61992C0136

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 5 octobre 1993. - Commission des Communautés européennes contre Augusto Brazzelli Lualdi et autres. - Pourvoi - Fonctionnaires - Rémunérations - Intérêts moratoires et compensatoires. - Affaire C-136/92 P.

Recueil de jurisprudence 1994 page I-01981


Conclusions de l'avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A Introduction

1. Dans la présente affaire, la Cour de justice est invitée à se prononcer sur un pourvoi introduit par la Commission contre un arrêt rendu par le Tribunal de première instance (ci-après : Tribunal), le 26 février 1992 (affaires jointes T-17/89, T-21/89 et T-25/89) (1) sur un recours introduit par 619 fonctionnaires affectés au Centre commun de recherche d' Ispra (ci-après : les fonctionnaires). La Cour doit en outre se prononcer sur un pourvoi incident que les fonctionnaires ont introduit avec leur mémoire en réponse.

2. Les fonctionnaires avaient fait valoir devant le Tribunal (2) certaines prétentions liées au fait que, selon eux, le règlement nº 3294/88 (3) qui a modifié le coefficient correcteur pour leur lieu d' affectation, dans le cadre de l' adaptation quinquennale pour la période de 1976 à 1980 (et partant, au 1er janvier 1981) avait été adopté tardivement. Ce règlement avait été adopté après que la Cour ait annulé (4), pour violation de l' article 64 du statut, l' adaptation à laquelle il avait été procédé par le règlement nº 3619/86 (5). Les fonctionnaires avaient conclu à ce qu' il plaise au Tribunal

a) condamner la Commission à la réparation du préjudice résultant de la perte de pouvoir d' achat qui a affecté les arriérés de rémunération qui leur ont été versés au titre du règlement nº 3294/88

b) ainsi qu' au paiement d' intérêts moratoires, à partir de la date d' échéance desdits arriérés et jusqu' à celle du versement effectif (6).

3. La Commission avait conclu au rejet du recours.

4. S' agissant de leur demande d' "intérêts moratoires" les fonctionnaires s' étaient fondés sur le retard injustifié avec lequel la Commission leur avait versé les arriérés de rémunération qu' elle leur devait. Ces arriérés étaient dûs en novembre 1981 et non pas en novembre 1988 (date à laquelle ils ont été versés).

5. Le Tribunal a rejeté cette demande au motif qu' il n' existait, dans le chef des requérants, aucun droit au versement d' arriérés de rémunération avant l' adoption du règlement nº 3294/88, du 24 octobre 1988 et que, dans ces conditions, il ne pouvait, jusqu' à cette date, y avoir de retard dans la liquidation d' une dette due (7). Selon le Tribunal, après l' adoption dudit règlement, la Commission s' est acquittée avec diligence de son obligation de paiement (8).

6. Le Tribunal a, par contre, admis la demande d' indemnisation du préjudice résultant de la perte du pouvoir d' achat.

7. Cette demande était fondée, d' une part, sur la violation des articles 64 et 65 du statut des fonctionnaires. Les fonctionnaires ont soutenu devant le Tribunal qu' en leur versant simplement la valeur nominale des arriérés de rémunération, la Commission avait violé ces articles. Cette valeur nominale ne suffirait pas, en effet, à assurer l' équivalence des rémunérations en termes de pouvoir d' achat. Au soutien de cette allégation, ils ont produit des données statistiques sur la dépréciation de la lire italienne entre janvier 1981 et novembre 1988 (9).

8. Par ailleurs, les fonctionnaires ont reproché à la Commission de n' avoir pas exécuté correctement l' arrêt de la Cour dans l' affaire 7/87, en ne compensant pas la perte du pouvoir d' achat susmentionné, bien que la Cour ait insisté sur la nécessité d' une application rétroactive (à la date déjà mentionnée du 1er janvier 1981 (10)) du nouveau coefficient correcteur (11).

9. Selon le Tribunal, cette réglementation aurait dû être adoptée dès le 1er janvier 1984, conformément au règlement nº 3294/88 (12). Le fait qu' un règlement valable n' ait été adopté qu' en octobre 1988 serait contraire au principe général, selon lequel les décisions dans ce domaine doivent être prises sans retard injustifié (13) et par conséquent, constitutif d' une faute (14). Le Conseil disposait, en effet, dès 1986 de tous les éléments nécessaires pour adopter un règlement conforme aux exigences du statut (15). Le Tribunal a considéré que même si le Conseil avait adopté un tel règlement dès 1986, la procédure qui avait mené aux différentes propositions de la Commission au Conseil aurait déjà été excessivement longue (16).

10. S' agissant du préjudice subi par les fonctionnaires, il est indiqué dans l' arrêt litigieux (point 40 des motifs)

Le Tribunal tient pour établi que, du fait de ce retard fautif, les requérants ont subi un préjudice constitué par la perte du pouvoir d' achat des arriérés de rémunération qui auraient dû être liquidés au cours du premier trimestre de 1984 et qui ne l' ont été que plusieurs années plus tard. Dans ce contexte, il y a lieu de remarquer qu' il serait impossible, sauf circonstances particulières, d' établir comment les requérants auraient dépensé les arriérés de rémunération qui leur étaient dûs si ceux-ci leur avaient été versés en temps utile. Toutefois, il ne s' agit pas, dans les présentes affaires, de rechercher la preuve de pertes individuelles, mais de vérifier l' existence de faits qui sont objectivement démontrables sur la base de données précises et rendues publiques. En produisant des statistiques pertinentes, qui n' ont pas été contestées par la partie défenderesse, les requérants ont ainsi rapporté à suffisance de droit la preuve de la détérioration du pouvoir d' achat qui a affecté leurs arriérés de rémunération pendant la période en cause.

11. Le Tribunal a par conséquent condamné la Commission à verser aux requérants des intérêts compensatoires en réparation du préjudice qu' ils ont subi, lors de la liquidation de leurs arriérés de rémunération, en raison de la perte de pouvoir d' achat qui a affecté ces derniers entre le 1er janvier 1984 et novembre 1988. Selon le dispositif de l' arrêt, le montant des intérêts compensatoires devra être calculé sur la base des statistiques officielles de la Communauté relatives à l' évolution du pouvoir d' achat dans les différents Etats membres et être fixé d' un commun accord entre les parties.

12. Le pourvoi introduit contre cet arrêt par la Commission se fonde sur trois moyens.

13. Dans un premier moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a fait une interprétation erronée du droit communautaire en ce qui concerne "les intérêts moratoires" et les "intérêts compensatoires" accordés dans la présente affaire aux requérants comme compensation pour la dépréciation monétaire. Dans un second moyen, elle critique en premier lieu la motivation de l' arrêt sur le point précité, en alléguant qu' elle est insuffisante et contradictoire (première branche). Selon la Commission, la motivation de l' arrêt est en outre critiquable, au motif que le Tribunal omet de prendre en considération le fait que la créance principale était déjà déterminable en 1986 (deuxième branche) et qu' il lui impute la responsabilité du comportement d' une autre institution (du Conseil). Sur ce dernier point, le Tribunal aurait appliqué le droit communautaire d' une manière inexacte (troisième branche). Par son troisième moyen, la Commission critique les considérations figurant au point 40 précité de l' arrêt litigieux et reproche au Tribunal d' "avoir interprété et appliqué de manière erronée le droit communautaire, en ce qui concerne la preuve du préjudice" subi qui est "nécessaire pour le versement d' intérêts compensatoires".

14. La Commission conclut à ce qu' il plaise à la Cour :

- annuler l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans les affaires jointes T-17, T-21 et T-25/89, dans la mesure où il condamne la Commission "à verser aux requérants des intérêts compensatoires en réparation du préjudice qu' ils ont subi, lors de la liquidation de leurs arriérés de rémunération, en raison de la perte du pouvoir d' achat qui a affectée ces derniers entre le 1er janvier 1984 et novembre 1988";

- accueillir les conclusions formulées par la Commission devant le Tribunal de première instance et rejeter les demandes de la partie adverse;

- statuer sur les dépens.

Les fonctionnaires concluent à ce qu' il plaise à la Cour :

- à titre principal

a) déclarer irrecevable le pourvoi introduit par la Commission contre l' arrêt du 26 février 1992 du Tribunal de première instance des Communautés européennes dans les affaires T-17/89, T-21/89 et T-25/89;

b) condamner la Commission au remboursement des dépens et des honoraires de la présente affaire;

- à titre subsidiaire, si elle décide de statuer en tout ou en partie sur le fond du pourvoi;

a) rejeter, comme non fondé, le pourvoi tel qu' il a été formé ci-dessus par la Commission;

b) admettre intégralement, en réformant l' arrêt du Tribunal, les demandes initiales des parties requérantes en première instance;

c) condamner la Commission au remboursement complet des dépens et des honoraires des deux procédures.

15. La Commission considère le pourvoi incident (point b) des conclusions des fonctionnaires) comme tardif et partant, irrecevable, eu égard à l' article 49 du statut de la Cour de justice.

16. Les parties ont renoncé à la procédure orale.

17. Nous reviendrons si nécessaire dans le cadre des présentes conclusions sur d' autres détails de fait et de droit ainsi que sur certains arguments des parties. Pour le reste, nous renvoyons au rapport du juge rapporteur.

B Analyse

Le pourvoi de la Commission

18. Les moyens exposés ci-dessus (17) se fondent sur deux séries de critiques. La première vise les différents types d' intérêts envisagés par le Tribunal ("intérêts moratoires" et "intérêts compensatoires") ainsi que les critères retenus pour la fixation du montant du droit au versement d' intérêts que le Tribunal a reconnu aux fonctionnaires. Dans l' autre, la Commission se fonde sur le fait qu' elle avait présenté sa proposition dès fin 1985, mais que le retard supplémentaire visant à l' adoption de la réglementation prévue par le règlement nº 3294/88 lui a tout de même été imputé.

19. A cet égard, il apparaît approprié de distinguer dans les réflexions qui suivent entre les deux séries de griefs, de les rassembler et de les condenser chacune en une partie spécifique.

Première partie : Les griefs concernant la responsabilité de la Commission pour la période à partir de 1986

20. I. Ces griefs figurent dans la deuxième (18) et dans la troisième branche (19) du deuxième moyen. La Commission y fait valoir que la proposition sur laquelle s' est fondée le règlement nº 3294/88 était déjà prête fin 1985, mais que c' est cependant à elle et non au Conseil que le retard supplémentaire (jusqu' à 1988) a été imputé. La Commission soulève la question de savoir si les fonctionnaires n' auraient pas dû, en raison de ce retard, introduire un recours séparé, conformément à l' article 215 du traité CEE contre le Conseil en sa qualité de législateur au lieu de l' introduire contre la Commission, en tant qu' employeur. La Commission voit là, d' une part, un défaut de motivation, elle critique, d' autre part, l' application erronée du droit communautaire faite par le Tribunal.

21. II. Deux des arguments invoqués par les fonctionnaires et tirés de l' irrecevabilité du pourvoi en cause se réfèrent à ces griefs.

22. 1. La Commission critique, selon les fonctionnaires, les parties de l' arrêt dans lesquelles le Tribunal a apprécié l' importance du retard à imputer à la Commission. Le moyen soulevé par la Commission serait par conséquent irrecevable à cet égard, puisqu' il est tiré de l' appréciation d' éléments de fait par le Tribunal.

