Mots clés
Sommaire

Mots clés

1 Aides accordées par les États - Notion - Compétence conférée à la Commission et au juge national pour qualifier une mesure nationale d'aide d'État - Absence d'un large pouvoir d'appréciation de la Commission

(Traité CE, art. 92, § 1)

2 Aides accordées par les États - Notion - Réduction de la part prélevée par un État membre sur les recettes des paris engagés, sur les courses de chevaux, par l'organisme chargé, à titre exclusif, de la gestion du pari mutuel dans cet État - Inclusion - Mesure fiscale de nature permanente, de caractère limité et ne visant pas au financement d'une opération ponctuelle - Absence d'incidence

(Traité CE, art. 92, § 1)

3 Aides accordées par les États - Notion - Avantages de trésorerie résultant de l'autorisation de paiement différé des prélèvements sur les recettes des paris engagés sur les courses de chevaux revenant à l'État - Inclusion - Mesure profitant indirectement à d'autres opérateurs économiques - Absence d'incidence

[Traité CE, art. 92, § 1 et 3, sous c)]

4 Recours en annulation - Moyens - Moyens susceptibles d'être soulevés par le plaignant à l'encontre d'une décision finale de la Commission relative à une aide d'État - Moyen portant sur l'omission d'examiner certaines mesures étatiques dénoncées dans la plainte - Mesures n'ayant pas fait l'objet d'une décision d'engagement de la procédure - Absence de prise de position de la Commission non contestée par le plaignant - Irrecevabilité

(Traité CE, art. 93, § 2, 173, alinéa 4, et 175)

5 Aides accordées par les États - Notion - Mesure étatique mettant à la disposition de l'organisme national chargé de la gestion du pari mutuel les gains non réclamés, pour financer des dépenses sociales - Inclusion

(Traité CE, art. 92, § 1)

6 Aides accordées par les États - Interdiction - Dérogations - Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Contrôle juridictionnel - Limites

(Traité CE, art. 92, § 3, et 173)

7 Aides accordées par les États - Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution - Limitation dans le temps de l'obligation de restitution en raison de la confiance légitime du bénéficiaire en la légalité de l'aide, invoquée par les autorités nationales - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 92 et 93)

8 Aides accordées par les États - Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution - Obligations des États membres - Obligation de récupération - Portée - Rétablissement de la situation antérieure - Possibilité pour la Commission de laisser aux autorités nationales la tâche de calculer le montant précis à restituer

(Traité CE, art. 93, § 2)

9 Recours en annulation - Compétence du juge communautaire - Conclusions tendant à obtenir une injonction de réexaminer une plainte - Irrecevabilité

(Traité CE, art. 173 et 176)

Sommaire

1 Pour déterminer l'étendue du contrôle juridictionnel sur les critères choisis par la Commission en vue d'apprécier si une mesure nationale relève ou non du champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, il y a lieu de tenir compte de ce que cette disposition ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets. Il en résulte que la notion d'aide est une notion objective et fonction de la seule question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou certaines entreprises. Par conséquent, la qualification d'une mesure d'aide d'État, qui, selon le traité, incombe tant à la Commission qu'au juge national, ne saurait, en principe, justifier, en l'absence de circonstances particulières dues notamment à la nature complexe de l'intervention étatique en cause, la reconnaissance d'un large pouvoir d'appréciation à la Commission.

2 S'il est vrai que la fiscalité ainsi que la mise en place des régimes fiscaux nationaux relèvent de la compétence des autorités nationales, il n'en reste pas moins que l'exercice d'une telle compétence peut, le cas échéant, se révéler incompatible avec l'article 92, paragraphe 1, du traité.

