61994A0115

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 22 janvier 1997. - Opel Austria GmbH contre Conseil de l'Union européenne. - Retrait de concessions tarifaires - Accord sur l'Espace économique européen - Obligation du droit international public de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur - Principe de protection de la confiance légitime - Principe de sécurité juridique - Publication au Journal officiel. - Affaire T-115/94.

Recueil de jurisprudence 1997 page II-00039


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Recours en annulation - Acte attaqué - Appréciation de légalité - Critères

(Traité CE, art. 173)

2 Droit international public - Principes - Bonne foi - Droit communautaire - Protection de la confiance légitime - Adoption d'un acte communautaire contraire à un accord international non encore entré en vigueur, mais ayant fait l'objet du dépôt par la Communauté de son instrument d'approbation

3 Accords internationaux - Accords de la Communauté - Effet direct - Conditions - Article 10 de l'accord créant l'Espace économique européen

(Traité CE, art. 228; accord EEE, art. 10)

4 Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Interprétation conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour et du Tribunal - Conditions - Interprétation de l'article 10

(Traité CE, art. 12, 13, 16 et 17; accord EEE, art. 6 et 10)

5 Libre circulation des marchandises - Droits de douane - Taxes d'effet équivalent - Notion

(Traité CE, art. 9 et 12; accord EEE, art. 10)

6 Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de prévisibilité

7 Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de prévisibilité - Coexistence de deux règles de droit contradictoires

8 Droit communautaire - Principes - Sécurité juridique - Réglementation communautaire - Exigences de clarté et de prévisibilité - Actes des institutions - Publication - Date

Sommaire


9 Dans le cadre d'un recours en annulation en vertu de l'article 173 du traité, la légalité de l'acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté, et non pas au moment de son entrée en vigueur.$

10 Le principe de bonne foi, codifié par l'article 18 de la convention de Vienne I, est un principe de droit international coutumier dont l'existence a été reconnue par la Cour internationale de justice, et qui, par conséquent, lie la Communauté. Ce principe est le corollaire, dans le droit international public, du principe de la protection de la confiance légitime, qui fait partie de l'ordre juridique communautaire et dont est en droit de se prévaloir tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées.$

Dans une situation où la Communauté a déposé son instrument d'approbation d'un accord international, et où la date d'entrée en vigueur de cet accord est connue, les opérateurs économiques peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s'opposer à l'adoption par les institutions, dans la période qui précède l'entrée en vigueur de cet accord international, de tout acte contraire aux dispositions de celui-ci produisant, après son entrée en vigueur, un effet direct dans leur chef.$

11 Les accords conclus dans les conditions prévues à l'article 228 du traité CE lient les institutions et les États membres, forment partie intégrante de l'ordre juridique communautaire à partir de leur entrée en vigueur et peuvent produire un effet direct pour autant que leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises.$

L'article 10 de l'accord créant l'Espace économique européen, qui interdit, entre les parties contractantes, les droits de douane à l'importation et à l'exportation ainsi que toutes taxes d'effet équivalent, et qui précise que cette interdiction s'applique aux droits de douane à caractère fiscal, sans préjudice des modalités prévues dans le protocole 5 de l'accord, édicte une règle inconditionnelle et précise assortie d'une seule exception, elle-même inconditionnelle et précise, et produit donc un effet direct.$

12 L'article 6 de l'accord créant l'Espace économique européen doit être interprété en ce sens que, dès lors qu'une disposition de l'accord est identique en substance aux règles correspondantes des traités CE et CECA et des actes arrêtés en application de ces deux traités, elle doit être interprétée conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal antérieure à la date de la signature de l'accord.$

Tel est le cas de l'article 10 de l'accord créant l'Espace économique européen qui est identique, en substance, aux articles 12, 13, 16 et 17 du traité CE.$

13 Une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent, au sens des articles 9 et 12 du traité et au sens de l'article 10 de l'accord créant l'Espace économique européen, alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'État, qu'elle n'exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur, et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale.$

14 Le principe de sécurité juridique exige que la législation communautaire soit certaine et son application prévisible pour les justiciables et que tout acte communautaire qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques. Cet impératif s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'un acte susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'il leur impose.$

15 Un règlement qui crée une situation dans laquelle coexistent deux règles de droit contradictoires quant aux droits imposés à l'importation de certains produits dans la Communauté ne saurait être qualifié de législation communautaire certaine dont l'application est prévisible pour les justiciables, et, de ce fait, viole le principe de la sécurité juridique.$

16 S'il existe une présomption que la date de publication d'un acte communautaire est effectivement celle figurant sur chaque numéro du Journal officiel, en cas de preuve contraire il doit être tenu compte de la date de publication.$

Le Conseil, en antidatant le numéro du Journal officiel dans lequel un acte communautaire est publié, viole le principe de sécurité juridique, puisque, en agissant ainsi, il ne met pas l'intéressé en mesure de connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques.

Parties


Dans l'affaire T-115/94,

Opel Austria GmbH, anciennement General Motors Austria GmbH, société de droit autrichien, établie à Vienne, représentée par Mes Dirk Vandermeersch, avocat au barreau de Bruxelles, et Till Mueller-Ibold, avocat à Francfort-sur-le-Main, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Arendt et Medernach, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

soutenue par

République d'Autriche, représentée initialement par Mme Irène Janisch, Kommissaerin au ministère fédéral de l'Économie, puis par Mme Beatrix Matousek-Horak, Raetin au même ministère, en qualité d'agents, assistée de Me Christian Kremer, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de la république d'Autriche, 3, rue des Bains,

partie intervenante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Bjarne Hoff-Nielsen, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Mes Hans-Juergen Rabe et Georg M. Berrisch, avocats à Hambourg et à Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. John Forman, conseiller juridique, Eric White et Theofanis Christoforou, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CE) n_ 3697/93 du Conseil, du 20 décembre 1993, portant retrait de concessions tarifaires conformément à l'article 23, paragraphe 2, et à l'article 27, paragraphe 3, sous a), de l'accord de libre-échange conclu entre la Communauté et l'Autriche (General Motors Austria) (JO L 343, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(quatrième chambre),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 septembre 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Cadre réglementaire et faits à l'origine du litige

1 Le présent recours vise à l'annulation du règlement (CE) n_ 3697/93 du Conseil, du 20 décembre 1993, portant retrait de concessions tarifaires conformément à l'article 23, paragraphe 2, et à l'article 27, paragraphe 3, sous a), de l'accord de libre-échange conclu entre la Communauté et l'Autriche (General Motors Austria) (JO L 343, p. 1, ci-après «règlement litigieux»). Ce règlement a été adopté sur la base de l'article 113 du traité CE et des dispositions du règlement (CEE) n_ 2837/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, relatif aux mesures de sauvegarde prévues à l'accord entre la Communauté économique européenne et la république d'Autriche (JO L 300, p. 94, ci-après «règlement n_ 2837/72»), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 638/90 du Conseil, du 5 mars 1990 (JO L 74, p. 1).

2 L'article 1er du règlement litigieux dispose:

«Un droit de 4,9 % est rétabli à l'importation des boîtes de vitesse F15 pour voitures, produites par General Motors Austria, relevant du code ex NC 8708 40 10 (code additionnel Taric 8996; autres: code additionnel Taric 8997) et originaires d'Autriche au sens du protocole n_ 3 de l'accord.

Ce droit de 4,9 % est applicable jusqu'à ce que le Conseil, sur proposition de la Commission, conclue que les aides en cause n'exercent plus d'effets de distorsion sur la concurrence et les échanges, ou au maximum pour une durée équivalente à la durée moyenne de l'amortissement fiscal.»

3 La requérante, Opel Austria GmbH, anciennement General Motors Austria GmbH, société de droit autrichien, est une filiale à 100 % de General Motors Corporation, Detroit, société de droit américain. Elle est le seul producteur de boîtes de vitesse F15. Elle les exporte dans la Communauté depuis 1993.

4 Entre 1989 et 1990, le groupe General Motors, dont fait partie la requérante, a constaté qu'il lui fallait créer des capacités de production de culasses de cylindres et d'arbres à cames, ainsi que de boîtes de vitesse manuelles, devant être utilisés dans de nouveaux moteurs, afin de satisfaire les besoins de ses centres de production en Europe.

5 Au cours du processus d'évaluation du site industriel, pendant lequel ont été pris en considération les implantations de General Motors au Japon, au Brésil, en Hongrie et en Autriche, de même qu'un site en Tchécoslovaquie, les autorités autrichiennes ont fait savoir qu'elles envisageraient d'accorder une aide publique à la requérante si l'investissement remplissait certaines conditions posées par le droit autrichien.

6 En mars 1991, la république d'Autriche et la requérante ont informé la Commission de l'intention du gouvernement autrichien d'accorder une aide à la requérante en faveur d'investissements destinés à étendre la production de boîtes de vitesse, d'arbres à cames et de culasses de cylindres dans l'usine de la requérante à Aspern/Vienne.

7 Le 19 mars 1991 s'est tenue une réunion informelle à la Commission, entre des représentants du gouvernement autrichien et de la requérante et des fonctionnaires de la direction générale Concurrence (DG IV) de la Commission. Au cours de cette réunion, a été présenté le projet d'investissement de la requérante et l'aide que la république d'Autriche envisageait de lui accorder. Les fonctionnaires de la DG IV ont ensuite posé un certain nombre de questions au gouvernement autrichien et à la requérante. Le gouvernement autrichien a répondu à ces questions par une télécopie du 20 mars 1991 et la requérante par une télécopie du 21 mars 1991.

8 A la mi-avril 1991, des conversations téléphoniques ont été échangées entre la DG IV et le gouvernement autrichien et entre la DG IV et la requérante.

9 Le gouvernement autrichien a indiqué à la requérante le 26 avril 1991 que l'aide ne se ferait pas attendre et qu'il la considérait compatible avec les articles 23 et 27 de l'accord de libre-échange entre la Communauté et l'Autriche (ci-après «ALE»), conclu en vertu du règlement (CEE) n_ 2836/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, portant conclusion d'un accord entre la Communauté économique européenne et la république d'Autriche et arrêtant des dispositions pour son application (JO L 300, p. 1). Il a autorisé la requérante à entreprendre son investissement bien que les accords sur l'aide n'aient pas été formellement conclus avec le gouvernement.

