Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 16 juillet 1992. - Hilaire Della Pietra contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Rapport de notation - Recevabilité - Insuffisance de motivation d'une régression de la notation - Recours en annulation et indemnité. - Affaire T-1/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02145
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1. Fonctionnaires - Recours - Rapport de notation - Réclamation administrative préalable - Caractère facultatif - Introduction - Conséquences - Respect des contraintes procédurales attachées à la voie de la réclamation préalable
(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)
2. Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Identité d' objet et de cause - Moyens et arguments ne figurant pas dans la réclamation, mais s' y rattachant étroitement - Recevabilité - Concordance entre la réclamation et le recours - Examen d' office
(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)
3. Fonctionnaires - Notation - Rapport de notation - Modification des appréciations par rapport à la notation antérieure - Obligation de motivation - Portée
(Statut des fonctionnaires, art. 43)
1. L' introduction d' une réclamation formelle, au sens de l' article 90 du statut, n' apparaît pas comme un préalable nécessaire à l' introduction d' un recours contentieux dirigé contre un rapport de notation. En effet, ledit rapport, prévu à l' article 43 du statut, exprime l' opinion librement formulée des notateurs et non pas l' appréciation de l' autorité investie du pouvoir de nomination. Dès lors, un recours juridictionnel est ouvert à partir du moment où le rapport peut être considéré comme définitif.
Néanmoins, si l' intéressé a la faculté soit de saisir directement la juridiction communautaire, soit d' introduire une réclamation administrative, il est tenu, dans le second cas, de respecter l' ensemble des contraintes procédurales qui s' attachent à la voie de la réclamation préalable qu' il a choisie.
2. En imposant une réclamation administrative préalable, l' article 90 du statut a pour objet de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre le fonctionnaire et l' administration. Pour satisfaire à cette exigence, il importe que cette dernière soit en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de l' intéressé. Par contre, cette disposition n' a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l' objet de la réclamation. Par suite, après l' expiration du délai de saisine directe du Tribunal, le fonctionnaire qui, alors qu' il n' y était pas tenu s' agissant de contester un rapport de notation, a choisi la voie de la réclamation préalable ne peut présenter devant le Tribunal, d' une part, que des conclusions ayant le même objet que celles exposées dans la réclamation et, d' autre part, que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans cette réclamation. Ces chefs de contestation peuvent, devant le Tribunal, être développés par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s' y rattachant étroitement.
La concordance entre la réclamation et le recours, dont dépend la recevabilité de ce dernier, constitue une question d' ordre public qu' il appartient au Tribunal de soulever d' office.
3. L' obligation de motiver la régression de la notation d' un fonctionnaire par rapport à la notation antérieure vise à permettre à l' intéressé de connaître les raisons de la modification des appréciations analytiques, de vérifier la réalité des faits invoqués et, dès lors, de formuler, en vertu de son droit d' être entendu, des observations sur cette motivation. Il y est satisfait lorsque, dans une note adressée au fonctionnaire noté, le notateur d' appel constate que l' intéressé n' a pas fait preuve, pendant la période couverte par le rapport de notation contesté, de qualités exceptionnellement élevées dans l' accomplissement de certaines de ses tâches. Cette motivation, bien que sommaire, est suffisante pour justifier la faible régression de la notation, de la note la plus élevée à celle immédiatement inférieure.
Dans l' affaire T-1/91,
Hilaire Della Pietra, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me Pierre Gérard, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Christine Goerens, 54, avenue de la Liberté,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Mes Claude Verbraeken et Denis Waelbroeck, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d' une part, l' annulation du rapport de notation du requérant pour la période de 1985 à 1987 et, d' autre part, l' indemnisation du préjudice matériel et moral allégué par le requérant,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. B. Vesterdorf, président, A. Saggio et C. Yeraris, juges,
greffier: Mme B. Pastor, administrateur
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 7 mai 1992,
rend le présent
Arrêt
Faits et procédure
1 Le requérant est fonctionnaire de grade B 2 à la Commission des Communautés européennes (ci-après "Commission"). Pendant la période litigieuse, il a été affecté, jusqu' au 15 mars 1987, à la direction générale de la politique régionale, puis à la direction générale du personnel et de l' administration.
2 Le 6 mai 1988, la partie défenderesse a communiqué au requérant son rapport de notation, prévu par l' article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), pour la période du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987.