23. Il y a lieu de rejeter cet argument. Il est certes exact qu' un pourvoi contre les arrêts du Tribunal est limité aux questions de droit (20) et ne saurait être fondé, sur des moyens tirés de l' appréciation des faits par le Tribunal en tant que telle (21). Toutefois, les faits sur le fondement desquels le Tribunal a établi l' importance de la responsabilité de la Commission et sur lesquels se fondent les présents griefs ne sont pas contestés dans la présente affaire. Ils ressortent clairement - et sans qu' il y ait eu besoin d' une "appréciation" - du déroulement des événements dans le temps. La Commission critique le contenu et la motivation des conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu en droit sur la base de ces faits. L' argument précité des fonctionnaires ne saurait par conséquent être admis.

24. 2. Par ailleurs, les fonctionnaires sont d' avis que par ce moyen la Commission saisit la Cour d' une conclusion nouvelle qui n' aurait pas été présentée devant le Tribunal et serait par conséquent irrecevable, en application de l' article 113 du règlement de procédure de la Cour.

25. Cet argument des fonctionnaires n' est pas non plus pertinent. Les conclusions que la Commission a formulées à la fin de son pourvoi sont tout à fait conformes à la disposition de procédure précitée. Les griefs formulés ici par la Commission ne servent qu' à justifier ces conclusions. En effet, le fait d' accueillir ces conclusions aurait pour conséquence, au moins une annulation partielle de l' arrêt litigieux et/ou un succès partiel des conclusions de la Commission en première instance (lesquelles visaient au rejet du recours). Ainsi, la Commission n' a ni explicitement, ni implicitement formulé d' autres conclusions qu' en première instance.

26. 3. De tout ce qui précède, il résulte qu' il n' y a par conséquent aucun doute quant à la recevabilité des deux griefs litigieux de la Commission.

27. III. Comme nous l' avons dit, la Commission critique tant la motivation que le contenu des conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu pour la période à partir de 1986.

28. 1. Nous estimons opportun, à cet égard, d' examiner d' abord la question de savoir si la motivation du Tribunal satisfait aux exigences applicables en la matière.

29. Sur le plan des principes, la Cour a déjà souligné, dans son arrêt Vidranyi (22), la règle selon laquelle toute juridiction a l' obligation de motiver ses décisions.

30. Dans la présente affaire, la Commission considère qu' il y a infraction à cette règle au motif que l' arrêt est totalement dépourvu de motivation. Selon la Commission, l' arrêt litigieux serait par conséquent entaché d' un "vice grave" (23).

31. L' examen de ce grief montre que le Tribunal n' a effectivement pas indiqué de quelle manière le retard intervenu à partir de 1986 a pu mettre en jeu la responsabilité de la Commission. Or, une telle explication était, par principe, nécessaire pour comprendre l' argumentation du Tribunal.

32. Au point 35 de l' arrêt, le Tribunal s' est en effet interrogé sur les droits pécuniaires des fonctionnaires qui invoquaient la responsabilité de l' institution à laquelle ils sont affectés, conformément à l' article 179 du traité CEE. Dans ce cas, c' est l' institution elle-même, en sa qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination (24) qui est partie à l' instance (et éventuellement débitrice de l' obligation).

33. En outre, il résulte du point précité de l' arrêt du Tribunal que ce dernier voit le fondement du droit reconnu aux fonctionnaires dans les règles générales de la responsabilité - à juste titre, car le statut ne prévoit pas l' augmentation du montant nominal, même en cas de retard dans l' adoption de règlements fixant rétroactivement le traitement des fonctionnaires et des agents (25). Or, le débiteur des droits aux dommages et intérêts est, en cas de doute, celui auquel il y a lieu d' imputer le comportement dommageable (26).

34. A cet égard, il est indiqué au point 38 de l' arrêt litigieux, en ce qui concerne "le retard" survenu "dans l' adoption du règlement" que le Tribunal a considéré comme mettant en jeu la responsabilité (27) le fait :

"qu' en l' espèce ... la base légale de l' adaptation quinquennale aurait dû être établie au plus tard en 1986, compte tenu du fait qu' à cette époque, le Conseil disposait de tous les éléments nécessaires pour adopter un règlement conforme aux exigences du statut."

35. Il en résulte que le Tribunal a imputé au Conseil le retard survenu à partir de 1986. Ceci correspond par ailleurs à la circonstance que le règlement nº 3294/88 est fondé sur la même proposition de la Commission que le règlement nº 3619/86 et que la Cour a annulé ce dernier précisément, au vu des dispositions qu' il comporte et qui diffèrent de la proposition de la Commission (28).

36. L' obligation pour la Commission d' indemniser des préjudices éventuels relatifs à la période à partir de 1986 ne peut pas non plus s' expliquer par le fait que la Commission est, comme le Conseil, une institution de la Communauté. Comme nous l' avons montré auparavant, sa responsabilité est engagée, en l' espèce, précisément en sa qualité d' institution. Ce ne sont pas les Communautés en tant que telles, ni l' une d' entre elles qui sont défendeurs.

37. Enfin, lorsque le fait générateur de la responsabilité est imputable à une institution communautaire (en l' occurrence : le Conseil) dont la responsabilité n' est pas engagée en sa qualité d' AIPN, c' est à l' encontre de la Communauté en cause qui est dans ce cas représentée devant le juge communautaire par l' institution concernée (29), qu' il y a lieu, pour l' intéressé, de faire valoir ses droits. Dans pareille hypothèse, la procédure applicable résulte des dispositions générales des traités et des différents statuts. L' article 179 du traité CEE (ou l' article 152 du traité CEEA) est tout aussi dépourvu de pertinence que les articles 90 et 91 du statut (30).

38. La démarche du Tribunal qui, comme nous l' avons vu, ne semble pas logique au premier abord ne saurait non plus s' expliquer à partir de l' arrêt de la Cour dans l' affaire Meyer-Burckhardt (31) à laquelle l' arrêt litigieux fait référence au point 38. Il est certes exact que, selon l' arrêt Meyer-Burckhardt, un litige entre un fonctionnaire et l' institution dont il dépend et visant à la réparation d' un dommage se meut, lorsqu' il trouve son origine dans le lien d' emploi qui unit l' intéressé à l' institution dans le cadre de l' article 179 du traité CEE et des articles 90 et 91 du statut (32). Il est par ailleurs exact que la Cour a interprété de manière très large la question de savoir si l' on se trouve en présence d' un "litige qui trouve son origine dans le lien d' emploi" (33). Par contre, rien dans l' arrêt cité ne permet de conclure que l' autorité investie du pouvoir de nomination doit, dans un cas comme la présente affaire, se voir imputer le comportement d' une autre institution.

39. Il apparaît par conséquent que la motivation de l' arrêt qui fait l' objet du pourvoi ne fournit pas, à elle seule, les explications nécessaires sur le point litigieux.

40. On ne peut pas dire non plus, au regard de la jurisprudence antérieure dans des affaires semblables, qu' une telle lacune ne relève pas du défaut de motivation et qu' elle ne constitue pas un motif d' annulation de l' arrêt attaqué.

41. Le Tribunal n' aurait pu, de ce point de vue, se dispenser de fournir des explications sur ce point litigieux, qu' en présence d' une situation juridique claire, confirmée par une pratique constante de la Cour. Nous sommes pourtant très éloignés de cette situation.

42. Dans l' arrêt Roumengous Carpentier du 15 janvier 1985 (34), la Cour a reconnu à la requérante qui était affectée à Ispra, un droit à l' encontre de la Commission en sa qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination, à se voir verser des intérêts à titre d' indemnisation du dommage qui était résulté pour elle de l' adaptation tardive du coefficient correcteur pour son lieu d' affectation.

43. La Cour avait exposé à cet égard que :

"Compte tenu des circonstances de l' espèce, et en particulier de la lenteur excessive avec laquelle les institutions communautaires se sont acquittées de leur tâche, les intérêts pour le retard survenu dans la liquidation des droits pécuniaires de la requérante sont fixés au taux de 6 % l' an".

44. Dans cette dernière affaire, il s' agissait cependant en réalité d' un comportement de la Commission. La requérante avait reproché à la Commission,

"d' avoir commis une grave faute de service, en n' agissant pas immédiatement, bien qu' étant informée de la situation illégale dénoncée par les intéressés" (35).

45. En fait, à une période où les prix augmentaient de manière sensible au lieu d' affectation de la requérante, la Commission avait prévu dans sa proposition (d' adaptation des coefficients correcteurs) que le Conseil a adoptée par la suite (36), une rétroactivité insuffisante et ne satisfaisant pas, par conséquent, aux exigences de l' article 65, paragraphe 2 du statut (37). Par ailleurs, à la différence de ce qui s' est passé dans la présente affaire, la Commission n' avait pas mis en cause le Conseil lorsque celui-ci avait adopté une mesure d' adaptation qui était erronée (pour d' autres motifs aussi). Cette méthode n' avait pu être par conséquent déclarée illégale qu' après que la requérante ait attaqué le bulletin de salaire correspondant.

46. Il apparaît par conséquent que l' arrêt Roumengous Carpentier ne suffit pas à justifier le défaut de motivation en cause ici.

47. Il en va de même pour les décisions prises par la Cour en 1984 (38) et 1985 (39) dans l' affaire Culmsee (40). Les requérants dans cette affaire avaient attaqué, à l' issue d' une adaptation des traitements imposée par la Commission par le biais d' une action en justice aussi bien l' institution à laquelle elles étaient affectées que le Conseil, en vue de se voir accorder des intérêts. Ce recours visait, entre autres, à l' annulation du bulletin de salaire en cause dans la mesure où le versement d' arriérés qu' il prévoyait ne comportait pas d' intérêts moratoires pour la période, à partir de la date prévue pour l' adaptation rétroactive. Les requérants exigeaient par ailleurs le versement de dommages-intérêts compensant l' intégralité de la perte de leur pouvoir d' achat.

48. La Cour a considéré le recours introduit contre l' institution à laquelle les requérants étaient affectés comme recevable (en excluant toutefois le chef de demande relatif à la perte de pouvoir d' achat, puisque cette demande n' avait pas été introduite au cours de la procédure préalable). Elle a par contre rejeté comme irrecevable la demande dirigée contre le Conseil en vue du paiement d' intérêts au motif que cette demande ne concernait "que le Comité économique et social".

49. Cette solution semble au premier abord plaider en faveur du fait que la Cour considère en principe les recours visant au versement d' intérêts, dans ce type de cas, comme ayant trait au lien d' emploi, ce qui signifierait encore une fois qu' elle considère - du point du vue du fond - le cas échéant, l' institution à laquelle le requérant est affecté comme débitrice de l' obligation.

50. Toutefois, le fait que les requérants dans l' affaire Culmsee avaient considéré l' octroi d' intérêts, en premier lieu, comme un élément nécessaire d' un bulletin de salaire régulièrement établi dès lors que ledit bulletin comportait le versement d' arriérés (41) sur la base de mesures d' adaption rétroactives plaide clairement contre cette conclusion. Dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte également de la circonstance que les demandeurs avaient exigé le versement d' intérêts à partir du jour où la rétroactivité avait débuté. Une exigence ainsi définie et motivée s' adresse logiquement à l' institution à laquelle le requérant est affecté.

51. Dans la présente affaire, ce n' est pas la rétroactivité de la mesure d' adaptation (au 1er janvier 1981) que le Tribunal a considéré comme décisive, mais le retard apporté à l' adoption de cette mesure. Par conséquent, il a ordonné que des intérêts soient versés à partir de la date à laquelle on pouvait dire qu' un délai raisonnable pour l' adoption de cette mesure était dépassé.