10 Lors d'une réunion du 22 juillet 1991 entre le vice-président de la Commission, Sir Leon Brittan, et des représentants d'un parti politique autrichien, réunion dont l'objet était l'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne, Sir Leon Brittan aurait, selon le Conseil, incidemment évoqué l'aide accordée à la requérante, pendant un échange avec l'ambassadeur d'Autriche à Bruxelles.

11 Les travaux de terrassement pour la construction des nouvelles installations de la requérante à Aspern/Vienne ont commencé le 27 juillet 1991.

12 La Commission a adopté son avis sur la demande d'adhésion de la république d'Autriche [SEC (91) 1590 final] le 1er août 1991. Dans cet avis, publié dans le Bulletin des Communautés européennes - Supplément n_ 4/92, la Commission mentionnait que, en ce qui concerne les aides d'État, bien que le volume des aides autrichiennes ait connu une réduction au cours des dernières années, l'application des disciplines communautaires devrait se traduire par une évolution significative du système en place en Autriche. A cet égard, elle indiquait notamment: «Les exemples récents d'aide à l'industrie automobile montrent que, même sans disposer d'un régime d'aide sectoriel en faveur de cette industrie, la mobilisation d'instruments comme le Financial Guarantee Act (General Motors) [... rend] impératif un contrôle attentif de l'impact sectoriel des aides autrichiennes.»

13 Le 21 juillet 1992, la requérante a conclu un accord avec la Finanzierungsgarantiegesellschaft accordant une aide de 10 % jusqu'à concurrence d'un plafond de 450 millions de OS pour un investissement total pouvant atteindre un maximum susceptible d'être subventionné de 4,5 milliards de OS. Le 1er décembre 1992, la requérante a conclu un accord similaire avec la ville de Vienne, par lequel elle se voyait octroyer une aide supplémentaire de 5 % jusqu'à concurrence d'un plafond de 225 millions de OS.

14 Au cours du mois d'octobre 1992, la Commission a indiqué verbalement aux autorités autrichiennes que le projet General Motors risquait de créer un problème, qu'elle désirait soulever.

15 Le 21 décembre 1992, le directeur général de la direction générale Relations extérieures (DG I) de la Commission a envoyé une lettre à l'ambassadeur d'Autriche à Bruxelles, informant ce dernier que, d'après les services compétents de la Commission, l'investissement de General Motors à Aspern n'était pas conforme aux dispositions de l'ALE et lui demandant, avant que la Commission saisisse formellement le comité mixte de l'ALE, d'inviter les autorités autrichiennes à prendre position à ce sujet.

16 La Commission a saisi de l'affaire le comité mixte de l'ALE lors de la réunion de celui-ci en date du 25 février 1993. A cette réunion, elle a transmis au gouvernement autrichien des questionnaires datés des 17 et 24 février 1993 ainsi qu'une note d'information datée du 17 février 1993 résumant sa position sur le projet de General Motors à Aspern.

17 Par la suite, des réunions techniques ont eu lieu entre la Commission et la république d'Autriche les 16 mars et 15 avril 1993. Lors de la seconde réunion, à laquelle, à l'invitation du gouvernement autrichien, des représentants de la requérante ont participé, ces derniers ont transmis à la Commission un mémorandum sur la compatibilité avec l'ALE de l'aide accordée par la république d'Autriche.

18 Lors d'une nouvelle réunion entre la Commission et la république d'Autriche, le 21 juin 1993, le gouvernement autrichien a transmis à la Commission un mémorandum de la requérante sur l'intensité de l'aide.

19 Le 29 juin 1993, la Commission a résumé sa position dans une note interne. Cette note a été communiquée à la requérante le 29 novembre 1993.

20 Un troisième mémorandum de la requérante, exposant les considérations politiques relatives à l'aide, a été transmis à la Commission le 15 juillet 1993.

21 Le 22 juillet 1993, la Commission a adopté la proposition du règlement litigieux.

22 Une réunion entre des fonctionnaires de la Commission et des représentants de la république d'Autriche et de la requérante, ces derniers ayant été invités par la république d'Autriche, a eu lieu le 22 novembre 1993. Lors de cette réunion, les fonctionnaires de la Commission ont confirmé que, selon eux, l'aide n'était justifiée ni au titre de l'ALE ni au titre de la réglementation communautaire. Néanmoins, ils ont, selon la requérante, demandé si une partie de l'aide avait été accordée aux fins de la protection de l'environnement, de la recherche et du développement ou de la formation.

23 Par décisions 94/1/CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993, relative à la conclusion de l'accord sur l'Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la république d'Autriche, la république de Finlande, la république d'Islande, la principauté de Liechtenstein, le royaume de Norvège, le royaume de Suède et la Confédération suisse (JO 1994, L 1, p. 1, ci-après «décision 94/1»), et 94/2/CECA, CE du Conseil et de la Commission, de la même date, relative à la conclusion du protocole portant adaptation de l'accord sur l'Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la république d'Autriche, la république de Finlande, la république d'Islande, la principauté de Liechtenstein, le royaume de Norvège et le royaume de Suède (JO 1994, L 1, p. 571, ci-après «décision 94/2»), le Conseil et la Commission ont approuvé, au nom de la Communauté européenne et de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après «accord EEE» ou «accord») et le protocole portant adaptation de l'accord EEE (ci-après «protocole d'adaptation»). Le même jour, les Communautés, comme dernières parties contractantes, ont déposé leurs instruments d'approbation (voir l'information concernant la date d'entrée en vigueur de l'accord sur l'Espace économique européen et du protocole portant adaptation de l'accord sur l'Espace économique européen, JO 1994, L 1, p. 606).

24 Par lettre datée du 14 décembre 1993, la requérante a transmis à la Commission un mémorandum sur la compatibilité de l'aide avec les règles internes de la Communauté concernant les aides d'État relatives à la protection de l'environnement, à la recherche et au développement et à la formation. Le 15 décembre 1993, la Commission a préparé une note d'information contenant des commentaires sur ledit mémorandum. Cette note a été communiquée à la requérante par une lettre datée du 1er février 1994.

25 Le 20 décembre 1993, le Conseil a adopté le règlement litigieux.

26 L'accord EEE est entré en vigueur le 1er janvier 1994.

Procédure

27 Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 21 mars 1994, la requérante a introduit le présent recours.

28 Le président du Tribunal a attribué l'affaire à la deuxième chambre. En date du 7 juillet 1994, le Tribunal a décidé de renvoyer l'affaire devant une chambre composée de trois juges. Par décision du 23 janvier 1995, l'affaire a été attribuée à la quatrième chambre.

29 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 1994, la Commission a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 août 1994, la république d'Autriche a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie requérante. Les demandes en intervention de la Commission et de la république d'Autriche ont été admises respectivement par ordonnances du président de la deuxième chambre des 7 et 20 octobre 1994.

30 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, le Tribunal a posé certaines questions écrites au Conseil et à l'Office des publications officielles des Communautés européennes (ci-après «Office des publications»). Ces derniers ont répondu par lettres déposées au greffe respectivement les 20 août et 26 juillet 1996.

31 La procédure orale s'est déroulée le 19 septembre 1996. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

Conclusions des parties

32 Opel Austria GmbH, partie requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler le règlement litigieux dans sa totalité;

- à titre subsidiaire, l'annuler dans la mesure où il s'applique à la requérante ou dans la mesure où les droits dépassent 1,23 %;

- condamner le Conseil aux dépens.

33 La république d'Autriche, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- faire droit aux conclusions de la requérante;

- condamner le Conseil à supporter les dépens exposés par la république d'Autriche, conformément à l'article 87, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de procédure ou, subsidiairement, condamner le Conseil à supporter les dépens exposés par la république d'Autriche avant qu'elle ne devienne un État membre, ou qui se rapportent à cette période.

34 Le Conseil, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

35 La Commission, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter le recours.

Sur le fond

36 La requérante invoque dix moyens à l'appui de ses conclusions en annulation, tirés en substance:

- d'une violation des articles 10, 26 et 62 de l'accord EEE;

- d'une violation de l'arrangement intérimaire pour préparer l'entrée en vigueur régulière de l'accord EEE et de l'obligation du droit international public de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur;

- d'un détournement de pouvoir, du fait que le Conseil a appliqué des procédures de l'ALE pour retirer des concessions tarifaires accordées en application de l'accord EEE;

- d'une violation de l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après «GATT») et de l'accord relatif à l'interprétation et à l'application des articles VI, XVI et XXIII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [conclu à Genève le 12 avril 1979, IBDD - Supplément n_ 26 (1980), p. 63];

- d'une violation des procédures de consultation et de règlement des différends de l'ALE ainsi que d'une application de mauvaise foi de l'ALE;

- d'une violation des articles 23 et 27 de l'ALE;

- d'une violation du règlement (CEE) n_ 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1) ainsi que du règlement n_ 2837/72;

- d'une violation des droits fondamentaux de la requérante;

- de la compatibilité de l'aide avec les articles 92 et 93 du traité CE;

- d'une insuffisance de motivation du règlement litigieux ou d'erreurs manifestes d'appréciation.

37 Le premier moyen et la deuxième branche du deuxième moyen étant liés, il convient de les examiner ensemble.

Sur le premier moyen et la deuxième branche du deuxième moyen réunis, tirés d'une violation des articles 10, 26 et 62 de l'accord EEE ainsi que de l'obligation du droit international public de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur

38 Ces moyens réunis comportent plusieurs branches. Selon la première branche, le Conseil aurait délibérément antidaté le numéro du Journal officiel des Communautés européennes dans lequel le règlement litigieux a été publié. Les deuxième, troisième et quatrième branches ont trait à une violation, respectivement, des articles 10, 26 et 62 de l'accord EEE. La cinquième est tirée d'une violation de l'obligation du droit international public de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur.

Arguments des parties

39 A titre général, la requérante et la république d'Autriche soutiennent que le règlement litigieux est entré en vigueur après la date d'entrée en vigueur de l'accord EEE (voir points 41 et 42 ci-après) et qu'il doit, par conséquent, être compatible avec cet accord. La requérante prétend que, étant incompatible avec l'accord EEE, il doit être déclaré nul ab initio.

40 Le Conseil et la Commission affirment que la date décisive pour apprécier la validité du règlement litigieux est la date de son adoption. Étant donné que le règlement a été adopté avant l'entrée en vigueur de l'accord EEE, celui-ci ne serait pas applicable au cas d'espèce.

