ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 octobre 1996

Affaire T-56/94

Raffaele de Santis

contre

Commission des Communautés européennes

«Fonctionnaires — Avis de vacance — Détournement de procédure»

Texte complet en langue française   II-1325

Objet:

Recours ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 16 décembre 1993 portant publication d'un avis de vacance de l'emploi COM/144/93 de chef de l'unité 1 («produits laitiers») de la direction D («organisation des marchés des produits animaux») de la direction générale VI (Agriculture).

Résultat:

Rejet.

Résumé de l'arrêt

Le 16 décembre 1993, la Commission publie l'avis de vacance d'emploi COM/144/93 (avis de vacance litigieux) de chef de l'unité 1 («produits laitiers») de la direction D («organisation des marchés des produits animaux») de la direction générale VI (Agriculture) (VI.D.l), au titre des articles 4 et 29, paragraphe 1, sous a), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (statut). L'avis de vacance litigieux précise que le titulaire de l'emploi sera chargé de diriger et de coordonner les travaux de l'unité VI.D.l. En ce qui concerne les qualifications nécessaires, l'avis de vacance litigieux indique: «Formation agronomique et en économie agricole requise, connaissances approfondies et expérience confirmée de l'organisation commune de marché de produits laitiers. Capacités de gestion indispensables.»

Le 13 janvier 1994, date d'expiration du délai d'enregistrement des candidatures, cinq candidatures sont enregistrées, parmi lesquelles ne figure pas celle du requérant, en raison, selon lui, des qualifications exigées par l'avis de vacance litigieux. Après avoir fixé le niveau du poste au grade A 5/A 4, la Commission nomme audit poste, par voie de mutation, M. J., fonctionnaire de grade A 4 en service auprès de la direction générale de l'agriculture.

Par ordonnance du 11 mars 1994 (T-56/94 R, RecFP p. II-267), le président du Tribunal rejette la demande en référé introduite par le requérant visant à obtenir la suspension de la procédure de pourvoi de cet emploi et réserve les dépens.

Sur le fond

Premier moyen: violation des articles 5, 7, 29 et 45 du statut, ainsi que de son annexe I, et illégalité de la décision du 19 juillet 1988

Le requérant ne saurait d'abord se prévaloir de l'illégalité de la décision du 19 juillet 1988 concernant le pourvoi des emplois d'encadrement intermédiaire en ce qu'elle violerait le principe de la correspondance entre l'emploi et le grade. En effet, il est fonctionnaire de grade A 4. Or, l'avis de vacance litigieux prévoyait le classement ultérieur du candidat nommé au grade A3, A4 ou A5. Le requérant ne saurait dès lors prétendre avoir été victime d'une violation du principe susvisé, puisque l'annonce des grades requis ne l'empêchait pas de poser sa candidature (point 23).

Référence à: Tribunal 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. II-335, points 47 et 48

Comme le requérant invoque la violation des autres dispositions citées dans le premier moyen uniquement pour étayer sa thèse relative à la prétendue illégalité de la décision du 19 juillet 1988, ledit moyen n'a pas non plus d'objet pour autant qu'il se rapporte à ces autres dispositions (point 23).

Ensuite, la prétendue imprécision de l'avis de vacance litigieux n'est pas de nature à faire obstacle au dépôt de la candidature du requérant. En effet, le fait même d'avoir considéré que les exigences imposées dans l'avis de vacance litigieux étaient imprécises implique que le requérant n'a pas pu déterminer avec certitude si l'avis de vacance litigieux ferait obstacle à sa candidature. Dans une telle situation, si le requérant s'était porté candidat, il aurait été en droit de contester l'éventuel rejet de sa candidature en excipant de l'imprécision de l'avis de vacance litigieux. Par conséquent, l'argument du requérant tiré de la prétendue imprécision de l'avis de vacance litigieux est sans objet (point 24).

Enfin, en tout état de cause, ni l'absence d'indication précise du niveau de l'emploi à pourvoir, ni l'utilisation du terme «formation», ni la condition relative aux «capacités de gestion» ne sont des exigences de l'avis de vacance litigieux qui étaient de nature à empêcher le requérant de se porter candidat. Ainsi, le requérant étant fonctionnaire de grade A 4, les précisions de l'avis de vacance litigieux relatives au grade de l'emploi à pourvoir ne faisaient pas obstacle à sa candidature. En ce qui concerne le terme «formation», il signifiait, à première vue, que les fonctionnaires non titulaires d'un diplôme dans les disciplines répertoriées dans l'avis de vacance litigieux, mais en mesure de faire valoir une expérience pratique correspondante, étaient également autorisés à présenter leur candidature. Quant à l'exigence de capacités de gestion, elle n'excluait pas a priori la candidature d'un fonctionnaire ayant déjà occupé le poste de chef d'unité en cause, en remplacement de ce dernier lors de ses absences (point 25).