3 Par note du 14 juin 1988, le requérant a informé le notateur compétent qu' il avait demandé l' application de l' article 6 des dispositions générales d' exécution de l' article 43 du statut, adoptées par la Commission le 27 juillet 1979 (ci-après "dispositions générales"), de façon à ce que ledit rapport soit soumis au notateur d' appel en vertu de l' article 7 des mêmes dispositions, et ce dans un esprit de conciliation.
4 Par note du 18 novembre 1988, le notateur d' appel a transmis à nouveau son rapport au requérant et a informé celui-ci de sa décision de maintenir intégralement les appréciations portées par le notateur compétent. Il précisait également que la note valait confirmation du rapport de notation et demeurerait annexée comme telle au rapport.
5 Par note du 5 décembre 1988, à l' attention du notateur d' appel, le requérant a demandé la consultation du comité paritaire des notations. Dans les observations jointes à sa note, il se plaignait de ce que deux des appréciations analytiques figurant sur le dernier rapport étaient en régression par rapport à la notation précédente. Il s' agissait des rubriques "rendement/régularité des prestations" (d' excellent à très bon) et "conduite dans le service/sens des responsabilités" (d' excellent à très bon). Le requérant faisait valoir qu' il ne lui avait pas été donné de justification écrite de ces modifications. Il signalait que, durant la période de 24 mois couverte par le rapport, il avait eu plusieurs supérieurs hiérarchiques immédiats du fait de ses diverses affectations. Or, il ressortirait du rapport qu' un seul d' entre eux avait été consulté par les notateurs.
6 Le 11 août 1989, le comité paritaire des notations a communiqué son avis au notateur d' appel, dans lequel il relevait: a) l' établissement tardif du rapport de notation et le non-respect des délais à différents stades de la procédure de notation; b) la régression, en comparaison avec la notation établie pour la période 1983 à 1985, des appréciations analytiques portées sous les rubriques "régularité des prestations" et "sens des responsabilités", et c) le défaut de motivation de cette régression dans l' appréciation d' ordre général. Dans ces circonstances, le comité invitait le notateur d' appel, eu égard au point B.6.3.2 du guide de la notation, à revoir le rapport.
7 Par note du 26 septembre 1989, adressée au directeur du personnel, le notateur d' appel a justifié la régression contestée par le fait que les prestations du requérant et son sens des responsabilités ne pouvaient pas être définis comme excellents.
8 Par note du 10 novembre 1989, adressée au requérant, le notateur d' appel, qui déclarait avoir pris connaissance préalablement de l' avis du comité paritaire des notations, a confirmé sa décision de maintenir telle quelle la notation initiale, pour les raisons déjà exprimées dans sa note du 26 septembre dernier, dont copie était jointe en annexe. Cette note n' étant pas parvenue au requérant, elle lui a été retransmise le 18 avril 1990, sous couvert d' une note datée du 20 mars 1990.
9 Le 6 juin 1990, le requérant a introduit une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 10 novembre 1989 (ci-après "décision"), se limitant à indiquer son "désaccord" avec ladite décision.
10 La réclamation en question a été implicitement rejetée par l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN"), qui s' est abstenue d' y répondre dans le délai de quatre mois prévu par l' article 90 du statut.
11 Par note du 22 novembre 1990, adressée au notateur d' appel, le directeur du personnel lui a indiqué que, suite à l' examen de la réclamation du requérant par le groupe "interservices", il était apparu que la motivation donnée dans la note du 10 novembre 1989 risquait, en cas de recours, de ne pas être jugée suffisamment circonstanciée pour satisfaire aux exigences des dispositions générales. Il lui demandait donc d' établir une motivation plus circonstanciée de la régression constatée.
12 C' est dans ces circonstances que le requérant a introduit, le 4 janvier 1991, le présent recours devant le Tribunal.
13 Par note du 13 février 1991, adressée au directeur du personnel, le notateur d' appel a motivé sa décision une seconde fois. Après avoir expliqué les difficultés pratiques auxquelles se heurte la démonstration d' une appréciation qualitative, notamment du fait que certains des fonctionnaires avec lesquels le requérant avait travaillé ne se trouvaient plus à la Commission, il a précisé que, au cours de la période 1985 à 1987, M. Della Pietra n' avait pas fait preuve de "toute l' application et du soin nécessaire pour la réalisation de certaines tâches qui lui étaient confiées". Le requérant, en particulier, aurait été peu disponible pour faire sérieusement le travail de traitement des dossiers Feder en instruction. Il en serait résulté un manque de fiabilité dans ses prestations, alors qu' il était appelé à assister des fonctionnaires "A" dans des domaines très délicats. Compte tenu de ces éléments, de l' avis de ceux qui auraient été assistés par M. Della Pietra au cours de la période en cause, la notation litigieuse serait généreuse à son égard.