52. Nous ne méconnaissons pas le fait que les requérants dans l' affaire Culmsee critiquaient aussi, en second lieu, le retard apporté à l' adoption de leur augmentation de salaire (42) sans toutefois en tirer les conclusions qui s' imposaient quant à la date retenue pour le début de l' obligation de paiement des intérêts (dies a quo).

53. Pour la présente affaire, il résulte de ces particularités que, même les décisions de la Cour dans l' affaire Culmsee ne constituent pas un précédent fiable et qu' en toute hypothèse, elles ne présentent pas suffisamment d' éléments permettant de renoncer complètement à une motivation du point litigieux.

54. En conclusion, la troisième branche du deuxième moyen doit donc être accueillie puisque l' arrêt litigieux ne répond pas aux exigences de motivation telles qu' elles ont été définies par la Cour.

55. 2. Il y a lieu, selon nous, d' annuler l' arrêt du Tribunal (dans le cadre défini par le moyen litigieux dans ledit arrêt) sur la seule base de cette insuffisance (43). Il ne nous semble pas opportun de nous pencher également sur le grief tiré de la violation du droit communautaire. En effet, puisque le Tribunal a complètement omis de motiver son arrêt sur un point fondamental, la Cour, si elle se livrait à un tel examen, jouerait le rôle d' une juridiction de première instance en matière de droit en affaiblissant la position du Tribunal à cet égard. Il serait éventuellement possible de ne pas tenir compte de ces objections si la solution du problème en cause et les considérations qu' elle impose étaient indiscutables. Or, compte tenu des conséquences complexes et problématiques qu' entraîne la répartition malheureuse des compétences entre l' AIPN et les institutions législatives pour les voies de droit et la légitimation passive, il ne saurait en être question.

Deuxième partie : Les griefs de la Commission à l' encontre des types d' intérêts envisagés par le Tribunal ("intérêts moratoires" et "intérêts compensatoires") et les critères choisis par le Tribunal pour calculer le montant des intérêts dûs.

56. Dans le cadre posé par le titre de cette partie, il semble opportun de traiter d' abord le troisième moyen. Il y a lieu ensuite d' examiner le premier moyen et les parties pertinentes du deuxième moyen (première et seconde branche).

Sur le troisième moyen

57. I. Dans son troisième moyen, la Commission critique pour l' essentiel le fait que le Tribunal ait admis une compensation d' un montant équivalant à la perte du pouvoir d' achat déterminée par les données statistiques comme conséquence du retard intervenu lors de l' adoption du règlement nº 3294/88. Ce moyen se subdivise en trois branches - contrairement à la formulation quelque peu restrictive de son titre dans laquelle seule une des branches est mentionnée.

58. Dans la première branche (44), la Commission allègue que le Tribunal a méconnu la notion de dommages en tant que corollaire de la violation d' un droit subjectif. Les considérations développées par le Tribunal au point 40 de l' arrêt litigieux seraient, selon elle, contraires aux principes généraux du droit et élargiraient indûment la notion de dommage.

59. Dans la seconde branche (45), la Commission estime que le Tribunal a violé les principes généraux du droit relatifs à l' obligation de preuve, selon lesquels un dommage doit être établi, allégué et offert en preuve. Le Tribunal aurait en effet considéré, et de manière apodictique que le dommage des fonctionnaires était établi bien qu' il n' ait même pas été allégué par ceux-ci.

60. Dans la troisième branche de ce moyen, (46) il est indiqué que la Commission ne conteste pas qu' un système monétaire fondé sur l' indexation du pouvoir d' achat de la monnaie soit techniquement possible. Plusieurs pays y auraient eu déjà recours à certains moments de leur histoire. Il n' en resterait pas moins que l' indexation de la valeur de la monnaie ne peut résulter que d' un acte du législateur communautaire qui fait défaut en l' espèce.

61. II. Les trois branches de ce moyen ont le même objectif : la Commission souhaite obtenir qu' en ce qui concerne les intérêts dits compensatoires, l' arrêt du Tribunal de première instance soit annulé et qu' il soit fait droit à ses propres conclusions tendant au rejet des recours.

62. III. Une comparaison entre les trois branches du moyen litigieux fait toutefois ressortir que les première et deuxième branches ne sont pas autant de nature à résoudre les problèmes posés que la troisième branche.

63. Il y a lieu de constater à cet égard, tout d' abord que la présente affaire vise une situation tout à fait spécifique, à savoir, en droit de la fonction publique européenne, l' adoption tardive d' une mesure relative à l' adaptation quinquennale d' un coefficient correcteur. C' est précisément la troisième branche de ce moyen qui traite de ce problème spécifique : la Commission se fonde sur la circonstance que les règlements communautaires applicables ne prévoient pas de compensation à la perte de pouvoir d' achat qui, par conséquent, ne peut être accordée en tant que telle. Les deux autres branches de ce moyen traitent, par contre, des règles générales applicables lors de l' indemnisation de dommages, sans toutefois que la présente affaire pose le problème de la réévaluation du pouvoir d' achat en matière d' indemnisation sous cette forme générale.

64. En outre, on ne saurait examiner la question de savoir si la perte du pouvoir d' achat peut être considérée, à elle seule, comme un "dommage", voire comme une "preuve du dommage", sans constater les exigences positives découlant de ces notions. Dans l' arrêt litigieux, les fonctionnaires se sont toutefois contentés en première instance d' exposer les préjudices qu' ils avaient subis, en invoquant uniquement la dépréciation monétaire et en choisissant les moyens de preuve (matériel statistique) correspondants. La définition des exigences positives au sens précité serait par conséquent sans intérêt pour la présente affaire.

65. Pour tous ces motifs, nous proposons de commencer par l' examen de la troisième branche du troisième moyen du pourvoi et de ne traiter les deux autres branches que dans la mesure nécessaire pour apprécier l' objectif (47) poursuivi par ce moyen.

66. IV. Dans un tel cadre, les critiques formulées par les fonctionnaires quant à la recevabilité du troisième moyen ne susciteront que quelques remarques.

67. L' argument selon lequel ce moyen aurait trait à l' appréciation des preuves par le Tribunal et ne pourrait donc pas être censuré par la Cour vise exclusivement les deux premières branches de ce moyen et il est par conséquent dépourvu d' importance pour sa troisième branche. Il en va de même pour l' argument selon lequel les deux conditions posées par la Commission en matière d' établissement et de preuve d' un dommage sont remplies dans la présente affaire.

68. Enfin, il y a lieu de rejeter également l' argument des fonctionnaires, selon lequel les principes invoqués par la Commission dans son troisième moyen n' ont pas été admis jusqu' à présent et ne sont pas étayés, notamment dans la jurisprudence. Cet argument n' a en effet pas trait à la recevabilité mais au bien fondé dudit moyen, question sur laquelle nous nous pencherons dans le prochain point.

69. V.1. La question de savoir si le moyen litigieux est fondé doit être appréciée, en fonction des règles sur lesquelles peut se fonder la compensation de la perte du pouvoir d' achat. C' est à juste titre (48) que le Tribunal est parti de l' idée que, dans ce cas, ce sont uniquement les règles régissant la responsabilité extracontractuelle des Communautés qui s' appliquent. Puisqu' en effet, les articles 64 et 65 du statut ne prévoient aucune mesure de compensation pour la perte de pouvoir d' achat dans les cas d' adaptation tardive des rémunérations, on ne saurait fonder le droit litigieux sur le statut (49).

70. 2. Les principes qui s' appliquent à la responsabilité des institutions à l' égard des fonctionnaires communautaires ne sont pas fixés dans le droit communautaire écrit. Cependant, la jurisprudence de la Cour fait apparaître que, dans ce domaine, il y a lieu d' appliquer des principes analogues à ceux qui sont applicables dans le cadre de l' article 215, paragraphe 2 du traité CEE (50).

71. La jurisprudence constante en matière de statut des fonctionnaires selon laquelle la responsabilité présuppose (51) une faute de service, un dommage ainsi qu' un lien de causalité entre ces deux éléments correspond pour l' essentiel (52) à la formule utilisée à l' article 215 du traité CEE. Par ailleurs, la Cour a qualifié dans l' affaire Leussink (53) les droits à indemnisation d' un fonctionnaire qui résultaient de son lien d' emploi et ceux de sa famille, fondés sur l' article 215 du traité CEE de manière uniforme comme relevant "du droit commun" (54). S' agissant des droits de sa famille, la Cour a ensuite tiré des conclusions "des principes généraux communs au droit des Etats membres" (55) auquel se référe l' article 215, alinéa 2, du traité CEE quant au régime de la responsabilité non contractuelle.

72. Si la responsabilité extra-contractuelle est régie comme dans le cas de l' article 215, alinéa 2 et du statut des fonctionnaires par des principes non écrits, il y a lieu, outre les conséquences (56) qui résultent de l' examen des ordres juridiques des Etats membres, de tenir également compte du contexte dans lequel s' intègre ici le problème de responsabilité en cause (57). Cela a eu pour conséquence que dans certains cas d' activité normative de la Communauté, sa responsabilité a été soumise à des conditions restrictives que la Cour a tirées des ordres juridiques des Etats membres (58).

73. Il y a lieu d' admettre que dans la présente affaire, ce ne sont pas les conditions de la responsabilité mais les conséquences (c' est-à-dire la détermination de la prestation compensatoire) qui sont en cause, lesquelles interviennent lorsque les conditions de la responsabilité sont remplies (59). Toutefois, nous ne voyons aucun motif d' appliquer à cet égard un autre critère et de ne pas tenir compte du contexte dans lequel la question de la responsabilité s' est posée lorsqu' il y a lieu d' évaluer le montant de la compensation (60). Par ailleurs, les modalités imposées par le contexte en matière de responsabilité peuvent non seulement être tirées des ordres juridiques des Etats membres mais également du contenu et de l' objectif des dispositions communautaires dans le domaine en question (61).

74. 3. Il y a lieu par conséquent de vérifier si, eu égard aux ordres juridiques des Etats membres et au contexte dans lequel les fonctionnaires exigent une compensation à ce pouvoir d' achat, cette prétention apparaît fondée.

75. a) La Cour n' avait eu jusqu' à présent aucune occasion de se pencher sur la question ainsi définie. Une partie des arrêts en matière de statut des fonctionnaires qui portent sur l' adaptation du pouvoir d' achat sont consacrés à l' interprétation des mécanismes prévus aux articles 64 et 65 du statut (62). De manière générale, on peut constater que ces dispositions ont été interprétées de manière large (63), conformément à leurs objectifs.

76. Dans d' autres arrêts, lorsqu' il était question de la perte du pouvoir d' achat de certains droits dont le montant était régi par des dispositions précises, quant à leur date de référence, la jurisprudence s' est opposée à l' application d' une date ultérieure plus favorable aux fonctionnaires (64). On peut considérer cette interprétation comme le revers de l' interprétation large mentionnée précédemment.

77. b) Il y a lieu, selon nous, de prendre en considération cette dernière idée dans le domaine du droit à l' indemnisation qui résulte le cas échéant du retard. La règle, dans l' application de laquelle le retard est intervenu, relève en effet - au sens exposé précédemment - d' un contexte, dans lequel s' intègre la prétention qu' a fait valoir le requérant. Cette règle peut notamment faire apparaître qu' une adaptation du montant à l' évolution du pouvoir d' achat par le juge communautaire constituerait une anomalie à l' intérieur du système.

