61993J0476

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 23 novembre 1995. - Nutral SpA contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Recours en annulation - Recevabilité. - Affaire C-476/93 P.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-04125


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Agriculture ° Politique agricole commune ° Financement par le FEOGA ° Principes ° Récupération des sommes versées en méconnaissance des règles communautaires et recouvrement a posteriori des droits à l' importation non perçus ° Obligation des États membres de prendre les décisions individuelles nécessaires ° Pouvoir de la Commission de prendre des actes contraignants à l' encontre des opérateurs concernés ° Absence

(Traité CE, art. 209 A; règlements du Conseil n s 729/70, 1697/79 et 595/91)

2. Recours en annulation ° Actes susceptibles de recours ° Notion ° Actes produisant des effets juridiques obligatoires ° Communication adressée par la Commission aux autorités d' un État membre et les invitant à recouvrer certaines sommes non perçues ou indûment versées dans le cadre de la politique agricole commune

(Traité CE, art. 173)

Sommaire


1. Tant en ce qui concerne la récupération des aides relevant de la politique agricole commune versées à tort qu' en ce qui concerne le recouvrement a posteriori des droits à l' importation non perçus, régis respectivement par les règlements n s 729/70 et 1697/79, c' est aux États membres qu' il incombe d' exécuter les réglementations communautaires et de prendre, à l' égard des opérateurs économiques concernés, selon les règles et modalités prévues par la législation nationale, sous réserve des limites établies par le droit communautaire, les décisions individuelles nécessaires.

En outre, s' il est vrai que les modalités de la coopération entre les services de la Commission et les organismes nationaux en vue de renforcer la lutte contre les irrégularités ont été précisées par le règlement n 595/91, compte tenu de l' expérience acquise, ce règlement n' a pas modifié le système de contrôle mis en place par le règlement n 729/70, dans le cadre duquel la Commission n' exerce qu' une fonction complémentaire. Ledit règlement n 595/91 n' a nullement conféré à la Commission le pouvoir de prendre des actes contraignants à l' encontre des opérateurs dans le domaine de la prévention et de la poursuite des irrégularités ou des négligences dans le financement de la politique agricole commune. Il a seulement renforcé le pouvoir d' initiative et les moyens d' information et de contrôle de la Commission en ce domaine.

Enfin, l' article 209 A du traité confirme pleinement que la responsabilité de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté incombe aux États membres.

2. Ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation, au sens de l' article 173 du traité, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant. Tel n' est pas le cas d' une communication qu' adresse la Commission aux autorités d' un État membre, au terme d' une enquête à laquelle elle a été associée, pour les solliciter de procéder, d' une part, à la récupération de certaines aides accordées, au titre du régime établi par une organisation commune des marchés agricoles, à une entreprise, aides que la Commission qualifie d' illégales, et, d' autre part, au recouvrement de certains droits à l' importation, au paiement desquels l' entreprise était tenue.

En effet, l' entreprise concernée ne peut voir sa situation juridique directement affectée que par les mesures produisant des effets juridiques obligatoires à son égard arrêtées par les autorités nationales chargées d' appliquer la réglementation communautaire.

Parties


Dans l' affaire C-476/93 P,

Nutral SpA, dont le siège social est à Casalbuttano, Crémone (Italie), représentée par Mes Emilio Cappelli et Paolo de Caterini, avocats au barreau de Rome, et Me Mario de Bellis, avocat au barreau de Mantoue, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Charles Turk, 13 B, avenue Guillaume,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l' ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 21 octobre 1993, Nutral/Commission (T-492/93 et T-492/93 R, Rec. p. II-1023), et tendant à l' annulation de cette ordonnance,

l' autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Eugenio de March, conseiller juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Alberto Dal Ferro, avocat au barreau de Vicence, ayant élu domicile auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