14 Le 6 mars 1991, la motivation complémentaire de la décision a été transmise par le directeur du personnel au requérant.
15 Suite à la demande du Tribunal, la Commission a produit, par courrier des 28 février et 4 mars 1992, certaines pièces jugées utiles pour compléter le dossier.
16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d' ouvrir la procédure orale et a invité les parties à se prononcer à l' audience sur la recevabilité du recours au regard de l' arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Rihoux/Commission (52/85, Rec. p. 1564), et de la formulation de la réclamation en l' espèce.
17 La procédure orale s' est déroulée le 7 mai 1992. Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
Les conclusions des parties
18 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
- annuler la décision du 10 novembre 1989 du notateur d' appel de maintenir telle quelle sa notation pour la période allant du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987;
- ordonner au notateur compétent, reprenant la procédure ab initio, d' établir un rapport régulier strictement conforme aux dispositions générales d' exécution de l' article 43 du statut et comportant, au minimum la reconduction de la notation établie pour la période de 1983 à 1985;
- condamner la Commission à lui verser une indemnité de 1 écu en réparation du dommage moral et une indemnité de 1 000 écus en réparation du dommage matériel qu' il a subis;
- condamner la Commission aux dépens de l' instance.
19 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- condamner le requérant à ses propres dépens, conformément à l' article 64, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal.
Sur la demande en annulation
20 A l' appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens tirés, en premier lieu, du non-respect des délais prescrits par les dispositions générales pour l' établissement du rapport de notation, en second lieu, du défaut de consultation de certains de ses supérieurs hiérarchiques et, en troisième lieu, du défaut de motivation de la régression enregistrée sous deux appréciations analytiques.
Quant aux premier et deuxième moyens
21 En réponse à l' invitation adressée par le Tribunal aux parties à se prononcer à l' audience sur la recevabilité du recours, au regard de la formulation de la réclamation du 6 juin 1990, le requérant a soutenu qu' on ne saurait lui reprocher d' avoir fait appel, dans son recours contentieux, à des moyens qui n' auraient pas été invoqués antérieurement dans la réclamation, compte tenu de ce que celle-ci faisait référence à une argumentation qu' il avait déjà développée dans ses observations du 5 décembre 1988, lesquelles avaient été adressées au comité paritaire des notations et, ainsi, portées à la connaissance de la hiérarchie et de la Commission. Tous les moyens inclus dans cette argumentation auraient été repris dans les documents et mémoires déposés devant le Tribunal.
22 La Commission a fait valoir, lors de l' audience, que la réclamation se bornait à indiquer l' existence d' un désaccord et ne lui permettait pas de connaître avec une précision suffisante les griefs et desiderata de l' intéressé. Se référant à l' ordonnance du Tribunal du 25 février 1992, Hermann/Cedefop (T-39/91, Rec. p. II-0000), la Commission estime que la réclamation ne respecte pas le minimum de formalisme exigé par la jurisprudence. Toutefois, reconnaissant que le requérant avait présenté, dans la note qu' il avait adressée au comité paritaire des notations, un certain nombre des motifs invoqués dans le cadre de la présente procédure, elle s' en est remise à la sagesse du Tribunal quant à l' appréciation de la recevabilité du recours.
23 Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, l' introduction d' une réclamation formelle, au sens de l' article 90 du statut, n' apparaît pas comme un préalable nécessaire à l' introduction d' un recours contentieux dirigé contre un rapport de notation, prévu à l' article 43 du statut, qui exprime l' opinion librement formulée des notateurs, et non pas l' appréciation de l' AIPN. Dès lors, un recours est ouvert à partir du moment où le rapport peut être considéré comme définitif (arrêts de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141; du 19 février 1981, Schiavo/Conseil, 122/79 et 123/79, Rec. p. 473, et du 15 mars 1989, Bevan/Commission, 140/87, Rec. p. 701; arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T-29/89, Rec. p. II-787). Pour les mêmes motifs, la jurisprudence n' exige pas non plus l' accomplissement de la formalité préalable de la réclamation, au sens de l' article 90 du statut, dans le cas d' une décision d' un jury de concours, qui par sa nature n' est pas susceptible d' être annulée ou modifiée par l' AIPN (voir, notamment, arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Rihoux/Commission, précité).
