61992C0272

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 12 mai 1993. - Maria Chiara Spotti contre Freistaat Bayern. - Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Passau - Allemagne. - Libre circulation des travailleurs - Egalité de traitement - Durée des contrats des lecteurs de langue étrangère. - Affaire C-272/92.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-05185


Conclusions de l'avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans la présente affaire, la Cour est invitée une fois de plus à examiner la situation en droit communautaire de personnes employées en qualité de lecteurs de langue étrangère dans un autre État membre. L' Arbeitsgericht Passau a introduit une demande de décision à titre préjudiciel, en déférant les questions suivantes:

1. Une loi nationale d' un État membre instituant pour l' activité des lecteurs de langue étrangère un régime particulier limitant la durée de leurs contrats (articles 57b, paragraphe 3 et 57c, paragraphe 2 de la Hochschulrahmengesetz (loi cadre sur l' enseignement supérieur; ci-après: "HRG") - combinés avec l' article 27, paragraphe 3 de la Bayerische Hochschullehrergesetz (loi bavaroise portant statut des professeurs de l' enseignement supérieur) alors qu' aucune limitation comparable n' est prescrite pour les autres enseignants chargés de tâches particulières (article 56 de la HRG), est-elle compatible avec l' article 48, paragraphe 2 du traité CEE?

2. Une telle limitation légale est-elle compatible avec le traité lorsqu' elle est fondée sur des raisons objectives particulières, notamment la garantie d' un enseignement actualisé?

2. La demanderesse dans le litige au principal est une ressortissante italienne qui, depuis le 1er novembre 1986, travaille en Allemagne en qualité de lectrice de langue étrangère à l' Université de Passau. La demanderesse avait signé à l' origine un contrat de travail d' un an (du 1er novembre 1986 au 31 octobre 1987). Le 22 septembre 1987, elle a signé un second contrat, qui prolongeait son emploi d' une nouvelle période de quatre ans (1er novembre 1987 au 31 juillet 1991). Le 10 juillet 1991, l' université a refusé sa demande d' un second renouvellement de son contrat au motif que, en vertu de la législation fédérale et bavaroise applicable, l' engagement d' un lecteur de langue étrangère était limité à une période maximale de cinq ans.

3. La demanderesse soutient que ce refus de proroger son contrat de travail au-delà d' une période maximale de cinq ans est incompatible avec l' article 48, paragraphe 2 du traité. Elle se réfère à l' arrêt de la Cour dans l' affaire 33/88, Allué et autres/Università degli studi di Venezia, Rec. 1989, p. 1591 ("Allué I"), et affirme que les principes établis dans cet arrêt s' appliquent également aux circonstances de l' espèce. Il convient de noter que la législation en cause dans l' affaire Allué I a suscité d' autres renvois de la part de juridictions italiennes: voir les affaires jointes C-259/91, C-331/91 et C-332/91, Allué et autres, dans lesquelles l' avocat général Lenz a prononcé ses conclusions le 20 janvier 1993. Dans l' affaire Allué I, la Cour a jugé que l' article 48, paragraphe 2 du traité exclut l' application d' une disposition nationale imposant une limitation à la durée du rapport d' emploi entre les universités et les lecteurs de langue étrangère lorsqu' il n' y a pas, en principe, de limitation comparable à l' égard d' autres employés.

4. Dans les développements suivants, nous résumerons brièvement les dispositions de droit allemand en cause dans le litige au principal, puis nous nous demanderons de quelle manière les principes établis dans l' affaire Allué I doivent s' appliquer à cette législation. Il convient de rappeler que l' article 48, paragraphe 2 du traité impose l' abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l' emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. Il convient également de noter que l' article 7, paragraphe 1 du règlement du Conseil (CEE) n 1612/68 du 15 octobre 1968 sur la liberté de circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté (JO n L 257 du 19 octobre 1968, p. 2) dispose que:

"Le travailleur ressortissant d' un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d' emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s' il est tombé en chômage".

La législation allemande

5. Ainsi que l' explique le gouvernement allemand dans ses observations écrites, il découle de la jurisprudence des juridictions allemandes que, en droit allemand, un contrat de travail ne peut être conclu pour une durée limitée que s' il existe un motif objectif à cette limitation. Nous appellerons "contrat à durée déterminée" ce type de contrat de travail.