78. C' est ce qui se produit dans la présente affaire.

79. A cet égard, il convient en premier lieu de rappeler l' objectif des articles 64 et 65. Ces dispositions réglementent dans le temps et géographiquement, l' adaptation des traitements à la lumière de l' évolution économique et notamment de l' évolution du pouvoir d' achat. Dans le cas de l' article 65, l' accent est mis sur l' aspect temporel puisque l' adaptation annuelle réglemente "le niveau de rémunération". L' article 64 concerne par contre en premier lieu l' aspect géographique puisqu' il doit garantir que les fonctionnaires reçoivent un traitement à peu près semblable, indépendamment de leur lieu d' affectation dans la Communauté.

80. Ces deux dispositions servent à l' adoption de réglementations en matière de rémunération qui conduisent au versement de certains montants en valeur nominale. Même si ces montants perdent en pouvoir d' achat pendant la durée de validité de ces réglementations, une adaptation ne peut intervenir que par le truchement de nouvelles mesures prises en application des articles 64 et 65 destinées à compléter ou à remplacer les mesures précédentes.

81. A cet égard, il y a lieu également de tenir compte du fait que les mécanismes d' adaptation se fondent dans les deux cas sur une vérification postérieure. L' adaptation a toujours lieu sur la base d' évolutions qui sont déjà intervenues et non d' évolutions auxquelles il convient de s' attendre. Il n' est cependant pas prévu que l' adaptation à laquelle il est procédé tienne compte du temps qui s' est écoulé à partir de la date choisie pour son application. Ce principe s' applique même dans le cas de l' article 65 qui prévoit une date (paragraphe 1) ou un délai (paragraphe 2) pour l' intervention du Conseil. Même dans le cas d' un "retard" dans l' adoption de la mesure d' adaptation prévue, le statut ne prévoit pas d' augmentation correspondante du montant nominal. Comme nous l' avons déjà dit, ces mécanismes ont un caractère exhaustif en vertu de la jurisprudence de la Cour.

82. En deuxième lieu, il convient de rappeler que le statut a confié l' adaptation des traitements à la Commission et au Conseil. Comme cela résulte du dossier, les représentants du personnel participent à la procédure aboutissant à la proposition de la Commission.

83. De ce point de vue, nous ne pouvons pas approuver le fait que le juge communautaire doive admettre une compensation de pouvoir d' achat dans le cas où l' adaptation des rémunérations intervient avec retard. Une telle solution serait incompatible avec le caractère exhaustif des réglementations, avec les compétences de la Commission et du Conseil et la portée que revêt la phase de proposition pour la participation du personnel.

84. Il n' y aurait pas lieu de tenir compte de ces réflexions si le retard des institutions était tel qu' il soit de nature à porter atteinte au droit au traitement dans son essence. Il n' y a cependant ici aucun élément autorisant cette conclusion (à part le fait que la jurisprudence comporte des indications sur le point de savoir comment les fonctionnaires pourraient s' opposer à une situation aussi extrême, par exemple, en attaquant le bulletin de salaire pertinent (65)).

85. Ces conclusions auxquelles nous sommes parvenus au regard du contexte dans lequel s' insère la question soulevée ne sont pas remises en question par les critères sur lesquels est fondé l' arrêt Dumortier du 19 mai 1982 (66) puisque cet arrêt a été précisément rendu dans un autre contexte.

86. Cet arrêt avait été rendu, après un arrêt interlocutoire de 1979 (67) qui avait constaté la responsabilité de la Communauté du fait de la suppression de restitutions pour le gritz de mais. La Cour s' était à l' époque fondée, pour l' évaluation du préjudice, sur le montant des restitutions qui auraient dû être versées aux requérants si la règlemention en cause n' avait pas été supprimée de manière illégale. Dans l' arrêt définitif de 1982, la Cour a ensuite constaté qu' il y avait lieu pour la conversion de l' Ecu en monnaies nationales des sommes que la Communauté devait aux requérants sur cette base, d' appliquer les taux en vigueur à la date de l' arrêt interlocutoire.

87. Selon nous, il n' existe entre l' affaire précitée et la présente affaire, pas de parallèles suffisants pour justifier l' option litigieuse, choisie par le Tribunal, en faveur d' une compensation du pouvoir d' achat.

88. Premièrement, il ne s' agissait pas dans l' affaire citée de l' augmentation (par application d' un taux d' intérêt) du montant nominal des restitutions qui n' avaient pas été versées mais de la conversion en monnaie nationale de montants nominaux - inchangés -. Dès lors, la solution choisie par la Cour tient compte de la circonstance que les versements dont les requérants n' avaient pas bénéficié étaient comparables à une dette en monnaie étrangère. La Cour n' est pas partie des cours de conversion des échéances passées pour ensuite imposer, la compensation du pouvoir d' achat de sommes ainsi calculées.

89. Deuxièmement, la Cour s' est fondée sur un taux de conversion qui faisait partie intégrante du mécanisme des restitutions dans la Communauté, au lieu de procéder elle-même à une adaptation au pouvoir d' achat des différentes monnaies.

90. Troisièmement, ce qui importait à la Cour était d' assurer le traitement égal des créanciers de l' indemnisation, élément qui n' est pas en cause dans la présente affaire.

91. La solution que nous proposons dans ce cas ne suscite pas non plus de doutes eu égard aux ordres juridiques des Etats membres qui ont leur importance à côté du critère que nous avons traité jusqu' ici pour le contexte du régime de responsabilité applicable.

92. Il y a lieu de constater tout d' abord qu' il s' agit dans la présente affaire d' un cas d' exécution tardive d' obligations pécuniaires. Certes, le retard n' est pas survenu lors du versement d' une somme déterminée ou déterminable mais dans le cadre de la procédure qui a conduit à la fixation de ladite somme. Cependant, les conséquences pour le créancier sont les mêmes dans un cas et dans l' autre.

93. Face à ce problème, le Tribunal, prenant manifestement en considération les ordres juridiques de certains Etats membres (par exemple, la Belgique et l' Italie) - a fait une distinction entre ces deux cas et a lié le droit aux "intérêts compensatoires" au montant de la perte du pouvoir d' achat alors que les intérêts "moratoires" sont réservés, selon le Tribunal, à la période postérieure à cette fixation. Toutefois, la définition des "intérêts compensatoires" comme compensation spécifique à la perte du pouvoir d' achat vise, en premier lieu, des cas dans lesquels le juge doit calculer la compensation pour un dommage plus ample et doit à cette occasion prendre en compte le temps qui s' est écoulé entre la survenance du préjudice et le jugement (définitif) (68).

94. Il y a lieu enfin de souligner que lorsque des intérêts destinés à compenser l' écoulement du temps sont demandés, les juridictions de certains Etats membres (tels le Royaume-Uni, la France et l' Allemagne) refusent le versement d' intérêts calculés sur la seule perte du pouvoir d' achat tel que statistiquement calculé, ou ne les accordent qu' à titre exceptionnel.

95. En conclusion, rien dans les ordres juridiques nationaux ne s' oppose à la solution proposée ici.

96. Il y a lieu par conséquent d' accueillir le troisième moyen.

Sur le premier moyen du pourvoi

97. I. Le point clef des arguments de la Commission dans ce contexte est la constatation du fait que la jurisprudence de la Cour ne distingue pas (plus) rigoureusement entre intérêts moratoires et compensatoires. L' octroi d' intérêts moratoires dépendait traditionnellement de la question de savoir si la créance était certaine, déterminée ou déterminable et échue. Les intérêts compensatoires seraient, selon la définition traditionnelle, accordés à un créancier qui fait la preuve d' un dommage ultérieur. La condition préalable est l' existence d' une action intentionnelle ou fautive, d' un événement dommageable ainsi que d' une relation causale entre les deux. Or, selon la Commission, la jurisprudence a désormais, en lieu et place de cette double notion, développé un régime autonome et uniforme qui tire sa source de la notion d' intérêts moratoires, mais en dépassant sa définition traditionnelle. Les intérêts ne font que représenter la compensation de préjudices survenus du fait du retard avec lequel les institutions auraient versé les montants dus, en application du statut. Il faut, pour que ces intérêts soient accordés, qu' il y ait faute de service de l' AIPN assortie d' un avertissement, voire d' une mise en demeure. Ces intérêts correspondent aux intérêts légaux tels qu' ils sont prévus par les ordres juridiques des Etats membres et comportent, par conséquent, outre l' élément de la fécondité naturelle de l' argent, également un facteur relatif à la dépréciation monétaire.

98. II. L' objectif qui sous-tend le premier moyen invoqué par la Commission n' apparaît pas clairement. La Commission critique d' une part en effet la partie de l' arrêt qui a reconnu aux fonctionnaires le droit à des "intérêts compensatoires", en soulignant que ni en matière de personnel, ni en aucune autre matière, la Cour n' a accepté de demande autonome de réévaluation du pouvoir d' achat d' un capital liquidé avec retard (69). Contrairement aux motifs de l' arrêt du Tribunal (70), il n' existe pas, selon la Commission, de jurisprudence établie en matière de réévaluation d' arriérés de rémunérations correspondant à l' évolution du coût de la vie (71).

99. Par ailleurs, la Commission critique également la partie de l' arrêt qui traite de la demande relative aux intérêts "moratoires"; on sait que le Tribunal avait rejeté cette demande, conformément aux conclusions de la Commission. La Commission expose que le Tribunal se serait appuyé sur une interprétation erronée du droit communautaire en matière d' intérêts moratoires en cas de liquidation tardive de la rémunération d' un fonctionnaire (72). En déclarant non fondée la demande d' intérêts moratoires, l' arrêt du Tribunal se fonde, selon la Commission, sur une définition de la notion d' intérêts moratoires, désormais dépassée (73).

100. Bien que cette argumentation paraisse à première vue étonnante eu égard aux intérêts de la Commission, il est possible (avec quelques difficultés) de voir ce qui importe en définitive à la Commission. Nous renvoyons à cet égard à sa réponse à l' objection avancée par les fonctionnaires et selon laquelle le premier moyen du pourvoi ne serait pas recevable en raison du défaut d' intérêt de la Commission puisqu' elle n' aurait pas succombé dans ses conclusions en ce qui concerne les intérêts moratoires (voir article 49, paragraphe 2 du statut de la Cour de justice de la Communauté économique européenne). Dans sa réplique, la Commission fait en effet valoir à cet égard son intérêt (74) "à voir rétablir ce qu' elle considère comme une interprétation plus correcte du droit communautaire en matière d' intérêts compensatoires". Le premier moyen a par conséquent le même objectif que le troisième, à savoir l' annulation de l' arrêt litigieux, dans la mesure où le Tribunal a admis en raison du retard une compensation fondée uniquement sur la base de l' évolution statistique du pouvoir d' achat.

101. On ne saurait certes nier l' impression que dans la présente affaire, la Commission vise à persuader la Cour de manière générale de son point de vue - également en matière d' intérêts moratoires. L' objectif formel poursuivi par le moyen litigieux se borne toutefois à l' annulation de l' arrêt entrepris dans le cadre précisé tout à l' heure (75).

102. III. Dans ces conditions, nous estimons qu' il n' est pas nécessaire de nous pencher sur le premier moyen du pourvoi. En effet, la Commission a déjà atteint l' objectif précité avec son troisième moyen. En outre, nous aurons encore l' occasion, lors de l' examen du pourvoi incident, de nous pencher sur la solution alternative proposée par la Commission dans son premier moyen par rapport à la solution adoptée par le Tribunal, à savoir qu' il ne devrait pas en l' espèce y avoir de compensation de la perte statistique de pouvoir d' achat mais que l' on devrait octroyer des "intérêts moratoires" à un "taux légal".