- Sur l'antidate alléguée du numéro du Journal officiel dans lequel le règlement litigieux a été publié

41 La requérante relève que le règlement litigieux précise à son article 2 qu'il entre en vigueur «le jour de sa publication au Journal officiel». Se référant aux arrêts de la Cour du 31 mars 1977, Société pour l'exportation des sucres/Commission (88/76, Rec. p. 709, points 14 et suivants), et du 25 janvier 1979, Racke (98/78, Rec. p. 69, point 15), elle fait observer que le Journal officiel est réputé avoir été publié à la date qu'il porte, mais qu'il peut être établi par les parties qu'il a été publié en fait à une date ultérieure.

42 Bien que le numéro du Journal officiel dans lequel a été publié le règlement litigieux (JO L 343) porte la date du 31 décembre 1993, il aurait en fait été publié le 11 ou le 12 janvier 1994. A l'appui de cette affirmation, la requérante invoque une lettre de l'Office des publications et les constatations formelles d'un huissier de justice luxembourgeois. Le règlement serait donc entré en vigueur au plus tôt le 11 janvier 1994.

43 La requérante reconnaît que, jusqu'à présent, la Cour a considéré que les erreurs concernant la date de publication imprimée sur le Journal officiel n'invalidaient pas l'acte qui y est publié (voir arrêts Société pour l'exportation des sucres/Commission, précité, points 14 et suivants, et Racke, précité, point 15). Cependant, ces arrêts ne concerneraient que des erreurs d'un seul jour ouvrable, commises par l'Office des publications. En revanche, dans la présente affaire, le Conseil ayant délibérément antidaté le numéro du Journal officiel publiant le règlement litigieux, le Tribunal devrait l'annuler pour cette seule raison. En effet, le procédé du Conseil, cherchant à créer l'impression que le règlement était entré en vigueur avant l'accord EEE, serait contraire au principe de bonne administration et porterait également atteinte à la confiance que le public place dans l'authenticité du Journal officiel. Un tel procédé serait particulièrement inadéquat parce que le cadre juridique qui existait le 31 décembre 1993 était entièrement différent de celui en place le 11 janvier 1994. Le Conseil aurait transmis la version originale du règlement litigieux à l'Office des publications en janvier 1994, mais lui aurait néanmoins donné l'instruction de le publier dans un Journal officiel de l'édition 1993.

44 La requérante affirme en outre que l'explication donnée par le Conseil, selon laquelle le retard était dû à une surcharge de travail de fin d'année, n'est pas de nature à exempter l'Office des publications de son obligation d'indiquer correctement la date de la publication effective au Journal officiel. De plus, le procédé utilisé par le Conseil ne serait ni ordinaire ni nécessaire. Trois autres actes adoptés en décembre 1993 auraient quant à eux été publiés au Journal officiel en 1994. Le Conseil aurait ainsi délibérément cherché à publier le règlement litigieux dans un Journal officiel de l'année 1993.

45 La république d'Autriche estime que, indépendamment de la question de savoir si le Journal officiel a été ou non délibérément antidaté, le respect des conditions de publication au Journal officiel est une exigence de forme essentielle. Elle ajoute que la date d'entrée en vigueur du règlement litigieux joue un rôle dans l'examen de sa légalité, puisque l'accord EEE interdit l'instauration de nouveaux droits de douane après son entrée en vigueur.

46 Le Conseil confirme que le règlement litigieux a été publié le 11 janvier 1994, dans un numéro du Journal officiel portant la date du 31 décembre 1993, et que le règlement litigieux est donc entré en vigueur le 11 janvier 1994. Néanmoins, cela ne rendrait pas le règlement nul. Selon la jurisprudence de la Cour (arrêts Société pour l'exportation des sucres/Commission, précité, points 14 et suivants, et Racke, précité, point 15), une erreur concernant la date de publication figurant sur le Journal officiel ne rendrait pas un acte communautaire nul. Le fait d'antidater accidentellement ou délibérément un numéro du Journal officiel ne pourrait entraîner la nullité d'un acte communautaire que dans la mesure où la date d'entrée en vigueur de l'acte serait susceptible de jouer un rôle dans la légalité de cet acte, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.

47 Le Conseil conteste avoir délibérément antidaté la publication au Journal officiel. La mise à disposition tardive du JO L 343 s'expliquerait par le fait qu'à la fin de chaque année civile un très grand nombre d'actes adoptés par les institutions communautaires à la fin du mois de décembre doivent être publiés. De plus, le Conseil n'aurait jamais prétendu que le règlement litigieux est entré en vigueur avant la date réelle de sa publication.

- Sur la prétendue violation de l'article 10 de l'accord EEE

48 La requérante soutient que, en prévoyant que «[u]n droit de 4,9 % est rétabli», le règlement litigieux est, depuis l'entrée en vigueur de l'accord EEE, contraire à l'article 10 de cet accord.

49 Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que les dispositions de l'accord EEE forment partie intégrante de l'ordre juridique communautaire (voir arrêt de la Cour du 30 avril 1974, Haegeman, 181/73, Rec. p. 449, points 3 à 5). L'article 10 de l'accord, qui interdit les droits de douane à l'importation ainsi que toutes taxes d'effet équivalent entre les parties contractantes, correspondrait aux articles 12, 13, 16 et 17 du traité CE. Il serait identique en substance au droit communautaire interne et devrait donc, conformément à l'article 6 de l'accord EEE, être analysé à la lumière de la jurisprudence de la Cour concernant les dispositions du traité CE qui sont identiques en substance.

50 A cet égard, l'article 12 du traité CE serait la disposition correspondant à l'article 10 de l'accord EEE pour ce qui est des droits à l'importation. Or, traitant de l'article 12 du traité CE, la Cour aurait jugé que «les droits de douane sont interdits indépendamment de toute considération du but en vue duquel ils ont été institués, ainsi que de la destination des recettes qu'ils procurent» (arrêt de la Cour du 1er juillet 1969, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, 2/69 et 3/69, Rec. p. 211, point 13; voir aussi arrêt de la Cour du 5 février 1963, Van Gend en Loos, 26/62, Rec. p. 1). La Cour aurait indiqué que cette disposition jouait un rôle central dans l'ensemble des règles visant à établir la libre circulation des marchandises. Cette liberté constituerait non seulement un des buts centraux du traité CE, mais aussi l'un des objectifs principaux de l'accord EEE. Dans le contexte communautaire, la Cour aurait jugé que toute exception à cette règle essentielle doit être clairement prévue dans le traité et qu'elle est d'interprétation stricte (voir arrêts de la Cour du 13 novembre 1964, Commission/Luxembourg et Belgique, 90/63 et 91/63, Rec. p. 1217, et du 20 avril 1978, Commissionnaires réunis, 80/77 et 81/77, Rec. p. 927).

51 La requérante conclut que, conformément à l'article 6 de l'accord EEE, l'article 10 doit être interprété en ce sens que «les droits de douane sont interdits indépendamment de toute considération du but en vue duquel ils ont été institués», c'est-à-dire comme édictant une interdiction générale et absolue.

52 L'accord EEE interdirait le maintien de droits de douane et, a fortiori, l'instauration de tels droits. Or, par l'adoption du règlement litigieux, la Communauté aurait créé un nouveau droit de douane, prenant effet après l'entrée en vigueur de l'accord EEE.

53 S'agissant des différences entre le traité CE et l'accord EEE invoquées par le Conseil pour démontrer que l'article 10 de l'accord EEE doit être interprété différemment de l'article 12 du traité CE, la requérante fait observer qu'elles étaient connues des auteurs de l'accord EEE, qui n'en ont pas moins adopté l'article 6 de l'accord.

54 L'importance d'une interprétation homogène des règles de l'accord EEE et des règles communautaires serait mise en évidence dans l'accord lui-même, en particulier dans son article 1er et dans les quatrième et quinzième alinéas de son préambule.

55 Quant à l'argument du Conseil selon lequel la CE est une union douanière et l'Espace économique européen (ci-après «EEE») une zone de libre-échange, la requérante souligne que cette différence n'a aucune influence sur l'exonération de droits de douane pour les produits originaires des parties contractantes.

56 De même, répondant à l'argument du Conseil selon lequel les clauses de sauvegarde prévues dans l'accord EEE n'ont pas de correspondant dans le traité CE, la requérante fait remarquer que de telles clauses existaient en droit communautaire pendant la période de transition et que, dans l'arrêt Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, ce sont précisément des droits prélevés pendant la période de transition que la Cour a déclarés illégaux. La Cour aurait donc imposé une interdiction inconditionnelle des droits de douane malgré le droit des États membres de recourir à des mesures de sauvegarde dans certaines circonstances.

57 S'agissant de l'argument de la Commission tendant à faire valoir que l'article 10 de l'accord EEE et les dispositions correspondantes du traité CE ne sont pas identiques en substance, la requérante fait observer que l'accord EEE prévoit bien quelques rares exceptions à l'abolition de tous les droits, mais que chaque exception est strictement définie et, en outre, accompagnée d'une clause expresse interdisant que cette exception soit étendue au-delà de ce que ses termes prévoient explicitement. Ainsi, elle relève que la seconde phrase de l'article 10 de l'accord prévoit que les droits de douane à caractère fiscal sont interdits, à l'exception de ceux qui sont mentionnés au protocole 5, et que l'article 26 de l'accord dispose que les droits compensatoires et d'autres mesures de politique commerciale sont interdits, à l'exception de ceux qui sont permis en vertu du protocole 13. De même, les droits adoptés en application de l'article 64 de l'accord pourraient être adoptés parce que cet article constitue une exception à l'article 10 de l'accord.

58 La requérante considère comme non pertinent en l'espèce l'argument de la Commission selon lequel l'ALE reste le seul droit applicable parce que l'accord EEE n'est pas destiné à remédier aux effets de distorsion sur la concurrence et les échanges provoqués par des aides existantes du type de celle en cause en l'espèce. En effet, l'interdiction des droits de douane serait régie par l'accord EEE, que les règles relatives aux aides d'État de l'accord s'appliquent à l'aide ou non.