6. Les dispositions relatives à la conclusion de contrats à durée déterminée par des institutions d' enseignement supérieur et de recherche figurent dans la Hochschulrahmengesetz du 26 janvier 1976 (loi-cadre relative aux universités, ci-après "la HRG"), modifiée par l' article 1er de la Gesetz ueber befristete Arbeitsvertraege mit wissenschaftlichem Personal an Hochschulen und Forschungseinrichtungen du 14 juin 1985 (loi relative aux contrats de travail à durée déterminée des personnels d' enseignement et de recherche des établissements d' enseignement supérieur et de recherche, BGBl 1985 I, p. 1065).

7. Cette modification a inséré dans la HRG un ensemble d' articles nouveaux 57a à 57f. L' article 57a définit les catégories de collaborateurs auxquels les nouvelles dispositions s' appliquent, et notamment les "collaborateurs dans le domaine scientifique ou des beaux-arts" visés à l' article 53 de la HRG, le "personnel chargé de tâches médicales" visé à l' article 54, et le "personnel enseignant chargé de tâches particulières", visé à l' article 56.

8. L' article 57b, paragraphe 1, dispose que, sauf dans les cas où un motif objectif n' est pas exigé par les règles et principes généraux du droit du travail, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée avec les personnels visés à l' article 57a est autorisée si la limitation de durée est justifiée par un tel motif. L' article 57b, paragraphe 2, dispose que, dans le cas des collaborateurs visés aux articles 53 et 54, de tels motifs existent notamment 1) si l' activité du collaborateur sert aussi à la poursuite de sa formation de futur enseignant ou chercheur ou à la poursuite de sa formation professionnelle, 2) si le collaborateur est rétribué à l' aide de moyens budgétaires qui sont destinés à une activité à durée limitée, 3) si le collaborateur est recruté pour acquérir, ou pour apporter temporairement, des connaissances et expériences spécifiques, 4) s' il est essentiellement rétribué à partir d' un financement extérieur ou 5) s' il est recruté pour la première fois.

9. L' article 57b, paragraphe 3, dispose qu' il existe un motif objectif justifiant la conclusion d' un contrat de travail à durée déterminée avec un enseignant dont la langue maternelle est une langue étrangère lorsque, notamment, l' activité à laquelle ce dernier est affecté concerne essentiellement la formation dans une langue étrangère ("Lektor").

10. L' article 57c, paragraphe 2, fixe une durée maximale de cinq ans pour tout contrat à durée déterminée soumis à une limitation pour un motif mentionné à l' article 57b, paragraphe 2, points 1 à 4, ou à l' article 57b, paragraphe 3. Si plusieurs contrats à durée déterminée sont conclus par le collaborateur avec le même établissement, leur durée totale ne doit pas dépasser cinq ans. Dans l' hypothèse visée à l' article 57b, paragraphe 2, point 5, la durée maximale du contrat est de deux ans. Enfin, l' article 57c, paragraphes 3 à 6, prévoit diverses exceptions à ces règles qui ne sont pas pertinentes en l' espèce.

11. Il convient de remarquer que les dispositions susmentionnées de la HRG autorisent mais ne rendent pas obligatoire le recrutement des lecteurs de langue étrangère par contrats à durée déterminée. Dans le cas des universités bavaroises, toutefois, il semble que ces assistants ne puissent être engagés que par contrats à durée déterminée limités à cinq ans: voir l' article 27, paragraphe 3 de la Bayerisches Hochschullehrergesetz (loi bavaroise relative aux enseignants universitaires).

Lecteurs de langue étrangère et droit communautaire

12. Ainsi que nous l' avons déjà dit, la Cour a jugé, dans l' affaire Allué I, que les dispositions nationales imposant une limitation de durée à l' emploi des lecteurs de langue étrangère sont incompatibles avec le droit communautaire lorsque, en principe, il n' existe pas de telle limite à l' égard des autres collaborateurs: voir le paragraphe 3 ci-dessus. Toutefois, de l' avis du gouvernement allemand, il convient de distinguer les dispositions nationales en cause en l' espèce de celles qui étaient en cause dans l' affaire Allué I. Il apparaît, en ce qui concerne ces dernières, que l' emploi de collaborateurs autres que les lecteurs de langue étrangère n' était soumis à aucune limite de durée. Ainsi que l' a déclaré l' avocat général Lenz au paragraphe 19 de ses conclusions dans l' affaire Allué I:

"A l' exception des 'professeurs sous contrat' , qui sont employés sur la base d' un contrat de travail indépendant annuel qui ne peut pas être renouvelé plus de deux fois, le personnel enseignant et de recherche [des universités italiennes] occupe des emplois permanents, auxquels il est pourvu par voie de concours. En outre [...], d' après les dispositions générales de la législation italienne du travail, les contrats de travail sont considérés comme étant conclus à durée indéterminée".