LA COUR (troisième chambre),

composée de MM. J.-P. Puissochet (rapporteur), président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida et C. Gulmann, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 12 octobre 1995,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 22 décembre 1993, Nutral SpA (ci-après "Nutral") a, en vertu de l' article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l' ordonnance du 21 octobre 1993, Nutral/Commission (T-492/93 et T-492/93 R, Rec. p. II-1023, ci-après l' "ordonnance attaquée"), par laquelle le Tribunal a, d' une part, fait droit à l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission et rejeté le recours de Nutral tendant à l' annulation de la décision de la Commission n SG(93) D/140.082, du 3 mars 1993, ainsi que de tout autre acte préalable, lié ou connexe, se référant particulièrement au rapport d' enquête de l' unité de coordination de la lutte antifraude n SG(92) D/140.028, du 19 janvier 1993 et, d' autre part, rejeté la demande en référé présentée par la requérante.

2 Les constatations suivantes ont été faites par le Tribunal dans son ordonnance:

"1 La requérante est une société spécialisée dans la production, le traitement, l' importation et l' exportation d' aliments pour animaux. Estimant que des irrégularités avaient été commises en ce qui concernait certaines importations effectuées par la requérante, la Commission, par lettre du 6 août 1992, a demandé aux autorités italiennes, conformément à l' article 6 du règlement (CEE) n 595/91 du Conseil, du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l' organisation d' un système d' information dans ce domaine, et abrogeant le règlement (CEE) n 283/72 (JO L 67, p. 11), d' être associée à une enquête portant sur des importations, en provenance d' Autriche, d' une préparation à base de lait écrémé en poudre, appelée 'préparation alimentaire à base de lait écrémé liquide, émulsionnée à l' aide de graisse bovine alimentaire raffinée' .

2 En application des dispositions du règlement (CEE) n 986/68 du Conseil, du 15 juillet 1968, établissant les règles générales relatives à l' octroi des aides pour le lait écrémé et le lait écrémé en poudre destinés à l' alimentation des animaux (JO L 169, p. 4), et du règlement (CEE) n 1725/79 de la Commission, du 26 juillet 1979, relatif aux modalités d' octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des veaux (JO L 199, p. 1, ci-après 'règlement n 1725/79' ), la requérante a bénéficié, entre 1988 et 1991, par l' intermédiaire de l' organisme d' intervention italien, l' Azienda di Stato per gli Interventi sul Mercato Agricola (ci-après 'AIMA' ), des aides communautaires prévues pour le lait écrémé en poudre qui a été dénaturé ou utilisé dans la fabrication d' aliments composés pour animaux.

3 En outre, dans la mesure où ladite préparation, d' une part, présentait une teneur déclarée en matières grasses provenant du lait inférieure à 1,5 % et en protéines provenant du lait inférieure à 2,5 % et, d' autre part, était originaire d' un pays appartenant à l' Association européenne de libre-échange, les lots successivement importés n' ont été assujettis ni à l' imposition d' un droit ad valorem ni à celle d' un 'élément mobile' , auxquelles se trouvent normalement assujetties les marchandises importées de pays tiers, en vertu de l' article 5, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 3033/80 du Conseil, du 11 novembre 1980, déterminant le régime d' échanges applicable à certaines marchandises résultant de la transformation de produits agricoles (JO L 323, p. 1).

4 Par lettre du 19 janvier 1993, le directeur de l' unité de coordination de la lutte antifraude (ci-après l' 'UCLAF' ) a transmis aux autorités italiennes le rapport établi par les agents mandatés par la Commission pour participer à l' enquête susmentionnée. Il leur a demandé de prendre les mesures administratives nécessaires pour garantir la récupération des montants en cause et d' informer la Commission des suites judiciaires du dossier.

5 Selon les conclusions du rapport d' enquête, la préparation importée par la requérante présentait, contrairement à ce qui avait été déclaré, un contenu de protéines du lait supérieur à 2,5 % et aurait donc dû se voir imposer l' 'élément mobile' normalement applicable aux importations en provenance de pays tiers. L' enquête aurait également permis de constater qu' une partie du produit en cause (500 tonnes) provenait, à l' origine, de l' organisme d' intervention allemand et avait déjà bénéficié de la restitution à l' exportation et ne pouvait donc pas bénéficier de l' aide pour le lait écrémé en poudre, conformément à l' article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n 1725/79, précité.