59 La requérante rejette également l'argument du Conseil selon lequel le droit rétabli par le règlement litigieux est un droit sui generis. Elle fait remarquer que l'accord EEE contient une interdiction générale des droits de douane avec un très petit nombre d'exceptions étroitement définies. Il ne saurait dès lors exister aucune autre exception, non écrite et non spécifiée, à cette règle pour des droits sui generis, puisque, selon les principes d'interprétation généralement admis, les exceptions aux règles générales doivent se fonder sur des dispositions légales expresses, lesquelles doivent être, à leur tour, interprétées restrictivement. La requérante ajoute que, même si le droit instauré par le règlement litigieux devait être distingué des autres droits de douane parce qu'il constitue le retrait d'un avantage accordé en application de l'ALE, cela ne changerait pas sa nature. Les droits de douane resteraient des droits de douane, quelle que soit la raison pour laquelle le Conseil les établit.

60 Enfin, la requérante affirme que, en vertu de son article 120, l'accord EEE prévaut sur l'ALE, puisque l'accord EEE concerne un domaine général et que dans le domaine concerné dans la présente affaire les deux accords couvrent la «même matière». Il serait évident que l'accord EEE traite de l'abolition des droits de douane sur les produits industriels entre les parties, de restrictions dans l'octroi d'aides d'État et des conditions préalables à l'adoption de mesures protectrices. De plus, les objectifs de l'accord EEE seraient plus vastes que ceux de l'ALE.

61 La république d'Autriche fait valoir que, conformément à l'article 6 de l'accord EEE, l'article 10 de cet accord doit être analysé à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative aux dispositions correspondantes du traité CE. En ce qui concerne les différences entre le traité CE et l'accord EEE, elle fait observer que, nonobstant ces différences, la Cour AELE, dans son arrêt du 16 décembre 1994, Restamark (E-1/94, Report of the EFTA Court, 1 January 1994-30 June 1995, p. 15, points 32 à 34, 46, 56, 63 et 64), a implicitement jugé que les articles de l'accord EEE qui sont identiques en substance doivent être interprétés conformément à la jurisprudence applicable des juridictions communautaires. La république d'Autriche soutient en outre que l'accord EEE et l'ALE prévoient l'un et l'autre l'exonération des droits sur les produits industriels, y compris le produit concerné en l'espèce, et que, en vertu de l'article 120 de l'accord EEE, l'ALE a donc cessé d'être applicable depuis le 1er janvier 1994.

62 Le Conseil soutient que le règlement litigieux est compatible avec l'article 10 de l'accord EEE. A cet égard, il fait valoir que, même si, conformément à l'article 6 de l'accord EEE, l'article 10 doit en principe être interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour concernant les dispositions correspondantes du traité CE, et notamment son article 12, il ne peut pas être interprété comme signifiant que «les droits de douane sont interdits indépendamment de toute considération du but en vue duquel ils ont été institués» (arrêt Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, précité, point 13). Selon le Conseil, il existe des différences importantes entre le traité CE et l'accord EEE (voir avis de la Cour du 14 décembre 1991, concernant l'accord EEE, avis 1/91, Rec. p. I-6079, points 13 à 22), différences qui imposent une interprétation différente de l'article 10 dudit accord. Ainsi, l'accord EEE ne viserait pas à établir un marché unique sans frontières intérieures et ses dispositions relatives à la libre circulation des marchandises ne s'appliqueraient qu'aux produits originaires des parties contractantes. Le traité CE constituerait quant à lui une charte constitutionnelle et instaurerait un nouvel ordre juridique, et les dispositions du traité CE régissant la libre circulation et la concurrence ne représenteraient pas une finalité en soi, mais seraient des moyens pour la réalisation des objectifs de l'intégration économique débouchant sur l'établissement d'un marché intérieur et d'une union économique et monétaire dans le but de contribuer à faire progresser concrètement l'Union européenne.

63 Par ailleurs, à la différence du traité CE qui, au terme de la période de transition, ne permettrait pas aux États membres d'adopter des mesures de sauvegarde, l'accord EEE contiendrait à l'article 64 des dispositions permettant aux parties contractantes d'adopter des mesures en vue de remédier à une distorsion de concurrence résultant de l'octroi d'aides d'État par une partie contractante ou de monopoles d'État et, à l'article 26, en liaison avec le protocole 13, des dispositions autorisant l'imposition de droits compensatoires dans les cas où l'acquis communautaire ne serait pas pleinement intégré dans l'accord. A la différence de celles de l'accord EEE, les clauses de sauvegarde du traité CE invoquées par la requérante ne permettraient pas l'adoption de mesures autonomes, mais prévoiraient l'adoption de mesures par le Conseil ou la Commission, ou par un État membre après autorisation spécifique de la Commission.

64 En réponse à l'argument de la requérante selon lequel le fait que la CE est une union douanière et l'EEE une zone de libre-échange n'a pas d'influence sur l'exonération de droits de douane pour les produits originaires des parties contractantes, le Conseil souligne que, dans la Communauté, il n'y a plus de contrôle aux frontières des produits originaires des États membres ou des produits des pays tiers qui ont été mis en libre pratique. Dans l'EEE, au contraire, même les produits originaires des parties contractantes feraient toujours l'objet de contrôles aux frontières, de la part soit de la Communauté, soit des autres parties contractantes.

65 Le Conseil conclut que les parties contractantes peuvent, dans certaines limites, imposer et/ou maintenir des droits, en tant que mesures de sauvegarde destinées à remédier à certaines distorsions de concurrence affectant leurs échanges.

66 Il ajoute que le droit instauré par le règlement litigieux n'est pas un droit normal, mais une mesure de sauvegarde, adoptée conformément aux dispositions de l'ALE. En tant que droit sui generis, il ne relèverait pas de l'article 10 de l'accord EEE, même si l'on interprétait cet article de la manière suggérée par la requérante. Premièrement, le règlement litigieux n'imposerait pas un droit, mais retirerait une concession tarifaire en rétablissant un droit. Deuxièmement, ce droit n'aurait pas d'effet général puisqu'il ne s'applique qu'à un type particulier de boîtes de vitesse, produit par un producteur particulier dans un pays particulier. Troisièmement, le droit aurait été rétabli dans un but précis, à savoir remédier aux distorsions provoquées par l'aide octroyée par la république d'Autriche, lesquelles n'ont pas disparu lorsque l'accord EEE est entré en vigueur. Quatrièmement, le droit aurait été rétabli pour une période précise et limitée.

67 Enfin, en ce qui concerne l'article 120 de l'accord EEE, les droits de douane entre la Communauté et la république d'Autriche auraient été abolis par l'article 3 de l'ALE. L'accord EEE aurait simplement maintenu ces concessions tarifaires accordées au titre de l'ALE, mais n'aurait pas véritablement prévu de concessions tarifaires. Dès lors, les dispositions de l'ALE relatives aux concessions tarifaires n'auraient pas cessé de s'appliquer et, conformément à l'article 120 de l'accord EEE, les droits de douane introduits légalement au titre de l'ALE auraient pu ainsi être maintenus après l'entrée en vigueur de l'accord EEE, qu'ils soient ou non conformes à l'article 10 de cet accord. La situation serait nettement différente de celle prévalant lors de l'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne. En effet, le règlement aurait alors cessé de s'appliquer, puisque l'ALE avait lui aussi cessé de s'appliquer.

68 La Commission fait valoir que l'article 10 de l'accord EEE et les dispositions équivalentes du traité CE ne sont pas identiques en substance et que, par conséquent, l'article 6 de l'accord n'est pas applicable. Il ressortirait de l'article 10 que les droits de douane à caractère fiscal ne sont pas considérés comme relevant d'office de la notion de droits de douane à l'importation et à l'exportation et taxes d'effet équivalent. La situation serait la même pour les droits de douane à caractère de sauvegarde, puisqu'ils ne font pas non plus partie de la politique générale en matière de droits de douane, mais poursuivent leur propre but. Si l'article 10 devait être interprété comme le souhaite la requérante, il serait impossible d'appliquer l'article 64 de l'accord. De plus, dans ce cas, l'article 26 de l'accord ne serait pas nécessaire. Comme l'accord EEE ne serait pas destiné à remédier aux effets de distorsion sur la concurrence et les échanges provoqués par des aides existantes du type de celle en cause en l'espèce, l'ALE resterait le seul droit applicable. La Commission souligne que l'article 120 de l'accord EEE prévoit que cet accord prévaut sur l'ALE uniquement dans la mesure où il régit la même matière. Il permettrait donc de continuer à appliquer certaines dispositions de l'ALE telles que celles que la Communauté a appliquées en l'espèce.

- Sur la prétendue violation de l'article 26 de l'accord EEE

69 La requérante fait valoir que la mesure introduite par le règlement constitue un droit compensatoire et invoque à l'appui de cette affirmation, notamment, la définition de l'article VI, paragraphe 3, dernière phrase, du GATT, selon laquelle un droit compensatoire est «un droit spécial perçu en vue de neutraliser toute prime ou subvention accordée, directement ou indirectement, à la fabrication, à la production ou à l'exportation d'un produit». En conséquence, le règlement litigieux enfreindrait également l'article 26 de l'accord EEE qui, en confirmant spécifiquement le principe général établi à l'article 10 de l'accord, interdirait les droits compensatoires entre les parties contractantes, sauf disposition contraire dans l'accord.

70 Il ressortirait des dispositions du protocole 13 de l'accord, concernant la non-application des mesures antidumping et des mesures compensatoires, que, pour qu'il y ait en l'espèce exception à l'interdiction posée par l'article 26, il faudrait que l'acquis communautaire relatif au commerce des pièces détachées automobiles ne soit pas pleinement intégré dans l'accord, ce qui ne serait pas le cas. Toutes les règles sur les aides d'État applicables au secteur automobile seraient mentionnées expressément dans l'annexe XV à l'accord EEE. Quant aux produits fabriqués par la requérante, ils seraient d'origine autrichienne et relèveraient des chapitres 25 à 97 du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [voir article 8, paragraphes 2 et 3, sous a), de l'accord EEE].

71 La république d'Autriche soutient que le règlement litigieux est contraire à l'article 26 de l'accord EEE. Ce qui importerait serait non pas le nom donné par le Conseil au droit concerné, mais l'objectif réellement poursuivi par celui-ci et l'effet qu'il comporte, c'est-à-dire, en l'espèce, celui d'un droit compensatoire.