A cet égard, la Commission ne saurait valablement conclure qu'une mesure fiscale, consistant en la réduction de la part prélevée par un État membre sur les recettes des paris engagés, sur les courses de chevaux, par l'organisme chargé, à titre exclusif, de la gestion du pari mutuel dans cet État, ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, mais une «réforme sous forme d'ajustement fiscal, justifiée par la nature et l'économie du système en cause» au motif que la mesure est de caractère permanent, qu'elle ne vise pas à financer une opération ponctuelle et qu'elle ne constitue qu'une baisse limitée du taux des prélèvements.

En effet, en ce qui concerne le critère ayant trait à la nature permanente de la mesure en question, l'article 92, paragraphe 1, ne distingue pas entre mesures étatiques permanentes et temporaires. De plus, compte tenu de la fréquence des ajustements des taux de fiscalité par les autorités nationales et de la possibilité de tourner une mesure permanente en mesure provisoire, et inversement, l'application d'un tel critère donnerait lieu à de telles incertitudes, lors de l'application de l'article 92, que ce critère ne serait pas conforme au principe de la sécurité juridique.

S'agissant du critère selon lequel la mesure en question ne vise pas à financer une opération ponctuelle, l'article 92, paragraphe 1, ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets.

Enfin, s'agissant du critère relatif au caractère limité de la baisse du taux du prélèvement public décidée par les autorités nationales, l'importance relativement faible d'une aide n'exclut pas a priori l'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

3 La décision d'un État membre d'autoriser l'organisme chargé de la gestion du pari mutuel dans cet État à différer le paiement de la part des prélèvements sur les recettes des paris engagés sur les courses de chevaux qui lui revient ne saurait échapper à la qualification d'aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

En effet, une telle mesure a comme effet d'accorder des avantages financiers à une entreprise et d'améliorer sa situation financière. Si elle peut aussi profiter, indirectement, à plusieurs autres opérateurs dont les activités dépendent de l'activité principale du bénéficiaire direct de la mesure en question, une telle considération ne suffit pas pour conclure qu'elle est une mesure de nature générale n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, mais tout au plus qu'elle peut, éventuellement, bénéficier de la dérogation sectorielle prévue à cet effet par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

4 Le droit pour les tiers de déposer une plainte à la Commission pour violation de l'article 92 du traité, et de l'amener ainsi à ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, à l'encontre de l'État membre concerné et à adopter éventuellement, à l'issue de celle-ci, une décision finale, n'est régi par aucun texte ou disposition du droit dérivé équivalant au règlement n_ 17.

Toutefois, si la Commission décide de rejeter une plainte en adoptant une décision à cet effet, celle-ci doit, en vertu de l'article 190 du traité, être motivée afin de permettre à l'intéressé d'en connaître les justifications et, le cas échéant, de faire valoir ses droits devant le juge communautaire.

Dans une situation où il n'y a pas décision explicite de rejet de la plainte mais, au contraire, adoption d'une décision d'engagement de la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, si le plaignant estime que, ce faisant, la Commission n'a pas pris position sur l'ensemble des mesures étatiques dénoncées dans sa plainte, il peut mettre la Commission en demeure au sens de l'article 175 du traité pour qu'elle prenne position à l'égard des mesures n'ayant pas fait l'objet de cette décision, et s'il estime que la réponse de la Commission à la mise en demeure constitue une prise de position, consistant en un rejet implicite du volet de sa plainte dénonçant ces mesures, il peut introduire un recours en annulation, au titre de l'article 173, paragraphe 4, du traité.

Il en résulte que, faute d'avoir initié et poursuivi la procédure prévue à l'article 175 du traité, ou introduit, dans les délais, un recours en annulation, un plaignant n'est, en tout état de cause, pas recevable à contester, dans le cadre du recours à l'encontre de la décision finale sur les mesures dénoncées, le fait que la Commission, qui n'a pas ouvert la procédure à l'égard de certaines de ces mesures, ne s'est pas prononcée sur celles-ci dans la décision finale.