24 Néanmoins, si l' intéressé a la faculté soit de saisir directement la juridiction communautaire, soit d' introduire une réclamation administrative, il est tenu dans le second cas de respecter l' ensemble des contraintes procédurales qui s' attachent à la voie de réclamation préalable qu' il a choisie. En effet, une solution dispensant l' intéressé de respecter ces contraintes procédurales aurait pour résultat de lui conférer des droits supérieurs à ceux qui sont reconnus aux fonctionnaires ayant choisi de saisir directement la juridiction communautaire. Au nombre de ces contraintes procédurales figure le principe, rappelé par une jurisprudence constante, selon lequel l' article 90 du statut a pour objet de permettre et de favoriser un règlement amiable du différend surgi entre les fonctionnaires et l' administration. Pour satisfaire à cette exigence, il importe que cette dernière soit en mesure de connaître avec une précision suffisante les griefs ou desiderata de l' intéressé. Par contre, cette disposition n' a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l' objet de la réclamation. Par suite, après l' expiration du délai de saisine directe du Tribunal, le fonctionnaire qui a choisi la voie de la réclamation préalable ne peut présenter devant le Tribunal, d' une part, que des conclusions ayant le même objet que celles exposées dans la réclamation et, d' autre part, que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation. Ces chefs de contestation peuvent, devant le Tribunal, être développés par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s' y rattachant étroitement (voir, notamment, l' arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Rihoux/Commission, précité, points 11 à 13).
25 Eu égard aux considérations précédentes, il y a lieu de vérifier la concordance de la réclamation introduite par le requérant le 6 juin 1990 avec le présent recours, en ce qui concerne les moyens qui y sont invoqués et les conclusions qui y ont été présentées. Cette question de recevabilité, bien qu' elle n' ait pas été soulevée par les parties, doit être examinée d' office par le Tribunal, parce qu' elle constitue une question d' ordre public dans la mesure où elle se rapporte à la régularité de la procédure administrative. Plus précisément, l' examen d' office de cette question se justifie au regard de la finalité de la procédure administrative précontentieuse, qui, ainsi qu' il a déjà été précisé, a pour objet de permettre un règlement à l' amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou agents et les institutions communautaires (voir, en dernier lieu, arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143). Cet objectif peut être atteint même lorsque la décision attaquée, en l' espèce le rapport de notation, émane d' une autorité autre que l' AIPN, cette dernière étant toujours en mesure d' obtenir un règlement à l' amiable soit en renvoyant le rapport de notation devant l' autorité compétente pour réexamen, soit en persuadant le fonctionnaire intéressé qu' il n' est nullement fondé à se plaindre.
26 En l' espèce, ladite réclamation, déposée le 6 juin 1990 et adressée au secrétaire général de la Commission, a été rédigée dans les termes suivants:
"Je vous remets ci-joint, pour enregistrement, copie de la réclamation que j' introduis au titre de l' article 90 du statut.
Objet: Notation 1985/1987 (désaccord concernant la décision du 10.11.89 et communiquée le 18.04.90)."
La réclamation mentionne ensuite les nom, prénom du requérant ainsi que les éléments de sa situation statutaire et la date et porte sa signature. Force est de constater que, si la réclamation en cause est susceptible, d' un point de vue formel, d' être qualifiée de réclamation au sens de l' article 90 du statut, elle est néanmoins très laconique et ne fait aucune référence à une note précédemment adressée au comité paritaire des notations, comme l' a prétendu, à tort, le requérant. En effet, elle se limite à mentionner le désaccord avec la décision du notateur d' appel de maintenir telle quelle la notation établie pour la période de 1985 à 1987, sans préciser ni la portée de ce chef de contestation ni les conclusions qui devraient en être tirées. Néanmoins, dans un esprit d' ouverture, il est possible d' admettre que le troisième moyen d' annulation invoqué dans le cadre du présent recours, ayant trait au défaut de motivation de la régression enregistrée dans certaines appréciations analytiques du rapport de notation pour la période de 1985 à 1987, repose sur la même cause que le chef de contestation invoqué dans la réclamation. Par contre, les moyens tirés du non-respect des délais prescrits par le guide de la notation et du défaut de consultation de certains supérieurs hiérarchiques soulèvent des chefs de contestation qui reposent sur des causes juridiques différentes de celle sur laquelle repose le chef de contestation invoqué dans la réclamation. Dans ces conditions, les deux moyens d' annulation susmentionnés, faute d' avoir été présentés dans la réclamation, doivent être écartés comme irrecevables.