Sur la première et la seconde partie du second moyen

103. I. Ces griefs se réfèrent tout comme le premier moyen aux deux parties de l' arrêt (relatives aux intérêts moratoires et compensatoires). La Commission, partant de la conception qu' elle considère à cet égard comme correcte (76), reproche au Tribunal une motivation insuffisante de son arrêt.

104. Puisqu' il s' agit de critiques concernant la régularité formelle de l' arrêt, nous ne pouvons pas considérer qu' elles sont devenues sans objet au regard de nos conclusions quant au troisième moyen.

105. II. 1. La Commission fait valoir d' abord que la motivation de l' arrêt litigieux est contradictoire à un double titre. Premièrement, la conclusion à laquelle est parvenue le Tribunal ne correspond pas à la distinction (traditionnelle) entre intérêts moratoires et intérêts compensatoires. Par ailleurs, le Tribunal ne serait pas parvenu à appliquer d' une manière cohérente la notion d' intérêts telle qu' elle a été définie en droit communautaire.

106. Les fonctionnaires réitèrent à cet égard leur allégation selon laquelle la Commission ne peut soulever ce moyen au motif qu' elle n' aurait pas succombé en ce qui concerne les intérêts moratoires. Il suffit à cet égard de constater que les griefs allégués par la Commission partent de l' idée que c' est l' arrêt dans son ensemble qui est entaché d' un défaut de motivation, lequel vise par conséquent également la partie relative aux intérêts compensatoires, domaine dans lequel la Commission a succombé. Il y a lieu par conséquent de rejeter cet argument des fonctionnaires.

107. Toutefois, nous considérons que l' argumentation de la Commission sur ce point n' est pas fondée. Le Tribunal a exposé avec suffisamment de clarté où se situait pour lui dans la présente affaire, le critère de distinction entre les intérêts moratoires et compensatoires selon que la créance principale (77) présentait un caractère certain ou déterminable. Par contre, la définition des deux notions litigieuses, sur laquelle se fonde la Commission (78) ne figure pas dans l' arrêt du Tribunal. La contradiction critiquée par la Commission se situerait en définitive, non entre les différentes parties des motifs de l' arrêt litigieux, mais dans la différence entre la conception juridique de la Commission et celle du Tribunal.

108. Il y a lieu d' apprécier de la même façon le reproche fait par la Commission au Tribunal, à savoir que le Tribunal n' est pas parvenu à appliquer de manière cohérente la notion communautaire d' intérêts (dont est partisante la Commission). Comme la Commission l' admet elle-même dans son premier moyen, le Tribunal n' est pas parti de cette notion. A cet égard, nous ne parvenons pas non plus à discerner un défaut de motivation de l' arrêt litigieux.

109. 2. La Commission voit une autre infraction à l' obligation de motivation suffisante, dans le fait qu' elle avait présenté, dès la fin 1985 le projet de règlement, qui s' est traduit par le règlement nº 3294/88. La Commission se fonde sur la conclusion que le Tribunal a tirée de cette circonstance au point 38 de l' arrêt litigieux (79) et elle fait valoir que le Tribunal est lui-même parti de l' idée que la créance principale était déterminable depuis 1986. Sur le fondement de cette prémisse, la Commission estime que le Tribunal aurait dû accorder aux fonctionnaires, à partir de cette date, des intérêts moratoires (et non des intérêts compensatoires).

110. Nous ne sommes pas non plus convaincus par cet argument. Comme il ressort en effet clairement des points 23 et 24 de l' arrêt litigieux, le Tribunal a admis que le Conseil avait un certain pouvoir d' appréciation pour l' adaptation quinquennale litigieuse du coefficient correcteur et a considéré par conséquent que la créance principale n' était déterminable qu' à partir du 24 octobre 1988, date à laquelle le Conseil a adopté le règlement nº 3294/88. A cet égard, le point 38 de l' arrêt, cité par la Commission ne peut être compris qu' en ce sens que le Conseil disposait en 1988 de tous les éléments nécessaires pour l' exercice de son pouvoir d' appréciation.

111. En conclusion de notre examen du pourvoi introduit par la Commission, nous constatons que les griefs qu' elle a avancés sont fondés dans la mesure où

- l' arrêt n' est pas suffisamment motivé en ce qui concerne le droit au versement d' intérêts à partir de 1986 (deuxième et notamment troisième branche du deuxième moyen);

- le Tribunal a violé le droit communautaire en reconnaissant aux fonctionnaires un droit à compensation de la perte statistique du pouvoir d' achat sur la base du retard constaté (troisième moyen).

Sur le pourvoi incident des fonctionnaires

112. Les fonctionnaires ont introduit avec leur mémoire en réponse un pourvoi incident pour le cas où la Cour statuerait en tout ou en partie sur le bien-fondé du pourvoi. Si la Cour devait partager notre opinion selon laquelle les objections soulevées par les fonctionnaires à l' encontre de la recevabilité des moyens de la Commission ne sauraient être accueillies pour l' essentiel (80), cette condition serait remplie. Nous examinerons par conséquent ci-après ce pourvoi incident introduit par les fonctionnaires.

Sur le respect du délai conformément à l' article 49, paragraphe 1, du statut (CEE) de la Cour de justice

113. Selon la Commission, le pourvoi incident est (totalement) irrecevable puisque le délai de deux mois prévu dans la disposition précitée n' a pas été respecté. Le règlement de procédure ne prévoit pas que la possibilité ouverte pa l' introduction d' un pourvoi dans le délai prévu puisse être utilisée pour mettre en cause dans le mémoire en réponse des éléments de l' arrêt dont il n' a pas été question dans le pourvoi.

114. Il y a lieu de rejeter cet argument. L' article 116, paragraphe 1 du règlement de procédure dispose en effet que :

"Les conclusions du mémoire en réponse tendent :

- au rejet total ou partiel du pourvoi ou à l' annulation partielle de la décision du Tribunal;

- à ce qu' il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l' exclusion de toute conclusion nouvelle".

115. Cette disposition fait apparaître clairement qu' il doit bel et bien être donné à la partie adverse la possibilité de contre-attaquer de manière indépendante. La présente affaire dans laquelle le Tribunal a accueilli une des deux conclusions des fonctionnaires en première instance et rejeté l' autre, montre du reste que cet objectif est légitime pour des motifs d' égalité des chances des parties. S' agissant du délai pour l' introduction du pourvoi incident, il résulte de ces conclusions que le défendeur au pourvoi n' est pas tenu par le délai inscrit à l' article 49, paragraphe 1 du statut CEE de la Cour de justice mais uniquement par le délai prévu pour le mémoire en réponse.

116. Il n' est donc pas étonnant que, dans un arrêt récent (81), la Cour semble être partie implicitement de la recevabilité d' un pourvoi incident introduit dans le mémoire en réponse.

117. Il y a lieu par conséquent de rejeter l' argument d' irrecevabilité invoqué par la Commission à l' encontre dudit pourvoi incident et d' examiner dans les points suivants les griefs avancés par les fonctionnaires.

Sur la contradiction entre les motifs et le dispositif de l' arrêt ainsi que sur l' infraction au principe de non-discrimination

118. I. Les arguments que les fonctionnaires ont exposés sur ce point se référent principalement au fait que le Tribunal a fixé le début de l' obligation de paiement (dies a quo) au 1er janvier 1984. Les fonctionnaires critiquent le fait que le Tribunal ne leur ait pas accordé d' indemnisation pour la période précédent cette date. Selon les fonctionnaires, le fait que la Commission avait, dès janvier 1982, disposé des documents correspondants (82) de l' Office statistique des Communautés européennes (OSCE) serait incompatible avec la prémisse dont est parti à juste titre le Tribunal, à savoir qu' il y a lieu de considérer comme fautif (83) tout retard inexcusable dans l' établissement de la réglementation. Il y aurait par conséquent dans cet arrêt une contradiction manifeste entre les motifs et le dispositif qui serait contraire au principe de l' égalité de traitement.

119. Il n' y aurait par ailleurs aucune excuse à l' action tardive de l' institution. Les fonctionnaires font valoir de manière générale dans ce cadre les possibilités qu' ont les institutions d' agir rapidement.

120. Il y a lieu de rejeter cet argument qui met en réalité en doute l' appréciation des faits effectués par le Tribunal. Le Tribunal a en effet tiré d' une "analyse de la procédure suivie" la constatation "que l' ensemble du règlement aurait déjà pu être adopté au 1er janvier 1984 ...". A cet égard, il a tenu compte non seulement de la disponibilité des données OSCE mais également du rythme des réunions préparatoires de concertation. Les fonctionnaires n' ont pas fourni d' éléments permettant de penser que le Tribunal se serait servi, pour cette appréciation, de critères qu' il y aurait lieu de contester pour des motifs juridiques. Notamment, ils n' ont pas contesté la nécessité de réunions préparatoires après que les données OSCE soient parvenues à la Commission.

121. II. L' argument des fonctionnaires selon lequel le Tribunal devrait prendre en compte aux fins de l' indemnisation de la perte du pouvoir d' achat, également la dépréciation de l' indemnisation elle-même (pour la période de 1988 jusqu' au versement effectif) ne saurait pas non plus aboutir. Indépendamment du fait qu' une indemnisation n' est pas due proportionnellement à la perte du pouvoir d' achat (84), les fonctionnaires ont fait valoir cette prétention pour la première fois au cours du pourvoi. Elle ne saurait par conséquent être prise en compte conformément à l' article 116, paragraphe 1, deuxième tiret (à la fin) ainsi que paragraphe 2 du règlement de procédure.

Sur la violation des principes généraux en matière de dommages-intérêts

122. La partie la plus importante du pourvoi incident est consacrée à la décision du Tribunal sur la demande "d' intérêts moratoires". On sait que le Tribunal a rejeté cette demande en se fondant sur l' arrêt Ammann (85) puisqu' il ne pouvait, avant l' adoption du règlement nº 3294/88 y avoir de retard dans la liquidation d' une dette due puisqu' il ne pouvait y avoir à cette date de créance certaine quant à son montant et déterminable objectivement.

123. I. Avant d' examiner en détail les critiques formulées par les fonctionnaires quant à ces réflexions, nous aimerions attirer l' attention sur deux points qui sont à notre avis importants.

124. Le premier point concerne la notion d' intérêts "moratoires". Selon une définition établie par la Cour de justice dans l' affaire Campolongo (86) ces intérêts moratoires correspondent à l' évaluation et à la fixation légales du dommage subi par le retard de l' exécution d' une obligation. Selon cet arrêt ancien, les intérêts moratoires sont accordés à un taux forfaitaire, sans qu' il y ait besoin d' une preuve concrète du dommage. Il s' agit en ce qui concerne le taux d' intérêt, des intérêts légaux connus dans de nombreux Etats membres (voir par exemple le droit belge, français, italien et allemand). La Cour s' est tenue par la suite à cette appréciation des intérêts moratoires comme des intérêts qui doivent être de manière forfaitaire (87) sans qu' il y ait besoin de prouver concrètement le dommage. Elle a par contre abandonné en 1964 (88) l' opinion (qui prévalait encore dans l' arrêt Campolongo), à savoir que le "défaut de toute fixation légale" des intérêts moratoires en droit communautaire avait pour conséquence qu' ils ne pouvaient être accordés. Depuis, la Cour de justice fixe elle-même le taux forfaitaire, dans les arrêts les plus récents le plus souvent à 8 % par an (89). Nous partirons par la suite de l' hypothèse que c' est ainsi que les parties et le Tribunal ont entendu la notion en cause.

