueur au JET (voir point 15 ci-dessus). Les conclusions du rapport du panel Pandolfi, publiées le 16 septembre 1992, font quant à elles clairement ressortir que les dispositions des articles 8.4 et 8.5 des statuts, de même que le système des "billets de retour", ne paraissaient plus raisonnables aux quatre experts indépendants constituant le panel et qu' il y avait lieu, selon eux, de les modifier par la voie législative appropriée. Ce point de vue a été approuvé en substance par le personnel et la direction du JET, le personnel et la direction de l' UKAEA, la Commission et le Parlement. Seul le conseil du JET en a refusé les implications, sans toutefois fournir la moindre motivation. Compte tenu des éléments auxquels le panel Pandolfi a pu avoir égard, le Tribunal estime que ses constatations et ses conclusions s' imposaient déjà à la date du 19 décembre 1991, lorsque le Conseil a prorogé le système de recrutement prévu à l' article 8 des statuts.

131 Il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles 8.4 et 8.5 des statuts, telles que maintenues en vigueur par la décision 91/677, précitée, et ultérieurement par la décision 96/305, précitée, donnent lieu, à tout le moins depuis le 19 décembre 1991, à une différence de traitement non objectivement justifiée, et par conséquent illégale, notamment quant aux perspectives d' accès à la fonction publique communautaire, entre deux catégories d' agents du JET, selon l' organisation membre qui met l' agent en cause à la disposition de l' entreprise commune.

132 Les requérants font toutefois valoir que les statuts, tels qu' ils sont actuellement libellés, autorisent la Commission à les recruter sur des postes temporaires, en tant qu' "autre personnel", au titre de l' article 8.5, ce qui suffirait selon eux à remédier à l' inégalité de traitement ainsi constatée. C' est d' ailleurs en vue d' un tel recrutement qu' ils se sont initialement adressés à l' AIPN (voir le point 3 et l' annexe 2 de leur réclamation au titre des articles 73 du RAA et 90 du statut des fonctionnaires), et c' est également en ce sens qu' ils ont conclu, à titre principal, à l' annulation des décisions rejetant leur demande. De même, le Conseil, auteur des statuts du JET, a fait valoir dans son mémoire en intervention et a répété à l' audience, en réponse à une question du Tribunal, qu' il n' existe d' après lui, dans les statuts, aucun obstacle d' ordre juridique à ce que les requérants soient recrutés dans les conditions qu' ils réclament.

133 Par conséquent, il convient de vérifier si les statuts autorisent effectivement le recrutement en tant que "autre personnel", au titre de leur article 8.5, de personnes qui, comme les requérants, se trouvent déjà mises à la disposition du projet par l' UKAEA. Si tel devait être le cas, en effet, il y aurait lieu de constater que les statuts contiennent un mécanisme permettant de remédier, à tout le moins partiellement, à la différence de traitement qu' ils instaurent. Le Tribunal considère que cette circonstance, si elle était établie, serait éventuellement de nature à éviter la déclaration de leur illégalité, pour les motifs déjà exposés.

E ° Sur la légalité des décisions attaquées

134 La défenderesse a considéré, au point 10 de chacune des décisions attaquées, que le recrutement des requérants en qualité d' agents temporaires serait contraire à l' article 8.4 des statuts, qui dispose que le personnel mis à disposition par l' organisation hôte continuera à être employé par elle. Au point 11 des deux décisions, elle a ajouté que, en application des articles 8.4 et 8.5 des statuts, les requérants doivent mettre fin à leur contrat d' emploi avec l' UKAEA et doivent être engagés et affectés au JET par une autre organisation membre, s' ils souhaitent être engagés par elle en qualité d' agents temporaires. Pour le surplus, elle s' est référée (au point 12) au refus du conseil du JET de voir mettre en oeuvre la recommandation n 1 du rapport du panel Pandolfi et (aux points 13 et 14) aux engagements réitérés de l' UKAEA à l' égard de son personnel affecté au JET. Dans ses mémoires écrits, la défenderesse a ajouté que le recrutement des requérants à titre d' "autre personnel" créerait une nouvelle discrimination, cette fois en défaveur des agents mis à la disposition du JET par les membres autres que l' UKAEA et qu' une telle extension détruirait le système de recrutement mis en place par les statuts.