72 Le Conseil fait valoir que le règlement litigieux n'impose pas un droit compensatoire, mais retire, en application des articles 23 et 27, paragraphe 3, sous a), de l'ALE, une concession tarifaire qui avait été octroyée à la république d'Autriche conformément à cet accord. Il ne constituerait donc pas une violation de l'article 26 de l'accord EEE.

73 La Commission affirme que le règlement litigieux n'instaure pas des droits compensatoires, mais constitue une mesure de sauvegarde sui generis consistant dans le retrait d'une concession tarifaire en vertu de l'article 113 du traité CE, mesure expressément envisagée par l'ALE en cas de différend non résolu au sujet des règles sur les aides d'État contenues dans cet accord.

- Sur la prétendue violation de l'article 62 de l'accord EEE

74 La requérante fait valoir que l'article 62 de l'accord EEE indique clairement que la compétence de la Communauté en matière d'aides d'État est limitée aux aides accordées par ses États membres. Elle estime dès lors que, le 1er janvier 1994, la Communauté a perdu sa compétence en ce qui concerne les aides octroyées dans les pays de l'AELE. Par conséquent, l'entrée en vigueur du règlement litigieux après cette date serait incompatible avec l'article 62 de l'accord EEE. En avançant l'argument selon lequel il aurait pu adopter le règlement litigieux, en tant que mesure de sauvegarde, sur la base de l'article 64 de l'accord EEE, le Conseil reconnaîtrait qu'il n'a pas respecté la procédure prévue par cet article.

75 Le Conseil fait d'abord observer que le règlement litigieux n'a pas été adopté en vertu de l'accord EEE, mais en vertu de l'ALE. Ensuite, il n'aurait pas déclaré l'aide nulle ou incompatible avec le fonctionnement de l'accord EEE, ce qui ne pourrait en effet être fait que par l'Autorité de surveillance AELE. Dans le contexte de l'accord EEE, la mesure de sauvegarde adoptée par le Conseil aurait été d'un type compatible avec l'article 64 de celui-ci.

- Sur la prétendue violation de l'obligation du droit international public de ne pas priver un traité de son objet et de son but avant son entrée en vigueur

76 La requérante rappelle que l'article 18 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 788, p. 354, ci-après «convention de Vienne I»), ainsi que l'article 18 de la convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales, du 21 mars 1986 (Documents de l'Assemblée générale des Nations unies A/Conf. 129/15 du 20 mars 1986, ci-après «convention de Vienne II»), interdisent à tout État ou organisation internationale d'éluder le caractère contraignant des accords internationaux par des actes adoptés juste avant l'entrée en vigueur d'un accord, qui seraient incompatibles avec des principes fondamentaux de cet accord. Elle expose que ces dispositions prévoient plus spécialement que, au cours de la période comprise entre la signature d'un accord international et son entrée en vigueur, un État «doit s'abstenir d'actes qui priveraient [cet accord] de son objet et de son but».

77 Il serait généralement admis que la convention de Vienne I codifie certaines règles du droit international coutumier s'imposant à tous et que, partant, la Communauté est liée par ces règles codifiées par la convention. Cela serait confirmé par le fait que la Cour a invoqué plusieurs fois des dispositions de la convention dans son interprétation d'accords internationaux conclus par la Communauté, y compris l'ALE (voir, notamment, avis 1/91, précité, point 14, et arrêt de la Cour du 1er juillet 1993, Metalsa, C-312/91, Rec. p. I-3751, point 12).

78 En outre, l'article 18 de la convention de Vienne I et l'article 18 de la convention de Vienne II constitueraient l'expression du principe général de la protection de la confiance légitime dans le droit international public, principe en vertu duquel un sujet de droit international pourrait, dans certaines conditions, être lié par la confiance créée par ses actes dans le chef d'autres sujets de droit international.

79 La requérante récuse l'argument du Conseil selon lequel l'article 18 de la convention de Vienne I ne saurait conférer aux particuliers des droits qu'ils pourraient invoquer devant le Tribunal. En premier lieu, l'argument tiré de l'absence d'effet direct serait sans pertinence dans les procédures engagées au titre de l'article 173 du traité CE. Les accords internationaux feraient partie intégrante de l'ordre juridique communautaire et il appartiendrait aux institutions communautaires, y compris la Cour et le Tribunal, de veiller à leur respect. Le fait que certains accords internationaux ne sont pas directement applicables n'aurait aucune incidence sur l'obligation de la Communauté de veiller à leur respect (voir arrêts de la Cour du 10 juillet 1984, STS/Commission, 126/83, Rec. p. 2769, du 22 juin 1989, Fediol/Commission, 70/87, Rec. p. 1781, point 20, du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, point 31, ainsi que les conclusions de l'avocat général M. Lenz sous cet arrêt, point 53, et les conclusions de l'avocat général M. Gulmann, sous l'arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, points 135 et 137). En deuxième lieu, l'article 18 de la convention de Vienne I contiendrait une interdiction univoque et inconditionnelle d'actes qui sont incompatibles avec l'objet et le but d'un accord international.

80 Il en résulterait que, entre la date de la signature et la date de l'entrée en vigueur de l'accord EEE, la Communauté était tenue de ne pas prendre des mesures susceptibles de compromettre la réalisation de l'objet et du but de l'accord. Cette obligation aurait dû jouer un rôle encore plus important après la ratification de l'accord par toutes les parties contractantes.

81 A cet égard, la requérante fait observer que le processus de ratification s'est terminé le 13 décembre 1993, lorsque le Conseil et la Commission ont adopté ensemble la décision 94/1, et que des copies certifiées conformes des instruments de ratification, ainsi que la notification de l'information selon laquelle l'accord entrerait en vigueur le 1er janvier 1994, ont été remises aux parties contractantes. Au moment où le règlement litigieux a été adopté, à savoir le 20 décembre 1993, le Conseil aurait donc été bien conscient que l'accord EEE allait entrer en vigueur quelques jours plus tard. Un des objets majeurs de l'accord EEE étant l'abolition des droits de douane entre les parties contractantes, la Communauté aurait compromis la réalisation de l'objet et du but de l'accord EEE en adoptant le règlement litigieux après la fin de la période de ratification.

82 La république d'Autriche affirme que, en adoptant le règlement litigieux avant l'entrée en vigueur de l'accord EEE, mais après que celui-ci eut été ratifié par toutes les parties contractantes, le Conseil a violé les droits de la république d'Autriche ainsi que ceux de ses ressortissants. Le Conseil aurait agi en violation d'un principe général du droit commun aux États membres, à savoir le devoir de bonne foi réciproque entre les parties contractantes avant l'entrée en vigueur d'un accord, principe du droit international public reconnu par l'article 18 de la convention de Vienne I.

83 En outre, invoquant les droits italien, allemand, belge, espagnol et britannique, la république d'Autriche fait valoir qu'il existe également un principe général du droit, commun aux systèmes juridiques des États membres, selon lequel une partie à un contrat comportant des obligations doit agir de bonne foi pour préserver les intérêts des autres parties ou de ses bénéficiaires au cours de la période durant laquelle l'exécution du contrat est suspendue. Ledit principe serait le corollaire du principe de la protection de la confiance légitime. Il devrait donc être érigé par le Tribunal en principe général du droit communautaire. Or, ce principe aurait également été violé par suite de l'adoption du règlement litigieux. La république d'Autriche estime que la requérante, bénéficiaire de l'accord EEE, doit pouvoir invoquer ledit principe.

84 Le Conseil ne conteste pas l'affirmation de la requérante selon laquelle l'article 18 de la convention de Vienne I et l'article 18 de la convention de Vienne II codifient les règles du droit international coutumier, qui lient la Communauté.

85 Néanmoins, il soutient, en premier lieu, qu'il n'a pas violé ces règles, puisque le règlement litigieux est pleinement compatible avec l'accord EEE. Il n'y aurait donc ni acte qui prive l'accord de son objet et de son but ni violation de la confiance légitime de la république d'Autriche.

86 En deuxième lieu, il affirme que les règles invoquées par la requérante relèvent du droit des traités, domaine du droit international qui ne concerne que les droits des États souverains et des organisations internationales ainsi que les relations entre eux. De telles règles ne conféreraient pas aux particuliers des droits qu'ils pourraient invoquer devant le Tribunal. En outre, la disposition concernée ne serait pas suffisamment précise pour être d'applicabilité directe, ce qui vaudrait davantage encore pour le principe de la protection de la confiance légitime.

Appréciation du Tribunal

87 Dans le cadre d'un recours en annulation en vertu de l'article 173 du traité, la légalité de l'acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté (voir arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du Tribunal du 22 octobre 1996, SNCF et British Railways/Commission, T-79/95 et T-80/95, Rec. p. II-0000, point 48).

88 Il convient donc de rejeter l'argument de la requérante selon lequel la légalité du règlement litigieux doit être appréciée au moment de son entrée en vigueur.

89 La requérante prétend par ailleurs que l'accord EEE faisait partie des éléments de fait et de droit existant au moment où le règlement litigieux a été adopté le 20 décembre 1993 et que, en adoptant le règlement litigieux quelques jours avant l'entrée en vigueur de l'accord EEE, le Conseil a violé le principe du droit international public, dit «principe de bonne foi», selon lequel les parties signataires d'un accord international ne peuvent pas adopter, en attendant l'entrée en vigueur de l'accord, des actes qui priveraient cet accord de son objet et de son but.

90 A cet égard, il y a lieu de relever d'abord que le principe de bonne foi est une règle du droit international coutumier dont l'existence a été reconnue par la Cour internationale de justice (voir arrêt du 25 mai 1926, Intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, CPJI, série A, n_ 7, p. 30 et 39) et que, en conséquence, il lie la Communauté.

91 Ce principe a été codifié par l'article 18 de la convention de Vienne I, qui stipule:

«Un État doit s'abstenir d'actes qui priveraient un traité de son objet et de son but:

a) lorsqu'il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d'acceptation ou d'approbation, tant qu'il n'a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité; ou

b) lorsqu'il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l'entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée.»

92 En l'espèce, le règlement litigieux a été adopté par le Conseil le 20 décembre 1993, soit sept jours après que les Communautés, comme dernières parties contractantes, eurent approuvé l'accord EEE et déposé leurs instruments d'approbation (voir ci-dessus point 23). Dans ces conditions, dès le 13 décembre 1993 la date d'entrée en vigueur de l'accord EEE était connue des Communautés. Il ressort en effet de l'article 129, paragraphe 3, de l'accord EEE, tel que remplacé par l'article 6 du protocole d'adaptation, et des articles 1er, paragraphe 1, et 22, paragraphe 3, du protocole d'adaptation que cet accord devait entrer en vigueur le premier jour du mois suivant la dernière notification d'approbation ou de ratification.

