Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 26 octobre 1995 - Pesquería Vasco-Montañesa SA (Pevasa) et Compañia Internacional de Pesca y Derivados SA (Inpesca) contre Commission des Communautés européennes. - Pêche - Concours financier communautaire à la construction de navires de pêche - Recours en annulation - Délais - Recours en responsabilité - Recevabilité - Pourvoi manifestement non fondé. - Affaires jointes C-199/94 P et C-200/94 P.
Recueil de jurisprudence 1995 page I-03709
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1. Recours en annulation ° Actes susceptibles de recours ° Notion ° Actes produisant des effets juridiques obligatoires ° Lettre de la Commission rejetant une demande de concours financier communautaire
(Traité CEE, art. 173)
2. Recours en annulation ° Compétence du juge communautaire ° Injonction adressée à une institution ° Inadmissibilité
(Traité CEE, art. 173)
3. Recours en indemnité ° Caractère autonome par rapport au recours en annulation ° Limites
(Traité CEE, art. 173 et 178)
1. Une lettre, rédigée de manière claire et non ambiguë, par laquelle la Commission informe une entreprise ayant présenté une demande de concours financier au titre du règlement n 4028/86, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture, du rejet de sa demande pour insuffisance de moyens budgétaires, constitue un acte produisant, à l' égard de l' intéressée, des effets juridiques qui sont définitifs dès lors que sa demande ne peut plus, en vertu des dispositions pertinentes dudit règlement, être reportée sur un exercice budgétaire ultérieur. Elle vaut notification régulière de la décision qu' elle comporte, de sorte que les délais de recours prévus par l' article 173 commencent à courir au moment où l' entreprise en prend connaissance.
2. Dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l' article 173 du traité, la juridiction communautaire n' est pas compétente pour prononcer des injonctions, même si celles-ci ont trait aux modalités d' exécution de ses arrêts.
3. Si une partie peut agir par le moyen d' une action en responsabilité sans être astreinte par aucun texte à poursuivre l' annulation de l' acte illégal qui lui cause préjudice, elle ne saurait toutefois tourner, par ce biais, l' irrecevabilité d' une demande visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires. Tel serait le cas si une entreprise n' ayant pas, dans les délais, agi en annulation du refus de lui octroyer un concours financier communautaire qu' elle avait sollicité était déclarée recevable à réclamer par la voie du recours en indemnité un montant identique à celui dudit concours, majoré d' intérêts, en invoquant les mêmes moyens d' illégalité que ceux avancés dans un recours en annulation tardif.
Dans les affaires jointes C-199/94 P et C-200/94 P,
Pesquería Vasco-Montañesa SA (Pevasa), société de droit espagnol, établie à Bermeo (Espagne), représentée par Me Maria Iciar Angulo Fuertes, avocat au barreau de Biscaye, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,
et
Compañía Internacional de Pesca y Derivados SA (Inpesca), société de droit espagnol, établie à Bermeo (Espagne), représentée par Me Maria Iciar Angulo Fuertes, avocat au barreau de Biscaye, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Ernest Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,
parties requérantes,
ayant pour objet deux pourvois formés contre l' ordonnance rendue par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (deuxième chambre) du 28 avril 1994 T-452/93 et T-453/93, Pevasa et Inpesca/Commission (Rec. p. II-229), et tendant, en premier lieu, à l' annulation de cette ordonnance, en deuxième lieu, à l' annulation des décisions de la Commission du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, refusant aux requérantes le concours financier qu' elles avaient sollicité au titre du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture (JO L 376, p. 7), en troisième lieu, à ce qu' il soit ordonné à la Commission d' arrêter les mesures nécessaires pour octroyer aux parties requérantes ledit concours financier et, en quatrième lieu, à la condamnation de la Commission à la réparation des préjudices entraînés par son comportement,
l' autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Francisco José Santaolalla Gadea, conseiller juridique principal, et José Luis Iglesias Buhigues, conseiller juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. C. N. Kakouris, président de chambre, G. Hirsch, G. F. Mancini (rapporteur), F. A. Schockweiler et P. J. G. Kapteyn, juges,
avocat général: M. C. O. Lenz,
greffier: M. R. Grass,
l' avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 8 juillet 1994, Pesquería Vasco-Montañesa SA (ci-après "Pevasa") et Compañía Internacional de Pesca y Derivados SA (ci-après "Inpesca") ont formé un pourvoi contre l' ordonnance du Tribunal de première instance du 28 avril 1994, Pevasa et Inpesca/Commission (T-452/93 et T-453/93, Rec. p. II-229), qui a rejeté leurs recours comme irrecevables et les a condamnées aux dépens. Pevasa et Inpesca demandent également à la Cour d' annuler les décisions de la Commission du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991 leur refusant le concours financier qu' elles avaient sollicité au titre du règlement (CEE) n 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l' amélioration et l' adaptation des structures du secteur de la pêche et de l' aquaculture (JO L 376, p. 7, ci-après le "règlement n 4028/86"), d' ordonner à la Commission d' arrêter les mesures nécessaires pour leur octroyer ledit concours financier et de condamner la Commission à la réparation des préjudices entraînés par son comportement.
2 En vertu de l' article 6, paragraphe 1, du règlement n 4028/86, la Commission peut accorder un concours financier communautaire à des projets d' investissement matériel relatifs à l' achat ou à la construction de nouveaux navires de pêche. L' article 35, paragraphe 1, sous a), dudit règlement prévoit que la Commission statue deux fois par an sur les demandes visant à obtenir un tel concours, "la première décision intervenant au plus tard le 30 avril et portant sur les demandes présentées au plus tard le 31 octobre de l' année précédente et la seconde décision intervenant le 31 octobre et portant sur les demandes présentées au plus tard le 31 mars de l' année en cours". Conformément à l' article 37, paragraphe 1, les demandes de concours financier n' ayant pu bénéficier de celui-ci en raison de l' insuffisance des moyens financiers disponibles sont reportées, une seule fois, à l' exercice budgétaire suivant.
3 Il ressort de l' ordonnance attaquée que le 29 juin 1989 la Commission a reçu une demande de concours financier émanant d' Inpesca pour la construction d' un thonier congélateur. Le 31 octobre 1989, elle a reçu une demande similaire de Pevasa.
4 Le 18 décembre 1990, la Commission a envoyé à Inpesca et à Pevasa une lettre identique les informant que leurs projets n' avaient pu bénéficier du concours financier au motif que les moyens budgétaires disponibles pour le financement des projets de 1990 étaient insuffisants.
5 La Commission a admis que ses décisions sur les demandes des requérantes auraient dû intervenir au plus tard le 30 avril 1990. Elle a expliqué qu' en avril 1990 elle avait été obligée de suspendre l' octroi de nouveaux concours au motif que certains États membres ne lui avaient pas transmis toutes les informations nécessaires pour le traitement des demandes présentées. Elle a également indiqué que les demandes des requérantes ont été automatiquement reportées à l' exercice budgétaire 1991, conformément à l' article 37, paragraphe 1, du règlement n 4028/86.
6 En avril 1991, la Commission a décidé de suspendre toute décision sur l' octroi du concours communautaire pour la construction de navires de pêche. Elle a toutefois fait savoir, par communication publiée au Journal officiel du 20 juin 1991 (JO C 160, p. 3), que tous les projets de construction seraient reconsidérés dans le cadre de la préparation des décisions de la Commission lors de la deuxième tranche de l' exercice 1991.
7 Le 8 novembre 1991, la Commission a envoyé aux requérantes des lettres identiques les informant que leurs projets n' avaient pu bénéficier du concours financier au motif que les moyens budgétaires disponibles pour le financement des projets de 1991 étaient insuffisants.