135 Les requérants, pour leur part, font essentiellement valoir qu' aucune disposition des statuts n' interdit formellement leur recrutement en tant qu' "autre personnel" et qu' ils ont au contraire droit à un tel recrutement, celui-ci étant la seule manière par laquelle il pourrait être mis fin aux discriminations dont ils sont victimes.

136 Le Tribunal considère que, si aucune disposition des statuts n' interdit expressément et de manière non équivoque le principe du recrutement comme "autre personnel", au titre de l' article 8.5, de personnes qui, comme les requérants, se trouvent déjà mises à la disposition du projet par l' UKAEA, il n' en demeure pas moins que l' économie générale des statuts, et le libellé même de leurs dispositions, conduisent à la conclusion qu' un tel recrutement ne saurait être envisagé sans qu' il soit gravement porté atteinte au système de recrutement et de gestion du personnel mis en place par lesdits statuts.

137 Il y a en effet lieu d' interpréter la notion d' "autre personnel", à l' article 8.5 des statuts, par référence à l' article 8.1, lequel dispose que l' équipe du projet est composée, d' une part, de personnel en provenance des membres du JET, conformément à l' article 8.3, et, d' autre part, d' "autre personnel". L' opération par laquelle un membre de l' équipe du projet mis à disposition par l' UKAEA démissionnerait de celle-ci à seule fin de pouvoir être recruté par la Commission en tant qu' "autre personnel" n' est pas prévue par ces dispositions.

138 En outre, ainsi que la Commission l' a fait valoir à juste titre, l' interprétation des statuts proposée par les requérants va en toute hypothèse à l' encontre du principe même sur lequel est fondé le système de recrutement et de gestion du personnel actuellement en vigueur au JET, à savoir l' établissement et le maintien de deux catégories distinctes de personnel, selon le membre qui les met à disposition.

139 Il s' ensuit que les articles 8.4 et 8.5 des statuts, tels qu' ils sont actuellement libellés, ne sauraient être interprétés comme autorisant le recrutement des requérants comme "autre personnel", au sens de ces dispositions.

140 Force est de constater, en outre, que le conseil et la direction du JET ont adopté des règles accessoires ou ad hoc, en vue de parer à toute éventualité d' un tel recrutement (voir, à cet égard, l' analyse de l' article 9.1 des dispositions complémentaires et de la règle de la "démission préalable", faite par le Tribunal dans l' arrêt rendu ce jour dans l' affaire parallèle Stott/Commission, T-99/95). La différence de traitement établie par les articles 8.4 et 8.5 des statuts se trouve ainsi renforcée par le jeu de mécanismes complémentaires, destinés à empêcher qu' il y soit remédié d' une quelconque façon.

141 Dans ces conditions, il y a lieu de constater l' illégalité des articles 8.4 et 8.5 des statuts, de leurs dispositions complémentaires d' exécution et des règles administratives destinées à leur procurer effet, dans la mesure où ils établissent ou contribuent au maintien d' une différence de traitement non objectivement justifiée, et par conséquent illégale, notamment quant aux perspectives d' accès à la fonction publique communautaire, entre deux catégories d' agents du JET, selon l' organisation membre qui met l' agent en cause à la disposition de l' entreprise commune.

142 Il convient ainsi de faire droit à l' exception d' illégalité soulevée à titre subsidiaire par les requérants, au titre de l' article 156 du traité CEEA, et de déclarer inapplicables, en l' espèce, les dispositions des articles 8.4 et 8.5 des statuts, dans la mesure indiquée aux points 131 et 141 ci-dessus. Il en va de même des dispositions complémentaires et de la règle dite de la "démission préalable", en ce qu' elles participent de la même illégalité.