Second moyen: détournement de pouvoir et violation de l'article 27 du statut

La notion de détournement de pouvoir a une portée précise et se réfère à l'usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (point 37).

Référence à: Tribunal 2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T-106/92, RecFP p. II-99, point 47; Tribunale juin 1995, Allo/Commission, T-496/93, RecFPp. II-405, point 53; Tribunal 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93 RecFP p. II-737, point 62; Tribunal 11 juin 1996, Correia/Commission, T-118/95, RecFPp. II-835, point 25

Selon le requérant, le détournement de pouvoir consiste en l'espèce en certaines exigences particulières imposées dans l'avis de vacance litigieux, dans le seul but de pouvoir nommer un candidat choisi à l'avance, à savoir M. J. (point 38).

Les raisons retenues par la Commission pour justifier l'exigence d'une formation agronomique et en économie agricole dans le chef du futur chef de l'unité VI.D.l contredisent l'existence d'un détournement de pouvoir. En effet, le requérant n'a pas contesté que le secteur des produits laitiers a connu une évolution technologique constante. Dans un tel environnement, la Commission a donc raisonnablement pu considérer qu'un fonctionnaire ayant reçu une formation agronomique et en économie agricole, même si elle n'avait pas été achevée à une date récente, était plus apte à faire face à cette évolution technologique en tant que chef de l'unité VI.D.l qu'un fonctionnaire de formation juridique. En outre, la Commission pouvait invoquer l'accroissement des effectifs du service juridique de la DG VI durant l'exercice des fonctions du précédent chef de l'unité VI.D.l. Deux juristes suivaient ainsi à temps plein les problèmes juridiques rencontrés dans le secteur laitier, de sorte qu'il n'était plus nécessaire que le chef d'unité fût un juriste (point 39).

Aucune contradiction n'existe entre les explications fournies par la Commission à l'occasion de la présente procédure et sa réponse à une question parlementaire ayant trait à cette affaire. Au contraire, dans cette réponse, la Commission a également souligné que la situation au moment de la publication de l'avis de vacance litigieux se différenciait de la situation régnant en 1981, au moment de la dernière vacance du poste de chef de l'unité VI.D. 1, ce qui correspond aux explications fournies paila Commission dans ses mémoires (point 40).

Enfin, l'annonce par la presse spécialisée de la nomination imminente de M. J. en tant que chef de l'unité VI.D.l ne constitue pas non plus un indice objectif et pertinent susceptible de démontrer l'existence d'un détournement de pouvoir. En effet, il ressort des termes mêmes de cet article («Tipped to be the new head of the milk division is [Mr. J.], currently head of the milk quota administration») que cette prétendue annonce rapportait une simple rumeur. En outre, une prévision de la presse spécialisée qui se révèle ensuite exacte ne peut en aucun cas constituer l'indication d'un détournement de pouvoir (point 41).

Il ne saurait dès lors être déduit des éléments qui précèdent que le choix du fonctionnaire à nommer au poste de chef de l'unité VI.D.l avait déjà été arrêté avant le déclenchement de la procédure de pourvoi de l'emploi et que, par conséquent, l'avis de vacance litigieux avait été élaboré pour correspondre aux caractéristiques dudit fonctionnaire (point 42).

En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 27 du statut, à défaut d'un détournement de pouvoir, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir restreint le champ de recherche des candidats au poste de chef de l'unité VI.D.l. Par suite, l'argument du requérant tiré de l'article 27 n'a plus d'objet et doit être rejeté. En tout état de cause, il convient de souligner que le requérant n'a pas apporté d'éléments supplémentaires susceptibles d'étayer cet argument (point 44).

Dispositif:

Le recours est rejeté.


Fonctionnaires — Avis de vacance — Détournement de procédure (ARRÊT DU 16. 10. 1996 — AFFAIRE T-56/94 - DE SANTIS / COMMISSION)   II-1325