6 Le 26 février 1993, le 'Comando nucleo polizia tributaria di Cremona della guardia di finanza' (ci-après 'guardia di finanza' ) a dressé, à l' encontre de la requérante, un procès-verbal ... 'aux fins de notifier la perception indue d' aides communautaires dans le secteur agricole en ce qui concerne 500 tonnes de lait en poudre, tel qu' indiqué au point 2) des conclusions du rapport d' enquête transmis par lettre SG(92) D/140.028 du 19 janvier 1993 de l' UCLAF' .

7 Le 3 mars 1993, par lettre portant la référence SG(93) D/140.082, le directeur de l' UCLAF a communiqué aux autorités italiennes que:

...

' En vue de mieux préciser ce qui a été indiqué au point 2) des conclusions du rapport d' enquête ... je vous informe que, bien que l' aide pour le lait écrémé transformé en aliments pour animaux ait été légitimement attribuée ... par l' organisme compétent à Nutral, la perception d' une telle aide ... doit être considérée comme illégitime.

Au vu de ce qui précède, les autorités nationales compétentes devront procéder, outre au calcul de l' élément mobile relatif à la totalité du produit importé et à la récupération de l' aide à la transformation relative à la préparation réalisée à partir des 500 tonnes de poudre en provenance d' Ilyichevsk, à la récupération de toute l' aide à la transformation attribuée au lait en poudre dont a bénéficié la préparation importée entre janvier 1988 et le 14 août 1991' .

8 Par lettre du 23 mars 1993 de M. Schmidhuber, membre de la Commission, adressée au ministre des Finances, au ministre de l' Agriculture et des Forêts et au ministre des Politiques communautaires et des Affaires régionales, la Commission, après avoir rappelé ses communications précédentes des 19 janvier et 3 mars 1993, a invité les autorités italiennes compétentes à prendre, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires pour procéder à la récupération des montants en cause, conformément, d' une part, au règlement (CEE) n 1697/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, concernant le recouvrement 'a posteriori' des droits à l' importation ou des droits à l' exportation qui n' ont pas été exigés du redevable pour des marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l' obligation de payer de tels droits (JO L 197, p. 1, ci-après 'règlement n 1697/79' ), et, d' autre part, à l' article 8 du règlement (CEE) n 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13, ci-après 'règlement n 729/70' ).

9 Le 27 avril 1993, la 'guardia di finanza' a dressé, à l' encontre de la requérante, un 'procès-verbal de constatation' relatif aux aides pour le lait écrémé en poudre indûment perçues de l' AIMA entre 1988 et 1991. Une copie du procès-verbal de constatation a été transmise au ministère de l' Agriculture et des Forêts, aux fins que celui-ci émette le 'décret-injonction' prévu par l' article 3 de la loi italienne n 898 du 23 décembre 1986."

3 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 juillet 1993, Nutral a introduit devant la Cour un recours au titre de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, ayant pour objet l' annulation de la décision précitée de la Commission, du 3 mars 1993, ainsi que de tout acte préalable, lié ou connexe, et, par acte séparé déposé au greffe de la Cour le 13 septembre 1993, demandé à la Cour d' ordonner le sursis à l' exécution de la décision. Les deux affaires ont été renvoyées devant le Tribunal par ordonnance du 27 septembre 1993, en application de l' article 4 de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21).

4 En première instance, la Commission a soulevé une exception d' irrecevabilité.

5 Dans une première branche de cette exception, elle a fait valoir que l' acte dont l' annulation était demandée n' était pas une décision attaquable au sens de l' article 173 du traité. Selon cette institution, ni les lettres des 3 et 23 mars 1993 ni le rapport d' enquête ne créaient par eux-mêmes d' obligation à la charge de l' État ou a fortiori de Nutral. L' obligation pour les États membres de recouvrer les sommes non perçues découlait directement des règlements n s 729/70 et 1697/79, précités.