En conséquence, il n' était pas douteux, dans l' affaire Allué I, que les lecteurs de langue étrangère étaient traités différemment des autres collaborateurs pour ce qui était des limitations de durée imposées à leur contrat de travail, et, notamment, qu' ils étaient traités différemment des autres personnels universitaires. Comme il était clair, également, que la différence de traitement affectait une proportion sensiblement plus grande de ressortissants d' autres États membres que de ressortissants italiens, la seule question qui se posait dans l' affaire Allué I, était de savoir si la différence de traitement pouvait se justifier objectivement. En revanche, les dispositions qui sont en cause en l' espèce prévoient également la possibilité de contrats à durée déterminée pour le personnel universitaire autre que les lecteurs de langue étrangère. Elles prévoient notamment cette possibilité pour le "personnel enseignant chargé de tâches particulières" (voir les articles 56 et 57a de la HRG), catégorie qui s' apparente le plus, semble-t-il, aux lecteurs de langue étrangère.

13. Le gouvernement allemand invoque un autre motif de distinguer les dispositions actuelles de la législation mise en cause dans l' affaire Allué I. Il souligne que les limitations de durée imposées par la législation italienne étaient impératives, alors que l' article 57b de la HRG ne traite que des circonstances dans lesquelles les contrats à durée déterminée sont autorisés. Donc, la HRG n' exclut pas la possibilité que des lecteurs de langue étrangère soient nommés sur des contrats à durée indéterminée. Toutefois, ainsi que nous l' avons déjà dit, la législation bavaroise applicable en l' espèce exclut en fait cette possibilité.

14. Selon la Commission, une législation telle que celle qui est en cause actuellement est incompatible avec l' article 48, paragraphe 2 du traité, essentiellement pour les mêmes raisons que dans le cas de la législation en cause dans l' affaire Allué I. Bien que la législation allemande, à la différence de la législation italienne, prévoie l' engagement sur contrat à durée déterminée de personnels universitaires autres que les lecteurs de langue étrangère, il n' en reste pas moins que les circonstances dans lesquelles cet engagement est autorisé peuvent être différentes. Ainsi que le souligne la Commission, dans le cas des lecteurs de langue étrangère, l' article 57b, paragraphe 3 de la HRG dispose qu' un engagement par contrat à durée déterminée est automatiquement justifié. En revanche, pour les autres personnels universitaires, il convient d' établir un motif objectif compte tenu des circonstances de chaque cas particulier. De plus, en Bavière, il existe une limite impérative de cinq ans à l' engagement des lecteurs de langue étrangère, et il apparaît que cette limite impérative ne s' applique pas aux autres catégories de personnel universitaire.

15. La Commission souligne aussi que, dans l' affaire Allué I, la Cour s' est demandé s' il était possible de justifier des restrictions spéciales à l' emploi des lecteurs de langue étrangère par le motif que ces assistants sont tenus d' avoir une connaissance actualisée de leur langue. La Cour a constaté, au paragraphe 14 de l' arrêt, que:

"... le danger de perdre le contact avec la langue maternelle est réduit, compte tenu de l' intensification des échanges culturels et des facilités de communications, et que, au surplus, les universités ont, en tout état de cause, la possibilité de contrôler le niveau des connaissances des lecteurs".

La Cour a noté également que la législation en cause permettait au lecteur d' être engagé par une autre université pour une nouvelle période maximale, ce qui est vrai également dans le cadre des dispositions de l' article 57c, paragraphe 2 de la HRG. Il semblerait donc qu' il n' y ait pas de raison valable d' imposer pour une seule université la limite de cinq ans prévue par cette disposition.