125. Le second point que nous souhaitons aborder à titre préliminaire concerne l' argument sur lequel les fonctionnaires ont fondé leur demande d' octroi d' intérêts moratoires en première instance. Selon l' arrêt attaqué, cette demande est tirée "du retard injustifié avec lequel la Commission leur a versé les arriérés de rémunération qui leur étaient dûs" (90). Les critiques formulées par les fonctionnaires étaient à cet égard dirigées contre "le retard avec lequel les arriérés de rémunération qui leur étaient dûs avaient été liquidés dans la présente affaire" (91). Les fonctionnaires se sont fondés là, pour justifier leurs prétentions sur les faits que le Tribunal a lui-même considéré comme générateurs de responsabilité - toutefois, dans le cadre d' une compensation du montant de la perte statistique du pouvoir d' achat.

126. II. A la lumière de ces considérations préliminaires, la question soulevée par les fonctionnaires dans le présent moyen porte sur le point de savoir s' il y a lieu d' accorder des intérêts moratoires à un taux forfaitaire, en raison du retard survenu lors de l' adoption de la mesure d' adaptation qui, comme nous l' avons vu, ne fonde pas de droit à l' obtention d' une compensation de la perte statistique de pouvoir d' achat.

127. Selon les fonctionnaires, la présente affaire se différencie de l' affaire Ammann par le fait qu' à l' époque le retard dans le versement des arriérés de rémunération dus n' était que d' un an et dix mois alors que dans la présente affaire, il s' agit de plus de huit ans. Si on transpose les critères énoncés dans l' arrêt susmentionné à la présente affaire, on s' aperçoit qu' il y a une lacune en matière de protection des droits ou une infraction grave au principe général selon lequel une compensation est due lorsque des obligations pécuniaires sont remplies avec retard. S' il n' y avait pas d' intérêts moratoires, ou de réévaluation de la valeur de l' argent, les fonctionnaires ne disposeraient d' aucun moyen de recours si les institutions retardaient pour un motif ou pour un autre l' adoption d' une disposition normative au-delà d' un délai convenable.

128. L' argument selon lequel ce n' est qu' à partir de l' adoption du règlement par le Conseil qu' il existerait une créance déterminable ne devrait pas s' opposer à l' indemnisation sous forme d' intérêts moratoires ou sous une autre forme lorsque la procédure visant à l' adoption de la mesure en cause présente un retard important. Dans des cas comme celui-là, l' application d' intérêts moratoires pourrait représenter une solution juste en tenant compte d' un délai justifié par les nécessités de procédure.

129. Nous considérons cet argument pour l' essentiel comme fondé.

130. La prémisse dont est partie le Tribunal, à savoir que la créance principale (d' un montant de la somme qu' il y avait lieu de verser en raison de l' adaptation quinquennale) n' a été connue (92) qu' après l' adoption du règlement nº 3294/88 est exacte et non contestée.

131. Par contre, cette circonstance ne fait pas obstacle en tant que telle à ce que soit admis le versement d' intérêts moratoires lorsqu' il y a des retards dans la procédure.

132. L' idée qui transparaissait assurément encore dans l' arrêt Campolongo (93) était que les intérêts moratoires étaient indépendants de l' existence d' une faute de service et revêtiraient le caractère d' une sanction automatique, lorsqu' il ne pouvait être satisfait à temps à une dette échue.

133. Cette conception des choses, même si elle peut être juste dans certains cas (94), s' est toutefois révélée être inadaptée en matière de recours de fonctionnaires. Dans ce domaine, il a très vite été nécessaire d' accorder des intérêts moratoires à titre de prestation compensatoire lorsque le fait de satisfaire tardivement à des droits échus repose sur une faute de service. Un tel retard s' explique en effet dans la pratique normalement par un litige sur l' interprétation du statut. La Cour de justice a par conséquent, dans de tels cas, considéré (95) un mécanisme "d' intérêts moratoires" forfaitaire comme adapté. Dans une telle situation, le droit à ces intérêts n' est pas fondé sur une méconnaissance du fait que lesdits intérêts sont échus mais tire sa vraie justification d' une interprétation inexacte du statut (96) et par conséquent, d' une faute de service, même si ladite faute de service se résume à l' erreur d' interprétation précitée (97).

134. Il y a lieu dans ce contexte de rappeler que pour le créancier d' une somme d' argent, cela ne fait pas de différence sur le plan économique de savoir si le débiteur retarde le versement, après le moment où la somme est déterminée ou déterminable ou s' il y a lieu de situer ce retard et par conséquent cette faute de service dans une phase antérieure, à savoir celle où est fixée la somme due (ou les critères permettant de la déterminer) (98).

135. Il ne nous semble pas non plus justifié de faire une différence entre ces deux cas, en ce qui concerne les intérêts du débiteur. Lorsque comme ici, la créance principale n' est pas déterminable avant l' adoption du règlement, cela signifie que l' institution compétente dispose d' un pouvoir d' appréciation. Ce point de vue n' est toutefois pas déterminant puisque ce pouvoir d' appréciation n' est pas affecté par le fait que des intérêts moratoires sont accordés (en raison du retard de la procédure). On ne saurait, en effet, en règle générale, soutenir que le pouvoir d' appréciation aurait été exercé autrement si la procédure avait été plus rapide. Ainsi, si l' on transpose ce raisonnement à la présente affaire, on ne voit pas comment le contenu des propositions de la Commission aurait pu être influencé si elle avait mené ses réunions de concertation à un rythme plus rapide. Le Conseil n' aurait pas non plus changé d' attitude vis-à-vis de ces propositions si elles lui avaient été présentées plus tôt.

136. On peut par conséquent penser que dans de tels cas de retard, il y a lieu de partir de l' hypothèse que si l' institution avait procédé de manière plus rapide, elle aurait fait jouer son pouvoir d' appréciation de la même manière à une date plus précoce (99).

137. Avant d' analyser l' arrêt Ammann, laissez-moi souligner que ce point de départ est celui d' un nombre important d' arrêt de la Cour.

138. En tant que première référence semble s' imposer l' arrêt Roumengous Carpentier du 15 janvier 1985 (100), précité (101), dans lequel la Cour a critiqué "la lenteur excessive" "avec laquelle les institutions communautaires se sont acquittées de leur tâche". La présente affaire qui concerne une mise en oeuvre trop lente de la procédure de la part de la Commission n' est certes tout à fait comparable avec cette autre affaire, dans laquelle la Commission en suscitant et en tolérant la situation illégale a retardé (102) la fixation des droits des fonctionnaires. Cependant, cet arrêt montre que même des événements qui ont retardé la fixation de droits doivent être pris en considération comme base de versement des intérêts moratoires.

139. Ce point de vue en faveur duquel nous plaidons se retrouve en outre dans une série complète d' arrêts (103) portant sur la détermination d' un taux d' invalidité, détermination qui relève sans aucun doute d' une appréciation. Ainsi, la Cour a constaté dans l' arrêt Leonardini "que le comportement tenu en l' espèce par la Commission ne satisfait pas aux exigences susdites de l' article 73 et a retardé le règlement du dossier litigieux" (104). La Cour a donc accordé "des intérêts moratoires" (d' un montant de 8 %) à partir du jour où le problème aurait dû être réglé. L' affaire B./Commission (105) est également particulièrement intéressante dans ce contexte. Il résulte de la formulation claire de cet arrêt que la Cour assimile le retard dans la fixation du degré d' invalidité à un retard dans le versement des sommes échues après cette fixation (106).

140. La Cour est partie de la même approche dans l' affaire Williams (107). L' AIPN avait, dans cette affaire, omis de classer le requérant conformément à certains critères qu' elle avait elle-même déterminés (après avoir embauché le requérant). La Cour a obligé l' autorité investie du pouvoir de nomination non seulement à "corriger le classement d' échelon du requérant ... en respectant les critères énoncés" (108), mais également "à verser les différences de traitement résultant de cette correction ... majorées d' intérêts au taux de 6 % à compter de chaque date d' échéance" (109).

141. Nous en arrivons maintenant à l' arrêt Ammann.

142. Dans cet arrêt, la Cour avait répondu à l' argument invoqué par les fonctionnaires, qui faisaient valoir que les mesures d' adaptation prévues par l' article 65 du statut avaient été adoptées "hors des délais normaux avec un retard excessif" (110) qu' "une obligation de verser les intérêts moratoires ne peut être envisagée qu' au cas où la créance principale est certaine quant à son montant ou du moins déterminable sur la base d' éléments objectifs établis" (111).

143. Toutefois, il résulte du point 22 de l' arrêt cité que la Cour n' a pas considéré cette règle comme une règle absolue. Dans ce point, la Cour a traité en effet la situation qui se présentait après qu' ait été rendu l' arrêt qui avait annulé une mesure d' adaptation antérieure illégale :

"Par ailleurs, la question pourrait se poser de savoir si une obligation de payer des intérêts moratoires devrait être admise au cas où la détermination même du montant de la créance de rémunération serait intervenue avec un retard injustifié. Toutefois, en l' espèce, le Conseil pour se conformer à l' arrêt susmentionné ... a adopté ... avec diligence le règlement ...".

144. Or, la Cour n' a pas expliqué pourquoi il n' y avait pas lieu d' examiner le retard pour la période antérieure à l' arrêt d' annulation. Le retard reposait presque exclusivement sur le fait que quoique la mesure du Conseil étaient intervenue rapidement, son contenu avait d' abord été illégal. La Cour peut avoir vu là un problème en matière de responsabilité du fait des actes normatifs (112), qui ne se posait plus après que l' arrêt d' annulation ait été rendu. Ces éléments ne se trouvent dans la présente affaire que pour la période à partir de l' adoption du règlement illégal nº 3619/86; mais, sur ce point, il y a déjà lieu d' annuler l' arrêt entrepris pour défaut de motivation (113). Pour la période entre début 1984 et fin 1985, il s' agit manifestement d' un retard imputable à la Commission, partie défenderesse, d' une "lenteur excessive" comme la Cour l' a exprimé dans l' arrêt Roumengous Carpentier.

145. Nous ne saurions nous rallier à l' opinion des fonctionnaires dans la mesure où ceux-ci tentent d' expliquer l' arrêt Ammann par le fait que, dans cette affaire-là, le délai écoulé entre la date de référence de l' adaptation et l' adoption de la mesure (voir la liquidation des sommes litigieuses) aurait été relativement bref. En effet, le fait de savoir si des intérêts sont dûs en principe dépend uniquement du fait qu' un retard injustifié est intervenu lors de l' adoption de la mesure d' adaptation. Ce "retard" ne commence, en tout état de cause, qu' à un moment postérieur à la date de référence. D' autre part, la durée du retard injustifié ne sert de critère de référence que pour le montant du droit aux intérêts mais non pour son principe.

146. En conclusion, nous considérons, en toute hypothèse, que l' arrêt Ammann ne s' oppose pas à une telle solution.

147. Les réflexions qui ont conduit à faire droit à une prétention tirée de la compensation de la perte statistique du pouvoir d' achat (114) ne s' opposent pas non plus à l' octroi d' intérêts moratoires.