6 Dans la deuxième branche de l' exception d' irrecevabilité, la Commission a soutenu que l' acte attaqué ne concernait pas directement Nutral. Seul un acte de droit interne tel que le procès-verbal dressé par les autorités italiennes et contre lequel la requérante pouvait utiliser les voies de recours offertes par le droit italien était susceptible de lui porter préjudice. La Commission rappelait que la réglementation communautaire s' était inspirée d' un critère strict de séparation entre les compétences de la Commission et celles des États membres.

7 Dans une troisième branche, elle a affirmé que, pour autant qu' il était dirigé contre le rapport d' enquête annexé au procès-verbal du 26 février 1993, le recours de Nutral était formé postérieurement au délai prévu par l' article 173 du traité.

8 Nutral a contesté cette exception en faisant valoir devant le Tribunal que c' était la constatation définitive de l' infraction, formulée sans équivoque et de manière péremptoire dans la lettre attaquée, qui avait lésé ses intérêts. Les autorités italiennes s' étaient en effet ultérieurement limitées à consigner les résultats de l' enquête dans le procès-verbal notifié à la requérante le 27 avril 1993, comportant déjà l' indication des sommes à restituer, et à demander formellement le paiement des montants en cause. Aucune des autorités compétentes n' avait pris de "décret -injonction" établissant l' infraction, comme le prévoyait la législation italienne. La requérante se trouvait privée de protection juridique dans l' ordre juridique interne.

9 De plus, selon Nutral, l' argument de la Commission, tiré du défaut de compétence communautaire pour soutenir qu' il n' existe pas de décision attaquable, ne pouvait être accueilli. En effet, il aurait pour résultat de soustraire au contrôle juridictionnel toute mesure prise par une instance incompétente.

10 Enfin, en réponse à la troisième branche de l' exception soulevée par la Commission, Nutral a soutenu que ce n' était qu' à la suite de la lettre du 3 mars 1993 que le rapport d' enquête, qui n' avait jusque-là que la valeur et le sens d' un acte préparatoire, avait acquis une signification et une portée différentes quant à la constatation de l' infraction.

11 A l' appui de son pourvoi contre l' ordonnance du Tribunal, Nutral soulève deux moyens, le premier tiré de l' interprétation erronée de la réglementation communautaire et le second de la violation de la notion juridique d' acte attaquable.

Sur le premier moyen du pourvoi

12 Nutral soutient, en premier lieu, que le Tribunal, aux points 26 et suivants de son ordonnance, a fait une interprétation erronée des règlements n s 729/70 et 1697/79 en relation avec le règlement n 595/91, précité. Selon la requérante, la compétence de la Commission a été progressivement élargie dans le domaine considéré: celle-ci est à présent investie d' un pouvoir de décision, du moins en ce qui concerne l' établissement des faits relatifs aux dépenses communautaires irrégulières dans le secteur agricole, les preuves et leur qualification juridique.

13 La Commission conteste ce premier moyen. Selon elle, le Tribunal a donné une interprétation exacte des règlements n s 729/70, 1697/79 et 595/91, cohérente avec le système de contrôle des dépenses communautaires agricoles et conforme à la jurisprudence de la Cour.

14 Il convient, sur ce point, de constater que le Tribunal, en se référant à une jurisprudence pertinente de la Cour (arrêt du 7 juillet 1987, Étoile commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, Rec. p. 3005, point 11) et aux termes mêmes de l' article 8, paragraphe 1, du règlement n 729/70, a rappelé, au point 26 de l' ordonnance attaquée, que, selon le système institutionnel de la Communauté et les règles régissant les relations entre la Communauté et les États membres, il appartenait à ces derniers, en l' absence d' une disposition contraire du droit communautaire, d' assurer, sur leur territoire, l' exécution des réglementations communautaires, notamment dans le cadre de la politique agricole commune.

15 Dans l' arrêt précité, la Cour a d' ailleurs ajouté (point 11, dernière phrase) que, pour ce qui est plus particulièrement des actions de financement décidées dans le cadre de cette politique, il incombait aux États membres, selon l' article 8 du règlement n 729/70, de prendre les mesures nécessaires pour récupérer les sommes perdues à la suite d' irrégularités ou de négligences. Cette disposition est considérée comme l' expression, en ce qui concerne le financement de la politique agricole commune, de l' obligation de diligence générale imposée par l' article 5 du traité (arrêt du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C-55/91, Rec. p. I-4813, point 56).