143 Ces dispositions ne pouvant servir de base légale aux décisions attaquées, il reste à examiner si celles-ci ont pu valablement rejeter les demandes des requérants pour l' un quelconque des autres motifs énoncés au point 134 ci-dessus.

144 S' agissant tout d' abord de l' opposition du conseil du JET à la mise en oeuvre de la recommandation n 1 du rapport du panel Pandolfi, celle-ci n' est évidemment pas un motif que la défenderesse pouvait légitimement opposer à la demande des requérants, ledit conseil du JET n' étant pas en mesure de dispenser quiconque de l' application du droit communautaire. Il incombait au contraire à la Commission de veiller au strict respect des principes fondamentaux du droit communautaire par le conseil du JET, qui est une entreprise commune financée à plus de 80 % par des fonds communautaires et qui compte l' Euratom parmi ses membres. Par ailleurs, dans son arrêt Ainsworth, la Cour a tenu la Commission pour juridiquement responsable des actes de la direction du JET (voir les points 19 à 27 de l' arrêt).

145 Quant à l' argument selon lequel le recrutement des requérants à titre d' "autre personnel" créerait une nouvelle discrimination, cette fois en défaveur des agents mis à disposition par les membres du JET autres que l' UKAEA, à moins de leur être également rendu accessible, il est dénué de pertinence dès lors qu' il vise, par hypothèse, un type de recrutement dont le Tribunal a déjà constaté qu' il n' était pas accessible aux requérants. En tout état de cause, il appartiendra aux institutions concernées de prévenir l' apparition de toute nouvelle forme d' inégalité de traitement non objectivement justifiée lorsqu' elles prendront les mesures que comporte l' exécution du présent arrêt, conformément à l' article 149 du traité CEEA.

146 Il résulte de ce qui précède qu' aucun des motifs sur lesquels se fondent les décisions attaquées ne les justifient légalement. Ces décisions doivent dès lors être annulées.

V ° Sur les conclusions aux fins d' indemnité

147 Les demandes en indemnité (septième et huitième chefs des conclusions) figuraient déjà dans les réclamations des requérants au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires, lesquelles étaient dirigées contre des actes faisant grief, à savoir les décisions implicites de rejet des demandes d' engagement des requérants comme agents temporaires de la Communauté. Dans ces conditions, les demandes en indemnité doivent être considérées comme introduites dans le cadre de l' article 152 du traité CEEA (179 CE) et des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, dont les dispositions ont été respectées. Par conséquent, ces demandes sont en principe recevables.

148 Il convient toutefois de préciser que la recevabilité du recours en indemnité est limitée à la réparation du préjudice qui est en rapport direct avec l' acte faisant grief en cause, à savoir, en l' espèce, les décisions implicites de rejet des demandes initiales d' engagement des requérants comme agents temporaires de la Commission, introduites en janvier 1993 par les requérants Altmann e.a., et en septembre/octobre 1993 par les requérants Casson e.a. Ces recours doivent par contre être rejetés comme irrecevables, faute pour les requérants d' avoir respecté la procédure précontentieuse en deux étapes prévue par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, dans la mesure où ils tendent à la réparation du préjudice découlant d' un comportement de la Commission indépendant des actes faisant grief en cause, à savoir les rejets de ces demandes initiales (voir, en dernier lieu, l' arrêt du Tribunal du 1er décembre 1994, Schneider/Commission, T-54/92, RecFP p. II-887, et l' ordonnance du Tribunal du 11 mai 1995, Moat/Commission, T-569/93, RecFP p. II-305, point 25).