Quant au troisième moyen
27 En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, qui est le seul recevable, le requérant fait valoir que les appréciations analytiques portées dans son rapport de notation pour la période de 1985 à 1987 sous les rubriques "rendement/régularité des prestations" et "conduite dans le service/sens des responsabilités" font apparaître, en comparaison avec les appréciations formulées pour la période de 1983 à 1985, une régression qui n' est ni justifiée ni motivée et qui ignore les éléments objectifs de son dossier. Cette absence de motivation constituerait une violation de l' article 25, deuxième alinéa, du statut ainsi que de l' article 5 des dispositions générales. Selon lui, la motivation "interne" donnée par le notateur d' appel dans sa note du 26 septembre 1991 au directeur du personnel ne constitue pas la motivation exigée par le guide de la notation. De même, la note du notateur d' appel du 13 février 1991, postérieure à l' introduction du recours, ne serait pas susceptible de pallier le défaut de motivation. Or, souligne le requérant, l' obligation de motivation vise à garantir le respect du principe du contradictoire et à permettre au fonctionnaire d' assurer sa défense en faisant valoir ses objections en connaissance de cause.
28 La Commission fait observer que tant la Cour que le Tribunal, selon une jurisprudence constante, s' abstiennent, en principe, de contrôler les jugements de valeur émis dans les rapports de notation. Les notateurs jouiraient du plus large pouvoir d' appréciation, le contrôle juridictionnel se limitant aux seuls cas d' erreur ou d' excès de pouvoir manifeste. A cet égard, le requérant n' invoquerait aucune erreur de fait, aucune erreur manifeste d' appréciation ni aucun détournement de pouvoir. D' ailleurs, selon la Commission, une motivation de la régression enregistrée dans les appréciations analytiques en cause a été donnée par le notateur d' appel dans sa note du 26 septembre 1989. En outre, une motivation plus circonstanciée aurait été fournie dans la note du même notateur d' appel du 13 février 1991. Les explications ainsi fournies, bien que postérieures à l' introduction du recours, auraient privé le requérant, qui n' a pas contesté leur bien-fondé, de tout intérêt à se prévaloir du moyen tiré du défaut de motivation.
29 Afin d' apprécier le bien-fondé du présent moyen, le Tribunal rappelle, en premier lieu, que, aux termes de l' article 5, premier et deuxième alinéas, des dispositions générales, "la notation doit porter strictement sur la période de référence. Cependant, il y a lieu de justifier toute modification des appréciations analytiques par rapport à la notation précédente ...". Par ailleurs, le guide de la notation, qui a la valeur juridique d' une directive interne (arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, point 25, T-63/89, Rec. p. II-19), prévoit, en ce qui concerne les appréciations analytiques, une échelle de notation comportant cinq niveaux (excellent, très bon, bon, passable, laisse à désirer). Le même guide, au point B.6.2.2, précise que la note "excellent" est décernée pour des qualités d' un niveau exceptionnellement élevé, dépassant de façon très significative les exigences correspondant à l' emploi occupé, tandis que la note "très bon" est décernée pour des qualités nettement supérieures au niveau élevé que la Commission est en droit d' attendre d' un fonctionnaire au regard de l' emploi qu' il occupe. Enfin, le même guide de notation, au point B.6.3.2, ajoute que le notateur est tenu de motiver de la manière la plus explicite possible les variations apportées aux appréciations analytiques au regard du précédent rapport de notation.
30 Il convient de rappeler, en second lieu, que la Cour, ayant à connaître de dispositions proches de celles susmentionnées, a jugé que l' obligation de justifier toute variation par rapport à la notation antérieure vise à "permettre au fonctionnaire de connaître les raisons de la modification des appréciations analytiques, de vérifier la réalité des faits invoqués et, dès lors, de formuler, en vertu de son droit d' être entendu, des observations sur cette motivation. Le rapport de notation est entaché d' un vice de forme substantielle dès lors que le défaut de motivation a porté atteinte au droit du fonctionnaire d' être entendu. Il est donc sans pertinence que le fonctionnaire concerné n' aurait de toute façon - c' est-à-dire même si le notateur avait justifié ses appréciations - pu espérer bénéficier d' appréciations analytiques supérieures" (arrêts de la Cour du 16 décembre 1987, Turner/Commission, point 18, 178/86, Rec. p. 5367, et du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497). Dès lors, la Commission n' est pas fondée à soutenir que la motivation de la notation contestée, fournie dans un acte postérieur à l' introduction du recours, prive le requérant de son intérêt à soulever le présent moyen.