93 Il y a lieu d'observer ensuite que le principe de bonne foi est le corollaire, dans le droit international public, du principe de protection de la confiance légitime qui, selon la jurisprudence, fait partie de l'ordre juridique communautaire (voir arrêt de la Cour du 3 mai 1978, Toepfer/Commission, 112/77, Rec. p. 1019, point 19). Le droit de se prévaloir du principe de confiance légitime est ouvert à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 13 juillet 1995, O'Dwyer e.a./Conseil, T-466/93, T-469/93, T-473/93, T-474/93, et T-477/93, Rec. p. II-2071, point 48).

94 Dans une situation où les Communautés ont déposé leurs instruments d'approbation d'un accord international et où la date d'entrée en vigueur de cet accord est connue, les opérateurs économiques peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour s'opposer à l'adoption par les institutions, dans la période qui précède l'entrée en vigueur de cet accord international, de tout acte contraire aux dispositions de celui-ci qui, après son entrée en vigueur, produisent un effet direct dans leur chef.

95 Dès lors, la requérante est en droit d'exiger l'examen de la légalité du règlement litigieux par rapport aux dispositions de l'accord EEE qui, après l'entrée en vigueur de ce dernier, produisent un effet direct.

96 Toutefois, avant de prendre en considération les différents arguments soulevés par la requérante sur ce point, il convient premièrement de vérifier, d'une part, si et dans quelle mesure les dispositions de l'accord EEE se substituent aux dispositions de l'ALE et, d'autre part, si l'accord EEE est applicable aux produits dont il est question dans la présente affaire.

97 Il y a lieu d'observer que l'ALE, qui était applicable au moment des faits et sur la base duquel le règlement litigieux a été adopté, n'était pas résilié ni suspendu au moment de l'entrée en vigueur de l'accord EEE. Cependant, il ressort de l'article 120 de l'accord EEE que l'application des dispositions de celui-ci prévaut sur celle des dispositions de l'ALE, «dans la mesure où la même matière est régie» par l'accord EEE. Or, les dispositions de l'accord EEE concernées dans la présente affaire régissent la même matière que les articles pertinents de l'ALE. L'article 10 de l'accord EEE régit la même matière que les articles 3 et 6 de l'ALE, à savoir les droits de douane à l'importation et les taxes d'effet équivalent. L'article 61 de l'accord EEE, relatif aux aides d'État, est plus spécifique et a une aussi grande portée que l'article 23, paragraphe 1, sous iii), de l'ALE; il est quasi identique à l'article 92 du traité CE. En outre, les dispositions particulières applicables aux aides d'État à l'intérieur de la Communauté sont reprises à l'annexe XV de l'accord EEE. Quant aux procédures prévues à l'article 27, paragraphes 2 et 3, sous a), de l'ALE, il convient de rappeler que, conformément à l'article 108 de l'accord EEE, les États de l'AELE instituent l'Autorité de surveillance AELE et la Cour AELE. Ces deux institutions sont dotées, notamment dans les domaines de la concurrence et des aides d'État, de compétences et de procédures analogues à celles qui existent dans la Communauté dans ces domaines. La répartition des compétences et la coopération entre l'Autorité de surveillance AELE et la Commission dans le domaine des aides d'État sont réglées par l'article 62 de l'accord EEE. Il s'ensuit que, après l'entrée en vigueur de l'accord EEE, l'application desdites dispositions de l'accord prévaut sur celle des dispositions concernées de l'ALE.

98 Dans ce contexte, sans se prononcer sur la compatibilité avec l'ALE ou l'accord EEE de l'aide octroyée par la république d'Autriche, le Tribunal note que le Conseil a mené à terme la procédure prévue par les dispositions de l'ALE relatives aux aides d'État avant d'adopter le règlement litigieux. Cependant, ainsi qu'il résulte du point précédent, après l'entrée en vigueur de l'accord EEE, l'application des dispositions de cet accord relatives aux aides d'État prévaut sur l'application des dispositions correspondantes de l'ALE. A cet égard, l'accord EEE contient ses propres règles et procédures permettant aux parties contractantes d'écarter des aides d'État incompatibles avec le fonctionnement de l'accord.

99 S'agissant de la question de savoir si l'accord est applicable aux produits visés par le règlement litigieux, il n'est pas contesté que ces produits sont originaires des parties contractantes à l'accord EEE et qu'ils relèvent des chapitres 25 à 97 du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Dès lors, en vertu de son article 8, paragraphes 2 et 3, sous a), l'accord EEE est, dès son entrée en vigueur, applicable à ces produits.

100 Deuxièmement, il convient donc d'examiner si, après l'entrée en vigueur de l'accord EEE, son article 10 est susceptible de produire un effet direct.

101 Il ressort de l'article 228, paragraphe 7, du traité CE, que les accords internationaux conclus par la Communauté en conformité avec le traité lient les institutions et les États membres. Il est de jurisprudence constante que les dispositions d'un tel accord forment partie intégrante, à partir de l'entrée en vigueur de l'accord, de l'ordre juridique communautaire (voir arrêt Haegeman, précité, point 5). Il est également de jurisprudence constante que les dispositions d'un tel accord peuvent produire un effet direct si elles sont inconditionnelles et suffisamment précises (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 5 février 1976, Bresciani, 87/75, Rec. p. 129, point 25, et du 26 octobre 1982, Kupferberg, 104/81, Rec. p. 3641, point 23).

102 A cet égard, le Tribunal relève qu'aucun élément du dossier ne fait apparaître que l'accord EEE, conclu par la Communauté sur la base de l'article 238 du traité CE, n'a pas été conclu en conformité avec le traité. Il s'ensuit que, depuis l'entrée en vigueur de l'accord, le 1er janvier 1994, les dispositions de l'accord forment partie intégrante de l'ordre juridique communautaire. Il y a également lieu de rappeler que l'article 10 de l'accord EEE dispose, dans sa première phrase, que les droits de douane à l'importation et à l'exportation, ainsi que toutes taxes d'effet équivalent, sont interdits entre les parties contractantes. Dans sa seconde phrase, le même article précise que, sans préjudice des modalités prévues dans le protocole 5 de l'accord, cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal. Il convient de constater que l'article 10 édicte ainsi une règle inconditionnelle et précise, assortie d'une seule exception, elle-même inconditionnelle et précise. Il s'ensuit que, depuis l'entrée en vigueur de l'accord EEE, cet article produit un effet direct.

103 Troisièmement, il convient de vérifier si le règlement litigieux, en prévoyant le rétablissement d'un droit de 4,9 %, viole l'article 10 de l'accord EEE.

104 L'article 6 de l'accord EEE dispose:

«Sans préjudice de l'évolution future de la jurisprudence, les dispositions du présent accord, dans la mesure où elles sont identiques en substance aux règles correspondantes du traité instituant la Communauté économique européenne, du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier et des actes arrêtés en application de ces deux traités, sont, pour leur mise en oeuvre et leur application, interprétées conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature du présent accord.»

105 Le Conseil fait valoir que, nonobstant cette disposition, l'article 10 de l'accord EEE ne doit pas être interprété de la même manière que les dispositions correspondantes du traité CE, car il existerait des différences importantes entre le traité CE et l'accord EEE (voir point 62 ci-dessus).

106 Cet argument ne saurait être retenu. En effet, il ressort de la jurisprudence que, pour déterminer si l'interprétation d'une disposition figurant dans le traité CE doit être étendue à une disposition identique qui se trouve dans un accord tel que l'accord EEE, il y a lieu d'analyser cette disposition à la lumière tant de l'objet et du but de l'accord que de son contexte (voir arrêts de la Cour du 9 février 1982, Polydor, 270/80, Rec. p. 329, point 8, et du 16 juillet 1992, Legros e.a, C-163/90, Rec. p. I-4625, point 23). Or, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, l'accord EEE a pour objet de favoriser un renforcement continu et équilibré des relations économiques et commerciales entre les parties contractantes, dans des conditions de concurrence égales et le respect des mêmes règles, en vue de créer un EEE homogène. A cet effet, les parties contractantes ont décidé d'éliminer les obstacles pour la quasi-totalité de leurs échanges, en conformité avec les dispositions du GATT relatives à l'établissement de zones de libre-échange.

107 Dans ce contexte, l'accord EEE implique une intégration poussée, dont les objectifs dépassent ceux d'un simple accord de libre-échange. Ainsi, il ressort de l'article 1er, paragraphe 2, que l'EEE comporte, notamment, la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ainsi que l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée et que les règles y afférentes sont respectées de façon égale. Les régles applicables dans les relations entre les parties contractantes dans les domaines couverts par l'accord sont en substance celles des dispositions correspondantes des traités CE et CECA et des actes adoptés en application de ces traités. Le but de l'accord EEE est également d'étendre à l'EEE le droit communautaire à intervenir dans les domaines couverts par l'accord, au fur et à mesure qu'il se crée, se développe ou se modifie et une procédure décisionnelle est prévue à cet effet. L'accord prévoit aussi que les États de l'AELE instituent une autorité de surveillance, l'Autorité de surveillance AELE, disposant de pouvoirs équivalents et de fonctions similaires à ceux exercés par la Commission, ainsi qu'une cour de justice, la Cour AELE. L'article 109 de l'accord EEE précise que l'Autorité de surveillance AELE, d'une part, et la Commission agissant conformément au traité CE, au traité CECA et à l'accord, d'autre part, veillent au respect des obligations découlant de l'accord EEE. Il ressort de l'article 108, paragraphe 2, de l'accord EEE ainsi que de l'accord entre les États de l'AELE, du 2 mai 1992, relatif à l'institution d'une autorité de surveillance et d'une cour de justice (JO 1994, L 344, p. 1, ci-après «accord AELE de surveillance»), que la Cour AELE a des compétences similaires à celles de la Cour et du Tribunal.