16 Le Tribunal a ensuite souligné, au point 27 de l' ordonnance attaquée, que, en vertu de l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1697/79, lorsque les autorités compétentes constatent que "tout ou partie du montant des droits à l' importation ... n' a pas été exigé du redevable, elles engagent une action en recouvrement des droits non perçus". En outre, conformément à l' article 4 du même règlement, "l' action en recouvrement est exercée par les autorités compétentes, dans le respect des dispositions en vigueur en la matière, à l' encontre des personnes physiques ou morales tenues au paiement des droits à l' importation..."

17 Au point 28 de l' ordonnance attaquée, le Tribunal en a déduit que c' est aux États membres qu' il incombe, dans ce domaine, d' exécuter les réglementations communautaires et de prendre, à l' égard des opérateurs économiques concernés, les décisions individuelles nécessaires, selon les règles et les modalités prévues par la législation nationale, sous réserve des limites établies par le droit communautaire, en vue de procéder à la récupération des sommes indûment versées, conformément à ce qu' a jugé la Cour au point 12 de l' arrêt Étoile commerciale et CNTA/Commission, précité.

18 L' interprétation des règlements précités retenue par le Tribunal est donc identique à celle de la Cour.

19 Il convient au surplus de rappeler que, dans le cadre du système de contrôle prévu par le règlement n 729/70, la Commission n' exerce qu' une fonction complémentaire. Cela est exprimé clairement au huitième considérant de ce dernier règlement, selon lequel, en complément des contrôles que les États membres effectuent de leur propre initiative et qui demeurent essentiels, il y a lieu de prévoir des vérifications par des agents de la Commission ainsi que la faculté, pour celle-ci, de faire appel aux États membres (arrêts du 9 octobre 1990, France/Commission, C-366/88, Rec. p. I-3571, point 20, et Italie/Commission, précité, points 31 et 32).

20 S' il est vrai que les modalités de la coopération entre les services de la Commission et les organismes nationaux en vue de renforcer la lutte contre les irrégularités ont été précisées par le règlement n 595/91, compte tenu de l' expérience acquise, ce règlement n' a pas modifié le système mis en place par le règlement n 729/70. Contrairement à ce que soutient Nutral, le règlement n 595/91 n' a nullement conféré à la Commission le pouvoir de prendre des actes contraignants à l' encontre des opérateurs dans le domaine de la prévention et de la poursuite des irrégularités ou des négligences dans le financement de la politique agricole commune. Il a seulement renforcé le pouvoir d' initiative et les moyens d' information et de contrôle de la Commission en ce domaine.

21 Enfin, l' article 209 A, tel qu' inséré dans le traité CE par le traité sur l' Union européenne, confirme pleinement que la responsabilité de la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté incombe aux États membres.

22 Nutral n' est donc pas fondée à soutenir que le Tribunal aurait dû reconnaître que la Commission disposait du pouvoir de prendre des actes opposables aux opérateurs dans le domaine considéré. Aussi bien la requérante admet-elle que l' article 6 du règlement n 595/91, précité, n' autorise pas la Commission à se substituer aux États membres dans la conduite des enquêtes en cas de présomption d' irrégularités.

23 Dans son mémoire en réplique, Nutral maintient toutefois à l' appui de son premier moyen qu' en l' espèce la Commission, et plus précisément l' UCLAF, n' a pas respecté la procédure prévue par l' article 6 du règlement n 595/91: contrairement à ces dispositions, les conclusions établies à la suite de l' enquête ont été formulées par la Commission elle-même et non par les autorités italiennes, qui se seraient contentées de les exécuter.