31 S' agissant, en troisième lieu, de la question de savoir si en l' espèce le notateur d' appel a satisfait ou non à son obligation de motiver la régression apparue dans les appréciations analytiques portées sous deux rubriques, il y a lieu de partir des constatations suivantes. Il ressort du dossier que la décision attaquée a confirmé définitivement l' attribution de la mention "très bon" sous les rubriques en cause, en ce qui concerne la période de 1985 à 1987, tandis que pour l' exercice précédent, de 1983 à 1985, le requérant avait obtenu la mention "excellent". Le notateur d' appel, dans sa note du 26 septembre 1989, adressée au directeur du personnel, a motivé ces modifications comme suit: "ces appréciations analytiques, qui étaient en légère régression par rapport aux précédentes, étaient dues au fait qu' au cours de la période concernée les fonctionnaires devant être assistés par le noté ont dû constater à plusieurs reprises que, dans l' exécution des travaux qui lui étaient confiés, il avait fait preuve d' une régularité des prestations et d' un sens de responsabilité qui ne pouvaient pas être définis comme 'excellents' ". Dans sa note du 10 novembre 1989, reçue par le requérant le 18 avril 1990, qui constitue la décision attaquée, le notateur d' appel, après avoir indiqué qu' il avait pris connaissance de l' avis émis par le comité paritaire des promotions, a confirmé de manière définitive sa notation initiale pour les raisons déjà exposées dans sa note du 26 septembre 1989, dont copie était jointe en annexe. La motivation de la régression apparue dans les appréciations analytiques doit ainsi être recherchée dans le texte de cette dernière note, qui fait partie intégrante de la décision attaquée et que le requérant n' a jamais contesté, ni vis-à-vis de l' administration ni au cours de la procédure devant le Tribunal, avoir reçue.
32 Le Tribunal constate que les explications fournies dans ladite note consistent à motiver la régression en cause par le fait que le requérant, pendant la période couverte par le rapport de notation, n' avait pas fait preuve de qualités exceptionnellement élevées, dans l' exécution des tâches d' assistance aux fonctionnaires responsables du comité Feder qui étaient notamment les siennes (voir la description détaillée des tâches du requérant en ce qui concerne la préparation et l' organisation du comité Feder et la rédaction des bulletins mensuels sur l' activité Feder figurant dans son rapport de notation de la période de 1985 à 1987). Le Tribunal considère que cette constatation factuelle constitue une motivation qui, bien que sommaire, est suffisante pour justifier la faible régression, de la note la plus élevée à celle immédiatement inférieure, apparue quant à l' appréciation de la régularité des prestations et du sens des responsabilités du requérant. Dès lors, il convient d' écarter le présent moyen comme non fondé.
Sur la demande en indemnité
33 S' agissant de ses conclusions en indemnisation, le requérant, qui s' est abstenu de les motiver dans sa requête, a prétendu dans sa réplique que, compte tenu de l' attitude de la défenderesse, il n' avait pu bénéficier de la possibilité de reconduire, pour la période de 1985 à 1987, le rapport établi pour la période de 1983 à 1985. De même, il ne pourrait bénéficier de cette possibilité pour la période de 1987 à 1989. Ces éléments seraient constitutifs d' un préjudice matériel. En outre, les inquiétudes suscitées par cette situation quant à l' évolution de sa carrière seraient constitutives d' un préjudice moral.
34 Face à de telles conclusions, le Tribunal estime qu' il convient de les rejeter, dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation, qui ont, elles-mêmes, été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées. Lesdites conclusions doivent également être rejetées comme irrecevables, même si on considère que le préjudice allégué par le requérant trouve son origine dans une faute de service indépendante de la décision faisant l' objet des conclusions en annulation, parce que celui-ci n' a pas saisi préalablement l' AIPN d' une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, invitant l' administration à réparer le préjudice subi.
35 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Il y a donc lieu d' ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.