149 Quant à la possibilité pour les requérants de fonder également leurs recours en indemnité sur les articles 188, paragraphe 2, du traité CEEA et 215, paragraphe 2, du traité CE, il convient de rappeler qu' un litige entre un fonctionnaire et l' institution dont il dépend ou dépendait, et visant à la réparation d' un dommage, se meut, lorsqu' il trouve son origine dans le lien d' emploi qui unit l' intéressé à l' institution, dans le cadre de l' article 152 du traité CEEA (179 CE) et des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires et se trouve, en ce qui concerne, notamment, sa recevabilité, en dehors du champ d' application des articles 151 et 188 du traité CEEA (178 et 215 CE) (arrêts de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhart/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, et du 17 février 1977, Reinarz/Commission et Conseil, 48/76, Rec. p. 291, 297). La compétence du juge communautaire, à l' égard des personnes qui revendiquent la qualité de fonctionnaire ou d' agent autre que local des Communautés, étant fondée sur l' article 152 du traité CEEA (179 CE) (arrêt de la Cour du 11 mars 1975, Porrini e.a./CEEA e.a., 65/74, Rec. p. 319, et arrêt Ainsworth), elle est elle aussi contenue, comme le prévoit ledit article, dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable aux agents des Communautés (voir, en ce sens, les conclusions de l' avocat général M. Mischo sous l' arrêt Ainsworth, p. 196 à 201). Au surplus, par l' introduction d' une demande et d' une réclamation, les requérants ont eux-mêmes suivi la voie tracée par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, et c' est donc au regard de ces dernières dispositions qu' il y a lieu d' apprécier la recevabilité de leurs recours (arrêt Meyer-Burckhart/Commission, précité, point 8).

150 Quant à l' argument tiré de ce que c' est le Conseil, et non la Commission, qui a arrêté la décision 78/471, précitée, constituant le JET et adoptant ses statuts, il ne saurait être opposé au droit des requérants de diriger leurs recours directement contre l' institution dont émane l' acte leur faisant grief. Il résulte en effet de l' article 184 du traité CEEA que seule la Communauté a la personnalité juridique (voir également les articles 152 et 188, deuxième alinéa, du traité CEEA, qui visent uniquement la Communauté, et non ses institutions). S' il est vrai que, dans l' ordre juridique communautaire, il est de l' intérêt d' une bonne administration de la justice, lorsque la responsabilité de la Communauté est engagée par le fait d' une de ses institutions, qu' elle soit représentée devant la Cour par la ou les institutions à qui le fait générateur de responsabilité est reproché (arrêts de la Cour du 13 novembre 1973, Werhahn Hansamuehle e.a./Conseil, 63/72 à 69/72, Rec. p. 1229, point 7, et du 9 novembre 1989, Briantex et Di Domenico/CEE et Commission, 353/88, Rec. p. 3623, point 7), cette circonstance n' est pas de nature à entraîner l' irrecevabilité d' un recours en indemnité, lorsque celui-ci est étroitement lié à un recours en annulation lui-même recevable.

151 Sur le fond, il y a tout d' abord lieu de vérifier si la responsabilité de la Communauté est engagée du fait des actes illégalement adoptés par le Conseil et mis en oeuvre par la Commission.

152 Ainsi que la défenderesse l' a fait valoir à juste titre, les statuts du JET font partie d' un acte législatif, à savoir la décision 78/471, précitée, telle que modifiée par les décisions 88/447, 91/677 et 96/305, précitées. Dans la mesure où les demandes d' indemnisation sont fondées sur l' allégation que ces statuts sont illégaux, il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour qu' une telle illégalité ne suffit pas en elle-même pour engager la responsabilité de la Communauté. Dans un tel cas, cette responsabilité n' est engagée qu' en présence d' une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêts de la Cour du 25 mai 1978, Bayerische HNL e.a./Conseil et Commission, 83/76 et 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209, points 4 à 6, du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238/78, Rec. p. 2955, point 9, et du 5 décembre 1979, Koninklijke Scholten Honig/Conseil et Commission, 143/77, Rec. p. 3583, point 10). Le Tribunal estime qu' il convient d' appliquer par analogie les principes de cette jurisprudence au cas d' espèce, qui relève du contentieux de la fonction publique communautaire, eu égard notamment au large pouvoir dont disposent les institutions pour fixer, par voie de dispositions générales, les règles relatives à la constitution et au fonctionnement des entreprises communes constituées conformément au chapitre 5 du titre II du traité CEEA. Il s' ensuit que la responsabilité de la Communauté ne peut être engagée, en l' espèce, que si l' institution concernée a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s' imposent à l' exercice de ses pouvoirs.