24 Sur ce point, la requérante ne présente pas une branche nouvelle de son premier moyen, mais conteste en réalité la légalité de la décision des autorités italiennes lui faisant grief. La Cour n' est donc pas compétente pour se prononcer sur ce point dans le cadre du présent pourvoi. Il appartient en revanche à la requérante d' utiliser les voies de recours nationales qui lui sont offertes par le droit interne pour contester cette décision devant les juridictions nationales.

25 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que le premier moyen avancé par Nutral à l' appui de son pourvoi doit être rejeté.

Sur le second moyen du pourvoi

26 Nutral soutient, en second lieu, que le Tribunal, en jugeant, au point 28 de l' ordonnance attaquée, que seules les mesures prises par les autorités nationales étaient de nature à produire des effets juridiques obligatoires susceptibles de porter préjudice à ses intérêts, a commis une erreur de droit en refusant à l' acte litigieux la qualification d' acte susceptible de recours. Le Tribunal ne pouvait, en effet, déclarer irrecevable le recours de la requérante, au seul motif que la Commission était incompétente pour prendre, dans le domaine considéré, des actes produisant des effets juridiques obligatoires à son encontre. Il aurait dû examiner la portée effective de l' acte litigieux.

27 La Commission affirme, au contraire, que le Tribunal n' a pas méconnu la notion d' acte attaquable au sens de l' article 173 du traité. Il a effectivement procédé à l' analyse des lettres de la Commission des 3 et 23 mars 1993 et, sans d' ailleurs contester sa compétence pour adresser ces actes aux autorités italiennes, il est parvenu à la conclusion qu' ils n' avaient pas d' effet contraignant susceptible d' affecter les intérêts de la requérante.

28 Comme le Tribunal l' a rappelé au point 24 de l' ordonnance attaquée, pour statuer sur le bien-fondé de l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission, il y a lieu de relever à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante de la Cour, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l' objet d' un recours en annulation, au sens de l' article 173 du traité, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant (ordonnance du 8 mars 1991, Emerald Meats/Commission, C-66/91 et C-66/91 R, Rec. p. I-1143, point 26).

29 Or, le Tribunal observe aussitôt:

"En l' espèce et ainsi qu' il a été exposé ci-dessus, la Commission s' est adressée aux autorités italiennes, au terme d' une enquête à laquelle elle avait été associée à sa demande, les sollicitant de procéder, d' une part, à la récupération de certaines aides accordées à la requérante, que la Commission a qualifiées d' illégales, et, d' autre part, au recouvrement de certains droits à l' importation, au paiement desquels la requérante était tenue. C' est à la suite des communications adressées par la Commission aux autorités italiennes que celles-ci ont pris un certain nombre de mesures ayant pour objet la récupération des sommes dont la requérante aurait indûment bénéficié" (point 25).

30 Le Tribunal s' est ainsi limité à constater, à juste titre, que les lettres adressées par la Commission aux autorités italiennes se situaient dans le cadre de la coopération entre la Commission et les organismes nationaux chargés d' appliquer la réglementation communautaire et ne constituaient que de simples recommandations ou avis dépourvus d' effet juridique. Il en a déduit, au point 28, dernière phrase, de l' ordonnance attaquée, que seules les mesures prises par les autorités nationales produisaient des effets juridiques obligatoires à l' encontre de la requérante et, au point 29 de la même ordonnance, que les actes attaqués ne sauraient être considérés comme des décisions susceptibles d' affecter directement la situation juridique de cette dernière.

31 La dernière phrase du point 28 de l' ordonnance attaquée ne saurait donc être lue indépendamment de l' ensemble des considérations dont elle découle. Contrairement à ce que soutient Nutral, le Tribunal n' a entendu se prononcer que sur le cas particulier qui lui était soumis et non poser en principe que les actes de la Commission dans le domaine concerné ne pouvaient faire grief aux opérateurs au seul motif que la réglementation communautaire ne conférait pas de compétence à cette institution pour prendre des décisions directement opposables aux intéressés.

32 Par suite, le Tribunal a exactement qualifié l' acte litigieux et le second moyen de la requérante doit être rejeté.

33 Il y a donc lieu de rejeter le pourvoi.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

34 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La partie requérante est condamnée aux dépens.