148. L' instrument des intérêts moratoires constitue une forme d' indemnisation qui, à la différence de la compensation de la perte de pouvoir d' achat ne signifie pas une intervention du juge communautaire dans le domaine de compétences et du Conseil et de la Commission ni dans les procédures devant ces deux institutions. Il s' est cristallisé dans la jurisprudence après des hésitations au départ (115) comme un instrument prétorien typique. Le taux d' intérêt appliqué ne fait apparaître aucune adaptation systématique (qui incombe aux institutions susmentionnées) à l' évolution du pouvoir d' achat mais l' idée d' une compensation forfaitaire qui ne vise pas spécifiquement l' un ou l' autre type de dommage (notamment : perte du pouvoir d' achat et perte de possibilité de placements). En droit communautaire, les intérêts de ce type comportent en outre un élément de sanction (116) : d' une part, le créancier n' a pas besoin de faire la preuve d' un dommage, d' autre part, l' étendue du retard peut influencer le taux d' intérêt (117).

149. III. Il résulte de tout ce qui précède que, contrairement à l' arrêt entrepris, les fonctionnaires ont un droit au versement d' intérêts moratoires, tout au moins pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 en raison du retard survenu dans l' adoption du règlement nº 3294/88.

Remarques finales

150. Il y a lieu par conséquent sur la base des griefs du pourvoi et du pourvoi incident qui ont abouti, d' annuler l' arrêt entrepris.

151. S' agissant de la deuxième et de la troisième partie du deuxième moyen (118), le Tribunal devra examiner de nouveau la question de la responsabilité pour la période à partir de 1986. En outre, dans la mesure où il y a lieu, sur leur pourvoi incident, de reconnaître aux fonctionnaires des intérêts moratoires, il faut également fixer un taux d' intérêts approprié. C' est au Tribunal qu' il incombe de fixer ce taux. Il y a lieu par conséquent, conformément à l' article 54 du statut CEE de la Cour de justice, de renvoyer la présente affaire au Tribunal de première instance.

152. Dans ce cas, la répartition des dépens serait réservée, conformément à l' article 122 du règlement de procédure.

CONCLUSION

153. Pour tous ces motifs, nous proposons

- d' annuler l' arrêt attaqué dans les affaires jointes T-17/89, T-21/89 et T-25/89;

- de renvoyer l' affaire au Tribunal de première instance;

- de réserver les dépens.

(*) Langue originale: l' allemand.

(1) - Recueil 1992, p. I-293.

(2) - Ces recours avaient été introduits à l' origine devant la Cour qui les a renvoyés au Tribunal par ordonnances du 15 novembre 1989, à l' issue de la procédure écrite. S' agissant des détails de la procédure, voir les points 1 ainsi que 12 à 18 des motifs de l' arrêt litigieux.

(3) - Règlement du Conseil du 24 octobre 1988, rectifiant les coefficients correcteurs dont sont affectées au Danemark, en Allemagne, en Grèce, en France, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni les rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO L 293 du 27 octobre 1988, p. 1).

(4) - Arrêt du 28 juin 1988 dans l' affaire 7/87 (Commission/Conseil, Rec. 1988, p. 3401).

(5) - Règlement du Conseil du 26 novembre 1986, rectifiant les coefficients correcteurs dont sont affectés au Danemark, en Allemagne, en Grèce, en France, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni les rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO L 336 du 29 novembre 1986, p. 1).

(6) - Point 19 de l' arrêt litigieux.

(7) - Points 23 à 25 des motifs de l' arrêt litigieux.

(8) - Point 26 des motifs de l' arrêt litigieux.

(9) - Voir points 29 à 31 de l' arrêt litigieux.

(10) - Voir plus haut au point 2.

(11) - Points 32 et 33 de l' arrêt litigieux; cette remarque se réfère au point 25 de l' arrêt dans l' affaire 7/87.

(12) - Point 39 de l' arrêt litigieux.

(13) - Point 36 de l' arrêt litigieux.

(14) - Point 39 de l' arrêt litigieux.

(15) - Point 38 de l' arrêt litigieux, cette remarque du Tribunal s' explique par le fait que la proposition définitive de la Commission concernant le règlement adopté par le Conseil était déjà disponible, fin 1985 et que tant le règlement nº 3916/86 que le règlement nº 3294/88 se sont fondés sur cette proposition.

(16) - Point 39 de l' arrêt litigieux.

(17) - Voir plus haut, points 12 et 13.

(18) - Pages 26 et suivantes, point 31 du pourvoi.

(19) - Pages 27 et ss., points 33 à 35 du pourvoi.

(20) - Voir les articles 168a du traité CEE et 51 du statut de la Cour de justice de la Communauté économique européenne ainsi que les dispositions parallèles concernant les deux autres communautés.

(21) - Voir l' arrêt du 1er octobre 1991 dans l' affaire C-238/90 P (Vidranyi/Commission, Rec. 1991, p. I-4339, point 12 des motifs).

(22) - Voir footnote précédente, point 29 des motifs de l' arrêt.

(23) - Page 28, point 35 du pourvoi.

(24) - Voir l' arrêt du 7 avril 1965 dans l' affaire 28/64 (Mueller/Conseil de la CEE et de la CEEA, Rec. 1965, p. 307 et notamment 321) ainsi que l' arrêt du 10 juin 1987, affaire 307/85 (Gavanas/CES et Conseil, Rec. 1987, p. 2435, point 7) des motifs.

(25) - Voir l' arrêt du 30 septembre 1986 dans l' affaire 264/83 (Delhez/Commission, Rec. 1986, p. 2749, point 16 des motifs).

(26) - Dans sa jurisprudence sur les articles 178 et 215, alinéa 2 du traité CEE, la Cour de justice va jusqu' à nier la recevabilité de recours contre la Communauté lorsqu' un tel recours est fondé sur des mesures prises par des autorités nationales. Voir par exemple l' arrêt du 7 juillet 1987 dans les affaires jointes 89 et 91/86 (L' étoile commerciale et CNTA/Commission, Rec. 1987, p. 3005, points 17 à 21 des motifs).

(27) - Points 36 et 37 de l' arrêt litigieux.

(28) - Voir l' arrêt cité à la footnote 4, points 11 à 13, 15 à 22 et 23 à 27.

(29) - Voir l' arrêt du 13 novembre 1973 dans les affaires jointes 63-69/72 (Werhahn/Conseil, Rec. 1973, p. 1229, point 7 des motifs).

(30) - Voir l' arrêt du 22 octobre 1975 dans l' affaire 9/75 (Meyer-Burckhardt/Commission, Rec. 1975, p. 1171).

(31) - Voir footnote précédente.

(32) - Point 7 de l' arrêt.

(33) - Le requérant dans cette affaire, ancien fonctionnaire national et ancien fonctionnaire de la Commission avait saisi la Commission d' une demande de dommages et intérêts, au motif qu' elle n' avait pas déféré à sa demande d' engager contre un Etat membre la procédure prévue à l' article 169 du traité. Il existait dans cet Etat membre des dispositions anticumuls qui affectaient de manière négative les droits à pension du requérant tels qu' ils résultent du droit communautaire. La Cour de justice a estimé que ce recours relevait des articles 90 et 91 du statut puisque le requérant avait suivi la voie prévue par ces dispositions et invoqué une violation de l' article 24 du statut relatif à l' obligation de sollicitude (point 8 de l' arrêt Meyer-Burckhardt).

Dans la présente affaire, le Tribunal est également parti d' une interprétation large de l' article 179 du traité CEE. L' élaboration de la proposition de la Commission qui a donné lieu au retard constaté au point 39 de l' arrêt litigieux relève de la procédure législative prévue par l' article 64 du statut. Nous rappelons que la Commission est normalement soumise aux règles générales sur l' indemnisation des dommages, même lorsqu' elle agit en tant qu' institution avec droit de proposition (voir arrêt Werhahn [footnote 29], point 8 des motifs). La question de savoir si la présente affaire présente un rapport suffisant avec le lien d' emploi du fonctionnaire n' a toutefois pas besoin d' être approfondie puisqu' aucune des parties au pourvoi ne l' a soulevée.

(34) - Affaire 158/79 (Rec. 1985, p. 39). Voir également les arrêts parallèles rendus le même jour : affaires jointes 532, 534, 567, 600, 618, 660/79 ainsi que 543/79 (Amesz/Commission, Rec. 1985, p. 57); affaire 737/79 (Battaglia/Commission, Rec. 1985, p. 71).

(35) - Point 10 des motifs de l' arrêt.

(36) - Règlement nº 3087/78 (ABL nº 369, p. 10)

(37) - Voir l' arrêt du 15 décembre 1982 dans l' affaire 158/79 (Roumengous Carpentier/Commission, Rec. 1982, p. 4379, points 6 ainsi que 25 à 27).

(38) - Ordonnance du 26 septembre 1984 dans l' affaire 175/83 (Culmsee/CES et Conseil, Rec. 1984, p. 3321).

(39) - Arrêt du 4 juillet 1985 dans l' affaire 175/83 (Culmsee/Comité économique et social, Rec. 1985, p. 2149).

(40) - Ces décisions s' intègrent dans une série d' affaires parallèles : voir les arrêts du 4 juillet 1975 dans l' affaire 174/83 (Ammann et autres/Conseil, Rec. 1985, p. 2133); dans l' affaire 176/83 (Allo/Commission, Rec. 1985, p. 2155); dans l' affaire 233/83 (Agostini/Commission, Rec. 1985, p. 2171), dans l' affaire 247/83 (Ambrosetti/Commission, Rec. 1985, p. 2171; dans l' affaire 264/83 (Delhez/Commission, Rec. 1985, p. 2179).

A la différence de l' affaire Culmsee, les requérants dans ces dernières affaires n' avaient toutefois attaqué que l' institution à laquelle ils étaient affectés.

(41) - Voir l' argument des requérants exposé aux points 12 et 13 de l' arrêt du 3 septembre 1986 dans l' affaire 175/83 (Culmsee/Comité économique et social, Rec. 1986, p. 2667).

(42) - Voir point 17 des motifs de l' arrêt du 30 septembre 1986 (footnote précédente).

(43) - Voir l' arrêt du 17 décembre 1992 dans l' affaire C-68/91 P (Moritz/Commission, Rec. 1992, p. I-6849, points 24 à 26).

(44) - Page 29, points 39 et 40 du pourvoi.

(45) - Pages 30 à 32, points 41 à 50 du pourvoi.

(46) - Page 32, point 54 du pourvoi.

(47) - Voir plus haut point 61.

(48) - Voir point 35 de l' arrêt litigieux.

(49) - Arrêt du 30 septembre 1986 dans l' affaire 264/83 (Delhez/Commission, Rec. 1986, p. 2749, point 16 des motifs.

(50) - Voir à cet égard les conclusions en ce sens de l' avocat général Sir Gordon Slynn du 26 juin 1986 dans les affaires jointes 169/83 et 136/84 (Leussink/Commission, Rec. 1986, p. 2812 et notamment 2814).

(51) - Voir par exemple déjà l' arrêt du 28 mai 1970 dans les affaires 19, 20, 25 et 30/69 (Richez-Parise/Commission, Rec. 1970, p. 325).

(52) - Le rapport entre les notions d' illégalité et de faute de service n' a jusqu' à présent pas encore fait l' objet d' une explication exhaustive. Dans un grand nombre de contributions en doctrine est défendue l' idée qu' une éventuelle illégalité au sens de la formule utilisée aux fins de l' article 215 du traité CEE fonde en même temps une faute de service (voir les références dans Huglo, Juris Classeur, Europe, fascicule 370, point 21.

Voir aussi l' arrêt du 16 décembre 1987 dans l' affaire 111/86 (Delauche/Commission, Rec. 1987, p. 5345, point 30 des motifs), dans lequel la Cour, dans le domaine du contentieux de la fonction publique, a posé, pour que la responsabilité de la Communauté soit engagée, la condition de l' illégalité du comportement reproché aux institutions ... . Voir dans le même domaine l' arrêt du 11 juillet 1980 dans l' affaire 137/79 (Kohll/Commission, Rec. 1980, p. 2601, point 16) où la Cour (également dans le domaine du statut des fonctionnaires) se référe à l' article 215 du traité CEE.