5 La condition d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité, tenant au transfert des ressources étatiques au profit du bénéficiaire, est remplie lorsqu'un État membre met à la disposition de l'organisme chargé de la gestion du pari mutuel des gains non réclamés, pour financer des dépenses sociales, le législateur dudit État ne faisant ainsi que renoncer effectivement à des ressources qui, autrement, auraient dû être versées au budget de l'État.

Or, dans la mesure où ces ressources sont utilisées pour financer des dépenses sociales, elles constituent une réduction des charges sociales que doit normalement supporter une entreprise, et donc une aide en sa faveur.

6 L'article 92, paragraphe 3, du traité accorde à la Commission un large pouvoir d'appréciation en vue d'adopter une décision portant dérogation à l'interdiction générale du paragraphe 1 dudit article. L'appréciation, dans ce cas, de la compatibilité ou de l'incompatibilité avec le marché commun d'une aide d'État soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l'appréciation de faits et de circonstances économiques complexes et susceptibles de se modifier rapidement.

Le juge communautaire ne pouvant, dans le cadre d'un recours en annulation, substituer son appréciation en fait, notamment sur le plan économique, à celle de l'auteur d'une telle décision, le contrôle que le Tribunal est appelé à exercer sur l'appréciation de la Commission doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté et de l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ou de détournement de pouvoir.

7 Lorsque la Commission constate l'incompatibilité d'une aide d'État avec le marché commun, elle peut enjoindre à l'État membre concerné d'ordonner à l'entreprise bénéficiaire sa restitution, la suppression d'une aide illégale par voie de récupération étant la conséquence logique de cette constatation dans la mesure où elle permet le rétablissement de la situation antérieure.

Dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont elle dispose à cet égard, la Commission ne saurait limiter dans le temps l'obligation des autorités de l'État membre concerné d'exiger la restitution de l'aide au motif que celles-ci invoquent la confiance légitime du bénéficiaire en sa légalité. En effet, il n'incombe pas audit État membre, mais à l'entreprise bénéficiaire, d'invoquer l'existence de circonstances exceptionnelles ayant pu fonder sa confiance légitime afin de s'opposer à la restitution d'une aide illégale, et ceci dans le cadre des procédures devant les autorités étatiques ou le juge national.

8 L'obligation pour un État membre de supprimer, conformément à l'article 93, paragraphe 2, du traité, une aide considérée comme incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure, objectif qui est atteint dès que l'aide en cause, augmentée le cas échéant des intérêts de retard, est restituée par le bénéficiaire à l'État.

Toutefois, aucune disposition du droit communautaire n'exige que la Commission, lorsqu'elle ordonne la restitution d'une aide déclarée incompatible avec le marché commun, détermine le montant de l'aide à restituer, les exigences en la matière se limitant à ce que, d'une part, la récupération des aides illégalement octroyées aboutisse au rétablissement de la situation antérieure, et, d'autre part, cette restitution soit effectuée selon les modalités prévues par le droit national, sans que l'application des dispositions de ce dernier puisse porter atteinte à la portée et à l'efficacité du droit communautaire.

Dans la mesure où, s'agissant d'interventions en matière fiscale, le calcul du montant de l'aide à récupérer peut nécessiter la prise en considération de la législation nationale applicable en la matière, la Commission peut valablement se limiter à constater de manière générale l'obligation pour le bénéficiaire de restituer l'aide en question et laisser aux autorités nationales la tâche de calculer le montant précis de l'aide à restituer.

Loin de constituer une délégation de pouvoir illégale, une telle décision de la Commission s'inscrit dans le cadre plus large de l'obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en oeuvre de l'article 93 du traité.

9 Des conclusions présentées dans le cadre d'un recours en annulation et tendant à ordonner à la Commission le réexamen d'une plainte sont irrecevables. En effet, il n'appartient pas au juge communautaire d'adresser des injonctions aux institutions ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce et il incombe à l'institution concernée de prendre, en vertu de l'article 176 du traité, les mesures que comporte l'exécution d'un arrêt rendu dans le cadre d'un recours en annulation.