16. Il nous semble incontestable que le raisonnement de la Cour dans l' affaire Allué I s' applique également en l' espèce. Certes, la législation allemande, du moins en ce qui concerne le cadre fixé par la HRG, est moins évidemment discriminatoire que la législation italienne qui est mise en cause dans l' affaire Allué I, étant donné que la législation allemande autorise le recrutement par contrats à durée déterminée de plusieurs catégories de personnel universitaire. Il n' en reste pas moins, cependant, que les lecteurs de langue étrangère - et qui plus est ceux dont la langue maternelle n' est pas l' allemand - sont traités de manière particulière. Ils peuvent se voir refuser le bénéfice d' un contrat de travail à durée indéterminée au seul motif de leur statut de lecteurs de langue étrangère; en revanche, le personnel enseignant chargé d' autres tâches particulières ne peut être recruté par contrats à durée déterminée que pour un motif tiré des circonstances particulières.

17. Il est clair que, même en l' absence des dispositions de l' article 57b, paragraphe 3, de la HRG, l' université allemande pourrait employer des lecteurs de langue sur contrats à durée déterminée. L' université devrait cependant être en mesure de justifier son action par un raison objective autre que le seul fait que la personne concernée est employée en qualité de lecteur de langue étrangère. Même si les lecteurs de langue étrangère étaient soumis au régime de l' article 57b, paragraphe 2, qui ne s' applique actuellement qu' aux catégories de personnel visées aux articles 53 et 54 de la HRG et aux "personnels auxiliaires", le recrutement par contrats à durée déterminée devrait encore être justifié par des raisons concrètes compte tenu des circonstances réelles de chaque cas (sauf s' il s' agit d' un contrat de recrutement initial: voir paragraphes 8 et 10 ci-dessus). Les lecteurs de langue étrangère sont donc traités de manière moins favorable que d' autres collaborateurs universitaires qui peuvent se voir proposer des contrats de courte durée. Dans le cas des règles particulières applicables en Bavière, la différence de traitement est encore plus évidente, étant donné que, ainsi que nous l' avons constaté, la loi bavaroise fixe une limite impérative de cinq ans à l' emploi des lecteurs de langue étrangère, mais, apparemment, pas à l' emploi d' autres personnels universitaires.

18. Dans ses observations écrites, le gouvernement allemand conteste que la législation allemande crée une discrimination; cependant, il n' avance aucune raison à l' appui de la différence de traitement à l' égard des lecteurs de langue étrangère, par rapport aux autres catégories de personnel universitaire, sous le régime tant de la loi fédérale que de la loi bavaroise. Comme nous l' avons vu, la raison citée dans la seconde question déférée à l' Arbeitsgericht, à savoir la nécessité de maintenir une connaissance actualisée de la langue, a été rejetée par la Cour dans l' affaire Allué I: voir le paragraphe 15 ci-dessus. Il nous semble que le raisonnement de la Cour sur ce point doit s' appliquer également à la limite impérative de cinq ans imposée par la législation bavaroise. De plus, il n' est pas contesté que, comme dans l' affaire Allué I, le traitement moins favorable accordé par le droit de l' État membre en question est particulièrement susceptible d' affecter les ressortissants d' autres États membres. Ce traitement équivaut donc à une discrimination indirecte contraire à l' article 48, paragraphe 2 du traité.

19. En conséquence, il n' est pas douteux, selon nous, qu' une législation du type de celle en cause en l' espèce, qui comporte une limitation impérative de durée de cinq ans, est incompatible avec le principe de l' égalité de traitement instituée par le traité. En l' absence d' une limitation impérative telle que celle imposée par le droit bavarois, la question pourrait se poser de savoir si une différence de traitement comparable à celle qui découle de la HRG elle-même pourrait être justifiée par le motif de la nécessité d' une connaissance actualisée de la langue concernée. Il convient de rappeler que l' article 57b, paragraphe 3 de la HRG autorise, mais n' exige pas, qu' une université emploie des lecteurs de langue étrangère sur contrats à durée déterminée. Peut-être pourrait-il être argué qu' une telle disposition est nécessaire afin de donner à l' université suffisamment de latitude pour conclure des contrats à durée déterminée dans des cas appropriés. Donc, bien qu' il soit clair qu' un tel motif ne saurait être invoqué à l' appui de l' imposition par le droit national d' une limitation impérative de durée, une université peut désirer avoir la possibilité de recruter pour une durée limitée certains de ses lecteurs de langue.