8 Par lettre du 7 janvier 1992, Pevasa a invité la Commission à lui faire savoir si sa demande de concours avait été reportée à l' exercice budgétaire 1992 et à lui notifier, en cas de rejet définitif de celle-ci, les motifs justifiant ce rejet. Inpesca a envoyé une lettre identique à la Commission le 27 janvier 1992.
9 N' ayant pas reçu de réponse à leurs lettres, Pevasa et Inpesca ont mis, respectivement le 18 mars et le 31 mars 1992, la Commission en demeure d' agir au sens de l' article 175 du traité CEE.
10 Par lettres du 18 mai 1992, reçues le 25 mai 1992, la Commision a fait savoir aux requérantes que les lettres des 18 décembre 1990 et 8 novembre 1991 constituaient des notifications motivées de décisions, conformément aux dispositions de l' article 35 du règlement n 4028/86.
11 Par lettres du 21 mai 1992, la Commission a indiqué, d' une part, que, en vertu de l' article 37, paragraphe 1, du même règlement, les demandes de concours communautaire qui n' ont pu être retenues en raison de l' insuffisance des moyens financiers ne peuvent être reportées qu' une seule fois à l' exercice financier suivant. D' autre part, elle a rappelé que la liste des projets bénéficiaires d' un concours communautaire était disponible sur demande et que les intéressés pouvaient donc examiner et, le cas échéant, demander à la Cour de justice de contrôler la légalité de la décision de la Commission d' accorder un financement communautaire par priorité auxdits projets.
12 Le 30 juillet 1992, les requérantes ont introduit un recours fondé sur les articles 173, 174, 176, 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CEE, en vue d' obtenir l' annulation des décisions de la Commission résultant des lettres du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, de voir ordonner à la Commission d' arrêter les mesures nécessaires pour l' octroi du concours financier communautaire qu' elles avaient sollicité et de voir reconnaître leur droit à une indemnisation des préjudices causés par les décisions attaquées.
13 Le 28 avril 1994, le Tribunal a rendu une ordonnance rejetant ces recours comme irrecevables. Il a estimé, en particulier, que, pour autant qu' ils comportent des conclusions aux fins d' annulation, ils ont été introduits bien au-delà du délai de deux mois prévu à l' article 173 du traité, augmenté de dix jours en raison de la distance. Il a jugé que les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission d' arrêter les dispositions nécessaires pour l' octroi du concours sollicité excédaient la compétence conférée à la juridiction communautaire dans le cadre du recours en annulation. Il a considéré que les conclusions aux fins d' indemnité, telles qu' elles résultaient des requêtes, qui visaient à obtenir, à titre d' indemnisation, les intérêts afférents au concours financier sollicité, ne revêtaient pas de caractère autonome, mais étaient subordonnées aux demandes tendant à ce que le Tribunal reconnaisse le droit des requérantes au concours financier et, en raison de l' irrecevabilité de ces dernières, étaient également irrecevables. Enfin, les conclusions aux fins d' indemnité résultant des mémoires en réplique constituaient, selon le Tribunal, des conclusions nouvelles qui ne pouvaient être autorisées en vertu de l' article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.
14 A l' appui des conclusions visant à l' annulation de l' ordonnance du 28 avril 1994, Pevasa et Inpesca ont invoqué, en substance, trois moyens concernant respectivement les différents chefs des conclusions présentées en première instance et rejetées par le Tribunal comme irrecevables. Dans son mémoire en réponse, la Commission a conclu au rejet du pourvoi.
15 En vertu de l' article 119 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou manifestement mal fondé, la Cour peut, à tout moment, le rejeter par voie d' ordonnance motivée.
