Mots clés
Sommaire

Mots clés

1 Recours en annulation - Qualité pour agir - Personnes morales - Notion - Possession de la personnalité juridique selon le droit national ou reconnaissance par les institutions communautaires en tant qu'entité juridique indépendante

[Traité CE, art. 173; règlement de procédure de la Cour, art. 38, § 5, sous a); règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 5, sous a)]

2 Recours en annulation - Personnes physiques ou morales - Actes les concernant directement et individuellement - Règlement instituant un droit antidumping - Entreprise exportatrice d'un pays tiers visée par l'enquête et ayant participé à celle-ci

(Traité CE, art. 173, alinéa 4)

3 Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Marge de dumping - Détermination de la valeur normale - Importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché - Détermination des «produits similaires» - Échantillonnage - Pouvoir d'appréciation des institutions - Contrôle juridictionnel - Limites

(Règlement du Conseil n_ 2423/88, art. 2, § 5, 12 et 13)

4 Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Fixation des droits antidumping - Institution d'un droit unique pour l'ensemble des importations en provenance d'un pays n'ayant pas une économie de marché - Légalité - Conditions

(Règlement du Conseil n_ 2423/88, art. 2, § 5, 9, 13 et 14, et 13, § 3)

5 Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Fixation des droits antidumping - Traitement individuel des entreprises exportatrices d'un pays n'ayant pas une économie de marché - Conditions - Preuve de l'indépendance des entreprises vis-à-vis de l'État - Pouvoir d'appréciation des institutions - Contrôle juridictionnel - Limites

(Règlement du Conseil n_ 2423/88)

6 Droit communautaire - Principes - Droits de la défense - Respect dans le cadre des procédures administratives - Antidumping - Obligations des institutions de satisfaire les demandes d'informations des entreprises mises en cause - Limites

[Traité CE, art. 214; règlement du Conseil n_ 2423/88, art. 7, § 4, sous b), et 8, § 2 et 3]

Sommaire

7 La recevabilité d'un recours en annulation, introduit par une entité en vertu de l'article 173 du traité, dépend en premier lieu de la qualité de personne morale de celle-ci. Dans le système juridictionnel communautaire, une requérante a la qualité de personne morale si elle a acquis la personnalité juridique en vertu du droit applicable à sa constitution, ou si elle a été traitée par les institutions communautaires comme une entité juridique indépendante.

L'article 38, paragraphe 5, sous a), du règlement de procédure de la Cour et l'article 44, paragraphe 5, sous a), du règlement de procédure du Tribunal disposent, à cet égard, qu'une personne morale de droit privé doit joindre à sa requête ses statuts ou un extrait récent du registre du commerce, ou un extrait récent du registre des associations ou toute autre preuve de son existence juridique. Constitue la preuve de l'existence juridique d'une entité, au sens de ces dispositions, une copie du registre de commerce attestant de son enregistrement en tant que «corporate legal person» détenue par la république populaire de Chine et dotée de la personnalité juridique selon le droit chinois.

En tout état de cause, la qualité de personne juridique indépendante d'une personne morale ne saurait être contestée dès lors que celle-ci a été traitée comme telle par les institutions communautaires au cours de la procédure administrative ayant précédé l'adoption de l'acte attaqué.

8 S'il est vrai que, au regard des critères de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, les règlements instituant des droits antidumping ont effectivement, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques.

Ainsi, les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner directement et individuellement les entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires, et, plus généralement, chaque opérateur économique qui peut démontrer l'existence de certaines qualités qui lui sont particulières et qui le caractérisent, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique.

En outre, la protection juridictionnelle d'entreprises individuelles concernées par un droit antidumping ne saurait être affectée par la seule circonstance que le droit en cause est unique et institué par référence à un État et non par référence à des entreprises individuelles.

Est individuellement concernée par un règlement portant institution d'un droit antidumping une entreprise dont les produits sont frappés d'un droit antidumping, qui a participé à la procédure administrative autant qu'il lui était possible et dont la participation était expressément visée dans le règlement attaqué.

Par ailleurs, cette même entreprise doit être également considérée comme étant directement concernée par le règlement considéré, car un règlement instituant un droit antidumping oblige les autorités douanières des États membres à percevoir le droit institué sans leur laisser une quelconque marge d'appréciation.

9 Dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché, la détermination des «produits similaires» pour calculer la valeur normale en application de l'article 2, paragraphes 5 et 12, du règlement antidumping de base n_ 2423/88 s'inscrit dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont les institutions disposent dans l'analyse de situations économiques complexes. Le même pouvoir d'appréciation est également conféré aux institutions dans l'application de l'article 2, paragraphe 13, du règlement antidumping de base en matière de recours aux techniques d'échantillonnage.

Le contrôle juridictionnel d'une telle appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir.

10 Une politique ayant comme résultat l'institution d'un droit antidumping unique pour tout un pays n'est contraire ni à la lettre, ni à l'objet, ni à l'esprit du règlement antidumping de base n_ 2423/88, si cette politique est nécessaire à la Communauté pour se protéger contre un dumping et contre le risque de contournement des mesures de défense.

