1. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Comité mixte - Compétence pour examiner la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour de l'Association européenne de libre-échange et pour préserver l'interprétation homogène de l'accord - Admissibilité - Condition - Obligation, énoncée sous une forme liant les parties contractantes de l'accord, de respecter la jurisprudence de la Cour de justice
2. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Comité mixte - Compétence pour régler tout différend relatif à l'interprétation et à l'application de l'accord - Admissibilité - Condition - Obligation, énoncée sous une forme liant les parties contractantes de l'accord, de respecter la jurisprudence de la Cour de justice
3. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Compétence de la Cour de justice pour interpréter les dispositions de l'accord - Admissibilité
4. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Système d'arbitrage - Admissibilité
5. Accords internationaux - Accord créant l'Espace économique européen - Possibilité offerte aux juridictions des États de l'Association européenne de libre-échange de demander à la Cour d'interpréter l'accord - Admissibilité eu égard à l'effet contraignant des réponses de la Cour
6. Accords internationaux - Accords de la Communauté - Compétence de la Communauté - Concurrence - Accord portant sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence - Admissibilité
(Traité CEE, art. 85 et suiv.)
1. Afin de parvenir à une interprétation aussi uniforme que possible des dispositions de l'accord créant l'Espace économique européen et de celles de la législation communautaire reprises en substance dans l'accord, l'article 105 de ce dernier confère au comité mixte, composé de représentants des parties contractantes, compétence pour procéder à l'examen permanent du développement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour de l'Association européenne de libre-échange ainsi que pour agir de manière à préserver l'interprétation homogène de l'accord. Si cette compétence comportait la possibilité, pour le comité mixte, de méconnaître le caractère contraignant des décisions de la Cour de justice dans l'ordre juridique communautaire, l'attribution de cette compétence porterait atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire dont la Cour de justice doit assurer le respect, en vertu de l'article 164 du traité CEE, et serait incompatible avec ce traité.
Toutefois, le "procès-verbal agréé ad article 105" consacre le principe selon lequel les décisions prises par le comité mixte en vertu de cette disposition ne peuvent, en aucun cas, affecter la jurisprudence de la Cour de justice.
Par conséquent, la compétence qu'attribue l'article 105 de l'accord créant l'Espace économique européen au comité mixte pour préserver l'interprétation homogène de l'accord n'est compatible avec le traité CEE que si ce principe, garantie essentielle, indispensable à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, est énoncé sous une forme qui lie les parties contractantes.
2. En vertu de l'article 111 de l'accord créant l'Espace économique européen, le comité mixte, saisi par la Communauté ou un État membre de l'Association européenne de libre-échange, est compétent pour régler tout différend relatif à l'interprétation et à l'application de l'accord, y compris, selon l'article 105, paragraphe 3, les différends qui portent sur une divergence de jurisprudence et qu'il n'a pu résoudre, conformément à la procédure prévue par ce dernier article.
L'attribution d'une telle compétence soulevant le problème de savoir si elle comporte la possibilité, pour le comité mixte, de méconnaître le caractère contraignant des décisions de la Cour de justice dans l'ordre juridique communautaire, il convient d'observer que l'article 105, paragraphe 3, établit un lien entre la procédure de cet article et celle de l'article 111 de l'accord et que ce lien impose une interprétation systématique et cohérente de ces deux dispositions. Une telle interprétation implique nécessairement que le principe énoncé au "procès-verbal ad article 105", selon lequel les décisions prises par le comité mixte en vertu de cette disposition ne peuvent, en aucun cas, affecter la jurisprudence de la Cour de justice, s'applique également lorsque le comité mixte tente de régler un différend en recherchant une solution acceptable pour les parties contractantes, conformément à l'article 111. Cette interprétation est d'ailleurs la seule qui soit cohérente avec la compétence que l'article 111, paragraphe 3, attribue à la Cour de justice pour l'interprétation des règles pertinentes, si le différend porte sur l'interprétation des dispositions de l'accord, qui sont identiques en substance aux règles correspondantes du droit communautaire.
Il s'ensuit que les compétences que l'article 111 de l'accord créant l'Espace économique européen attribue au comité mixte ne portent pas atteinte au caractère contraignant de la jurisprudence de la Cour de justice et à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, dès lors qu'il est établi que le principe énoncé au "procès-verbal agréé ad article 105" lie les parties contractantes.
3. L'article 111, paragraphe 3, de l'accord créant l'Espace économique européen attribue à la Cour de justice, en cas de différend portant sur l'interprétation des dispositions de l'accord identiques en substance aux règles correspondantes du droit communautaire, compétence pour l'interprétation des règles pertinentes.
Bien que les compétences conférées par le traité CEE à la Cour de justice ne puissent être modifiées que dans le cadre de la procédure visée à son article 236, un accord international conclu par la Communauté peut toutefois lui attribuer de nouvelles compétences, comme celle d'interpréter des dispositions d'un tel accord, à condition que cette attribution ne dénature pas la fonction de la Cour telle qu'elle est conçue dans le traité CEE, à savoir celle d'une juridiction dont les décisions sont contraignantes.
S'il est vrai que la saisine de la Cour de justice en vertu de l'article 111, paragraphe 3, de l'accord n'a pas pour but de lui confier le règlement du différend, qui reste soumis au comité mixte, il n'en demeure pas moins que l'interprétation que doit donner la Cour de justice a un caractère contraignant, ainsi qu'il en résulte des termes mêmes de l'accord.
Il s'ensuit que, si la Cour de justice est appelée à se prononcer en vertu de l'article 111, paragraphe 3, de l'accord créant l'Espace économique européen, tant les parties contractantes que le comité mixte sont liés par l'interprétation donnée par la Cour aux règles en cause. Par conséquent, la compétence que cette disposition attribue à la Cour pour interpréter les dispositions de l'accord, à la demande des parties contractantes, est compatible avec le traité CEE.
4. Le règlement de différends par la voie de l'arbitrage, prévu à l'article 111, paragraphe 4, de l'accord créant l'Espace économique européen, n'est pas de nature à porter atteinte à l'autonomie de l'ordre juridique communautaire, étant donné qu'aux termes mêmes de cette disposition, aucune question d'interprétation des dispositions de l'accord, identiques aux dispositions correspondantes du droit communautaire, ne peut être réglée dans ce cadre.
5. L'article 107 de l'accord créant l'Espace économique européen permet aux États membres de l'Association européenne de libre-échange d'autoriser leurs juridictions à demander à la Cour de justice des Communautés européennes une décision sur l'interprétation d'une disposition de l'accord. Eu égard au fait que le libellé de la disposition citée garantit un effet contraignant aux réponses que la Cour de justice pourra être appelée à donner, ce mécanisme, respectant la fonction de la Cour de justice et les exigences du bon fonctionnement de la procédure préjudicielle, est compatible avec le droit communautaire.
6. La compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux résulte non seulement d'une attribution explicite par le traité CEE, mais également d'autres dispositions du traité et des actes pris, dans le cadre de ces dispositions, par les institutions de la Communauté. Par conséquent, la Communauté a compétence, en vertu des règles de concurrence du traité CEE et des actes pris pour leur application, pour conclure des accords internationaux dans ce domaine. Cette compétence comporte nécessairement la possibilité, pour la Communauté, d'accepter des règles conventionnelles sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence, dès lors que ces règles ne dénaturent pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu'elles sont conçues dans le traité CEE