Sur le premier moyen
16 En ce qui concerne les conclusions visant à l' annulation des décisions de la Commission, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé l' article 173 du traité en estimant que les lettres du 8 novembre 1991 étaient précises et sans équivoque, qu' elles constituaient des actes produisant des effets juridiques définitifs vis-à-vis des requérantes, qu' elles valaient notification régulière des décisions qu' elles comportaient et que, par conséquent, les délais de recours avaient commencé à courir lorsque les requérantes en avaient eu connaissance. Selon les requérantes, le comportement de la Commission aurait été source de confusion, aurait engendré des doutes raisonnables dans leur chef et violé les principes de la sécurité juridique et de la bonne foi. D' abord, les lettres du 8 novembre 1991 auraient été rédigées de manière analogue à celles du 18 décembre 1990, bien que la Commission leur attribuât des effets juridiques différents, les secondes comportant un report des demandes de concours financier à l' exercice budgétaire suivant, alors que les premières entraînaient leur rejet définitif. Ensuite, il aurait été de notoriété publique que la Commission ne respectait pas les dispositions de l' article 37, paragraphe 1, du règlement n 4028/86 prévoyant que les demandes de concours financier peuvent être reportées une seule fois, ainsi que la Cour des comptes l' aurait relevé dans son rapport annuel relatif à l' exercice 1990 (JO C 324, du 13 décembre 1991, p. 1, p. 93). Enfin, le comportement ambigu de la Commission serait confirmé par la circonstance que celle-ci n' a pas répondu aux demandes d' éclaircissements des 7 et 27 janvier 1992 avant que les requérantes l' aient invitée à agir au titre de l' article 175 du traité. Dès lors, la position de la Commission n' aurait été définie de manière claire et certaine que par les lettres du 18 mai 1992, notifiées le 25 mai 1992, date qui constituerait le point de départ pour le calcul du délai de recours prévu par l' article 173.
17 En premier lieu, il convient de constater que les lettres du 8 novembre 1991 indiquent de manière claire et non ambiguee que les demandes de concours financiers avaient été rejetées pour insuffisance des moyens budgétaires. Ainsi que le Tribunal l' a observé à juste titre, le caractère définitif de ces rejets, qui faisaient suite aux décisions analogues du 18 décembre 1990, résulte de l' article 37, paragraphe 1, du règlement n 4028/86, qui autorise un seul report des demandes, et non d' une décision de la Commission. Il s' ensuit, d' une part, que la Commission n' était pas tenue de préciser les conséquences juridiques du second rejet et, d' autre part, que la circonstance que les lettres du 8 novembre 1991 aient été rédigées de manière analogue à celles du 18 décembre 1990 est dépourvue de pertinence.
18 En deuxième lieu, à supposer même qu' il soit établi que la Commission a violé ledit article 37, paragraphe 1, lors de l' examen d' autres demandes, les requérantes ne sauraient se fonder sur de telles illégalités pour affirmer que les conséquences juridiques du rejet résultant des lettres du 8 novembre 1991 étaient incertaines.
19 En troisième lieu, la circonstance que la Commission n' ait pas répondu rapidement aux demandes d' éclaircissements présentées par les requérantes, pour regrettable qu' elle soit, n' est pas de nature à modifier le caractère définitif des décisions litigieuses.
20 Dès lors, le Tribunal a correctement jugé que les lettres du 8 novembre 1991 constituaient des actes produisant des effets juridiques définitifs vis-à-vis des requérantes, qu' elles valaient notification régulière des décisions qu' elles comportaient et que, par conséquent, les délais de recours prévus par l' article 173 ont commencé à courir au moment où les requérantes en ont eu connaissance. De même, il a considéré à juste titre que les mêmes conclusions s' imposaient, pour les mêmes raisons, s' agissant des lettres du 18 décembre 1990.