En effet, aucune disposition du règlement de base n'interdit l'institution d'un droit antidumping unique pour les pays à commerce d'État:

- l'article 2, paragraphe 5, indique seulement les critères sur la base desquels la valeur normale doit être déterminée dans le cas d'importations en provenance de pays n'ayant pas une économie de marché;

- l'article 2, paragraphe 9, ne concerne que la comparabilité des prix et les ajustements visant à prendre en compte les différences qui affectent cette comparabilité;

- le fait que l'article 2, paragraphe 13, prévoit que, lorsque les prix varient, les prix à l'exportation sont en principe comparés avec la valeur normale sur une base de transaction par transaction n'implique pas qu'un droit antidumping unique ne peut pas être fixé;

- ni l'article 13, paragraphe 3, de ce règlement, ni l'article 8, paragraphe 3, du code antidumping du GATT n'interdisent l'institution d'un droit unique ni n'imposent qu'une marge de dumping soit calculée pour chaque exportateur considéré isolément; ils exigent seulement une correspondance entre le montant du droit, fût-il unique, et la marge de dumping, fût-elle déterminée de manière unique;

- s'il est vrai que l'article 2, paragraphe 14, du règlement de base définit, sous a), la marge de dumping comme le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l'exportation, il dispose cependant sous b), que, lorsque les marges de dumping varient, des moyennes pondérées peuvent être établies;

- enfin, s'il ressort tant de l'économie que de l'objet de l'article 13, paragraphe 2, du règlement de base - qui dispose que les règlements antidumping indiquent en particulier le montant et le type de droit institué, le produit concerné, le pays d'origine ou d'exportation, le nom du fournisseur si cela est possible, et les motifs sur lesquels ils se fondent -, que l'obligation d'indiquer le nom du fournisseur implique en principe l'obligation de fixer un droit antidumping spécifique pour chaque fournisseur, le législateur a toutefois explicitement limité cette obligation de précision aux seuls cas où cela était possible; or, il n'est pas possible d'indiquer le nom de chaque fournisseur si, pour éviter le risque d'un contournement des droits antidumping, il est nécessaire d'instituer un droit unique pour tout un pays, ce qui est le cas lorsque, s'agissant d'un pays à commerce d'État, les institutions communautaires, après avoir examiné la situation des exportateurs concernés, ne sont pas convaincues que ces derniers agissent d'une façon indépendante vis-à-vis de l'État.

S'agissant de l'objet du règlement de base, il est, entre autres, de protéger la Communauté contre les importations qui font l'objet d'un dumping. Quant à l'esprit du règlement, s'il ressort de ses différentes dispositions que la valeur normale et les prix à l'exportation doivent normalement être établis individuellement pour chaque exportateur, cela ne veut cependant pas dire que les institutions communautaires sont obligées de le faire dans chaque cas, ni qu'elles sont obligées d'instituer un droit antidumping individuel pour chaque exportateur. L'esprit du règlement laisse une grande discrétion aux institutions communautaires pour décider quand la solution la plus appropriée est d'accorder un traitement individuel aux exportateurs concernés. Cela ressort, entre autres, de l'article 2, paragraphe 14, sous b), et de l'article 13, paragraphe 2, du règlement de base, qui laissent aux institutions communautaires la possibilité d'instituer une moyenne pondérée des marges de dumping, et donc une marge de dumping unique pour tout un pays, ainsi que d'instituer un droit antidumping unique pour ce pays.

11 La question de savoir si un exportateur d'un pays à commerce d'État agit d'une façon suffisamment indépendante vis-à-vis de cet État pour que, dans le cadre d'une procédure antidumping, lui soit accordé un traitement individuel suppose l'appréciation de situations de faits complexes, qui sont à la fois d'ordre économique, politique et juridique.

A cet égard, et comme pour les questions économiques complexes, les institutions disposent, pour l'évaluation de situations de faits d'ordre politique et juridique dans un pays à commerce d'État, d'un large pouvoir d'appréciation, le contrôle juridictionnel de cette appréciation devant être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de l'absence de détournement de pouvoir.

12 Dans le cadre d'une procédure administrative, telle celle précédant l'institution de droits antidumping, il est satisfait au respect des droits de la défense dès lors que, au cours de la procédure, l'entreprise intéressée est mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que, le cas échéant, sur les documents retenus.

L'obligation d'information qui incombe à la Commission doit toutefois être conciliée avec l'interdiction de divulguer les informations confidentielles, qui résulte, d'une part, de l'article 8, paragraphe 2, du règlement antidumping de base, qui dispose que les institutions communautaires et les États membres, ainsi que leurs agents, ne divulgent pas les informations qu'ils ont reçues en application de ce règlement et pour lesquelles un traitement confidentiel a été demandé par la partie qui les a fournies, sans autorisation expresse de cette dernière, et, d'autre part, des articles 214 du traité et 8, paragraphe 3, du règlement de base, en vertu desquels les institutions communautaires peuvent considérer que certaines informations sont confidentielles si leur divulgation est susceptible d'avoir des conséquences défavorables significatives pour celui qui les a fournies ou en est à la source.