Dans la présente affaire nous préférons la notion de faute de service puisque l' infraction constatée par le Tribunal concerne une règle non écrite qu' il y a lieu en outre d' appliquer en tenant compte des circonstances particulières dans chaque cas : voir points 36 et 37 de l' arrêt litigieux.

(53) - Arrêt du 8 octobre 1986 dans les affaires jointes 169/83 et 136/84 (Leussink/Commission, Rec. 1986, p. 2801).

(54) - Voir le titre du point 10 ainsi que le texte du point 13 de l' arrêt cité.

(55) - Voir point 22 de l' arrêt.

(56) - Il est bien connu que le droit communautaire comme ordre juridique partiel doit également dans d' autres domaines être complété par des principes généraux du droit qui s' inspirent des ordres juridiques des Etats membres : sur les droits fondamentaux, voir par exemple, l' arrêt du 14 mai 1974 dans l' affaire 14/73 (Nold/Commission, Rec. 1974, p. 491, point 13).

(57) - Pour le domaine du traité CECA, le critère du contexte a été reconnu dans deux arrêts récents : arrêt du 30 janvier 1992 dans les affaires jointes C-363/88 et 364/88 (Finsider et autres/Commission, Rec. 1992, p. I-359, point 24; arrêt du 18 mai 1993 dans l' affaire C-220/91 P (Commission/Stahlwerke Peine/Salzgitter, non encore publié au Recueil, point 29.

(58) - Voir en dernier lieu l' arrêt du 19 mai 1992 dans les affaires jointes C-104/89 et C-37/90 (Mulder et autres/Conseil et Commission, Rec. 1992, p. I-3061, point 12 des motifs).

Au sujet du critère utilisé par la Cour, voir, à titre général, Joliet, Le droit institutionnel des Communautés européennes, Le contentieux, Luettich 1981, pp. 269 à 271; Rideau/Charrier, Code de procédures européennes, Paris 1990, p. 189.

(59) - La Commission n' a pas mis en doute le fait que, compte tenu de la date à laquelle elle a présenté ses propositions, il y avait faute de service qui peut constituer le fait générateur de sa responsabilité.

(60) - L' avocat général, M. Mancini dans ses conclusions du 11 décembre 1984 dans l' affaire 158/79 (Roumengous Carpentier/Commission, Rec. 1985, pp. 39 et notamment 42) ainsi que M. Biancarelli, juge faisant fonction d' avocat général dans ses conclusions du 30 juin 1991 dans l' affaire T-120/89 (Stahlwerke Peine/Salzgitter/Commission, Rec. 1991, p. II-279 et notamment 364) partent également de cette idée.

(61) - Voir l' arrêt du 10 juillet 1969 dans les affaires 9/69 (Sayag/Leduc, Rec. 1969, p. 329, points 5 à 11 des motifs) ainsi que les conclusions de l' avocat général Gand du 1er juillet 1969 dans cette même affaire, loc. cit., p. 338 et notamment p. 341).

(62) - Arrêt du 6 octobre 1982 dans l' affaire 59/81 (Commission/Conseil, Rec. 1982, p. 3329); du 15 décembre 1982 dans l' affaire 158/79 (Roumengous Carpentier/Commission, Rec. 1982, p. 4379); du 28 juin 1988 dans l' affaire 7/87, Commission/Conseil, Rec. 1988, p. 3401; du 23 janvier 1992 (Commission/Conseil, Rec. 1992, p. I-221).

(63) - Voir en ce sens, l' arrêt du 31 mai 1979 dans l' affaire 156/78 (Newth/Commission, Rec. 1979, p. 1941) ainsi que l' arrêt du 13 février 1980 dans l' affaire 256/78 (Misenta/Commission, Rec. 1980, p. 219).

(64) - Voir par exemple l' arrêt du 21 mai 1981 dans l' affaire 156/80 (Morbelli/Commission, Rec. 1981, p. 1357, point 34 des motifs). Voir également l' arrêt du Tribunal du 28 février 1992 dans l' affaire T-8/90 (Colmant/Commission, Rec. 1992, p. II-469).

(65) - Voir l' arrêt Roumengous Carpentier du 15 décembre 1982 (footnote 37).

(66) - Affaires jointes 64 et 113/76, 167 et 239/78, 27, 28 et 45/79 (Dumortier et autres/Conseil, Rec. 1982, p. 1733).

(67) - Arrêt du 4 octobre 1979, références et parties comme dans la footnote précédente, Rec. 1979, p. 3091.

(68) - Voir les conclusions de l' avocat général M. Van Gerven du 26 janvier 1993 dans l' affaire C-271/91 (Marshall, non encore publiées au Recueil, point 23) ainsi que les conclusions de l' avocat général M. Tesauro du 16 septembre 1993, affaire 308/87 (Grifoni/CEEA, non encore publiées au Recueil, points 22 et 24.

(69) - Point 7 du pourvoi, page 18.

(70) - Voir dans cet arrêt le point 35 des motifs.

(71) - Page 17, points 4 à 6 ainsi que 22, point 18 du pourvoi de la Commission.

(72) - Page 16, point 2 du pourvoi.

(73) - Page 18, point 10 du pourvoi.

(74) - Page 2 de la réplique de la Commission; c' est nous qui soulignons.

(75) - Voir plus haut point 100.

(76) - Voir plus haut point 97.

(77) - Points 23-25 de l' arrêt litigieux.

(78) - Voir plus haut point 97.

(79) - En l' espèce ... la base légale de l' adaptation quinquennale aurait dû être établie au plus tard en 1986, compte tenu du fait qu' à cette époque-là, le Conseil disposait de tous les éléments nécessaires pour adopter un règlement conforme aux exigences du statut.

(80) - Partant de notre point de vue, nous n' avions pas à nous prononcer sur la question de recevabilité du premier moyen, question que les fonctionnaires ont également soulevée puisque la solution du litige n' en dépend pas (voir point 102).

(81) - Arrêt du 8 avril 1992 dans l' affaire C-346/90 P (F./Commission, Rec. 1992, p. I-2691).

(82) - Point 29 de l' arrêt litigieux.

(83) - Point 36 de l' arrêt litigieux.

(84) - Voir plus haut points 57 à 96.

(85) - Arrêt du 30 septembre 1986 dans l' affaire 174/83 (Ammann et autres/Conseil, Rec. 1986, p. 2647).

(86) - Arrêt du 15 juillet 1960 dans les affaires jointes 27/59 et 39/59 (Campolongo/Haute Autorité, Rec. 1960, p. 797 et notamment p. 826 et ss.

(87) - Voir par exemple l' arrêt du 16 mars 1978 dans l' affaire 115/76 (Leonardini/Commission, Rec. 1978, p. 735) ainsi que l' arrêt du 2 juillet 1981 dans l' affaire 185/80 (Garganese/Commission, Rec .1981, p. 1785, points 19 à 21 des motifs).

(88) - Voir l' arrêt du 19 mars 1964 dans l' affaire 11/63 (Lepape/Haute autorité, Rec. 1964, p. 120 et notamment p. 145 et p. 151).

(89) - Voir en matière de fonctionnaire par exemple l' arrêt du 17 décembre 1987 dans l' affaire 21/86 (Samara/Commission, Rec. 1987, p. 804); dans le domaine de la responsabilité générale, voir l' arrêt du 19 mai 1992 dans l' affaire Mulder (voir plus haut footnote 58).

(90) - Voir point 20 de l' arrêt litigieux.

(91) - Point 21 de l' arrêt litigieux.

(92) - Voir également en ce qui concerne l' article 65, l' arrêt Ammann et les arrêts parallèles du même jour (voir footnote 85).

(93) - Voir footnote 86.

(94) - Voir par exemple les intérêts moratoires que la Cour a fixés dans l' affaire Berti pour la période postérieure à l' arrêt définitif par lequel il avait été statué sur le montant du droit à l' indemnisation du requérant (voir arrêt du 14 février 1985 dans l' affaire 131/81 [Berti/Commission, Rec. 1985, p. 645]). Ces intérêts sont comparables avec les intérêts que la Cour de justice a fixés dans les procédures en responsabilité dans le domaine de la politique agricole commune : d' abord dans les arrêts dits Quellmehl et Gritz de mais du 4 octobre 1979 (voir footnote 67 et les arrêts parallèles du même jour), et en dernier lieu dans l' affaire Mulder (footnote 58).

(95) - Voir par exemple les arrêts du 13 juillet 1978 dans l' affaire 114/77 (Jacquemart/Commission, Rec. 1978, p. 1697); du 16 octobre 1980 dans les affaires jointes 63 et 64/79 (Boizard/Commission, Rec. 1980, p. 2975); du 5 février 1981 dans l' affaire 40/79 (P/Commission, Rec. 1981, p. 361); du 18 mars 1982 dans l' affaire 103/81 (Chaumont-Barthel/Parlement, Rec. 1982, p. 1003).

(96) - Voir l' arrêt du 13 octobre 1977 dans l' affaire 106/76 (Gelders-Deboeck/Commission, Rec. 1977, p. 1623, points 25 à 30 des motifs).

(97) - Voir l' arrêt du 27 avril 1989 dans l' affaire 272/81 (Fedeli/Parlement, Rec. 1989, p. 973 [publication succincte; voir points 15 et 16 du texte complet]). La Cour semble avoir abandonné l' exigence d' une erreur grave d' interprétation au sens de l' arrêt Gelders (voir footnote précédente) au plus tard dans cet arrêt.

(98) - Voir plus haut point 92.

(99) - Pour le retard survenu au Conseil, voir plus haut points 28 et 54 et ci-après point 144.

(100) - Footnote 43; voir également les arrêts parallèles du même jour.

(101) - Points 42 et 43.

(102) - Voir plus haut point 45.

(103) - Arrêt du 26 février 1976 dans l' affaire 101/74 (Kurrer/Conseil, Rec. 1976, p. 259); du 16 mars 1978 dans l' affaire 115/76 (Leonardini/Commission, Rec. 1978, p. 735); du 2 octobre 1979 dans l' affaire 152/77 (B/Commission, Rec. 1979, p. 2819), du 21 mai 1981 dans l' affaire 156/80 (Morbelli/Commission, Rec. 1981, p. 1357); du 14 juillet 1981 dans l' affaire 186/80 (Suss/Commission, Rec. 1981, p. 2041).

(104) - Voir arrêt Leonardini, footnote précédente, point 12 des motifs.

(105) - Footnote 103.

(106) - Voir points 20 et 21 de l' arrêt.

(107) - Arrêt du 6 octobre 1982 dans l' affaire 9/81 (Williams/Cour des comptes, Rec. 1982, p. 3301).

(108) - Point 1 du dispositif.

(109) - Point 2 du dispositif; c' est nous qui soulignons.

(110) - Point 17 de l' arrêt.

(111) - Point 19 de l' arrêt.

(112) - Voir plus haut point 72.

(113) - Voir plus haut points 28 à 54.

(114) - Voir plus haut points 77 à 94.

(115) - Voir plus haut point 124.

(116) - Conclusions de l' avocat général M. Mancini du 31 janvier 1985 dans l' affaire Ammann (Rec. 1985, p. 2133 et notamment p. 2140).

(117) - Voir l' arrêt Leonardini (footnote 103), point 37 des motifs.

(118) - Voir plus haut, points 20 à 55.