20. Cependant, il ne nous semble pas possible de justifier par là une disposition telle que l' article 57b, paragraphe 3 de la HRG. Comme nous l' avons vu, la nomination par contrat à durée déterminée est déjà autorisée par le droit allemand lorsqu' il existe des motifs objectifs de procéder ainsi. Partant, si une université a un motif objectif de recruter un lecteur de langue sur contrat à durée déterminée, elle a le droit de le faire, bien que les motifs invoqués soient, présumons-nous, soumis au contrôle de la juridiction nationale. Le pouvoir illimité de procéder à de telles nominations, découlant de l' article 57b, paragraphe 3, n' est donc pas nécessaire. Son seul effet, en pratique, est d' ôter toute possibilité en droit national de contrôle judiciaire de la décision de ne pas proposer un contrat à durée indéterminée. Même en l' absence de la limitation impérative de durée imposée par la législation bavaroise, donc, il nous semble que des dispositions de la nature de celles dont il est question sont incompatibles avec l' interdiction de discrimination instituée par l' article 48, paragraphe 2 du traité.

21. Il convient néanmoins de souligner que l' emploi de lecteurs de langue étrangère sur contrats à durée déterminée, dans des cas particuliers, n' est pas nécessairement incompatible en soi avec le droit communautaire lorsque le droit national en cause permet aussi d' engager d' autres personnels universitaires sur de tels contrats. Pour ce qui est du droit allemand, il convient de rappeler que, pour les personnels visés aux paragraphes 53 et 54 de la HRG, le fait d' être engagé pour la première fois constitue un motif suffisant de recours au contrat à durée déterminée. Le droit communautaire n' interdirait pas de faire application de la même disposition aux lecteurs de langue étrangère dans la mesure où leur situation est comparable à celle de ces catégories de personnel - question qu' il n' y pas lieu de trancher en l' espèce. Qui plus est, tant pour le recrutement initial que pour tout contrat subséquent, il peut certes exister des raisons valables de recourir aux contrats à durée déterminée eu égard aux circonstances particulières. Dans le cas des lecteurs de langue étrangère, de telles conditions d' emploi peuvent certes être jugées souhaitables, du point de vue tant des étudiants que des enseignants eux-mêmes. Une des raisons d' être de tels postes pourrait être d' offrir à de jeunes universitaires d' autres pays la possibilité de passer une période d' une durée limitée en Allemagne aux fins de leur propre Bildung. De même, compte tenu de la nature de l' enseignement à assurer, il pourrait être jugé souhaitable de disposer d' un enseignant de langue étrangère récemment arrivé du pays concerné. Une université peut, par exemple, souhaiter mettre particulièrement l' accent sur les développements récents de la langue parlée pour en faire profiter les étudiants avancés. Il ne nous semble pas que, dans l' affaire Allué I, la Cour ait entendu exclure la possibilité que, dans des cas particuliers, des contrats à durée déterminée puissent se justifier par la nécessité d' une connaissance actualisée de la langue ou même par celle d' une connaissance actuelle de la vie culturelle et politique du pays concerné. Il reviendrait à la juridiction nationale de décider, dans un cas particulier, si cette nécessité constitue un motif objectif suffisant. Il ressort de la jurisprudence allemande citée dans l' ordonnance de renvoi que c' était précisément la situation en droit allemand avant la modification de la HRG apportée par la Gesetz ueber befristete Arbeitsvertraege du 14 juin 1985, citée ci-dessus au paragraphe 6: voir les arrêts du Bundesarbeitsgericht du 19 août 1991 (7 AZR 280/79; AP n 59, au paragraphe 620 BGB) et du 13 mai 1982 (2 AZR 87/80; AP n 68 ibid.). Une règle de droit national qui supprimerait toute obligation d' indiquer les motifs objectifs de l' emploi de lecteurs de langue étrangère sur contrats à durée déterminée, alors que ces motifs doivent être indiqués pour des catégories comparables de collaborateurs, ne saurait cependant se justifier.

Conclusion

22. Nous estimons en conséquence qu' il y a lieu de répondre de la manière suivante aux questions déférées par l' Arbeitsgericht Passau:

L' article 48, paragraphe 2 du traité CEE exclut l' application d' une disposition de droit national qui impose une limite à la durée de la relation d' emploi entre les universités et les lecteurs de langue étrangère, ou qui a pour effet d' autoriser automatiquement l' emploi desdits lecteurs sur contrats à durée déterminée, alors que, pour d' autres collaborateurs comparables, l' engagement pour une durée limitée n' est autorisé en droit national que s' il existe un motif objectif de limiter la durée du contrat de travail.

(*) Langue originale: l' anglais.