108 Ainsi, en instituant une Autorité de surveillance AELE et une Cour AELE, avec des pouvoirs et des compétences similaires à ceux de la Commission et de la Cour, il a été créé un système à deux piliers, dans lequel l'Autorité de surveillance AELE et la Cour AELE veillent à la mise en application de l'accord du côté des États AELE, tandis que la Commission, la Cour et le Tribunal veillent à sa mise en application du côté de la Communauté. Ce système est renforcé par un grand nombre d'éléments qui ont pour objet d'en assurer l'homogénéité. Parmi ces éléments figurent, à côté de la similitude des termes des différentes dispositions de l'accord et des traités CE et CECA, les quatrième et quinzième considérants du préambule et l'article 6 de l'accord EEE, ainsi que, notamment, l'article 3 de l'accord AELE de surveillance. En particulier, en vertu du quatrième considérant du préambule, l'objectif des parties contractantes est d'«établir un Espace économique européen dynamique et homogène fondé sur des règles communes et des conditions de concurrence égales, doté des moyens, entre autres judiciaires, nécessaires à sa mise en oeuvre et reposant sur l'égalité, la réciprocité et l'équilibre général des avantages, des droits et des obligations des parties contractantes». Le quinzième considérant du préambule, ajouté par les parties contractantes après que la Cour, dans son avis 1/91, précité, eut constaté que le système juridictionnel de la première version de l'accord, prévoyant une Cour EEE, était incompatible avec le traité CEE, précise encore que «dans le plein respect de l'indépendance des tribunaux, l'objectif des parties contractantes est d'obtenir et de maintenir une interprétation et une application uniformes du présent accord et de celles des dispositions de la législation communautaire qui sont reproduites en substance dans le présent accord et d'arriver à un traitement égal des individus et des opérateurs économiques en ce qui concerne les quatre libertés et les conditions de concurrence». Ainsi que le Tribunal l'a rappelé au point 104, ci-dessus, l'article 6 de l'accord EEE prévoit que les dispositions de l'accord qui sont identiques en substance aux règles communautaires sont interprétées conformément à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal antérieure à la signature de l'accord. Enfin, il ressort de l'article 3, paragraphe 2, de l'accord AELE de surveillance que l'Autorité de surveillance AELE et la Cour AELE, dans l'interprétation et l'application de l'accord EEE, tiennent dûment compte des principes établis par la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal postérieure à la signature de l'accord EEE (voir arrêts de la Cour AELE, Restamark, précité, points 24, 33 et 34, et du 21 mars 1995, Scottish Salmon Growers Association/Autorité de surveillance AELE, E-2/94, Report of the EFTA Court, 1 January 1994-30 June 1995, p. 59, points 11 et 13).

109 Contrairement à ce que prétend le Conseil, l'importance de l'objectif des parties contractantes de créer un EEE dynamique et homogène pour l'interprétation et l'application de l'accord n'a pas été infirmée par la Cour dans son avis 1/91, précité. Lorsque la Cour a constaté que l'objectif de l'homogénéité dans l'interprétation et l'application du droit dans l'EEE se heurtait aux divergences existantes entre les finalités et le contexte de l'accord, d'une part, et ceux du droit communautaire, d'autre part, cette constatation a été faite dans le cadre de l'examen du système juridictionnel envisagé par l'accord EEE pour savoir si ce dernier était de nature à mettre en cause l'autonomie de l'ordre juridique communautaire dans la poursuite des objectifs qui lui sont propres et non pas dans le cadre de l'examen d'un cas spécifique pour lequel il faut déterminer si une disposition de l'accord EEE, qui est identique en substance à une disposition du droit communautaire, doit être interprétée conformément à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

110 Il découle de ces constatations que l'article 6 de l'accord EEE doit être interprété en ce sens que, dès lors qu'une disposition de l'accord EEE est identique en substance aux règles correspondantes des traités CE et CECA et des actes arrêtés en application de ces deux traités, elle doit être interprétée conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal antérieure à la date de signature de l'accord EEE.

111 Le Tribunal constate ensuite que l'article 10 de l'accord EEE est identique en substance aux articles 12, 13, 16 et 17 du traité CE qui, depuis la fin de la période de transition, interdisent les droits de douane à l'importation et à l'exportation, ainsi que toute taxe d'effet équivalent entre les États membres. Dès lors, en vertu de l'article 6 de l'accord EEE, l'article 10 doit être interprété conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal antérieure à la date de la signature de l'accord.

112 Sur ce point, il convient, en premier lieu, de rejeter l'argument de la Commission tendant à faire valoir que, puisqu'il ressort de l'article 10 de l'accord EEE que les droits de douane à caractère fiscal ne sont pas considérés comme relevant d'office de la notion de droits de douane à l'importation et à l'exportation et taxes d'effet équivalent, cet article et les dispositions correspondantes du traité CE ne sont pas identiques en substance. Il suffit, en effet, de rappeler que le traité CE contient une disposition correspondante, à savoir l'article 17 du traité, qui précise que les interdictions de l'article 9 du traité recevront application même si les droits de douane ont un caractère fiscal et qui a pour objet d'éviter que l'interdiction de droits de douane à l'importation et à l'exportation ainsi que de toutes taxes d'effet équivalent soit contournée (voir arrêt Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, précité, points 8 et 9).

113 En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la Commission, l'interprétation de l'article 10 de l'accord EEE proposée par la requérante ne rend pas l'application de l'article 64 de l'accord EEE impossible. En effet, dans le domaine des aides d'État, cette dernière disposition autorise, sous certaines conditions, l'autorité compétente de la partie contractante affectée par une distorsion de concurrence à adopter des mesures pour compenser les effets de la distorsion. Constituant une exception aux autres dispositions de l'accord EEE, l'article 64 peut donc être appliqué nonobstant les autres dispositions de l'accord. Toutefois, avant que des mesures soient adoptées, la procédure prévue par l'article 64 de l'accord EEE doit avoir été menée à son terme et les conditions qu'il prévoit doivent être remplies.

114 En troisième lieu, les différentes clauses de sauvegarde de l'accord EEE permettant aux parties contractantes de déroger aux dispositions de ce dernier peuvent uniquement être utilisées dans des circonstances déterminées et, en règle générale, après un examen contradictoire au sein du comité mixte de l'EEE. En dehors des situations spécifiques qui peuvent entraîner leur application, ces clauses n'ont aucune incidence sur l'objectif que poursuit l'article 10 dans le cadre de l'accord EEE ni, par conséquent, sur l'interprétation à donner audit article. Cette conclusion est notamment corroborée par le fait que, jusqu'à l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, l'article 115 du traité CEE permettait aux États membres, en cas d'urgence, pendant la période de transition, de prendre eux-mêmes les mesures nécessaires et que, comme l'a fait remarquer à juste titre la requérante, dans l'arrêt Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, précité, la Cour a précisément déclaré illégales des charges pécuniaires prélevées pendant la période de transition.

SUITE DES MOTIFS SOUS LE NUM.DOC: 694A0115.1

115 En quatrième lieu, l'argument de la Commission tendant à faire valoir que l'article 26 de l'accord EEE ne serait pas nécessaire si l'article 10 devait être interprété conformément à la jurisprudence de la Cour doit également être rejeté. En effet, l'article 26 de l'accord EEE prévoit que les mesures antidumping, les droits compensatoires et les mesures sanctionnant les pratiques commerciales illicites imputables à des pays tiers ne s'appliquent pas aux relations entre les parties contractantes, sauf disposition contraire dans l'accord EEE. Le protocole 13 de l'accord, premier alinéa, stipule que l'application de l'article 26 est limitée aux domaines relevant des dispositions de l'accord et pour lesquels l'acquis communautaire est pleinement intégré dans l'accord. Il ressort du second alinéa du même protocole que l'article 26 ne s'applique pas dans des situations où une partie contractante introduit des mesures visant les pays tiers et destinées à éviter que ne soient tournés des mesures antidumping, des droits compensatoires ou des mesures sanctionnant les pratiques commerciales illicites imputables aux pays tiers.

116 L'article 26, en combinaison avec le protocole 13 de l'accord, doit donc être interprété en ce sens qu'il régit les situations dans lesquelles des mesures antidumping, des droits compensatoires ou des mesures sanctionnant les pratiques commerciales illicites imputables à des pays tiers peuvent être introduits par les parties contractantes entre elles, nonobstant les autres dispositions de l'accord EEE. De plus, l'article 26 ne porte pas seulement sur les mesures adoptées sous forme de droits, mais également sur toutes les autres mesures, indépendamment de leur forme, y compris les engagements acceptés par décisions de la Commission en matière de dumping. Par conséquent, l'article 26 de l'accord EEE a sa propre raison d'être, indépendante de celle de l'article 10 de l'accord EEE.

117 Au demeurant, le règlement litigieux n'a pas été adopté pour éviter que des mesures antidumping, des droits compensatoires ou des mesures sanctionnant les pratiques commerciales illicites imputables à des pays tiers soient contournés. Par ailleurs, le domaine des aides d'État relève des articles 61 à 64 de l'accord EEE. De plus, tout l'acquis communautaire dans ce domaine, notamment l'encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile (89/C 123/03, JO C 123, du 18 mai 1989, p. 3), a été intégré dans l'accord. Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les mesures instituées par le règlement litigieux doivent être considérées comme des droits compensatoires, ces mesures ne sauraient non plus être autorisées sur la base de l'article 26 de l'accord EEE.

118 A titre surabondant, il y a lieu de noter que, s'agissant des accords de libre-échange avec les pays de l'AELE, qui ont un objet beaucoup plus restreint que l'accord EEE, la Cour, dans son arrêt Legros e.a., précité (point 26), qui concernait l'article 6 de l'accord entre la Communauté et le royaume de Suède [règlement (CEE) n_ 2838/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, portant conclusion d'un accord entre la Communauté économique européenne et le royaume de Suède (JO L 300, p. 96)], relatif aux taxes d'effet équivalent, a jugé que, dans le cadre de l'objectif visant à éliminer les obstacles aux échanges, la suppression des droits de douane à l'importation joue un rôle primordial, et qu'il en va de même pour la suppression des taxes d'effet équivalent qui, selon la jurisprudence de la Cour, sont étroitement liées aux droits de douane stricto sensu (voir notamment arrêts de la Cour du 13 décembre 1973, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, 37/73 et 38/73, Rec. p. 1609, points 12 et 13, et du 12 février 1992, Leplat, C-260/90, Rec. p. I-643, point 15). La Cour en a conclu que l'accord de libre-échange serait privé d'une partie importante de son effet utile si la notion de taxe d'effet équivalent, figurant dans son article 6, devait être interprétée comme ayant une portée plus restrictive que celle du même terme figurant dans le traité CEE.