153 Le principe fondamental de l' égalité de traitement est assurément une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (voir l' arrêt Ireks-Arkady/Conseil et Commission, précité, point 11, ainsi que les arrêts de la Cour des 4 octobre 1979, Dumortier Frères e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, et 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061).

154 Le Tribunal considère néanmoins que la violation de ce principe, résultant des statuts, n' est pas suffisamment caractérisée en l' espèce pour engager la responsabilité de la Communauté. Il importe en effet de souligner que la différence de traitement dont se plaignent les requérants était objectivement justifiée dans le contexte initial de la création de l' entreprise commune et que sa validité a été confirmée par la Cour dans l' arrêt Ainsworth, en 1987. Il est vrai que, comme il est exposé au point 130 ci-dessus, le Conseil était en mesure de constater, dès le mois de décembre 1991, des changements de circonstances dont il aurait dû tenir compte lors de l' adoption de la décision 91/677, précitée, puisqu' ils infirmaient le raisonnement tenu par la Cour dans l' arrêt Ainsworth. Eu égard, d' une part, à l' autorité dont sont revêtus les arrêts de la Cour dans l' ordre juridique communautaire, et, d' autre part, au large pouvoir d' appréciation reconnu aux institutions en matière d' organisation et de fonctionnement des entreprises communes, le Tribunal considère toutefois que le Conseil n' a pas méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s' imposent à l' exercice de ses pouvoirs normatifs en maintenant illégalement en vigueur le système de recrutement prévu à l' article 8 des statuts. Dans les circonstances exceptionnelles de l' espèce, où les institutions se sont fondées pour partie sur l' autorité de l' arrêt Ainsworth, dans un contexte factuel complexe et en évolution constante, le Tribunal estime à tout le moins que leur comportement n' est pas de nature à engager la responsabilité de la Communauté, jusqu' à la date du prononcé du présent arrêt qui constate la disparition des justifications objectives à la différence de traitement relevée par la Cour dans ledit arrêt Ainsworth.

155 Par identité de motifs, il y a lieu de considérer que le comportement reproché à la Commission n' est pas de nature à engager la responsabilité de la Communauté dans la mesure où il procède de la mise en oeuvre administrative des statuts. Le Tribunal rappelle, par ailleurs, que c' est à juste titre que la Commission a considéré que les statuts, tels qu' ils sont actuellement libellés, n' autorisent pas en soi le recrutement des requérants comme "autre personnel", au titre de leur article 8.5.

156 Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d' indemnité doivent être rejetées comme non fondées.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

157 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Aux termes de l' article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. En vertu de l' article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

158 La défenderesse ayant succombé en l' essentiel des chefs des recours, et compte tenu également des circonstances particulières ayant entraîné le rejet des conclusions en indemnité, le Tribunal estime qu' il sera fait une juste application de ces principes en la condamnant à supporter, outre ses propres dépens, les dépens des requérants. En application de l' article 87, paragraphe 5, du règlement de procédure, et à défaut de conclusions particulières des parties sur ce point, il convient toutefois de décider que M. D. Hurford, vingt-sixième requérant dans l' affaire T-177/94, supportera ses propres dépens.

159 Conformément à l' article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la partie intervenante supportera ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1) Il est donné acte à M. D. Hurford, vingt-sixième requérant dans l' affaire T-177/94, de son désistement. L' affaire T-177/94 est, pour ce qui le concerne, radiée du registre.

2) Les décisions de la Commission de ne pas recruter les autres requérants sur des postes communautaires temporaires, respectivement datées des 14 janvier et 16 septembre 1994, sont annulées.

3) Les recours sont rejetés pour le surplus.

4) La partie défenderesse supportera les dépens des requérants, à l' exception de ceux de M. D. Hurford, ainsi que ses propres dépens. M. D. Hurford et la partie intervenante supporteront chacun leurs propres dépens.