21 Il s' ensuit que ce premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen
22 En ce qui concerne les conclusions visant à ce que le Tribunal déclare nulles et non avenues les décisions litigieuses et ordonne à la Commission d' arrêter les dispositions nécessaires pour l' octroi du concours sollicité, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé les articles 174 et 176 du traité en ce qu' il a indûment combiné des conclusions distinctes de la requérante, respectivement fondées sur ces deux articles. D' une part, il résulterait de l' article 174 que la décision du Tribunal de faire droit au recours aurait pour conséquence que les actes attaqués doivent être déclarés nuls et non avenus, ce que les requérantes auraient sollicité par la première desdites demandes. D' autre part, il ressortirait de l' article 176 que l' institution dont émane l' acte annulé est tenue d' arrêter les mesures nécessaires en respectant l' arrêt rendu, de sorte que la seconde desdites demandes n' excéderait pas les compétences reconnues par le traité à la juridiction communautaire.
23 En premier lieu, pour autant qu' elles visent à ce que le Tribunal déclare nulles et non avenues les décisions litigieuses, les conclusions présentées par les requérantes en première instance se confondent avec les conclusions aux fins d' annulation que le Tribunal a rejetées comme irrecevables.
24 En second lieu, dans la mesure où lesdites conclusions tendent à ce que le Tribunal ordonne à la Commission d' arrêter certaines mesures, il ressort d' une jurisprudence constante de la Cour (voir, en dernier lieu, arrêt du 5 juillet 1995, Parlement/Conseil, C-21/94, non encore publié au Recueil, point 33) que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l' article 173 du traité, la juridiction communautaire n' est pas compétente pour prononcer des injonctions, même si celles-ci ont trait aux modalités d' exécution de ses arrêts.
25 Dès lors, le deuxième moyen doit être également rejeté.
Sur le troisième moyen
26 En ce qui concerne les conclusions visant à obtenir la réparation des préjudices subis, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé les articles 176, 178 et 215, en effectuant une lecture incomplète, partiale et excessivement formaliste de la demande formulée dans la requête. Celle-ci aurait concerné tant le versement du concours financier, à titre d' indemnisation, que le droit à des intérêts de retard. Dans ce contexte, la demande d' indemnisation se fonderait sur les dispositions combinées des articles 176, 178 et 215 et aurait un caractère autonome et distinct par rapport à la demande d' annulation.
27 A supposer même que les conclusions formulées par les requérantes dans les requêtes présentées en première instance aient porté tant sur une demande d' indemnisation que sur le droit à obtenir le paiement d' intérêts de retard, la Cour a itérativement jugé (voir, notamment, arrêts du 12 novembre 1981, Birke/Commission et Conseil, 543/79, Rec. p. 2669, point 28, et Bruckner/Commission et Conseil, 799/79, Rec. p. 2697, point 19) que, si une partie peut agir par le moyen d' une action en responsabilité sans être astreinte par aucun texte à poursuivre l' annulation de l' acte illégal qui lui cause préjudice, elle ne saurait toutefois tourner par ce biais l' irrecevabilité d' une demande visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires.
28 En l' espèce, les conclusions prétendument présentées aux fins d' indemnité auraient précisément tendu à obtenir des montants identiques à ceux du concours communautaire qui aurait été versé si la Commission avait accueilli les demandes présentées à cet effet par les requérantes, majorés des intérêts de retard, et étaient fondées sur les mêmes moyens d' illégalité avancés dans le cadre des conclusions aux fins d' annulation. Dans ces conditions, il est manifeste que de tels recours en indemnité auraient visé à tourner le délai de recours prévu par l' article 173 et auraient donc constitué un détournement de la procédure instituée par l' article 178 du traité.
29 Il résulte de ce qui précède que l' ensemble des moyens avancés par les requérantes en vue d' obtenir l' annulation de l' ordonnance du Tribunal sont manifestement non fondés. Les autres conclusions des requérantes étant subordonnées à l' annulation de ladite ordonnance, il n' y a pas lieu de les examiner. Dès lors, les pourvois doivent être rejetés en application de l' article 119 du règlement de procédure.
Sur les dépens
30 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
ordonne:
1) Les pourvois sont rejetés.
2) Les requérantes sont condamnées aux dépens.
Fait à Luxembourg, le 26 octobre 1995.