Affaire C-68/93

Fiona Shevill e.a.

contre

Presse Alliance SA

demande de décision préjudicielle, formée par la House of Lords

«Convention de Bruxelles — Article 5, point 3 — Lieu où le fait dommageable s'est produit — Diffamation par article de presse»

Conclusions de l'avocat général M. M. Darmon, présentées le 14 juillet 1994   I-417

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 10 janvier 1995   I-440

Arrêt de la Cour du 7 mars 1995   I-450

Sommaire de l'arrêt

  1. Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Compétences spéciales – Compétence « en matière délictuelle ou quasi délictuelle » – Lieu où le fait dommageable s'est produit – Diffamation transfrontalière par voie de presse – Droit d'option du demandeur – Tribunal du lieu d'établissement de l'éditeur de h publication – Compétence pour l'intégralité des dommages – Tribunaux des lieux de diffusion de la publication dans chaque État contractant où la réputation de L personne lésée est atteinte – Compétence limitée aux dommages causés dans l'État du tribunal saisi

    (Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 5, point 3)

  2. Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions – Compétences spéciales – Compétence « en matière délictuelle ou quasi délictuelle » – Diffamation – Appréciation du caractère dommageable du fait litigieux et des conditions de preuve du préjudice allégué – Application des règles de conflit de lois du for – Limites

    (Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 5, point 3)

  1.  L'expression « lieu où le fait dommageable s'est produit », utilisée à l'article 5, point 3, de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et par la convention du 25 octobre 1982 relative à l'adhésion de la République hellénique, doit, en cas de diffamation au moyen d'un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l'éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l'État contractant du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l'intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'État de la juridiction saisie.

  2.  Les conditions d'appréciation du caractère dommageable du fait litigieux et les conditions de preuve de l'existence et de l'étendue du préjudice allégué par le demandeur dans une action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ne relèvent pas de la convention, mais sont déterminées par application du droit matériel désigné par les règles de conflit de lois du droit national de la juridiction saisie sur le fondement des dispositions de la convention, sous réserve que cette application ne porte pas atteinte à l'effet utile de cette dernière. La circonstance que le droit national applicable au litige prévoit en matière de diffamation une présomption de préjudice, dispensant le demandeur d'apporter la preuve de l'existence et de l'étendue de celui-ci, n'est donc pas de nature à faire obstacle à l'application de l'article 5, point 3, de la convention.