119 Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient dès lors d'examiner si le règlement litigieux, après l'entrée en vigueur de l'accord EEE, est contraire à l'article 10 de celui-ci, interprété, en vertu de l'article 6, conformément à la jurisprudence pertinente de la Cour et du Tribunal antérieure à la date de la signature de l'accord EEE.

120 A cet égard, il y a lieu de rejeter l'argument du Conseil selon lequel la mesure introduite par le règlement litigieux ne constitue pas un droit, mais une mesure de sauvegarde sui generis qui, comme telle, ne relève pas de l'article 10 de l'accord EEE. En effet, selon son propre intitulé, le règlement litigieux porte «retrait de concessions tarifaires». En outre, son article 1er dispose que «(u)n droit de 4,9 % est rétabli à l'importation des boîtes de vitesse F15 pour voitures, produites par General Motors Austria», et son vingt-troisième considérant fait état de «l'institution de droits à un niveau égal à celui des droits de douane qui auraient été applicables si [l'ALE] n'était pas entré en vigueur». Enfin, lors de l'audience, le représentant du Conseil, en réponse à une question du Tribunal, a admis que la qualification d'une mesure importe peu, puisque son effet est identique, qu'elle soit qualifiée de droit antidumping, de droit compensatoire, de retrait de concessions tarifaires, d'introduction de droit ou de mesure de sauvegarde sui generis.

121 Il y a lieu de rappeler ensuite que, selon une jurisprudence constante, «une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises nationales ou étrangères à raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent, au sens des articles 9 et 12 du traité, alors même qu'elle ne serait pas perçue au profit de l'État, qu'elle n'exercerait aucun effet discriminatoire ou protecteur, et que le produit imposé ne se trouverait pas en concurrence avec une production nationale» (arrêt du 1er juillet 1969, Sociaal Fonds voor de Diamantarbeiders, précité, point 18).

122 Or, la mesure introduite par le règlement litigieux constitue une charge pécuniaire, unilatéralement imposée par la Communauté, qui frappe les boîtes de vitesse F15 à raison du fait qu'elles franchissent la frontière. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'établir si cette mesure doit être considérée comme un droit de douane à l'importation proprement dit, il y a lieu de constater qu'elle constitue, à tout le moins, une taxe d'effet équivalent au sens de l'article 10 de l'accord EEE. Il en découle que, après l'entrée en vigueur de l'accord EEE, le règlement litigieux était contraire à cet article.

123 Il résulte de ce qui précède que, en adoptant le règlement litigieux dans la période qui précédait l'entrée en vigueur de l'accord EEE, après que les Communautés eurent déposé leurs instruments d'approbation, le Conseil a violé la confiance légitime de la requérante.

124 Au surplus, il ressort de la jurisprudence que la législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Le principe de la sécurité juridique exige que tout acte des institutions qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques. Cet impératif de sécurité juridique s'impose avec une rigueur particulière lorsqu'il s'agit d'un acte susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l'étendue des obligations qu'il leur impose (voir arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand Frères et Garancini, 169/80, Rec. p. 1931, point 17, du 22 février 1984, Kloppenburg, 70/83, Rec. p. 1075, point 11, et du 15 décembre 1987, Irlande/Commission, 325/85, Rec. p. 5041, point 18, et du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T-18/89 et T-24/89, Rec. p. II-53, point 40).

125 Or, en adoptant le règlement litigieux le 20 décembre 1993, à un moment où il savait avec certitude que l'accord EEE allait entrer en vigueur le 1er janvier 1994, le Conseil a sciemment créé une situation dans laquelle, à partir du mois de janvier 1994, coexisteraient deux règles de droit contradictoires, à savoir, d'une part, le règlement litigieux, directement applicable dans les ordres juridiques nationaux, rétablissant un droit de 4,9 % à l'importation des boîtes de vitesse F15 produites par la requérante, et, d'autre part, l'article 10 de l'accord EEE, ayant un effet direct et interdisant les droits de douane à l'importation et toutes taxes d'effet équivalent. Dès lors, le règlement litigieux ne saurait être qualifié de législation communautaire certaine et son application ne saurait être considérée comme prévisible pour les justiciables. Il en découle que le Conseil a également violé le principe de sécurité juridique.

126 Bien que ces deux violations de principes généraux du droit doivent être considérées comme étant en elles-mêmes suffisamment graves pour entraîner l'annulation du règlement litigieux, il convient, à titre complémentaire, de déterminer si, comme le prétend la requérante, le Conseil a délibérément antidaté le numéro du Journal officiel dans lequel ledit règlement a été publié.

127 Le numéro du Journal officiel dans lequel le règlement litigieux a été publié porte la date du 31 décembre 1993. Selon son article 2, le règlement entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel. Toutefois, il ressort des réponses écrites de l'Office des publications aux questions du Tribunal que le Journal officiel du 31 décembre 1993 n'a été rendu disponible au public, au siège de l'Office des publications et dans toutes les langues officielles de la Communauté, que le 11 janvier 1994 à 16 h 45. Or, selon la jurisprudence, s'il existe une présomption que la date de publication est effectivement celle figurant sur chaque numéro du Journal officiel, en cas de preuve contraire il doit être tenu compte de la date de publication effective (voir arrêt Racke, précité, point 15). Il s'ensuit que la date de publication effective du numéro du Journal officiel en cause en l'espèce est le 11 janvier 1994 et que le règlement n'est entré en vigueur qu'à cette dernière date.

128 Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, des documents produits par le Conseil à la demande du Tribunal ainsi que des réponses écrites du Conseil et de l'Office des publications aux questions du Tribunal, que le Conseil a envoyé le règlement litigieux à l'Office des publications le 3 ou le 4 janvier 1994, que dans la note d'accompagnement il a donné l'instruction à l'Office des publications de publier le règlement dans l'édition 1993 du Journal officiel, que cette instruction a été confirmée par le Conseil lors d'un appel téléphonique de l'Office des publications et que ce dernier a reçu le règlement complet par télécopie du 6 janvier 1994.

129 Lors de l'audience, en réponse aux questions du Tribunal, le Conseil a expliqué qu'il n'a jamais prétendu que le règlement litigieux devait entrer en vigueur avant sa publication. A l'époque, l'administration du Conseil, même si elle avait connaissance de la jurisprudence concernant la date de publication effective du Journal officiel (voir ci-dessus point 127), avait pour habitude de donner instruction à l'Office des publications de publier les actes adoptés une certaine année dans l'édition du Journal officiel de la même année. Cette habitude aurait toutefois été modifiée depuis lors.

130 Cependant, sans se prononcer sur la légalité de cette habitude qui doit, à tout le moins, être qualifiée de douteuse, le Tribunal observe que, contrairement à celle-ci, plusieurs actes adoptés par le Conseil en décembre 1993 ont été publiés dans l'édition 1994 du Journal officiel. Il s'agit notamment des décisions 94/1 et 94/2, adoptées le 13 décembre 1993, mais publiées au JO 1994, L 1, portant la date du 3 janvier 1994, ainsi que du règlement (CE) n_ 5/94 du Conseil, du 22 décembre 1993, relatif à la suspension des mesures antidumping appliquées aux pays de l'AELE, publié dans le JO 1994, L 3, portant la date du 5 janvier 1994.

131 Il résulte de ce qui précède que le Conseil a délibérément antidaté le numéro du Journal officiel dans lequel le règlement litigieux a été publié.

132 En agissant ainsi, il a une nouvelle fois violé le principe de sécurité juridique qui, selon la jurisprudence rappelée au point 124 ci-dessus, exige que tout acte des institutions qui produit des effets juridiques soit, non seulement clair et précis, mais également porté à la connaissance de l'intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques.

133 Le comportement de l'administration du Conseil doit être considéré comme particulièrement grave, puisqu'il est contraire aux instructions formelles données par le Conseil lui-même à l'Office des publications et «visant à assurer que la date de publication portée sur chaque numéro du Journal officiel corresponde à la date à laquelle ce numéro est effectivement disponible au public dans toutes les langues audit Office» (voir arrêt Racke, précité, point 15). En outre, comme l'a fait observer à juste titre la requérante, le cadre juridique qui existait le 31 décembre 1993 était différent de celui qui existait après le 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord EEE.

134 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le premier moyen et la deuxième branche du deuxième moyen réunis sont fondés.

135 Dans ces conditions, le règlement litigieux doit être annulé, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres arguments et moyens soulevés par la requérante.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

136 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en ses conclusions et la requérante ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner le Conseil à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la requérante.

137 L'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que les institutions intervenues au litige supportent leurs propres dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens.

138 La république d'Autriche a été admise à intervenir, non pas en vertu de l'article 37, deuxième alinéa, du statut (CE) de la Cour, mais conformément à l'engagement de la Communauté, contenu dans la déclaration «sur les droits des États de l'AELE devant la Cour de justice des CE», annexée à l'accord EEE, et visant à ouvrir des possibilités d'intervention en vertu de l'article 37 du statut de la Cour pour les États de l'AELE et l'Autorité de surveillance AELE devant la Cour de justice «afin de renforcer l'homogénéité juridique au sein de l'EEE» (voir ordonnance du Tribunal du 20 octobre 1994, Opel Austria/Conseil, T-115/94, non publiée au Recueil). Cette déclaration doit être interprétée en ce sens que la Communauté s'est engagée à ouvrir les mêmes possibilités d'intervention aux États de l'AELE et à l'Autorité de surveillance AELE que celles dont disposent les États membres et les institutions communautaires. Il en résulte qu'ils doivent bénéficier des mêmes droits et avoir les mêmes obligations. Or, l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que les États membres intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dans ces conditions, la république d'Autriche supportera ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le règlement (CE) n_ 3697/93 du Conseil, du 20 décembre 1993, portant retrait de concessions tarifaires conformément à l'article 23, paragraphe 2, et à l'article 27, paragraphe 3, sous a), de l'accord de libre-échange conclu entre la Communauté et l'Autriche (General Motors Austria), est annulé.

2) Le Conseil supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de la requérante.

3) La Commission et la république d'Autriche supporteront, chacune, leurs propres dépens.